01.07.2025 à 10:55
En Espagne, malgré des parcours professionnels très différents et des conditions de travail très éloignées, deux groupes professionnels partagent le même destin lorsqu'ils atteignent l'âge de la retraite : les mutualistes, issus de professions libérales (architecture, droit notamment), qui prennent leur retraite aujourd'hui, et les livreurs à domicile sous-traités par les plateformes numériques, un métier récent et précaire qui mène au même destin, sont confrontés à la dure réalité d'une (…)
- Actualité / Espagne, Négociation collective, Travail décent, Jeunesse, Politique et économie, Protection sociale, Charles KatsidonisEn Espagne, malgré des parcours professionnels très différents et des conditions de travail très éloignées, deux groupes professionnels partagent le même destin lorsqu'ils atteignent l'âge de la retraite : les mutualistes, issus de professions libérales (architecture, droit notamment), qui prennent leur retraite aujourd'hui, et les livreurs à domicile sous-traités par les plateformes numériques, un métier récent et précaire qui mène au même destin, sont confrontés à la dure réalité d'une pension insuffisante pour survivre une fois arrivés au terme de leur vie active. Même si leurs situations sont différentes, paradoxalement, ces deux groupes partagent la même incertitude quant à leur avenir, que certains commencent déjà à rencontrer et que d'autres voient approcher sans aucune garantie pour leur retraite. De plus, ces deux groupes, chacun depuis leur retranchement, partagent également la même lutte pour des conditions de retraite plus justes. Ana, architecte à la retraite depuis mars 2021, a cotisé pendant 37 ans à la Fraternité nationale des architectes (Hermandad Nacional de Arquitectos, HNA), l'une des mutuelles alternatives au régime spécial des travailleurs indépendants (Régimen Especial de Trabajadores Autónomos, RETA) en vigueur en Espagne. Aujourd'hui, sa pension viagère est d'à peine 415 euros par mois (488 dollars US), versés en 12 mensualités, un montant largement insuffisant pour couvrir ses dépenses de base à Oviedo, dans le nord du pays. « J'ai cotisé toute ma vie, en pensant que ma retraite serait assurée, mais maintenant je me rends compte que ce que je touche ne me permet pas de vivre », se lamente-t-elle à Equal Times. Pendant une grande partie de sa carrière, Ana n'a pas eu la possibilité de cotiser à la Sécurité sociale, car, jusqu'en 1998, les architectes et les avocats, notamment, ne pouvaient cotiser que par l'intermédiaire de leur mutuelle. Lorsque la possibilité de changer s'est présentée, elle cotisait déjà depuis 15 ans et avait trois enfants. Si elle avait cessé de payer ses cotisations, elle aurait perdu ce qu'elle avait déjà versé. Aujourd'hui, avec une pension très inférieure au seuil de pauvreté, elle est contrainte de continuer à travailler. « Ce n'est qu'au moment de partir à la retraite que j'ai pris conscience du problème », explique-t-elle, « j'ai posé des questions à la Fraternité et je me suis rendu compte que ma pension n'était pas suffisante pour vivre ». Le cas d'Ana n'est pas une exception. On estime que 40.000 retraités de la génération du baby-boom espagnol (nés entre 1957 et 1977) se trouvent dans une situation similaire, et que 100.000 autres personnes actuellement actives se retrouveront dans la même situation au fil des ans, après avoir cotisé, pendant des décennies à des mutuelles professionnelles, comme celles des avocats, des procureurs, des ingénieurs ou des architectes. Contrairement au système public de retraite, les mutuelles sont régies par un modèle de capitalisation individuelle. Autrement dit, chaque professionnel gère son propre fonds sans garantie qu'il soit adapté à l'indice des prix à la consommation (IPC, le principal indicateur de l'inflation) et sans aucun soutien solidaire de l'État, explique à Equal Times Carlos Bravo, expert en politiques publiques pour le syndicat espagnol Comisiones Obreras (CCOO). « Le problème est que de nombreuses mutualités fonctionnaient à la manière d'une assurance privée », explique M. Bravo : « Elles n'étaient pas conçues pour assurer des pensions viagères décentes, mais plutôt comme un complément, et, dans de nombreux cas, elles étaient mal gérées ou manquaient de transparence. » Javier Mancilla, architecte à la retraite et membre délégué de l'HNA depuis 2018, a stimulé la création de l'Association nationale des mutualistes architectes (Asociación Nacional de Mutualistas Arquitectos, ANMARQ), qui regroupe des milliers de personnes affectées. Cette plateforme demande au gouvernement espagnol de fournir une « passerelle » permettant de transférer les cotisations versées dans la mutualité vers le RETA, afin que les mutualistes puissent accéder aux pensions du système public dans des conditions comparables. « Nous ne cherchons pas à obtenir plus que les travailleurs indépendants, nous voulons simplement être traités sur un pied d'égalité », précise M. Mancilla à Equal Times. Le gouvernement espagnol actuel, par l'intermédiaire du PSOE (le parti social-démocrate autour duquel s'est formée une coalition gouvernementale), a présenté un projet de loi visant à remédier au problème, mais sa proposition exclut une grande partie des personnes concernées, en particulier les retraités, les veuves et les orphelins. « Une personne encore en activité peut prendre des décisions pour améliorer sa pension, mais un retraité ne peut plus rien faire », alerte M. Mancilla, qui dénonce également le manque d'information et de transparence dont de nombreux mutualistes ont pâti au cours de leur vie professionnelle. Certains architectes retraités ont été contraints de recourir à la « soupe populaire », d'autres dépendent du soutien de leur famille. La situation est devenue tellement critique que des centaines d'avocats et de procureurs ont manifesté à Madrid à quatre reprises pour réclamer des pensions décentes. Sur leurs pancartes, on pouvait lire des slogans tels que « non aux pensions de misère » et « justice pour nous, qui avons pratiqué la Justice ». En Espagne, quelque 200.000 personnes pourraient être concernées par cette mesure. D'après les estimations de l'ANMARQ, parmi elles, entre 60.000 et 65.000 sont des architectes et des architectes techniques, tandis que le reste provient principalement du secteur juridique et d'autres professions libérales. Le 6 mai, la proposition du PSOE a été reçue par le Congrès à Madrid. Des députés tant de gauche que de droite ont soutenu les mutualistes ; au plus grand étonnement de ces derniers. Tout en maintenant leurs critiques à l'égard de la loi qu'ils entendent amender dans les prochains mois, tous les groupes parlementaires sont tombés d'accord pour qu'un jour cotisé à une mutualité corresponde à un jour cotisé en tant que travailleur indépendant dans le RETA. Seul Vox, le parti d'extrême droite, s'est abstenu. Tous les autres ont soutenu le projet de loi, qui suit actuellement son chemin au Parlement. Le 19 juin, la demande d'amendement de Vox concernant l'ensemble du projet de loi a été rejetée par le Congrès, tous les autres groupes ayant voté contre, hormis le Parti populaire (droite), qui dirige l'opposition en Espagne et qui s'est abstenu. Le processus de dépôt et de débat des amendements se poursuivra au sein de la Commission du travail et de la Sécurité sociale du Congrès dans les mois à venir, et la loi pourrait ne pas être adoptée avant 2026. Les livreurs qui travaillent de commande en commande pour des plateformes numériques, partent d'un environnement de travail encore plus précaire, mais avancent vers une incertitude similaire avec des pensions de retraite insuffisantes. Javier Pérez est l'un d'entre eux. C'est en 2018 qu'il a commencé à travailler pour Glovo, l'un des principaux portails de commande de nourriture et de vente à domicile présents en Espagne. Sans études supérieures ni expérience professionnelle formelle, la livraison lui a permis de trouver un moyen de subsistance. Étant donné que les supermarchés ouvrent à neuf heures du matin, il commence sa journée de travail dans son quartier, à environ 15 minutes à vélo du centre de Barcelone, même si, en règle générale, il reçoit moins de commandes du centre-ville. Chaque jour, M. Pérez parcourt la ville à vélo, en se connectant d'innombrables fois à l'application Glovo. Pendant un certain temps, il a travaillé en tant que « faux indépendant », une pratique dénoncée par les syndicats et finalement reconnue comme illégale par le Tribunal suprême, la plus haute cour de justice d'Espagne. Adoptée en 2021, la loi surnommée « loi Rider » (« rider » étant un anglicisme utilisé pour nommer les livreurs en Espagne, ndt) contraint désormais les plateformes à embaucher leurs livreurs en tant que salariés, reconnaissant ainsi explicitement leur relation d'emploi. La réalité sur le terrain est plus complexe cependant. De nombreuses plateformes ont contourné la réglementation en faisant appel à des sous-traitants ou en modifiant leur modèle d'entreprise. La société Glovo, par exemple, a finalement annoncé en décembre 2024 qu'elle commencerait à engager directement ses livreurs en Espagne, après avoir accumulé plus de 200 millions d'euros (235,5 millions de dollars US) de sanctions et de cotisations impayées, mais, dans la pratique, la mise en œuvre est lente et inégale. Porte-parole de l'organisation de travailleurs indépendants CGT Riders de Barcelone et livreur, M. Pérez confie : « J'envisage notre situation avec beaucoup d'incertitude. Nous étions dans la même situation il y a trois ans. Je pensais qu'avec la “loi Rider”, ils nous embaucheraient enfin, même en passant par un sous-traitant, mais non ». Bien que certains livreurs aient été engagés, beaucoup d'autres continuent d'exercer leur activité, comme s'ils étaient indépendants ou dans des conditions de travail informelles, sans congés payés, sans cotisation réelle et sans garantie de revenu minimum. Par ailleurs, cette précarité est exacerbée par la nature algorithmique du travail en soi. La disponibilité, la rapidité et la localisation influencent le nombre de commandes que chaque livreur reçoit, ce qui entraîne une concurrence féroce entre collègues et une pression constante de ceux-ci pour rester constamment connectés. « Si vous ne travaillez pas aux heures de pointe, vous ne recevez pas de commandes », explique M. Pérez, « et si vous n'avez pas un bon score [c.-à-d. bonnes notes des clients de la plateforme], l'algorithme vous pénalise ». Accepter ce travail « ce n'est pas seulement pédaler », insiste-t-il : « C'est vivre au rythme d'une app », une application de téléphone portable. Selon un rapport du collectif des travailleurs de ce secteur « Riders x Rights », le revenu net moyen d'un livreur indépendant en Espagne est d'environ 4 à 6 euros de l'heure, après déduction des dépenses, telles que l'entretien du vélo ou de la moto, le carburant et le paiement de la cotisation mensuelle d'indépendant. Dans des villes comme Barcelone ou Madrid, ce niveau de revenu permet à peine de couvrir un loyer partagé et les dépenses de base. Il est donc impossible d'épargner pour l'avenir ou de cotiser pour une pension de retraite décente. Tant les mutualistes retraités que les livreurs sont confrontés à la précarité résultant de systèmes qui privilégient la flexibilité et l'individualisation au détriment de la sécurité et de la solidarité entre les travailleurs. Les deux groupes réclament des mesures concrètes de la part de l'État pour reconnaître leur contribution à l'économie et à la société et pour leur assurer des conditions de vie dignes. Les premiers, après une vie entière passée à travailler avec la promesse d'une retraite stable, découvrent à la veille de leur départ à la retraite professionnelle que leur pension est insuffisante pour leur permettre de vivre. Les seconds, au cœur de leur vie active, ne peuvent planifier un avenir sans garanties et sans droits. Entre ces deux extrêmes se trouve un système qui pousse à la responsabilité individuelle sans offrir de mécanismes de protection efficaces. La Coordinadora de Mutualistas en Lucha, avec des associations comme l'ANMARQ, noue des alliances avec des plateformes syndicales, des partis politiques et les médias afin de rendre visible la nécessité d'une réforme profonde des politiques de sécurité sociale. « Il ne s'agit pas seulement de corriger certains problèmes, mais de repenser la manière dont nous voulons protéger ceux qui travaillent dans des conditions toujours plus volatiles », explique à Equal Times Marta Boto, assistante au secrétariat confédéral de l'action syndicale et de l'emploi de CCOO, spécialisée dans le droit du travail. « L'économie de plateforme n'est pas une simple innovation technologique. c'est une forme d'externalisation du travail qui entraîne la perte de droits fondamentaux : la relation de travail, la représentation syndicale, la négociation collective… ». Ce qui, en surface, peut apparaître comme une modernisation de l'emploi est en réalité un pied de biche destiné à démanteler les acquis historiques du monde du travail. En Espagne, cependant, le syndicalisme a réagi. Et avec force. La « loi Rider » a constitué le premier grand pas. « Cette victoire a été très difficile à arracher », concède Mme Boto, « mais nous y sommes parvenus grâce à une longue trajectoire d'actions syndicales et à un accord conclu dans le cadre du dialogue social avec le gouvernement et le patronat ». Cette loi, pionnière en Europe et pratiquement unique au monde, a établi un principe fondamental : la présomption de salariat pour les livreurs travaillant pour des plateformes telles que Glovo ou Uber Eats, même lorsque les commandes leur sont transmises par un algorithme et non par un supérieur hiérarchique visible. Dans un contexte de changements législatifs et de pression sociale, l'année 2025 s'annonce comme une période clé vers davantage de justice sociale en Espagne. La lutte des mutualistes et des livreurs peut sembler éloignée dans sa forme, mais elle converge dans son fond : exiger de l'État qu'il garantisse un avenir digne à tous ceux qui, par leur travail, assurent le fonctionnement de l'économie et des services dont la société a besoin. Comme le résume Ana, l'architecte à la retraite : « Je ne demande pas la charité, je réclame la justice. Et cette justice doit valoir pour tous : pour ceux qui ne travaillent plus et pour ceux qui continuent de lutter. » Texte intégral 2604 mots
Livreurs : entre flexibilité et précarité
Deux luttes, une même revendication : la dignité au travail
25.06.2025 à 10:59
Après avoir obtenu son diplôme universitaire il y a un an, Shan Ho a décroché le travail de ses rêves. Pourtant, elle n'a jamais dit à ses parents ce qu'elle fait et se contente de parler vaguement d'un « travail de col blanc ». Ils sont au courant de son maigre salaire, mais ne connaissent pas la réalité : Mme Ho est syndicaliste. S'ils l'apprenaient, ils risquent d'en perdre le sommeil.
À Hong Kong, travailler pour un syndicat est désormais un choix de carrière potentiellement dangereux. (…)
Après avoir obtenu son diplôme universitaire il y a un an, Shan Ho a décroché le travail de ses rêves. Pourtant, elle n'a jamais dit à ses parents ce qu'elle fait et se contente de parler vaguement d'un « travail de col blanc ». Ils sont au courant de son maigre salaire, mais ne connaissent pas la réalité : Mme Ho est syndicaliste. S'ils l'apprenaient, ils risquent d'en perdre le sommeil. À Hong Kong, travailler pour un syndicat est désormais un choix de carrière potentiellement dangereux. Au cours des dernières années, certains des syndicalistes les plus importants de la ville ont été emprisonnés ou contraints à l'exil en vertu de la vaste loi sur la sécurité nationale (LSN) promulguée par Pékin après le mouvement de protestation antigouvernemental de 2019-2020. Près de 250 syndicats ont été dissous et nombre de ceux qui subsistent sont confrontés à des défis multiples. Les pieux mensonges de la jeune syndicaliste pour ne pas inquiéter ses parents semblent encore avoir du sens, notamment parce que le gouvernement de Hong Kong serre de plus en plus la vis sur les syndicats locaux. En février, les autorités en charge du travail à Hong Kong, une région administrative spéciale de la Chine, ont proposé une série d'amendements à leur Ordonnance sur les syndicats. Au nom de la sécurité nationale, il a été proposé que : les syndicats doivent obtenir l'aval des autorités pour recevoir des fonds d'une quelconque « force externe », interdire définitivement aux personnes condamnées pour atteinte à la sécurité nationale de faire partie d'un syndicat, donner aux autorités le pouvoir d'entrer dans les locaux des syndicats pour saisir des documents et refuser l'enregistrement ou la fusion de syndicats, et ce, sans droit de recours. Jusqu'à présent, les réactions publiquement exprimées au sujet des amendements proposés ont été largement positives à Hong Kong, où l'opposition au sein du pouvoir législatif a été éradiquée et où la plupart des grands médias pro-démocratie ont été fermés. Lors d'une récente mini-réunion parlementaire, Lam Chun-sing, syndicaliste et législateur pro-Pékin, a déclaré que, pendant le mouvement de 2019, de nombreux syndicats avaient organisé des « grèves politiques pour attaquer le gouvernement ». Il a exprimé l'espoir que les amendements « serviraient mieux les intérêts des travailleurs ». Stanley Ng, législateur pro-Pékin et président de la FTU, a adopté une posture similaire, déclarant dans un communiqué de la FTU que le projet de loi permettrait d'empêcher tout groupe de « mener des activités subversives » sous le couvert du syndicalisme, tout en garantissant que les syndicats se concentrent véritablement sur les questions syndicales. Mais Joe Wong, syndicaliste de longue date et ancien président de la désormais dissoute Confédération des syndicats de Hong Kong (HKCTU), confie à Equal Times qu'il craint que les changements proposés ne dissuadent les travailleurs de rejoindre les syndicats. « Le syndicalisme est déjà un sujet politiquement sensible aujourd'hui, et ces amendements pourraient rendre les travailleurs encore plus frileux. Si une nouvelle règle autorise les agents du gouvernement à pénétrer dans les locaux des syndicats pour fouiller dans les documents, les travailleurs pourraient ne plus vouloir être associés au syndicat. » Mme Ho, pour sa part, estime que l'initiative du gouvernement n'aura pas d'impact significatif sur les syndicats indépendants à Hong Kong. Selon elle, une grande partie du secteur, qui regroupe traditionnellement des cols bleus, a été durement touchée ces dernières années ; de nouvelles restrictions ne feraient pas une grande différence. Elle ajoute toutefois : « Je ne suis pas sûre que quelqu'un voudra créer de nouveaux syndicats à l'avenir. » Le gouvernement justifie ces amendements en partie cette décision par le fait qu'en 2019 et 2020, des personnes « animées d'arrière-pensées » ont tenté de mener des actions « mettant en danger la sécurité nationale sous couvert d'actions syndicales ». D'après les chiffres officiels, entre novembre 2019 et mai 2020, le nombre de demandes de création de syndicats a explosé pour atteindre 4.386, contre une moyenne de 15 au cours des cinq années précédentes. Toutes les demandes n'ont pas été acceptées. Malgré cela, l'augmentation du nombre de syndicats enregistrés en 2020 a été remarquable, passant de 917 en 2019 à 1.410 en l'espace d'un an. Selon Kingsley Wong, législateur et président de la Fédération des syndicats de Hong Kong (FTU), organisation pro-Pékin, bon nombre de ces nouveaux groupes avaient un agenda politique et constituaient « une menace importante pour la sécurité nationale ». Pour de nombreux citoyens pro-démocratie cependant, la prolifération soudaine des syndicats à cette époque a suscité un bref moment d'euphorie, faisant naître l'espoir d'un nouveau chapitre pour le mouvement syndical indépendant dans une ville hyper-capitaliste comme Hong Kong. Cette vague de syndicalisation qui a eu lieu de la fin 2019 à la mi -2020 s'est produite à un moment où le mouvement de protestation, déclenché par un controversé projet de loi relatif à l'extradition, secouait depuis des mois le centre financier asiatique et prenait un tour de plus en plus violent. Certains Hongkongais ont commencé à penser que la grève était un moyen de faire avancer le mouvement. D'autres voyaient dans la syndicalisation un moyen de maintenir l'élan en faveur d'un changement social potentiel déclenché par le mouvement, voire de remporter un siège représentant le secteur du travail au sein du collège électoral fermé qui élit le dirigeant de la ville.
Un assistant social qui prévoyait de créer un syndicat à l'époque admet : « Remporter ce vote était la principale motivation qui nous poussait à nous syndiquer. Il n'y avait rien d'illégal là-dedans. » Mais aucune de ces idées n'a abouti. Le mouvement de protestation a pris fin vers le milieu de l'année 2020, sous le double choc de la pandémie de Covid-19 et de la promulgation de la LSN imposée par Pékin. Cette loi criminalise la sécession, la subversion, la collusion avec des forces étrangères ainsi que le terrorisme, et prévoit des peines pouvant aller jusqu'à la prison à vie pour les contrevenants. Selon le gouvernement hongkongais, la LSN a permis de mettre fin au chaos qui régnait à Hong Kong, d'y rétablir l'ordre et, « dans l'intérêt de la sécurité nationale », il est nécessaire de renforcer encore la réglementation applicable aux syndicats par l'intermédiaire du projet de loi modifiant l'Ordonnance sur les syndicats. Le projet de loi est actuellement examiné par le mini-parlement « exclusivement composé de patriotes » de la ville. S'il est adopté, les nouvelles règles prendront probablement effet dans le courant de l'année. Le projet d'amendement à la loi qui est prévu n'est en rien surprenant pour les syndicalistes indépendants, tels que Mme Ho et M. Wong. Depuis quelques années, ils assistent à une profonde mutation du secteur syndical, provoquée par la répression des manifestations de 2019 menée par les autorités et les changements politiques qui ont suivi dans la ville. Pendant longtemps, le paysage syndical hongkongais a été dominé par la FTU, pro-Pékin. En 1990, il a commencé à se scinder en deux camps avec la création de la HKCTU, pro-démocratie, qui s'est convertie en une autre force incontournable. La FTU est toutefois restée le principal acteur, avec une taille presque trois fois supérieure à celle de la HKCTU. En tant que plus grande confédération syndicale indépendante et pro-démocratie de Hong Kong, la HKCTU représentait environ 145.000 travailleurs issus de 93 syndicats. Outre la défense des droits des travailleurs locaux, elle était au cœur du mouvement démocratique qui, pendant des décennies, a animé Hong Kong, tout en militant pour les droits du travail en Chine continentale. La HKCTU a participé activement au mouvement pro-démocratique de 2019. Peu après la promulgation par Pékin de la LSN à Hong Kong à la mi-2020 en vue de réprimer les manifestations, plusieurs dirigeants de la HKCTU, ainsi que d'autres activistes syndicaux, ont été victimes de la répression. Le cofondateur et secrétaire général Lee Cheuk-yan, la présidente Carol Ng et le vice-président Leo Tang ont été arrêtés, poursuivis ou condamnés pour des faits liés aux manifestations ou à la LSN ; le directeur exécutif Mung Siu-tat s'est enfui au Royaume-Uni, invoquant « des risques politiques imminents et des craintes pour sa sécurité ». Dans le même temps, des dizaines de syndicats pro-démocratie se sont dissous les uns après les autres. Parmi eux, l'Union des nouveaux fonctionnaires en janvier 2021 et le Syndicat des enseignants professionnels, le plus grand syndicat indépendant de la ville, en août 2021. Les craintes d'un recul des libertés civiles se sont accrues et se sont encore intensifiées en octobre 2021, lorsque la HKCTU s'est dissoute sous la pression politique croissante. Aujourd'hui, à l'ère d'un contrôle accru de Pékin, les dirigeants pro-Pékin affirment que la stabilité a été rétablie à Hong Kong. Mais les forces étrangères qui ont à cœur des notions, telles que la liberté et la démocratie, ont un point de vue différent. Dans de nombreux indices internationaux liés aux droits et à la liberté, Hong Kong n'obtient pas de bons résultats. Dans l'édition 2025 du Global Rights Index publié par la Confédération syndicale internationale (CSI), par exemple, Hong Kong est classée cinquième, à égalité avec l'Arabie saoudite, le Bangladesh et le Venezuela. L'indice dénonce notamment le recours généralisé à « l'ingérence extérieure ou étrangère », que la CSI considère comme une menace pour les droits démocratiques, car une telle approche cible la dissidence. La dissolution de l'influente HKCTU est un sérieux revers pour le syndicalisme à Hong Kong, pour les activistes et les groupes de défense des droits. Les premiers à en faire les frais sont les nombreux syndicats affiliés à la HKCTU. Le Syndicat général des travailleurs de la gestion des bâtiments et de la sécurité de Hong Kong, dont Shan Ho est la secrétaire organisatrice, est l'un d'entre eux. Depuis la chute de la HKCTU, ce petit syndicat a du mal à survivre. La baisse spectaculaire du nombre de ses membres et le manque de fonds sont ses principaux défis. Entre 2020 et fin 2024, le nombre de ses membres a chuté de près de 85 %, passant de 474 à 74. Ses fonds s'épuisent rapidement et ne lui permettront de survivre encore qu'un an ou deux. Selon Mme Ho, autrefois, son syndicat comptait en partie sur les formations dispensées par la HKCTU pour recruter de nouveaux membres et pouvait utiliser les bureaux de cette dernière pour ses activités syndicales, ce qui lui permettait de réaliser d'importantes économies sur les frais de loyer dans une ville où les coûts immobiliers sont exorbitants. Aujourd'hui, ces avantages ont disparu. Dans le climat politique actuel, les liens entretenus par le passé avec la HKCTU pourraient nuire encore davantage à la capacité du groupe à attirer des fonds et des membres. « Il est difficile de trouver de nouveaux membres. Je ne sais pas si cela est lié à la politique ou si cela a toujours été aussi difficile », explique-t-elle. Faire des économies est désormais essentiel à la survie du Syndicat général des travailleurs de la gestion des bâtiments et de la sécurité. Il partage actuellement un espace de bureau dans un ancien bâtiment industriel avec un autre syndicat, le Syndicat des travailleurs du secteur des services de nettoyage. Mme Ho elle-même recherche personnellement des financements destinés aux entreprises sociales afin de subventionner son groupe. « Diriger un syndicat est un combat de tous les instants », confie-t-elle. M. Wong, qui dirige actuellement le syndicat des travailleurs du secteur des services de nettoyage, avait prévu ces difficultés dès 2021, lorsqu'il avait organisé, avec d'autres membres importants de la HKCTU, un vote pour décider de la dissolution de l'organisation. Il se rappelle que « la décision de jeter l'éponge a été très difficile à prendre. C'est comme être mordu par un serpent et se faire amputer un membre en même temps. Nous savions que les syndicats indépendants seraient fortement touchés, mais nous n'avions pas d'autre choix. Nous voulions que tous les membres de la HKCTU restent en sécurité. » À la suite de la disparition de la HKCTU, M. Wong a lui-même subi un traumatisme. Six mois après la dissolution, lui et deux de ses collègues ont été emmenés par la police nationale parce qu'ils avaient prétendument omis de fournir des informations relatives à la HKCTU. Le trio a ensuite été condamné et s'est vu infliger une petite amende. Fin avril 2023, la police frappait a de nouveau à sa porte à l'aube, cette fois-ci à propos de son projet d'organiser une marche à l'occasion de la Journée internationale des travailleurs. Il a été brièvement détenu sans pouvoir communiquer avec le monde extérieur. Après sa libération, les médias ont rapporté qu'il avait souffert d'un « effondrement émotionnel » dû à la pression intense à laquelle il avait été soumis. M. Wong reste muet sur ce qui s'est passé ce jour-là. « Maintenant, j'aime me lever à 5 heures du matin, car ils ont sonné à 6 heures. Je m'entraîne à être bien éveillé très tôt », ironise-t-il en faisant référence à la police nationale. « Mais j'ai eu beaucoup plus de chance que de nombreux autres. » Depuis la promulgation de la LSN, plus d'une douzaine de syndicalistes ont été arrêtés. Les anciens dirigeants de la HKCTU, Carol Ng et Lee Cheuk-yan, sont tous deux détenus depuis plus de 1.500 jours. Mme Ng devrait être libérée en juillet 2025 après avoir purgé sa peine. M. Lee fait partie des figures pro-démocratie de Hong Kong qui ont fait l'objet du plus grand nombre d'accusations. Après avoir purgé 20 mois de prison pour quatre infractions liées à des manifestations, il est toujours en détention provisoire dans l'attente d'un procès pour atteinte à la sécurité nationale qui doit s'ouvrir en novembre de cette année. Il est accusé d'« incitation à la subversion », un chef d'accusation passible d'une peine maximale de 10 ans d'emprisonnement. Son épouse syndicaliste Elizabeth Tang (ancienne secrétaire générale de la Fédération internationale des travailleurs domestiques) et sa sœur ont également été prises pour cible par la police chargée de la sécurité nationale : Elizabeth Tang a été arrêtée en mars 2023, puis libérée sans inculpation, tandis que sa sœur cadette Marilyn Tang a été condamnée à six mois de prison pour entrave à la justice après avoir retiré des appareils électroniques du domicile d'Elizabeth Tang peu après son arrestation. Selon M. Wong, en raison du changement radical du paysage politique à Hong Kong, les syndicats pro-démocratie ont perdu une grande partie de leur pouvoir de négociation pour représenter les préoccupations des travailleurs dans l'élaboration des politiques. « Le gouvernement n'intervient pas dans les syndicats, mais les syndicats indépendants sont confrontés à de nombreux défis, allant du manque de fonds à la méfiance des travailleurs à leur égard. Tout cela semble vraiment évident », explique-t-il. « Dans le même temps, de nombreux travailleurs pensent que, comme l'économie ne va pas bien, ils devraient s'estimer heureux d'avoir encore un emploi… et qu'il vaut mieux rester à l'écart des syndicats. » À cause de la disparition de la HKCTU et de l'apathie généralisée des travailleurs, de nombreux syndicats indépendants doivent désormais redoubler d'efforts pour atteindre les travailleurs. Cependant, il est souvent difficile d'apporter un soutien en temps opportun. Récemment, les agents de sécurité d'un complexe résidentiel public ont vu leur salaire réduit de près d'un cinquième après que le service de sécurité de ce complexe ait été attribué à un nouveau prestataire. La valeur du nouveau contrat est supérieure de 4 millions de dollars hongkongais (environ 446.000 euros ou 510.000 dollars US) à celle du précédent, mais cette augmentation ne parvient pas du tout aux travailleurs. À un moment donné, le syndicat de Mme Ho a entendu parler de cette affaire par ouï-dire, mais, lorsque son équipe a pu joindre les agents de sécurité, ceux-ci avaient déjà signé l'accord de réduction de leur salaire. Au cours de la réunion, les travailleurs se sont fortement plaints, l'un d'eux déclarant à Mme Ho : « Si vous étiez venus plus tôt, nous aurions pu organiser une grève. » Mme Ho estime que les choses auraient pu se passer différemment si Hong Kong avait un paysage syndical dynamique et si son équipe avait pu être alertée plus tôt et proposer son aide. Néanmoins, certains travailleurs choisissent de mener des actions collectives sans passer par les syndicats. En 2021, des centaines de livreurs de la plateforme de livraison de repas Foodpanda se sont mis en grève pour protester contre des réductions de leurs rémunérations ainsi que leurs conditions de travail. Comme il fallait s'y attendre au XXIe siècle, les travailleurs ont coordonné leur action à travers des groupes de discussion sur les réseaux sociaux. Lors d'une manifestation dans la rue, la police a sommé les travailleurs en grève, nombre d'entre eux originaires de diverses régions d'Asie du Sud-Est, de se disperser. Elle a également menacé de recourir à la force s'ils n'obtempéraient pas. Les travailleurs ont finalement conclu un accord avec l'entreprise de livraison de repas, mais les problèmes fondamentaux n'ont pas été résolus. Depuis lors, les coursiers de Foodpanda et d'autres travailleurs de plateformes de livraison de repas ont organisé plusieurs autres grèves. Dans un autre incident, un groupe d'agents de nettoyage a tenté de se syndiquer pour obtenir de meilleures conditions de travail, mais a finalement abandonné le projet à cause de la pression subie. Un agent de nettoyage à la retraite impliqué dans cette affaire, qui souhaite garder l'anonymat, a déclaré à Equal Times : « Au moment où nous étions sur le point de rencontrer [l'employeur], les travailleurs et le superviseur ont fait machine arrière. Ils se sentaient sous pression de certaines personnes. À peu près au même moment, j'ai également reçu un appel téléphonique d'un inconnu qui m'a dit que je ferais mieux de me retirer de l'action. La voix était calme, mais je n'ai jamais su qui était cette personne. » Le retraité, anciennement superviseur pour une entreprise de sous-traitance de nettoyage, ne donne pas plus de détails. Il se contente de dire qu'en fin de compte, les agents de nettoyage ont décidé de ne pas donner suite et de ne pas demander l'aide d'un syndicat. « Il vaut mieux ne rien faire pour l'instant. On ne peut rien faire d'autre », conclut-il. Selon l'article 27 de la mini-constitution de Hong Kong, les résidents de Hong Kong jouissent de la liberté d'association, de réunion, de procession et de manifestation, ainsi que de celle de former des syndicats et d'y adhérer, ainsi que du droit de grève. Depuis que Pékin a imposé la LSN, les syndicats et les travailleurs n'ont exercé ces droits qu'avec une grande prudence, voire pas du tout. La marche annuelle du 1er mai, qui rassemblait traditionnellement des milliers de syndicalistes et de travailleurs dans les rues, n'a pas eu lieu depuis 2019. Les stands temporaires installés par les groupes syndicaux pour promouvoir les droits du travail attirent souvent l'attention de la police. Ces dernières années, le nombre total de syndicats à Hong Kong n'a cessé de diminuer : il est passé de 1.527 en 2021 à 1.412 en 2024. Bien que 249 syndicats aient été dissous depuis 2021, de nouveaux syndicats ont vu le jour, mais le nombre de syndicats nouvellement établis a également chuté depuis son pic de 495 en 2020, puis 180 en 2021, 40 en 2022, 25 en 2023 et finalement six en 2024. Confrontée à diverses contraintes et à de nombreux défis, la capacité des syndicats de Hong Kong à améliorer la situation des travailleurs est désormais remise en question. Un livreur de repas, qui préfère rester anonyme, confie à Equal Times : « Il n'y a pas de droit à la négociation collective à Hong Kong, donc le pouvoir des syndicats est limité aujourd'hui, en particulier pour les syndicats indépendants. Si les livreurs organisent eux-mêmes des grèves, ils n'obtiennent pas grand-chose. Nous n'avons que très peu de pouvoir de négociation. » L'agent de nettoyage à la retraite se montre philosophe. « Attendons voir. Nous devons simplement survivre au régime », déclare-t-il. « Les syndicats ont toujours joué un rôle important dans la société, en particulier pour les travailleurs de base qui ne connaissent pas suffisamment leurs droits. » Fay Siu, directrice générale du groupe syndical Association pour les droits des victimes d'accidents du travail, partage cet avis. « Beaucoup de travailleurs du bâtiment ne connaissent pas leurs droits. Lorsqu'ils sont intimidés par leurs patrons ou que leur rémunération, leurs horaires ou leurs conditions de travail sont injustes, ils n'osent pas se plaindre. » « Certains d'entre eux ne se soucient pas de la sécurité. Ils ne portent même pas de harnais de sécurité lorsqu'ils travaillent en hauteur. Une certaine forme d'héroïcité y est associée », explique Mme Siu. « Nous avons été témoins de nombreux décès tragiques ou événements attristants au fil des années. Si personne n'aide ces travailleurs et leurs familles, que va-t-il se passer ? C'est ce qui nous motive à continuer. » Selon Mme Siu, son groupe et les travailleurs qu'il représente ont acquis de manière inattendue une plus grande visibilité dans les médias dans le contexte de la transformation politique de Hong Kong. De nombreuses voix dissidentes ayant été réduites au silence sous le coup de la LSN, les journaux ont davantage de place pour rendre compte des accidents du travail, en particulier ceux qui entraînent des décès. « La couverture médiatique est plus importante et il est devenu plus facile de collecter des fonds, mais tout cela pour une raison plutôt triste », déplore-t-elle. Mme Siu souligne une autre évolution inattendue : en l'absence d'opposition, les décisions politiques ont tendance à être prises plus rapidement. « Mais les discussions restent souvent superficielles. Tout compte fait, on a l'impression que les décisions sont prises juste pour le principe », explique-t-elle. « Dans l'ensemble, des progrès constants ont été réalisés au fil des ans, mais il reste encore beaucoup à faire. » À long terme, Mme Siu se montre pessimiste quant aux perspectives d'amélioration des droits des travailleurs de base à Hong Kong. « La force [derrière ce type de travail] s'amenuise. Nous avons l'impression d'être livrés à nous-mêmes. Auparavant, il y avait plus de gens et de groupes autour de nous. Ils pouvaient identifier nos lacunes, ce qui nous poussait à nous améliorer. Cela a contribué à créer un meilleur environnement. » Pour Joe Wong, la solution consiste à ne pas faire cavalier seul. Son syndicat collabore parfois avec des ONG pour mener des projets ou fournir des services destinés aux agents de nettoyage. « Les choses sont davantage fragmentées aujourd'hui. Les syndicats ne sont plus le seul canal qui promeut les intérêts des travailleurs. Certains groupes de défense, des activistes individuels et des groupes religieux se sont également joints au mouvement pour défendre les droits du travail. Ils peuvent être très efficaces au niveau local. » L'un de ses collaborateurs est Lok Day Culture, une ONG qui fournit des services de soins et de soutien à la communauté. Elle s'associe au syndicat de M. Wong pour organiser des programmes tels que des visites guidées communautaires destinées au grand public afin de mieux faire comprendre le travail des éboueurs, ainsi que des massages gratuits pour les travailleurs fatigués. Selon son fondateur, Kung Wai-lok, les cols bleus sont plus ouverts aux groupes communautaires qu'aux syndicats, notamment parce qu'ils sont considérés comme libres de tout bagage politique. Lorsqu'il y a quelques années, le centre communautaire Lok Day a ouvert ses portes dans un quartier populaire de Kowloon, M. Kung a exposé dans ses locaux des objets représentant différentes croyances et idéologies (la Bible ou des bracelets à l'effigie de Mao Zedong), en partie pour s'amuser et en partie pour éviter de se voir affublé d'une étiquette politique. « Lorsque vous demandez à un travailleur de fournir une photo d'identité pour introduire une demande pour quelque chose, il peut se montrer très méfiant. Beaucoup de choses peuvent les pousser à être prudents et à partir », explique-t-il. « Ici, notre approche est informelle, flexible et spontanée. Nous pouvons toucher davantage de travailleurs. Il est impossible de descendre dans la rue actuellement, mais il ne faut pas pour autant être pessimiste. On peut toujours trouver de nouvelles idées. » Les ONG, telles que Lok Day, montrent toutefois certaines limites par rapport aux syndicats. Là où les syndicats peuvent représenter les travailleurs dans les procédures judiciaires, y compris celles liées aux conflits du travail, les ONG n'ont pas ce droit. En outre, l'adhésion des travailleurs confère aux syndicats leur mandat démocratique, une caractéristique qui fait défaut aux ONG. Pour Joe Wong, aujourd'hui quinquagénaire, l'espoir vient principalement de la jeune génération de syndicalistes et de défenseurs des droits des travailleurs. « C'est encourageant de voir des jeunes rejoindre le mouvement. Ils apportent une nouvelle énergie ainsi que de nouvelles idées. Grâce à eux, je continue de croire en l'avenir des syndicats indépendants. C'est dur, mais il y a encore de l'espoir. » Texte intégral 4910 mots
La nécessité d'adopter des mesures plus strictes
Une transformation radicale
« Un combat de tous les instants »
« Comme être mordu par un serpent et se faire amputer un membre en même temps »
« Si vous étiez venus plus tôt, nous aurions pu faire grève »
« Si personne n'aide ces travailleurs, que va-t-il se passer ? »
Nouveaux partenariats