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05.08.2024 à 22:39

Les Jeux olympiques et paralympiques sont politiques

 Les Jeux olympiques et paralympiques sont politiques 

illustrationsymbolique des JO de 1968 ©MM
par Arnaud Le Gall

 

Quelques jours avant l’ouverture des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de Paris, Emmanuel Macron avait décrété que ceux-ci devaient être l’occasion d’une « trêve politique ». Sur le plan national, il s’agissait pour lui de normaliser une situation de crise politique, susceptible de s’exacerber en crise de régime, ouverte par son refus du résultat des élections législatives remportées par le Nouveau Front populaire. Sur le plan international, le Président entendait balayer les demandes adressées au Comité international olympique (CIO) pour que, à l’instar des athlètes russes et biélorusses concourant sous bannière neutre à cause de l’invasion de l’Ukraine, les athlètes israéliens fassent de même en raison du massacre en cours à Gaza, que la Cour internationale de justice (CIJ) a qualifié de « génocidaire ».
Or décréter une telle « trêve » est déjà, en soi, un acte politique. Des députés-ministres d’un gouvernement démissionnaire se mettant en scène aux côtés des athlètes français, deux semaines après leur participation controversée à l’élection de la Présidente de l’Assemblée nationale : c’est de la politique. La réception à l’Élysée, bien au-delà du minimum protocolaire, du Président israélien, alors que celui-ci a déclaré qu’il n’y avait « aucun innocent » à Gaza : c’est de la politique. De même, d’ailleurs, que les ovations du public, lors de la cérémonie d’ouverture, pour une délégation palestinienne venue aussi défendre la dignité d’un peuple, alors même que plus de 300 athlètes ont été tués par Tsahal depuis le début de l’offensive israélienne. Politiques enfin, les réactions aux choix artistiques de cette même cérémonie d’ouverture qui n’a laissé personne indifférent.


Les JOP « apolitiques » n’ont jamais existé. Ils ont, dès leur refondation en 1896, constitué une tribune à dimension universelle visant à dénoncer telle ou telle situation nationale et/ou internationale. Lors de cette première édition, la Turquie avait par exemple refusé de participer puisqu’elle avait des différends frontaliers avec la Grèce, pays organisateur. En 1936, à Berlin, malgré les appels à boycotter ces Jeux organisés par le IIIe Reich formulés par de nombreuses organisations antiracistes, juives, ouvrières, féministes, socialistes, communistes ou encore démocrates-chrétiennes, les puissances démocratiques applaudiront un événement qui servira ainsi de caution internationale au régime nazi. Dans ce contexte, les victoires de l’athlète noir Jesse Owens, quadruple médaillé d’or, défendront la dignité de toutes celles et tous ceux que les nazis considéraient comme des « sous-hommes ».


Au-delà des exemples les plus marquants, pas une seule olympiade ne restera hors de l’air du temps. On se souvient des poings gantés de noir levés sur le podium en 1968 par les athlètes états-uniens Tommie Smith et John Carlos afin de dénoncer le traitement ségrégationniste infligé aux Afro-américains. Par ailleurs, les boycotts des JOP de Moscou en 1980 par les États-Unis, et ceux de Los Angeles quatre ans plus tard par l’URSS, ne doivent pas éclipser le refus de participer aux Jeux de Melbourne en 1956 de l’Irak, l’Égypte et du Liban pour protester contre l’agression franco-israélo-britannique de l’Égypte à Suez.  Ou l’absence de la République populaire de Chine de 1956 à 1980 pour protester contre le hissage du drapeau de Taïwan. En outre, l’exclusion de l’Afrique du Sud de 1964 à 1992 pour cause d’apartheid devrait rappeler aux tenant·es actuel·les de la « neutralité » que cette dernière se résume généralement à accepter l’inacceptable, ce qu’a fait le CIO s’agissant du traitement infligé aux Palestiniens et Palestiniennes. En dehors de la dénonciation des atteintes aux droits humains, on ne peut accepter que, depuis les années 1980 et la mainmise du capital sur les JOP, ces derniers constituent un moment d’accélération de la mise en œuvre des logiques néolibérales (poids du « merchandising », prix des places etc.) et des nouvelles techniques de surveillance et de coercition dans les pays organisateurs.


Les JOP de Paris n’auront donc pas échappé à cette réalité. Le dénoncer, et mener une nécessaire commission d’enquête (populaire ?), n’enlève rien à l’intérêt, l’empathie, l’émotion, la joie, que l’on peut ressentir face à certains moments très forts de ces Olympiades. Mais la ferveur sportive ne saurait éclipser la dimension politique consubstantielle à la tenue même des JOP.

05.08.2024 à 21:59

CULTURE : EXPO - Paris brûle-t-il ? Quand le cinema réinvente la libération

 Paris brûle-t-il ? 
 Quand le cinema réinvente la libération 

 1966  Quelques mois avant les élections législatives de 1967 et plus de 20 ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale sort au cinéma Paris brûle-t-il ?, une super production franco-américaine entre documentaire et fiction, qui revient sur la Libération de Paris du 19 au 25 août 1944.
Pour ce film, la Paramount Picture Corporation a sorti l’artillerie lourde : un budget de 6 millions de dollars et un pléiade de stars internationales. Parmi les acteurs français principaux : Alain Delon, Henri Rol-Tanguy et Jean-Paul Belmondo mais on y retrouve également Yves Montand et Claude Rich entre autres.


 L’adaptation d’un livre contesté 


Le film porte à l’écran le best-seller éponyme, aux 20 millions de lecteurs, sorti en 1964 et écrit par deux journalistes : Dominique Lapierre et Larry Collins. Ce livre s’appuie sur le témoignage de plus de 3 000 personnes pour raconter la libération de Paris. Une somme de petites histoires pour raconter la Grande, mais un récit persuadé de la duplicité des communistes, et qui surtout, attribue à Von Choltitz, le mérite d’avoir évité la destruction de Paris. Selon le mythe, le gouverneur nazi du « Grand Paris » – pourtant reconnu pour sa brutalité – n’aurait pas obéi aux ordres d’Hitler lui demandant de « Brûler Paris » le 25 août 1944. Plusieurs recherches d’historiens ont prouvé dès les années 2000 que les circonstances l’auraient en réalité empêché d’obéir, mais cette falsification de l’Histoire sera reprise dans le film. Ce ne sera pas la seule.


 Liberté historique et récupération électorale 


Au delà de l’absence de certains faits, comme la signature de la capitulation, ou encore la libération des juifs à Drancy, le film occulte certains résistants de premier plan comme le président du CNR Georges Bidault (qui défendra l’Algérie française contre De Gaulle) mais aussi le dirigeant du comité d’action militaire, le communiste Maurice Kriegel-Valrimont (exclu du PCF en 1961).
Les brutalités allemandes et la violence de l’esprit de revanche ne sont pas non plus mentionnées. Il s’agit en effet de ne pas faire de vagues, d’éviter les controverses, de concilier deux mémoires concurrentes, celle du PCF (dont l’influence reste importante, notamment dans le milieu cinématographique), mais surtout de nourrir celle des gaullistes.
Le film, s’il s’appuie sur des images d’archives, reste éminemment politique et fut l’objet d’une vaste opération de communication orchestrée par le pouvoir gaulliste, flattant la population parisienne et le mythe d’une nation entière dressée contre l’occupant.
Pour le Canard enchaîné le film « reste au garde-à-vous devant le général ». Pour le Nouvel Obs « On nous explique bien tout, de peur que nous ne sachions pas pour qui voter aux prochaines élections »

 

***


Exposition temporaire au musée de la Libération de Paris
(place Denfert-Rochereau)
Profitez également de l’exposition permanente gratuite et visitez l’ancien poste de commandement ou se trouvaient les bureaux de l’état-major régional des FFI !
Du mardi au dimanche de 10h à 18h, jusqu’au dimanche 22 septembre 2024
Tarif : 7 - 9€

05.08.2024 à 21:42

ÉDITO : Gouverner pour tout changer

 ÉDITO : Gouverner pour tout changer 

par Séverine Véziès - Le Journal de l'insoumission n°1788 (aout/septembre 2024

 

Depuis le 9 juin au soir, nous avons tous et toutes le sentiment de voir s’accélérer l’histoire. Les évènements se précipitent et nous rapprochent de plus en plus d’un point de bascule. La question qui reste en suspens est vers quel horizon basculerons-nous. Deux hypothèses in fine : le péril fasciste avec une extrême droite au pouvoir ou la République restaurée avec la mise en œuvre d’un programme d’espoir, sur le plan économique, social, démocratique et écologique qu’incarne le Nouveau Front populaire. C’est cet horizon que les Français·es ont choisi en lui accordant leurs suffrages et donc une majorité pour gouverner au soir du 7 juillet 2024. Mais le sentiment de trahison peut être aussi grand que l’espoir déçu pourrait l’être. Aussi, cette élection sonne comme celle de la dernière chance. Pour le comprendre, il nous faut nous pencher, rapidement, sur les évènements politiques de ces 40 dernières années.


Le tournant néolibéral des années 70-80 est le point de départ d’un nouveau cycle avec de nouveaux choix sur le plan économique et social qui ont petit à petit défait ce que l’on peut résumer comme étant le modèle social français au sens large : services publics et fonction publique, État planificateur, prise en charge collective des évènements et accidents de la vie (Sécurité sociale, retraite par répartition, chômage, famille...).


L’application des préceptes libéraux a entraîné le désengagement de l’État, son action devenant légitime uniquement pour créer les conditions du fonctionnement et d’une régulation par les marchés. La main invisible du marché régule, l’État est au service non plus des peuples mais d’une idéologie qui voit dans le processus d’accumulation, le capitalisme, l’unique modèle de développement.


Un modèle qui en 40 ans aura creusé les déficits et la dette publique, justifiant toujours plus de sacrifices, creusé les inégalités, accentué la pauvreté en détruisant les filets de sécurité d’un État providence, détruit nos services publics et empêché notre nécessaire action et adaptation face au réchauffement climatique, lui-même causé par ce système de course folle mondiale à l’accumulation/production/consommation. Un bilan désastreux qui en semant la misère, la peur du déclassement et le sentiment d’abandon aura fait le lit de l’extrême droite.


Depuis 7 ans et l’arrivée d’E. Macron au pouvoir, la France subit une accélération féroce de ces réformes néolibérales auxquelles s’ajoutent, face à la montée des oppositions institutionnelles et populaires, un autoritarisme et une violence d’État. Chacun·e se souviendra des gilets jaunes, des soignant·es, de nos jeunes, des militant·es écologistes… matraqué·es, éborgné·es, humilié·es, criminalisé·es. Chacun·e se souviendra des 49.3 à la pelle, des passages en force et d’un Parlement méprisé…


 E. Macron est le président de la République qui aura semé le chaos en France 


À l’heure où j’écris ces lignes et alors même que les Français·es viennent de lui infliger une double défaite électorale, E. Macron refuse de céder le pouvoir, plongeant encore un peu plus le pays dans une crise de régime sérieuse et inquiétante. En refusant de nommer comme Première ministre la candidate désignée par le Nouveau Front populaire, Lucie Castets, alors même que la tradition républicaine l’y oblige, il nous enfonce encore un peu plus dans le chaos.


Une situation de crise totale où plus rien ne vient purger les blocages. Même plus le résultat d’une élection.


Il va nous falloir toute la force, la détermination et la mobilisation de toutes celleux qui ont accordé une majorité au Nouveau Front populaire pour faire plier ce Président forcené, qui après avoir brutalisé le pays, brutalisé le Parlement et notre démocratie, tente aujourd’hui d’effacer le résultat d’un vote. Rien de moins que ça ! La République ne lui appartient pas, elle est nôtre !


Car l’enjeu est immense. Le Nouveau Front populaire doit gouverner et appliquer son programme pour répondre aux aspirations légitimes de vie meilleure et à l’espoir immense qu’il a suscité dans le pays. Ce 7 juillet n’est qu’un sursis face à la montée de l’extrême droite dans le pays, prospérant sur les espoirs déçus et le sentiment que rien ne changera.


Nous voici au pied du mur. Le point de bascule doit être celui qui nous mène vers la lumière. Pour cela au changement de cap politique, il nous faudra aussi engager un changement de cap institutionnel avec une 6ème République.

 

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