25.02.2025 à 06:00
Soudan : Un groupe armé allié aux militaires a attaqué un village
(Bruxelles, le 25 février 2025) – Les Forces du Bouclier du Soudan, un groupe armé qui se bat aux côtés des Forces armées soudanaises (FAS, ou SAF en anglais), ont intentionnellement ciblé des civils lors d’une attaque le 10 janvier 2025, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.
L’attaque contre le village de Tayba dans l’État de Gezira (Al-Djazira), dans la région centrale du Soudan, a fait au moins 26 morts, y compris un enfant, et de nombreux blessés. Le groupe armé a aussi pillé de façon systématique les biens des civils, notamment leurs réserves de nourriture, et incendié les maisons. Ces actes constituent des crimes de guerre ; certains d’entre eux, comme le massacre délibéré de civils, peuvent même constituer des crimes contre l’humanité.
« Des groupes armés combattant aux côtés des Forces armées soudanaises se sont livrés à des violences à l’encontre de civils lors de leur dernière offensive dans l’État de Gezira », a déclaré Jean-Baptiste Gallopin, chercheur senior auprès de la division Crises, conflits et armes de Human Rights Watch. « Les autorités soudanaises devraient enquêter d’urgence sur toutes les violences signalées et s’assurer que les responsables, y compris les commandants des Forces du Bouclier du Soudan, rendent des comptes. »
Carte : emplacement de Tayba Click to expand Image Carte montrant l’emplacement de Tayba, le village attaqué par les Forces du Bouclier du Soudan le 10 janvier 2025. Ce village est situé dans l’État de Gezira (Al-Djazira), au sud-est de Khartoum, la capitale du Soudan. © 2025 Human Rights WatchL’attaque du 10 janvier s’est produite dans le cadre d’une nette hausse des attaques dues à des groupes et milices affiliés aux FAS à l’encontre de communautés vivant dans l’État de Gezira et d’autres zones que l’armée a reprises aux Forces de soutien rapide (FSR, ou RSF en anglais) depuis janvier 2025. Des assaillants armés, dont des Forces du Bouclier du Soudan, du bataillon islamiste Al-Baraa Ibn Malik et de milices locales, ont ciblé des communautés qu’apparemment ils considéraient comme soutenant les FSR, une force armée autonome qui est en conflit contre les FAS depuis avril 2023. Les FAS ont repris le chef-lieu de l’État de Gezira, Wad Madani, le 11 janvier.
Des chercheurs de Human Rights Watch ont mené des entretiens avec huit personnes rescapées de l’attaque de Tayba qui ont également été témoins d’événements clés liés à cette attaque. Les chercheurs ont également analysé des images satellite, des photographies et des vidéos fournies par les survivants, où l’on pouvait voir les corps sans vie d’une partie des personnes ayant été tuées, des dégâts dus aux incendies allumés par les assaillants, des tombes de victimes et une liste de treize personnes tuées. Un comité d’habitants de Tayba mis en place pour dénombrer les victimes a confirmé que 26 personnes avaient été tuées.
Dans le village de Tayba, situé à 30 kilomètres à l’est de Wad Madani, dans le district d’Oum al-Qura, vivent surtout des membres des ethnies Tama, Bergo et Mararit, originaires de l’ouest du Soudan. Ce type de communautés d’agriculteurs, formées majoritairement de groupes ethniques non arabes de l’ouest et du sud du Soudan, et qui se sont installées dans la zone il y a quelques décennies, sont appelées « kanabi ». D’autres communautés kanabi ont subi des attaques ces dernières semaines.
Un homme de 60 ans a témoigné que des tireurs en tenues de camouflage vertes et conduisant des Toyota Land Cruiser lui avaient tiré dessus à faible portée. « Ils ont crié ‘Stop !’ puis m’ont tiré dessus avec une kalachnikov, dans les reins », a-t-il déclaré. Un homme ayant assisté à la scène a rapporté qu’il avait entendu les agresseurs proférer des insultes racistes, du type « Espèce d’esclave ! », pendant qu’ils tiraient.
D’après une femme, « ils [...] sont entrés dans la maison où nous étions et ont demandé où étaient nos maris. Puis ils se sont mis à menacer tout le monde en disant qu’ils allaient s’en prendre à nous et à nos maris. » Elle se souvient que les hommes criaient : « Vous ne savez pas qui sont les troupes de Keikel ? Vous ne savez pas qui nous sommes ? », faisant référence à Abou Akla Keikel, le chef des Forces du Bouclier du Soudan.
En 2022, Abou Akla Keikel a constitué les Forces du Bouclier du Soudan en 2022 en recrutant essentiellement dans les communautés arabophones de l’État de Gezira. Ce groupe s’est battu aux côtés des FAS entre avril 2023 et août 2023, avant de faire défection en passant dans le camp des FSR. Mais en octobre 2024, Keikel et son Bouclier du Soudan sont revenus combattre pour les FAS. En réaction, les FSR se sont livrées à une vague d’attaques contre les communautés qu’elles jugeaient fidèles à Keikel, commettant nombre d’atrocités, notamment des violences sexuelles généralisées contre les femmes et les filles. Alors que, depuis janvier, l’armée soudanaise est en train de reprendre le contrôle de l’État de Gezira et d’autres zones du pays, ce sont les civils qui paient le prix des violences qui sont commises en représailles, cette fois de la part des forces affiliées aux FAS, qui les accusent d’avoir collaboré avec les FSR lorsqu’elles contrôlaient ces régions.
Les témoins de Tayba ont déclaré que les véhicules militaires portaient les mots « Bouclier du Soudan » et ont décrit un emblème qui semble correspondre à celui de ce groupe. Ils ont également décrit le pillage et le vol généralisé d’argent, de nourriture et de cheptel, dont 2 000 têtes de bétail. Tous les témoins ont déclaré que les gens du village n’avaient aucune arme à feu, qu’ils n’ont pas résisté à l’attaque du 10 janvier et n’étaient pas en mesure de le faire.
Click to expand Image Un pick-up transportant des membres des Forces du Bouclier du Soudan, dont l’emblème est visible sur le pare-brise, suivi d’autres véhicules dans un lieu non identifié. Photo publiée sur la chaîne Telegram Sudanshield0, le 28 novembre 2024.Les vidéos reçues et vérifiées par Human Rights Watch corroborent les récits de l’attaque de Tayba et contiennent aussi des preuves de crimes commis dans d’autres endroits de l’État de Gezira à la même période. Des vidéos, géolocalisées à Wad Madani, qui sont apparues sur les médias sociaux montrent des combattants affiliés aux FAS se livrant à des tortures et des exécutions extrajudiciaires à l’encontre de personnes non armées. Lorsque des meurtres de Sud-Soudanais par des forces affiliées aux FAS ont été rapportés à Wad Madani, de violentes représailles ont ciblé des civils soudanais au Soudan du Sud, ce qui a déclenché une crise diplomatique entre le Soudan et le Soudan du Sud.
Le meurtre et la mutilation de civils, le pillage ainsi que le fait de cibler et détruire des biens civils constituent autant de crimes de guerre. En vertu de la doctrine de la responsabilité du commandement, les chefs militaires peuvent être tenus responsables des crimes de guerre commis par leurs subordonnés des forces armées ou par d’autres combattants sous leur contrôle.
Les FAS ont condamné les violences commises dans l’est de l’État de Gezira, tout en les décrivant comme des « transgressions individuelles », et déclaré qu’ils tiendraient leurs auteurs pour responsables. Au lendemain de l’attaque de Tayba, les habitants ont déclaré que des enquêteurs du gouvernement s’étaient rendus sur place pour interroger des témoins clés. Par ailleurs, des témoins ont déclaré que des véhicules de la Force conjointe des mouvements de lutte armée, une coalition de groupes armés majoritairement darfouriens qui est affiliée aux FAS, ont été déployés à Tayba afin de protéger la population. Pourtant, depuis l’attaque, des généraux des FAS, dont le général Yasir Al-Atta, qui siège au Conseil de souveraineté, l’entité au pouvoir, se sont montrés en public avec Keikel et ont loué sa contribution à l’effort de guerre.
Les FAS devraient enquêter sur l’attaque de Tayba et sur les autres violences commises par les groupes armés et milices qui leur sont affiliés, publier les conclusions de ces investigations et prendre des mesures en vue de poursuivre les responsables, y compris les commandants, a déclaré Human Rights Watch. En attendant les résultats de cette enquête, les FAS devraient suspendre Keikel et les autres chefs principaux du Bouclier du Soudan.
« Diverses preuves montrent clairement que des forces affiliées aux FAS sont responsables de meurtres horribles et d’atrocités à l’encontre de civils », a conclu Jean-Baptiste Gallopin. « Les acteurs internationaux, dont les États-Unis, l’Union européenne et le Royaume-Uni, devraient soutenir activement des initiatives permettant de réellement protéger les civils au Soudan, et infliger rapidement des sanctions aux responsables, y compris Abou Akla Keikel. »
Pour davantage d’informations sur les violences commises à Tayba, sur la région et sur les Forces du Bouclier du Soudan, veuillez lire ci-dessous.
L’attaque de TaybaLa première attaque contre Tayba date du 9 janvier. Les Forces du Bouclier du Soudan sont entrées dans le village voisin d’Al-Mugharba et, selon un témoin, il y a eu des combats près de Tayba ce jour-là. Tayba a été visée dans l’après-midi par des armes explosives, ce qui a poussé certaines personnes à s’enfuir et passer la nuit dans les champs. Il n’y a pas eu de victimes. Deux personnes ont témoigné avoir vu des drones survoler Tayba en fin d’après-midi.
Les habitants sont revenus le lendemain matin. Vers 9 ou 10 heures du matin, des motos et des Toyota Land Cruiser équipées de mitrailleuses lourdes DShK 12.7 mm sont entrées dans le village. « Les gens s’en allaient au marché, ou en revenaient », a relaté une jeune femme rescapée de l’attaque. « Les enfants jouaient dehors [...] Et tout à coup [...], des [combattants sur des] véhicules ont attaqué le village et les gens ont commencé à crier et à courir [...]. Les enfants avaient très peur ! »
Les témoins ont rapporté que les hommes montés sur les véhicules tiraient sur les gens sans raison et incendiaient les maisons, pendant que les hommes du village s’enfuyaient vers la campagne. Les assaillants sont restés au village pendant à peu près une heure, avant de se retirer, ont témoigné des villageois. Personne au village n’avait d’arme et personne n’a cherché à résister.
Vers deux heures de l’après-midi, alors que les gens étaient sortis de leurs cachettes et se préparaient aux funérailles des victimes, des forces armées en uniforme militaire, montées sur les Land Cruiser et des motos, ont à nouveau attaqué le village. « Tout le monde s’est mis à courir », a témoigné un rescapé. Les hommes armés « tiraient sur les maisons », d’après un témoignage. « Il y a eu beaucoup de gens tués. » Cette fois encore, personne n’a résisté.
Un homme a témoigné qu’il avait compté onze véhicules militaires qui entraient dans le village par l’est et que davantage de véhicules étaient venus d’autres directions. Au total, d’après lui, il y avait 25 véhicules militaires, flanqués d’une poignée de voitures ordinaires et de camions. De l’endroit où il se cachait, il a vu des hommes armés abattre un homme dans la rue, près d’une épicerie.
Un autre témoin a rapporté qu’il avait vu des hommes en uniforme militaire tirer sur des gens, à environ 200 mètres de là où il se trouvait, en train de s’enfuir vers les champs. « Tous ces véhicules militaires circulaient dans tous les sens [...] dans le village en tirant [...] au hasard sur les hommes », a-t-il déclaré.
Une jeune femme a déclaré qu’elle avait vu le corps sans vie d’un homme, un berger âgé d’une trentaine ou quarantaine d’années, appelé Adam et surnommé « Gelenki ». Elle a rapporté que « [les assaillants] ne tuaient pas les femmes, mais les arrêtaient, les fouillaient et leur ordonnaient de leur donner tout ce qu’elles avaient sur elles. Mais s’ils tombaient sur un homme ou un adolescent [...], il se faisait tuer sur le champ ».
Les hommes armés sont entrés dans les domiciles, à la recherche d’hommes et de garçons. Une femme a déclaré que son fils adulte s’était enfermé chez lui, mais que les combattants avaient tiré sur la porte avec une mitrailleuse DShK, le blessant aux fesses.
Selon deux autres témoins, des hommes armés ont mis le feu à des domiciles et des biens à l’aide de briquets. Une jeune femme a déclaré : « J’ai vu trois hommes entrer dans une maison, un briquet à la main. Ils entrent, ils ressortent. S’ils ne trouvent rien à voler, ils sortent et avant de s’en aller, ils se servent d’un briquet pour incendier la maison [...]. Dans les cases faites à base de paille, le feu se propage très facilement. » Un homme a témoigné que le fils de son cousin, un garçon d’environ 15 ans nommé Moussa Souleïman Moussa Yahya, avait été tué, et son petit frère âgé de 8 ou 9 ans, gravement blessé, lorsque les combattants avaient mis le feu à la maison où les garçons avaient trouvé refuge. Des bâtiments brûlaient toujours lorsque les assaillants ont quitté les lieux dans la soirée du 10 janvier, a affirmé un troisième habitant.
Les images satellite de haute résolution datant du 22 janvier analysées par Human Rights Watch montrent une douzaine de bâtiments calcinés dans la partie ouest du village. L’observation d’images satellite de faible résolution confirment qu’ils ont bien été brûlés le 10 ou le 11 janvier.
Click to expand Image Une des photographies envoyées par un habitant de Tayba, montrant selon lui une maison incendiée par les Forces du Bouclier du Soudan lorsqu’elles ont attaqué ce village, le 10 janvier 2025. © 2025 PrivéLors de l’attaque, les Forces du Bouclier du Soudan, ainsi que des tireurs habillés en civil, ont systématiquement pillé le village. Une femme a déclaré avoir vu des personnes en civil, qu’elle a décrits comme « des Arabes », voler du bétail en le faisant monter dans un grand camion, dans son quartier situé au sud du village. Un homme qui s’est caché dans une maison ce matin-là a témoigné avoir vu des hommes armés vêtus de robes traditionnelles – il pense que c’étaient des Arabes d’un bourg voisin – dérober du bétail pendant que l’attaque était en cours. Deux témoins ont déclaré qu’ils avaient vu des hommes armés emmener des bêtes hors du village et que ces hommes leur avaient tiré dessus.
D’après deux témoignages, les Forces du Bouclier du Soudan ont également fait prisonniers des villageois ce jour-là. Après s’être enfui du village en voiture, un des témoins est tombé sur un homme qu’il a reconnu – d’après lui, « un des hommes de Keikel » – et qui roulait dans un véhicule avec trois autres hommes. Les quatre hommes étaient armés. D’après ce rescapé, les hommes l’ont accusé de travailler pour les FSR et se sont emparés de lui en lui attachant les mains et en lui bandant les yeux. Un éleveur local, qui était à proximité, aurait alors lancé aux hommes : « Pourquoi vous vous embêtez à le faire prisonnier, pourquoi vous ne le tuez pas tout de suite ? » Les assaillants l’ont ensuite emmené dans un camp des Forces du Bouclier, où il a vu des véhicules marqués de l’emblème du groupe, mais l’ont relâché le lendemain matin.
Identification des assaillantsDes habitants ont témoigné qu’ils avaient vu sur les véhicules le nom et l’emblème du Bouclier du Soudan.
Click to expand Image L’emblème des Forces du Bouclier du Soudan, où figurent deux fusils de type M16 croisés. Publié sur la page Facebook des Forces du Bouclier du Soudan, le 6 décembre 2022.Les témoins ont expliqué que les uniformes des assaillants étaient les mêmes ou similaires à ceux de l’armée, c’est-à-dire des tenues de camouflage vertes. Deux témoins ont par ailleurs identifié, parmi les attaquants, des villageois arabophones locaux qui avaient rejoint les Forces du Bouclier du Soudan.
Des contenus publiés par les Forces du Bouclier du Soudan sur les médias sociaux le jour de l’attaque prouvent que le groupe était présent dans cette zone. Human Rights Watch a vérifié deux vidéos publiées le 10 janvier par le groupe Facebook des Forces du Bouclier du Soudan, qui montrent le commandant Keikel dans le bourg d’Oum al-Qura, à sept kilomètres de Tayba en direction du sud-ouest.
Click to expand Image Capture d’écran d’une vidéo géolocalisée publiée sur une chaîne Telegram pro-Bouclier du Soudan, qui montre le chef militaire Abou Akla Keikel, entouré de ses troupes des Forces du Bouclier du Soudan, dans le district d’Oum al-Qura où se situe le village de Tayba. Chaîne Telegram Sudanshield0, 10 janvier 2025. Conséquences de l’attaqueNombre de personnes tuéesLe soir du 10 janvier, des corps sans vie d’hommes et de garçons gisaient dans tout le village. Un homme a témoigné avoir trouvé douze corps de personnes qu’il connaissait. Le premier était le cadavre d’un homme presque octogénaire du nom de Komar, qui avait un problème de santé mentale, touché par une balle près du cœur. Puis il a trouvé un groupe de cinq corps ; plus loin, les corps égorgés d’un enseignant d’une école coranique appelé Cheikh Malik et de l’un de ses élèves.
Puis il a trouvé deux autres jeunes hommes, l’un atteint d’une balle dans le cœur, l’autre dans la tête, ainsi qu’un quadragénaire appelé Mohammed et surnommé Abou Zaïr, atteint à la poitrine et au bras. Enfin, le même homme a retrouvé la dépouille calcinée de Moussa, l’adolescent qui était mort dans une maison en feu.
Click to expand Image Photographie d’une liste de treize noms de personnes qui ont été tuées lors de l’attaque de Tayba, au Soudan, le 10 janvier 2025. © 2025 PrivéLe soir du 10 janvier, les villageois de Tayba ont mis en place un comité chargé de compter les morts. Ses membres ont dénombré et rassemblé les dépouilles, puis pris des photos en les plaçant les unes à côté des autres, pour arriver au total de 26 personnes tuées. La plupart des victimes étaient des agriculteurs.
Des habitants ont enterré les corps des victimes dans la soirée du 10 janvier, puis le 11 janvier, dans au moins trois tombes. Human Rights Watch a géolocalisé les photos et les vidéos de deux tombes dans le cimetière situé au centre du village. Elles ne sont pas visibles sur l’imagerie satellite du 28 décembre 2024, alors qu’on les distingue bien sur celle du 22 janvier. Un autre témoin a rapporté qu’il avait pris part à l’enterrement de trois personnes à la périphérie du village.
Le 11 janvier, des hommes armés en civil sont arrivés et ont procédé à un pillage en règle de la région. Un villageois a estimé que deux milliers de têtes de bétail avaient été dérobées, ainsi que de l’argent et les réserves de pain et de fèves du village.
Réaction des FASAu cours de la soirée du 12 janvier, une délégation des FAS et de la Force conjointe des mouvements de lutte armée – une coalition de groupes armés affiliés à l’armée, majoritairement originaires du Darfour – est arrivée à Tayba en réponse aux appels à l’aide des habitants. Les militaires ont apporté de la viande pour nourrir le village, d’après le témoignage d’un villageois. Ils ont entrepris à plusieurs reprises de chasser des pilleurs. Un officier, a-t-il été rapporté, a promis que « les criminels seraient punis [...] conformément à la loi ».
La Force conjointe a ensuite fourni une escorte armée à un véhicule civil qui transportait des blessés et des malades jusqu’à l’hôpital de la ville d’Al-Fao, à 52 kilomètres vers le sud-est, dans l’État voisin de Gedaref (Al-Qadarif). Une fille de 13 ans, qui était malade, est décédée pendant le trajet. Vingt-trois autres personnes blessées, a-t-il été rapporté, sont restées à Tayba car il n’y avait plus de place dans le véhicule civil.
Le 21 janvier, des enquêteurs du gouvernement sont venus dans le village pour interroger les habitants, ont relaté deux témoins. Au moins deux suspects ont été arrêtés par la suite, a rapporté un villageois. Cependant, les autorités n’ont annoncé aucune poursuite de l’affaire et des généraux de haut rang ont continué à apparaître au côté de Keikel.
D’après les habitants, les membres de la Force conjointe, qui est toujours déployée à Tayba, leur ont assuré qu’ils les protégeraient. « Ils disent qu’ils resteront trois mois, et nous l’espérons, car s’ils partent, cela pourrait mal tourner », a estimé un villageois.
L’attaque, mais aussi le pillage généralisé et les destructions, ont aggravé la situation humanitaire du village déjà tendue, ont expliqué les habitants.
Le village de TaybaTayba a été fondée en 1973 pour héberger la main-d’œuvre venue travailler dans le cadre du nouveau Projet agricole de Rahad. Aujourd’hui, un millier de familles y vivent, d’après un villageois. Il s’agit d’une des nombreuses communautés dites « kanabi », composées de travailleurs agricoles, souvent issus de communautés non arabophones qui sont venues d’autres régions pour ce type de projets d’agriculture.
Jusqu’à l’attaque de janvier, Tayba se situait près de la ligne de front du conflit entre les FSR et l’armée. La position la plus proche des FSR se situait dans la ville d’Oum al-Qura, tandis que les FAS contrôlaient le Village 39, à environ huit kilomètres vers le sud-est. Des informations issues de l’ACLED, une organisation qui collecte des données sur les conflits du monde entier, montre que les alentours d’Oum al-Qura ont été le théâtre de combats épisodiques, depuis le déclenchement de la guerre en 2023, et que la ville a changé de mains plusieurs fois.
Les combats se sont intensifiés à partir de novembre 2024, jusqu’à ce que les FAS s’emparent de la ville le 10 janvier. Les données de l’ACLED montrent qu’en octobre 2024, lorsque Keikel a fait défection en passant aux FAS, les FSR ont ciblé de nombreux villages de la région, perçus comme des soutiens des Forces du Bouclier du Soudan.
Les habitants de Tayba ont subi de plus en plus d’actes de harcèlement de la part des communautés arabophones voisines au cours des mois précédant l’attaque. D’après les villageois, les « mobilisés », des groupes de résistance entraînés et formés par les FAS, ont harcelé les villageois, les ont empêchés de se rendre dans la ville d’Al-Fao, ont perturbé leurs moyens de subsistance et leur ont volé du bétail.
Fin décembre, par exemple, une voiture emmenant des malades à l’hôpital d’Al-Fao n’avait pas pu partir à temps, d’après un témoin, et un enfant malade était décédé à son arrivée à l’hôpital. Les menaces contribuaient aussi à une grave pénurie alimentaire dans le village, a expliqué un témoin.
Deux habitants ont déclaré que deux semaines avant l’attaque du 10 janvier, ils avaient été menacés par un homme qu’ils ont décrit comme un « chef » local du Bouclier du Soudan au Village 39. « Vous devez partir d’ici et rester à Tayba », leur avait-il lancé, d’après un des témoins. « Il a menacé [...] de brûler et d’attaquer Tayba. » « Il a dit qu’il avait adhéré au Bouclier [du Soudan] dans le seul but de se débarrasser de Tayba une fois pour toutes », a ajouté l’autre témoin.
Deux villageois ont affirmé que les Forces du Bouclier du Soudan avaient traversé Tayba en décembre, lors de leur première offensive sur Oum al-Qura, et qu’elles avaient alors frappé et enlevé certains villageois, les accusant, d’après ces témoins, de collaborer avec les FSR. Certaines de ces personnes sont toujours disparues. Un des témoins a précisé que ces troupes étaient menées par le frère de Keikel, Azzam.
Les Forces du Bouclier du SoudanEn 2022, Abou Akla Keikel, qui était alors un ancien militaire, a créé les Forces du Bouclier du Soudan. Keikel a rangé ses troupes du côté des FAS en avril 2023, avant de passer du côté des FSR en août. En décembre, le commandant des FSR, Mohammed Hamdan Dagalo, alias Hemedti, a nommé Keikel commandant en chef des FSR dans l’État de Gezira.
Depuis, Keikel a maintenu une forte présence dans l’est de l’État de Gezira, facilité par un recrutement au sein des communautés locales. Trois habitants de Tayba ont affirmé que les Forces du Bouclier du Soudan présentes dans la zone avaient recruté dans les communautés arabophones, qui d’après eux revendiquent un droit historique sur ces terres.
Keikel a rejoint à nouveau les FAS en octobre 2024, revêtant l’uniforme des FAS et conservant son rang de major général. Il est apparu en public au côté du général Abdelfattah al-Burhan, le commandant en chef des FAS, lorsque celui-ci s’est rendu sur le front le 15 décembre. En janvier 2025, Radio Dabanga a rapporté que les Forces du Bouclier du Soudan avaient joué un « rôle majeur » dans les combats qui se sont déroulés dans l’État de Gezira et dans la ville de Nil Est, près de Khartoum.
Click to expand Image Yasir Al-Atta, un général des Forces armées soudanaises (FAS), prononçait un discours le 19 janvier 2025, neuf jours après l’attaque menée par les Forces du Bouclier du Soudan à Tayba. Derrière lui se trouvait Abou Akla Keikel (deuxième à partir de la droite), le chef des Forces du Bouclier du Soudan. Le général Al-Atta a déclaré : « À présent, l’armée soudanaise, la police soudanaise, les services de renseignement et de sécurité soudanais, la Force conjointe, le Bouclier du Soudan et la Résistance populaire soudanaise, tout cela, c’est le peuple soudanais, tout cela, c’est l’armée du Soudan. » Publié sur la page Facebook des Forces du Bouclier du Soudan le 19 janvier 2025.Le 14 janvier, les Forces du Bouclier du Soudan ont rejeté les accusations portant sur leur implication dans des violences à l’égard des communautés kanabi et exprimé leur soutien aux enquêtes menées par les FAS.
Depuis l’attaque de Tayba, des officiers de haut rang des FAS, dont Al-Atta et le major général Awad Al-Karim, qui commande la première division de l’armée, sont apparus au côté de Keikel en plusieurs occasions.
Click to expand Image Le chef militaire Abou Akla Keikel (à droite), les épaulettes ornées de l’insigne de liwa’ (major général), assis à côté du général des FAS Abdelfattah Al-Burhan. Les deux hommes étaient vêtus de l’uniforme des FAS, sur cette photo publiée sur la page Facebook des Forces du Bouclier du Soudan, le 23 décembre 2024. Recommandations :Les FAS devraient enquêter sur l’attaque de Tayba et sur toutes les autres violences commises par les groupes armés et milices qui lui sont affiliés, publier les résultats de l’enquête et demander des comptes aux responsables. En attendant les résultats de cette enquête, les FAS devraient suspendre Abou Akla Keikel et les autres principaux chefs du Bouclier du Soudan.Les FAS devraient publier une clarification su sujet de leurs liens, en précisant quelle est la chaîne de commandement, avec les Forces du Bouclier du Soudan et les autres groupes armés et milices qui leur sont affiliés.Les Nations Unies, l’Union africaine et les autres organisations régionales, telles que l’Autorité intergouvernementale pour le développement, devraient appuyer de toute urgence le déploiement d’une mission à même de protéger les civils soudanais.Tous les États membres de l’ONU devraient pleinement soutenir la Mission internationale indépendante d’établissement des faits pour le Soudan, et coopérer avec elle, notamment en s’assurant qu’elle dispose des ressources nécessaires pour mener à bien son mandat, en facilitant son accès au terrain sans réserve pour ses enquêtes et en appliquant ses recommandations.Les États-Unis, l’Union européenne, le Royaume-Uni, entre autres pays, devraient soutenir activement des initiatives permettant de réellement protéger la sécurité physique des civils au Soudan et infliger des sanctions ciblées – dont l’interdiction d’entrée sur leur territoire et le gel des avoirs – aux commandants, responsables et chefs de milice impliqués dans des crimes graves au Soudan.
24.02.2025 à 17:55
La reddition des comptes en RD Congo n'a que trop tardé
Jusqu'à présent, la réponse internationale à l'escalade rapide de la crise dans l'est de la République démocratique du Congo, où le groupe armé M23, soutenu par le Rwanda, a commis de nombreuses graves exactions, s'est limitée à de simples paroles.
Mais jeudi dernier, le gouvernement des États-Unis a imposé des sanctions financières et matérielles au ministre d'État rwandais et ancien commandant militaire, le général James Kabarebe, ainsi qu'à Lawrence Kanyuka Kingston, un ressortissant congolais qui est le porte-parole de l'Alliance Fleuve Congo (AFC), une coalition politico-militaire dont fait partie le M23.
La résurgence du M23 à la fin de l'année 2021 a exposé les civils à des bombardements sans discernement et à des meurtres, à des violences sexuelles généralisées, à des déplacements forcés et à d'autres violations du droit de la guerre commises par toutes les parties au conflit. Il est évident que les troupes rwandaises opèrent activement aux côtés du M23 et qu'elles ont joué un rôle crucial dans les avancées de ce groupe armé depuis janvier. La situation humanitaire de la région est devenue de plus en plus grave.
James Kabarebe a joué un rôle de premier plan dans les actions militaires abusives du Rwanda dans l'est de la RD Congo depuis 1996. En 2012, il commandait le M23 lorsque celui-ci a pris Goma, la capitale de la province du Nord-Kivu, selon les Nations Unies. Son rôle dans la coordination du soutien rwandais au M23 se poursuit aujourd'hui. Lawrence Kanyuka a joué un rôle clé dans les relations publiques du M23/AFC.
Mais la faible réaction de la communauté internationale à l'égard du Rwanda et du M23 n'a fait que les enhardir. La semaine dernière, leurs forces ont pris Bukavu, la capitale provinciale du Sud-Kivu. Cette semaine, elles ont avancé sur Uvira, une ville stratégiquement située plus au sud. Nous continuons à recevoir des informations sérieuses et crédibles faisant état de meurtres ciblés dans les nouvelles zones contrôlées par le M23.
Les sanctions des États-Unis envoient un message fort indiquant que le pays prend enfin au sérieux la situation dans la région des Grands Lacs. D'autres pays concernés, notamment le Royaume-Uni, ainsi que l'Union européenne, qui a convoqué l'ambassadeur du Rwanda vendredi pour lui demander d'agir, devraient leur emboîter le pas. Une première étape consisterait à sanctionner les commandants de haut rang impliqués dans des violations dans l'est de la RD Congo ainsi que les responsables rwandais derrière le M23.
Ils devraient également étendre les sanctions aux hauts fonctionnaires congolais impliqués dans des abus, étant donné que l'armée congolaise et ses alliés ont également commis de graves violations à l'encontre des civils dans le cadre de la lutte contre le M23.
La réponse internationale peut être lente à venir, mais il n'est pas trop tard pour faire pression sur toutes les parties belligérantes afin qu'elles accordent un répit définitif et nécessaire aux civils déjà touchés par le conflit.
24.02.2025 à 06:00
UE : Le Conseil d’association UE-Israël ne devrait pas ignorer les abus israéliens
(Bruxelles, 24 février 2025) – La Haute Représentante de l’Union européenne, Kaja Kallas, et les ministres des Affaires étrangères de l’UE devraient condamner sans équivoque les graves violations du droit international et les atrocités commises par Israël, lors de la réunion du Conseil d’association UE-Israël qui se tiendra le 24 février avec le ministre israélien des Affaires étrangères Gideon Saar, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.
Kaja Kallas et les ministres des Affaires étrangères de l’UE devraient signaler la fin de la réticence européenne à reconnaître les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité – y compris l’apartheid – et les actes de génocide commis par Israël, et à demander leur cessation. Ils devraient clairement indiquer à Gideon Saar que les abus passés et actuels auront des conséquences, notamment des sanctions contre les responsables des violations qui se poursuivent, et la suspension des ventes d’armes à Israël. Ils devraient également annoncer un examen du respect par Israël de ses obligations en matière de droits humains dans le cadre de l’accord d’association UE-Israël, conformément à la demande formulée en février 2024 par l’Espagne et l’Irlande ; ces deux pays avaient alors évoqué la possibilité de suspendre cet accord, en raison des graves abus commis par Israël.
« Il n’est pas possible d’agir comme si de rien n’était avec un gouvernement responsable de crimes contre l’humanité dont celui d’apartheid, et d’actes de génocide, et dont le Premier ministre est visé par un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale a l’égard de ces crimes », a déclaré Claudio Francavilla, directeur adjoint du plaidoyer auprès de l’UE à Human Rights Watch. « Le seul but de cette réunion du Conseil d’association UE-Israël devrait être de dénoncer ces crimes, et d’annoncer des mesures attendues depuis longtemps en réponse aux violations. »
Le Conseil d’association UE-Israël est la réunion bilatérale de plus haut niveau entre l’Union européenne et Israël. Ces réunions sont présidées conjointement par le ou la Haut-e Représentant-e de l’UE et par le ou la ministre israélien-ne des Affaires étrangères, en présence des ministres des Affaires étrangères des États membres de l’UE ou d’autres dignitaires. La précédente réunion du Conseil a eu lieu en octobre 2022, après une pause de 10 ans ; cette pause était due au mécontentement du gouvernement israélien à l’égard de la condamnation par l’UE de l’expansion des colonies israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, qualifiée de violation du droit international humanitaire.
Dans une lettre (ang fra) adressée aux dirigeants de l’UE et de ses États membres, 125 organisations de la société civile, dont Human Rights Watch, ont exhorté l’UE à axer ses discussions avec Gideon Saar sur la possible suspension de l’accord UE-Israël. L’article 2 de l’accord indique que « le respect des droits de l'homme et des principes démocratiques […] constitue un élément essentiel du présent accord » ; la violation de l’article 2 est donc susceptible entraîner la suspension de l’accord. L’UE n’a jamais répondu à la demande transmise par l’Espagne et l’Irlande.
Suite en anglais.
………..
21.02.2025 à 20:30
Ce que les décideurs politiques devraient prioriser concernant l'Ukraine
La guerre menée par la Russie contre l’Ukraine entrera bientôt dans sa quatrième année. Depuis février 2022, les violations du droit de la guerre ont causé des morts, des souffrances et des destructions insensées parmi les civils, avec plus de 12 456 civils ukrainiens tués et 28 382 blessés, au moins 6,8 millions de personnes ayant fui le pays, et des millions d’autres déplacées à l’intérieur du pays. Des milliers de maisons, d’hôpitaux, d’écoles et d’autres infrastructures civiles ont été endommagés ou détruits.
Play VideoÀ l’approche de ce tragique anniversaire, l’administration Trump s’oriente rapidement vers des négociations avec le Kremlin. La protection des civils et la justice devraient être au cœur de toute négociation.
L’une des questions les plus urgentes concerne la libération des civils ukrainiens détenus par les autorités russes. Parmi eux figurent des milliers de personnes détenues illégalement et retenues par la Russie dans les zones occupées de l'Ukraine. D'autres ont été transférées de force dans des centres de détention en Russie. Un organisme des Nations Unies a récemment conclu que les autorités russes ont torturé des civils et des prisonniers de guerre ukrainiens, constituant un « crime contre l’humanité ».
Les Conventions de Genève exigent la libération et le rapatriement rapides des prisonniers de guerre à la fin des hostilités. Les négociations constituent une opportunité essentielle de souligner l’urgence de cette question.
La Russie continue d’occuper des régions d’Ukraine où vivent des millions de personnes et est, à ce titre, tenue de respecter le droit international relatif à l’occupation. Les enquêtes sur les violations de ses obligations en tant que puissance occupante devraient se poursuivre. Parmi ces violations figurent l’enrôlement de force de citoyens ukrainiens dans l’armée russe, l’imposition de la citoyenneté russe dans certains cas, le transfert forcé de civils ukrainiens vers d’autres zones (en Ukraine ou en Russie), ainsi que l’imposition du programme scolaire de l’État russe dans les écoles, accompagnée d’un endoctrinement politique privant les écoliers de leur droit de connaître ou d’exprimer leur identité ukrainienne.
La justice ne peut être négociée. Les auteurs de crimes de guerre – y compris les bombardements généralisés et indiscriminés de civils et d’infrastructures civiles, la torture et les mauvais traitements dans les zones occupées et dans les prisons russes, ainsi que les exécutions et actes de torture sur les prisonniers de guerre ukrainiens – devraient être tenus pour responsables. Les enquêtes et les poursuites devraient être soutenues et dotées de ressources suffisantes.
Les mandats d’arrêt émis par la Cour pénale internationale (CPI) contre le président russe Vladimir Poutine et d’autres hauts responsables russes devraient être exécutés. Les Etats membres de la CPI devraient s’opposer aux sanctions imposées par l’administration Trump contre la Cour, en affirmant leur soutien au rôle crucial de cette institution.
Les récentes déclarations incendiaires et factuellement erronées de Trump au sujet de la guerre en Ukraine, ainsi que les controverses entourant d’éventuelles négociations, ne doivent pas détourner l’attention des préoccupations urgentes liées aux droits des populations vivant sous occupation russe. La libération des détenus civils, le rapatriement des prisonniers de guerre ainsi que la justice et des réparations pour les victimes d'atrocités devraient être des priorités absolues.
………….
21.02.2025 à 20:20
Au Niger, des sombres perspectives pour la démocratie
Il y a des avantages à être au pouvoir au Niger, où les règles sont en train d'être réécrites par ceux aux commandes.
Jeudi, une commission nationale, représentant les participants aux pourparlers sur la transition du pays vers un régime démocratique, a recommandé une période de transition de cinq ans au minimum, qui peut être prolongée si nécessaire. En juillet 2023, la garde présidentielle a renversé le président démocratiquement élu du Niger, Mohamed Bazoum, plaçant le pays sous le contrôle d'une junte militaire qui avait initialement proposé une limite de trois ans pour la transition vers un régime civil. L'opposition politique et les organisations de la société civile du pays ont largement boycotté les pourparlers.
La Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) avait rejeté ce plan initial d’une transition de trois ans. Ces tensions avec la CEDEAO, entre autres, ont conduit le Niger à quitter l'organisation, tout comme le Mali et le Burkina Faso, deux autres pays du Sahel qui ont également subi des coups d'État militaires ces dernières années.
La commission nationale a également recommandé la dissolution des partis politiques nigériens, qui, sans surprise, n’étaient pas représentés au sein de cette commission.
La commission a en outre recommandé que le chef de la junte, le général de brigade Abdourahamane Tiani, soit promu au rang de général de l'armée, renforçant d’autant plus son pouvoir. Elle a également recommandé une amnistie générale pour tous les participants au coup d'État, et de leur permettre de participer aux élections.
Cette annonce est survenue dans un contexte de dégradation de la situation sécuritaire au Sahel depuis l'arrivée au pouvoir des juntes au Niger, au Mali et au Burkina Faso. Des civils ont été pris entre deux feux lors des combats entre les groupes armés islamistes et les forces gouvernementales, ciblés lors d’atrocités commises par les deux camps, et plus de 3 millions de personnes ont été déplacées, selon l’agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).
Une amnistie générale pour les personnes impliquées dans le coup d'État priverait les victimes de leur droit de demander justice et renforcerait l'impunité. L'ancien président Mohamed Bazoum et son épouse sont toujours détenus arbitrairement par la junte, pour des raisons politiques.
Cette consolidation du pouvoir proposée remet en question l’espoir qu’avaient les Nigériens d’une transition vers un régime civil et des élections crédibles, libres et équitables dans un futur proche.
La démocratie au Niger a pris un coup en 2023. Avec les nouvelles recommandations de la commission, l'avenir de la fragile démocratie nigérienne s'annonce encore plus sombre.
20.02.2025 à 23:40
Un activiste guinéen « disparu » réapparaît avec des marques de torture
Abdoul Sacko, un éminent dirigeant de la société civile guinéenne, a disparu aux premières heures de la journée du 19 février 2025, après que des hommes armés l'ont enlevé à son domicile à Conakry, la capitale, ce qui a suscité des inquiétudes quant à une disparition forcée. Il a refait surface le soir même, portant des marques de torture.
Abdoul Sacko, détracteur de la junte militaire qui a pris le pouvoir lors d’un coup d'État en septembre 2021, est coordinateur du Forum des Forces Sociales de Guinée (FFSG), un réseau de la société civile qui appelle à un retour à l'ordre constitutionnel dans le pays.
Selon les collègues d'Abdoul Sacko, des hommes armés ont fait irruption à son domicile à 4 heures du matin le 19 février, l'ont battu devant sa famille, se sont emparés de son téléphone et l'ont emmené dans une camionnette sans plaque d'immatriculation. Le lendemain, les avocats d'Abdoul Sacko ont publié un communiqué indiquant que leur client avait été retrouvé « dans un état critique, [et] torturé » à 100 kilomètres de Conakry. Il a été transporté dans un hôpital local.
Compte tenu de sa notoriété, l'enlèvement d'Abdoul Sacko a provoqué une onde de choc en Guinée et à l'étranger. Le 19 février, l'ambassade des États-Unis en Guinée a publié une déclaration exhortant le gouvernement à « » et dénonçant la « recrudescence des détentions de journalistes et de leaders de la société civile. »
Un dirigeant du FFSG a déclaré à Human Rights Watch que huit membres du FFSG avaient déposé une plainte en justice à Conakry le mois dernier, suite à des menaces répétées dont ils avaient fait l'objet en raison de leur activisme. Bien qu'ils ne sachent pas d'où proviennent les menaces, leur plainte est censée tirer la sonnette d'alarme.
Depuis leur arrivée au pouvoir, les autorités militaires guinéennes ont réprimé l'opposition, les médias et la société civile. Elles ont eu recours aux disparitions forcées pour faire taire les dissidents et semer la peur parmi les personnes qui s'opposent à elles. En juillet 2024, les forces de sécurité ont torturé et fait disparaître de force Oumar Sylla, connu sous le nom de Foniké Mengué, et Mamadou Billo Bah, deux membres éminents de l'opposition. À ce jour, ils sont toujours portés disparus et les autorités n'ont pas reconnu leur détention. En septembre 2024, le corps du colonel Célestin Bilivogui, qui avait disparu en novembre 2023 après avoir été arrêté par les forces de sécurité, a été retrouvé. Quelques jours après sa disparition, le président guinéen avait promulgué un décret démettant le colonel Bilivogui de ses fonctions au sein de l'armée pour « faute lourde ». En décembre 2024, des gendarmes ont arrêté le journaliste d'investigation Habib Marouane Camara. Les autorités n'ont pas répondu aux nombreuses demandes d'information de sa famille sur le lieu où il se trouve.
Les informations troublantes selon lesquelles Abdoul Sacko a été torturé devraient inciter les autorités guinéennes à agir rapidement. Elles devraient veiller à ce qu'Abdoul Sacko ait accès à des soins médicaux appropriés, et mener une enquête approfondie sur son enlèvement et les actes de torture dont il a été victime.
20.02.2025 à 21:10
Mali : L'attaque d'un convoi par des islamistes armés a tué 34 civils
(Nairobi) – Un groupe armé islamiste apparent a attaqué un convoi civil escorté par les forces armées maliennes et leurs milices alliées dans le nord-est du Mali le 7 février 2025, tuant au moins 34 civils et en blessant 34 autres, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. La perte de vies civiles souligne la nécessité pour toutes les parties au conflit de mieux protéger les civils lors d’opérations militaires.
Des témoins ont déclaré qu'en début d'après-midi, le 7 février, des combattants islamistes ont attaqué un convoi d'au moins 19 véhicules civils transportant plus de 100 civils, pour la plupart des orpailleurs du Niger et des commerçants du Mali; ces véhicules avaient quitté la ville de Gao et se dirigeaient vers Ansongo, à environ 90 kilomètres au sud, le long d'une route où des civils avaient déjà été attaqués dans le passé. Au moins cinq camionnettes militaires et plusieurs motos transportant des soldats maliens et des miliciens escortaient le convoi. Des témoins ont déclaré que lorsque le convoi a atteint le village de Kobé, les combattants ont ouvert le feu sur le convoi et les soldats et miliciens ont riposté.
« L'attaque de Kobé montre les risques mortels auxquels les civils maliens sont confrontés dans leur vie quotidienne », a déclaré Ilaria Allegrozzi, chercheuse senior sur le Sahel à Human Rights Watch. « Les autorités maliennes devraient mener une enquête impartiale sur l'incident afin de déterminer si les assaillants ont violé les lois de la guerre, et comment leurs propres forces de sécurité pourraient mieux protéger les civils en danger. »
Human Rights Watch a mené des entretiens avec six témoins de l'attaque, trois personnes qui ont aidé les blessés et plusieurs habitants de Gao.
Les témoins ont déclaré que le convoi s'étendait sur environ un kilomètre, avec deux véhicules militaires à l'avant et trois à l'arrière. « Tout à coup, nous avons entendu des coups de feu, il y avait des tirs intenses », a déclaré un homme âgé de 51 ans qui a été blessé en sautant hors d’un minibus, près de l'avant du convoi. « J'ai senti quelque chose sur ma cuisse droite, puis j'ai vu du sang, je me suis allongé et j'ai fait le mort jusqu'à ce que les soldats me secourent. »
Un homme âgé de 50 ans, dont le fils de 20 ans et la fille de 10 ans ont été blessés dans l'attaque, a déclaré : « Les balles volaient au-dessus de ma tête, les terroristes tiraient et criaient 'Allah Akbar', [et] les gens ont paniqué et se sont enfuis. Mon fils a été touché aux fesses et à sa cuisse droite, ma fille aux jambes et aux bras. »
Les assaillants n'ont pas été définitivement identifiés. Le chef d'état-major de l'armée malienne a publié une première déclaration le 7 février, indiquant que l'attaque contre le convoi avait causé la mort de 25 civils et en avait blessé 13 autres. Le communiqué précisait que les soldats se sont engagés dans de « violents combats » avec les attaquants et qu'ils ont ensuite récupéré « 19 corps terroristes », ainsi que des armes et d'autres équipements. Le nombre de soldats maliens et de miliciens tués ou blessés n'a pas été communiqué.
L'attaque s'est produite dans une zone où le groupe armé État islamique dans le Grand Sahara (EIGS) combat les forces de sécurité maliennes depuis plus d'une décennie. Ce groupe islamiste s'est souvent heurté aux forces maliennes et aux combattants du groupe Wagner, soutenu par la Russie, qui appuie le gouvernement malien depuis décembre 2021. Des témoins et des habitants ont déclaré qu'une semaine avant l'attaque de Kobé, des soldats maliens et des combattants du groupe Wagner avaient attaqué des combattants de l’EIGS le long de la même route, tuant plusieurs d'entre eux et récupérant des armes et de l'argent. Ils ont déclaré que l’EIGS était présent le long de la route qui relie Gao à Ansongo depuis au moins trois ans, et qu'il imposait souvent des taxes illégales aux voyageurs.
Les civils tués lors de l'attaque comprennent 13 ressortissants maliens et 21 étrangers, la plupart originaires du Niger, selon des personnes qui assistent les victimes et les membres de leurs familles. Les blessés comprennent 20 ressortissants maliens et 14 étrangers, aussi pour la plupart nigériens. Human Rights Watch a examiné une liste compilée par des habitants de Gao avec les noms des 13 victimes maliennes, y compris cinq femmes, âgées de 20 à 60 ans.
Des témoins et d'autres sources locales ont déclaré que les attaques contre les civils le long de cette route étaient devenues si fréquentes que les autorités militaires de Gao ont imposé des escortes armées aux voyageurs depuis la fin de l'année 2024. Certains habitants, notamment des commerçants qui empruntent fréquemment cette route, craignent toutefois que les escortes ne brouillent la distinction entre militaires et civils, exposant ces derniers à des risques accrus d'attaques.
« Les soldats ne font qu'attirer l'attention des groupes armés », a déclaré un commerçant d'Ansongo âgé de 45 ans. « Les escortes militaires représentent un danger pour nous, car si les militaires sont attaqués, les civils peuvent se retrouver pris dans des échanges. »
Depuis 2012, les gouvernements maliens successifs ont combattu au moins deux groupes armés islamistes, le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM), lié à Al-Qaïda, et l'EIGS. Les hostilités ont entraîné la mort de milliers de civils et le déplacement forcé de plus de 378 000 personnes. Le départ en décembre 2023 de la mission de maintien de la paix des Nations Unies, à la demande des autorités maliennes, soulève de profondes inquiétudes quant à la protection des civils et la surveillance des abus commis par toutes les parties.
Human Rights Watch a largement documenté les abus généralisés commis au Mali depuis 2012 par les groupes armés islamistes. L’organisation a également rendu compte de violations du droit international commises par les forces armées maliennes, les milices ethniques qui leurs sont alliées et les combattants de Wagner au cours d’opérations anti-insurrectionnelles.
Toutes les parties au conflit armé malien sont légalement tenues par le droit international humanitaire, notamment l'article 3 commun aux Conventions de Genève de 1949 et le droit coutumier de la guerre.
En vertu des lois de la guerre, les forces attaquantes doivent prendre toutes les précautions possibles pour réduire au minimum les pertes en vies humaines et en biens de la population civile. Il est interdit aux forces attaquantes de mener des attaques délibérées contre des civils et des biens civils, ainsi que des attaques menées sans discernement et utilisant des méthodes de combat qui ne peuvent pas être dirigées contre un objectif militaire spécifique. Une attaque dans laquelle les pertes en vies humaines attendues dans la population civile sont excessives par rapport au gain militaire escompté est illégalement disproportionnée.
Si les forces gouvernementales et les milices qui accompagnaient le convoi étaient des cibles militaires légitimes, les civils et les véhicules civils ne pouvaient pas être l’objet d'une attaque délibérée.
Le gouvernement malien devrait enquêter sur l'attaque contre le convoi afin de déterminer si les forces de l’EIGS ont mené une attaque délibérée, sans discernement ou disproportionnée contre des civils en violation des lois de la guerre.
Les forces militaires et les milices participant au convoi pourraient avoir échoué à prendre toutes les précautions possibles pour protéger les civils et les véhicules civils sous leur contrôle contre les effets des attaques. La police civile et le personnel de sécurité qui accompagnent les convois ne sont normalement pas susceptibles d'être attaqués.
« Compte tenu des innombrables atrocités commises par les groupes armés islamistes contre les civils au Mali, il est compréhensible que les autorités veuillent que des escortes militaires accompagnent les convois civils », a déclaré Ilaria Allegrozzi. « Les autorités maliennes devraient envisager d'autres moyens pour protéger les civils sur les routes, comme l'utilisation d'escortes policières qui ne sont pas des cibles militaires légitimes. »
20.02.2025 à 21:06
Russie : Un an après la mort de Navalny, ses partisans continuent d’être ciblés
(Berlin, le 20 février 2025) – Les dizaines d’arrestations effectuées lors du premier anniversaire de la mort de l’ex-leader de l’opposition russe Alexeï Navalny ne sont que la pointe de l’iceberg de la répression exercée sans relâche par le Kremlin contre ses partisans, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.
Le 16 février, les forces de l’ordre russes ont arrêté au moins 42 personnes lors de rassemblements commémorant Alexeï Navalny à l’occasion du premier anniversaire de sa mort en prison, le 16 février 2024. Tout au long des douze derniers mois, les autorités ont utilisé leur vaste arsenal d’outils répressifs pour étouffer d’autres voix dissidentes, et pour effacer l’héritage politique de Navalny.
« La loi anti-extrémisme russe, vaguement formulée et d’une vaste portée, est utilisée pour poursuivre des personnes qui appellent à des élections libres et équitables, dénoncent la corruption, défendent les prisonniers politiques ou sont perçues comme des partisans de Navalny », a déclaré Hugh Williamson, directeur de la division Europe et Asie centrale à Human Rights Watch. « Le Kremlin considère l’exercice des droits humains fondamentaux comme une menace qui doit être stoppée, comme l’avait reconnu Navalny qui a fini par payer le prix de ce point de vue répressif. »
Alexeï Navalny est mort dans une prison isolée, située dans l’extrême nord de la Russie, où il purgeait une peine de 19 ans de prison basée sur de fausses accusations à motivation politique. Les autorités l’ont emprisonné en 2021, dès son retour en Russie depuis l’Allemagne, où il avait été soigné après avoir survécu à une tentative d’empoisonnement apparemment orchestrée par les services de sécurité russes.
En septembre 2024, The Insider, un important média d’investigation russe, a allégué que sa mort résultait d’un autre empoisonnement par des agents du gouvernement. Les autorités pénitentiaires l’avaient alors enfermé à plusieurs reprises dans diverses cellules disciplinaires, de manière arbitraire, sans lui fournir de soins médicaux adéquats.
Le 17 février, la Rapporteure spéciale des Nations unies sur la situation des droits de l’homme en Fédération de Russie a condamné l’absence d’« enquête crédible » par les autorités russes sur la mort d’Alexeï Navalny. Elle a ajouté que son décès avait reflété « la répression systématique et généralisée contre les dissidents pacifiques » en Russie.
Au cours des deux premiers jours qui ont suivi la mort de Navalny, le 16 février 2024, la police avait arrêté arbitrairement au moins 425 personnes qui avaient honoré sa mémoire dans différentes régions du pays. Le 1er mars 2024, le jour de ses funérailles, 106 autres personnes avaient été arrêtées. Un an plus tard, la police des grandes villes russes a de nouveau bouclé les sites de mémoriaux locaux dédiés aux victimes de la répression politique. Les policiers ont interrogé des personnes qui étaient venues déposer des fleurs, enregistré leurs données personnelles et arrêté certaines d’entre elles.
En juin 2021, le Tribunal municipal de Moscou avait qualifié d’« extrémistes » plusieurs organisations dirigées par Navalny, dont la Fondation anti-corruption, ainsi que le siège de sa campagne politique, connu sous le nom de « Quartier général de Navalny ».
Human Rights Watch a examiné plus d’une centaine de dossiers pénaux sur le « financement de l’extrémisme » et des centaines de résumés de dossiers que d’importantes organisations russes de défense des droits humains, dont Memorial, qualifient de motivés par des considérations politiques. Ces dossiers indiquent qu’en février 2025, les autorités avaient ouvert des poursuites pénales contre plus de 50 personnes pour leur implication présumée avec la Fondation anti-corruption ou d’autres organisations liées à Navalny à travers le pays.
Au moins 37 autres personnes ont été inculpées pénalement pour avoir fait des dons en vue de soutenir le travail de la Fondation anti-corruption ; certains de ces dons ne dépassaient pas l’équivalent de deux dollars US. Au moins 17 personnes sont actuellement derrière les barreaux en raison de leurs liens présumés avec Navalny. Parmi eux figurent trois avocats, qui ont été reconnus coupables d’avoir facilité des activités extrémistes, et condamnés à des peines de prison en janvier 2025.
Les autorités utilisent également des poursuites administratives contre des personnes ayant exprimé des opinions favorables à Navalny. En utilisant les sites Internet officiels des tribunaux, Human Rights Watch a examiné des milliers d’affaires administratives jugées par les tribunaux russes en 2024, en vertu de l’article 20.3 du Code des infractions administratives de la Russie portant sur l’« affichage de symboles interdits ». Une analyse de la formulation de ces décisions et des facteurs contextuels, tels que les informations diffusées dans les médias et les réseaux sociaux, indique qu’au moins 57 de ces décisions étaient liées à Navalny. Le nombre réel pourrait être plus élevé.
Les données indiquent que 53 de ces 57 affaires ont abouti des condamnations. Dans 23 d’entre elles, les accusés ont été condamnés à une détention allant jusqu’à 15 jours, la peine maximale pour ces chefs d’accusation pour une première infraction. Dans 20 des 57 affaires, les juges ont prononcé des amendes et des peines d’emprisonnement de courte durée pour punir des personnes qui avaient simplement mentionné le nom de Navalny, ou affiché sa photo.
En février 2024, un juge de Novy Ourengoï avait statué que la désignation par le Tribunal municipal de Moscou des organisations affiliées à Navalny comme « extrémistes » équivalait à leur « interdiction sur le territoire de la Fédération de Russie ». En mars 2024, un juge de Yaroslavl avait condamné un électeur pour avoir écrit symboliquement le nom de Navalny sur un bulletin de vote lors de l’élection présidentielle.
Parmi les autres comportements passibles de sanctions figurent l’utilisation des slogans « La Russie sans Poutine » ou, précédemment, « Libérer Navalny », ainsi que le fait de republier des précédentes enquêtes de la Fondation anticorruption sur la corruption. L’affichage répété de tout symbole interdit est passible d’une peine pouvant aller jusqu’à quatre ans de prison. Ces symboles comprennent le drapeau blanc-bleu-blanc utilisé par les manifestants antiguerre, les symboles nazis même lorsqu’ils sont utilisés pour critiquer les autorités, le drapeau arc-en-ciel du mouvement LGBT, les mots « Gloire à l’Ukraine », et même les logos de Facebook et d’Instagram.
« Au lieu d’utiliser à mauvais escient et de manière abusive la législation anti-extrémiste pour punir et faire taire les partisans d’Alexeï Navalny, les autorités russes devraient plutôt mener enfin une véritable enquête sur sa mort en détention », a conclu Hugh Williamson.
...................