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05.03.2025 à 19:45

Un procès absurde pour « complot » s’ouvre à Tunis

Human Rights Watch
Click to expand Image Des proches de détenus accusés d’être impliqués dans une affaire de complot contre la sûreté de l’État manifestent devant le tribunal de Tunis (Tunisie) le 4 mars 2025, jour de la première audience du procès.  © 2025 Fethi Belaid/AFP via Getty Images

Un procès très attendu, portant sur un soi-disant complot contre l’État, s’est ouvert ce mardi à Tunis. Il ne devrait pas avoir lieu. Une quarantaine de personnes, dont des opposants politiques, des militants, des avocats et d’autres personnalités sont accusées de « complot contre la sûreté intérieure et extérieure de l’État » et de terrorisme, soupçonnées d’avoir conspiré afin de renverser le gouvernement du président tunisien Kais Saied. 

Human Rights Watch a observé le procès et consulté les 140 pages de l’ordonnance de clôture du juge d’instruction – renvoyant l’affaire devant le tribunal –, qui montre que ces graves accusations sont vraisemblablement infondées et ne reposent sur aucune preuve crédible. Pourtant, certains prévenus sont arbitrairement maintenus en détention provisoire depuis deux ans déjà, largement au-delà de la durée maximale prévue en droit tunisien. S’ils sont reconnus coupables, ils risquent des peines sévères, dont la peine capitale.

Les autorités tunisiennes ont entrepris de bafouer davantage encore le droit à un procès équitable dans cette affaire. Le 26 février 2025, la présidente du Tribunal de première instance de Tunis et le procureur de la République, invoquant un « véritable danger», ont ordonné que les accusés comparaissent par vidéoconférence. La pratique des procès à distance est par essence abusive, puisqu’elle porte atteinte au droit des détenus à être présentés physiquement devant un juge afin qu’il puisse évaluer leur état de santé ainsi que la légalité et les conditions de leur détention. Les prévenus comparaissant en vidéo « sont également privés du soutien de leur famille », a souligné un avocat au cours de l’audience.

Le procès tant attendu s’est ouvert en l’absence des principaux suspects du complot présumé. La plupart ont refusé d’assister au procès par vidéoconférence. Les opposants politiques au président Saied qui sont détenus dans cette affaire, Jaouhar Ben Mbarek, Issam Chebbi, Abdelhamid Jelassi et Khayam Turki, ainsi que les avocats Ridha Belhaj et Ghazi Chaouachi, n’étaient pas présents ; pas plus que les leaders du parti d’opposition Ennahda, Nourredine Bhiri et Sahbi Atig, emprisonnés en lien avec d’autres affaires.

Seuls deux accusés, dont l’ex-député Said Ferjani, ont comparu devant la cour par vidéoconférence. Ceux qui n’étaient pas détenus, comme les avocats Ayachi Hammami, Ahmed Nejib Chebbi et Lazhar Akremi, ainsi que la militante politique Chaima Issa, ont comparu en personne. D’autres, forcés à l’exil à cause de ces poursuites judiciaires, sont considérés en fuite.

En dépit de graves préoccupations concernant la régularité des procédures de ce procès, les juges ont refusé hier toutes les demandes de libération.

Les autorités tunisiennes devraient cesser d’inculper abusivement les personnes perçues comme critiques et garantir un procès équitable à tous les prévenus, notamment la possibilité de comparaître en personne. Mais la Tunisie devrait surtout mettre fin à cette imposture en libérant immédiatement toutes les personnes arbitrairement détenues dans cette affaire et en abandonnant ces accusations abusives contre tous les prévenus.

05.03.2025 à 09:00

Zambie : L'exploitation minière de déchets de plomb toxique empoisonne des enfants

Human Rights Watch
Click to expand Image Des camions circulaient sur un site de déchets d’une ancienne mine de plomb et de zinc à Kabwe, en Zambie, surnommé « Black Mountain » (« Montagne noire ») par les habitants. Ce site est exploité par l’entreprise zambienne Enviro Processing Limited (EPL), détentrice d’une licence pour l’extraction minière de déchets contenant encore des fragments de plomb. © 2023 Trajectory Media/Al Jazeera English Dans la ville de Kabwe en Zambie, les enfants souffrent de graves problèmes de santé dus à l’intoxication au plomb, liée à l’extrême pollution provoquée par les déchets de plomb toxique d’une ancienne mine.Le gouvernement zambien y facilite de dangereuses nouvelles activités d’extraction et de traitement des déchets toxiques de plomb et de zinc, ce qui pose d’importants risques sanitaires supplémentaires pour les enfants.Le gouvernement zambien devrait suspendre ces opérations, révoquer les licences des entreprises impliquées dans ces activités dangereuses et entreprendre un nettoyage complet des déchets de plomb à Kabwe.

(Lusaka, 5 mars 2025) – Le gouvernement zambien facilite dans la ville de Kabwe de dangereuses activités d’extraction et de traitement de déchets de plomb toxique, qui présente d’importants risques pour la santé des enfants, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd’hui. Ces activités commerciales aggravent les dommages sanitaires déjà subis par les habitants de Kabwe, qui sont exposés depuis des décennies au plomb toxique provenant d’une ancienne mine de plomb et de zinc.

5 mars 2025 Poisonous Profit

Le rapport de 67 pages, intitulé  « Poisonous Profit: Lead Waste Mining and Children’s Right to a Healthy Environment in Kabwe, Zambia » (« Un profit toxique : L’exploitation minière de déchets de plomb et le droit des enfants à un environnement sain à Kabwe, en Zambie »), documente comment le gouvernement zambien a accordé des licences d’extraction minière et de traitement à des entreprises sud-africaines, chinoises et locales, sans agir pour mettre fin aux violations flagrantes par plusieurs entreprises de la législation environnementale et minière zambienne.

« Le gouvernement zambien devrait protéger les gens contre des activités extrêmement dangereuses pour leur santé, au lieu d’autoriser ces opérations », a déclaré Juliane Kippenberg, directrice adjointe de la division Droits de l’enfant à Human Rights Watch. « À Kabwe, des entreprises tirent profit de l’extraction, du transport et du traitement des déchets de plomb, au détriment de la santé des enfants de cette ville. »

Human Rights Watch a mené des entretiens avec des mineurs et des membres de la communauté à Kabwe, a effectué des recherches de type « source ouverte », et a analysé des images géospatiales. Human Rights Watch a écrit au gouvernement et à 16 entreprises pour solliciter des informations supplémentaires, et a reçu des réponses du ministère zambien de l’Économie verte et de l’Environnement, de l’entreprise sud-africaine Jubilee Metals Group et d’un homme d’affaires local.

Le plomb est un métal hautement toxique et particulièrement nocif pour les enfants. Il peut entraîner le coma et la mort, ainsi qu’une déficience intellectuelle et d’autres troubles de la santé. Pendant la période de grossesse, l’ingestion de plomb peut entraîner une fausse couche et d’autres complications. Des chercheurs estiment que plus de 95 % des enfants vivant à proximité de l’ancienne mine de Kabwe présentent des taux élevés de plomb dans le sang, et qu’environ la moitié d’entre eux auraient besoin d’un traitement médical d’urgence.

Entre 2022 et fin 2024, plusieurs entreprises ont mené ou facilité de dangereuses activités minières et de traitement axées sur l’extraction du zinc, du plomb ou d’autres minéraux parmi les déchets contaminés dans la zone de l’ancienne mine de Kabwe. Les entreprises ont retiré d’importantes quantités de déchets de la mine et les ont placés dans des tas à ciel ouvert dans divers quartiers de Kabwe, mettant encore plus en danger la santé des habitants.

« Les amas de déchets à Kabwe sont très préoccupants », a déclaré un jeune activiste âgé de 18 ans. « Premièrement, parce que les enfants ont tendance à jouer près des amas, ou au-dessus. Et puis ces montagnes de déchets sont transportées vers d’autres endroits de Kabwe qui sont librement accessibles, ce qui rend ces zones également toxiques. »

Des mineurs artisanaux et à petite échelle ont extrait du plomb, du zinc et d’autres minéraux sur un site géré par Enviro Processing Limited (EPL), une filiale de Jubilee Metals qui détient une licence d’exploitation minière (concession) recouvrant une grande partie de l’ancienne zone minière de Kabwe. Les mineurs ont déclaré que les gardiens de sécurité du site les avaient autorisés à entrer, bien que Jubilee Metals nie ceci. Une exploitation minière artisanale et dangereuse de déchets de plomb a également eu lieu dans une zone voisine, contrôlée par un politicien local. Les mineurs ont déclaré qu’après le processus d’extraction, ils vendaient parfois des minéraux aux sociétés chinoises Datong Industries, Chengde Mining et Superdeal Investments, spécialisées dans le traitement de minéraux.

Image satellite : Amas de déchets près de l’ancienne mine de Kabwe (3 juin 2023)

Click to expand Image Une image satellite du 3 juin 2024 montrait six amas de déchets situés près d’une ancienne mine de plomb et de zinc à Kabwe, en Zambie. D'autres amas de déchets étaient visibles sur d’autres images satellite, à proximité des locaux de deux sociétés de traitement des minéraux, Union Star Industry (entreprise zambienne) et Chengde Mining (entreprise chinoise). © 2024 Google Earth/Airbus (image satellite) – Human Rights Watch (graphisme).

Vers la mi-2023, des entreprises et des particuliers utilisant des camions ont commencé à retirer de grandes quantités de déchets du site de la concession EPL, et à les transporter vers d’autres quartiers de Kabwe. Plusieurs tas de déchets ont été placés à l’extérieur des locaux des entreprises de traitement. L’analyse d’images satellite a révélé qu’en janvier 2024, neuf tas de déchets étaient visibles dans la ville. Plusieurs sources ont déclaré que la coopérative locale Kabwe Kamukuba Small Scale Mining Cooperative Society, impliquée dans l’enlèvement des déchets en 2023, était liée à des dirigeants du parti au pouvoir qui auraient pu en tirer un bénéfice financier. L’enlèvement des déchets, que l’entreprise métallurgique Jubilee Metals a décrit comme une intrusion et un vol, s’est poursuivi en 2024.

À l’échelle mondiale, le zinc et le plomb sont des métaux particulièrement prisés, notamment dans le cadre de l’élimination progressive des combustibles fossiles et de la transition vers les énergies renouvelables, dont le monde a un besoin urgent. Le gouvernement zambien a désigné le zinc et le plomb à Kabwe comme des « minéraux essentiels », dans le cadre de la transition énergétique à l’échelle mondiale.

Le gouvernement zambien n’a toutefois pas agi suffisamment pour faire respecter les réglementations minières, environnementales et du travail, a déclaré Human Rights Watch. En vertu de la loi zambienne, le gouvernement est habilité à sanctionner des entreprises présentant un « environnement de travail dangereux » ou engendrant une « pollution incontrôlable ». Mais selon les informations dont dispose Human Rights Watch, le gouvernement n’a pas pris de telles mesures contre les entreprises impliquées dans l’extraction, l’élimination et le traitement dangereux des déchets de plomb à Kabwe. L’Agence zambienne de gestion de l’environnement (Zambia Environmental Management Agency, ZEMA) n’a pas publié d’évaluation de l’impact environnemental des activités de ces entreprises, ni exigé la suspension d’opérations enfreignant la législation environnementale.

Vidéo de 2023 sur la pollution au plomb à Kabwe

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Les mineurs artisanaux et à petite échelle gagnent leur vie en creusant dans les tas de déchets pour trouver des minéraux. Parmi ces personnes, plusieurs femmes ont déclaré à Human Rights Watch qu’elles avaient besoin des revenus, et emmenaient leurs enfants sur ces sites. Une mère âgée de 32 ans a emmené son fils sur l’un de ces sites jusqu’à ce qu’il ait 15 ans, quand elle s’est aperçue qu’il a commencé à présenter de graves troubles de mémoire. Elle a déclaré à Human Rights Watch : « Nous vivons constamment dans la peur parce que ce n’est pas une zone sûre… [mais] c’est la seule façon pour moi de subvenir aux besoins de mes enfants… J’aimerais trouver un autre travail. »

La mine de Kabwe a été ouverte pendant la période coloniale britannique et fermée en 1994, laissant derrière elle environ 6,4 millions de tonnes de déchets de plomb non recouverts. Depuis lors, le plomb a contaminé des zones résidentielles, exposant jusqu’à 200 000 personnes. En 2020, des avocats ont intenté un recours collectif devant un tribunal sud-africain contre la société minière Anglo American pour son rôle présumé – contesté par la société – dans la mine de Kabwe de 1925 à 1974, demandant une indemnisation, un système de dépistage du plomb pour les enfants et les femmes, et l’assainissement de la zone. Le tribunal a rejeté l’affaire, mais les plaignants ont déclaré qu’ils feraient appel de la décision.

Bien que le gouvernement zambien ait pris certaines mesures pour atténuer la contamination au plomb de Kabwe dans le cadre du Projet d’assainissement et d’amélioration de l’exploitation minière et de l’environnement en Zambie financé par la Banque mondiale, il n’a pas achevé de nettoyer la source de contamination. Le gouvernement a reconnu la nécessité d’un nettoyage plus vaste, mais n’a apparemment pas fait grand-chose pour passer de la parole aux actes. À deux reprises, en mars 2022 et en avril 2024, le président zambien Hakainde Hichilema a annoncé le projet de création d’un comité gouvernemental pour lutter contre la contamination, mais ce comité n’a toujours pas été mis en place.

Le gouvernement zambien devrait suspendre les activités des entreprises impliquées dans l’extraction, l’élimination et le traitement dangereux de déchets contenant du plomb à Kabwe, et révoquer leurs licences, a recommandé Human Rights Watch. Le gouvernement devrait mettre en place un programme rigoureux pour nettoyer l’ancienne mine de plomb et ses déchets, en étroite consultation avec les communautés affectées, la société civile et les experts. Pour financer cet effort, le gouvernement zambien devrait rechercher un soutien technique et financier auprès d’organismes donateurs, et auprès des entreprises responsables de la pollution.

« Le gouvernement zambien devrait donner la priorité à la santé des enfants plutôt qu’aux profits de l’exploitation minière », a conclu Juliane Kippenberg. « Seule une décontamination complète des déchets miniers peut protéger les enfants et les générations futures de Kabwe, contre les effets toxiques du plomb. »

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Articles

Geo.fr     360.ma    RFI

AgenceEcofin

03.03.2025 à 06:00

Afrique du Sud : Protéger les civils contre l’utilisation d’armes explosives

Human Rights Watch
Click to expand Image Trois garçons regardaient les décombres d’un immeuble résidentiel touché la veille par une frappe israélienne à Deir al-Balah, dans la bande de Gaza, le 8 janvier 2025. © 2025 Abdel Kareem Hana/AP Photo

(Johannesburg, 3 mars 2025) – L'Afrique du Sud et d'autres pays n’ayant pas encore approuvé une déclaration d’engagement politique visant à protéger les civils contre les bombardements et pilonnages de villes et villages en temps de guerre devraient le faire, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui, suite à une réunion régionale sur cette question tenue à Johannesburg, les 27 et 28 février ; de nombreux autres pays ont déjà approuvé cette déclaration.

« L’Afrique du Sud a adopté une position de principe ferme en condamnant les effets dévastateurs causés par les conflits armés actuels, et en soutenant l’obligation de rendre des comptes pour les violations graves du droit de la guerre », a déclaré Ida Sawyer, directrice de la division Crises, conflits et armes à Human Rights Watch. « L’Afrique du Sud devrait renforcer sa détermination à protéger les civils en approuvant la déclaration sur l’utilisation d’armes explosives dans les zones peuplées, et en encourageant les autres gouvernements de la région à suivre son exemple. »

Le bombardement et le pilonnage de zones peuplées constituent l’une des menaces les plus graves pour les civils dans les conflits armés contemporains. Reconnaissant les dommages causés aux civils et la nécessité urgente d’agir, l’Autriche, l’Irlande et d’autres pays ont lancé un processus politique en 2019. Ce processus a abouti à l’adoption d’une déclaration politique visant à réduire les conséquences humanitaires de cette méthode de guerre, et qui en novembre 2022 a été soumise aux pays en vue de leur approbation.

26 février 2025 Armes explosives dans les zones peuplées : Questions et réponses

Document publié par Human Rights Watch et l’International Human Rights Clinic de la Faculté de droit de Harvard

Un nouveau document « Questions et réponses », publié conjointement avant la réunion de Johannesburg par Human Rights Watch et par l’International Human Rights Clinic de la Faculté de droit de Harvard, examine la question des armes explosives et analyse les dispositions de la Déclaration politique sur le renforcement de la protection des civils contre les conséquences humanitaires découlant de l’utilisation d’armes explosives dans les zones peuplées. Le document « Questions et réponses » détaille également comment les dommages peuvent être réduits grâce à la mise en œuvre de ces dispositions.

À ce jour, la Déclaration a été approuvé par 88 pays, dont les Comores, Madagascar et le Malawi (parmi les pays africains). Le Mozambique, l’Afrique du Sud et d’autres États africains ont participé à la négociation de la Déclaration, mais ne l’ont pas encore approuvée. Sans être juridiquement contraignante, la Déclaration engage les pays signataires à adopter et à mettre en œuvre des politiques et des pratiques nationales contribuant à éviter et à remédier aux dommages causés aux civils, notamment en limitant ou en s'abstenant d'utiliser des armes explosives dans les zones peuplées.

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Human Rights Watch rend compte depuis longtemps des dommages prévisibles causés aux civils par les bombardements et les pilonnages de zones peuplées dans le monde entier, notamment en République démocratique du Congo, à Gaza, au Myanmar, au Soudan et en Ukraine. Les civils représentent la grande majorité des personnes tuées ou blessées lorsque des bombes aériennes, des roquettes, des projectiles d’artillerie, des obus de mortier et des missiles sont utilisés dans des zones peuplées. Les effets à large impact de certaines armes explosives – résultant d’un large rayon de souffle ou de fragmentation, d’imprécision et/ou du lancement de plusieurs munitions à la fois – considérablement les répercussions humanitaires.

L’utilisation d’armes explosives dans les villes et les villages a des conséquences indirectes à long terme, dits effets de « réverbération », sur les services de base, tels que les soins de santé, l’éducation, l’électricité, l’eau et l’assainissement, qui nuisent aux civils pendant des mois, voire des années. L’utilisation d’armes explosives dans des zones peuplées provoque également des blessures psychologiques, cause des dommages environnementaux, détruit le patrimoine culturel et déplace des communautés.

En 2011, Human Rights Watch a cofondé le Réseau international sur les armes explosives (International Network on Explosive Weapons, INEW), une coalition mondiale de la société civile qui a joué un rôle essentiel lors de la phase de négociation de la Déclaration. INEW exhorte tous les États à adhérer à la Déclaration, et à prendre des mesures pour la mettre en œuvre et l'interpréter.

La campagne #StopBombingCivilians (« Stop au bombardement de civils »), lancée par Human Rights Watch en septembre 2024 en collaboration avec INEW, vise à sensibiliser davantage à ce problème. Une pétition sur le site de cette campagne, adressée au président sud-africain Cyril Ramaphosa et appelant l’Afrique du Sud à approuver la Déclaration, a déjà recueilli plus de 22 000 signatures.

#StopBombing Civilians Site de la campagne (ang)

L’Afrique du Sud a joué un rôle de premier plan sur le continent africain et dans le monde en général pour la protection des civils dans les conflits armés. Par exemple, elle a contribué aux opérations de maintien de la paix des Nations Unies et de l’Union africaine, notamment en République démocratique du Congo, dans le nord du Mozambique et ailleurs, et a porté une affaire devant la Cour internationale de justice contre Israël concernant les obligations d’Israël en vertu de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.

« L’Afrique du Sud a depuis longtemps placé la protection des civils au cœur de sa politique étrangère », a conclu Allan Ngari, directeur du plaidoyer au sein de la division Afrique de Human Rights Watch. « Compte tenu de son rôle important dans la protection des civils dans le monde, l’Afrique du Sud peut contribuer à empêcher que le carnage et la destruction ne se reproduisent dans les conflits armés actuels et futurs en adhérant à la déclaration politique sur les armes explosives. »

28.02.2025 à 06:00

Toujours aucune clarté sur la mort d'un opposant tchadien

Human Rights Watch
Click to expand Image Le dirigeant de l'opposition politique Yaya Dillo donne une conférence de presse le 30 avril 2021 à N'Djamena, au Chad. Dillo a été tué le 28 février 2024 au siège de son parti dans la capitale du pays par des forces de sécurité. © 2021 Photo d'Issouf Sanogo/AFP via Getty Images

Le 28 février 2024, Yaya Dillo, l’un des principaux opposants politiques tchadiens, a été tué lors d'un assaut mené par les forces de sécurité de l'État contre le siège de son parti à N'Djamena, la capitale du Tchad. Un an plus tard, les autorités n'ont toujours pas éclairci les circonstances de sa mort.

Peu après l'incident, le procureur de la République, Oumar Mahamat Kedelaye, a déclaré lors d'une conférence de presse que Yaya Dillo, président du Parti socialiste sans frontières (PSF), avait été tué lors d'un échange de tirs avec les forces de sécurité lorsqu’elles étaient entrées dans le bâtiment du PSF.

Yaya Dillo a été tué seulement quelques mois avant les élections du 6 mai 2024.

Après l'assaut, les autorités tchadiennes ont arrêté de nombreux membres du PSF ainsi que des membres de la famille de Yaya Dillo, et les ont transportés à la prison de haute sécurité de Koro Toro. Dix membres de sa famille y ont été illégalement détenus jusqu'en décembre 2024 après avoir été accusés d’atteinte à la sûreté de l'État, bien qu'ils aient ensuite été acquittés par un tribunal, en juillet.

La mort de Yaya Dillo était suspecte depuis le début. Dans les mois qui ont suivi son meurtre, Reuters a publié un article dans lequel cinq experts médico-légaux ont affirmé que Yaya Dillo avait été tué d'une balle dans la tête à bout portant. Human Rights Watch a depuis mené un entretien avec un témoin qui a déclaré que l’opposant n'était pas armé lorsque les services de sécurité ont pris d'assaut le bâtiment du PSF, et qu'il avait crié à ses partisans de garder les mains en l'air pour ne pas être abattu.

Lorsque j'ai discuté du meurtre de Yaya Dillo avec le ministre de la Justice du Tchad l'été dernier, il a insisté sur le fait que l'affaire était close et ne nécessitait pas d'enquête supplémentaire. Il a déclaré que la seule action qui restait nécessaire était que les tribunaux poursuivent en justice les membres du PSF qui auraient potentiellement eu recours à la violence.

Le résultat des élections tchadiennes de mai dernier était un fait accompli. Les organisations internationales n'étaient pas autorisées à surveiller le scrutin, et les forces de sécurité ont semé la peur dans tout le pays après l’annonce des résultats, avec des « tirs de célébration » qui ont tué au moins 11 personnes.

L'absence d'enquête sur le meurtre de Yaya Dillo, un an après cet incident, est une occasion manquée d'enrayer la descente du Tchad vers la violence politique et l'impunité. Il est impératif que le pays fasse face à la réalité de cette dérive pour y mettre fin. Il est maintenant temps que les partenaires du Tchad et les experts internationaux fassent pression pour que les responsables rendent réellement des comptes.

27.02.2025 à 20:05

Thaïlande : 40 Ouïghours renvoyés de force en Chine

Human Rights Watch
Click to expand Image Un homme marchait devant la grille d’un centre de détention pour immigrés à Bangkok, en Thaïlande, le 26 février 2025.  © 2025 Jerry Harmer/AP Photo

(Bangkok, le 28 février 2025) – Le gouvernement thaïlandais a violé le droit national et international en renvoyant de force au moins 40 hommes ouïghours en Chine, où ils sont exposés aux risques de torture, de détention arbitraire et d’emprisonnement à long terme, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Ces hommes étaient précédemment détenus dans un centre de détention pour immigrants thaïlandais, depuis plus d’une décennie.

Le 27 février, à 2h14 du matin, plusieurs camions aux fenêtres recouvertes de ruban adhésif noir ont quitté le centre de détention pour immigrants de Suan Phlu à Bangkok, où plus de 40 hommes ouïghours étaient détenus. À 4h48 du matin, entamant un vol qui n’était pas officiellement prévu, un avion de China Southern Airlines a quitté l’aéroport international de Don Mueang et a atterri six heures plus tard à Kashgar, dans la Région autonome ouïghoure du Xinjiang en Chine. Peu après, selon la chaîne de télévision publique China Central Television (CCTV), un représentant du ministère chinois de la Sécurité publique a indiqué lors d’une conférence de presse que « 40 ressortissants chinois qui a avaient quitté illégalement le pays et étaient détenus en Thaïlande ont été renvoyés [en Chine] ». Plus tard dans la journée du 27 février, le vice-Premier ministre et ministre de la Défense thaïlandais, Phumtham Wechayachai, a confirmé aux médias que les Ouïghours avaient été renvoyés en Chine.

« La Thaïlande a violé de manière flagrante le droit national et ses obligations internationales en renvoyant de force ces Ouïghours en Chine, où ils risquent d’être persécutés », a déclaré Elaine Pearson, directrice de la division Asie à Human Rights Watch. « Après 11 ans de détention dans des centres des services d’immigration en Thaïlande dans des conditions inhumaines, ces hommes courent désormais un risque grave d’être torturés, soumis à des disparitions forcées ou détenus pendant de longues périodes par le gouvernement chinois. »

En mars 2014, la police thaïlandaise avait arrêté environ 220 hommes, femmes et enfants ouïghours dans la province de Songkhla, près de la frontière avec la Malaisie ; la police les avait alors accusés d’infractions à la législation sur l’immigration, et transférés dans un centre de détention pour immigrés à Bangkok. Au cours de plusieurs incidents distincts survenus à la même période, les autorités thaïlandaises ont arrêté des dizaines d’autres Ouïghours et les ont placés en détention dans d’autres centres de détention pour immigrés, dans d’autres régions du pays. En juillet 2015, environ 170 femmes et enfants ouïghours détenus à Songkhla ont été libérés, et envoyés en Turquie. Une semaine plus tard, les autorités thaïlandaises à Bangkok ont transféré de force plus de 100 hommes ouïghours aux autorités chinoises, qui les ont contraints à retourner en Chine, a bord de deux avions.

Les autres hommes ouïghours ont continué à être détenus par les autorités thaïlandaises, sous la pression du gouvernement chinois, et sans que la durée de cette détention ne soit officiellement déterminée. Craignant qu’ils ne soient eux-mêmes bientôt renvoyés en Chine, ces hommes ont entamé une grève de la faim le 10 janvier. Ils ont recommencé à manger le 29 janvier, après avoir reçu l’assurance des autorités thaïlandaises qu’ils ne seraient pas renvoyés en Chine.

Les Ouïghours sont des musulmans parlant une langue turcique, et dont la plupart vivent au Xinjiang, dans le nord-ouest de la Chine. Le gouvernement chinois est depuis longtemps hostile aux expressions de l’identité ouïghoure. Depuis fin 2016, les autorités chinoises ont intensifié une campagne généralisée et systématique de violations des droits humains contre la population ouïghoure, y compris des crimes contre l’humanité.

Les autorités chinoises ont arbitrairement détenu et injustement emprisonné des Ouïghours, les ont persécutés pour avoir pratiqué leur culture et les ont soumis à une surveillance de masse et au travail forcé. Selon certaines estimations, près d’un demi-million d’Ouïghours seraient actuellement emprisonnés dans le cadre de la répression en cours ; les autorités chinoises ont systématiquement traité des comportements pacifiques quotidiens, comme le fait de prier ou de contacter des proches à l’étranger, comme s’il s’agissait d’activités terroristes ou extrémistes.

Les Ouïghours considérés comme ayant quitté illégalement la Chine sont considérés avec une suspicion intense par les autorités ; en cas de retour forcé, ils sont soumis aux risques de détention, d’interrogatoires, de torture, et d’autres traitements cruels, inhumains et dégradants, a déclaré Human Rights Watch. Les autorités chinoises ont également commis à plusieurs reprises des abus contre des familles ouïghoures vivant à l’étranger.

Dans un rapport de 2022, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme a documenté ces abus d’une gravité croissante, et a conclu que les actions de la Chine « sont susceptibles de constituer des crimes internationaux, en particulier des crimes contre l’humanité ».

La Thaïlande n’est pas un État partie à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et ne dispose d’aucun mécanisme national efficace pour évaluer les demandes d’asile. Les autorités thaïlandaises de l’immigration ont refusé à plusieurs reprises d’autoriser le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) à rencontrer ces hommes, les empêchant d’exercer leur droit de demander la reconnaissance de leur statut de réfugié.

Dans un communiqué publié le 27 février, le HCR a déclaré ceci : « L'agence [HCR] a demandé à plusieurs reprises à avoir accès au groupe et à obtenir des autorités thaïlandaises l'assurance que ces personnes, qui avaient exprimé leur crainte d'être renvoyées, ne seraient pas expulsées. Cet accès ne lui a pas été accordé et, lorsqu'elles ont été contactées en vue d'obtenir des éclaircissements, les autorités du gouvernement royal thaïlandais ont déclaré qu'aucune décision n'avait été prise concernant l'expulsion du groupe. »

Le gouvernement thaïlandais est tenu de respecter le principe du non-refoulement inscrit dans le droit international, qui interdit aux pays de renvoyer une personne vers un lieu où elle serait exposée à un risque réel de persécution, de torture ou d’autres mauvais traitements graves, à une menace pour sa vie ou à d’autres violations graves des droits humains comparables. Le refoulement est interdit par la Convention des Nations Unies contre la torture, à laquelle la Thaïlande est un État partie, ainsi que par le droit international coutumier.

L’interdiction du refoulement est aussi inscrite dans la loi thaïlandaise de 2023 sur la prévention et la répression de la torture et des disparitions forcées. Le 27 février, le Premier ministre Paetongtarn Shinawatra a déclaré dans une interview aux médias que le rapatriement des Ouïghours par la Chine devait être effectué d’une manière respectueuse de la loi, des normes internationales et des principes des droits humains.

« Les gouvernements préoccupés devraient faire pression sur le gouvernement chinois pour qu’il autorise les Ouïghours rapatriés à avoir accès à leurs familles, ainsi qu’aux observateurs indépendants et aux mécanismes pertinents de l’ONU », a déclaré Elaine Pearson. « Le bilan horrible de la Chine en matière d’abus contre les Ouïghours et la pression exercée sur la Thaïlande pour obtenir le transfert de ces hommes sont une source de profonde inquiétude quant à leur bien-être. »

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Articles

FranceTVInfo    Le Monde    NouvelObs

BrutMedia/AFP    Radio Canada

27.02.2025 à 00:10

Funérailles de la famille Bibas en Israël, rappel tragique de l'illégalité des prises d'otages

Human Rights Watch
Click to expand Image Une femme contemplait la tombe fleurie de Shiri Bibas et de ses jeunes fils Kfir et Ariel Bibas, tous pris en otage et amenés a Gaza le 7 octobre 2023, peu après leurs funérailles à Tzohar, dans le sud-ouest d’Israël, le 26 février 2025. © 2025 Amir Levy/Getty Images

Shiri, Kfir et Ariel Bibas, qui avaient été pris en otage par un groupe armé palestinien le 7 octobre 2023, ont été enterrés en Israël mercredi. Une foule de personnes en deuil leur ont silencieusement fait leurs adieux, tout au long du parcours du cortège funèbre. Les deux jeunes frères Kfir, qui n’avait que neuf mois le 7 octobre, et Ariel, alors âgé de 4 ans, étaient les plus jeunes otages capturés ce jour-là. Les funérailles des deux frères et de leur mère Shiri ont rappelé de manière tragique pourquoi la prise d’otages est interdite par le droit international humanitaire.

Peu après les attaques du 7 octobre menées par le Hamas dans le sud d’Israël, une vidéo a fait surface, montrant un groupe d’hommes, certains portant des uniformes et d’autres tenant des fusils d’assaut militaires, encerclant Shiri Bibas, 32 ans, qui étreignait ses deux jeunes fils. Human Rights Watch a conclu que les prises d’otages et les autres violations graves commises par les groupes armés palestiniens lors des attaques du 7 octobre ont constitué des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.

Shiri, Ariel et Kfir sont morts pendant leur détention à Gaza. Il existe différentes versions, non vérifiées de manière indépendante, sur la façon dont ils ont été tués, mais en premier lieu ils n’auraient jamais dû être emmenés à Gaza le 7 octobre ; il en est de même pour plus de 200 autres civils israéliens enlevés ce jour-là. Les groupes armés palestiniens auraient ensuite dû libérer sans condition tous les civils qu’ils détenaient, même en l’absence d’un cessez-le-feu.

Le droit international interdit de détenir quiconque en otage, ou sans base légale. Les groupes armés palestiniens devraient libérer immédiatement et dans des conditions sûres tous les civils qu’ils détiennent encore ; de même, les autorités israéliennes devraient libérer immédiatement et dans des conditions sûres tous les Palestiniens détenus illégalement. Les êtres humains ne devraient jamais être utilisés comme monnaie d’échange.

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26.02.2025 à 23:20

Argentine : Le président Milei sape l'indépendance judiciaire

Human Rights Watch
Le juge fédéral argentin Ariel Lijo, nommé en avril 2024 par le président Javier Milei au poste de juge de la Cour suprême, s’exprimait lors d’une audition publique devant une commission du Sénat, tenue le 21 août 2024 à Buenos Aires.  © 2024 Sénat argentin (Senado de la Nación)

(Washington, 26 février 2025) – La décision du président argentin Javier Milei de pourvoir deux postes vacants à la Cour suprême par décret présidentiel porte atteinte à l’indépendance de la justice, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.

Le 26 février, le président Milei a signé un décret présidentiel nommant un juge fédéral, Ariel Lijo, et un juriste, Manuel García-Mansilla, aux postes de juges de la Cour suprême. Javier Milei a pris cette décision après avoir échoué, pendant des mois, à réunir la majorité des deux tiers du Sénat argentin qui aurait été requise pour pourvoir ces deux postes vacants, selon les procédures régulières. La théorie selon laquelle le président Milei peut simplement contourner le Sénat et procéder à ces nominations par décret repose toutefois sur une interprétation douteuse de la Constitution argentine.

« La nomination d’Ariel Lijo et de Manuel García-Mansilla par décret est l’une des attaques les plus graves contre l’indépendance de la Cour suprême en Argentine depuis le retour du pays à la démocratie », a déclaré Juanita Goebertus, directrice de la division Amériques à Human Rights Watch. « Le Sénat devrait réagir de manière appropriée, et veiller à ce qu’aucune nomination aux postes de juges de la Cour suprême ne soit concrétisée son consentement. »

Le 25 février, l’administration Milei a publié un communiqué annonçant sa décision de procéder à cette double nominations par décret, et affirmant que le Congrès avait « évité de respecter la décision de ce gouvernement » au sujet de ces deux candidats, dont « l’aptitude à occuper ces postes avait été démontrée ».

Le président Milei a initialement annoncé sa nomination d’Ariel Lijo et de Manuel García-Mansilla aux postes de juges à la Cour suprême en avril 2024 ; par la suite, plusieurs organisations de défense des droits humains, fédérations d’entreprises, universitaires et simples citoyens ont officiellement exprimé leur inquiétude quant au bilan de Lijo en tant que juge fédéral, et aux opinions de García-Mansilla sur les droits à la santé sexuelle et reproductive. Lijo fait l’objet de cinq enquêtes disciplinaires en cours devant le Conseil de la magistrature, l’organisme chargé d’enquêter sur les juges fédéraux et éventuellement de les révoquer. Selon un rapport, il a été visé par 29 autres procédures disciplinaires qui ont finalement été closes. Certaines procédures étaient fondées sur des allégations selon lesquelles Lijo aurait retardé et manipulé des enquêtes sur la corruption.

Click to expand Image Le président de l’Argentine, Javier Milei, prononçait un discours concernant le budget 2025 au Congrès national à Buenos Aires, le 15 septembre 2024. © 2024 Sipa via AP Images

Une disposition de la Constitution argentine (art. 99-19) autorise le président à « pourvoir des postes vacants qui nécessitent l’approbation du Sénat, durant les périodes en dehors des sessions du Congrès ». Toutefois, les tribunaux n’ont pas statué afin de confirmer que le terme « postes vacants » de cette disposition s’applique aussi au poste de juge de la Cour suprême, et de nombreux universitaires ont exprimé leurs doutes à ce sujet. Beaucoup d’entre eux soutiennent que la disposition ne concerne que les ambassadeurs, les membres de l’armée et d’autres fonctionnaires du pouvoir exécutif. Les experts ont aussi exprimé des doutes quant à la légalité d’une nomination par décret présidentiel effectuée avant le début d’une période de non-session du Congrès.

L’Argentine est un État partie à plusieurs traités internationaux relatifs aux droits humains, notamment au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et à la Convention américaine relative aux droits humains (« Pacte de San Jose du Costa Rica »), qui l’obligent à garantir l’indépendance et l’impartialité de son système judiciaire. La Cour interaméricaine des droits de l’homme a déclaré à plusieurs reprises que les juges doivent être nommés selon un « processus adéquat » qui protège leur indépendance, notamment vis-à-vis des pouvoirs exécutif et législatif.

En vertu de la Constitution argentine, une nomination par décret présidentiel effectuée pendant une période de non-session du Parlement demeure en vigueur jusqu’à « la fin de la législature suivante », c’est-à-dire dans ce cas-ci le 30 novembre 2025. Toutefois, le Sénat est habilité à révoquer les fonctionnaires nommés de cette manière, pour n’importe quelle raison jugée valable. Des juges nommés de cette manière ne disposent pas de sécurité quant à la durée de leur mandat, ce qui risque de porter atteinte à leur indépendance réelle ou perçue.

Le Sénat argentin joue un rôle crucial en veillant à ce que toute nomination des juges de la Cour suprême respecte les procédures constitutionnelles, et en examinant soigneusement leurs qualifications, leur expérience et leur intégrité, a observé Human Rights Watch. Lors de sa prochaine session, le Sénat devrait immédiatement procéder à un vote au sujet des deux nominations du décret présidentiel.

En décembre 2015, l’ancien président argentin Mauricio Macri, avait aussi invoqué le même article de la Constitution pour pourvoir deux sièges vacants à la Cour suprême, par décret présidentiel. Human Rights Watch, d’autres organisations non gouvernementales et des juristes avaient alors aussi critiqué cette décision. Le Sénat n’avait alors pas pu examiner les nominations au moment de la publication du décret présidentiel, et ce n’est que six mois plus tard que les deux juges nommés par Macri ont pris leurs fonctions, après avoir obtenu les deux tiers des voix requises au Sénat.

« En contournant le processus régulier d’approbation par le Sénat et en nommant un candidat au dossier disciplinaire préoccupant, le gouvernement argentin sape les fondements mêmes de l’indépendance judiciaire », a conclu Juanita Goebertus. « Les institutions démocratiques argentines devraient montrer leur force, et défendre l’État de droit. »

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Articles

Le Monde     Observatoire de l’Europe

25.02.2025 à 06:00

UE : Restaurer l’humanité en mer

Human Rights Watch
Click to expand Image Un canot transportant une équipe de Médecins Sans Frontières s’approchait d’un bateau surchargé afin de secourir des migrants, lors d’une opération de sauvetage menée en mer Méditerranée, le 19 septembre 2024. © 2024 Mohamad Cheblak/Médecins Sans Frontières

(Milan, le 25 février 2025) – L’Union européenne, ses États membres et l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes Frontex devraient accorder la priorité au sauvetage des vies en mer, a déclaré Human Rights Watch dans un dossier multimédia publié aujourd’hui. 

Plus de 400 personnes sont mortes ou ont été portées disparues en mer Méditerranée au cours des trois derniers mois seulement. Durant la même période, plus de 3 800 personnes ont été renvoyées de force vers la Libye par les forces libyennes soutenues par l’UE.

« La politique européenne de dissuasion par la noyade est odieuse », a déclaré Judith Sunderland, Directrice adjointe de la division Europe et Asie centrale à Human Rights Watch. « Aujourd’hui plus que jamais, l’UE doit revenir à ses valeurs fondamentales et à notre humanité commune en assurant la recherche et le sauvetage en mer et le débarquement dans des lieux sûrs. » 

Un navire porteur d’humanité Sauvetages en Méditerranée

Le dossier web, intitulé « Un navire porteur d’humanité », est un récit de première main de l’une des dernières missions menées en septembre 2024 par le Geo Barents, le navire de sauvetage affrété par l'organisation humanitaire Médecins Sans Frontières (MSF). Lors de deux opérations, l'équipe de MSF a secouru 206 personnes, principalement originaires d'Éthiopie, d'Érythrée et de Syrie, malgré l'intervention d'un patrouilleur libyen qui a menacé d'ouvrir le feu. Les autorités italiennes ont ordonné que le Geo Barents soit détenu à quai pendant 60 jours, pour non-respect des ordres des autorités libyennes, parmi d’autres raisons.

En décembre, MSF a annoncé sa décision de ne plus utiliser le Geo Barents, invoquant les lois et politiques italiennes, notamment les ordres de débarquer les personnes secourues dans des ports lointains, qui rendent « impossible la poursuite du modèle opérationnel actuel. » L'organisation a déclaré qu'elle reprendrait ses opérations de recherche et de sauvetage en Méditerranée dès que possible.

Des entretiens approfondis avec 11 survivants à bord du Geo Barents ont confirmé le traitement brutal des migrants et des demandeurs d'asile en Libye, ainsi que les conséquences dévastatrices du soutien italien et européen aux forces de garde-côtes libyennes. Toutes les personnes interrogées ont décrit une certaine forme d'abus en Libye, allant de l'extorsion au travail forcé, en passant par la torture et le viol, dans des centres de détention libyens officiellement sous l'autorité de l'État, ou en captivité par des passeurs. De nombreuses personnes interrogées ont été arrêtées à plusieurs reprises après avoir été interceptées en mer par les forces libyennes et tunisiennes.

24 octobre 2024 Frontex devrait agir pour sauver des vies en mer

Une campagne appelle l’agence de garde-frontières et de garde-côtes de l’UE à agir #AvecHumanité

L’UE a largement abdiqué sa responsabilité d’assurer la recherche et le sauvetage en Méditerranée. Malgré les preuves accablantes de graves abus infligés aux migrants détenus en Libye, l’UE soutient les efforts des forces libyennes pour détecter les bateauxet forcer le retour des migrants, notamment grâce à la surveillance aérienne de Frontex au-dessus de la Méditerranée centrale. L’UE reproduit désormais son modèle abusif de coopération avec la Libye avec d’autres pays tels que la Tunisie et le Liban, où les personnes sont confrontées à des abus, ainsi qu’au risque d’expulsion malgré le risque de préjudices supplémentaires.

Au cours de la dernière décennie, plus de 31 300 personnes sont mortes ou ont été portées disparues en Méditerranée, selon l'Organisation internationale pour les migrations, avec au moins 2 300 morts ou disparus en 2024. Décembre a été le mois le plus meurtrier l’année dernière, avec au moins 309 déclarées mortes ou disparues. Près de 100 personnes, dont 8 enfants, sont disparues en mer depuis le début de 2025.

#AvecHumanité

L'appel adressé à l’agence européenne Frontex

Site de la campagne

En octobre 2024, Human Rights Watch a lancé la campagne #AvecHumanité, appelant Frontex à prendre des mesures concrètes pour utiliser ses technologies et son savoir-faire pour sauver des vies. L’agence devrait s’assurer que l’emplacement exact des embarcations en détresse repérées par les moyens aériens de Frontex soit transmis systématiquement aux navires de sauvetage présents dans la zone et gérés par des organisations non gouvernementales et émettre plus fréquemment des signaux d’urgence sur la base d’une définition large de la notion de détresse, a déclaré Human Rights Watch. Les appareils aériens de Frontex devraient également surveiller les cas de détresse et porter assistance si nécessaire.

« Les personnes qui entreprennent ces voyages dangereux fuient les souffrances et les abus, tout en espérant pouvoir construire un meilleur avenir ailleurs », a conclu Judith Sunderland. « Si on leur donne une chance équitable, la plupart des personnes qui arrivent et qui restent finiront par subvenir à leurs propres besoins et à ceux de leurs familles, tout en soutenant leurs nouvelles communautés. »

25.02.2025 à 06:00

Soudan : Un groupe armé allié aux militaires a attaqué un village

Human Rights Watch
Click to expand Image Photographie des tombes creusées par des villageois de Tayba, au Soudan, sur le lieu de sépulture des victimes tuées lors de l’attaque menée par les Forces du Bouclier du Soudan le 10 janvier 2025. Cette photo a été prise et envoyée par un habitant du village, puis géolocalisée par Human Rights Watch. © 2025 Privé Les Forces du Bouclier du Soudan, un groupe armé qui combat aux côtés des Forces armées soudanaises (FAS), ont ciblé intentionnellement des civils et leurs biens lors d’une attaque perpétrée le 10 janvier.Des groupes armés combattant aux côtés des FAS se sont livrés à des violences à l’encontre de civils lors de leur dernière offensive dans l’État de Gezira.Les autorités soudanaises devraient enquêter d’urgence sur toutes les violences rapportées et demander des comptes aux responsables, y compris aux commandants des Forces du Bouclier du Soudan.

(Bruxelles, le 25 février 2025) – Les Forces du Bouclier du Soudan, un groupe armé qui se bat aux côtés des Forces armées soudanaises (FAS, ou SAF en anglais), ont intentionnellement ciblé des civils lors d’une attaque le 10 janvier 2025, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.

L’attaque contre le village de Tayba dans l’État de Gezira (Al-Djazira), dans la région centrale du Soudan, a fait au moins 26 morts, y compris un enfant, et de nombreux blessés. Le groupe armé a aussi pillé de façon systématique les biens des civils, notamment leurs réserves de nourriture, et incendié les maisons. Ces actes constituent des crimes de guerre ; certains d’entre eux, comme le massacre délibéré de civils, peuvent même constituer des crimes contre l’humanité. 

« Des groupes armés combattant aux côtés des Forces armées soudanaises se sont livrés à des violences à l’encontre de civils lors de leur dernière offensive dans l’État de Gezira », a déclaré Jean-Baptiste Gallopin, chercheur senior auprès de la division Crises, conflits et armes de Human Rights Watch. « Les autorités soudanaises devraient enquêter d’urgence sur toutes les violences signalées et s’assurer que les responsables, y compris les commandants des Forces du Bouclier du Soudan, rendent des comptes. »

Carte : emplacement de Tayba Click to expand Image Carte montrant l’emplacement de Tayba, le village attaqué par les Forces du Bouclier du Soudan le 10 janvier 2025. Ce village est situé dans l’État de Gezira (Al-Djazira), au sud-est de Khartoum, la capitale du Soudan. © 2025 Human Rights Watch

L’attaque du 10 janvier s’est produite dans le cadre d’une nette hausse des attaques dues à des groupes et milices affiliés aux FAS à l’encontre de communautés vivant dans l’État de Gezira et d’autres zones que l’armée a reprises aux Forces de soutien rapide (FSR, ou RSF en anglais) depuis janvier 2025. Des assaillants armés, dont des Forces du Bouclier du Soudan, du bataillon islamiste Al-Baraa Ibn Malik et de milices locales, ont ciblé des communautés qu’apparemment ils considéraient comme soutenant les FSR, une force armée autonome qui est en conflit contre les FAS depuis avril 2023. Les FAS ont repris le chef-lieu de l’État de Gezira, Wad Madani, le 11 janvier.

Des chercheurs de Human Rights Watch ont mené des entretiens avec huit personnes rescapées de l’attaque de Tayba qui ont également été témoins d’événements clés liés à cette attaque. Les chercheurs ont également analysé des images satellite, des photographies et des vidéos fournies par les survivants, où l’on pouvait voir les corps sans vie d’une partie des personnes ayant été tuées, des dégâts dus aux incendies allumés par les assaillants, des tombes de victimes et une liste de treize personnes tuées. Un comité d’habitants de Tayba mis en place pour dénombrer les victimes a confirmé que 26 personnes avaient été tuées.

Dans le village de Tayba, situé à 30 kilomètres à l’est de Wad Madani, dans le district d’Oum al-Qura, vivent surtout des membres des ethnies Tama, Bergo et Mararit, originaires de l’ouest du Soudan. Ce type de communautés d’agriculteurs, formées majoritairement de groupes ethniques non arabes de l’ouest et du sud du Soudan, et qui se sont installées dans la zone il y a quelques décennies, sont appelées « kanabi ». D’autres communautés kanabi ont subi des attaques ces dernières semaines.

Un homme de 60 ans a témoigné que des tireurs en tenues de camouflage vertes et conduisant des Toyota Land Cruiser lui avaient tiré dessus à faible portée. « Ils ont crié ‘Stop !’ puis m’ont tiré dessus avec une kalachnikov, dans les reins », a-t-il déclaré. Un homme ayant assisté à la scène a rapporté qu’il avait entendu les agresseurs proférer des insultes racistes, du type « Espèce d’esclave ! », pendant qu’ils tiraient.

D’après une femme, « ils [...] sont entrés dans la maison où nous étions et ont demandé où étaient nos maris. Puis ils se sont mis à menacer tout le monde en disant qu’ils allaient s’en prendre à nous et à nos maris. » Elle se souvient que les hommes criaient : « Vous ne savez pas qui sont les troupes de Keikel ? Vous ne savez pas qui nous sommes ? », faisant référence à Abou Akla Keikel, le chef des Forces du Bouclier du Soudan.

En 2022, Abou Akla Keikel a constitué les Forces du Bouclier du Soudan en 2022 en recrutant essentiellement dans les communautés arabophones de l’État de Gezira. Ce groupe s’est battu aux côtés des FAS entre avril 2023 et août 2023, avant de faire défection en passant dans le camp des FSR. Mais en octobre 2024, Keikel et son Bouclier du Soudan sont revenus combattre pour les FAS. En réaction, les FSR se sont livrées à une vague d’attaques contre les communautés qu’elles jugeaient fidèles à Keikel, commettant nombre d’atrocités, notamment des violences sexuelles généralisées contre les femmes et les filles. Alors que, depuis janvier, l’armée soudanaise est en train de reprendre le contrôle de l’État de Gezira et d’autres zones du pays, ce sont les civils qui paient le prix des violences qui sont commises en représailles, cette fois de la part des forces affiliées aux FAS, qui les accusent d’avoir collaboré avec les FSR lorsqu’elles contrôlaient ces régions.

Les témoins de Tayba ont déclaré que les véhicules militaires portaient les mots « Bouclier du Soudan » et ont décrit un emblème qui semble correspondre à celui de ce groupe. Ils ont également décrit le pillage et le vol généralisé d’argent, de nourriture et de cheptel, dont 2 000 têtes de bétail. Tous les témoins ont déclaré que les gens du village n’avaient aucune arme à feu, qu’ils n’ont pas résisté à l’attaque du 10 janvier et n’étaient pas en mesure de le faire.

Click to expand Image Un pick-up transportant des membres des Forces du Bouclier du Soudan, dont l’emblème est visible sur le pare-brise, suivi d’autres véhicules dans un lieu non identifié. Photo publiée sur la chaîne Telegram Sudanshield0, le 28 novembre 2024.

Les vidéos reçues et vérifiées par Human Rights Watch corroborent les récits de l’attaque de Tayba et contiennent aussi des preuves de crimes commis dans d’autres endroits de l’État de Gezira à la même période. Des vidéos, géolocalisées à Wad Madani, qui sont apparues sur les médias sociaux montrent des combattants affiliés aux FAS se livrant à des tortures et des exécutions extrajudiciaires à l’encontre de personnes non armées. Lorsque des meurtres de Sud-Soudanais par des forces affiliées aux FAS ont été rapportés à Wad Madani, de violentes représailles ont ciblé des civils soudanais au Soudan du Sud, ce qui a déclenché une crise diplomatique entre le Soudan et le Soudan du Sud.

Le meurtre et la mutilation de civils, le pillage ainsi que le fait de cibler et détruire des biens civils constituent autant de crimes de guerre. En vertu de la doctrine de la responsabilité du commandement, les chefs militaires peuvent être tenus responsables des crimes de guerre commis par leurs subordonnés des forces armées ou par d’autres combattants sous leur contrôle.

Les FAS ont condamné les violences commises dans l’est de l’État de Gezira, tout en les décrivant comme des « transgressions individuelles », et déclaré qu’ils tiendraient leurs auteurs pour responsables. Au lendemain de l’attaque de Tayba, les habitants ont déclaré que des enquêteurs du gouvernement s’étaient rendus sur place pour interroger des témoins clés. Par ailleurs, des témoins ont déclaré que des véhicules de la Force conjointe des mouvements de lutte armée, une coalition de groupes armés majoritairement darfouriens qui est affiliée aux FAS, ont été déployés à Tayba afin de protéger la population. Pourtant, depuis l’attaque, des généraux des FAS, dont le général Yasir Al-Atta, qui siège au Conseil de souveraineté, l’entité au pouvoir, se sont montrés en public avec Keikel et ont loué sa contribution à l’effort de guerre.

Les FAS devraient enquêter sur l’attaque de Tayba et sur les autres violences commises par les groupes armés et milices qui leur sont affiliés, publier les conclusions de ces investigations et prendre des mesures en vue de poursuivre les responsables, y compris les commandants, a déclaré Human Rights Watch. En attendant les résultats de cette enquête, les FAS devraient suspendre Keikel et les autres chefs principaux du Bouclier du Soudan.

« Diverses preuves montrent clairement que des forces affiliées aux FAS sont responsables de meurtres horribles et d’atrocités à l’encontre de civils », a conclu Jean-Baptiste Gallopin. « Les acteurs internationaux, dont les États-Unis, l’Union européenne et le Royaume-Uni, devraient soutenir activement des initiatives permettant de réellement protéger les civils au Soudan, et infliger rapidement des sanctions aux responsables, y compris Abou Akla Keikel. »

Pour davantage d’informations sur les violences commises à Tayba, sur la région et sur les Forces du Bouclier du Soudan, veuillez lire ci-dessous. 

L’attaque de Tayba

La première attaque contre Tayba date du 9 janvier. Les Forces du Bouclier du Soudan sont entrées dans le village voisin d’Al-Mugharba et, selon un témoin, il y a eu des combats près de Tayba ce jour-là. Tayba a été visée dans l’après-midi par des armes explosives, ce qui a poussé certaines personnes à s’enfuir et passer la nuit dans les champs. Il n’y a pas eu de victimes. Deux personnes ont témoigné avoir vu des drones survoler Tayba en fin d’après-midi.

Les habitants sont revenus le lendemain matin. Vers 9 ou 10 heures du matin, des motos et des Toyota Land Cruiser équipées de mitrailleuses lourdes DShK 12.7 mm sont entrées dans le village. « Les gens s’en allaient au marché, ou en revenaient », a relaté une jeune femme rescapée de l’attaque. « Les enfants jouaient dehors [...] Et tout à coup [...], des [combattants sur des] véhicules ont attaqué le village et les gens ont commencé à crier et à courir [...]. Les enfants avaient très peur ! » 

Les témoins ont rapporté que les hommes montés sur les véhicules tiraient sur les gens sans raison et incendiaient les maisons, pendant que les hommes du village s’enfuyaient vers la campagne. Les assaillants sont restés au village pendant à peu près une heure, avant de se retirer, ont témoigné des villageois. Personne au village n’avait d’arme et personne n’a cherché à résister.

Vers deux heures de l’après-midi, alors que les gens étaient sortis de leurs cachettes et se préparaient aux funérailles des victimes, des forces armées en uniforme militaire, montées sur les Land Cruiser et des motos, ont à nouveau attaqué le village. « Tout le monde s’est mis à courir », a témoigné un rescapé. Les hommes armés « tiraient sur les maisons », d’après un témoignage. « Il y a eu beaucoup de gens tués. » Cette fois encore, personne n’a résisté.

Un homme a témoigné qu’il avait compté onze véhicules militaires qui entraient dans le village par l’est et que davantage de véhicules étaient venus d’autres directions. Au total, d’après lui, il y avait 25 véhicules militaires, flanqués d’une poignée de voitures ordinaires et de camions. De l’endroit où il se cachait, il a vu des hommes armés abattre un homme dans la rue, près d’une épicerie. 

Un autre témoin a rapporté qu’il avait vu des hommes en uniforme militaire tirer sur des gens, à environ 200 mètres de là où il se trouvait, en train de s’enfuir vers les champs. « Tous ces véhicules militaires circulaient dans tous les sens [...] dans le village en tirant [...] au hasard sur les hommes », a-t-il déclaré.

Une jeune femme a déclaré qu’elle avait vu le corps sans vie d’un homme, un berger âgé d’une trentaine ou quarantaine d’années, appelé Adam et surnommé « Gelenki ». Elle a rapporté que « [les assaillants] ne tuaient pas les femmes, mais les arrêtaient, les fouillaient et leur ordonnaient de leur donner tout ce qu’elles avaient sur elles. Mais s’ils tombaient sur un homme ou un adolescent [...], il se faisait tuer sur le champ ».

Les hommes armés sont entrés dans les domiciles, à la recherche d’hommes et de garçons. Une femme a déclaré que son fils adulte s’était enfermé chez lui, mais que les combattants avaient tiré sur la porte avec une mitrailleuse DShK, le blessant aux fesses.

Selon deux autres témoins, des hommes armés ont mis le feu à des domiciles et des biens à l’aide de briquets. Une jeune femme a déclaré : « J’ai vu trois hommes entrer dans une maison, un briquet à la main. Ils entrent, ils ressortent. S’ils ne trouvent rien à voler, ils sortent et avant de s’en aller, ils se servent d’un briquet pour incendier la maison [...]. Dans les cases faites à base de paille, le feu se propage très facilement. » Un homme a témoigné que le fils de son cousin, un garçon d’environ 15 ans nommé Moussa Souleïman Moussa Yahya, avait été tué, et son petit frère âgé de 8 ou 9 ans, gravement blessé, lorsque les combattants avaient mis le feu à la maison où les garçons avaient trouvé refuge. Des bâtiments brûlaient toujours lorsque les assaillants ont quitté les lieux dans la soirée du 10 janvier, a affirmé un troisième habitant.

Les images satellite de haute résolution datant du 22 janvier analysées par Human Rights Watch montrent une douzaine de bâtiments calcinés dans la partie ouest du village. L’observation d’images satellite de faible résolution confirment qu’ils ont bien été brûlés le 10 ou le 11 janvier.

Click to expand Image Une des photographies envoyées par un habitant de Tayba, montrant selon lui une maison incendiée par les Forces du Bouclier du Soudan lorsqu’elles ont attaqué ce village, le 10 janvier 2025. © 2025 Privé

Lors de l’attaque, les Forces du Bouclier du Soudan, ainsi que des tireurs habillés en civil, ont systématiquement pillé le village. Une femme a déclaré avoir vu des personnes en civil, qu’elle a décrits comme « des Arabes », voler du bétail en le faisant monter dans un grand camion, dans son quartier situé au sud du village. Un homme qui s’est caché dans une maison ce matin-là a témoigné avoir vu des hommes armés vêtus de robes traditionnelles – il pense que c’étaient des Arabes d’un bourg voisin – dérober du bétail pendant que l’attaque était en cours. Deux témoins ont déclaré qu’ils avaient vu des hommes armés emmener des bêtes hors du village et que ces hommes leur avaient tiré dessus.

D’après deux témoignages, les Forces du Bouclier du Soudan ont également fait prisonniers des villageois ce jour-là. Après s’être enfui du village en voiture, un des témoins est tombé sur un homme qu’il a reconnu – d’après lui, « un des hommes de Keikel » – et qui roulait dans un véhicule avec trois autres hommes. Les quatre hommes étaient armés. D’après ce rescapé, les hommes l’ont accusé de travailler pour les FSR et se sont emparés de lui en lui attachant les mains et en lui bandant les yeux. Un éleveur local, qui était à proximité, aurait alors lancé aux hommes : « Pourquoi vous vous embêtez à le faire prisonnier, pourquoi vous ne le tuez pas tout de suite ? » Les assaillants l’ont ensuite emmené dans un camp des Forces du Bouclier, où il a vu des véhicules marqués de l’emblème du groupe, mais l’ont relâché le lendemain matin.

Identification des assaillants

Des habitants ont témoigné qu’ils avaient vu sur les véhicules le nom et l’emblème du Bouclier du Soudan.

Click to expand Image L’emblème des Forces du Bouclier du Soudan, où figurent deux fusils de type M16 croisés. Publié sur la page Facebook des Forces du Bouclier du Soudan, le 6 décembre 2022.

Les témoins ont expliqué que les uniformes des assaillants étaient les mêmes ou similaires à ceux de l’armée, c’est-à-dire des tenues de camouflage vertes. Deux témoins ont par ailleurs identifié, parmi les attaquants, des villageois arabophones locaux qui avaient rejoint les Forces du Bouclier du Soudan.

Des contenus publiés par les Forces du Bouclier du Soudan sur les médias sociaux le jour de l’attaque prouvent que le groupe était présent dans cette zone. Human Rights Watch a vérifié deux vidéos publiées le 10 janvier par le groupe Facebook des Forces du Bouclier du Soudan, qui montrent le commandant Keikel dans le bourg d’Oum al-Qura, à sept kilomètres de Tayba en direction du sud-ouest.

Click to expand Image Capture d’écran d’une vidéo géolocalisée publiée sur une chaîne Telegram pro-Bouclier du Soudan, qui montre le chef militaire Abou Akla Keikel, entouré de ses troupes des Forces du Bouclier du Soudan, dans le district d’Oum al-Qura où se situe le village de Tayba. Chaîne Telegram Sudanshield0, 10 janvier 2025. Conséquences de l’attaqueNombre de personnes tuées

Le soir du 10 janvier, des corps sans vie d’hommes et de garçons gisaient dans tout le village. Un homme a témoigné avoir trouvé douze corps de personnes qu’il connaissait. Le premier était le cadavre d’un homme presque octogénaire du nom de Komar, qui avait un problème de santé mentale, touché par une balle près du cœur. Puis il a trouvé un groupe de cinq corps ; plus loin, les corps égorgés d’un enseignant d’une école coranique appelé Cheikh Malik et de l’un de ses élèves.

Puis il a trouvé deux autres jeunes hommes, l’un atteint d’une balle dans le cœur, l’autre dans la tête, ainsi qu’un quadragénaire appelé Mohammed et surnommé Abou Zaïr, atteint à la poitrine et au bras. Enfin, le même homme a retrouvé la dépouille calcinée de Moussa, l’adolescent qui était mort dans une maison en feu.

Click to expand Image Photographie d’une liste de treize noms de personnes qui ont été tuées lors de l’attaque de Tayba, au Soudan, le 10 janvier 2025. © 2025 Privé

Le soir du 10 janvier, les villageois de Tayba ont mis en place un comité chargé de compter les morts. Ses membres ont dénombré et rassemblé les dépouilles, puis pris des photos en les plaçant les unes à côté des autres, pour arriver au total de 26 personnes tuées. La plupart des victimes étaient des agriculteurs.

Des habitants ont enterré les corps des victimes dans la soirée du 10 janvier, puis le 11 janvier, dans au moins trois tombes. Human Rights Watch a géolocalisé les photos et les vidéos de deux tombes dans le cimetière situé au centre du village. Elles ne sont pas visibles sur l’imagerie satellite du 28 décembre 2024, alors qu’on les distingue bien sur celle du 22 janvier. Un autre témoin a rapporté qu’il avait pris part à l’enterrement de trois personnes à la périphérie du village.

Le 11 janvier, des hommes armés en civil sont arrivés et ont procédé à un pillage en règle de la région. Un villageois a estimé que deux milliers de têtes de bétail avaient été dérobées, ainsi que de l’argent et les réserves de pain et de fèves du village.

Réaction des FAS

Au cours de la soirée du 12 janvier, une délégation des FAS et de la Force conjointe des mouvements de lutte armée – une coalition de groupes armés affiliés à l’armée, majoritairement originaires du Darfour – est arrivée à Tayba en réponse aux appels à l’aide des habitants. Les militaires ont apporté de la viande pour nourrir le village, d’après le témoignage d’un villageois. Ils ont entrepris à plusieurs reprises de chasser des pilleurs. Un officier, a-t-il été rapporté, a promis que « les criminels seraient punis [...] conformément à la loi ».

La Force conjointe a ensuite fourni une escorte armée à un véhicule civil qui transportait des blessés et des malades jusqu’à l’hôpital de la ville d’Al-Fao, à 52 kilomètres vers le sud-est, dans l’État voisin de Gedaref (Al-Qadarif). Une fille de 13 ans, qui était malade, est décédée pendant le trajet. Vingt-trois autres personnes blessées, a-t-il été rapporté, sont restées à Tayba car il n’y avait plus de place dans le véhicule civil.

Le 21 janvier, des enquêteurs du gouvernement sont venus dans le village pour interroger les habitants, ont relaté deux témoins. Au moins deux suspects ont été arrêtés par la suite, a rapporté un villageois. Cependant, les autorités n’ont annoncé aucune poursuite de l’affaire et des généraux de haut rang ont continué à apparaître au côté de Keikel.

D’après les habitants, les membres de la Force conjointe, qui est toujours déployée à Tayba, leur ont assuré qu’ils les protégeraient. « Ils disent qu’ils resteront trois mois, et nous l’espérons, car s’ils partent, cela pourrait mal tourner », a estimé un villageois.

L’attaque, mais aussi le pillage généralisé et les destructions, ont aggravé la situation humanitaire du village déjà tendue, ont expliqué les habitants.

Le village de Tayba

Tayba a été fondée en 1973 pour héberger la main-d’œuvre venue travailler dans le cadre du nouveau Projet agricole de Rahad. Aujourd’hui, un millier de familles y vivent, d’après un villageois. Il s’agit d’une des nombreuses communautés dites « kanabi », composées de travailleurs agricoles, souvent issus de communautés non arabophones qui sont venues d’autres régions pour ce type de projets d’agriculture.

Jusqu’à l’attaque de janvier, Tayba se situait près de la ligne de front du conflit entre les FSR et l’armée. La position la plus proche des FSR se situait dans la ville d’Oum al-Qura, tandis que les FAS contrôlaient le Village 39, à environ huit kilomètres vers le sud-est. Des informations issues de l’ACLED, une organisation qui collecte des données sur les conflits du monde entier, montre que les alentours d’Oum al-Qura ont été le théâtre de combats épisodiques, depuis le déclenchement de la guerre en 2023, et que la ville a changé de mains plusieurs fois. 

Les combats se sont intensifiés à partir de novembre 2024, jusqu’à ce que les FAS s’emparent de la ville le 10 janvier. Les données de l’ACLED montrent qu’en octobre 2024, lorsque Keikel a fait défection en passant aux FAS, les FSR ont ciblé de nombreux villages de la région, perçus comme des soutiens des Forces du Bouclier du Soudan.

Les habitants de Tayba ont subi de plus en plus d’actes de harcèlement de la part des communautés arabophones voisines au cours des mois précédant l’attaque. D’après les villageois, les « mobilisés », des groupes de résistance entraînés et formés par les FAS, ont harcelé les villageois, les ont empêchés de se rendre dans la ville d’Al-Fao, ont perturbé leurs moyens de subsistance et leur ont volé du bétail. 

Fin décembre, par exemple, une voiture emmenant des malades à l’hôpital d’Al-Fao n’avait pas pu partir à temps, d’après un témoin, et un enfant malade était décédé à son arrivée à l’hôpital. Les menaces contribuaient aussi à une grave pénurie alimentaire dans le village, a expliqué un témoin.

Deux habitants ont déclaré que deux semaines avant l’attaque du 10 janvier, ils avaient été menacés par un homme qu’ils ont décrit comme un « chef » local du Bouclier du Soudan au Village 39. « Vous devez partir d’ici et rester à Tayba », leur avait-il lancé, d’après un des témoins. « Il a menacé [...] de brûler et d’attaquer Tayba. » « Il a dit qu’il avait adhéré au Bouclier [du Soudan] dans le seul but de se débarrasser de Tayba une fois pour toutes », a ajouté l’autre témoin. 

Deux villageois ont affirmé que les Forces du Bouclier du Soudan avaient traversé Tayba en décembre, lors de leur première offensive sur Oum al-Qura, et qu’elles avaient alors frappé et enlevé certains villageois, les accusant, d’après ces témoins, de collaborer avec les FSR. Certaines de ces personnes sont toujours disparues. Un des témoins a précisé que ces troupes étaient menées par le frère de Keikel, Azzam.

Les Forces du Bouclier du Soudan

En 2022, Abou Akla Keikel, qui était alors un ancien militaire, a créé les Forces du Bouclier du Soudan. Keikel a rangé ses troupes du côté des FAS en avril 2023, avant de passer du côté des FSR en août. En décembre, le commandant des FSR, Mohammed Hamdan Dagalo, alias Hemedti, a nommé Keikel commandant en chef des FSR dans l’État de Gezira.

Depuis, Keikel a maintenu une forte présence dans l’est de l’État de Gezira, facilité par un recrutement au sein des communautés locales. Trois habitants de Tayba ont affirmé que les Forces du Bouclier du Soudan présentes dans la zone avaient recruté dans les communautés arabophones, qui d’après eux revendiquent un droit historique sur ces terres. 

Keikel a rejoint à nouveau les FAS en octobre 2024, revêtant l’uniforme des FAS et conservant son rang de major général. Il est apparu en public au côté du général Abdelfattah al-Burhan, le commandant en chef des FAS, lorsque celui-ci s’est rendu sur le front le 15 décembre. En janvier 2025, Radio Dabanga a rapporté que les Forces du Bouclier du Soudan avaient joué un « rôle majeur » dans les combats qui se sont déroulés dans l’État de Gezira et dans la ville de Nil Est, près de Khartoum.

Click to expand Image Yasir Al-Atta, un général des Forces armées soudanaises (FAS), prononçait un discours le 19 janvier 2025, neuf jours après l’attaque menée par les Forces du Bouclier du Soudan à Tayba. Derrière lui se trouvait Abou Akla Keikel (deuxième à partir de la droite), le chef des Forces du Bouclier du Soudan. Le général Al-Atta a déclaré : « À présent, l’armée soudanaise, la police soudanaise, les services de renseignement et de sécurité soudanais, la Force conjointe, le Bouclier du Soudan et la Résistance populaire soudanaise, tout cela, c’est le peuple soudanais, tout cela, c’est l’armée du Soudan. » Publié sur la page Facebook des Forces du Bouclier du Soudan le 19 janvier 2025.

Le 14 janvier, les Forces du Bouclier du Soudan ont rejeté les accusations portant sur leur implication dans des violences à l’égard des communautés kanabi et exprimé leur soutien aux enquêtes menées par les FAS. 

Depuis l’attaque de Tayba, des officiers de haut rang des FAS, dont Al-Atta et le major général Awad Al-Karim, qui commande la première division de l’armée, sont apparus au côté de Keikel en plusieurs occasions.

Click to expand Image Le chef militaire Abou Akla Keikel (à droite), les épaulettes ornées de l’insigne de liwa’ (major général), assis à côté du général des FAS Abdelfattah Al-Burhan. Les deux hommes étaient vêtus de l’uniforme des FAS, sur cette photo publiée sur la page Facebook des Forces du Bouclier du Soudan, le 23 décembre 2024. Recommandations :Les FAS devraient enquêter sur l’attaque de Tayba et sur toutes les autres violences commises par les groupes armés et milices qui lui sont affiliés, publier les résultats de l’enquête et demander des comptes aux responsables. En attendant les résultats de cette enquête, les FAS devraient suspendre Abou Akla Keikel et les autres principaux chefs du Bouclier du Soudan.Les FAS devraient publier une clarification su sujet de leurs liens, en précisant quelle est la chaîne de commandement, avec les Forces du Bouclier du Soudan et les autres groupes armés et milices qui leur sont affiliés.Les Nations Unies, l’Union africaine et les autres organisations régionales, telles que l’Autorité intergouvernementale pour le développement, devraient appuyer de toute urgence le déploiement d’une mission à même de protéger les civils soudanais.Tous les États membres de l’ONU devraient pleinement soutenir la Mission internationale indépendante d’établissement des faits pour le Soudan, et coopérer avec elle, notamment en s’assurant qu’elle dispose des ressources nécessaires pour mener à bien son mandat, en facilitant son accès au terrain sans réserve pour ses enquêtes et en appliquant ses recommandations.Les États-Unis, l’Union européenne, le Royaume-Uni, entre autres pays, devraient soutenir activement des initiatives permettant de réellement protéger la sécurité physique des civils au Soudan et infliger des sanctions ciblées – dont l’interdiction d’entrée sur leur territoire et le gel des avoirs – aux commandants, responsables et chefs de milice impliqués dans des crimes graves au Soudan.

24.02.2025 à 17:55

La reddition des comptes en RD Congo n'a que trop tardé

Human Rights Watch
Click to expand Image Le général James Kabarebe, ministre d'État du Rwanda et ancien commandant militaire, à Kigali, le 12 septembre 2012. © 2012 Sylvain Liechti/Monusco

Jusqu'à présent, la réponse internationale à l'escalade rapide de la crise dans l'est de la République démocratique du Congo, où le groupe armé M23, soutenu par le Rwanda, a commis de nombreuses graves exactions, s'est limitée à de simples paroles. 

 

Mais jeudi dernier, le gouvernement des États-Unis a imposé des sanctions financières et matérielles au ministre d'État rwandais et ancien commandant militaire, le général James Kabarebe, ainsi qu'à Lawrence Kanyuka Kingston, un ressortissant congolais qui est le porte-parole de l'Alliance Fleuve Congo (AFC), une coalition politico-militaire dont fait partie le M23. 

 

La résurgence du M23 à la fin de l'année 2021 a exposé les civils à des bombardements sans discernement et à des meurtres, à des violences sexuelles généralisées, à des déplacements forcés et à d'autres violations du droit de la guerre commises par toutes les parties au conflit. Il est évident que les troupes rwandaises opèrent activement aux côtés du M23 et qu'elles ont joué un rôle crucial dans les avancées de ce groupe armé depuis janvier. La situation humanitaire de la région est devenue de plus en plus grave. 

 

James Kabarebe a joué un rôle de premier plan dans les actions militaires abusives du Rwanda dans l'est de la RD Congo depuis 1996. En 2012, il commandait le M23 lorsque celui-ci a pris Goma, la capitale de la province du Nord-Kivu, selon les Nations Unies. Son rôle dans la coordination du soutien rwandais au M23 se poursuit aujourd'hui. Lawrence Kanyuka a joué un rôle clé dans les relations publiques du M23/AFC. 

 

Mais la faible réaction de la communauté internationale à l'égard du Rwanda et du M23 n'a fait que les enhardir. La semaine dernière, leurs forces ont pris Bukavu, la capitale provinciale du Sud-Kivu. Cette semaine, elles ont avancé sur Uvira, une ville stratégiquement située plus au sud. Nous continuons à recevoir des informations sérieuses et crédibles faisant état de meurtres ciblés dans les nouvelles zones contrôlées par le M23. 

 

Les sanctions des États-Unis envoient un message fort indiquant que le pays prend enfin au sérieux la situation dans la région des Grands Lacs. D'autres pays concernés, notamment le Royaume-Uni, ainsi que l'Union européenne, qui a convoqué l'ambassadeur du Rwanda vendredi pour lui demander d'agir, devraient leur emboîter le pas. Une première étape consisterait à sanctionner les commandants de haut rang impliqués dans des violations dans l'est de la RD Congo ainsi que les responsables rwandais derrière le M23. 

 

Ils devraient également étendre les sanctions aux hauts fonctionnaires congolais impliqués dans des abus, étant donné que l'armée congolaise et ses alliés ont également commis de graves violations à l'encontre des civils dans le cadre de la lutte contre le M23.  

 

La réponse internationale peut être lente à venir, mais il n'est pas trop tard pour faire pression sur toutes les parties belligérantes afin qu'elles accordent un répit définitif et nécessaire aux civils déjà touchés par le conflit. 

24.02.2025 à 06:00

UE : Le Conseil d’association UE-Israël ne devrait pas ignorer les abus israéliens

Human Rights Watch
Click to expand Image Kaja Kallas, Haute Représentante de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, s'exprimait devant les médias à Bruxelles, en Belgique, le 16 décembre 2024.  © 2024 Conseil européen / Département Médias

(Bruxelles, 24 février 2025) – La Haute Représentante de l’Union européenne, Kaja Kallas, et les ministres des Affaires étrangères de l’UE devraient condamner sans équivoque les graves violations du droit international et les atrocités commises par Israël, lors de la réunion du Conseil d’association UE-Israël qui se tiendra le 24 février avec le ministre israélien des Affaires étrangères Gideon Saar, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.

Kaja Kallas et les ministres des Affaires étrangères de l’UE devraient signaler la fin de la réticence européenne à reconnaître les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité – y compris l’apartheid – et les actes de génocide commis par Israël, et à demander leur cessation. Ils devraient clairement indiquer à Gideon Saar que les abus passés et actuels auront des conséquences, notamment des sanctions contre les responsables des violations qui se poursuivent, et la suspension des ventes d’armes à Israël. Ils devraient également annoncer un examen du respect par Israël de ses obligations en matière de droits humains dans le cadre de l’accord d’association UE-Israël, conformément à la demande formulée en février 2024 par l’Espagne et l’Irlande ; ces deux pays avaient alors évoqué la possibilité de suspendre cet accord, en raison des graves abus commis par Israël.

« Il n’est pas possible d’agir comme si de rien n’était avec un gouvernement responsable de crimes contre l’humanité dont celui d’apartheid, et d’actes de génocide, et dont le Premier ministre est visé par un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale a l’égard de ces crimes », a déclaré Claudio Francavilla, directeur adjoint du plaidoyer auprès de l’UE à Human Rights Watch. « Le seul but de cette réunion du Conseil d’association UE-Israël devrait être de dénoncer ces crimes, et d’annoncer des mesures attendues depuis longtemps en réponse aux violations. »

Le Conseil d’association UE-Israël est la réunion bilatérale de plus haut niveau entre l’Union européenne et Israël. Ces réunions sont présidées conjointement par le ou la Haut-e Représentant-e de l’UE et par le ou la ministre israélien-ne des Affaires étrangères, en présence des ministres des Affaires étrangères des États membres de l’UE ou d’autres dignitaires. La précédente réunion du Conseil a eu lieu en octobre 2022, après une pause de 10 ans ; cette pause était due au mécontentement du gouvernement israélien à l’égard de la condamnation par l’UE de l’expansion des colonies israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, qualifiée de violation du droit international humanitaire.

Dans une lettre (ang fra) adressée aux dirigeants de l’UE et de ses États membres, 125 organisations de la société civile, dont Human Rights Watch, ont exhorté l’UE à axer ses discussions avec Gideon Saar sur la possible suspension de l’accord UE-Israël. L’article 2 de l’accord indique que « le respect des droits de l'homme et des principes démocratiques […] constitue un élément essentiel du présent accord » ; la violation de l’article 2 est donc susceptible entraîner la suspension de l’accord. L’UE n’a jamais répondu à la demande transmise par l’Espagne et l’Irlande.

Suite en anglais.

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21.02.2025 à 20:30

Ce que les décideurs politiques devraient prioriser concernant l'Ukraine

Human Rights Watch
Click to expand Image Une habitante d’Izioum, en Ukraine, transportait des morceaux de bois le 19 septembre 2022, suite au départ des forces russes qui avaient précédemment occupé la ville. Elle avait récupéré le bois à des fins de chauffage, sur le site d’une école détruite lors d’attaques russes. © 2022 Evgeniy Maloletka/AP Photo

La guerre menée par la Russie contre l’Ukraine entrera bientôt dans sa quatrième année. Depuis février 2022, les violations du droit de la guerre ont causé des morts, des souffrances et des destructions insensées parmi les civils, avec plus de 12 456 civils ukrainiens tués et 28 382 blessés, au moins 6,8 millions de personnes ayant fui le pays, et des millions d’autres déplacées à l’intérieur du pays. Des milliers de maisons, d’hôpitaux, d’écoles et d’autres infrastructures civiles ont été endommagés ou détruits.

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À l’approche de ce tragique anniversaire, l’administration Trump s’oriente rapidement vers des négociations avec le Kremlin. La protection des civils et la justice devraient être au cœur de toute négociation.

L’une des questions les plus urgentes concerne la libération des civils ukrainiens détenus par les autorités russes. Parmi eux figurent des milliers de personnes détenues illégalement et retenues par la Russie dans les zones occupées de l'Ukraine. D'autres ont été transférées de force dans des centres de détention en Russie. Un organisme des Nations Unies a récemment conclu que les autorités russes ont torturé des civils et des prisonniers de guerre ukrainiens, constituant un « crime contre l’humanité ».

Les Conventions de Genève exigent la libération et le rapatriement rapides des prisonniers de guerre à la fin des hostilités. Les négociations constituent une opportunité essentielle de souligner l’urgence de cette question.

La Russie continue d’occuper des régions d’Ukraine où vivent des millions de personnes et est, à ce titre, tenue de respecter le droit international relatif à l’occupation. Les enquêtes sur les violations de ses obligations en tant que puissance occupante devraient se poursuivre. Parmi ces violations figurent l’enrôlement de force de citoyens ukrainiens dans l’armée russe, l’imposition de la citoyenneté russe dans certains cas, le transfert forcé de civils ukrainiens vers d’autres zones (en Ukraine ou en Russie), ainsi que l’imposition du programme scolaire de l’État russe dans les écoles, accompagnée d’un endoctrinement politique privant les écoliers de leur droit de connaître ou d’exprimer leur identité ukrainienne.

La justice ne peut être négociée. Les auteurs de crimes de guerre – y compris les bombardements généralisés et indiscriminés de civils et d’infrastructures civiles, la torture et les mauvais traitements dans les zones occupées et dans les prisons russes, ainsi que les exécutions et actes de torture sur les prisonniers de guerre ukrainiens – devraient être tenus pour responsables. Les enquêtes et les poursuites devraient être soutenues et dotées de ressources suffisantes.

Les mandats d’arrêt émis par la Cour pénale internationale (CPI) contre le président russe Vladimir Poutine et d’autres hauts responsables russes devraient être exécutés. Les Etats membres de la CPI devraient s’opposer aux sanctions imposées par l’administration Trump contre la Cour, en affirmant leur soutien au rôle crucial de cette institution.

Les récentes déclarations incendiaires et factuellement erronées de Trump au sujet de la guerre en Ukraine, ainsi que les controverses entourant d’éventuelles négociations, ne doivent pas détourner l’attention des préoccupations urgentes liées aux droits des populations vivant sous occupation russe. La libération des détenus civils, le rapatriement des prisonniers de guerre ainsi que la justice et des réparations pour les victimes d'atrocités devraient être des priorités absolues. 

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21.02.2025 à 20:20

Au Niger, des sombres perspectives pour la démocratie

Human Rights Watch
Click to expand Image Le chef de la junte militaire du Niger, le général de brigade Abdourahamane Tiani, attend l'ouverture de la commission responsable de mener la conference nationale à Niamey, le 15 février 2025. © 2025 AFP via Getty Images

Il y a des avantages à être au pouvoir au Niger, où les règles sont en train d'être réécrites par ceux aux commandes.

Jeudi, une commission nationale, représentant les participants aux pourparlers sur la transition du pays vers un régime démocratique, a recommandé une période de transition de cinq ans au minimum, qui peut être prolongée si nécessaire. En juillet 2023, la garde présidentielle a renversé le président démocratiquement élu du Niger, Mohamed Bazoum, plaçant le pays sous le contrôle d'une junte militaire qui avait initialement proposé une limite de trois ans pour la transition vers un régime civil. L'opposition politique et les organisations de la société civile du pays ont largement boycotté les pourparlers.

La Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) avait rejeté ce plan initial d’une transition de trois ans. Ces tensions avec la CEDEAO, entre autres, ont conduit le Niger à quitter l'organisation, tout comme le Mali et le Burkina Faso, deux autres pays du Sahel qui ont également subi des coups d'État militaires ces dernières années.

La commission nationale a également recommandé la dissolution des partis politiques nigériens, qui, sans surprise, n’étaient pas représentés au sein de cette commission.

La commission a en outre recommandé que le chef de la junte, le général de brigade Abdourahamane Tiani, soit promu au rang de général de l'armée, renforçant d’autant plus son pouvoir. Elle a également recommandé une amnistie générale pour tous les participants au coup d'État, et de leur permettre de participer aux élections.

Cette annonce est survenue dans un contexte de dégradation de la situation sécuritaire au Sahel depuis l'arrivée au pouvoir des juntes au Niger, au Mali et au Burkina Faso. Des civils ont été pris entre deux feux lors des combats entre les groupes armés islamistes et les forces gouvernementales, ciblés lors d’atrocités commises par les deux camps, et plus de 3 millions de personnes ont été déplacées, selon l’agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).

Une amnistie générale pour les personnes impliquées dans le coup d'État priverait les victimes de leur droit de demander justice et renforcerait l'impunité. L'ancien président Mohamed Bazoum et son épouse sont toujours détenus arbitrairement par la junte, pour des raisons politiques.

Cette consolidation du pouvoir proposée remet en question l’espoir qu’avaient les Nigériens d’une transition vers un régime civil et des élections crédibles, libres et équitables dans un futur proche.

La démocratie au Niger a pris un coup en 2023. Avec les nouvelles recommandations de la commission, l'avenir de la fragile démocratie nigérienne s'annonce encore plus sombre.

20.02.2025 à 23:40

Un activiste guinéen « disparu » réapparaît avec des marques de torture

Human Rights Watch
Click to expand Image Conakry, Guinée, septembre 2024. © 2024 Private

Abdoul Sacko, un éminent dirigeant de la société civile guinéenne, a disparu aux premières heures de la journée du 19 février 2025, après que des hommes armés l'ont enlevé à son domicile à Conakry, la capitale, ce qui a suscité des inquiétudes quant à une disparition forcée. Il a refait surface le soir même, portant des marques de torture.  

Abdoul Sacko, détracteur de la junte militaire qui a pris le pouvoir lors d’un coup d'État en septembre 2021, est coordinateur du Forum des Forces Sociales de Guinée (FFSG), un réseau de la société civile qui appelle à un retour à l'ordre constitutionnel dans le pays. 

Selon les collègues d'Abdoul Sacko, des hommes armés ont fait irruption à son domicile à 4 heures du matin le 19 février, l'ont battu devant sa famille, se sont emparés de son téléphone et l'ont emmené dans une camionnette sans plaque d'immatriculation. Le lendemain, les avocats d'Abdoul Sacko ont publié un communiqué indiquant que leur client avait été retrouvé « dans un état critique, [et] torturé » à 100 kilomètres de Conakry. Il a été transporté dans un hôpital local. 

Compte tenu de sa notoriété, l'enlèvement d'Abdoul Sacko a provoqué une onde de choc en Guinée et à l'étranger. Le 19 février, l'ambassade des États-Unis en Guinée a publié une déclaration exhortant le gouvernement à « » et dénonçant la « recrudescence des détentions de journalistes et de leaders de la société civile. »

Un dirigeant du FFSG a déclaré à Human Rights Watch que huit membres du FFSG avaient déposé une plainte en justice à Conakry le mois dernier, suite à des menaces répétées dont ils avaient fait l'objet en raison de leur activisme. Bien qu'ils ne sachent pas d'où proviennent les menaces, leur plainte est censée tirer la sonnette d'alarme. 

Depuis leur arrivée au pouvoir, les autorités militaires guinéennes ont réprimé l'opposition, les médias et la société civile. Elles ont eu recours aux disparitions forcées pour faire taire les dissidents et semer la peur parmi les personnes qui s'opposent à elles. En juillet 2024, les forces de sécurité ont torturé et fait disparaître de force Oumar Sylla, connu sous le nom de Foniké Mengué, et Mamadou Billo Bah, deux membres éminents de l'opposition. À ce jour, ils sont toujours portés disparus et les autorités n'ont pas reconnu leur détention. En septembre 2024, le corps du colonel Célestin Bilivogui, qui avait disparu en novembre 2023 après avoir été arrêté par les forces de sécurité, a été retrouvé. Quelques jours après sa disparition, le président guinéen avait promulgué un décret démettant le colonel Bilivogui de ses fonctions au sein de l'armée pour « faute lourde ». En décembre 2024, des gendarmes ont arrêté le journaliste d'investigation Habib Marouane Camara. Les autorités n'ont pas répondu aux nombreuses demandes d'information de sa famille sur le lieu où il se trouve. 

Les informations troublantes selon lesquelles Abdoul Sacko a été torturé devraient inciter les autorités guinéennes à agir rapidement. Elles devraient veiller à ce qu'Abdoul Sacko ait accès à des soins médicaux appropriés, et mener une enquête approfondie sur son enlèvement et les actes de torture dont il a été victime. 

20.02.2025 à 21:10

Mali : L'attaque d'un convoi par des islamistes armés a tué 34 civils

Human Rights Watch
Click to expand Image L'un des bus brûlés lors de l'attaque de Kobé, Mali, 7 février 2025. © 2025 Privé

(Nairobi) – Un groupe armé islamiste apparent a attaqué un convoi civil escorté par les forces armées maliennes et leurs milices alliées dans le nord-est du Mali le 7 février 2025, tuant au moins 34 civils et en blessant 34 autres, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. La perte de vies civiles souligne la nécessité pour toutes les parties au conflit de mieux protéger les civils lors d’opérations militaires. 

Des témoins ont déclaré qu'en début d'après-midi, le 7 février, des combattants islamistes ont attaqué un convoi d'au moins 19 véhicules civils transportant plus de 100 civils, pour la plupart des orpailleurs du Niger et des commerçants du Mali; ces véhicules avaient quitté la ville de Gao et se dirigeaient vers Ansongo, à environ 90 kilomètres au sud, le long d'une route où des civils avaient déjà été attaqués dans le passé. Au moins cinq camionnettes militaires et plusieurs motos transportant des soldats maliens et des miliciens escortaient le convoi. Des témoins ont déclaré que lorsque le convoi a atteint le village de Kobé, les combattants ont ouvert le feu sur le convoi et les soldats et miliciens ont riposté. 

« L'attaque de Kobé montre les risques mortels auxquels les civils maliens sont confrontés dans leur vie quotidienne », a déclaré Ilaria Allegrozzi, chercheuse senior sur le Sahel à Human Rights Watch. « Les autorités maliennes devraient mener une enquête impartiale sur l'incident afin de déterminer si les assaillants ont violé les lois de la guerre, et comment leurs propres forces de sécurité pourraient mieux protéger les civils en danger. » 

Human Rights Watch a mené des entretiens avec six témoins de l'attaque, trois personnes qui ont aidé les blessés et plusieurs habitants de Gao. 

Les témoins ont déclaré que le convoi s'étendait sur environ un kilomètre, avec deux véhicules militaires à l'avant et trois à l'arrière. « Tout à coup, nous avons entendu des coups de feu, il y avait des tirs intenses », a déclaré un homme âgé de 51 ans qui a été blessé en sautant hors d’un minibus, près de l'avant du convoi. « J'ai senti quelque chose sur ma cuisse droite, puis j'ai vu du sang, je me suis allongé et j'ai fait le mort jusqu'à ce que les soldats me secourent. » 

Un homme âgé de 50 ans, dont le fils de 20 ans et la fille de 10 ans ont été blessés dans l'attaque, a déclaré : « Les balles volaient au-dessus de ma tête, les terroristes tiraient et criaient 'Allah Akbar', [et] les gens ont paniqué et se sont enfuis. Mon fils a été touché aux fesses et à sa cuisse droite, ma fille aux jambes et aux bras. » 

Les assaillants n'ont pas été définitivement identifiés. Le chef d'état-major de l'armée malienne a publié une première déclaration le 7 février, indiquant que l'attaque contre le convoi avait causé la mort de 25 civils et en avait blessé 13 autres. Le communiqué précisait que les soldats se sont engagés dans de « violents combats » avec les attaquants et qu'ils ont ensuite récupéré « 19 corps terroristes », ainsi que des armes et d'autres équipements. Le nombre de soldats maliens et de miliciens tués ou blessés n'a pas été communiqué. 

L'attaque s'est produite dans une zone où le groupe armé État islamique dans le Grand Sahara (EIGS) combat les forces de sécurité maliennes depuis plus d'une décennie. Ce groupe islamiste s'est souvent heurté aux forces maliennes et aux combattants du groupe Wagner, soutenu par la Russie, qui appuie le gouvernement malien depuis décembre 2021. Des témoins et des habitants ont déclaré qu'une semaine avant l'attaque de Kobé, des soldats maliens et des combattants du groupe Wagner avaient attaqué des combattants de l’EIGS le long de la même route, tuant plusieurs d'entre eux et récupérant des armes et de l'argent. Ils ont déclaré que l’EIGS était présent le long de la route qui relie Gao à Ansongo depuis au moins trois ans, et qu'il imposait souvent des taxes illégales aux voyageurs. 

Les civils tués lors de l'attaque comprennent 13 ressortissants maliens et 21 étrangers, la plupart originaires du Niger, selon des personnes qui assistent les victimes et les membres de leurs familles. Les blessés comprennent 20 ressortissants maliens et 14 étrangers, aussi pour la plupart nigériens. Human Rights Watch a examiné une liste compilée par des habitants de Gao avec les noms des 13 victimes maliennes, y compris cinq femmes, âgées de 20 à 60 ans. 

Des témoins et d'autres sources locales ont déclaré que les attaques contre les civils le long de cette route étaient devenues si fréquentes que les autorités militaires de Gao ont imposé des escortes armées aux voyageurs depuis la fin de l'année 2024. Certains habitants, notamment des commerçants qui empruntent fréquemment cette route, craignent toutefois que les escortes ne brouillent la distinction entre militaires et civils, exposant ces derniers à des risques accrus d'attaques. 

« Les soldats ne font qu'attirer l'attention des groupes armés », a déclaré un commerçant d'Ansongo âgé de 45 ans. « Les escortes militaires représentent un danger pour nous, car si les militaires sont attaqués, les civils peuvent se retrouver pris dans des échanges. » 

Depuis 2012, les gouvernements maliens successifs ont combattu au moins deux groupes armés islamistes, le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM), lié à Al-Qaïda, et l'EIGS. Les hostilités ont entraîné la mort de milliers de civils et le déplacement forcé de plus de 378 000 personnes. Le départ en décembre 2023 de la mission de maintien de la paix des Nations Unies, à la demande des autorités maliennes, soulève de profondes inquiétudes quant à la protection des civils et la surveillance des abus commis par toutes les parties. 

Human Rights Watch a largement documenté les abus généralisés commis au Mali depuis 2012 par les groupes armés islamistes. L’organisation a également rendu compte de violations du droit international commises par les forces armées maliennes, les milices ethniques qui leurs sont alliées et les combattants de Wagner au cours d’opérations anti-insurrectionnelles. 

Toutes les parties au conflit armé malien sont légalement tenues par le droit international humanitaire, notamment l'article 3 commun aux Conventions de Genève de 1949 et le droit coutumier de la guerre. 

En vertu des lois de la guerre, les forces attaquantes doivent prendre toutes les précautions possibles pour réduire au minimum les pertes en vies humaines et en biens de la population civile. Il est interdit aux forces attaquantes de mener des attaques délibérées contre des civils et des biens civils, ainsi que des attaques menées sans discernement et utilisant des méthodes de combat qui ne peuvent pas être dirigées contre un objectif militaire spécifique. Une attaque dans laquelle les pertes en vies humaines attendues dans la population civile sont excessives par rapport au gain militaire escompté est illégalement disproportionnée. 

Si les forces gouvernementales et les milices qui accompagnaient le convoi étaient des cibles militaires légitimes, les civils et les véhicules civils ne pouvaient pas être l’objet d'une attaque délibérée. 

Le gouvernement malien devrait enquêter sur l'attaque contre le convoi afin de déterminer si les forces de l’EIGS ont mené une attaque délibérée, sans discernement ou disproportionnée contre des civils en violation des lois de la guerre. 

Les forces militaires et les milices participant au convoi pourraient avoir échoué à prendre toutes les précautions possibles pour protéger les civils et les véhicules civils sous leur contrôle contre les effets des attaques. La police civile et le personnel de sécurité qui accompagnent les convois ne sont normalement pas susceptibles d'être attaqués. 

« Compte tenu des innombrables atrocités commises par les groupes armés islamistes contre les civils au Mali, il est compréhensible que les autorités veuillent que des escortes militaires accompagnent les convois civils », a déclaré Ilaria Allegrozzi. « Les autorités maliennes devraient envisager d'autres moyens pour protéger les civils sur les routes, comme l'utilisation d'escortes policières qui ne sont pas des cibles militaires légitimes. »

20.02.2025 à 21:06

Russie : Un an après la mort de Navalny, ses partisans continuent d’être ciblés

Human Rights Watch
Click to expand Image Sous le regard de policiers russes, une femme déposait des fleurs sur le site d’une structure dénommée « Mémorial des victimes de la répression politique » à Saint-Pétersbourg, le 16 février 2025. Cette date marquait le premier anniversaire de la mort en détention de l’ancien leader de l'opposition russe Alexeï Navalny, le 16 février 2024. © 2025 Sipa via AP Images

(Berlin, le 20 février 2025) – Les dizaines d’arrestations effectuées lors du premier anniversaire de la mort de l’ex-leader de l’opposition russe Alexeï Navalny ne sont que la pointe de l’iceberg de la répression exercée sans relâche par le Kremlin contre ses partisans, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.

Le 16 février, les forces de l’ordre russes ont arrêté au moins 42 personnes lors de rassemblements commémorant Alexeï Navalny à l’occasion du premier anniversaire de sa mort en prison, le 16 février 2024. Tout au long des douze derniers mois, les autorités ont utilisé leur vaste arsenal d’outils répressifs pour étouffer d’autres voix dissidentes, et pour effacer l’héritage politique de Navalny.

« La loi anti-extrémisme russe, vaguement formulée et d’une vaste portée, est utilisée pour poursuivre des personnes qui appellent à des élections libres et équitables, dénoncent la corruption, défendent les prisonniers politiques ou sont perçues comme des partisans de Navalny », a déclaré Hugh Williamson, directeur de la division Europe et Asie centrale à Human Rights Watch. « Le Kremlin considère l’exercice des droits humains fondamentaux comme une menace qui doit être stoppée, comme l’avait reconnu Navalny qui a fini par payer le prix de ce point de vue répressif. »

Alexeï Navalny est mort dans une prison isolée, située dans l’extrême nord de la Russie, où il purgeait une peine de 19 ans de prison basée sur de fausses accusations à motivation politique. Les autorités l’ont emprisonné en 2021, dès son retour en Russie depuis l’Allemagne, où il avait été soigné après avoir survécu à une tentative d’empoisonnement apparemment orchestrée par les services de sécurité russes.

En septembre 2024, The Insider, un important média d’investigation russe, a allégué que sa mort résultait d’un autre empoisonnement par des agents du gouvernement. Les autorités pénitentiaires l’avaient alors enfermé à plusieurs reprises dans diverses cellules disciplinaires, de manière arbitraire, sans lui fournir de soins médicaux adéquats.

Le 17 février, la Rapporteure spéciale des Nations unies sur la situation des droits de l’homme en Fédération de Russie a condamné l’absence d’« enquête crédible » par les autorités russes sur la mort d’Alexeï Navalny. Elle a ajouté que son décès avait reflété  « la répression systématique et généralisée contre les dissidents pacifiques » en Russie.

Au cours des deux premiers jours qui ont suivi la mort de Navalny, le 16 février 2024, la police avait arrêté arbitrairement au moins 425 personnes qui avaient honoré sa mémoire dans différentes régions du pays. Le 1er mars 2024, le jour de ses funérailles, 106 autres personnes avaient été arrêtées. Un an plus tard, la police des grandes villes russes a de nouveau bouclé les sites de mémoriaux locaux dédiés aux victimes de la répression politique. Les policiers ont interrogé des personnes qui étaient venues déposer des fleurs, enregistré leurs données personnelles et arrêté certaines d’entre elles.

En juin 2021, le Tribunal municipal de Moscou avait qualifié d’« extrémistes » plusieurs organisations dirigées par Navalny, dont la Fondation anti-corruption, ainsi que le siège de sa campagne politique, connu sous le nom de « Quartier général de Navalny ».

Human Rights Watch a examiné plus d’une centaine de dossiers pénaux sur le « financement de l’extrémisme » et des centaines de résumés de dossiers que d’importantes organisations russes de défense des droits humains, dont Memorial, qualifient de motivés par des considérations politiques. Ces dossiers indiquent qu’en février 2025, les autorités avaient ouvert des poursuites pénales contre plus de 50 personnes pour leur implication présumée avec la Fondation anti-corruption ou d’autres organisations liées à Navalny à travers le pays.

Au moins 37 autres personnes ont été inculpées pénalement pour avoir fait des dons en vue de soutenir le travail de la Fondation anti-corruption ; certains de ces dons ne dépassaient pas l’équivalent de deux dollars US. Au moins 17 personnes sont actuellement derrière les barreaux en raison de leurs liens présumés avec Navalny. Parmi eux figurent trois avocats, qui ont été reconnus coupables d’avoir facilité des activités extrémistes, et condamnés à des peines de prison en janvier 2025.

Les autorités utilisent également des poursuites administratives contre des personnes ayant exprimé des opinions favorables à Navalny. En utilisant les sites Internet officiels des tribunaux, Human Rights Watch a examiné des milliers d’affaires administratives jugées par les tribunaux russes en 2024, en vertu de l’article 20.3 du Code des infractions administratives de la Russie portant sur l’« affichage de symboles interdits ». Une analyse de la formulation de ces décisions et des facteurs contextuels, tels que les informations diffusées dans les médias et les réseaux sociaux, indique qu’au moins 57 de ces décisions étaient liées à Navalny. Le nombre réel pourrait être plus élevé.

Les données indiquent que 53 de ces 57 affaires ont abouti des condamnations. Dans 23 d’entre elles, les accusés ont été condamnés à une détention allant jusqu’à 15 jours, la peine maximale pour ces chefs d’accusation pour une première infraction. Dans 20 des 57 affaires, les juges ont prononcé des amendes et des peines d’emprisonnement de courte durée pour punir des personnes qui avaient simplement mentionné le nom de Navalny, ou affiché sa photo.

En février 2024,  un juge de Novy Ourengoï avait statué que la désignation par le Tribunal municipal de Moscou des organisations affiliées à Navalny comme « extrémistes » équivalait à leur « interdiction sur le territoire de la Fédération de Russie ». En mars 2024, un juge de Yaroslavl avait condamné un électeur pour avoir écrit symboliquement le nom de Navalny sur un bulletin de vote lors de l’élection présidentielle.

Parmi les autres comportements passibles de sanctions figurent l’utilisation des slogans « La Russie sans Poutine » ou, précédemment, « Libérer Navalny », ainsi que le fait de republier des précédentes enquêtes de la Fondation anticorruption sur la corruption. L’affichage répété de tout symbole interdit est passible d’une peine pouvant aller jusqu’à quatre ans de prison. Ces symboles comprennent le drapeau blanc-bleu-blanc utilisé par les manifestants antiguerre, les symboles nazis même lorsqu’ils sont utilisés pour critiquer les autorités, le drapeau arc-en-ciel du mouvement LGBT, les mots « Gloire à l’Ukraine », et même les logos de Facebook et d’Instagram.

« Au lieu d’utiliser à mauvais escient et de manière abusive la législation anti-extrémiste pour punir et faire taire les partisans d’Alexeï Navalny, les autorités russes devraient plutôt mener enfin une véritable enquête sur sa mort en détention », a conclu Hugh Williamson.

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19.02.2025 à 08:00

Mexique : Graves failles des enquêtes sur les homicides

Human Rights Watch
Des employés d’un département municipal médico-légal plaçaient un cercueil improvisé contenant le corps d’une victime de homicide non identifiée dans une fosse commune près de Ciudad Juárez, dans l’État de Chihuahua au Mexique, le 15 mars 2024. © 2024 Luis Torres/EPA-EFE/Shutterstock Les autorités mexicaines n’enquêtent pas de manière adéquate sur de très nombreux homicides, la plupart étant commis par des groupes criminels organisés.La militarisation des forces de l’ordre, le non-respect du droit des suspects à une procédure régulière et la politisation des décisions des juges n’ont ni renforcé la sécurité des Mexicains, ni amélioré le piètre bilan du système judiciaire.La présidente Claudia Sheinbaum devrait s’attaquer au problème central du système de justice pénale mexicain : les méthodes d’enquête inefficaces et abusives employées par de nombreux bureaux de procureurs.

(Mexico, le 19 février 2024) – Les autorités mexicaines n’enquêtent pas de manière adéquate sur de très nombreux homicides, la plupart étant commis par des groupes criminels organisés, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd’hui.

19 février 2025 Double Injustice

Le rapport de 178 pages, intitulé « Double Injustice: How Mexico’s Criminal Justice System Fails Victims and the Accused in Homicide Investigations » (« Double injustice : Comment le système de justice pénale du Mexique trahit des victimes et des accusés lors d’enquêtes sur des homicides »), examine en détail les raisons des mauvais résultats du système de justice pénale mexicain dans les enquêtes sur les homicides et identifie des moyens d’améliorer l’accès à la justice pour les proches des victimes.

« La militarisation des forces de l’ordre, le non-respect du droit des suspects à une procédure régulière et la politisation des décisions des juges n’ont ni renforcé la sécurité des Mexicains, ni amélioré le piètre bilan du système de justice pénale », a déclaré Juanita Goebertus, directrice de la division Amériques à Human Rights Watch. « Au lieu de poursuivre des politiques caractérisées par des échecs, la présidente Claudia Sheinbaum devrait plutôt s’attaquer au problème central du système de justice pénale mexicain : les méthodes d’enquête inefficaces et abusives employées par les bureaux des procureurs des États de ce pays. »

Principalement entre janvier 2023 et février 2024, Human Rights Watch a mené dans 11 États mexicains des entretiens avec près de 150 personnes : des procureurs chargés d’affaires d’homicides et des officiers de police judiciaire au sein des bureaux de procureurs de ces États, des conseillers juridiques auprès des commissions d’aide aux proches des victimes, ainsi que d’autres acteurs de la justice et experts du système de justice pénale mexicain. Human Rights Watch a également examiné les données accessibles au public sur le système judiciaire, et a déposé plus de 300 demandes d’informations auprès des autorités des États et fédérales.

Le Mexique subit des taux d’homicides extrêmement élevés depuis près de deux décennies. En 2023, ce taux avoisinait 25 homicides par groupe de 100 000 personnes, soit l’un des taux les plus élevés dans le monde. Des procureurs et des analystes indépendants ont constaté que la plupart des crimes sont commis par des groupes criminels organisés qui luttent pour le contrôle du trafic de drogue, et mènent d’autres activités illicites. La grande majorité des crimes sont commis avec des armes à feu, qui dans la plupart des cas proviendraient des États-Unis.

Human Rights Watch a constaté que la plupart des enquêtes pour homicide volontaire ouvertes par les bureaux des procureurs des États au Mexique ne dépassent jamais les étapes initiales, et sont souvent clôturées sans suite judiciaire. Entre 2010 et 2022, les bureaux des procureurs des États ont ouvert environ 300 000 enquêtes, mais n’ont formellement identifié un suspect et engagé des poursuites pénales que dans environ 51 000 affaires, soit 17 % des cas.

Graphique : Peu d'enquêtes aboutissent à des poursuites Graphique montrant le pourcentage d'enquêtes sur des homicides volontaires ayant abouti à l’engagement de poursuites judiciaires au Mexique, entre 2010 (18 %) et 2022 (également 18 %, après une hausse en 2013 qui fut suivie d’une baisse). Source : Institut national des statistiques et de la géographie (INEGI). © 2025 Human Rights Watch

« Les gens me disent : “Laisse tomber, tu es menacée. Dieu rendra justice” », a déclaré à Human Rights Watch une femme qui a évoqué les menaces de mort proférées à son encontre par les individus qui ont tué son fils, et l’indifférence des autorités de son État. « Je leur réponds : “Il y a un Dieu, oui. Mais il y a aussi des autorités ici sur Terre. Pourquoi ne font-elles rien ?” »

Divers problèmes systémiques entravent les enquêtes sur les homicides et ont un impact négatif sur les droits des victimes et des accusés. Il s’agit notamment d’une charge de travail élevée dans les bureaux des procureurs, l’insuffisance de la formation et des ressources, une mauvaise coordination entre diverses autorités et un manque de directives claires sur la manière de prioriser les affaires. Plusieurs personnes ont déclaré à Human Rights Watch que les autorités attendaient parfois des mois, voire des années avant de mener les étapes d’enquête de base, et ne le faisaient qu’en réponse à l’attention négative des médias ou à la pression des familles des victimes.

Lorsque les proches de victimes tentent de coopérer avec les autorités, ils sont souvent confrontés à la stigmatisation, à la corruption et à la négligence. Les autorités supposent dans plusieurs cas que les victimes d’homicide étaient elles-mêmes impliquées dans des activités criminelles ou d’autres activités à haut risque. De nombreux proches de victimes et leurs conseillers juridiques ont affirmé que les autorités rejetaient souvent la faute sur les victimes, ou exigeaient des pots-de-vin avant de procéder à une enquête.

De nombreuses personnes sont terrifiées à l’idée de coopérer aux enquêtes, par crainte de représailles de la part des meurtriers. Mais les autorités ne leur offrent que rarement une protection efficace.

Les rares enquêtes sur les homicides intentionnels qui parviennent jusqu’à un juge sont souvent entachées de preuves fragiles, ou de déclarations modifiées, fabriquées ou obtenues par le biais de menaces ou de torture.

Une importante enquête gouvernementale a révélé qu’environ 40 % des personnes incarcérées pour homicide depuis 2016 ont déclaré que les autorités les avaient battues ou torturées pour tenter de les contraindre à plaider coupable ou à apporter de faux témoignages. Le manque d’indépendance judiciaire dans les systèmes judiciaires de plusieurs États du Mexique aggrave ce problème, car de nombreux juges subissent des pressions politiques pour rendre des décisions favorables aux procureurs et au gouvernement.

Les efforts du gouvernement mexicain pour réduire la violence criminelle en militarisant l’application de la loi, en sapant les garanties d’une procédure régulière et en politisant la manière dont les juges sont nommés n’ont pas été efficaces, et ont conduit à de graves violations des droits humains.

En septembre 2024, le Congrès mexicain a approuvé des amendements constitutionnels exigeant que tous les juges d’État et fédéraux soient démis de leurs fonctions avant la tenue d’élections populaires basées sur une de liste de candidats choisis par le Congrès, le président et la Cour suprême.

« Si les autorités mexicaines espèrent améliorer le bilan du système judiciaire, elles devraient prendre des mesures pour garantir que les juges sont protégés de toute influence politique, plutôt que de politiser davantage encore le système judiciaire », a commenté Juanita Goebertus.

Les autorités mexicaines devraient prendre des mesures urgentes pour garantir que les parquets travaillant sur des affaires d’homicide mènent des enquêtes approfondies, impartiales et respectueuses des droits,a déclaré Human Rights Watch. Les parquets des États devraient être tenus d’élaborer des plans stratégiques concernant les poursuites judiciaires, afin de mieux permettre aux procureurs de hiérarchiser les affaires en mettant l’accent sur le démantèlement des groupes criminels responsables d’homicides. Les parquets devraient également veiller à ce qu’il existe des règles claires et objectives pour l’embauche, la promotion et le licenciement du personnel.

Les autorités fédérales et étatiques devraient aussi veiller à ce que les commissions chargées de relations avec les proches des victimes disposent du personnel et des ressources nécessaires pour représenter efficacement ces familles. Les autorités devraient créer d’urgence des mécanismes de protection efficaces pour les proches des victimes et les témoins. Elles devraient aussi améliorer la surveillance des parquets en créant des mécanismes de contrôle externe, afin de permettre aux citoyens et aux groupes de la société civile d’examiner les allégations d’actes répréhensibles et de recommander des changements.

Les États-Unis devraient accorder la priorité au financement des programmes de coopération internationale visant à soutenir la professionnalisation des forces de l’ordre et des agences de justice pénale mexicaines. L’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) soutenait jusqu’à présent des programmes offrant une formation aux procureurs mexicains, aux conseillers juridiques des commissions des victimes des États et aux défenseurs publics et aidant les procureurs des États à élaborer des plans stratégiques relatifs aux poursuites judiciaires. Toutefois, une grande partie de ce financement est actuellement suspendue en raison du décret du président américain Donald Trump du 20 janvier 2025 suspendant l’aide apportée par les États-Unis à divers programmes dans le monde, d’un montant total de 44 milliards de dollars. Les États-Unis devraient également prendre des mesures urgentes, en coopération avec le gouvernement mexicain, pour endiguer le flux illégal d’armes à feu des États-Unis vers le Mexique.

« Si l’administration Trump souhaite réellement prendre des mesures contribuant au démantèlement des organisations criminelles au Mexique, suspendre le financement des programmes visant à professionnaliser les forces de l’ordre et les agences de justice pénale du Mexique est une mauvaise approche », a affirmé Juanita Goebertus.

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