27.02.2025 à 00:10
Funérailles de la famille Bibas en Israël, rappel tragique de l'illégalité des prises d'otages
Shiri, Kfir et Ariel Bibas, qui avaient été pris en otage par un groupe armé palestinien le 7 octobre 2023, ont été enterrés en Israël mercredi. Une foule de personnes en deuil leur ont silencieusement fait leurs adieux, tout au long du parcours du cortège funèbre. Les deux jeunes frères Kfir, qui n’avait que neuf mois le 7 octobre, et Ariel, alors âgé de 4 ans, étaient les plus jeunes otages capturés ce jour-là. Les funérailles des deux frères et de leur mère Shiri ont rappelé de manière tragique pourquoi la prise d’otages est interdite par le droit international humanitaire.
Peu après les attaques du 7 octobre menées par le Hamas dans le sud d’Israël, une vidéo a fait surface, montrant un groupe d’hommes, certains portant des uniformes et d’autres tenant des fusils d’assaut militaires, encerclant Shiri Bibas, 32 ans, qui étreignait ses deux jeunes fils. Human Rights Watch a conclu que les prises d’otages et les autres violations graves commises par les groupes armés palestiniens lors des attaques du 7 octobre ont constitué des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.
Shiri, Ariel et Kfir sont morts pendant leur détention à Gaza. Il existe différentes versions, non vérifiées de manière indépendante, sur la façon dont ils ont été tués, mais en premier lieu ils n’auraient jamais dû être emmenés à Gaza le 7 octobre ; il en est de même pour plus de 200 autres civils israéliens enlevés ce jour-là. Les groupes armés palestiniens auraient ensuite dû libérer sans condition tous les civils qu’ils détenaient, même en l’absence d’un cessez-le-feu.
Le droit international interdit de détenir quiconque en otage, ou sans base légale. Les groupes armés palestiniens devraient libérer immédiatement et dans des conditions sûres tous les civils qu’ils détiennent encore ; de même, les autorités israéliennes devraient libérer immédiatement et dans des conditions sûres tous les Palestiniens détenus illégalement. Les êtres humains ne devraient jamais être utilisés comme monnaie d’échange.
……………….
26.02.2025 à 23:20
Argentine : Le président Milei sape l'indépendance judiciaire
(Washington, 26 février 2025) – La décision du président argentin Javier Milei de pourvoir deux postes vacants à la Cour suprême par décret présidentiel porte atteinte à l’indépendance de la justice, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.
Le 26 février, le président Milei a signé un décret présidentiel nommant un juge fédéral, Ariel Lijo, et un juriste, Manuel García-Mansilla, aux postes de juges de la Cour suprême. Javier Milei a pris cette décision après avoir échoué, pendant des mois, à réunir la majorité des deux tiers du Sénat argentin qui aurait été requise pour pourvoir ces deux postes vacants, selon les procédures régulières. La théorie selon laquelle le président Milei peut simplement contourner le Sénat et procéder à ces nominations par décret repose toutefois sur une interprétation douteuse de la Constitution argentine.
« La nomination d’Ariel Lijo et de Manuel García-Mansilla par décret est l’une des attaques les plus graves contre l’indépendance de la Cour suprême en Argentine depuis le retour du pays à la démocratie », a déclaré Juanita Goebertus, directrice de la division Amériques à Human Rights Watch. « Le Sénat devrait réagir de manière appropriée, et veiller à ce qu’aucune nomination aux postes de juges de la Cour suprême ne soit concrétisée son consentement. »
Le 25 février, l’administration Milei a publié un communiqué annonçant sa décision de procéder à cette double nominations par décret, et affirmant que le Congrès avait « évité de respecter la décision de ce gouvernement » au sujet de ces deux candidats, dont « l’aptitude à occuper ces postes avait été démontrée ».
Le président Milei a initialement annoncé sa nomination d’Ariel Lijo et de Manuel García-Mansilla aux postes de juges à la Cour suprême en avril 2024 ; par la suite, plusieurs organisations de défense des droits humains, fédérations d’entreprises, universitaires et simples citoyens ont officiellement exprimé leur inquiétude quant au bilan de Lijo en tant que juge fédéral, et aux opinions de García-Mansilla sur les droits à la santé sexuelle et reproductive. Lijo fait l’objet de cinq enquêtes disciplinaires en cours devant le Conseil de la magistrature, l’organisme chargé d’enquêter sur les juges fédéraux et éventuellement de les révoquer. Selon un rapport, il a été visé par 29 autres procédures disciplinaires qui ont finalement été closes. Certaines procédures étaient fondées sur des allégations selon lesquelles Lijo aurait retardé et manipulé des enquêtes sur la corruption.
Click to expand Image Le président de l’Argentine, Javier Milei, prononçait un discours concernant le budget 2025 au Congrès national à Buenos Aires, le 15 septembre 2024. © 2024 Sipa via AP ImagesUne disposition de la Constitution argentine (art. 99-19) autorise le président à « pourvoir des postes vacants qui nécessitent l’approbation du Sénat, durant les périodes en dehors des sessions du Congrès ». Toutefois, les tribunaux n’ont pas statué afin de confirmer que le terme « postes vacants » de cette disposition s’applique aussi au poste de juge de la Cour suprême, et de nombreux universitaires ont exprimé leurs doutes à ce sujet. Beaucoup d’entre eux soutiennent que la disposition ne concerne que les ambassadeurs, les membres de l’armée et d’autres fonctionnaires du pouvoir exécutif. Les experts ont aussi exprimé des doutes quant à la légalité d’une nomination par décret présidentiel effectuée avant le début d’une période de non-session du Congrès.
L’Argentine est un État partie à plusieurs traités internationaux relatifs aux droits humains, notamment au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et à la Convention américaine relative aux droits humains (« Pacte de San Jose du Costa Rica »), qui l’obligent à garantir l’indépendance et l’impartialité de son système judiciaire. La Cour interaméricaine des droits de l’homme a déclaré à plusieurs reprises que les juges doivent être nommés selon un « processus adéquat » qui protège leur indépendance, notamment vis-à-vis des pouvoirs exécutif et législatif.
En vertu de la Constitution argentine, une nomination par décret présidentiel effectuée pendant une période de non-session du Parlement demeure en vigueur jusqu’à « la fin de la législature suivante », c’est-à-dire dans ce cas-ci le 30 novembre 2025. Toutefois, le Sénat est habilité à révoquer les fonctionnaires nommés de cette manière, pour n’importe quelle raison jugée valable. Des juges nommés de cette manière ne disposent pas de sécurité quant à la durée de leur mandat, ce qui risque de porter atteinte à leur indépendance réelle ou perçue.
Le Sénat argentin joue un rôle crucial en veillant à ce que toute nomination des juges de la Cour suprême respecte les procédures constitutionnelles, et en examinant soigneusement leurs qualifications, leur expérience et leur intégrité, a observé Human Rights Watch. Lors de sa prochaine session, le Sénat devrait immédiatement procéder à un vote au sujet des deux nominations du décret présidentiel.
En décembre 2015, l’ancien président argentin Mauricio Macri, avait aussi invoqué le même article de la Constitution pour pourvoir deux sièges vacants à la Cour suprême, par décret présidentiel. Human Rights Watch, d’autres organisations non gouvernementales et des juristes avaient alors aussi critiqué cette décision. Le Sénat n’avait alors pas pu examiner les nominations au moment de la publication du décret présidentiel, et ce n’est que six mois plus tard que les deux juges nommés par Macri ont pris leurs fonctions, après avoir obtenu les deux tiers des voix requises au Sénat.
« En contournant le processus régulier d’approbation par le Sénat et en nommant un candidat au dossier disciplinaire préoccupant, le gouvernement argentin sape les fondements mêmes de l’indépendance judiciaire », a conclu Juanita Goebertus. « Les institutions démocratiques argentines devraient montrer leur force, et défendre l’État de droit. »
………..
Articles
Le Monde Observatoire de l’Europe
25.02.2025 à 06:00
UE : Restaurer l’humanité en mer
(Milan, le 25 février 2025) – L’Union européenne, ses États membres et l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes Frontex devraient accorder la priorité au sauvetage des vies en mer, a déclaré Human Rights Watch dans un dossier multimédia publié aujourd’hui.
Plus de 400 personnes sont mortes ou ont été portées disparues en mer Méditerranée au cours des trois derniers mois seulement. Durant la même période, plus de 3 800 personnes ont été renvoyées de force vers la Libye par les forces libyennes soutenues par l’UE.
« La politique européenne de dissuasion par la noyade est odieuse », a déclaré Judith Sunderland, Directrice adjointe de la division Europe et Asie centrale à Human Rights Watch. « Aujourd’hui plus que jamais, l’UE doit revenir à ses valeurs fondamentales et à notre humanité commune en assurant la recherche et le sauvetage en mer et le débarquement dans des lieux sûrs. »
Un navire porteur d’humanité Sauvetages en MéditerranéeLe dossier web, intitulé « Un navire porteur d’humanité », est un récit de première main de l’une des dernières missions menées en septembre 2024 par le Geo Barents, le navire de sauvetage affrété par l'organisation humanitaire Médecins Sans Frontières (MSF). Lors de deux opérations, l'équipe de MSF a secouru 206 personnes, principalement originaires d'Éthiopie, d'Érythrée et de Syrie, malgré l'intervention d'un patrouilleur libyen qui a menacé d'ouvrir le feu. Les autorités italiennes ont ordonné que le Geo Barents soit détenu à quai pendant 60 jours, pour non-respect des ordres des autorités libyennes, parmi d’autres raisons.
En décembre, MSF a annoncé sa décision de ne plus utiliser le Geo Barents, invoquant les lois et politiques italiennes, notamment les ordres de débarquer les personnes secourues dans des ports lointains, qui rendent « impossible la poursuite du modèle opérationnel actuel. » L'organisation a déclaré qu'elle reprendrait ses opérations de recherche et de sauvetage en Méditerranée dès que possible.
Des entretiens approfondis avec 11 survivants à bord du Geo Barents ont confirmé le traitement brutal des migrants et des demandeurs d'asile en Libye, ainsi que les conséquences dévastatrices du soutien italien et européen aux forces de garde-côtes libyennes. Toutes les personnes interrogées ont décrit une certaine forme d'abus en Libye, allant de l'extorsion au travail forcé, en passant par la torture et le viol, dans des centres de détention libyens officiellement sous l'autorité de l'État, ou en captivité par des passeurs. De nombreuses personnes interrogées ont été arrêtées à plusieurs reprises après avoir été interceptées en mer par les forces libyennes et tunisiennes.
24 octobre 2024 Frontex devrait agir pour sauver des vies en merUne campagne appelle l’agence de garde-frontières et de garde-côtes de l’UE à agir #AvecHumanité
L’UE a largement abdiqué sa responsabilité d’assurer la recherche et le sauvetage en Méditerranée. Malgré les preuves accablantes de graves abus infligés aux migrants détenus en Libye, l’UE soutient les efforts des forces libyennes pour détecter les bateauxet forcer le retour des migrants, notamment grâce à la surveillance aérienne de Frontex au-dessus de la Méditerranée centrale. L’UE reproduit désormais son modèle abusif de coopération avec la Libye avec d’autres pays tels que la Tunisie et le Liban, où les personnes sont confrontées à des abus, ainsi qu’au risque d’expulsion malgré le risque de préjudices supplémentaires.
Au cours de la dernière décennie, plus de 31 300 personnes sont mortes ou ont été portées disparues en Méditerranée, selon l'Organisation internationale pour les migrations, avec au moins 2 300 morts ou disparus en 2024. Décembre a été le mois le plus meurtrier l’année dernière, avec au moins 309 déclarées mortes ou disparues. Près de 100 personnes, dont 8 enfants, sont disparues en mer depuis le début de 2025.
#AvecHumanitéL'appel adressé à l’agence européenne Frontex
Site de la campagneEn octobre 2024, Human Rights Watch a lancé la campagne #AvecHumanité, appelant Frontex à prendre des mesures concrètes pour utiliser ses technologies et son savoir-faire pour sauver des vies. L’agence devrait s’assurer que l’emplacement exact des embarcations en détresse repérées par les moyens aériens de Frontex soit transmis systématiquement aux navires de sauvetage présents dans la zone et gérés par des organisations non gouvernementales et émettre plus fréquemment des signaux d’urgence sur la base d’une définition large de la notion de détresse, a déclaré Human Rights Watch. Les appareils aériens de Frontex devraient également surveiller les cas de détresse et porter assistance si nécessaire.
« Les personnes qui entreprennent ces voyages dangereux fuient les souffrances et les abus, tout en espérant pouvoir construire un meilleur avenir ailleurs », a conclu Judith Sunderland. « Si on leur donne une chance équitable, la plupart des personnes qui arrivent et qui restent finiront par subvenir à leurs propres besoins et à ceux de leurs familles, tout en soutenant leurs nouvelles communautés. »