C’est dans la surprise générale que Jeannette Jara s’est imposée avec un score de 60 % (825 835 voix) lors de la primaire de la coalition « Unité pour le Chili ». Ancienne ministre du Travail et de la Protection sociale du gouvernement de Gabriel Boric, figure majeure de la gauche, elle se projette dans un duel avec José Antonio Kast, le candidat de l’extrême droite, aux élections présidentielles de novembre-décembre 2025. Si son appartenance au Parti communiste a mis en émoi la presse conservatrice, qui agite le spectre de la terreur rouge, Jara affiche un visage de modération. Refusant de « promettre des miracles », elle propose un « chemin possible pour améliorer la vie des Chiliens et Chiliennes ». Pour son équipe, la tentation est forte d’adopter une ligne conciliatrice… au risque de reconduire au pouvoir une gauche impuissante face aux élites économiques ?
Née en avril 1974 à Conchali dans la région métropolitaine de Santiago, Jeannette Jara est fille d’un ouvrier (technicien en mécanique) et d’une mère au foyer. Cette diplômée de l’Université de Santiago a mis en avant son parcours populaire durant la campagne. Jara commence à militer au sein des Jeunesses communistes chiliennes à l’âge de 14 ans et devient, au cours des années 1990, une dirigeante étudiante de l’Université de Santiago aux côtés de la figure communiste Gladys Marín, candidate lors de l’élection présidentielle de 1999-2000 et très critique vis-à-vis du centre gauche au pouvoir. Cette première participation communiste à la présidentielle chilienne est décevante : elle n’obtient que 3% des voix à l’issue d’un scrutin largement remporté par la coalition de la Concertation [coalition de partis de centre-gauche et de centre-droit née de l’opposition au régime d’Augusto Pinochet, qui a ensuite gouverné le Chili en y appliquant des réformes essentiellement libérales NDLR].
Si Jara s’inscrit dans sa lignée en tant que seconde candidate communiste de l’histoire chilienne, ellen’a rien d’une marxiste orthodoxe. Elle prend notamment ses distances vis-à-vis de Cuba – « régime démocratique distinct du nôtre » – et du Venezuela – « régime autoritaire ». Ces déclarations, qui se veulent conciliatrices, ont cependant gêné les dirigeants du Parti communiste autant que ceux du centre-gauche chilien, à l’image de Carolina Toha, candidate du Parti pour la démocratie (PPD), qui la juge insuffisamment critique de ces expériences gouvernementales.
Incarner l’héritage de la gauche, d’Allende à Bachelet
Tout au long de sa campagne, Jeannette Jara a préféré mobiliser la mémoire de Salvador Allende et le bilan de la coalition de Michelle Bachelet. La candidate travaille ainsi à construire une mémoire oecuménique de la gauche chilienne, de ses expériences les plus radicales aux plus pragmatiques. Lorsqu’elle démissionne du ministère du Travail et de la Protection sociale en avril 2025 après avoir été désignée candidate par son parti, la communiste est la figure la plus à gauche du gouvernement Boric. Elle incarne un certain nombre de réformes sociales : réduction du temps de travail à 40 heures, augmentation du salaire minimum ou réforme des retraites introduisant une cotisation patronale de 8,5%.
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Celle-ci induit des avancées non négligeables, puisque les patrons étaient auparavant uniquement tenus de contribuer à hauteur de 1,38% (voire 1,5%) au sein d’une Assurance invalidité et survivants (SIS). Dans le détail, cette nouvelle cotisation est répartie entre une cotisation individuelle de 4,5% qui peut soit alimenter les Administrateurs de fonds de pension (AFP), soit le nouveau système de Sécurité sociale publique.
Le pensionné a le choix entre ces deux entités dans la gestion de sa capitalisation et peut faire hériter ou transférer cette capitalisation individuelle. Les 4% restants sont incorporés dans le nouveau système de Sécurité sociale administré par l’État et le Fonds autonome de protection des retraites (FAPP), qui permet d’assurer une nouvelle solidarité publique (orientée vers la réduction des inégalités de genre, des risques liés à la santé ou encore, la prise en charge des travailleurs précaires). Le nouveau système mixte chilien combine ainsi capitalisation individuelle et solidarité publique. Il corrige à minima les inégalités structurantes de l’ancien modèle en protégeant les plus précaires et en renforçant le rôle de l’État. Cette nouvelle cotisation permet en effet à ce dernier de garantir une aide publique de 250 dollars (soit 250 000 pesos), en complément de la Pension unique garantie (PUG) créée en 2018 et destinée aux plus de 65 ans.
Jara envisage de poursuivre cette pente réformiste, puisqu’elle s’est engagée ce lundi 14 juillet à mettre sur la table, en cas de victoire à la présidentielle et de majorité au Congrès, la suppression des AFPs1. La combinaison de ce volontarisme politique avec un bilan flatteur en la matière et un profil populaire assumé ont sans nul doute contribué à sa victoire. Sa propension à la construction de compromis et son leadership, qui l’ont amené à être comparée à l’ancienne présidente Michelle Bachelet, ont cependant tout autant pesé dans la balance – sans doute davantage que le caractère « communiste » de son projet2.
L’organisation de cette primaire, ne se sont cependant pas décidés en quelques mois : elle s’inscrit dans un processus entamé dès le début de la présidence Boric. Tandis que les quatre anciens présidents de centre gauche disposaient des coalitions électorales de la Concertation (1988-2010) et de la Nouvelle Majorité (2013-2018), le retour de la gauche au pouvoir s’est confronté à la division électorale entre la gauche du Front large (nouvelle gauche des années 2010 porteuse d’un discours plus radical que celui des forces composant traditionnellement la gauche chilienne) et le centre gauche lors des élections présidentielle et parlementaires de 2021.
Au-delà des renoncements de Gabriel Boric
Investi le 11 mars 2022, le jeune président de gauche Gabriel Boric subit un premier revers le 4 septembre de la même année. À l’issue d’une campagne ponctuée d’errances stratégiques et de maladresses, les chiliens rejettent alors largement une Constitution progressiste, censée mettre à bas l’héritage institutionnel de l’ère Pinochet. Rédigée par une majorité d’indépendants et des personnalités de gauche non partisane comme Elisa Loncón – première présidente élue de l’Assemblée constituante en juillet 2021 –, elle incarnait un horizon écologique, plurinational et d’État social. Deux jours après le scrutin, le 6 septembre, Gabriel Boric semble admettre une défaite majeure pour sa majorité politique (composée de la coalition de gauche radicale Approbation Dignité qui inclut notamment son parti Convergence sociale) puisqu’il nomme une majorité de ministres issus du centre-gauche.
Ce retour en force au sein du gouvernement du centre gauche – pourtant affaibli par les élections de 2021 (lors desquelles il obtient, avec seulement 815 429 voix, soit 11,60% des suffrages, son score le plus faible depuis le retour de la démocratie) – provoque la coexistence de deux « anneaux concentriques »3 ou « deux âmes »4 de gauche – pour reprendre les expressions utilisées par la presse chilienne – au sein du gouvernement de Gabriel Boric, partagé entre la coalition d’Approbation dignité (Gauche ou gauche radicale, Convergence sociale, Révolution démocratique, Fédération régionaliste verte sociale, Parti communiste) et la coalition du Socialisme démocratique (Centre gauche, Parti socialiste, Parti pour la démocratie, Parti radical, Parti libéral).
En octobre 2022, un mois après le remaniement, un comité politique des deux blocs appelle à un « conclave officiel » afin de définit une ligne gouvernementale cohérente. Il sonne le glas des ambitions réformatrices de Gabriel Boric. Mais il faut ajouter que dès son investiture, la nomination de ministres issus de l’establishment au poste des Affaires étrangères et de l’Économie verrouillaient déjà les perspectives de changement structurel…
Face à l’échec de la première Assemblée constituante de 2022, une seconde est créée par l’ensemble de ces partis politiques. En janvier 2023, dans la perspective des deuxièmes élections constituantes en deux ans, l’Alliance gouvernementale entame des négociations entre Approbation Dignité et le Socialisme démocratique. Cependant, le 1er février, après un mois de réunions et négociations, l’Alliance annonce que la gauche partira divisée lors de ce scrutin, deux partis du centre gauche espérant conquérir des électeurs centristes pendant la campagne et élargir ainsi le nombre d’élus de gauche.
La gauche est alors divisée entre la liste de centre gauche Tout pour le Chili (composée du Parti pour la démocratie, du Parti radical et du Parti démocrate-chrétien) et son homologue Unité pour le Chili (réunissant les partis de la coalition Approbation dignité, mais également le Partis socialiste et Libéral). À l’issue de l’élection, la gauche subit un revers qui permet paradoxalement au Parti républicain chilien – force d’extrême droite ultraconservatrice et ouvertement nostalgique du pinochetisme – de dominer un organisme dont la raison d’être est précisément de réécrire la constitution héritée de la dictature.
C’est face à ce désaveu que, le 9 octobre 2023, l’Alliance gouvernementale organise un nouveau conclave intitulé « Rencontre pour le Chili », en vue de relancer l’objectif de construire une stratégie électorale et coalition communes en vue des élections régionales et municipales de 2024. La nouveauté est que ce processus est également ouvert au Parti démocrate-chrétien cette fois-ci. Cela débouche sur la coalition Avec toi, pour un meilleur Chili (Chile Contigo Mejor) qui permet à la gauche de sauver les meubles, celle-ci perdant seulement trente mairies face à la droite de Chile Vamos, qui arrive en tête du scrutin. Un résultat qui aurait pu être aggravé sans l’unité entre la gauche et le centre gauche.
Dans la perspective des prochaines échéances électorales, la gauche ne souhaite pas reproduire les divisions de 2022/2023 et malgré le résultat en demi-teinte des scrutins de 2024, la gauche et le centre gauche signent un accord de coalition nommé Unité pour le Chili (Unidad por Chile) le 30 avril 2025. Une coalition qui remplace l’Alliance gouvernementale sur laquelle reposait la majorité fragile de Gabriel Boric depuis novembre 2022…
De quoi Jara est-elle le nom ?
C’est dans ce contexte d’une gauche unie mais en manque de personnalités marquantes, que la populaire ministre du Travail Jeannette Jara s’est imposée comme la candidate de son parti, malgré les velléités d’autres personnalités telles que l’ancienne ministre Camila Vallejo ou l’ancien maire Daniel Jadue. Le 8 avril 2025, la candidate communiste, tout juste désignée par son parti, se rend et débute sa campagne devant la statue de Salvador Allende, située place de la Constitution devant le palais de la Moneda à Santiago5. Dès cette prise de parole, le ton de la candidate est donné : un pragmatisme assumé combiné à une modération des propositions programmatiques.
Aidée par son charisme et un talent oratoire reconnu jusqu’à la presse conservatrice chilienne, Jara annonce : « ne pas promettre de miracles » mais propose un « chemin possible pour améliorer la vie des Chiliens et Chiliennes ». La candidate communiste accentue son programme sur le renforcement de l’État-providence : au travers d’un accès garanti aux soins essentiels, une attention portée à la santé mentale, un salaire minimum de 680 euros (soit 750 000 pesos, une hausse de 50%) et la construction de nouvelles lignes de train dans le nord du pays, désavantagé face à un sud déjà bien desservi6. L’ancienne ministre du Travail se démarque des autres candidats et insiste sur le fait que : « son histoire ne fait pas partie de l’élite » et cherche à construire un discours qui touche, non seulement les milieux urbains et favorisés, mais également les espaces ruraux7.
Pendant la campagne de la primaire, au travers des débats (le long du mois de juin) ou de leurs interventions publiques respectives, les invectives entre les deux candidates Jeannette Jara (PCCh) et Carolina Toha (PPD) se sont intensifiées. Au gré des différents sondages, la candidate du centre gauche concentre ses attaques sur Jara, estimant notamment qu’elle « représente un parti qui, là où il a régné dans le monde, a entraîné (…) l’extension de la pauvreté »8. L’équipe de campagne de la social-démocrate estiment que seul le centre gauche peut l’emporter au second tour de la présidentielle face à l’extrême droite, brandissant un argumentaire bien connu de modération et de pragmatisme.
De son côté, Jeannette Jara n’hésite pas à critiquer le bilan sécuritaire du gouvernement de Gabriel Boric, c’est-à-dire celui de Carolina Toha comme ancienne ministre de l’Intérieur, évoquant un manque d’actions quant à la formation des policiers (carabineros) et la lutte contre le trafic de drogue9.
Dès la publication des résultats de la primaire, l’ensemble des candidats déclarent cependant sans ambiguïté leur soutien à Jeannette Jara, respectent ainsi l’accord de coalition. Pendant son discours de victoire prononcé le 30 juin, Jara cite un certain nombre de personnalités ou figures historiques de la gauche : Clotario Blest (Figure de la gauche révolutionnaire), Eloísa Díaz (Féministe), Salvador Allende (Ancien président socialiste), Michelle Bachelet (Ancienne présidente socialiste), Luis Emilio Recabarren (Fondateur du Parti communiste chilien) ou encore Gladys Marín10. Cette série de références démontre le souhait de la candidate communiste d’embrasser la pluralité de la mémoire de la gauche chilienne.
Cependant, une force politique manque à l’appel de cette union de la gauche et du centre gauche rapidement constituée : les centristes du Parti démocrate-chrétien (PDC), pourtant acteurs clés du mandat de Gabriel Boric et plus globalement du centre-gauche chilien depuis le retour de la démocratie dans les années 1990. Le lendemain de la victoire de Jara, le président du parti, Alberto Undurraga, annonce ne pas souhaiter soutenir une candidature communiste, réitérant le fait que sa préférence penchait du côté de la candidate du Parti pour la démocratie (PPD), allié historique du PDC.
Dans les jours qui suivent cependant, 2 sénateurs, 1 député, 2 maires, ainsi que la secrétaire générale du PDC Alejandra Krauss, tous des cadres de l’aile gauche du Parti démocrate-chrétien (proches idéologiquement du PS ou du PPD), expriment leur soutien public à la candidature de Jeannette Jara11. Ces soutiens de certains démocrates-chrétiens rappellent les liens historiques entretenus par le Parti communiste avec les différentes coalitions de centre gauche (Concertation, Nouvelle Majorité), celui-ci ayant quasi systématiquement appuyé ces accords électoraux malgré de nombreuses critiques sur leurs politiques économiques. Les cadres de l’aile gauche du Parti démocrate-chrétien maintiennent ainsi une forme de pression vis-à-vis des plus centristes du parti dans l’attente de la décision qui doit être prise le 26 juillet lors d’un Conseil national12.
Dilemmes tactiques
D’ici-là, cet éventuel soutien interroge à la fois la stratégie de Jeannette Jara et des partis historiques : rassembler le plus d’étiquettes politiques, jusqu’à celle des centristes du Parti démocrate-chrétien (PDC), pour une large coalition dès le premier tour face à la droite et l’extrême droite ou se contenter de travailler à un soutien officieux pour ne pas trop compromettre son projet politique ? Afin de rassembler, la candidate communiste et les dirigeants du parti ont laissé fuiter pendant quelques jours la rumeur selon laquelle elle s’apprêterait à quitter le Parti communiste pour lui permettre de devenir uniquement la candidate de la coalition Unité pour le Chili.
Cependant, si ce geste pourrait permettre de rassembler plus largement, il serait quasiment inédit dans l’histoire de la gauche chilienne ; aucun des présidents de gauche n’a en effet quitté son parti, que ce soit pendant la campagne ou une fois au pouvoir, à l’exception du démocrate-chrétien Patricio Aylwin mais cette décision a été prise dans un contexte particulier puisqu’élu en janvier 1990, il s’agissait du premier président à accéder au pouvoir après la chute de la dictature militaire d’Augusto Pinochet13.
Cette rumeur n’a d’ailleurs finalement pas été confirmée et le fait que Daniel Jadue, poids lourd du parti, ait pris les devants pour annoncer publiquement cette éventualité pourrait être justement considéré comme une forme de pression exercée sur Jara en vue de faire avorter une décision aussi lourde de sens et limiter sa possible centrisation. Toujours est-il que le fait qu’un départ ait pu être envisagé traduit le caractère clivant d’un Parti communiste qui peut parfois diviser par ses propositions ou ses différentes critiques vis-à-vis du centre gauche au pouvoir, ce qui explique les réticences de nombre de cadres du parti démocrate-chrétien.
Ce dernier faisant cependant face à une crise existentielle causée par une hémorragie électorale sans précédent, il finira probablement, par pur pragmatisme, par convenir d’une liste parlementaire unique avec la coalition d’Unité pour le Chili14. Un accord qui, dans certaines régions et circonscriptions, pourrait être tout aussi fondamental pour cette dernière puisqu’il augmenterait la probabilité d’une majorité de gauche au Congrès de la République.
La victoire de Jeannette Jara, outre les raisons personnelles et de stratégie politique évoquées précédemment, s’explique également par la mort lente mais durable du centre gauche chilien, aujourd’hui incarné par la coalition du Socialisme démocratique. Les partis du centre gauche conservent leur force au Congrès en raison de leur implantation partisane et des élus historiques, mais sont hors de jeu de la présidentielle depuis 2021. Comme l’ont mis en avant certains observateurs de la campagne de la primaire, le centre gauche n’est plus que l’ombre de lui-même, sans aucune mesure phare et un héritage qu’il ne sait plus défendre15. Caractérisé par une logique de compromis visant à canaliser le néolibéralisme chilien sans le remettre fondamentalement en cause, celui-ci a en effet été remis en question par la gauche des années 2010 qui a fini par prendre le dessus sur ses prédécesseurs.
Le faible score obtenu par le candidat Gonzalo Winter, député membre du parti Front large duquel est issu le président Gabriel Boric, vient cependant tout autant nuancer la consécration de cette gauche des années 2010. Si le député de la région métropolitaine de Santiago, proche de Boric, s’est peu à peu effacé pendant la campagne face à la dynamique de Jeannette Jara, deux raisons principales structurent son échec : Gonzalo Winter s’est entouré, au sein de son équipe de campagne, des principaux penseurs de la gauche critique des années 2010, qui ont conduit à la création de partis tels que Convergence Sociale ou Révolution démocratique.
Autrement dit, Winter a nommé au sein de son équipe de campagne des proches historiques de Gabriel Boric tels que Francisco Arellano ou Felipe Valenzuela, qui ont conçu un discours « anticoncertationniste », c’est-à-dire ouvertement opposé à l’héritage du centre-gauche et à la ligne idéologique qu’il porte depuis les années 199016. Face à l’engouement rencontré par Jeannette Jara dans les universités et auprès de la jeunesse, séduite par un discours se voulant plus optimiste quant à l’avenir du pays, la rhétorique de Gonzalo Winter semblait usée et trop idéologique, preuve d’une certaine incapacité à marginaliser totalement la gauche de compromis. La seconde raison tient au gouffre entre la radicalité du discours de Winter et la tiédeur des réformes de Gabriel Boric – ainsi qu’à la désillusion consécutive à son mandat dont les seules avancées sociales sont précisément incarnées par… Jeannette Jara.
Dans les jours qui suivent la victoire de Jeannette Jara, une dynamique dans les sondages s’installe, la candidate communiste étant donnée en tête avec près de 25 à 30% des voix, soit quelques pourcentages de plus que le candidat d’extrême droite José Antonio Kast. Cependant, ce dernier terminerait, selon les mêmes enquêtes, en tête du second tour avec près de 46% des voix contre 34 ou 35 pour Jara. Celle-ci fait donc face au défi de parvenir à convaincre les abstentionnistes et les indécis. Ceux-ci représentent en effet pas moins de 20% des électeurs, signe que la gauche a tout intérêt à élargir sa base électorale sans sacrifier ses propositions sociales ambitieuses.
Dans les prochaines semaines, plusieurs défis vont s’ouvrir pour Jeannette Jara : celle-ci pourrait choisir de modifier son programme politique et économique pour l’adapter aux exigences du centre gauche et convaincre ainsi plus de partis de rallier la coalition présidentielle, voire construire une liste parlementaire unique. Au risque de sacrifier ses ambitions initiales, et d’incarner une continuité avec un système oligarchique largement rejeté ?
Notes :
1 Ailyn Astorga, «“Teniendo un parlamento que me apoye, voy a promover el fin de las AFP”: Jeannette Jara habló sobre su propuesta para ser presidenta », El Pais Chile, 14 juillet 2025
2 Antonia Laborde, « Jeannette Jara, la ministra de Boric que explota un liderazgo similar al de Bachelet », El Pais Chile, 27 mars 2025.
3 Martín Browne, « Segunda etapa: Boric comienza a despedirse de su diseño original del gabinete », La Tercera, 29 août 2022
4 Alex von Baer, « Poner fin a tensiones entre las dos almas del Gobierno: el diseño de La Moneda para cónclave de Boric con parlamentarios », Ex-Ante, 24 mars 2022
5 PubliMetro, « Jeannette Jara en modo candidata: “Chile necesita un liderazgo que no mire desde arriba”», 8 avril 2025
6 Mathieu Dejean, « Au Chili, les défis de la communiste Jeannette Jara pour battre l’extrême droite », Mediapart, 6 juillet 2025
7 Shelmmy Carjaval, « Jara marca su primera actividad como candidata del PC con mención a Allende y la promesa de “avanzar sin renunciar a los principios” », La Tercera, 8 avril 2025
8 CNN Chile, « El duro dardo de Carolina Tohá a Jeannette Jara y al PC: “Donde han gobernado los países se han estancado socialmente y ha cundido la pobreza” », 16 juin 2025
9 Alonso Aranda, « Duro cruce por seguridad entre Jara y Tohá marca nuevo debate del oficialismo en antesala de primarias », La Tercera, 3 juin 2025
10 Partido Comunista de Chile, Discurso de Jeannette Jara tras triunfo en la primaria presidencial de Unidad por Chile: «Vengo con la garantía que trabajaré incansablemente por nuestro país», 30 juin 2025
11 Daniel Lillo, « La arremetida de líderes de la DC para conseguir el apoyo a Jara y la fuerte división interna que podría desatar masiva renuncia de militantes », El Dinamo, 2 juillet 2025
12 Anibal Torres Duran, « Apoyo o no a Jara: la controversia dentro de la DC Biobío previo a la junta nacional », Diario Concepcion, 5 juillet 2025
13 Fundacion Patricio Aylwin, « Tengo que responder a todos los chilenos y no solo a la DC », 19 janvier 1990
14 Nuevo Poder, « Senador Flores (DC) cree posible lista única si hay generosidad partidaria », 4 juillet 2025
15 La Tercera, « El fracaso político del Socialismo Democrático », 6 juillet 2025
16 Jorge Palacios, « La cadena de errores que llevó al fracaso la candidatura de Winter y que dejó al Frente Amplio relegado al tercer lugar », The Clinic, 30 juin 2025