06.08.2025 à 22:07
Le Cameroun persiste dans sa décision d’exclure un candidat de l’opposition des élections
Le 5 août, le Conseil constitutionnel du Cameroun a appuyé la décision de la commission électorale d'exclure Maurice Kamto, opposant politique de premier plan et adversaire du président sortant Paul Biya, des prochaines élections présidentielles du pays. Cette décision menace la crédibilité du processus électoral et a déclenché une nouvelle vague de répression contre l'opposition politique.
La commission électorale camerounaise avait rejeté la candidature de Maurice Kamto le mois dernier, affirmant que le parti Mouvement africain pour la nouvelle indépendance et la démocratie (MANIDEM), qui le soutenait, avait également parrainé un deuxième candidat. Cependant, le président du MANIDEM a déclaré que son parti ne soutenait que Maurice Kamto et que la décision de la commission électorale était arbitraire.
Maurice Kamto avait fait appel de cette décision devant le Conseil constitutionnel, qui a rejeté son recours, le considérant comme « non fondé ». Il a également rejeté 34 requêtes d'autres candidats potentiels et ses décisions ne peuvent faire l'objet d'aucun recours.
« La décision du Conseil constitutionnel repose sur des motifs politiques plutôt que juridiques », a déclaré Hyppolite Meli Tiakouang, membre de l'équipe juridique de Maurice Kamto, à Human Rights Watch. « Maurice Kamto est victime de manœuvres frauduleuses qui visent à étouffer toute opposition, préparant ainsi le terrain pour des élections inéquitables. »
L’exclusion de l’opposant politique a suscité des critiques parmi ses partisans et les membres de son parti, qui ont organisé des marches et des manifestations pacifiques dans la capitale, Yaoundé, depuis le 26 juillet. Les forces de sécurité ont utilisé des gaz lacrymogènes pour disperser la foule, notamment des dizaines de partisans de Maurice Kamto, qui s'étaient rassemblés devant le Conseil constitutionnel le 4 août. Elles ont arrêté au moins 35 de ses partisans depuis le 26 juillet.
Les personnes arrêtées, dont sept femmes, sont détenues dans différents commissariats de police et brigades de la gendarmerie à Yaoundé pour des chefs d'accusation tels que trouble à l'ordre public et rébellion. Leurs avocats ont qualifié ces accusations de motivées par des raisons politiques.
La décision d'exclure Maurice Kamto de la course à la présidence reflète la persistante intolérance du gouvernement à l'égard de toute opposition et dissidence et intervient dans un contexte de répression accrue à l'encontre d’opposants, d’activistes et d’avocats à l'approche des élections, prévues plus tard cette année.
L'exclusion de Maurice Kamto porte atteinte au droit des Camerounais de participer à des élections libres et équitables. Maurice Kamto devrait être autorisé à se présenter aux élections et les citoyens Camerounais devraient pouvoir choisir librement leur candidat. Les autorités devraient mettre fin à la répression de l'opposition et libérer immédiatement toutes les personnes arrêtées pour des raisons politiques, afin que les élections ne soient pas considérées comme inéquitables avant même le début de la campagne électorale.
05.08.2025 à 06:00
Afghanistan : Une répression implacable marque quatre ans de règne des talibans
(New York) – Les talibans ont intensifié leur répression depuis leur retour au pouvoir en Afghanistan le 15 août 2021, en renforçant les restrictions sur les droits des femmes et des filles, en détenant des journalistes et en réduisant au silence toute dissidence, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Le pays est aujourd’hui confronté à l’une des pires crises humanitaires au monde, exacerbée par la réduction de l’aide des gouvernements donateurs et le retour de 1,9 million de réfugiés afghans expulsés d’Iran et du Pakistan.
Les talibans ont continué à interdire aux filles de poursuivre leurs études au-delà de la sixième année et aux femmes d’accéder à l’université. Les femmes sont également soumises à des restrictions sévères en matière d’emploi, de liberté de mouvement et d’accès aux espaces et services publics. Ces violations de leurs droits ont limité leur accès à l’aide humanitaire et aux soins de santé. Le 8 juillet 2025, la Cour pénale internationale a émis des mandats d’arrêt contre le chef des talibans, Haibatullah Akhundzada, et le président de la Cour suprême afghane, Abdul Hakim Haqqani, pour crime contre l’humanité de persécution pour des motifs liés au genre.
« Le quatrième anniversaire du retour au pouvoir des talibans nous rappelle cruellement la gravité de leurs exactions, en particulier contre les femmes et les filles », a déclaré Fereshta Abbasi, chercheuse sur l’Afghanistan à Human Rights Watch. « Les actes odieux des talibans devraient inciter les gouvernements à soutenir les efforts visant à traduire en justice les dirigeants talibans, et tous les autres individus responsables de crimes graves en Afghanistan. »
Les talibans ont appliqué avec rigueur une loi draconienne de 2024 sur la « propagation de la vertu et la prévention du vice », qui impose des règles en matière vestimentaire et de comportement. Des comités chargés de faire respecter la loi au niveau local ont mené des opérations de contrôle sur les lieux de travail, surveillé les espaces publics et mis en place des barrages dans les rues pour inspecter les téléphones portables et interroger les occupants des véhicules ainsi que les piétons.
Les responsables talibans ont arrêté des personnes pour de prétendues infractions à la loi, comme le fait d’écouter de la musique, de porter des hijabs jugés inappropriés ou de ne pas respecter la séparation entre femmes et hommes sur le lieu de travail. L’application stricte de l’obligation pour les femmes d’être accompagnées d’un parent de sexe masculin a accru les difficultés et les restrictions quotidiennes auxquelles elles sont confrontées, tout en rendant plus difficile encore leur accès à l’aide humanitaire et aux services publics tels que les soins de santé.
Une coalition d’organisations afghanes et internationales de défense des droits humains a renouvelé son appel à des mesures, en septembre 2024. Elle a exhorté le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies à mettre en place un mécanisme international indépendant de mise en œuvre de l’obligation de rendre des comptes pour l’Afghanistan qui serait chargé d’enquêter, de collecter, de conserver et d’analyser les preuves des graves violations et abus commis dans ce pays.
Ces quatre dernières années, les pays membres de l’ONU n’ont pas pris de mesures efficaces pour mettre fin aux violations flagrantes des droits humains commises en Afghanistan, a déclaré Human Rights Watch. L’Union européenne devrait proposer la création d’un mécanisme complet d’obligation de rendre des comptes pour l’Afghanistan dans le cadre de la résolution annuelle qu’elle présentera au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies pour adoption en septembre.
L’Iran et le Pakistan ont expulsé près de deux millions d’Afghans dans le cadre de la répression menée par ces gouvernements contre les immigrants et les réfugiés. Parmi les personnes renvoyées de force figurent des Afghans qui ont fui en Iran et au Pakistan par crainte de persécutions après la prise du pouvoir par les talibans. Bon nombre de ceux qui ont été expulsés ou contraints de partir vivaient hors d’Afghanistan depuis des décennies, voire depuis toujours dans certains cas. Ces chiffres s’ajoutent aux millions de personnes déplacées à l’intérieur de l’Afghanistan, une situation qui met la délivrance d’aide humanitaire à rude épreuve.
Le 18 juillet dernier, l’Allemagne a en outre expulsé 81 Afghans vers Kaboul, une première sous le gouvernement du chancelier Friedrich Merz, qui a annoncé que ces expulsions se poursuivraient. Aux États-Unis, l’administration Trump a mis fin au statut de protection temporaire accordé aux ressortissants afghans, a sévèrement limité le programme de libération conditionnelle pour raisons humanitaires pour les Afghans, a suspendu indéfiniment toutes les admissions de réfugiés et a inscrit l’Afghanistan sur la liste des pays soumis à une interdiction de voyager, rendant ainsi des milliers de ressortissants afghans passibles d’expulsion, notamment vers des pays tiers.
Les médias afghans ont dû se conformer à des réglementations strictes qui limitent le contenu de ce qu’ils diffusent, notamment en interdisant la publication d’images de certaines personnes et en imposant des exigences vagues visant à empêcher la publication de tout contenu contraire à l’islam. Les journalistes ont déclaré qu’ils s’autocensuraient de plus en plus pour éviter les représailles des autorités.
Les coupes budgétaires de l’administration Trump dans les programmes d’aide des États-Unis – qui représentaient plus de 40 % de l’aide humanitaire à l’Afghanistan jusqu’en janvier 2025 – ont porté un coup sévère aux efforts d’aide alimentaire qui étaient essentiels pour garantir l’accès à la nourriture, pénalisant de manière disproportionnée les femmes et les filles. La moitié de la population afghane, soit environ 23 millions d’habitants, a besoin de l’aide alimentaire. En juillet, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA) a rapporté que plus de 400 établissements de santé avaient fermé leurs portes en raison d’un manque de fonds, dont une grande partie provenait de l’aide publique au développement des pays donateurs.
La suppression de l’aide étrangère a aggravé la malnutrition, en particulier chez les enfants. Ces coupes ont également remis en cause des programmes éducatifs en ligne essentiels destinés aux filles et aux femmes.
« Les répercussions globales du retour au pouvoir des talibans sont devenues de plus en plus évidentes ces quatre dernières années », a conclu Fereshta Abbasi. « Les autres gouvernements devraient trouver un équilibre subtil entre la nécessité de faire pression sur les talibans pour qu’ils mettent fin à leurs abus, et le besoin d’atténuer la crise humanitaire en Afghanistan. Aucun gouvernement ne devrait renvoyer des Afghans de force dans leur pays. »
01.08.2025 à 06:00
(Jérusalem, 1er août 2025) – Les forces israéliennes présentes sur les sites d'un nouveau système de distribution d'aide humanitaire soutenu par les États-Unis à Gaza ont régulièrement ouvert le feu sur des civils palestiniens affamés, commettant de graves violations du droit international qui constituent des crimes de guerre, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui.
Des incidents ayant fait de nombreuses victimes se sont produits quasi quotidiennement sur les quatre sites gérés par la Fondation humanitaire pour Gaza (Gaza Humanitarian Foundation, GHF), qui agit en coordination avec l'armée israélienne, ou à proximité de ces sites. Au moins 859 Palestiniens ont été tués alors qu'ils tentaient d'obtenir de la nourriture sur les sites de la GHF entre le 27 mai et le 31 juillet, la plupart par l'armée israélienne, selon les Nations Unies. La situation humanitaire désastreuse est la conséquence directe de l'utilisation par Israël de la famine comme arme de guerre – ce qui constitue un crime de guerre – ainsi que de son blocage intentionnel et continuel de l’aide humanitaire et des services de base ; ces actions qui se poursuivent constituent le crime contre l'humanité d'extermination, et des actes de génocide.
« Non seulement les forces israéliennes affament délibérément des civils palestiniens à Gaza, mais elles tirent presque quotidiennement sur ceux qui cherchent désespérément de la nourriture pour leurs familles », a déclaré Belkis Wille, directrice adjointe de la division Crises et conflits à Human Rights Watch. « Les forces israéliennes, soutenues par les États-Unis et des entrepreneurs privés, ont mis en place un système de distribution d'aide humanitaire défaillant et militarisé, qui a transformé les opérations de distribution d'aide en véritables bains de sang. »
Les autres États devraient faire pression sur les autorités israéliennes pour qu’elles cessent immédiatement de recourir à la force létale comme méthode de contrôle des foules contre les civils palestiniens, qu’elles lèvent les nombreuses restrictions illégales sur l’entrée de l’aide humanitaire, et qu’elles suspendent ce système de distribution défectueux, a déclaré Human Rights Watch. Au lieu de cela, l'ONU et d'autres organisations humanitaires devraient être autorisées à reprendre les distributions d'aide à travers Gaza à grande échelle et sans restrictions, car elles ont prouvé leur capacité à nourrir la population conformément aux normes humanitaires et comme exigé par les ordonnances contraignantes émises par la Cour internationale de Justice (en janvier, en mars et en mai 2024), dans le cadre de l’affaire portée par l’Afrique du Sud contre Israël pour génocide.
En mai, après plus de 11 semaines d’un blocus total imposé par Israël à Gaza, le mécanisme de distribution de la GHF a commencé à être mis en œuvre. Selon diverses sources, l'objectif des autorités israéliennes était de remplacer à terme l’acheminement de l’aide humanitaire par l’ONU et d’autres organisations humanitaires, par le système de la GHF.
Les autorités israéliennes ont justifié ces mesures en affirmant que le Hamas avait détourné l'aide, mais un récent article du New York Times, basé sur des sources militaires israéliennes, indique que l'armée israélienne ne dispose d’aucune preuve que le Hamas ait systématiquement détourné l'aide de l'ONU. Le système dirigé par l’ONU reste opérationnel, mais est soumis à des restrictions significatives imposées par les autorités israéliennes, notamment quant à la quantité et au type d'aide autorisée et à sa destination.
Quatre sites de distribution d'aide humanitaire par la GHF à Gaza Click to expand Image Carte montrant l'emplacement des 4 sites de distribution d'aide par l’organisme GHF à Gaza. Les zones en couleur violette représentent des zones militarisées contrôlées par les forces israéliennes, et/ou soumises à des ordres d’évacuation depuis le 18 mars. © 2025 OCHA/Graphisme Human Rights WatchLe système GHF est géré par deux sociétés privées sous-traitantes américaines : Safe Reach Solutions (SRS) et UG Solutions, en coordination avec l’armée israélienne. Ces sociétés ont déclaré qu'elles s'engageaient à « livrer uniquement de la nourriture aux civils en souffrance » et qu'elles étaient indépendantes de tout gouvernement, mais les quatre sites de distribution se trouvent dans des zones militarisées. Trois sites se trouvent à Rafah, que les autorités israéliennes ont en grande partie rasé et où elles envisagent de concentrer la population de Gaza. Le quatrieme site se trouve dans une « zone de sécurité » israélienne, connue sous le nom de corridor de Netzarim, qui coupe Gaza en deux. Aucun de ces quatre sites n'est accessible aux habitants du nord de Gaza, qui continuent de dépendre du système de distribution d’aide humanitaire géré par l'ONU.
En juillet, Human Rights Watch a mené des entretiens avec 10 personnes qui étaient sur le terrain à Gaza ces derniers mois et qui ont été témoins de violences sur ou à proximité des sites d'aide, ou qui ont soigné les personnes blessées et tuées sur ces sites. Parmi les personnes interrogées figuraient Anthony Bailey Aguilar, lieutenant-colonel à la retraite des forces spéciales de l'armée américaine, qui travaillait à Gaza en tant qu'entrepreneur en sécurité pour UG Solutions, notamment dans les centres de contrôle et lors de dizaines d’opérations de distribution d’aide menées sur les quatre sites de la GHF entre mai et juin ; un travailleur humanitaire étranger qui a travaillé à Gaza en juin ; deux médecins étrangers qui ont travaillé à Gaza en mai, juin et juillet et ont soigné des civils blessés sur ou à proximité des sites de distribution d'aide de la GHF ; et six témoins palestiniens d'incidents violents liés aux distributions. Les chercheurs ont également analysé des images satellite (de différentes résolutions spatiales), vérifié des vidéos et des photographies, dont celles prises par Anthony Bailey Aguilar, analysé les métadonnées des documents et examiné les publications de la GHF sur les réseaux sociaux.
Le 19 juillet, Human Rights Watch a adressé à la GHF, à SRS, à UG Solutions, à l’armée israélienne et au gouvernement des États-Unis des courriers accompagnés d’un résumé de conclusions et d’une liste de questions. L’armée israélienne, UG Solutions, l’avocat de UG Solutions, et l’avocat de GHF/SRS ont répondu, et leurs réponses globales sont reflétées dans la version complète en anglais de ce communiqué.
Les quatre sites de distribution de la GHF ont été sélectionnés et construits par l'armée israélienne, a indiqué l'avocat de la GHF à Human Rights Watch. Grâce à l'imagerie satellite, les chercheurs ont confirmé que les sites se trouvent dans des zones militarisées, entourées d'avant-postes militaires. L'avocat de la GHF a déclaré que la Fondation avait embauché SRS pour gérer les sites de distribution, qui à son tour avait embauché UG Solutions pour assurer la sécurité des sites.
Plutôt que de livrer de la nourriture aux habitants dans des centaines de sites accessibles à travers Gaza, le nouveau mécanisme oblige cependant les Palestiniens à traverser des terrains dangereux et détruits. Selon cinq témoins, les forces israéliennes contrôlent le mouvement des Palestiniens vers les sites par l'utilisation de balles réelles. À l’intérieur des sites, la distribution de l’aide elle-même est une « mêlée générale » incontrôlée, comme l’a décrit Anthony Bailey Aguilar, qui laisse souvent les personnes les plus vulnérables et les plus faibles sans rien. Human Rights Watch a analysé les annonces faites sur la page Facebook de la GHF concernant 105 distributions sur les 4 sites, et a constaté que 54 fenêtres de distribution duraient moins de 20 minutes et que 20 distributions étaient annoncées comme terminées avant le début de leur heure d'ouverture officielle.
Un Palestinien a expliqué à Human Rights Watch avoir quitté son domicile vers 21 heures pour tenter de rejoindre un site qui devait ouvrir à 9 heures le lendemain. En chemin, a-t-il déclaré, un char israélien a ouvert le feu sur lui et sur d'autres personnes alors qu'ils se dirigeaient vers le site : « Si vous arrêtiez de marcher ou faisiez quoi que ce soit qu'ils ne voulaient pas, ils vous tiraient dessus. » Lors d'un autre incident, Anthony Bailey Aguilar a déclaré avoir été témoin d'un tir de char israélien sur un véhicule civil juste à l'extérieur du Site 4, tir qui, selon lui, a tué quatre personnes à l'intérieur du véhicule, le 8 juin. Un autre entrepreneur qui s’est exprimé sur ITV News a décrit la même attaque contre la voiture.
Un autre Palestinien qui s'est rendu sur l'un des sites d'aide a décrit le voyage difficile et risqué : « Tant de personnes qui ont besoin d'aide ne la reçoivent pas, faute de pouvoir se rendre sur le site. Ceux qui y vont tentent leur chance, et c'est remarquable s'ils reviennent vivants. »
Selon sept témoins avec lesquels Human Rights Watch s’est entretenu, les forces israéliennes tiraient régulièrement sur des civils. Trois témoins palestiniens et Anthony Bailey Aguilar ont également affirmé avoir vu des gardes armés, présents sur les sites de la GHF, utiliser des balles réelles et d'autres armes contre des civils lors des distributions d'aide. Ces gardes armés seraient apparemment des sous-traitants d'UG Solutions, étant donné que la lettre de l’avocat de la GHF et SRS a confirmé que les seuls entrepreneurs possédant des armes à l'intérieur des sites de distribution sont ceux d'UG Solutions. La GHF, SRS et UG Solutions ont nié les allégations selon lesquelles leurs sous-traitants auraient utilisé la force contre des civils et ont déclaré que le personnel d'UG Solutions n'utilisait la force létale qu'en dernier recours et n'avait jamais blessé de civils ni de demandeurs d'aide.
Le mécanisme d'aide n'a pas réussi à résoudre le problème de la famine à Gaza, a déclaré Human Rights Watch. L'avocat de la GHF a indiqué avoir livré 95 millions de repas à Gaza au 28 juillet. Cependant, même à pleine capacité sur les quatre sites, le programme de la GHF ne peut fournir qu'une soixantaine de camions de nourriture par jour, selon Anthony Bailey Aguilar, comparés aux 600 camions par jour qui sont entrés à Gaza dans le cadre du programme d'aide dirigé par l'ONU pendant le cessez-le-feu début 2025.
Le 29 juillet, les plus grands experts mondiaux en matière d’insécurité alimentaire, le Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC), ont déclaré que le « pire scénario de famine se joue actuellement dans la bande de Gaza ». Le ministère de la Santé de Gaza a indiqué qu'au 30 juillet, 154 personnes, dont 89 enfants, sont mortes de malnutrition depuis le 7 octobre 2023, la majorité d'entre elles depuis le 19 juillet. Le 27 juillet, l’armée israélienne a annoncé qu’elle reprendrait les largages aériens, désignerait des voies sécurisées pour l'entrée de l'aide et mettrait en œuvre des « pauses humanitaires » dans les zones peuplées pour faciliter l'aide.
Le droit international humanitaire ou lois de la guerre, applicable aux hostilités entre les forces israéliennes et les groupes armés palestiniens, exigent que les parties fassent à tout moment la distinction entre les civils et les combattants. Les attaques ne peuvent être dirigées que contre des objectifs militaires, les attaques qui ciblent des civils et des biens civils, ou sont indiscriminées, sont interdites. Le droit international des droits humains, qui s'applique également à Gaza, interdit l'utilisation létale intentionnelle d'armes à feu par les responsables de l'application des lois, sauf lorsque cela est « strictement inévitable pour protéger la vie ». Ces normes s’appliquent également au personnel de sécurité privée exerçant des pouvoirs de police.
En vertu de ces deux corpus juridiques, les autorités peuvent prendre des mesures pour assurer l'acheminement de l'aide, mais le recours à la force létale contre les civils est strictement limité. Par exemple, si des civils s'écartaient d'un itinéraire désigné par les forces armées israéliennes, cela ne ferait pas d'eux, en soi, des cibles pouvant être légalement attaquées. Une telle situation ne justifierait pas non plus le recours intentionnel à la force létale par les forces de police, considéré comme « strictement inévitable pour protéger des vies ». L'homicide volontaire et illégal de civils de la population occupée constitue un crime de guerre.
L'usage répété et injustifié de la force létale contre des civils palestiniens par les forces israéliennes constitue une violation du droit international humanitaire et des droits humains. Human Rights Watch n'a connaissance d'aucun élément dans les cas documentés indiquant que les personnes tuées représentaient une menace imminente pour la vie au moment où elles ont été tuées. Le recours intentionnel à la force létale par ceux qui exercent des pouvoirs de police sans justification légale constitue également une violation du droit international des droits humains. Les meurtres réguliers commis par les forces israéliennes à proximité des sites de la GHF constituent également des crimes de guerre, compte tenu de tous les éléments indiquant qu'il s'agit d'assassinats délibérés et ciblés de personnes dont les autorités israéliennes savent qu'elles sont des civils palestiniens.
Le 26 juin, un mois après que SRS a commencé à distribuer de l'aide sur les sites, le gouvernement des États-Unis a annoncé qu'il allouait 30 millions de dollars à la GHF. La source de financement du premier mois des distributions de la GHF reste inconnue ; dans sa lettre à Human Rights Watch, l'avocat de la GHF a déclaré que la Fondation avait « reçu 100 millions de dollars d'un gouvernement autre que celui des États-Unis ou d'Israël », sans préciser le gouvernement concerné.
L’administration Trump a envoyé l’allocation en contournant les approbations du Congrès. Les États-Unis sont complices des violations israéliennes des lois de la guerre à Gaza, étant donné qu’ils fournissent une aide militaire substantielle malgré la connaissance des graves violations persistantes.
Le Congrès des États-Unis devrait également exiger des notifications sur tout financement supplémentaire destiné à la GHF et réclamer un rapport sur la manière dont les fonds américains sont actuellement utilisés, notamment une évaluation de l'efficacité de l'aide aux Palestiniens affamés.
Conformément à leurs obligations en vertu de la Convention sur le génocide, les États devraient utiliser toutes les formes de pression dont ils disposent, notamment des sanctions ciblées, un embargo sur les armes et la suspension des accords commerciaux préférentiels, pour mettre fin aux atrocités criminelles continues des autorités israéliennes.
« Il est indéfendable qu’au lieu d’utiliser leur influence considérable pour faire pression sur Israël afin qu’il mette fin à ses actes de génocide en cours, les États-Unis soutiennent et financent même un mécanisme mortel qui conduit les forces israéliennes à tuer des civils palestiniens affamés comme méthode de contrôle des foules », a conclu Belkis Wille. « Les États devraient agir de toute urgence pour mettre fin à l’extermination des Palestiniens. »
Suite plus détaillée en anglais :
www.hrw.org/news/2025/08/01/gaza-israeli-killings-of-palestinians-seeking-food-a-war-crime