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22.07.2025 à 09:00

Pesticides dans l’Union européenne : qui décide de leur autorisation et selon quels critères ?

Vincent Lequeux

Le terme “pesticide” désigne toute substance ou préparation utilisée pour éliminer, repousser ou contrôler des organismes jugés nuisibles : maladies, insectes ravageurs, mauvaises herbes ou encore champignons. En agriculture, on parle plus spécifiquement de "produits phytopharmaceutiques" pour désigner les mélanges réservés à la protection des plantes et des productions végétales. Chaque produit phytopharmaceutique est composé […]

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Texte intégral 2190 mots
L’autorisation de mise sur le marché d’un produit phytosanitaire se déroule en deux étapes : au niveau européen puis national. Crédits : eclipse_images / iStock

Le terme “pesticide” désigne toute substance ou préparation utilisée pour éliminer, repousser ou contrôler des organismes jugés nuisibles : maladies, insectes ravageurs, mauvaises herbes ou encore champignons. En agriculture, on parle plus spécifiquement de "produits phytopharmaceutiques" pour désigner les mélanges réservés à la protection des plantes et des productions végétales.

Chaque produit phytopharmaceutique est composé d’une ou plusieurs substances actives : des molécules qui assurent l’action protectrice ou curative recherchée. Mais celles-ci peuvent avoir des effets nocifs sur la santé humaine, animale et sur l’environnement. C’est pourquoi l’Union européenne veille à ce que leur utilisation soit aussi sûre que possible.

Avant la mise sur le marché des produits phytosanitaires, l’UE et les États membres évaluent leur efficacité ainsi que leurs risques. Au terme d’une longue procédure, seuls ceux qui démontrent un niveau de sécurité exigeant sont autorisés à la vente et à l’utilisation sur le territoire européen.

Que contrôle-t-on dans un produit phytosanitaire ?

Un produit phytosanitaire peut être nocif pour l’homme et son environnement : effets aigus (intoxications…), chroniques (cancers, troubles neurologiques…), ou encore dommages sur la faune non ciblée. Il peut par ailleurs toucher aussi bien l’agriculteur qui l’applique, que la population exposée de façon indirecte, comme l’ensemble des écosystèmes environnants. 

En raison de cette large portée, la réglementation européenne impose une évaluation de tout produit avant sa mise sur le marché. L'UE contrôle non seulement l’efficacité du pesticide contre l’organisme ou la maladie visée, mais surtout sa sécurité : il doit démontrer son innocuité, immédiate ou à long terme, sur la santé humaine, y compris les groupes les plus vulnérables comme les enfants, les femmes enceintes ou les personnes âgées. Les risques potentiels pour la santé animale et pour l’environnement font également partie de l’analyse.

Le contrôle prend ainsi en compte une pluralité d’éléments : toxicité aiguë et chronique, cancérogénicité, effets sur la reproduction, présence de résidus dans les aliments… Mais aussi le devenir des substances actives dans le sol, l’air ou l’eau, ainsi que leur impact sur les organismes non ciblés comme les abeilles, les oiseaux, les poissons ou encore les organismes du sol. 

Quelles sont les grandes étapes qui mènent à l’autorisation d’un produit phytosanitaire dans l’Union européenne ? 

Avant d’être utilisé par un agriculteur, un produit phytosanitaire doit donc franchir plusieurs étapes. Sa mise sur le marché n'est possible qu'après deux phases principales. L’une se déroule à l’échelon européen, l’autre à l’échelon national.

Dans un premier temps, l’Union européenne évalue une substance active, afin de savoir si cette molécule, prise isolément, présente ou non un profil de sécurité suffisant. Ensuite, l'UE délivre ou non une autorisation. 

Une fois cette première étape franchie, les industriels qui souhaitent commercialiser un produit composé de cette substance ou de plusieurs substances approuvées doivent déposer un dossier dans chacun des États membres où ils souhaitent une mise sur le marché. Là, l’évaluation porte sur le produit dans sa formulation finale : les risques à l’échelle du terrain, compte tenu des usages locaux, du climat ou encore des spécificités agricoles.

Comment se déroule la première étape d’approbation de la substance active, au niveau européen ?

L’approbation au niveau européen est guidée par le règlement n°1107/2009. Le fabricant doit soumettre une demande d’autorisation à un État membre, appelé "État membre rapporteur". Son dossier doit comporter une analyse poussée de la substance, incluant des informations sur son efficacité contre la cible, sa toxicité pour l’homme et les animaux, ses impacts environnementaux, son devenir et sa transformation dans l’environnement, les risques de résidus ou encore sa sélectivité vis-à-vis d’organismes non ciblés. 

Après avoir mené une première évaluation scientifique du dossier, l’État rapporteur transmet son rapport d’évaluation à l’EFSA, l’Autorité européenne de sécurité des aliments. Sous la coordination de l’EFSA, l’ensemble des États membres sont amenés à examiner le dossier et à formuler des observations. L’Autorité publie alors un avis scientifique, non contraignant, qui évalue la substance au regard de l’ensemble des données disponibles, tant produites par l’industriel que recensées dans la littérature scientifique.

La Commission européenne, qui suit généralement l’avis de l’EFSA, propose ensuite l’approbation ou le refus d’autoriser une substance active. Une décision qui passe par le Comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et de l’alimentation animale (SCoPAFF), un comité technique composé de représentants des 27 États membres et présidé par la Commission européenne

Si le SCoPAFF émet un avis favorable à la majorité qualifiée de ses membres, la Commission doit autoriser la substance dans tous les États membres. S’il s’y oppose à l’inverse, la Commission européenne peut décider d’interdire la substance, ou bien soumettre de nouveau la proposition (comité d’appel) ou une version amendée au comité. Si aucune majorité qualifiée n’émerge, la Commission peut ainsi décider seule d’autoriser la substance, comme cela est arrivé en novembre 2023 pour le renouvellement du glyphosate.

Une substance peut être approuvée pour dix ans maximum, voire quinze si elle représente un “faible risque”. Le renouvellement de l’autorisation, pour quinze ans maximum, passe par une nouvelle évaluation des données scientifiques. De nouvelles restrictions peuvent être imposées à la lumière des connaissances acquises.

Le classement des substances CMR 

L'Union européenne utilise plusieurs classements des substances actives, selon leur niveau de risque et leur statut réglementaire.

Les substances classées CMR catégorie 1 (cancérigènes, mutagènes ou reprotoxiques avérés) sont exclues de l’autorisation européenne. Les substances CMR catégorie 2, comme l’acétamipride, dont la réintroduction sur le marché français est au centre du débat sur la loi Duplomb, sont suspectées de présenter des effets nocifs sur la base de données limitées. Elles ne sont pas interdites, mais leur mise sur le marché nécessite une évaluation des risques. En cas d’autorisation, des mesures de prévention spécifiques et un étiquetage de danger sont exigés, notamment en milieu professionnel.

Comment se déroule la deuxième étape d’autorisation du pesticide, au niveau national ?

Les risques pour la santé humaine, animale et l’environnement dépendent non seulement de la substance active, mais aussi de la formulation du produit, de son mode d’application, des pratiques agricoles et des conditions locales. C’est pourquoi chaque autre usage ou produit contenant cette substance doit faire l’objet d’une évaluation spécifique au niveau national. Un contrôle qui vise à s’assurer que, dans tous les scénarios envisagés et au vu du contexte national, l’utilisation du produit n’entraîne pas de risques inacceptables pour l’utilisateur, le consommateur, le voisinage, ou encore la biodiversité.

Une fois la substance active approuvée au niveau européen, c’est donc au tour des États membres d’évaluer les produits commerciaux qui en contiennent. Chaque entreprise candidate à la vente d’un produit phytosanitaire doit ainsi constituer un dossier complet auprès des autorités nationales compétentes. En France, il s’agit de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses).

Si le produit remplit l’ensemble des conditions, il obtient une autorisation de mise sur le marché (AMM), assortie parfois de conditions d’emploi ou de restrictions spécifiques, liées au territoire ou au contexte agricole local. L’AMM doit impérativement être obtenue dans chaque pays où le produit sera vendu, même après approbation européenne de la substance active : il n’existe pas d’autorisation automatique à l’échelle européenne. Il est possible toutefois, pour les industriels, de demander une reconnaissance mutuelle de l’AMM déjà accordée dans un autre État membre.

Un pays peut-il interdire un produit autorisé en Europe ?

La procédure d’autorisation européenne a vocation à harmoniser la sécurité et à simplifier les échanges de produits entre les États. Pourtant, le droit européen laisse aux pays une marge d’appréciation : chaque État membre peut, sur la base du principe de précaution, restreindre voire interdire l’utilisation d’un produit sur son territoire en dépit d’une approbation européenne.

Différentes situations sont possibles : des conditions environnementales ou agricoles locales entraînent une exposition accrue ou des risques spécifiques (présence d’écosystèmes sensibles, nappes phréatiques vulnérables, biodiversité remarquable), ou bien les études nationales ont détecté un effet indésirable qui n’avait pas été suffisamment anticipé dans l’évaluation européenne.

Dans ce cas, le pays doit justifier sa décision devant la Commission européenne et les autres États membres, en apportant des éléments scientifiques ou techniques inédits ou propres à son territoire. Ainsi la France a-t-elle totalement interdit, par la loi, l’utilisation agricole de l’acétamipride dès 2018 (avec des dérogations pour certaines cultures jusqu’en 2020).

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22.07.2025 à 08:30

[Comparatif] Impôt sur la fortune : dans quels pays européens est-il appliqué ?

Eve Bachler

Depuis les années 1990, de nombreux pays membres de l'Union européenne ont supprimé l'impôt sur la fortune qu'ils avaient auparavant instauré. Un mouvement qui a débuté en Italie dès 1992, puis s’est poursuivi en Autriche en 1994. D’autres États, comme l’Irlande, le Danemark et l’Allemagne, ont pris la même décision en 1997. Par la suite, […]

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Texte intégral 2167 mots
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Depuis les années 1990, de nombreux pays membres de l'Union européenne ont supprimé l'impôt sur la fortune qu'ils avaient auparavant instauré. Un mouvement qui a débuté en Italie dès 1992, puis s’est poursuivi en Autriche en 1994. D’autres États, comme l’Irlande, le Danemark et l’Allemagne, ont pris la même décision en 1997. Par la suite, les Pays-Bas ont supprimé cet impôt en 2001, puis le Luxembourg et la Finlande en 2006, suivis par la Suède en 2007, l’Espagne en 2008 (qui l’a toutefois rétabli en 2011), la Grèce en 2009, la Hongrie en 2010, et enfin la France en 2018 (remplacé par un impôt sur le patrimoine).

Une tendance que l'économiste Gabriel Zucman, spécialiste de la fiscalité, attribue au dysfonctionnement des précédents systèmes qui "exonéraient les plus hautes fortunes" et "touchaient les riches plus que les ultrariches". Mais aussi à la concurrence fiscale au sein de l'Union, ainsi qu'à la faiblesse des systèmes de lutte contre l'évasion et la fraude en la matière.

En France, l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) a été instauré en 1981. Il portait sur l'ensemble des biens immobiliers (maisons, appartements, terrains…) et mobiliers (liquidités, actions, bijoux…) dès lors que leur valeur nette totale dépassait 1,3 million d'euros. L'estimant inefficace, le gouvernement l'a remplacé en 2018 par un impôt sur la fortune immobilière (IFI). Ce dernier ne taxe plus que les biens et droits immobiliers non professionnels au-delà de 1,3 million d’euros. Le taux d'imposition est progressif : un patrimoine ayant une valeur inférieure à 2,57 millions d'euros est taxé à hauteur de 0,7 %, contre 1,25 % pour un patrimoine dont la valeur nette se situe entre 5 et 10 millions. 

L'Espagne, la Norvège et la Suisse taxent le patrimoine net des plus fortunés

Aujourd'hui, la France fait partie des rares pays de l'UE à avoir conservé une forme d'impôt sur la fortune. Souvent présentée comme une exception, elle n'est toutefois pas la seule à y recourir.

L'Espagne s'est dotée d'impôts plus larges. Après la suppression de son "impôt sur le patrimoine" en 2008, celui-ci a été rétabli en 2011, après la crise économique. Il concerne les personnes dont le patrimoine net dépasse 700 000 euros. En 2022, l'Espagne a également instauré un nouvel impôt de solidarité sur les grandes fortunes. Temporaire, celui-ci touche les patrimoines nets de 3 millions d’euros ou plus, avec un taux de prélèvement progressif allant de 1,7 à 3,5 %.

La Norvège et la Suisse, qui ne font pas partie de l'Union européenne, ont elles aussi conservé un système d'imposition sur la fortune. L'impôt norvégien sur la fortune est intégré dans l'impôt national : il consiste en un taux forfaitaire global appliqué sur l'ensemble du patrimoine net (biens immobiliers, placements, liquidités…) au-delà d’un seuil d’exonération. Son taux est de 0,7 % en moyenne (en fonction des communes ou régions) sur les actifs dépassant 1,7 million de couronnes norvégiennes (NOK), soit environ 145 000 euros. De plus, en 2022, le gouvernement norvégien a augmenté le taux d'imposition national à 1,1 % (au lieu de 1 % auparavant), pour les actifs supérieurs à 20 millions de NOK (1,7 million d'euros).

En Suisse, le taux prélevé dépend des cantons, mais concerne la fortune dans son ensemble net et est bien souvent progressif. Par exemple, dans le canton de Genève, le taux d'imposition est plus élevé (environ 0,6 % sur une fortune comprise entre 500 000 et 1 million de francs suisse) que dans celui de Zurich (environ 0,2 % sur une fortune de 500 000 francs suisses).

Des impôts partiels en Belgique et aux Pays-Bas

Aux Pays-Bas, l'impôt sur la fortune supprimé en 2001 existe désormais sous une autre forme. Il s'agit d'une taxe de 36 % (en 2025) sur un "rendement fictif" du patrimoine, qui comprend l'épargne, les actions et les résidences secondaires. C’est donc une imposition sur le patrimoine, mais indirecte.

En Belgique, on ne parle pas d'impôt sur la fortune mais de contribution de solidarité. Il s'agit d'un impôt limité sur certaines valeurs mobilières : les plus-values d'actions et d'autres actifs financiers, autrement dit les comptes titres. Ces comptes bancaires comprenant des actifs comme des actions ou des obligations sont taxés à 0,15 % de leur valeur moyenne si celle-ci excède un million d'euros. Un aménagement est prévu si cette valeur se situe entre 1 million et 1,015 million, qui sera ainsi taxée à hauteur de 0,10 %. En outre, les droits de succession et de donation sont assez élevés en Belgique.

Vers un nouvel impôt sur la fortune en France ?

La France doit relever un défi majeur : réduire son important déficit budgétaire, qui a atteint 169 milliards d'euros en 2024, soit 5,8 % de son produit intérieur brut. Elle se place ainsi en troisième position du plus grand déficit budgétaire (en % du PIB), après la Roumanie (9,3 %) et la Pologne (6,6 %), selon les données d'Eurostat. En valeur absolue, la France a le déficit le plus important de la zone euro.

Plusieurs mesures ont été proposées pour y faire face. Le 15 juillet 2025, le Premier ministre François Bayrou a dressé les grandes lignes de son plan budgétaire pour l'année prochaine, qui prévoit notamment une "année blanche" ou la suppression de jours fériés.

D'autres acteurs prônent la création d'un impôt plancher sur la fortune (IPF), également appelé "taxe Zucman", du nom de l'économiste cité plus haut. Ce dernier propose de créer un impôt minimum de 2 % sur le patrimoine des ultra-riches, soit environ 4 000 contribuables possédant plus de 100 millions d'euros aujourd'hui. Selon le spécialiste, une telle taxe permettrait de reverser entre 15 et 25 milliards d'euros aux finances publiques.

Ne s’appliquant que si la somme totale des impôts déjà payés par le contribuable est inférieure à 2 % de son patrimoine, elle viserait plus largement l'égalité des citoyens devant l'impôt, en luttant contre les contournements de fiscalité opérés par des pratiques d'optimisation. Selon plusieurs études, les ultra-riches sont en effet moins taxés que les classes moyennes ou supérieures en proportion de leur revenu ou de leur patrimoine.

Adoptée en première lecture en février 2025 par les députés français, la proposition de loi instaurant une telle taxe a néanmoins suscité de nombreuses oppositions. Certains craignent notamment l'exil fiscal des plus riches, bien qu'une mesure prévoit de taxer leurs biens durant cinq ans après leur éventuel départ de France. Rejetée par le Sénat en juin 2025, la proposition a été transmise à l'Assemblée nationale pour une deuxième lecture.

Selon une note de l'Observatoire européen de la fiscalité publié en octobre 2023, un impôt mondial de 2 % sur le patrimoine des milliardaires permettrait de générer environ 40 milliards d'euros pour les États membres. Dans une note datant de mars 2025, l'organisation dirigée par M. Zucman estime que les pays européens pourraient récupérer un total de 67 milliards d’euros en mettant chacun en place un taux d’imposition minimale de 2 % sur les plus aisés, les centimillionnaires, et même 121 milliards avec un taux de 3 %. Ce même mois, l'Union européenne comptait 537 milliardaires, dont 147 en France, 128 en Allemagne et 71 en Italie, selon ses calculs.

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21.07.2025 à 17:42

10 dates qui ont marqué les relations entre l'Union européenne et la Chine

Juliette Verdes

En 2025, l'Union européenne et la Chine célèbrent un demi-siècle de relations diplomatiques, initiées par la visite du commissaire européen chargé des Relations extérieures, Christopher Soames, à Pékin, en 1975. Après la mort de Mao Zedong en 1976, la Chine met fin à deux décennies d'isolement et se rapproche des puissances occidentales. Le partenariat entre […]

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Texte intégral 4678 mots
Poignée de main entre l'ambassadeur Li Lien-Pi (à gauche) et Christopher Soames, Vice-Président de la Commission européenne (à droite), en 1975 ; la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen (à droite) lors d'une visite en Chine, en décembre 2023, aux côtés du Premier ministre chinois Li Qiang (à gauche) - Crédits : Christian Lambiotte, Jean-Louis Debaize, Dati Bendo / Commission européenne

En 2025, l'Union européenne et la Chine célèbrent un demi-siècle de relations diplomatiques, initiées par la visite du commissaire européen chargé des Relations extérieures, Christopher Soames, à Pékin, en 1975.

Après la mort de Mao Zedong en 1976, la Chine met fin à deux décennies d'isolement et se rapproche des puissances occidentales. Le partenariat entre la République populaire de Chine (RPC) et la Communauté économique européenne (CEE) se poursuit, notamment dans le domaine économique. À tel point que la fin de la Guerre froide marque le début d'une "lune de miel" commerciale entre les deux puissances.

Mais, dans le sillage de la crise financière de 2008 et de l'arrivée au pouvoir de Xi Jinping en 2013, les relations se sont progressivement crispées. La Commission européenne est allée jusqu'à qualifier la Chine de "partenaire, concurrent stratégique et rival systémique" en 2019. Une succession de différends commerciaux et diplomatiques, ainsi que l'invasion de l'Ukraine par la Russie en février 2022, ont renforcé les tensions naissantes.

Avril 1978 : la CEE et la Chine signent un accord commercial

Cet accord commercial marque un premier tournant dans l'histoire des relations entre la Communauté économique européenne (CEE) et la Chine. Il a pour but de simplifier le processus douanier afin d'accroitre les échanges commerciaux bilatéraux, et comporte également une exigence d'équilibre des échanges entre les deux parties. En cas de non-réciprocité, une commission mixte CEE-Chine est chargée de réajuster les échanges commerciaux. L'article 2 de l'accord comprend une "clause de la nation la plus favorisée" : autrement dit, la Chine et la CEE devront s'accorder les mêmes avantages qu'à leurs autres partenaires commerciaux, selon un principe de réciprocité.

Septembre 1985 : un accord de coopération économique et commerciale

L'accord de 1978 ayant donné des résultats satisfaisants, les ministres des dix pays membres de la CEE autorisent la Commission européenne à ouvrir des négociations avec la Chine pour renouveler leur partenariat commercial. Le nouvel accord de coopération économique et commerciale est officiellement ratifié à Bruxelles en septembre 1985. Il reprend les principaux éléments du texte de 1978, en précisant les domaines de coopération des deux parties contractantes : l'industrie, le secteur agricole, l'énergie, la science ou encore la technologie…

Les deux signataires s'engagent également à renforcer leur coopération via une coproduction, des co-entreprises, ou encore le transfert de technologie. En outre, des clauses visent à améliorer le climat des investissements.

27 juin 1989 : les Européens adoptent un embargo sur les armes en réaction aux événements place Tian'anmen

En juin 1989, un mouvement de contestation secoue la Chine. Étudiants, intellectuels et ouvriers dénoncent la corruption du système et demandent des réformes politiques et démocratiques. La population pékinoise soutient largement la grève de la faim menée par les étudiants sur la place Tian'anmen, et bloque l'armée chinoise aux portes de la capitale. Dans la nuit du 3 au 4 juin 1989, l'armée réprime violemment le mouvement contestataire, faisant plusieurs milliers de morts.

Ce massacre choque l'opinion publique mondiale, et les États-Unis décrètent immédiatement un embargo sur les ventes d'armes à la Chine. En Europe, les ministres réunis à l'occasion du Conseil européen de Madrid le 27 juin 1989 instaurent une mesure similaire en raison des graves atteintes aux droits de l’homme commises par la Chine. Inscrit dans une déclaration commune, l'embargo contre la Chine est toujours en vigueur en 2025, bien que la question de sa levée ait été discutée à plusieurs reprises.

Les discussions autour de l'embargo sur les armes

En octobre 2003, le ministère des Affaires étrangères chinois publie un premier document stratégique à destination de l'Union européenne. Il y pose les conditions d'un partenariat entre les deux entités, dont la levée de l’embargo sur les ventes d’armes. Lors du 8e sommet Union européenne-Chine en septembre 2005, les Européens réaffirment, à la demande de Pékin, "leur volonté de continuer à œuvrer en vue de la levée de l'embargo". Mais le changement de position de certains pays membres et l'arrivée au pouvoir d'Angela Merkel en Allemagne enterrent durablement le projet.

11 décembre 2001 : la Chine entre à l'OMC

Après la chute de l'URSS au début des années 1990, la Chine et l'UE renforcent leur relation bilatérale. En 1993, la CEE devient officiellement l'Union européenne et se dote d'une ambition nouvelle quant à son rôle sur la scène internationale, tandis que la Chine voit dans l'UE un partenaire économique de taille et un contrepoids à l'influence américaine.

Après quinze années de négociations ardues, la Chine rejoint officiellement l’Organisation mondiale du commerce (OMC) le 11 décembre 2001. L’Union européenne soutient son adhésion, misant sur une double promesse : l’ouverture progressive de la Chine aux règles de l'économie de marché, et une libéralisation politique interne. Bruxelles espère aussi un accès privilégié à un marché en pleine expansion. Dès 2002, la Chine devient le deuxième partenaire commercial de l’UE et, deux ans plus tard, l’Europe arrive à la première place dans les échanges extérieurs de Pékin.

2008 : la crise économique accélère les investissements chinois en Europe

À partir de 2008, l'Union européenne est touchée de plein fouet par la crise économique et financière. Côté chinois, si les exportations diminuent dans un premier temps, le contexte reste plus favorable aux grandes entreprises et aux banques qui vont investir en Europe. La crise renforce l'interdépendance entre la Chine et l'UE. Le pays achète notamment des obligations et bons du Trésor d'États européens en difficulté, notamment la Grèce.

En décembre 2008, la prise de contrôle du port grec du Pirée par le groupe de logistique China Ocean Shipping Company (COSCO) fait grand bruit. L'opération permet à la Grèce de moderniser ses infrastructures à moindre coût en les privatisant partiellement, tandis que les Chinois offrent à leurs produits un accès privilégié au marché européen. Huit ans plus tard, la Grèce cède la totalité du port au groupe COSCO, qui en devient l'actionnaire majoritaire.

14 mars 2013 : Xi Jinping arrive au pouvoir

Arrivé au pouvoir en 2013, Xi Jinping s'impose comme une figure politique forte dès le début de son mandat. Critiquant la "stagnation" qui caractérise la période précédente, il met en avant le "rêve chinois" et veut faire de son pays un acteur de premier plan au niveau mondial. En 2013, au Kazakhstan, il évoque pour la première fois son projet de "nouvelles routes de la soie" (Belt & Road Initiative, BRI), la création d'une nouvelle route commerciale entre l'Asie, l'Europe et l'Afrique impliquant la participation de plus de 68 pays. En 2017, le forum "17+1" dédié au projet BRI est créé, dont font partie 11 pays de l'UE. Tout en proposant aux États souffrant économiquement de financer et de construire des infrastructures de transport, la Chine y facilite les exportations de ses marchandises. Dans le même temps, Xi Jinping opère une dérive autoritaire, aboutissant à la réforme constitutionnelle de 2018 qui abolit la limite des deux mandats présidentiels.

11 décembre 2016 : l'UE refuse de reconnaître le statut d'économie de marché à la Chine

Quinze ans après son adhésion à l'OMC, la Chine devait se voir automatiquement reconnaitre le statut d'économie de marché (SEM), qui ne lui a pas été directement octroyé en 2001. Concrètement, ce statut obligerait tous les membres de l'OMC à tenir compte des prix pratiqués sur le marché intérieur chinois. Il aurait également rendu les enquêtes contre le dumping (vente à un prix inférieur au coût du marché) plus difficiles à mener.

Or en 2016, l’État chinois joue encore un rôle considérable et contrôle des pans entiers de "l'économie socialiste de marché". Les États-Unis et le Japon annoncent clairement qu'ils ne reconnaîtraient pas le SEM à la Chine, au risque d'être sanctionnés par l'OMC. L'UE, qui s'était pourtant engagée à le faire, change d'avis au cours de l'année 2016. Un revirement qui crée la surprise et lance une longue série d'hostilités commerciales entre les deux parties. La Chine dépose une plainte à l'OMC dès le 12 décembre 2016, visant l'UE et les États-Unis contre leur méthode d'évaluation anti-dumping mis en place la même année.

12 mars 2019 : la Chine qualifiée de "partenaire, concurrent et rival systémique"

Le 12 mars 2019, le Parlement européen, le Conseil européen et la Commission européenne livrent leur nouvelle vision stratégique vis-à-vis de la Chine dans une communication conjointe. Le pays est désormais considéré comme "un partenaire de coopération avec lequel l'UE partage des objectifs étroitement intégrés, un partenaire de négociation avec lequel l'UE doit trouver un juste équilibre sur le plan des intérêts, un concurrent économique dans la course à la domination technologique et un rival systémique dans la promotion d'autres modèles de gouvernance".

Ce changement de terminologie pour désigner les relations entre Bruxelles et Pékin marque un tournant. Dans leur communication, les institutions européennes appellent à plus de réciprocité dans les relations avec la puissance asiatique, notamment au niveau commercial. Consciente de ce déséquilibre, l’Union européenne tente de préserver ses liens économiques et diplomatiques avec la Chine, tout en renforçant la protection de son propre marché.

30 décembre 2020 : signature d'un accord global sur les investissements

Fruit de négociations débutées en 2013, l'Union européenne et la Chine concluent un accord global sur les investissements (AGI) en 2020. Mais n'est ce texte n'est ni signé, ni ratifié à l'heure actuelle.

Par le biais de cet accord, l'Union a pour ambition de réduire le déséquilibre avec Pékin, en raison de l'écart existant, entre d'un côté l'ouverture du marché européen aux investissements étrangers, et de l'autre les barrières à l'entrée et les discriminations auxquelles sont confrontées les entreprises européennes qui souhaitent investir en Chine. L'accord prévoit à la fois la libéralisation des investissements, mais aussi une levée des contraintes côté chinois, permettant l'ouverture de plusieurs secteurs du marché (transport, automobile, santé, numérique…). Ce traité est le plus important jamais conclu par le pays avec un partenaire étranger dans le domaine de l'investissement.

Néanmoins, le contexte géopolitique a évolué au fil des années. La Commission européenne suspend l'accord en 2021, à la suite des sanctions prises par la Chine à l'encontre de responsables et députés européens ayant dénoncé les exactions du régime chinois dans la région du Xinjiang.

2021 : sanctions européennes contre la Chine pour la répression des Ouïghours et sanctions chinoises contre la Lituanie

Au cours de l'année 2021, les tensions culminent entre la Chine et l'UE. En mars 2021, l'Union prend des sanctions (interdiction de visas et gel d'avoirs) contre quatre responsables chinois en raison de la répression de la minorité musulmane ouïgoure dans la région du Xinjiang. L'UE accuse ces hauts fonctionnaires de "graves atteintes aux droits de l'homme" et de se rendre coupable de "détentions arbitraires et [de] traitements dégradants infligés aux Ouïgours et aux membres d'autres minorités ethniques musulmanes".

Le ministère chinois des Affaires étrangères dément toute atteinte aux droits de l'homme, et ne tarde pas à prendre des mesures. Pékin annonce mettre en place des sanctions contre quatre entités (dont le comité politique et de sécurité du Conseil de l'UE) et dix responsables européens (dont des eurodéputés), interdits de séjour en Chine.

En mai 2021, un autre différend oppose cette fois les deux blocs sur la question taïwanaise. La Lituanie se retire du forum "17+1" du BRI, et donne son accord à l'ouverture dans son pays d'une représentation de Taïwan sous le nom de "Bureau de représentation de Taïwan". Pour la Chine, cet acte représente un pas en avant vers la reconnaissance de l'indépendance de l'île, qu'elle considère comme partie intégrante de son territoire. En signe de représailles, les autorités chinoises mettent en place des pratiques commerciales discriminatoires à l'encontre de l'État Balte, rejetant les demandes d'importations et bloquant les exportations de Vilnius vers la Chine.

Le 27 janvier 2022, l'UE annonce qu'elle engage une procédure auprès de l'OMC contre la Chine "en raison de ses pratiques commerciales discriminatoires à l'encontre de la Lituanie, qui frappent également d'autres exportations du marché unique de l'UE". Après avoir suspendu la procédure en janvier 2024, la Commission européenne a annoncé reprendre la procédure engagée auprès de l’OMC en janvier 2025. Cette procédure ne devrait pas aboutir avant plusieurs années.

La pression chinoise s'accentue autour de Taïwan

Signe d'une relation politique tendue, la vice-présidente de la Commission de l'époque Margrethe Vestager dénonce en octobre 2021 une "pression accrue" de la Chine sur Taïwan et déplore sa présence militaire dans le détroit, ce qui fait selon elle planer un risque sur "la sécurité et la prospérité" de l'Europe. En août 2022, les tensions entre Pékin et Taipei sont exacerbées par la visite de la présidente de la Chambre des représentants des États-Unis, Nancy Pelosi. Une "provocation" pour la Chine, qui a multiplié les manœuvres militaires autour du détroit de Taïwan tout au long de l'année 2022.

2022 : la guerre en Ukraine et le rapprochement sino-russe

Lors d'une rencontre organisée en marge des Jeux olympiques de Pékin, trois semaines avant l'invasion russe de l'Ukraine en février 2022, Xi Jinping et son homologue russe Vladimir Poutine signent une déclaration commune scellant "l'amitié sans limites" entre les deux pays. Depuis lors, la Chine n'a jamais explicitement condamné l'invasion de l'Ukraine. Le sommet UE-Chine convoqué par la Commission européenne en avril 2022 n'a pas fait avancer le dialogue avec Pékin, pour qui l'application de sanctions à l'encontre de la Russie n'est pas envisageable dans la mesure où les Chinois veulent se poser en médiateurs du conflit.

Ce rapprochement sino-russe fait craindre un soutien militaire du gouvernement de Xi Jinping à la Russie. Le 19 février 2023, le Secrétaire d’État américain Antony Blinken laisse entendre que Pékin est sur le point de livrer des armes à Moscou, ce que les autorités chinoises démentent. Quelques jours plus tard, le 24 février, le plan de paix pour l'Ukraine publié par le ministère chinois des Affaires étrangères ne mentionne toujours pas formellement le caractère illégal de l'invasion de l'Ukraine. Xi Jinping et Vladimir Poutine réaffirment leur partenariat le 22 mars 2023, notamment à travers une "déclaration conjointe sur l’approfondissement du partenariat de coordination stratégique globale de l’ère nouvelle”, qui affiche son hostilité envers l'Occident.

Sur fonds de tensions géopolitiques et commerciales, le président chinois, Xi Jinping, rencontre son homologue français Emmanuel Macron et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen le 6 mai 2024. Pour le dirigeant chinois, il s'agit de la première visite sur le continent européen depuis 2019.

Des enquêtes antisubventions et antidumping ouvertes en Chine et en Europe

La Commission européenne a lancé de multiples enquêtes à l'encontre d'entreprises ou de consortiums chinois, dans le cadre des réglementations européennes anti-subventions : véhicules électriques, panneaux photovoltaïques, éolien… de même, le gouvernement chinois a ouvert plusieurs enquêtes visant des européens, notamment une enquête antidumping sur les eaux-de-vie de vin.

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