28.02.2025 à 06:00
Toujours aucune clarté sur la mort d'un opposant tchadien
Le 28 février 2024, Yaya Dillo, l’un des principaux opposants politiques tchadiens, a été tué lors d'un assaut mené par les forces de sécurité de l'État contre le siège de son parti à N'Djamena, la capitale du Tchad. Un an plus tard, les autorités n'ont toujours pas éclairci les circonstances de sa mort.
Peu après l'incident, le procureur de la République, Oumar Mahamat Kedelaye, a déclaré lors d'une conférence de presse que Yaya Dillo, président du Parti socialiste sans frontières (PSF), avait été tué lors d'un échange de tirs avec les forces de sécurité lorsqu’elles étaient entrées dans le bâtiment du PSF.
Yaya Dillo a été tué seulement quelques mois avant les élections du 6 mai 2024.
Après l'assaut, les autorités tchadiennes ont arrêté de nombreux membres du PSF ainsi que des membres de la famille de Yaya Dillo, et les ont transportés à la prison de haute sécurité de Koro Toro. Dix membres de sa famille y ont été illégalement détenus jusqu'en décembre 2024 après avoir été accusés d’atteinte à la sûreté de l'État, bien qu'ils aient ensuite été acquittés par un tribunal, en juillet.
La mort de Yaya Dillo était suspecte depuis le début. Dans les mois qui ont suivi son meurtre, Reuters a publié un article dans lequel cinq experts médico-légaux ont affirmé que Yaya Dillo avait été tué d'une balle dans la tête à bout portant. Human Rights Watch a depuis mené un entretien avec un témoin qui a déclaré que l’opposant n'était pas armé lorsque les services de sécurité ont pris d'assaut le bâtiment du PSF, et qu'il avait crié à ses partisans de garder les mains en l'air pour ne pas être abattu.
Lorsque j'ai discuté du meurtre de Yaya Dillo avec le ministre de la Justice du Tchad l'été dernier, il a insisté sur le fait que l'affaire était close et ne nécessitait pas d'enquête supplémentaire. Il a déclaré que la seule action qui restait nécessaire était que les tribunaux poursuivent en justice les membres du PSF qui auraient potentiellement eu recours à la violence.
Le résultat des élections tchadiennes de mai dernier était un fait accompli. Les organisations internationales n'étaient pas autorisées à surveiller le scrutin, et les forces de sécurité ont semé la peur dans tout le pays après l’annonce des résultats, avec des « tirs de célébration » qui ont tué au moins 11 personnes.
L'absence d'enquête sur le meurtre de Yaya Dillo, un an après cet incident, est une occasion manquée d'enrayer la descente du Tchad vers la violence politique et l'impunité. Il est impératif que le pays fasse face à la réalité de cette dérive pour y mettre fin. Il est maintenant temps que les partenaires du Tchad et les experts internationaux fassent pression pour que les responsables rendent réellement des comptes.
27.02.2025 à 20:05
Thaïlande : 40 Ouïghours renvoyés de force en Chine
(Bangkok, le 28 février 2025) – Le gouvernement thaïlandais a violé le droit national et international en renvoyant de force au moins 40 hommes ouïghours en Chine, où ils sont exposés aux risques de torture, de détention arbitraire et d’emprisonnement à long terme, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Ces hommes étaient précédemment détenus dans un centre de détention pour immigrants thaïlandais, depuis plus d’une décennie.
Le 27 février, à 2h14 du matin, plusieurs camions aux fenêtres recouvertes de ruban adhésif noir ont quitté le centre de détention pour immigrants de Suan Phlu à Bangkok, où plus de 40 hommes ouïghours étaient détenus. À 4h48 du matin, entamant un vol qui n’était pas officiellement prévu, un avion de China Southern Airlines a quitté l’aéroport international de Don Mueang et a atterri six heures plus tard à Kashgar, dans la Région autonome ouïghoure du Xinjiang en Chine. Peu après, selon la chaîne de télévision publique China Central Television (CCTV), un représentant du ministère chinois de la Sécurité publique a indiqué lors d’une conférence de presse que « 40 ressortissants chinois qui a avaient quitté illégalement le pays et étaient détenus en Thaïlande ont été renvoyés [en Chine] ». Plus tard dans la journée du 27 février, le vice-Premier ministre et ministre de la Défense thaïlandais, Phumtham Wechayachai, a confirmé aux médias que les Ouïghours avaient été renvoyés en Chine.
« La Thaïlande a violé de manière flagrante le droit national et ses obligations internationales en renvoyant de force ces Ouïghours en Chine, où ils risquent d’être persécutés », a déclaré Elaine Pearson, directrice de la division Asie à Human Rights Watch. « Après 11 ans de détention dans des centres des services d’immigration en Thaïlande dans des conditions inhumaines, ces hommes courent désormais un risque grave d’être torturés, soumis à des disparitions forcées ou détenus pendant de longues périodes par le gouvernement chinois. »
En mars 2014, la police thaïlandaise avait arrêté environ 220 hommes, femmes et enfants ouïghours dans la province de Songkhla, près de la frontière avec la Malaisie ; la police les avait alors accusés d’infractions à la législation sur l’immigration, et transférés dans un centre de détention pour immigrés à Bangkok. Au cours de plusieurs incidents distincts survenus à la même période, les autorités thaïlandaises ont arrêté des dizaines d’autres Ouïghours et les ont placés en détention dans d’autres centres de détention pour immigrés, dans d’autres régions du pays. En juillet 2015, environ 170 femmes et enfants ouïghours détenus à Songkhla ont été libérés, et envoyés en Turquie. Une semaine plus tard, les autorités thaïlandaises à Bangkok ont transféré de force plus de 100 hommes ouïghours aux autorités chinoises, qui les ont contraints à retourner en Chine, a bord de deux avions.
Les autres hommes ouïghours ont continué à être détenus par les autorités thaïlandaises, sous la pression du gouvernement chinois, et sans que la durée de cette détention ne soit officiellement déterminée. Craignant qu’ils ne soient eux-mêmes bientôt renvoyés en Chine, ces hommes ont entamé une grève de la faim le 10 janvier. Ils ont recommencé à manger le 29 janvier, après avoir reçu l’assurance des autorités thaïlandaises qu’ils ne seraient pas renvoyés en Chine.
Les Ouïghours sont des musulmans parlant une langue turcique, et dont la plupart vivent au Xinjiang, dans le nord-ouest de la Chine. Le gouvernement chinois est depuis longtemps hostile aux expressions de l’identité ouïghoure. Depuis fin 2016, les autorités chinoises ont intensifié une campagne généralisée et systématique de violations des droits humains contre la population ouïghoure, y compris des crimes contre l’humanité.
Les autorités chinoises ont arbitrairement détenu et injustement emprisonné des Ouïghours, les ont persécutés pour avoir pratiqué leur culture et les ont soumis à une surveillance de masse et au travail forcé. Selon certaines estimations, près d’un demi-million d’Ouïghours seraient actuellement emprisonnés dans le cadre de la répression en cours ; les autorités chinoises ont systématiquement traité des comportements pacifiques quotidiens, comme le fait de prier ou de contacter des proches à l’étranger, comme s’il s’agissait d’activités terroristes ou extrémistes.
Les Ouïghours considérés comme ayant quitté illégalement la Chine sont considérés avec une suspicion intense par les autorités ; en cas de retour forcé, ils sont soumis aux risques de détention, d’interrogatoires, de torture, et d’autres traitements cruels, inhumains et dégradants, a déclaré Human Rights Watch. Les autorités chinoises ont également commis à plusieurs reprises des abus contre des familles ouïghoures vivant à l’étranger.
Dans un rapport de 2022, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme a documenté ces abus d’une gravité croissante, et a conclu que les actions de la Chine « sont susceptibles de constituer des crimes internationaux, en particulier des crimes contre l’humanité ».
La Thaïlande n’est pas un État partie à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et ne dispose d’aucun mécanisme national efficace pour évaluer les demandes d’asile. Les autorités thaïlandaises de l’immigration ont refusé à plusieurs reprises d’autoriser le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) à rencontrer ces hommes, les empêchant d’exercer leur droit de demander la reconnaissance de leur statut de réfugié.
Dans un communiqué publié le 27 février, le HCR a déclaré ceci : « L'agence [HCR] a demandé à plusieurs reprises à avoir accès au groupe et à obtenir des autorités thaïlandaises l'assurance que ces personnes, qui avaient exprimé leur crainte d'être renvoyées, ne seraient pas expulsées. Cet accès ne lui a pas été accordé et, lorsqu'elles ont été contactées en vue d'obtenir des éclaircissements, les autorités du gouvernement royal thaïlandais ont déclaré qu'aucune décision n'avait été prise concernant l'expulsion du groupe. »
Le gouvernement thaïlandais est tenu de respecter le principe du non-refoulement inscrit dans le droit international, qui interdit aux pays de renvoyer une personne vers un lieu où elle serait exposée à un risque réel de persécution, de torture ou d’autres mauvais traitements graves, à une menace pour sa vie ou à d’autres violations graves des droits humains comparables. Le refoulement est interdit par la Convention des Nations Unies contre la torture, à laquelle la Thaïlande est un État partie, ainsi que par le droit international coutumier.
L’interdiction du refoulement est aussi inscrite dans la loi thaïlandaise de 2023 sur la prévention et la répression de la torture et des disparitions forcées. Le 27 février, le Premier ministre Paetongtarn Shinawatra a déclaré dans une interview aux médias que le rapatriement des Ouïghours par la Chine devait être effectué d’une manière respectueuse de la loi, des normes internationales et des principes des droits humains.
« Les gouvernements préoccupés devraient faire pression sur le gouvernement chinois pour qu’il autorise les Ouïghours rapatriés à avoir accès à leurs familles, ainsi qu’aux observateurs indépendants et aux mécanismes pertinents de l’ONU », a déclaré Elaine Pearson. « Le bilan horrible de la Chine en matière d’abus contre les Ouïghours et la pression exercée sur la Thaïlande pour obtenir le transfert de ces hommes sont une source de profonde inquiétude quant à leur bien-être. »
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Articles
FranceTVInfo Le Monde NouvelObs
BrutMedia/AFP Radio Canada
27.02.2025 à 00:10
Funérailles de la famille Bibas en Israël, rappel tragique de l'illégalité des prises d'otages
Shiri, Kfir et Ariel Bibas, qui avaient été pris en otage par un groupe armé palestinien le 7 octobre 2023, ont été enterrés en Israël mercredi. Une foule de personnes en deuil leur ont silencieusement fait leurs adieux, tout au long du parcours du cortège funèbre. Les deux jeunes frères Kfir, qui n’avait que neuf mois le 7 octobre, et Ariel, alors âgé de 4 ans, étaient les plus jeunes otages capturés ce jour-là. Les funérailles des deux frères et de leur mère Shiri ont rappelé de manière tragique pourquoi la prise d’otages est interdite par le droit international humanitaire.
Peu après les attaques du 7 octobre menées par le Hamas dans le sud d’Israël, une vidéo a fait surface, montrant un groupe d’hommes, certains portant des uniformes et d’autres tenant des fusils d’assaut militaires, encerclant Shiri Bibas, 32 ans, qui étreignait ses deux jeunes fils. Human Rights Watch a conclu que les prises d’otages et les autres violations graves commises par les groupes armés palestiniens lors des attaques du 7 octobre ont constitué des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.
Shiri, Ariel et Kfir sont morts pendant leur détention à Gaza. Il existe différentes versions, non vérifiées de manière indépendante, sur la façon dont ils ont été tués, mais en premier lieu ils n’auraient jamais dû être emmenés à Gaza le 7 octobre ; il en est de même pour plus de 200 autres civils israéliens enlevés ce jour-là. Les groupes armés palestiniens auraient ensuite dû libérer sans condition tous les civils qu’ils détenaient, même en l’absence d’un cessez-le-feu.
Le droit international interdit de détenir quiconque en otage, ou sans base légale. Les groupes armés palestiniens devraient libérer immédiatement et dans des conditions sûres tous les civils qu’ils détiennent encore ; de même, les autorités israéliennes devraient libérer immédiatement et dans des conditions sûres tous les Palestiniens détenus illégalement. Les êtres humains ne devraient jamais être utilisés comme monnaie d’échange.
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