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13.06.2025 à 12:26

Eric Berr: « On a une politique qui tape, une fois encore, sur les classes sociales les moins favorisées »

Le vent de la récession souffle de plus en plus. Les révisions à la baisse de la croissance pour la France se multiplient, tant de la part de la Banque de France que du Fonds monétaire international, dans le contexte de la politique commerciale menée par les États-Unis depuis le début du mois d’avril. Et … Continued

Texte intégral 2102 mots

Le vent de la récession souffle de plus en plus. Les révisions à la baisse de la croissance pour la France se multiplient, tant de la part de la Banque de France que du Fonds monétaire international, dans le contexte de la politique commerciale menée par les États-Unis depuis le début du mois d’avril. Et l’annonce d’un plan d’austérité de 40 milliards d’euros pour 2026 de la part du ministre de l’Économie, Éric Lombard, a de quoi renforcer la tendance récessive. Sans même parler du symbole que constitue le fait que le patrimoine le plus important du gouvernement Bayrou est justement celui d’Éric Lombard, chargé de préparer ces coupes, ni du refus du Sénat de voter la « taxe Zucman » sur les grandes fortunes. Pour QG, l’économiste Eric Berr souligne cette volonté gouvernementale de cibler uniquement les dépenses publiques et l’illusion réitérée consistant à penser que les patrons accepteraient de faire du patriotisme économique sans la moindre contrainte. Interview par Jonathan Baudoin

Quel est votre analyse du plan d’austérité de 40 milliards d’euros pour 2026, annoncé par le gouvernement Bayrou?

Le plan de François Bayrou et de son ministre de l’Économie Éric Lombard s’inscrit dans la droite lignée de celui qui a été proposé par Michel Barnier et pour lequel il a été censuré. C’est-à-dire, faire une cure d’austérité drastique. Dans le budget voté en début d’année, il est déjà prévu 20 milliards d’euros « d’économies ». Il est envisagé pour 2026 de réduire les dépenses publiques de quarante milliards d’euros qui se répartissent comme suit: 14 milliards d’euros « d’économies » sur les dépenses de l’État; 8 milliards d’euros sur les dépenses des collectivités locales; 18 milliards d’euros sur les dépenses de la Sécurité sociale. 

L’effet va être une fois de plus d’amplifier la stagnation, voire la récession économique. D’après les débuts de piste qu’on a sur les mesures qui vont être prises, ce sont à nouveau les classes populaires et les classes moyennes qui seront pénalisées. Il y a toujours une ligne rouge chez Bayrou, comme chez tous les précédents gouvernements de Macron, c’est le refus d’augmenter les impôts. Par conséquent, il faut couper dans les dépenses publiques. Si on coupe dans les dépenses de la Sécurité sociale, cela signifie moins de protection sociale pour tous les Français. Si on coupe dans les dépenses de l’État, c’est moins de services publics pour les Français. Et cela touche principalement les catégories sociales les moins favorisées car on s’interdit de financer ça par les profits des entreprises ou le patrimoine. On reste dans la même logique, celle qui nous a amenée à la situation budgétaire actuelle, et les mêmes causes produiront donc les mêmes effets.

Est-ce que cela ne risque-t-il pas d’aggraver le risque de récession pour l’économie française, dans un contexte de tension économique globale avec les États-Unis sur la hausse des droits de douane?

Tout cela risque d’être cumulatif. On a une politique qui tape, encore, sur les classes sociales les moins favorisées. Avec une nouveauté, qui est de taper aussi sur les retraités, avec l’éventuelle mesure, encore en discussion, de supprimer l’abattement de 10% dont bénéficient les retraités. Ce qui reviendrait à faire en sorte que 500.000 retraités, qui ne payaient pas jusqu’ici d’impôt, en paieraient. Ce sont bien les retraités les plus pauvres qui seraient pénalisés dans l’histoire. Notons au passage que cette mesure entre en contradiction avec le refus d’augmenter les impôts.

Je rappelle que tout cela est fait pour réduire le poids du déficit public, rapporté au PIB, l’objectif étant de ramener le déficit public à 4,6% du PIB. On peut avoir un objectif de réduction du déficit public, mais ce qui pose problème, c’est la façon de le mettre en place. En l’occurrence, en ciblant uniquement la baisse des dépenses publiques. Ce qu’il faut voir, c’est que si ces dépenses sont un coût pour l’État, elles sont une recette pour les ménages et les entreprises. Et dans un environnement récessif, où la demande des ménages et des entreprises diminue, si l’État se serre également la ceinture, réduisant de fait la demande de biens et services, on aggrave la récession que l’on est censé combattre.

Le contexte international, avec les décisions de Trump, peut poser problème à des secteurs qui exportent aux États-Unis. Je ne nie pas cela, mais il faut voir que la France, en 2024, a un excédent commercial avec les États-Unis de 3 milliards d’euros. Les mesures de Trump seraient pénalisantes, mais nous ne sommes pas les plus dépendants du commerce avec les États-Unis. Au niveau de l’Union européenne, 60% du commerce international se fait entre pays membres. Les échanges avec les États-Unis représentent seulement 20%. Cela pourrait poser problème mais c’est l’occasion, précisément, pour l’UE, de changer son fusil d’épaule et d’avoir une politique qui défende vraiment les intérêts européens. Face à la Chine et aux États-Unis, qui ont des politiques visant à servir leurs intérêts, à se protéger, l’UE est le dindon de la farce avec son marché ouvert à tous vents.

Je rappelle que les pays les plus riches se sont toujours développés en utilisant des doses de protectionnisme. Ce n’est pas le protectionnisme, en lui-même, qui pose problème. C’est plutôt la manière dont Donald Trump le met en place, actuellement, car il mène une guerre d’agression commerciale et tout le monde va y perdre, à divers degrés, les États-Unis probablement en premier. Le protectionnisme qui pourrait être intéressant à mettre en place est ce qu’on appelle un protectionnisme solidaire. À savoir, passer des accords de coopération avec un pays où on importe les biens ou les services qu’on n’est pas en mesure de produire et à l’inverse, on exporte vers l’autre pays le bien ou service qu’on est en mesure de faire et où on est compétitif. En faisant cela, on est dans quelque chose de plus positif et potentiellement bénéfique pour tout le monde.

Dans un entretien, le ministre de l’Économie et des Finances appelle « au patriotisme des patrons ». Pensez-vous qu’ils joueront le jeu?

On a l’impression de retrouver la grande époque de Bruno Le Maire où il y avait sur les réseaux sociaux le hashtag « Bruno demande », quand Le Maire demandait aux entreprises d’embaucher, de ne pas trop augmenter les prix en période d’inflation, etc.. Maintenant, Éric Lombard demande une preuve de patriotisme économique aux patrons. Déjà, s’ils faisaient preuve de patriotisme fiscal, on aurait réglé une bonne partie des problèmes qui sont les nôtres aujourd’hui en matière de déficit ! On peut bien sûr espérer une prise de conscience et un sursaut de patriotisme de la part des grands patrons français. Personnellement, je n’y crois pas du tout! Je rappelle que Bernard Arnault était à la cérémonie d’investiture de Donald Trump. Il doit d’ailleurs peut-être un peu le regretter maintenant puisque les taxes de Trump vont aussi pénaliser LVMH.

Le président américain Donald Trump en compagnie du milliardaire français Bernard Arnault lors d’une visite de l’usine Louis Vuitton d’Alvarado, au Texas, le 17 octobre 2019

Dans un système capitaliste, il faut savoir que le but d’une entreprise, c’est de faire du profit. Si faire du patriotisme économique permettait d’avoir plus de profits, les entreprises le feront. Dans le cas contraire, le patriotisme économique passera au second plan. L’État a pourtant les moyens d’inciter, voire de contraindre, les entreprises d’adopter un comportement plus favorable aux intérêts du pays. On le fait bien pour les bénéficiaires du RSA ou pour les chômeurs inscrits à France Travail, à qui on impose des conditions toujours plus dures pour bénéficier de leur allocation ! Pourquoi les 200 milliards d’euros de subventions en direction des entreprises ne seraient pas versés sous condition de respect de clauses sociales, environnementales, ou de résultats en termes d’emploi ? L’État a les moyens de faire cela. Le problème est qu’il ne veut pas le faire, parce qu’il joue le rôle de supplétif du MEDEF, pour faire simple.

Propos recueillis par Jonathan Baudoin

Eric Berr est économiste, maître de conférences à l’Université de Bordeaux, membre du collectif les Économistes Atterrés, co-responsable du département d’économie de l’Institut La Boétie. Il est l’auteur de: Inflation. Qui perd? Qui gagne? Pourquoi? Que faire? (avec Sylvain Billot et Jonathan Marie, Le Seuil, 2024) ; La dette publique, Précis d’économie citoyenne (avec Léo Charles, Arthur Jatteau, Jonathan Marie et Alban Pellegris, Le Seuil, 2021) ; L’économie post-keynésienne (avec Virginie Monvoisin, Le Seuil, 2018) ; ou encore L’intégrisme économique (LLL, 2017)

12.06.2025 à 23:43

« Gaza : la faillite morale de l’Occident » avec Taoufiq Tahani, Alma Dufour et Véronique Bontemps

Un blocus impitoyable, des États occidentaux totalement défaillants, des médias internationaux interdits d’entrée, qui au bout de 600 jours continuent encore, pour beaucoup, à relayer la propagande du pouvoir israélien. Gaza se retrouve isolée, affamée, massacrée aux yeux du monde. Face à cette situation inédite, même pour un peuple palestinien déjà très éprouvé, des initiatives … Continued

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Un blocus impitoyable, des États occidentaux totalement défaillants, des médias internationaux interdits d’entrée, qui au bout de 600 jours continuent encore, pour beaucoup, à relayer la propagande du pouvoir israélien. Gaza se retrouve isolée, affamée, massacrée aux yeux du monde. Face à cette situation inédite, même pour un peuple palestinien déjà très éprouvé, des initiatives citoyennes comme la « Flotille de la liberté » se mettent en place, mais aucune solution politique viable ne se dessine encore à cette heure. Les États-Unis mettent même une pression colossale sur les pays, comme la France, qui entendraient reconnaître prochainement l’État palestinien. Pour continuer à vous informer, à espérer ensemble, Aude Lancelin et notre équipe ont reçu trois personnalités engagées pour renverser le cours de cette tragédie :

– Taoufiq Tahani, président d’honneur de l’Association France Palestine

– Alma Dufour, députée LFI

– Véronique Bontemps, chercheuse au CNRS, coordinatrice de « Gaza, une guerre coloniale » (Actes Sud)

10.06.2025 à 21:20

« Le problème c’est le viol, pas le féminisme » avec Giulia Foïs

Aux hommes on apprend à dominer, aux femmes à se taire. L’impunité des agresseurs prospère sur le silence des victimes, imposé par la suspicion. À chaque étape, il est exigé des femmes qu’elles « ferment leur gueule » pour que le système tienne. Dans une société où 97 % des violences sexuelles sont commises par … Continued

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Aux hommes on apprend à dominer, aux femmes à se taire. L’impunité des agresseurs prospère sur le silence des victimes, imposé par la suspicion. À chaque étape, il est exigé des femmes qu’elles « ferment leur gueule » pour que le système tienne. Dans une société où 97 % des violences sexuelles sont commises par des hommes, il devient urgent de penser la situation. Malgré les combats féministes, la justice reste défaillante – seuls 0,6 % des viols sont jugés aux assises ! On continue de déresponsabiliser les hommes, d’invoquer l’argument d’une « autre époque », de faire du viol un événement exceptionnel plutôt qu’un problème structurel. Ce qu’il faut désormais, ce n’est plus une prise de conscience : c’est une révolte sans concession, affirme Giulia Foïs, journaliste, spécialiste des violences sexistes et sexuelles et autrice de « Pas tous les hommes quand même ! » aux éditions La Meute. Notre animatrice Bénédicte Martin l’a reçue sur QG

05.06.2025 à 21:45

« Ukraine : la désinformation comme arme » avec Jacques Baud

Derrière le récit dominant du conflit en Ukraine se cache une autre réalité : dès 2022, Washington savait que l’adhésion de Kiev à l’OTAN était exclue, tandis que des tentatives de paix initiées par Zelensky ont été bloquées par les Occidentaux. Les conditions posées par les deux camps rendent tout accord de paix impossible à … Continued

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Derrière le récit dominant du conflit en Ukraine se cache une autre réalité : dès 2022, Washington savait que l’adhésion de Kiev à l’OTAN était exclue, tandis que des tentatives de paix initiées par Zelensky ont été bloquées par les Occidentaux. Les conditions posées par les deux camps rendent tout accord de paix impossible à ce jour.

Le soutien occidental repose autant sur l’aide militaire que sur une guerre de l’information, entre censure, désinformation et récits stratégiques. Ce conflit révèle les limites morales et stratégiques d’un leadership occidental en crise, où l’image importe autant que les armes.

Le 5 juin, Aude Lancelin recevait Jacques Baud, ex-membre du renseignement stratégique suisse et colonel d’état-major général, ancien chef de la doctrine des opérations de maintien de la paix à l’ONU et auteur de Guerres secrètes en Ukraine, un ouvrage révélant les opérations clandestines menées par les deux camps depuis trois ans. Une analyse rare dans les médias traditionnels.

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