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10.10.2025 à 18:31

Gaza : Le cessez-le-feu ne se substitue pas à des actions en faveur de l'aide et de la justice

Human Rights Watch
Click to expand Image Des Palestiniens faisaient leurs courses dans un marché installé parmi les décombres du camp de réfugiés de Jabalia, dans le nord de la bande de Gaza, lors d’un cessez-le-feu temporaire entre Israël et le Hamas, le 5 mars 2025.  © 2025 Mahmoud Issa/Anadolu via Getty Images

(Jérusalem) – Le gouvernement israélien et le Hamas se sont mis d’accord, le 9 octobre, sur la première phase du « Plan global pour mettre fin au conflit à Gaza » du gouvernement américain. Ce plan prévoit un cessez-le-feu, la libération des otages israéliens et d’autres à Gaza ainsi que des Palestiniens détenus en Israël, une augmentation de l’acheminement de l'aide humanitaire à Gaza et le retrait progressif de l'armée israélienne de certaines zones de Gaza.

Balkees Jarrah, directrice par intérim de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch, a fait à ce sujet la déclaration suivante :

L'annonce du cessez-le-feu du 9 octobre offre la perspective d'un répit dont ont désespérément besoin les civils palestiniens de Gaza qui depuis deux ans subissent des meurtres illégaux, la famine, les déplacements forcés et la destruction de leurs biens, ainsi que les otages israéliens et les détenus palestiniens et leurs familles.

Cependant, les Palestiniens de Gaza continueront de souffrir et de mourir tant qu’Israël maintiendra son blocus illégal de la bande de Gaza, notamment en restreignant l’accès des Nations Unies et d’autres organisations humanitaires chargées d’acheminer l’aide à grande échelle dont la population a désespérément besoin. Il est également essentiel qu’Israël assure le rétablissement immédiat des services de base tels que l’électricité, l’eau et les soins de santé, faute de quoi les Palestiniens continueront de mourir de malnutrition, de déshydratation et de maladies.

Ce n’est pas le moment de relâcher les efforts. Les gouvernements ne devraient pas attendre l’entrée en vigueur du plan américain pour prendre des mesures urgentes visant à prévenir de nouvelles violations des droits fondamentaux des Palestiniens à Gaza et en Cisjordanie, notamment en imposant un embargo sur les armes au gouvernement israélien et des sanctions ciblées contre les responsables israéliens impliqués de manière crédible dans les abus en cours.

Les gouvernements devraient également réclamer justice pour les atrocités commises en toute impunité au cours des deux dernières années, notamment les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité perpétrés par le Hamas le 7 octobre et les jours suivants, ainsi que les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et les actes de génocide commis par les autorités israéliennes à Gaza. De plus, ils devraient soutenir la Cour pénale internationale et s’attaquer aux causes profondes, notamment les crimes contre l’humanité d’apartheid et de persécution commis par Israël à l’encontre des Palestiniens. 

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09.10.2025 à 06:00

Une universitaire militante ouïghoure poursuivie en justice en France pour avoir critiqué Pékin

Human Rights Watch
Click to expand Image Dr Dilnur Reyhan, éminente universitaire et militante française ouïghoure, présidente de l'Institut ouïghour d'Europe, le 13 octobre 2020. © 2020 Michael Bunel via Reuters Connect

Le 13 octobre, le tribunal d’Evry, en région parisienne, jugera Dilnur Reyhan, éminente universitaire et militante française ouïghoure, présidente de l'Institut ouïghour d'Europe, pour « dégradation de biens appartenant à autrui ».

Trois employés de l'ambassade de Chine à Paris ont porté plainte contre Dilnur Reyhan pour avoir participé à un acte de protestation contre le gouvernement chinois lors de la Fête de l’Humanité, en septembre 2022. Au cours du festival, elle aurait jeté de la peinture rouge sur un kakémono de l'ambassade, ce qui, selon l'un des plaignants, lui aurait coûté 25 euros pour le nettoyage de ses chaussures.

Le gouvernement chinois a affirmé que Dilnur Reyhan avait causé des « dommages matériels » et qu'il s'agissait d'une « attaque raciste », un chef d’accusation qui a ensuite été abandonné. Dilnur Reyhan protestait publiquement contre les crimes commis par le gouvernement chinois à l'encontre des Ouïghours dans le nord-ouest de la Chine, notamment des détentions et emprisonnements arbitraires de masse, des actes de torture, des disparitions forcées, une surveillance de masse, des persécutions culturelles et religieuses, la séparation des familles et le travail forcé. Human Rights Watch et d'autres organisations ont conclu que certains de ces actes constituaient des crimes contre l'humanité.

« Pour l'ambassade de Chine, l'objectif n'est pas de gagner ou de perdre le procès, mais de m'imposer un coût psychologique et financier [afin de] faire taire [mes] critiques », a déclaré Dilnur Reyhan lors d'une audience en mars. « Je ne devrais pas être poursuivie par les tribunaux français, mais plutôt protégée contre les tentatives de la Chine de me faire taire. »

Le procureur avait initialement rejeté la plainte du gouvernement chinois en 2023. Mais il l'a rouverte en appel un mois après la visite officielle du président chinois Xi Jinping en France en mai 2024 et les manifestations de centaines d'Ouïghours, de Tibétains et d'autres personnes. Une audience prévue en mars 2025 a été reportée au mois d'octobre, les représentants de l'ambassade chinoise et ses employés ne s’étant pas présentés.

Ces dernières années, le gouvernement chinois a intensifié son harcèlement à l'encontre de ses détracteurs à l'étranger et des membres de la diaspora, des abus commis au-delà des frontières chinoises appelés « répression transnationale ». Par exemple, en juillet, les autorités chinoises ont arrêté une étudiante chinoise, Tara Zhang Yadi, pour le crime grave d'« incitation au séparatisme », simplement parce qu'elle défendait les droits des Tibétains pendant ses études à Paris.

Toute personne en France devrait pouvoir manifester pacifiquement contre la Chine et d'autres gouvernements abusifs sans craindre d'être poursuivie pour cela. Les autorités françaises devraient abandonner les poursuites contre Dilnur Reyhan et plutôt se concentrer sur les violations des droits humains de la Chine.

08.10.2025 à 21:55

Tunisie : Condamné à mort pour des publications sur Facebook

Human Rights Watch
Click to expand Image Des manifestants participaient à un rassemblement organisé par le Front de salut national, la coalition de l'opposition, pour marquer le 13ème anniversaire du soulèvement de 2011, à Tunis, le 14 janvier 2024. © 2024 Mohamed Messara/EPA-EFE/Shutterstock

(Beyrouth) – Un tribunal tunisien a condamné un homme à mort la semaine dernière pour des publications pacifiques sur Facebook, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Cet homme a bénéficié d’une grâce présidentielle quelques jours plus tard, mais il s’agit-là d’un verdict sans précédent pour l’expression non violente d’opinions en Tunisie. Les autorités tunisiennes devraient cesser d’arrêter et de poursuivre en justice des personnes qui ne font que faire valoir leur droit à la liberté d’expression.

Selon sa famille, Saber Ben Chouchane, 51 ans, a été arrêté le 22 janvier 2024, alors qu’il se rendait à un rendez-vous médical. Le 1er octobre 2025, le Tribunal de première instance de Nabeul l’a condamné à mort à cause de ses publications sur Facebook. Ben Chouchane a été remis en liberté le 7 octobre, à la suite d’une grâce présidentielle accordée après que sa condamnation ait suscité l'indignation publique en Tunisie.

« La répression de la liberté d’expression par les autorités tunisiennes a atteint un niveau sans précédent avec cette condamnation à mort d’un citoyen ayant exprimé son mécontentement sur les réseaux sociaux », a déclaré Bassam Khawaja, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Même suivi d’une grâce présidentielle, ce verdict choquant transmet un message glaçant à tous les Tunisiens selon lequel aucune critique ne sera tolérée de la part de qui que ce soit, sous quelque forme que ce soit. »

Saber Ben Chouchane est père de trois enfants et vit dans le gouvernorat de Nabeul. Il a été maintenu en détention préventive dans l’attente d’un procès pendant une période supérieure aux 14 mois maximum autorisés par la loi tunisienne. Selon sa famille, il s’est vu priver de soins médicaux pendant sa détention, bien que souffrant d’une blessure antérieure à son arrestation qui nécessitait un suivi médical.

Saber Ben Chouchane a été déclaré coupable aux termes de l’article 72 du Code pénal, qui prévoit la peine de mort pour « tentative de changer la forme du gouvernement. » Il a également été reconnu coupable en vertu de l’article 67 pour avoir « offensé le chef de l’État », ainsi que de l'article 24 du Décret-loi 54 sur la cybercriminalité pour avoir « diffusé de fausses nouvelles », ont déclaré à Human Rights Watch ses avocats, Leila Haddad et Oussama Bouthelja. La chambre criminelle du tribunal de Nabeul, composée de cinq juges, a opté pour la sentence la plus sévère possible.

C’est la premier cas connu de peine de mort prononcée pour des faits d’expression pacifique en Tunisie, a déclaré Human Rights Watch.

Human Rights Watch a examiné les publications Facebook de Saber Ben Chouchane qui avaient été mises en ligne quelques jours avant son arrestation et a déterminé qu’elles constituent des formes d’expression pacifique, protégées par le droit international en matière de droits humains. Sur l’un d’eux, Ben Chouchane apparaît sur une photo prise lors d’une manifestation à Tunis, avec une pancarte appelant à la libération des prisonniers politiques. Il avait précédemment republié des messages appelant les Tunisiens à descendre dans la rue pour s’opposer à la « confiscation de la révolution », ainsi qu’un appel à une manifestation pour exiger la remise en liberté des prisonniers politiques à la date anniversaire de la révolution tunisienne de 2011.

À la suite du coup de force du président Kais Saied en juillet 2021, les autorités ont fortement accru leur répression de la dissidence. Elles ont restreint de plus en plus la liberté d’expression en poursuivant en justice et en emprisonnant de nombreuses personnes, notamment des utilisateurs de réseaux sociaux, des journalistes, des activistes et des avocats, pour leurs déclarations dans les médias ou en ligne.

Les autorités tunisiennes ont eu systématiquement recours aux détentions arbitraires pour les infractions relatives à la liberté d’expression, et ont en fait la pierre angulaire de leur politique répressive. Elles ont fait usage de chefs d’inculpation sans fondement relatifs à la sûreté de l’État et au terrorisme, y compris certains qui sont passibles de la peine de mort, pour cibler les opposants politiques et activistes, museler les personnes jugées critiques et priver les Tunisiens de leurs droits civils et politiques. Depuis 2022, Saied et son gouvernement ont aussi systématiquement sapé l’indépendance du système judiciaire, l’instrumentalisant pour emprisonner ou réduire au silence les critiques et opposants les plus en vue du président.

Au moins une douzaine de dissidents ont été jugés cette année sur la base d’accusations qui auraient pu leur valoir la peine de mort, et ont été condamnés à de lourdes peines de prison.

Bien que la Tunisie ait observé de facto un moratoire sur les exécutions depuis 1991, les tribunaux continuent de prononcer des peines capitales. Selon Amnesty International, les tribunaux tunisiens ont imposé plus de 12 peines de mort en 2024, portant le nombre total des personnes en Tunisie qui sont notoirement sous le coup d’une condamnation à mort à 148 à la fin de cette année-là.

Human Rights Watch s’oppose par principe à la peine de mort dans tous les pays et en toutes circonstances, car cette forme de punition est inhumaine, unique par sa cruauté et son caractère irréversible, et universellement entachée d’arbitraire, de préjugés et d’erreurs.

La Tunisie est un État partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) des Nations Unies et à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, qui garantissent les droits aux libertés d’expression et de réunion, à un procès équitable et à être à l’abri de toute arrestation ou détention arbitraire.

« Une telle sentence totalement injustifiable est une réponse scandaleuse aux critiques pacifiques exprimées en ligne et ne sert qu’à discréditer davantage le système judiciaire tunisien », a conclu Bassam Khawaja. « Le fait que Saber Ben Chouchane ait reçu une grâce présidentielle presque immédiate démontre bien la nature extrême de la sentence, le degré de déconnexion des réalités auquel est parvenu le système judiciaire et combien ce verdict était embarrassant pour la Tunisie. »

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