14.07.2025 à 09:46
Quand avez-vous acheté des fleurs pour la dernière fois ? Lors d'une visite à l'hôpital ? Pour la Saint-Valentin ? Un anniversaire, peut-être ?
Avez-vous imaginé quelqu'un en train de les cueillir dans un jardin ensoleillé, cultivées avec amour par un jardinier qui fredonne gaiement une mélodie ?
Ouais… Tout ça, c'est du fantasme.
Aujourd'hui, les fleurs sont une marchandise : doucereuse, mondialisée et rentable. Les pétales sont peut-être doux, mais ils cachent la dure réalité des (…)
Quand avez-vous acheté des fleurs pour la dernière fois ? Lors d'une visite à l'hôpital ? Pour la Saint-Valentin ? Un anniversaire, peut-être ? Avez-vous imaginé quelqu'un en train de les cueillir dans un jardin ensoleillé, cultivées avec amour par un jardinier qui fredonne gaiement une mélodie ? Ouais… Tout ça, c'est du fantasme. Aujourd'hui, les fleurs sont une marchandise : doucereuse, mondialisée et rentable. Les pétales sont peut-être doux, mais ils cachent la dure réalité des nombres. L'industrie mondiale des fleurs, d'une valeur d'environ 27,34 milliards d'euros en 2023 (31,95 milliards de dollars US), est gérée par des marques gigantesques et des géants multinationaux. Parmi ces marques, on trouve Queen Flowers. Basée au Danemark, l'entreprise fait passer ses fleurs par les célèbres enchères aux fleurs des Pays-Bas et les commercialise dans le monde entier. Sa plus grande serre se trouve en Turquie, dans la petite ville égéenne de Dikili, dans la province d'İzmir. Ce commerce riche en couleur rapporte des milliards de dollars chaque année. Mais cette donnée cache une réalité tout autre : des millions de travailleurs, essentiellement des femmes, exténués par de longues journées de travail. Du Kenya à la Colombie, de l'Égypte à l'Inde, les fleurs sont cultivées dans l'ombre de produits chimiques toxiques, de vols de salaire, de violences sexistes, de travail des enfants et de pratiques antisyndicales. Le Kenya, par exemple, est le panier à fleurs de l'Europe. Plus de 500.000 personnes y vivent de la culture et de la coupe de fleurs. Les fleurs sont transportées dans des chaînes de froid afin d'en conserver la fraîcheur. Briser la chaîne du froid, c'est perdre de l'argent. La pression est donc très intense. Les journées de douze à quatorze heures sont la norme. Les femmes endurent le harcèlement en silence afin de conserver leur emploi. Souvent, les heures supplémentaires ne sont pas rémunérées. La décision de se syndiquer peut entraîner le licenciement. La Colombie est le deuxième pays exportateur mondial de fleurs après les Pays-Bas. Pendant les saisons les plus chargées, les travailleurs travaillent jusqu'à 100 heures par semaine. Les travailleuses doivent prouver qu'elles ne sont pas enceintes pour être embauchées et nombre d'entre elles font état d'abus sexuels fréquents. Il n'est pas surprenant qu'en Colombie, la Saint-Valentin soit également connue sous le nom de « Journée internationale des travailleuses et travailleurs des fleurs », un moment pour faire grève, manifester et afficher sa solidarité plutôt que d'offrir des chocolats. Dans les années 1970, la crise pétrolière a rendu le chauffage des serres trop coûteux en Europe. La production s'est donc déplacée vers le sud. Avec un soleil équatorial toute l'année, une main-d'œuvre bon marché et des altitudes plus élevées, l'Afrique et l'Amérique latine sont devenues les nouvelles ceintures florales. Les multinationales se sont installées dans des paradis fiscaux comme les Pays-Bas, évitant ainsi de payer des impôts dans les pays où les fleurs sont cultivées. Les bénéfices restent en Europe. La pauvreté reste derrière. Les épines dans le pied de l'industrie sont nombreuses : contrats saisonniers, travail des enfants, accidents du travail, vols de salaire, maladies dues aux pesticides et traite des êtres humains. La Turquie n'est pas épargnée : les salaires dépassent à peine le minimum légal, les journées de travail sont longues et les mesures de sécurité les plus élémentaires sont absentes. Mais un événement remarquable s'est produit récemment : pour la première fois dans l'industrie des fleurs du pays, une campagne de syndicalisation a réussi. Dans la grande serre de Queen à Dikili, dans la province occidentale d'İzmir, quelque 340 travailleurs ont adhéré au Syndicat unifié des travailleurs de l'agriculture et de la sylviculture (DİSK/BTO-SEN). Ils ont réussi à se frayer un chemin dans le droit du travail byzantin de la Turquie et ont rempli toutes les conditions légales pour entamer des négociations collectives en novembre 2024. La réponse de l'entreprise ? Une obstruction totale. Elle a refusé le dialogue, esquivé les réunions de négociation et intenté des actions en justice pour retarder les négociations. Elle a proposé aux travailleurs une augmentation ahurissante de 0 %, en pleine crise du coût de la vie. Et elle ne s'est pas arrêtée là. Les membres du syndicat ont été réaffectés à des tâches dangereuses et exténuantes. Les représentants syndicaux élus ont été licenciés. Certains travailleurs et leurs familles ont été directement menacés, y compris avec des armes à feu. Pendant ce temps-là, la machinerie des relations publiques de l'entreprise se vante de promouvoir l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes. À l'occasion de la Journée internationale de la femme, l'entreprise a organisé des promotions sur les fleurs. Mais les femmes qui cultivent ces fleurs vivent dans la pauvreté et sont menacées dès qu'elles demandent de la dignité. Les tactiques d'intimidation n'ayant pas fonctionné, la direction a essayé un nouveau stratagème : la diversion syndicale. Elle a fait rentrer un autre syndicat, plus « complaisant » par la petite porte. Les travailleurs qui ont quitté le syndicat DİSK/BTO-SEN pour adhérer au nouveau syndicat ont été récompensés par une prime de vacances, puis par un mois de salaire supplémentaire. Lors d'un pique-nique d'entreprise, le copropriétaire turc a ouvertement déclaré qu'il préférait travailler avec le nouveau syndicat. Cela est non seulement contraire à l'éthique, mais aussi illégal. En vertu des droits pénal et syndical turcs, les employeurs ne peuvent pas manipuler l'adhésion à un syndicat ou favoriser un syndicat par rapport à un autre. Mais les travailleurs ne plient pas. Leurs manifestations continuent. Ils se sont rassemblés devant le consulat du Danemark à Istanbul. À Dikili, ils brandissent des bannières dans les champs. À Aarhus (la ville d'origine de Queen au Danemark), de jeunes syndicalistes et des immigrés turcs sensibilisent l'opinion publique. Ce mouvement qui a débuté dans une serre de l'ouest de la Turquie s'étend au monde entier. Et il touche une corde sensible. Ces travailleurs ne se battent pas seulement pour une augmentation de salaire. Ils contestent un modèle économique qui place l'image au-dessus de l'intégrité, les fleurs au-dessus de l'équité. Observez ce bouquet de plus près. Ce que vous ne voyez pas, ce sont les journées de travail de 12 heures. Les brûlures chimiques. Le tract syndical glissé en dessous de la gamelle des ouvriers. La mère sous la menace d'une arme à feu pour avoir réclamé un travail décent. Les fleurs peuvent être belles. Mais la justice ? C'est ce qui les fait vraiment éclore. Texte intégral 1335 mots
Pour qui sont ces roses ?
Une fleur éclot à İzmir
De Dikili à Copenhague
11.07.2025 à 09:49
Les conditions de travail dans l'industrie du tourisme : précarité et cadences infernales
Dans plusieurs régions d'Espagne, ainsi que dans d'autres pays européens, l'essor touristique semble avoir atteint un seuil critique. Alors que le ras-le-bol qu'inspire le tourisme de masse dans des villes comme Barcelone ou dans les zones côtières s'intensifie depuis une dizaine d'années, c'est en 2024 que des manifestations historiques ont eu lieu aux Canaries, à Cadix, à Malaga et en Catalogne, notamment.
Par ailleurs, une cinquantaine de plateformes citoyennes ont vu le jour, (…)
Dans plusieurs régions d'Espagne, ainsi que dans d'autres pays européens, l'essor touristique semble avoir atteint un seuil critique. Alors que le ras-le-bol qu'inspire le tourisme de masse dans des villes comme Barcelone ou dans les zones côtières s'intensifie depuis une dizaine d'années, c'est en 2024 que des manifestations historiques ont eu lieu aux Canaries, à Cadix, à Malaga et en Catalogne, notamment. Par ailleurs, une cinquantaine de plateformes citoyennes ont vu le jour, lesquelles se sont regroupées, en septembre dernier, au sein du mouvement Ciudades y Pueblos para Vivir (« des villes et des villages pour y vivre »). Celui-ci a vocation à lutter contre les préjudices sociaux et environnementaux causés par le tourisme dans ces régions, partant du constat que, à l'instar d'autres activités économiques, le tourisme a, lui aussi, ses limites. Un argument souvent avancé est que l'économie espagnole dépend du tourisme, qui représente 12,3 % du PIB et emploie 2,93 millions de personnes, selon les données du ministère de l'Industrie et du Tourisme pour 2024. Cela représente 13,4 % de l'emploi total dans le pays. Cependant, la question n'est pas seulement de savoir combien de personnes travaillent dans ce secteur, mais aussi dans quelles conditions. « La précarité dans le secteur du tourisme est omniprésente », selon Ernest Cañada, coordinateur du groupe de recherche Alba Sud, spécialisé dans le tourisme. Les représentants syndicaux du secteur des services insistent sur le fait que le refus des chômeurs de travailler dans ce secteur, laissant par là-même de nombreux postes vacants, s'explique par une « précarité indéniable ». « Dû aux dynamiques propres à ce secteur, la demande de main-d'œuvre n'est pas stable et manque de continuité : d'une part, il y a la saisonnalité, qu'elle soit due au climat, aux périodes de vacances des touristes ou à des événements tels que les congrès ou les grands concerts, explique le chercheur. « Comme la charge de travail n'est pas la même tous les jours ni à toutes les heures, les entreprises cherchent à réduire leurs coûts en imposant une flexibilité maximale à leurs effectifs afin qu'ils s'adaptent aux fluctuations de la demande, ce qui engendre une précarité permanente », ajoute-t-il. Il existe un deuxième facteur, selon M. Cañada : « Une grande partie des tâches effectuées sont relativement faciles à réaliser sans formation particulière, cela ne signifie pas qu'il n'y ait pas de professionnalisme ni de qualifications, mais que les coûts peuvent être réduits au détriment de la qualité du travail. Cela a engendré une culture d'entreprise qui a privilégié le recours à une main-d'œuvre abondante et aux pressions baissières sur les salaires. Jusqu'à ce que l'on commence à rencontrer des difficultés pour trouver du personnel. » Tel est notamment le cas du secteur de l'hôtellerie et de la restauration qui, selon l'enquête sur la population active (EPA), comptait en 2024 une moyenne de 1,85 million de travailleurs, dont un peu plus de 25 % étaient étrangers. Le tourisme est, du reste, une activité beaucoup plus difficile à délocaliser que d'autres secteurs de l'économie, dans la mesure où « il vend un produit qui ne lui appartient pas à proprement parler, à savoir un lieu », fait remarquer M. Cañada. En d'autres termes, le secteur a besoin d'une main-d'œuvre bon marché, mais localisée en Espagne, et non dans les pays à bas salaires où de nombreux secteurs de l'économie sont allés produire. Trouver une telle main-d'œuvre n'est toutefois pas chose facile, d'autant que les conditions de travail et les salaires sont loin d'être optimaux, et que la touristification entraîne une envolée des prix du logement. Les travailleurs n'y trouvent décidément pas leur compte. Pour contourner cet écueil, l'association patronale de l'hôtellerie et de la restauration de Cadix a lancé, en 2023, un programme d'embauche à l'origine pour le secteur, une initiative qui n'a pas abouti. L'embauche à l'origine est un mécanisme par lequel des personnes sont recrutées dans leur pays d'origine et obtiennent l'autorisation de travailler en Espagne pendant une période déterminée. Jusqu'à présent, ce mécanisme a été mis en œuvre dans la province de Huelva pour pourvoir les effectifs de l'industrie des fraises et des fruits rouges – il s'agit en grande partie de travailleurs en provenance du Maroc et, depuis quelques années, du Honduras et de l'Équateur. L'initiative a été vivement critiquée par Jornaleras de Huelva en Lucha, un collectif représentant les travailleuses saisonnières, ainsi que par diverses études académiques. « Les employeurs se sont habitués à une culture du management dont l'un des principaux dénominateurs était de rendre la main-d'œuvre moins chère. À cette fin, ils ont cherché à mettre en œuvre des politiques antisyndicales, à durcir les relations de travail et à briser la capacité d'organisation », explique M. Cañada. Face à ces stratégies commerciales, certains collectifs ont réussi à s'organiser et à exposer les conditions du secteur. Le cas des femmes de chambre est emblématique. En 2016, l'association des femmes de chambre « Las Kellys » (de l'espagnol « las que limpiamos », littéralement « celles qui nettoient ») a vu le jour à Barcelone, avec pour mission de représenter les intérêts d'une profession qu'exercent entre 100.000 et 150.000 personnes en Espagne, dont 97 % de femmes. Pilar Cazorla, représentante des kellys dans les Asturies, résume ainsi leurs conditions de travail : « Elles sont dures et précaires. Nous souffrons d'une surcharge de travail extrême, avec des cadences infernales et des contrats souvent abusifs. À cela s'ajoute la délocalisation, qui entraîne une diminution de nos salaires et de nos droits. En outre, les problèmes de santé liés à notre travail, tels que les lésions musculaires et le stress, ne sont guère reconnus. » Les conditions ne sont pas vraiment meilleures dans les hôtels de luxe, comme le montre l'enquête d'Anna Pacheco intitulée Estuve aquí y me acordé de nosotros : Una historia sobre turismo, trabajo y clase (« J'étais ici et je me suis souvenue de nous : une histoire de tourisme, de travail et de classe »), publiée par Anagrama éditions. La situation s'est encore dégradée avec l'essor des sociétés de services qui ont précipité l'externalisation du secteur, comme l'explique Mar Jiménez, porte-parole des kellys à Madrid : « Le premier problème, fondamental, est que nous ne sommes pas rémunérées sous la convention de l'industrie hôtelière, mais sous celle régissant les services de nettoyage, bien que nous relevions de la convention de l'industrie hôtelière. La différence de salaire est de 500 euros par mois, ce qui représente beaucoup d'argent. De plus, les contrats sont à temps partiel non spécifié, et peuvent être d'une, deux, trois ou six heures. À cela s'ajoute l'intensification croissante de la charge de travail : il y a de plus en plus de chambres. Mes consœurs à Malaga font 45 chambres en une journée de travail de huit heures. » Un autre problème majeur est celui des maladies professionnelles : « Les problèmes de santé liés à notre travail, comme les lésions musculaires et le stress, sont à peine reconnus », indique Mme Cazorla. Pour Mar Jiménez, il s'agit d'un problème de machisme. « Seules les maladies professionnelles typiquement masculines sont reconnues comme telles. Nous inhalons des produits chimiques à longueur de journée, or les dommages que cela occasionne chez nous ne sont pas reconnus, parce que nous ne les inhalons pas dans le contexte d'une entreprise chimique », dit-elle. Elle le sait d'expérience : « À 63 ans, je me trouve depuis deux ans en incapacité permanente en raison d'une maladie courante. C'est le cas le plus fréquent : nous n'arrivons pas à prendre notre retraite. Depuis que je travaille là-bas, seulement 5 % des femmes de chambre que je connais ont pris leur retraite à l'âge prescrit, et la plupart d'entre elles touchent des pensions misérables. » C'est pourquoi les kellys, en collaboration avec Territorio Doméstico, un collectif représentant les travailleuses domestiques et de soins, ont lancé la campagne « Sin nosotras no se mueve el mundo » (« Sans nous, le monde s'arrête »), pour dénoncer cette situation et souligner l'importance de leur travail social : « Nous avons consacré notre vie à nous occuper d'autres personnes, à faire le ménage pour d'autres personnes, et nous arrivons à l'âge de 40 ou 50 ans avec un corps qui ne nous permet plus de travailler au même rythme. L'absence de reconnaissance de nos maladies professionnelles nous empêche d'accéder à une pension décente. » En 2021, les kellys ont lancé le label Fair Tur, qui certifie les hôtels qui garantissent de bonnes conditions à leurs travailleurs et travailleuses, ainsi que le respect de l'environnement. Les changements au sein du secteur s'accompagnent également de changements importants dans certains emplois : c'est le cas des navires de croisière, qui sont désormais de plus en plus nombreux dans des ports tels que Cadix et Barcelone. Selon une enquête d'Angela Teberga sur les conditions de travail dans ce secteur, parue en 2021, les travailleurs des navires de croisières travaillent en moyenne 11,3 heures par jour, et souvent sept jours par semaine. Quatre-vingt pour cent des travailleurs interrogés ont déclaré que l'intensité du travail avait augmenté ces dernières années. Tout cela à cause d'une législation laxiste dans un secteur qui bénéficie du recours aux « pavillons de complaisance ». Bien que la convention du travail maritime de 2006 ait établi des normes internationales minimales en matière de travail, son application reste très limitée en raison du manque de supervision, ce qui, selon Mme Teberga, transforme les navires de croisière en de « parfaits laboratoires » de l'exploitation par le travail. Un autre secteur où les changements s'accélèrent est celui des guides touristiques. Selon une enquête d'Ernest Cañada, les visites à pied gratuites ou « free tours », dans le cadre desquelles le ou la guide obtient pour seule rémunération un pourboire, entraînent la précarisation d'un secteur déjà peu réglementé. Est-il encore possible de parler d'un tourisme de qualité alors que les conditions de travail sont indignes ? « Nous voulons que la qualité du tourisme se mesure aussi à la façon dont les travailleuses et travailleurs sont traités, et pas seulement au nombre d'étoiles ou à la quantité de touristes », conclut Pilar Cazorla. Texte intégral 1995 mots
Les femmes de chambre s'organisent
Laboratoires d'exploitation
09.07.2025 à 05:30
Les travailleurs demandent une transition juste à la COP30 de Belém
Les négociations intersessions des Nations Unies sur le climat qui se sont tenues à Bonn en juin dernier n'ont pas permis d'accomplir les progrès nécessaires pour mettre fin à l'urgence climatique, ni de prendre en compte l'impact dévastateur des changements climatiques sur les travailleurs et leurs familles.
Les négociateurs sont toutefois parvenus à s'entendre sur un texte qui doit servir de base aux discussions sur un mécanisme de transition juste lors de la prochaine Conférence des (…)
Les négociations intersessions des Nations Unies sur le climat qui se sont tenues à Bonn en juin dernier n'ont pas permis d'accomplir les progrès nécessaires pour mettre fin à l'urgence climatique, ni de prendre en compte l'impact dévastateur des changements climatiques sur les travailleurs et leurs familles. Les négociateurs sont toutefois parvenus à s'entendre sur un texte qui doit servir de base aux discussions sur un mécanisme de transition juste lors de la prochaine Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) qui se tiendra plus tard cette année à Belém, au Brésil. Les syndicats travailleront de concert avec les mouvements sociaux pour responsabiliser les gouvernements et mettre en œuvre des solutions climatiques qui font la différence. Le mouvement syndical mondial place de grands espoirs dans la COP30 qui se tiendra cette année au Brésil et nourrit de nombreuses attentes à cet égard. La Conférence préparatoire sur les changements climatiques (ou SB62), du 16 au 26 juin à Bonn, en Allemagne, a été l'occasion pour le gouvernement brésilien de présenter ses plans. Cependant, les résultats obtenus au terme de deux semaines de négociations restent en deçà des attentes. Aucun accord n'a pu être trouvé sur le mécanisme de transition juste réclamé par les syndicats et les mouvements sociaux. Boitumelo Molete, du Congrès des syndicats d'Afrique du Sud (COSATU), a participé aux négociations climatiques de l'ONU depuis la COP26 à Glasgow, en Écosse, en 2021. Pour elle, « la majorité des négociateurs sur le climat sont complètement coupés des réalités que vivent les travailleurs et travailleuses face à l'urgence climatique. Pendant les vagues de chaleur, nos membres tombent malades et voient leurs revenus fondre, alors qu'ils n'ont qu'un accès limité aux soins de santé et aux autres mesures de protection sociale. Les femmes sont particulièrement mises à l'épreuve. Les récentes inondations dans la province du Cap-Oriental, en Afrique du Sud, ont provoqué le déplacement de familles et détruit des habitations. Pourtant, aucun mécanisme de compensation pour les pertes et dommages n'est prévu pour aider à la reprise. Des communautés entières sont livrées à elles-mêmes, sans ressources, sans protection et sans recours. Ce n'est pas ainsi que l'on peut répondre à l'urgence climatique et agir contre les dérèglements climatiques. Nous assistons de fait à une triple crise, celle de la pauvreté, des inégalités et du chômage, et celle-ci ne fait que s'aggraver. Le taux de chômage des jeunes en Afrique du Sud dépasse aujourd'hui 60 % et les jeunes n'ont accès ni à l'éducation, ni à la formation, ni à la reconversion professionnelle, ni à l'emploi. Malgré les promesses, les infrastructures et l'accès ne sont pas à la hauteur des besoins, et aucune urgence n'est accordée à soutenir les personnes laissées pour compte. » Les négociateurs sur le climat, réunis à Bonn, ont discuté de la manière dont les pays pourraient renforcer la dimension sociale du changement climatique. Pour les syndicats, il existe un lien direct et positif entre la création d'emplois de meilleure qualité, l'amélioration de la protection sociale, la formation et le renforcement des compétences nécessaires pour mettre en œuvre les politiques climatiques ambitieuses qui permettront d'atteindre les objectifs de l'accord de Paris. « Les syndicats, en tant que représentants officiels des travailleurs, doivent avoir leur place à la table, afin de négocier des accords par le biais du dialogue social et de la négociation collective. Un dialogue social constructif doit avoir lieu au niveau de l'entreprise, dans les secteurs concernés, ainsi qu'aux niveaux national et international », a déclaré Mme Molete. « En Afrique du Sud, nous disposons du Conseil national du développement économique et du travail (NEDLAC), qui est l'instance à travers laquelle le gouvernement, les travailleurs, les entreprises et les organisations communautaires s'efforcent de coopérer sur les questions économiques, sociales et de développement, par le biais de la résolution de problèmes et de la négociation. Ces institutions doivent être considérablement renforcées, car elles garantissent la justice sociale pour les travailleurs », a-t-elle souligné.
Le mouvement syndical mondial a des demandes concrètes à adresser aux gouvernements afin qu'ils intègrent ces pratiques de dialogue social dans les négociations internationales sur le climat. Les gouvernements parties à la CCNUCC doivent décider de la mise en place d'un mécanisme de transition juste leur permettant de partager leurs bonnes pratiques et d'apprendre les uns des autres. Il est en outre nécessaire de définir les responsabilités. « Chaque pays doit prendre en compte dans ses plans nationaux sur le climat et dans ses mécanismes de consultation nationale l'impact du changement climatique et des politiques climatiques sur les travailleurs et leurs communautés », a insisté Mme Molete. « Les pays doivent en rendre compte à la CCNUCC. Par ailleurs, les travailleurs et leurs syndicats doivent également avoir officiellement leur place à la table des négociations de la CCNUCC sur ces questions. Rien sur nous sans nous ! » À la Conférence de juin sur le changement climatique, à Bonn, les pays en développement ont demandé avec insistance que les « mesures unilatérales restrictives du commerce » soient inscrites à l'ordre du jour. Les pays du Sud réclament un développement industriel équitable et estiment que certaines mesures climatiques prises par les pays développés relèvent du protectionnisme commercial. « Nous avons besoin de chances équitables en matière de développement industriel afin d'assurer la prospérité de nos populations. Alors que le chômage et la pauvreté restent endémiques, il est inacceptable que nos pays n'aient pas accès aux technologies et aux financements nécessaires à un développement véritable, à même de lutter efficacement contre la pauvreté », a déclaré Mme Molete. « Nous souhaitons parvenir à un accord sur un programme de travail pour une transition juste qui réponde aux besoins des travailleurs, de leurs familles et de leurs communautés. Plus qu'un simple slogan, la transition juste doit être une réalité vécue, fondée sur le respect, la consultation et l'équité », a déclaré Mme Molete. « Nous, les travailleuses et travailleurs de première ligne, revendiquons une véritable transition juste. Amandla ! » Texte intégral 1237 mots
Rien sur nous sans nous
Au terme de deux semaines de négociations à Bonn, un accord a été trouvé sur un texte devant servir de base aux discussions de la COP30, qui se tiendra à Belém, au Brésil, du 10 au 21 novembre 2025. Bien que ce texte laisse encore toutes les options ouvertes, il constitue néanmoins une avancée importante. Le mouvement syndical mondial s'organisera et se mobilisera aux côtés des mouvements sociaux pour que les travailleurs figurent en tête de l'ordre du jour à Belém.