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06.03.2025 à 08:58

« Grande conversation » sur les finances publiques : écran de fumée pour éviter le débat de fond ?

Équipe de l'Observatoire

Le gouvernement a annoncé un changement de méthode, qu'il qualifie « d'inédite », dans le suivi et la conduite des finances publiques. Trois séries d'annonces ont été faites. L'organisation d'une « grande conversation » sur les finances publiques. La création d'un comité d'alerte. L'instauration d'un « cercle des prévisionnistes » Il importe de remettre ces annonces en perspective.
L'organisation d'une « grande conversation » sur les finances publiques. La ministre chargée des comptes (…)

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Texte intégral 878 mots

Le gouvernement a annoncé un changement de méthode, qu'il qualifie « d'inédite », dans le suivi et la conduite des finances publiques. Trois séries d'annonces ont été faites.
L'organisation d'une « grande conversation » sur les finances publiques.
La création d'un comité d'alerte.
L'instauration d'un « cercle des prévisionnistes »
Il importe de remettre ces annonces en perspective.

L'organisation d'une « grande conversation » sur les finances publiques.
La ministre chargée des comptes publics, Amélie de Montchalin, a ainsi déclaré : « Nous allons ainsi ouvrir dans quelques semaines ce que j'appelle une “grande conversation” avec eux sur notre nation et nos finances », afin de « mettre de la transparence, de partager un diagnostic, de répondre aux idées reçues, voire aux fake news ». Pour le gouvernement, la tenue d'un « événement national » baptisé « Notre Nation, nos finances » serait ainsi l'occasion de partager des « données indiscutables qui permettent d'engager cette conversation nationale sur le sujet du budget ».

La création d'un comité d'alerte qui porterait sur l'ensemble de la dépense publique (Etat, Sécurité sociale et collectivités locales) associant les parlementaires .
L'objectif de ce comité serait de faire périodiquement le point sur la mise en œuvre du budget afin, le cas échéant, de proposer des « corrections adaptées ».

L'instauration d'un « cercle des prévisionnistes » .
Celui-ci serait composé de différents « experts académiques et institutionnels » dont l'objectif serait de suivre et de s'adapter aux évolutions du contexte macroéconomique.

Officiellement, cette nouvelle méthode vise à répondre tout à la fois aux critiques sur les prévisions budgétaires et de lancer une réflexion plus globale sur l'évolution des finances publiques « à l'horizon d'une génération ». L'idée du gouvernement est de se projeter à l'horizon 2050 afin d'identifier ce qui, selon lui, doit être prévu en matière de transition écologique, d'investissements en matière de défense ou encore de conséquences du vieillissement de la population.

Si l'on ne peut que souscrire à toute volonté de mieux informer la population et d'associer davantage les parlementaires aux décisions politiques, la prudence s'impose. Il importe en effet de remettre ces annonces en perspective. Pour le gouvernement, celles-ci n'ont par exemple aucune vocation à remettre en cause la « trajectoire » budgétaire consistant à ramener le déficit budgétaire à 3 % du produit intérieur brut (PIB) en 4 ans, au prix d'une véritable austérité. Le gouvernement ne cache d'ailleurs pas sa volonté de réduire les dépenses publiques, dans l'ensemble des « sphères » (Etat, collectivités locales et Sécurité sociale). La méthode évolue (peut-être), mais les orientations demeurent (certainement)...

A plus long terme, les orientations portées par le gouvernement consistent manifestement à prioriser certaines dépenses sur d'autres et, au passage, s'agissant de l'impact du vieillissement de la population, à arguer qu'il faut éviter de remettre la « réforme » des systèmes de 2023 en question. Autrement dit, la grande conversation pourrait prendre les allures du « grand débat » qui avait été l'occasion pour Emmanuel Macron d'occuper le terrain et de conforter ses positions. Quant au comité et au cercle des prévisionnistes, on peut s'interroger sur la création de nouvelles instances dans un environnement qui en compte déjà un certain nombre (Cour des comptes, Haut conseil des finances publiques, etc). Associer les parlementaires au quotidien, renforcer leurs moyens, améliorer leur information et tenir compte de certaines de leurs positions constituerait une alternative plus démocratique.

Le gouvernement sait que l'enjeu des finances publiques et du partage des richesses est essentiel. Mais, accroché à ses dogmes, il refuse de mener le débat de fond. De ce point de vue, ces annonces s'apparentent davantage à un brassage d'air. Si le gouvernement veut démontrer sa bonne foi (mettons-le au défi !), il a au moins deux occasions de traduire très rapidement en actes ses récentes promesses. La première serait de soutenir (après l'avoir combattue), la proposition de loi sur l'instauration d'une contribution sur les plus riches votée par l'Assemblée nationale. Une telle mesure dégagerait des recettes et améliorerait un consentement à l'impôt mis à mal par des années d'injustice fiscale. Elle répond à la demande de la grande majorité de la population (exprimée dans les enquêtes d'opinion et dans les cahiers de doléance notamment) d'instaurer un impôt sur la fortune. La seconde serait d'entendre les propositions de l'association Attac et de nombreuses organisations qui s'expriment de longue date sur les idées reçues en matière de fiscalité, le rôle de l'impôt, la justice fiscale, les choix budgétaires à faire, etc. Chiche ?

31.01.2025 à 06:38

Remboursements, dégrèvements, fraude : la face cachée du système fiscal creuse la dette

Équipe de l'Observatoire

Tout débat sur l'évolution des finances publiques et de la politique fiscale en vient nécessairement à aborder la question de la dette publique. Parmi les facteurs qui expliquent son niveau figure bien entendu la fiscalité. Une baisse d'impôt se traduit par un manque à gagner, à moins qu'elle ne parvienne à relancer tel ou tel secteur économique, ce qui est somme toute rarement démontré. Si on songe spontanément à des mesures comme la transformation de l'impôt de solidarité sur la fortune (…)

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Texte intégral 1393 mots

Tout débat sur l'évolution des finances publiques et de la politique fiscale en vient nécessairement à aborder la question de la dette publique. Parmi les facteurs qui expliquent son niveau figure bien entendu la fiscalité. Une baisse d'impôt se traduit par un manque à gagner, à moins qu'elle ne parvienne à relancer tel ou tel secteur économique, ce qui est somme toute rarement démontré. Si on songe spontanément à des mesures comme la transformation de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en impôt sur la fortune immobilière, il convient également d'analyser l'impact de certaines « dépenses fiscales » (les fameuses « niches fiscales ») et l'évolution de la mécanique de certains impôts. C'est l'objet du présent billet.

De très longue date, de nombreuses mesures, toujours existantes, présentent en effet un coût budgétaire important. Le coût de ce qu'il est convenu de nommer « niches, fiscales ou sociales », a ainsi atteint en effet des niveaux record au cours des dernières années, sans que ces dispositifs aient démontré leur efficacité en termes de relance de l'activité économique et par voie de conséquence, de rentrées fiscales et sociales.

On dénombre plus de 470 « dépenses fiscales » (la dénomination budgétaire officielle des « niches fiscales ») auxquelles il faut ajouter des mesures dites « déclassées » (c'est-à-dire n'étant plus considérées comme des dépenses fiscales mais comme des modalités particulières de calcul de l'impôt) parmi lesquelles le régime « mère-fille », le régime de l'intégration fiscale ou l'exonération de certaines plus values des sociétés (dite « niche Copé » du nom de son instigateur). Le coût global des dépenses fiscales s'élevait à 96,1 milliards d'euros en 2023. Le coût des « modalités particulières de calcul de l'impôt » mentionnées ici était évalué dans le projet de loi de finances pour 2019 à 7 milliards d'euros pour la niche « Copé », 17,6 milliards d'euros pour le régime « mère fille » et 16,4 milliards d'euros pour le régime de l'intégration fiscale. Ils ne font plus l'objet d'évaluation depuis, sans qu'une explication n'ait été apportée par le pouvoir. Le coût des différents allègements de cotisations sociales, également dénommées « niches sociales », avoisine pour sa part les 90 milliards d'euros.

Tous les ans, un rapport spécial des deux commissions des finances (Assemblée nationale et Sénat) est consacré aux « remboursements et dégrèvements », qui constituent des restitutions trouvant leur origine « dans le fonctionnement concret de certaines impositions (remboursement de trop versés), dans la mise en œuvre de politiques publiques (crédits d'impôt) ou encore dans la rectification du montant d'un impôt (correction d'une erreur matérielle, conséquences d'un contentieux fiscal ou application d'une convention internationale par exemple) [1]. Le coût budgétaire de ces « remboursements et dégrèvements » est élevé : il représente un peu moins de 30% des recettes fiscales brutes en 2025. Et il est en constante évolution : il a en effet globalement progressé de 142 % depuis 2001 et de 182 % pour les impôts d'État.

Depuis plusieurs années, ces rapports parlementaires s'inquiètent plus particulièrement de la hausse du coût de deux dispositifs, l'un lié à la mécanique fiscale (les remboursements de crédit de TVA), l'autre découlant d'une dépense fiscale (le crédit d'impôt recherche).

En effet, une entreprise est tenue de déclarer à l'administration fiscale la TVA qu'elle paie sur ses achats et celle qu'elle collecte sur la vente de ses biens ou services. La plupart du temps, l'entreprise reverse la différence. Mais lorsque la TVA qu'elle a payée sur ses achats (la « TVA déductible ») est supérieure à celle qu'elle a encaissée sur ses ventes (la « TVA collectée »), elle peut, sous conditions, demander le remboursement de la différence (qui constitue un crédit de TVA). Or, le Sénat [2] relevait que les remboursements de crédit de TVA, estimés à 80,3 milliards d'euros en 2025, sont en forte hausse tendancielle « de 2014 (exécution) à 2025 (prévisions PLF), la progression des remboursements de TVA s'élève à 68,6 %, représentant 32,7 milliards d'euros ». Le Sénat précise que, si les restitutions de TVA découlent de la mécanique classique de fonctionnement de la TVA ; « le niveau élevé des remboursements ainsi que la hausse continue, dans des proportions plus élevées que l'évolution de la valeur ajoutée elle-même, impose une vigilance accrue sur les risques de montages frauduleux ».

Le Sénat relève par ailleurs que le coût du crédit d'impôt recherche (CIR) est en forte hausse depuis la réforme de 2008 : « en 2009, il s'établissait à 4,5 milliards d'euros pour un peu plus de 14 000 dossiers, il devrait représenter, en 2025, 7,7 milliards d'euros pour près de 15 500 entreprises ». Le CIR est très concentré sur les grandes entreprises : « les cinquante premières entreprises bénéficiaires du CIR concentrent à elles seules près de 45 % du bénéfice du dispositif, tandis que les 200 premières entreprises représentent près des deux tiers du coût total ». Le Sénat s'interroge sur l'efficacité de ce dispositif, puisque « l'effet du CIR sur l'effort supplémentaire de recherche fourni par les entreprises se limite à un réinvestissement égal au bénéfice du dispositif ». En d'autres termes, un CIR accordé est reconduit sur les dépenses du même type sans effort supplémentaire de la part de l'entreprise. Le Sénat s'inquiète également des difficultés de contrôler le CIR.

Par ailleurs, alors que la fraude fiscale est évaluée entre 80 et 100 milliards d'euros, la baisse des moyens des administrations fiscales et douanières notamment contribue également à affecter le rendement des recettes fiscales, comme cela a été démontré dans un rapport de 2022 consacré à l'évaluation des résultats du contrôle fiscal [3]. Dans leurs multiples annonces, les gouvernements successifs ont en effet omis de préciser qu'année après année, ils sapaient les moyens humains de l'administration fiscale et de ses services de contrôle…

Tout gouvernement sérieusement attaché aux comptes publics devrait tirer des conclusions de la lecture de ces travaux parlementaires. Il devrait également engager une stratégie globale contre l'évitement de l'impôt.


[1] Rapport de la Commission des finances de l'Assemblée nationale sur le projet de loi de finances 2025, annexe 39, « Remboursements et dégrèvements », 19 octobre 2024.

[2] Rapport de la Commission des finances du Sénat sur le projet de loi de finances 2025, annexe n° 27, « Remboursements et dégrèvements », 21 novembre 2024.

[3] Rapport Attac-Union syndicale Solidaires, « Fraude fiscale, sociale, aux prestations sociales, ne pas se tromper de cible », mars 2022.

07.01.2025 à 08:29

2025 : une année très « fiscale », mais pas très « justice fiscale »...

Équipe de l'Observatoire

L'année 2025 sera largement consacrée aux recettes et aux dépenses publiques. Le projet de loi de finances (PLF) et le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025 devraient bientôt être connus et débattus au Parlement. En fin d'année, ce sera au tour des PLF et PLFSS 2026 d'être connus, puis débattus. Les choix de tout gouvernement qui présente ces textes est toujours révélateur de la façon dont sont considérés les enjeux en matière de financement des politiques (…)

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Texte intégral 930 mots

L'année 2025 sera largement consacrée aux recettes et aux dépenses publiques. Le projet de loi de finances (PLF) et le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025 devraient bientôt être connus et débattus au Parlement. En fin d'année, ce sera au tour des PLF et PLFSS 2026 d'être connus, puis débattus. Les choix de tout gouvernement qui présente ces textes est toujours révélateur de la façon dont sont considérés les enjeux en matière de financement des politiques publiques et de répartition des richesses.

En la matière, il y a beaucoup à dire…
Pour l'heure, la justice fiscale n'est en effet manifestement pas la priorité du gouvernement Bayrou.
- Sa composition parle d'elle-même . Ses membres sont en effet issus de mouvements qui ont par exemple refusé l'instauration d'une contribution symbolique sur les plus riches proposée par le précédent gouvernement et qui, plus largement, ne cessent de plaider pour la baisse des impôts, notamment au profit des plus riches et des grandes entreprises.
- Ses premières annonces confirment ce diagnostic . Dans un communiqué du 31 décembre, le gouvernement affiche ses intentions. Il déclare ainsi qu'il soutiendra la reconduction du crédit d'impôt innovation (CII), « mais avec un taux d'aide ramené de 30 % à 20 % ». On est bien loin de répondre aux enjeux en matière d'aides aux entreprises… Extension du crédit d'impôt recherche, mais d'un montant très inférieur, le CII s'applique aux dépenses concernant la réalisation d'opérations de conception de prototypes ou d'installations pilotes d'un nouveau produit. Il représente un manque à gagner pour le budget de l'État de 344 millions d'euros pour 10 636 entreprises bénéficiaires, à comparer avec le crédit d'impôt recherche (7,8 milliards d'euros pour 15 507 entreprises bénéficiaires) dont le coût et la faible efficacité ont pourtant été régulièrement critiqués dans des rapports officiels. Il y avait là l'occasion de remettre en question le CIR pour dégager des recettes supplémentaires et éviter une optimisation agressive du CIR voire des mécanismes de fraudes, mais le gouvernement a choisi de laisser faire. Parmi les autres mesures envisagées figurent des mesures incitatives permettant de soutenir les exploitations agricoles et la poursuite de la déclinaison en droit national des instructions de l'OCDE en matière d'application du « pilier 2 » (imposition minimale du bénéfice des multinationales), comme cela était prévu dans le PLF initial.
- Les déclarations du nouveau ministre de l'économie et des finances (interview à la Tribune du 29 décembre 2024) le confirment .
S'il annonce que le barème de l'impôt sur le revenu devrait être revalorisé comme cela est le cas tous les ans, il ne fixe qu'un objectif prioritaire : la réduction des déficits publics, tant pour l'Etat que pour la Sécurité sociale. Les priorités ne sont donc ni sociales ni climatiques. Or, sans réforme fiscale de fond introduisant une véritable justice fiscale, il ne pourra y avoir une réduction des déficits publics, ni une amélioration du consentement à l'impôt, ni encore des marges de manœuvres budgétaires pour faire face aux enjeux climatiques par exemple. Certes, M. Lombard a déclaré le 6 janvier qu'il était « pour la justice fiscale » et a dit qu'il souhaitai que « chacun paie sa juste part de l'impôt et contribue à l'action de l'Etat et la sécurité sociale ». Chiche, serait-on tenté de dire… Il a toutefois précisé qu'il n'était pas favorable à de nouveaux impôts, ce qui pourrait condamner tout projet d'impôt sur la fortune.
La nouvelle ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, a pour sa part déclaré vouloir davantage lutter contre la fraude et la "suroptimisation fiscale". On aurait préféré entendre des annonces en matière de réduction du nombre et du coût de certaines niches fiscales qui, comme le CIR que le gouvernement entend hélas préserver, sont « suroptimisées » et de renforcement des moyens contre l'évasion et la fraude fiscales.

Ces déclarations ne changeront pas la réalité. Un pouvoir (le président de la République, le gouvernement et de nombreux parlementaires) néolibéral et conservateur est historiquement opposé à la justice fiscale, sociale et écologique : cela se vérifie encore actuellement.

Pour Attac, il faut tout faire pour éviter une austérité dévastatrice vers laquelle le gouvernement nous dirige. Ceci suppose de définir 3 priorités :
1/ un profond rééquilibrage du système de « prélèvements » fiscaux et sociaux,
2/ le renforcement des services publics et de la protection sociale et son extension aux nouveaux besoins, environnementaux notamment,
3/ des investissements publics massifs pour financer la bifurcation sociale et écologique.

L'association Attac a mené une campagne en faveur de la justice fiscale en 2024. Elle poursuivra ses travaux et ses actions pour défendre ces 3 priorités essentielles en 2025.

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