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30.01.2024 à 15:22

Cuisiner à la sauce européenne

CUISINER C'EST POLITIQUE

par Astrid Prévost, pour Végépolitique, le pôle plaidoyer de l’Association Végétarienne de France (AVF)
Le Journal de l'insoumission n°1782 (février 2024)

 Cuisiner à la sauce européenne 

En guise de mise en bouche électorale, nous vous proposons des recettes typiques de différents pays, relevées par une pointe de réflexion sur les politiques alimentaires.

Cuisiner, c’est politique… et ce qu’on trouve à mettre dans l’assiette aussi. La nourriture qui garnit les étals européens est le fruit d’une politique agricole commune (la PAC) qui persiste dans une veine productiviste, et dont l’élevage est le pilier. Même l’essor des grandes cultures est d’abord destiné au bétail : l’abondance de céréales subventionnées permet de produire des denrées animales à moindre coût. Malgré cette industrialisation qui cherche toujours plus de rentabilité, la majorité des revenus issus de l’élevage est assurée… par les subventions1 !
Très exigeant en matière première, ce système agricole ne tient pas debout. Les injections massives et répétées d’argent public ne lui permettent même pas d’espérer marcher seul. Alors, au moment des élections européennes, si on changeait de menu ?
Bonne nouvelle ! Comme le montre le rapport Plant Powered Politics2, rédigé par une coalition de cinq associations européennes, dont l’AVF, l’AVP (Portugal), ou encore le CIWF Europe, la majorité des ingrédients sont déjà dans les placards de l’Union : la stratégie de la Ferme à la table, le Green Deal ou encore le Système d’Échange de Quotas d’Émission (SEQE-UE) sont autant de recettes qu’il suffirait de mettre en œuvre pour réorienter les fonds financiers vers une agriculture végétale qui nourrit l’espèce humaine.
Les élections à venir sont l’occasion de faire entendre l’exigence d’une telle politique d’avenir, et l’AVF en profite pour lancer une consultation en direction de l’ensemble des listes candidates : allez-vous agir pour la végétalisation de l’alimentation ?

Pour vous faire découvrir les ressources culinaires de nos voisins européens, Végépolitique vous propose trois recettes traditionnelles, en version 100 % végétale

Pasteis de Bacalhau (Portugal)

Recette issue du blog Tuga Vegetal (en portugais)

Ces beignets sont initialement réalisés à base de morue séchée (Bacalhau).
La pêche est la première menace qui pèse sur les océans, loin devant le plastique. Cette recette transmet le meilleur de la tradition, le respect en plus !
C’est le pois chiche, bico, qui restitue la texture du poisson et donne son nom au plat.

  • 400 g de pois chiches cuits
  • ½ gros oignon haché
  • 3 gousses d'ail hachées
  • 1 brin de persil haché
  • 50 g de farine
  • 2 c. à s. d’algues en paillettes
  • 2 c. à c. de moutarde
  • sel et poivre au goût
  1. Écrasez les pois chiches à l’aide d’une fourchette ou d’une moulinette, en laissant de la texture afin que les pasteis ne deviennent pas pâteux. Incorporez l’oignon, l’ail et le persil finement hachés, puis la moutarde, le sel et le poivre et mélangez bien. Ajoutez ensuite la farine jusqu’à ce que la pâte soit bien modelable. Formez des petits rouleaux avec les mains.
  2. Faites chauffer l’huile dans une poêle et faites frire les pasteis en les retournant de temps en temps jusqu’à ce qu’ils soient bien dorés sur toute leur surface. Égouttez-les sur du papier absorbant et servez !

Le saviez-vous ?
La morue n’a jamais été un poisson local du Portugal. Elle vient des eaux beaucoup plus froides, de la Caroline du Nord au Groenland : la pêche à la morue a commencé avec les explorations portugaises, suivies des colonisations de l’Amérique, il y a plus de 500 ans. Les morues pêchées étaient conservées par salaison pour supporter le voyage, et c’est ainsi que la morue séchée et salée est devenue le plat national. 3

Tarama (Grèce)

Inspiré par la recette de l’Atelier V

Dans  l’Antiquité, on préparait  le taramos uniquement avec des œufs de poissons écrasés. Il était donc plutôt grisâtre, et d’une texture particulièrement gluante... Un cuisinier a eu l’idée de lui ajouter de l’huile et de la mie de pain : peut-être lui a-t-on dit à l’époque que ce n’était pas du vrai taramos, et qu’il “trompait le consommateur”?...

  • 400 g de haricots blancs cuits
  • 1 citron
  • 50 g de betterave cuite
  • 3 à 4 c. à s. d’algues en paillettes
  • 3 c. à s. d’huile de votre choix
  • Sel, poivre au goût
  1. Placer les haricots blancs, la betterave, les algues et l’huile dans un blender. Ajouter le jus d’un demi-citron. Mixer, et rectifier l’assaisonnement en sel et en poivre si besoin.
  2. Servir le tarama avec le demi-citron restant coupé en rondelles en décoration.

Le saviez-vous ?
Les algues sont encore très peu consommées en Europe. Pourtant, ce sont de véritables alliées nutritionnelles : riches en protéines, en omégas-3 à chaîne longue, en calcium et en iode, elles sont plus intéressantes dans l’assiette que les poissons, dont la chair concentre les polluants et les métaux lourds.
Avec son importante surface maritime en métropole et en Outre-mer, la France jouit d’un potentiel très élevé pour développer la culture des algues alimentaires. Un rapport du CGAER de 2022 s’est interessé à l’algoculuture et à son développement, notamment pour l’alimentation.4

Stöllen (Allemagne)

Recette issue du blog la France végétalienne

Le Stöllen allemand était, au Moyen Âge, un pain tout simple. Au fil des siècles s’y sont ajoutés des ingrédients variables selon les régions, et de nombreuses villes allemandes possèdent désormais leur propre recette.

  • 250 g de farine de blé
  • 30 à 40 g de sucre roux
  • 8 cl de lait végétal (nous avons utilisé du lait d’avoine)
  • 5 cl de crème végétale + pour le collage du sucre blanc
  • 50 g d’huile neutre
  • 50 g d’amandes émondées ou effilées
  • 50 g de raisins secs
  • 20 g d’oranges confites
  • 20 g de citrons confits
  • 3 g de sel
  • 15 g de levure fraîche
  • 50 g de pâte d’amande (facultatif)
  • Rhum (facultatif)
  1. Faites macérer les raisins secs dans du rhum ou de l’eau. Faites tiédir le lait végétal, délayez-y la levure, ajoutez 50 g de farine et laissez lever pendant 15-20 minutes.
  2. Hachez les amandes au couteau. Coupez les citrons et les oranges confites en petits dés.
  3. Mélangez la crème végétale, l’huile, le sucre, le sel, et réservez.
  4. Placez le reste de la farine dans un saladier et creusez-y un puits. Déposez le levain dans le puits, ainsi que le mélange de crème végétale. Pétrissez en ajoutant progressivement les amandes, les raisins égouttés et les fruits confits : la pâte doit devenir homogène. Si elle est trop collante, ajoutez un peu de farine. Laissez lever une trentaine de minutes dans un endroit chaud. Puis pétrissez à nouveau et laissez lever 20-30 minutes supplémentaires.
  5. Préchauffez le four à 180°C.
  6. Étalez la pâte sur un plan de travail fariné, de façon à lui donner une forme ovale, épaisse d’environ 3 cm. Placez dans sa longueur la pâte d’amande roulée en boudin. Repliez en partie la pâte dans sa longueur pour obtenir deux bourrelets de grosseur inégale : plus gros en bas, plus petit en haut, la forme caractéristique du Stöllen. Soudez les bords. Enfournez à 180°C pendant 45 à 50 minutes.
  7. À la sortie du four, badigeonnez de crème végétale ou de margarine fondue et saupoudrez généreusement de sucre glace.

Végépolitique vous souhaite une bonne campagne, et un bon appétit!

 

 

 

L’AVF (Association Végétarienne de France) informe sur les multiples impacts négatifs générés par la production et la consommation de produits et sous-produits animaux, et accompagne le grand public et les acteurs publics dans la végétalisation de l’alimentation.

 

 

Sources :
1. INRAe, 2019,  “Comment la PAC soutient-elle le revenu des agriculteurs?”
2. Rapport Plant Powered Politics : Europe’s shift towards an plant-based system, 2023
3. Histoire de la morue portugaise, blog All about Portuguese codfish :
https://www.ohmycodtours.com/fr/blog/salted-codfish-in-portugal/
4. CGAAER, 2022,  Présentation et développement de l’algoculture en France
Sources et inspirations des recettes :
Tuga Vegetal : https://tugavegetal.com
L’Atelier V est une petite marque bio française qui valorise les légumineuses
La France végétalienne : https://francevegetalienne.fr

30.01.2024 à 15:07

Interruption Volontaire de Grossesse remporter la bataille !

  Interruption Volontaire de Grossesse  remporter la bataille ! 

Groupe parlementaire La France Insoumise - NUPES (@FiAssemblee)sur X le mercredi 24 janvier 2024  : Aujourd’hui, nous allons voter la constitutionnalisation de l’#IVG.Aujourd’hui, avec la #LoiPanot, la France prend #RDVaveclHistoire ! Merci à @leplanning, au @FNCIDFF, @IPASOrg & au collectif Tenon, avec qui nous nous sommes réuni·es devant l’Assemblée ! RDV à 15h ! (@FIAssemblee)

La décision de la Cour suprême des États-Unis d’annuler le 24 juin 2022 l’arrêt Roe vs Wade reconnaissant depuis 1973 le droit à l’avortement au niveau fédéral est un retour en arrière considérable : chaque État peut de nouveau interdire ou autoriser l’avortement. En Pologne, la vente de la contraception d’urgencesans ordonnance a été interdite en 2017 avant que le droit à l’avortement ne soit considérablement restreint en 2020. Ces revirements montrent à quel point le droit des femmes à disposer de leur corps est fragile.
En France la question de l’égal accès et de l’effectivité du droit à l’avortement reste entière. En 2022, un peu plus de 234 000 IVG ont été pratiquées. Une femme sur trois en moyenne y a recours dans sa vie. Pourtant, avorter peut relever du parcours du combattant·e : 130 centres pratiquant les IVG ont fermé en dix ans. Cela allonge considérablement les délais de recours. La pénurie de praticiens en ville et à l’hôpital et le manque de moyens dans les centres de santé et associations entravent l’accès à ce droit. L’année dernière, la France a connu cinq mois de tension voire de rupture de stock de pilules abortives (entre le 28 novembre 2022 et le 16 janvier 2023, puis trois mois entre février 2023 et le 26 avril 2023). Le libre choix de la méthode d’IVG n’est pas assuré. Mathilde Panot a déposé une proposition de résolution visant à protéger le droit à l’interruption volontaire de grossesse en France du risque de pénurie de pilules abortives en juin 2023.
Le groupe parlementaire de la France insoumise-NUPES dépose le 6 juillet 2022 une proposition de loi constitutionnelle visant à protéger le droit fondamental à l’interruption volontaire de grossesse. Mathilde Panot a défendu l’inscription de l’IVG mais aussi de la contraception dans la Constitution lors de notre niche parlementaire le 24 novembre 2022. Malgré l’opposition de député·es de droite et d’extrême droite qui ont tenté de bloquer son examen en déposant des centaines d’amendements, un texte est adopté. Quelques mois plus tard, au Sénat, la portée du dispositif est amoindrie. C’est ce texte, à peine modifié, qu’E. Macron a choisi de reprendre en déposant un projet de loi constitutionnelle : « La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse. » Il est pourtant bien moins protecteur.
En commission des lois puis en séance le 24 janvier 2024, Mathilde Panot a défendu un texte qui garantit à la fois l’effectivité du droit à l’avortement, mais aussi celui de la contraception. Le groupe parlementaire LFI-NUPES a proposé également de modifier sa rédaction afin de consacrer le droit à l’avortement à toute personne, quel que soit son genre. Après le passage à l’Assemblée nationale, le projet de loi devrait être examiné au Sénat puis en Congrès le 5 mars 2024. Nous nous battrons pour que ce texte soit réellement protecteur pour tou·tes

 

 

 

« Aujourd’hui, la France parle au monde.
C’est aujourd’hui que nous consacrons le droit à l’avortement dans la Constitution.
Cette inscription marque une victoire historique.
Cette victoire est la vôtre, la nôtre et la défaite des anti-choix.
 »
Mathilde Panot 24 janvier 2024

 

30.01.2024 à 14:25

L’abolition de l’esclavage en France : une conquête révolutionnaire

 L’abolition de l’esclavage en France : une conquête révolutionnaire 

William Foucaut - Le Journal de l'insoumission n°1782 (février 2024)

 

Le 4 février 1794 (16 pluviôse an II), l’esclavage est aboli pour la première fois en France par la Convention. En 1791 et 1792, les révolutionnaires avaient déjà accordé certains droits aux personnes de « couleur »1 . Mais cette première abolition a eu peu d’effet et comme en 1848, on oublie souvent le processus révolutionnaire et la capacité des « esclavisés » à se libérer eux-mêmes !

 

Remettre les « esclavisés » au cœur du processus révolutionnaire 

L’esclavage désigne un système socio-économique reposant sur l’exploitation d’êtres humains, qui ne fonctionne que sous la contrainte et par la violence2. Sous l’impulsion de plusieurs historiens, l’analyse du système esclavagiste3 a remis au centre des études les personnes concernées. La vision économique et productiviste du rapport maître/esclave envisage l’être humain uniquement comme une marchandise. Myriam Cottias4 préfère, à la suite de plusieurs influences historiographiques, employer le terme « esclavisé » pour parler des « esclaves »5 . Déjà dans les années 1960, des historiens cubains comme Juan Pérez de la Riva avaient travaillé sur « l’histoire des gens sans histoire », formant alors le concept d’agentivité (agency) : la capacité d’agir de l’être humain. Il s’agit de distinguer un terme juridique désignant un statut civil, « esclave », d’un terme redonnant toute sa place à la personne agissante malgré la domination : « esclavisé ». En effet, ce sont aussi ces résistances d’esclavisés qui ont créé le rapport de force favorable à l’abolition « des esclavages ».

 

L’abolition de l’esclavage en France : un processus révolutionnaire de 1791 à 1848 

L’abolition de l’esclavage en France s’inscrit dans un contexte mondial et révolutionnaire complexe.
Il convient de nuancer sans minimiser le rôle des « grandes figures » du récit national ainsi que les « grandes idées », de Robespierre à Schœlcher en passant par la morale des Lumières. Ainsi, l’abolition doit se penser en interaction avec les événements révolutionnaires initiés par les esclavisés eux-mêmes. Par exemple, la Société des Amis des Noirs, dont l’abbé Grégoire est un acteur majeur, permet de porter à la Convention le débat sur l’esclavage et le droit des personnes noires parce que la Révolte des esclaves de Saint-Domingue (août 1791) a produit ses effets. De même, l’abolition du 4 février 1794 fait suite à l’abolition du 29 août 1793 à Saint-Domingue, conséquence des événements révolutionnaires menés par les esclavisés. Mais dans le contexte mondial, l’abolition de 1794 a peu d’effet. De nombreux colons ont résisté, comme à la Réunion, et de nombreux propriétaires sont partis dans les colonies britanniques pour conserver leurs esclaves.
En 1804, Napoléon rétablit l’esclavage mais fait face à de grandes résistances. Des résistances de colons blancs, petits propriétaires face aux gros, mais surtout des esclavisés qui s’organisent. À Saint-Domingue, la lutte n’a pas cessé depuis la cérémonie du Bois-Caïman du 14 août 1791. Toussaint Louverture6 dirige la lutte armée dès 1801 face à la reprise de l’île par les troupes napoléoniennes. La guérilla est favorisée par la topographie de l’île. Louverture est arrêté en 1802, trahi par celui qui devient son successeur : Jean-Jacques Dessalines. Ce dernier proclame l’indépendance de Saint-Domingue qui devient Haïti le 1er janvier 1804 et la première république noire libre au monde. Les quelque 13 ans de lutte font près de 100 000 victimes noires et 25 000 victimes blanches. Avec ce rapport de force la conquête de nouveaux droits se poursuit pour les esclavisés durant les années 1830. Cela conduit Louis-Philippe à signer des ordonnances pour l’affranchissement des populations d’esclaves noirs de 1830 à 1845. Cela participe à l’affranchissement de 6 % de la population totale d’esclaves dans les colonies françaises.
Toutefois, c’est sous l’impulsion de Victor Schœlcher, député de La Montagne que l’esclavage est aboli par décret le 27 avril 1848 en France. Plus qu’une abolition, le décret proclame cela comme la reconnaissance d’une « grande dette de la France à l’humanité ». L’abolition en France est un processus républicain menant à la citoyenneté pour les concernés et non pas uniquement la fin d’un système de domination économique tel qu’en Angleterre (1833). La résistance est forte, les esclavisés se soulèvent et le décret est promulgué par anticipation en Martinique, Guadeloupe et Guyane libérant plus de 60 % des esclavisés du 23 au 27 mai 1848. Aimé Césaire affirmait pour le centenaire de l’abolition que les esclaves avaient compris « que la liberté ne tombe pas du ciel…qu’elle se prend et se conquiert ».

 

D’un système de domination à un autre 

Les propriétaires perçoivent l’équivalent de 2 millions d’euros par esclave d’indemnités et contrairement à ce qu’ils croyaient, la fin de l’esclavage va stimuler l’économie coloniale. En 1825, Charles X va exiger l’indemnisation de la France par Haïti à hauteur d’une année de revenu pour l’île, « dette de l’indépendance » soldée en 1952, entravant lourdement son développement.
Aujourd’hui, c’est un combat à poursuivre. Les estimations sont autour de 50 millions de personnes victimes d’une forme d’esclavage contemporain7 dans le monde. Ce chiffre est en hausse mais il est à prendre avec des pincettes tant les informations sont complexes à collecter. Il s’agit également de distinguer ce qui relève de l’esclavage et ce qui relève du travail forcé. Même si bien souvent la frontière est mince, ce combat reste malheureusement d’actualité.

 

1. Décret mai 1791 / Décret mars 1792

2. Site Mémorial de Nantes

3. Société dans laquelle l’esclavage est un modèle de production prépondérant.

4. Directrice du Centre International de Recherches sur les esclavages et post-esclavages

5. Travaux de Catherine Coquery-Vidrovitch et Éric Mesnard

6. Le personnage reste controversé car il devient propriétaire d’esclaves après avoir conquis sa liberté.

7. ONU, 2021

08.01.2024 à 14:15

ÉDITO - 2024. Rallumons la lumière

  2024. Rallumons la lumière  

 

Historique et combative, l’année 2023 fut aussi tragique et dangereuse.
Janvier 2023.  La plus grande mobilisation sociale depuis plus de 30 ans démarre. Envers et contre tout, E. Macron et son gouvernement usent et abusent des outils de la Ve République pour imposer par la force leur contre-réforme des retraites. Alors que les Français es souffrent sous l’effet de l’inflation et de la stagnation des salaires, la macronie leur arrache deux ans de vie.
 Mars 2023.  Sainte-Soline. Une répression d’une violence inouïe s’abat sur les citoyen.nes venu.es protester contre l’installation de méga-bassines. En quelques heures, des milliers de grenades dont certaines classées comme armes de guerre, sont tirées pour protéger… un trou. À ces violences policières orchestrées, G. Darmanin tenta d’y adjoindre le bâillon en prononçant la dissolution du collectif des Soulèvements de la terre. La justice administrative suspendra puis annulera cette décision.
 Juin 2023.  Nahel meurt. Abattu par un policier suite à un refus d’obtempérer. S’en suivront des révoltes urbaines auxquelles le gouvernement répondit par la répression et la culpabilisation des parents. Rien pour rétablir l’égalité républicaine à laquelle ont droit les habitant·es de nos quartiers populaires.
 Septembre 2023. Un gouvernement dopé à l’autoritarisme. À peine les travaux parlementaires reprennent-ils qu’E. Borne annonce son 12e 49-3 depuis juin 2022. Depuis lors, les 49-3 se sont enchaînés avec les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale 2024. Vingt-trois 49-3 depuis juin 2022.
 Octobre 2023. Proche-Orient. Aux crimes de guerre commis par le Hamas contre Israël, le gouvernement d’extrême droite de Netanyahu répond par des crimes de guerre contre les gazaouis. Une escalade dans la violence dont les civils paient le prix fort dans le silence assourdissant du gouvernement français qui après avoir apporté son « soutien inconditionnel » au gouvernement israélien, a tergiversé durant des semaines avant d’appeler à un cessez-le-feu. Le peuple français, comme ailleurs dans le monde, s’est lui mobilisé pour exiger la fin des massacres.
 Décembre 2023.  COP28. Organisée par un pays producteur de pétrole et présidée par le ministre émirati, patron du géant pétrolier ADNOC, 12e plus grande entreprise pétrolière, les choses s’engageaient mal. L’accord « appelle » les États à une « transition hors des énergies fossiles », tout en considérant le gaz fossile comme une solution permettant cette transition (sic). Les mots utilisés sont révélateurs : « transition » et non « sortie ». Les États sont « appelés » et non « décident » ou sont « contraints ». Cet appel pourra être réinterprété à l’aune des « circonstances nationales ». Cet accord à défaut d’être « historique » n’est qu’un vœu pieux sans plan d’action, sans agenda ni objectifs réels. Et ce n’est pas de sa prochaine édition, la COP29 qui aura lieu en Azerbaïdjan dont l’économie dépend à 90 % du pétrole et du gaz, qu’il faut espérer notre salut.
19 décembre 2023. La France des Lumières laisse place à la France des ténèbres. Après une année marquée par la montée des idées et de la violence d’extrême droite, après des débats à vomir sur les plateaux télé ou dans l’hémicycle et malgré le vote d’une motion de rejet préalable contre la loi immigration, E. Macron et son gouvernement ouvrent la porte au programme du Front et désormais Rassemblement national. Par 349 voix dont 88 voix du RN, le trio Macron-Ciotti-Lepen adopte une loi qui instaure la préférence nationale en matière de prestations sociales, la remise en cause du droit du sol - histoire de notre pays depuis plus de 5 siècles - la déchéance de nationalité, la caution pour les étudiant·es étranger·es, un pouvoir discrétionnaire du préfet renforcé en matière de régularisation des travailleurs sans papier. Macron défigure la France.
Durant toute cette année 2023, les élites dirigeantes ont encore une fois démontré leur incapacité à répondre aux attentes et besoins du peuple. Jusqu’à livrer notre pays au fascisme.
Il n’y a pas de fatalité. Il y a un an et demi, les forces de la NUPES se sont rassemblées autour d’un programme de rupture et ont montré qu’un autre chemin est possible. Face à la noirceur qui envahit le ciel de France, chacun·e doit prendre ses responsabilités. Avec en ligne de mire les élections Européennes de juin prochain, l’Union Populaire face à l’union réactionnaire, c’est le vœu que chacun·e d’entre nous doit formuler pour 2024 et participer à construire.

19.12.2023 à 18:01

ÉCOLE DU JARDIN PLANETAIRE - Le Fusain d'Europe

ÉCOLE DU JARDIN PLANETAIRE

   Le Fusain d'Europe 

par Fabien NEGRELLO Photos de Floriane KARAS  - Le Journal de l'insoumission n°1781 (Janvier 2024)

 

Me voilà… Le fusain d’Europe !

Euonymus europaeus pour ceux qui veulent parler latin.
Je suis un arbuste que l’on trouve un petit peu partout en France, sauf près de la Méditerranée. Je suis robuste, je peux par exemple résister à des températures de -30 degrés.
Mes fruits rouges te donnent envie de les croquer ? Abstiens-toi ! En effet je suis toxique. Toxique, mais pas pour tout le monde. Comme quelques autres, ma production fructifère se fait à l’automne.

C’est peut-être un détail pour vous, mais pour moi ça veut dire beaucoup ! Enfin, pour moi mais surtout pour les oiseaux. Ces derniers se régalent de mes fruits, ils leur donnent des forces pour passer l’hiver. Les oiseaux se nourrissent de ma production mais ce n’est pas ma seule utilisation. En effet la couleur de mes feuilles qui virent au rouge fait qu’on me retrouve beaucoup dans les haies d’ornement pour embellir les jardins.
Alors, je résume, je suis toxique, mes fruits nourrissent les oiseaux à une période où ils en ont bien besoin et je suis joli !
Et puis ce qui est particulier avec moi, c’est que tu m’as peut-être vu, même si tu ne t’es jamais baladée dans la nature… Quel végétal peut se venter de quelquefois tenir entre les doigts de l’artiste qui va redessiner le monde au gré de son imagination ?
Toi aussi tu veux faire pareil ? Je ne suis pas égoïste je vais te dire comment faire. Et surtout, répète-le à tout le monde !
Déjà, il va falloir me retrouver. Si tu regardes les photos qui illustrent cet article, cela ne devrait pas être trop compliqué. Ensuite avec un sécateur, prélève quelques-unes de mes branches pour en faire des morceaux de 7 cm de longueur. Il faudra que tu enlèves l’écorce avec un couteau, un ciseau, un économe, bref, tu as compris le principe.
Maintenant, il va falloir s’occuper de la carbonisation. Place les morceaux découpés dans une boite de conserve, que tu recouvriras ensuite d’un papier d’aluminium. Tu devras percer ce dernier d’un petit trou, avec une aiguille par exemple. Il faudra que tu places la boite sur le feu, un barbecue où un réchaud à gaz. Quand une flamme sortira du trou, il faudra placer l’ensemble dans l’eau froide. Quand le tout aura refroidi, je te laisse la main, je serai à l’intérieur de celle-ci pour prolonger ton inspiration et dessiner les contours de ce que tu souhaites partager avec ta feuille blanche…

 

19.12.2023 à 17:53

DOSSIER - Psychiatrie, le choix a la crise

DOSSIER

  Psychiatrie, le choix a la crise  

par Élise LEBOUCHER, députée LFI-Nupes de la Sarthe - Le Journal de l'insoumission n°1781 (Janvier 2024)

Élise Leboucher aux côtés des personnels de l’Établissement public de santé mentale de la Sarthe confrontés à la fermeture de 42 lits en 2023

 

La psychiatrie représente près de 10 % des dépenses de l’assurance maladie et le soin demeure majoritairement assuré par les agents du service public. L’Objectif National de Dépenses d’Assurance Maladie croît annuellement entre 2,5 % et 3 %, c’est-à-dire en dessous de l’inflation pour l’année 2024. Mais c’est encore moins pour la psychiatrie : la dotation concernant les activités de psychiatrie n’a augmenté que de 0,88 % entre 2014 et 2018, soit 78,2 millions d’euros. Dans le même temps, les hôpitaux ont subi près de 12 milliards d’euros de coupes budgétaires contraignant les établissements psychiatriques comme les autres à la faillite progressive et à la petite économie quotidienne : sur le matériel, sur l’équipement, sur le personnel et sur les salaires. Contre le soin, depuis trente ans, les gouvernements successifs ont fait le choix de la crise.
Avec le projet de loi de financement de la sécurité sociale 2024, adopté par l’autoritaire 49-3, la tarification à l’acte étend son emprise délétère sur l’activité psychiatrique.
L’activité ambulatoire, par exemple, sera financée par des forfaits variables selon le nombre d’actes par patient, et surtout sur la base de tarifs dégressifs. Il sera donc plus intéressant de recevoir vingt patients une fois, qu’un patient vingt fois : une logique financière aux antipodes de l’accompagnement nécessaire à la relation thérapeutique.
Une personne sur cinq est touchée par un trouble psychique chaque année, soit 13 millions de Français et il est important de noter que personne n’est épargné : Santé publique France révélait en juillet 2023 que 6 élèves de primaire sur 10 souffrent d’un trouble psychique. Pourtant 40 à 60 % des personnes qui le nécessitent ne sont pas pris en charge. Une conséquence directe du manque de moyens et du détricotage de la psychiatrie de secteur dont l’esprit visait à mailler le territoire de façon cohérente. Dans ce contexte, la crise de la psychiatrie est une bombe sociale à retardement.
Comme de nombreux secteurs médicaux, la psychiatrie souffre de la pénurie de professionnels qui conduit à une baisse des possibilités d’accueil et accélère la fermeture des lits et des services.
De surcroît, la discipline fait face à un abaissement des connaissances et une perte de savoir-faire. La formation d’infirmier psychiatrique, disparue en 1990, a laissé un vide jamais comblé. Les médecins généralistes font face à une recrudescence de patients porteurs de troubles sans toujours savoir accompagner ni pouvoir orienter.
Pourtant, face à ce diagnostic, le gouvernement ne souhaite rien régler. C’est pourquoi dans le cadre de l’étude du PLFSS, le groupe insoumis a porté sous la forme d’un « bouquet législatif » des propositions fortes en matière de financement, de maillage territorial, de formation et de dignité. Nous refusons l’extension de la tarification à l’acte (ou basée sur « la dotation à l’activité ») dont le mécanisme produira des effets contre-productifs. Nous réaffirmons la nécessité d’une psychiatrie de secteur dont la vitalité dépend de la bonne santé des Centres médico-psychologiques (CMP) et des Centres d’action médico-sociale précoce (CAMSP). Au-delà du financement et de la géographie, nous défendons un retour de la formation et le développement de la formation continue bénéficiant à tous les professionnels de santé. Aussi, et c’est l’essence de notre engagement, nous portons des propositions visant à garantir la dignité des patients, notamment en limitant les pratiques de contention et d’isolement devenus les symptômes du manque de moyens.
La psychiatrie est en crise, elle attend pour en sortir une vision orientée par les besoins des patients et de leurs proches, en rupture avec la gestion crépusculaire de la macronie.

06.12.2023 à 16:37

CULTURE - 4 films à voir en salle en décembre !

  4 films à voir en décembre !  

Christian Benedetti - Le Journal de l'insoumission n°1780 (décembre 2023)

 

 ET LA FÊTE CONTINUE  ! 

de Robert Guédiguian

Rosa, 60 ans, a sacrifié toute sa vie à son travail d’infirmière, sa famille et à la politique en faveur des plus modestes. À la veille d’une échéance électorale où elle doit jouer un rôle important, elle tombe amoureuse d’un homme, Henri. La voilà tiraillée entre son envie de vivre cette histoire d’amour à fond et son devoir de femme politique. « Ce sont les mobilisations populaires après la tragédie de la rue d’Aubagne (l’effondrement des immeubles qui a fait huit morts en 2018) qui ont permis à la gauche de remporter la mairie de Marseille. Les habitants de la rue d’Aubagne ont fait de la politique à leur manière, sans le savoir. Ce n’est pas non plus un film sur la rue d’Aubagne, mais c’est son centre de gravité. Les personnages tournent autour de cet effondrement et de l’espace vide et blanc comme un linceul tels des électrons autour d’un noyau qui, coïncidence, est occupé par une statue d’Homère, le père de tous les récits… »  

 

 


 

 L’ENLÈVEMENT 

de Marco Bellocchio

C’est l’histoire d’Edgardo Mortara, un jeune enfant juif né à Bologne en 1851, baptisé en secret, bébé, par sa servante, enlevé à sa famille à six ans, sur ordre du pape, et placé dans un institut à Rome. Il sera élevé dans la foi catholique jusqu’à l’âge adulte. Une histoire qui est loin d’être un cas isolé, et qui a secoué l’Italie du XIXe siècle, une pratique répandue à l’époque, exercée au nom de Dieu pour « sauver l’âme » des juifs. Il y eut des centaines de cas depuis les années 1500. La seule manière de récupérer leur enfant était ces conversions secrètes, qui étaient utilisées par les autorités comme levier pour pousser les familles juives à épouser la religion catholique. La famille Mortara, elle, n’a jamais accepté de choisir entre son enfant et sa religion et devient un symbole de la résistance face à l’inquisition.

 

 


 THE OLD OAK 

de Ken Loach

Au nord-est du Royaume-Uni, à Murton, marquée par le chômage la mine a fermé, le pub local, « The Old Oak », lieu social de la solidarité des mineurs autrefois syndiqués contre la violence thatchérienne est le dernier endroit où les habitants se retrouvent… des habitués, d’anciens collègues de la mine, qui font passer le temps devant une bière. L’arrivée de migrants syriens fuyant la guerre et la torture devient pour eux un acte de guerre. II est aussi l’histoire d’un lien qui se noue peu à peu entre une jeune fille qui regarde le monde et les gens à travers son appareil photo, et le propriétaire du pub, qui va faire revivre les vieux rêves de fraternité et de résistance collective, l’accueil et le partage.
« Si on ne se bat pas, qu’est-ce qui reste ? », dit Ken Loach


 

 ANSELM  (Le Bruit du temps) 

de Wim Wenders

Wim Wenders et Anselm Kiefer, sont nés la même année (1945) pas très loin l’un de l’autre. L’un a préféré tourner la page du passé de l’Allemagne et la fuir, l’autre en est resté obsédé et a construit tout autour une œuvre noire…
Ce film de Wim Wenders à travers les personnalités qui ont compté pour lui, notamment le poète Paul Celan et le plasticien Joseph Beuys, nous immerge dans l’œuvre monumentale de l’un des plus grands artistes contemporains.
La quiétude dans l’obscurité et parfois la lumière qui surgit plus intensément encore qu’en plein jour. Né dans la dévastation qui trouve la beauté enfouie sous la cendre, son errance silencieuse dans ses hangars et l’eau qui cicatrise le feu.
Anselm Kiefer questionne la notion de destruction comme personne.
À la fin, Kiefer en funambule, puis le petit garçon qui descend de l’échelle (son double enfant – le petit neveu de Wim Wenders), il finira par le porter sur ses épaules… comme les ailes d’un ange…

01.12.2023 à 14:32

ÉDITO - NOIR DIMANCHE

  NOIR DIMANCHE  

 

 L’image est tragique.  Les conséquences politiques le sont encore plus. Dimanche 12 novembre 2023 est à marquer d’une pierre noire dans l’histoire politique de notre pays. Le jour où l’alliance allant de la macronie à l’extrême droite s’est affichée sans complexe dans les rues de Paris. Le jour où les droites macronistes et LR ont fini de rendre respectable le Rassemblement National. Cet évènement politique majeur marque un franchissement de seuil dans la recomposition politique que les insoumis·es dénoncent depuis des mois. En France, en Europe, le même paysage politique s’installe avec la constitution d’un bloc alliant les droites à l’extrême droite, installant un climat xénophobe de plus en plus présent. Un climat non pas issu de la population mais de la classe politique et médiatique.


Ce n’est pas d’aujourd’hui que les rapprochements ont commencé. De Sarkozy à Ciotti, la droite LR, au gré de ses déconvenues électorales a cru trouver la solution de son salut dans une radicalisation droitière chassant l’électeur sur le terrain de l’extrême droite. Abandonnant au passage la construction de tout projet idéologique, LR navigue à vue depuis plusieurs années. Après la « droite forte » de N. Sarkozy, « la droite décomplexée » de J-F. Copé, « Pour que la France reste la France » de L. Wauquiez, c’est avec le slogan « Autorité, liberté, identité » qu’Eric Ciotti ravit la présidence LR en 2022. Une élection qui parachève un basculement dans le rapport de force interne au profit de celleux qui pensent sauver LR en braconnant à l’extrême droite. Les résultats de cette stratégie ont été ceux que l’on connaît, la droite LR n’en finit pas de s’effondrer, littéralement siphonnée par le RN. Et pourtant, ils continuent de creuser, en témoignent les débats au Sénat sur le vote de la loi immigration, avec l’adoption d’amendements tout droit sortis du programme du RN : suppression de l’AME (aide médicale de l’État), remise en cause du droit du sol, conditionnement des aides sociales, attaque sur le regroupement familial, renforcement de l’arbitraire préfectoral dans l’attribution des titres de séjour…


De son côté, la macronie au pouvoir depuis 2017, élue par deux fois au nom du barrage républicain, est en vérité un viaduc pour l’accession au pouvoir de l’extrême droite. Depuis juin 2022, les rapprochements sont criants avec une complaisance croissante des macronistes vis-à-vis de l’extrême droite (élection de deux vices-présidences RN à l’Assemblée nationale grâce à leurs voix, des votes en commun contre des mesures de justice sociale à l’Assemblée…) et un ministre de l’Intérieur extrême droitisé. En point d’orgue, cette initiative conjointe de marche de Yaël Braun-Pivet et de Gérard Larcher, à laquelle le RN est conviée. Une marche contre l’antisémitisme avec des antisémites. Réaffirmons-le de toutes nos forces, il ne peut y avoir d’union nationale avec un parti fondé par des nazis, dont les statuts ont été déposés en 1972 par J-M. Le Pen et Bousquet, ancien Waffen-SS.


Dès lors cette marche était vouée à l’échec, sauf pour le RN ou Reconquête. Une marche de la haine en vérité, durant laquelle les violences verbales et physiques de l’extrême droite ont pu s’exprimer librement, à Paris mais aussi dans toute la France lorsque cette initiative était reprise. Une violence allant jusqu’à des menaces de mort envers Jean-Luc Mélenchon et tous les insoumis.es ou envers E. Macron. Une initiative à laquelle la gauche d’avant a participé, sous les huées des présent.es, cédant ainsi au diktat ambiant.


À force d’être invités à la table, les chiens sautent dessus et renversent tout sur leur passage. Partout où les droites et la gauche d’avant ont mené des politiques de casse sociale, la misère se répand, nourrissant un ressentiment dangereux envers les dirigeants politiques. Un processus dégagiste qui peut profiter comme en Argentine dernièrement à des candidat.es d’extrême droite. Javier Milei est arrivé au pouvoir à la faveur d’une situation sociale désastreuse (inflation à 140%, 40% de pauvres…), sur un agenda ultra-libéral sur le plan économique et ultra-réactionnaire sur le plan des libertés publiques et sur les questions sociétales. Un fou furieux qui a fait campagne une tronçonneuse à la main pour imager sa volonté de détruire l’État et ses services publics… Un candidat soutenu par la droite argentine au second tour. On pensait avoir connu le pire avec Trump ou Bolsonaro, la bête immonde est féconde. Détruisons-la avant qu’elle ne nous détruise.

22.11.2023 à 20:15

DOSSIER - Palestine - Israël Une paix juste et durable

Arnaud Le Gall - Le Journal de l'insoumission n°1779 (Novembre 2023)

Situation au Proche-Orient - Le point avec Arnaud Le Gall, député LFI-NUPES du Val-d’Oise, membre de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale. Nous vous proposons un dossier sous forme d’entretien.

Depuis des années le conflit entre la Palestine et Israël s’enlise, quelle est votre observation sur cette situation géopolitique inquiétante ?


Penser que l’abandon de toute perspective de règlement politique du conflit aboutirait à sa mise en sommeil définitive a été gravissime. Les conséquences de ce déni vont au-delà de l’intensification de la guerre entre Israël et la Palestine débutée avec le massacre perpétré par le Hamas contre les civils israéliens le 7 octobre, à laquelle Israël a répondu par une vengeance collective contre les civils de Gaza. Les nombreuses tensions et fractures d’une région extrêmement instable se sont immédiatement réveillées, avec des conséquences imprévisibles.


Comment qualifiez-vous ce qui se passe depuis le 7 octobre en Israël et à Gaza ?


Comme la nouvelle séquence d’une guerre, reconnue comme telle par l’ONU. Elle oppose d’un côté un État israélien dont le gouvernement a intensifié sa politique de colonisation illégale depuis des années, et formalisé son déni du droit des Palestiniens à disposer d’un État au terme de négociations sur la base des territoires de 1967, droit pourtant reconnu par l’ONU et l’essentiel de ses États membres ; de l’autre côté un peuple ayant, par la voix de l’Autorité palestinienne le représentant officiellement au yeux de la communauté internationale depuis 1993 et les accords d’Oslo, reconnu officiellement l’État d’Israël, sans rien obtenir en retour, ce qui a favorisé l’ascension du Hamas. Le massacre commis par le Hamas est ignoble et injustifiable, mais « ne tombe pas du ciel », pour reprendre les mots d’Hubert Védrine. C’est un acte de terreur, mais aussi un crime de guerre, voire un crime contre l’humanité, pour reprendre les catégories du droit international en la matière. La vengeance collective décidée en retour contre l’ensemble de la population de Gaza, bombardée et assiégée, est aussi une terreur exercée par un État, un crime de guerre, voire un crime contre l’humanité.


Après ces évènements dramatiques, la France insoumise a fait l’objet d’une cabale médiatico-politique et d’un déchaînement de haine. Pourquoi ?


Il y a plusieurs ingrédients à ce déferlement de propagande, de calomnie et de menaces de mort. De l’opportunisme cynique : c’est une occasion rêvée de tenter de détruire la seule grande force d’opposition populaire et sociale pouvant contrecarrer l’axe extrême centre-extrême droite. Une progression du néoconservatisme et d’une vision binaire d’un monde partagé entre forces du bien et forces du mal. Ici Israël incarne le bien, la « démocratie » face à une « barbarie », dont les propagandistes français ne rappellent jamais qu’elle inclut aux yeux du gouvernement Netanyahou tous les Palestiniens, qualifiés d’« animaux humains ». Cette propagande n’a rien à voir avec la défense légitime d’Israël, et tout à voir avec le racisme. Cela permet aussi de balayer tout questionnement sur les motivations politiques du conflit.
Aucun questionnement n’est plus possible. Par exemple aucun des contempteurs de la France insoumise n’a accepté de relever les citations authentiques de Netanyahou, pourtant commentées dans la presse israélienne, rappelant qu’il a soutenu le Hamas. Ainsi il disait en 2019 devant ses députés : « Quiconque veut contrecarrer la création d’un État palestinien doit soutenir le renforcement du Hamas et transférer de l’argent au Hamas. Cela fait partie de notre stratégie ». Pourquoi est-il si difficile de reconnaître que le gouvernement Netanyahou fait, comme le Hamas, partie du problème et non de la solution ? Parce que cela reviendrait à critiquer le gouvernement d’Israël. Et pour les « soutiens inconditionnels » de ce dernier, critiquer le gouvernement d’Israël c’est être antisémite, ce qui équivaut à une ostracisation du débat public. Il faut donc du courage pour dire la réalité.
Comment et dans quel cadre peut-on retrouver le chemin de la paix au Proche-Orient ? Quel rôle doit jouer la France et la communauté internationale selon vous ?
Jean-Luc Mélenchon, avec d’autres, a rappelé la position traditionnelle de la diplomatie française. De De Gaulle à Chirac en passant par Mitterrand. La France devrait retrouver la position de fer de lance des médiations et d’une solution politique susceptible d’aboutir à une paix juste et durable au Proche-Orient. Objectif inatteignable sans reprise des négociations sur la base des résolutions de l’ONU. Et ces négociations ne pourront pas reprendre sans pression internationale contraignant le gouvernement israélien à laisser ré-insuffler une légitimité et une capacité d’action à l’Autorité palestinienne, seul interlocuteur légitime pour négocier la paix. Seule, la France n’a pas le pouvoir de faire aboutir cela, mais elle a le pouvoir de mettre les mots sur les choses.
Mais on en est loin. La réponse politique du gouvernement a été désastreuse. Il a commencé par criminaliser toute expression de soutien à la Palestine, et n’a rien dit sur le traitement criminel infligé par Israël aux Palestiniens de Gaza, ni sur la nécessité d’un cessez-le-feu. Il a accrédité l’idée antihumaniste et désastreuse qu’une vie israélienne et une vie palestinienne ne se valent pas. Puis Emmanuel Macron a semé la confusion en reprenant à son compte une rhétorique de la « guerre au terrorisme » totalement inadaptée, avant d’être démenti… par les services de l’Élysée. Il a ensuite énoncé quelques généralités sur la nécessité d’une « solution politique » sans en préciser ni les contours ni le moyen d’y parvenir.

22.11.2023 à 20:09

ÉDITO - 2 + 2 = 5

  2 + 2 = 5  

Ces dernières semaines ont été le théâtre d’un nouvel exercice de manipulation des masses. Un énième épisode qui en serait presque banal s’il ne prenait pas appui sur des évènements tragiques et barbares. Car cette fois-ci, c’est sur le dos des morts au Proche-Orient que s’est orchestrée la cabale politico-médiatique contre les insoumis.es.
Une campagne de mise au ban de la société contre la principale force d’opposition en France et force centrale à gauche. Pas étonnant que la droite macroniste et LR ainsi que les opposant·es internes historiques à la NUPES se soient trouvé un intérêt convergent à pilonner le mouvement insoumis. Quitte à mettre une cible dans le dos des insoumis·es. Quitte à donner au Rassemblement national de nouveaux brevets de respectabilité.
Au-delà de cette entreprise politicienne, il devient impossible de penser dans ce tourbillon médiatique. Les faits objectifs sont noyés. Chaque mot, chaque virgule, chaque expression est décortiquée pour en tirer la nouvelle polémique du moment.
La tension entre vérité et politique n’est pas nouvelle. La notion de vérité a fait l’objet au fil des âges de diverses analyses philosophiques. Pour Machiavel, plus qu’être vertueux, le prince doit surtout paraître vertueux. Entre la vérité rationnelle (liée à la nature des choses et donc immuable) et l’opinion, on trouve la notion de vérité de faits qui est plus contingente. À l’ère de l’information globalisée et du relativisme grandissant, cette vérité est très fragilisée jusqu’à devenir une opinion. Dans ce contexte, la discussion perd tout sens et il devient difficile de créer du monde commun permettant ensuite de confronter des réponses différentes selon les valeurs mobilisées par les un·es et les autres.
Quand les débats scientifiques s’appuient sur des éléments rationnels et objectifs dans une sorte de mise à distance, le débat politique et démocratique est lui plus passionnel et émotionnel. Un terrain adéquat pour celleux qui ont tout intérêt à attiser les passions populaires pour mieux les manipuler. C’est l’ère de la post-vérité. Donald Trump en a fait sa marque de fabrique : décréter de nouvelles vérités et les propager jusqu’à ce qu’elles s’imposent à force d’être reprises massivement. Au Brésil, le ministre de l’économie Paulo Guedes martelait que l’économie brésilienne décollait quand les indicateurs économiques montraient le contraire. En France, Bruno Le Maire affirme depuis des mois que l’on a atteint le pic de l’inflation quand les chiffres disent le contraire. G. Darmanin pratique lui une hyper-communication dangereuse comme en témoignent ses dernières sorties où ses opposants sont accusés de faire l’apologie du terrorisme, où une star du foot est suspectée de soutenir le Hamas quand elle s’émeut du destin des populations palestiniennes. Son prénom Karim n’étant peut-être pas tout à fait étranger à cette suspicion subite.
« Celui qui contrôle le passé contrôle l’avenir, celui qui contrôle le présent contrôle le passé » lit-on dans le chef d’œuvre de Georges Orwell, 1984. Un récit qui ne cesse d’être d’actualité. Auteur de la postface d’une nouvelle édition, le journaliste et écrivain Ronaldo Bressane écrit : « L’intention des « fake news », est de créer un récit, une vision du monde, pour que les partisans des gouvernements fascistes et autoritaires croient en quelque chose qui ne se produit pas, une réalité parallèle. »
Quand on ne sait plus où se situe vraiment la réalité objective, la conflictualité, inhérente à la démocratie, devient plus que salutaire, elle est vitale. Elle signifie débattre, confronter ses idées et désaccords, accepter parfois de changer d’avis. Elle favorise la construction collective d’une opinion publique éclairée et conscientisée. Que ce soit dans le cadre constitutionnel de la 5ème République qui permet à un président de gouverner à coups de 49-3 ou dans le cadre médiatique où le débat est confisqué par des polémiques entretenues, notre démocratie étouffe de ce manque de conflictualité, caricaturée sous le vocable de « violence » et du « parler fort ».
Georges Orwell écrit depuis son lit d’hôpital en 1949, au sujet de son livre 1984 : « La morale à tirer de cette dangereuse situation cauchemardesque est simple : ne la laissez pas se produire. Cela dépend de vous. »
Les régimes totalitaires ou fascisants ne s’imposent pas nécessairement par la force. La manipulation d’opinion est un formidable outil de conquête du pouvoir. Faisons en sorte que cela ne nous arrive pas. Cela dépend de nous.

12.09.2023 à 16:51

Coup de crayon insoumis

Coup de crayon insoumis

Dessin de Presse de KURT


07.07.2016 à 15:57

DOSSIER - Immigration : la désintox !

Elisa Martin - Le Journal de l'insoumission n°1778 (Octobre 2023)

 

Crise migratoire ou crise de l’accueil : il est temps de changer de prisme pour faire face à la future loi immigration !

 

Sénat puis Assemblée nationale vont examiner la 21e loi sur l’immigration en vingt-deux ans. D’emblée cette accumulation interroge. Faut-il l’interpréter comme un échec des précédentes lois ? Depuis 2015, le pays s’est fermé : la pleine application de l'accord de Schengen a été levée avec un rétablissement de contrôles aux frontières. Si l’on doutait de la fermeture de nos frontières, il est possible d’évoquer ces lieux, dits de mise à l’abri, dont un se trouve à la frontière franco-italienne, à Menton. Dans ces lieux, les personnes dont femmes et enfants sont retenus sans droit, ni titre. Leur crime : avoir traversé la frontière. Elles sont maintenues le temps d’être renvoyées de l’autre côté, refoulées. Face à cela, les exilés finissent par courir tous les dangers pour entrer et ce, quelle que soit la hauteur des murs ou des sommets alpins.
La France terre d’accueil ? Le taux d’immigration actuel, c’est-à-dire le nombre d’entrées rapporté au nombre d’habitants, s’élève à 0,4. C’est deux fois moins que l’Allemagne, la Belgique ou les Pays-Bas et trois fois moins que la Suède et l’Autriche. Un pays forteresse dans une Europe forteresse qui engendre toujours plus de morts et de disparus,
dans une déshumanisation totale. En 2023, au moins 2 000 personnes dont des femmes et près de 300 enfants ont péri dans la mer Méditerranée. Ce chiffre ne tient pas compte des très nombreux disparus. Un véritable cimetière à ciel ouvert.
La réalité est là : des gens meurent par milliers et la France se protège derrière ses remparts. La France pays des Droits de l’Homme n’est aujourd’hui que l’ombre d’elle-même, avec un gouvernement ne misant que sur l’expulsion face à ce qu’il qualifie de grande vague migratoire. Pourtant et actuellement, 86 % des personnes déracinées vivent dans des pays en développement d’après Oxfam. Seule une minorité arrive jusqu’en Europe. Voilà la réalité : il n’est question ni de grande vague migratoire et encore moins de grand remplacement !


Vers un accord entre Macron, LR et l’extrême droite ?


Le projet de loi Darmanin compte restreindre le droit des étrangers, avec, entre autres, une accélération des prononcés d’Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF). Le gouvernement s’est aussi dit ouvert à une discussion sur la remise en cause de l’Aide Médicale d’État. Une restriction de l’accès au droit d’asile est également annoncée : le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés ne sera plus représenté lors des jugements.
L’accès à un titre de séjour provisoire d’une année pour exercer un métier en tension, dont la liste est variable d’une année à l’autre et d’un département à l’autre, a pour objectif premier d’augmenter le réservoir de main-d’œuvre en faveur du patronat, pas de sécuriser durablement les exilés.
Au lieu de durcir encore la politique migratoire de la France, et de se détacher davantage du respect des droits humains fondamentaux, il est temps de changer de prisme et de régler la crise de l’accueil. L’heure est à l’ouverture, à la coopération et au développement de moyens pour permettre à chacun de ne pas avoir à s’exiler, pour accueillir dignement ceux qui arrivent jusqu’en France (dont les mineurs), et faire respecter strictement le droit d’asile. Pour prendre pleinement en considération « l’effondrement climatique » qui touche notre planète selon le secrétaire général de l’ONU, un statut de réfugié climatique doit être créé. L’heure est de se rappeler que les droits humains s’appliquent de manière inconditionnelle : les hommes, femmes et enfants exilés n’en sont pas une exception.

 


Les vrais chiffres de l’immigration 

  • 86% des réfugié.es sont accueilli.es dans un pays en développement (source : UNHCR, 2020)
  • 97% de la population mondiale est actuellement sédentaire (source : ONU)
  • L’accès aux soins pour les personnes sans titre de séjour représente 0,4% de l’ensemble des dépenses de santé françaises (source : mutualité française 2021)
  • Les personnes qui ont obtenu l’asile en France en 2021 ne représentent que 0,07% de la population (source : ministère de l’Intérieur 2021/INSEE 2022)
  • La population étrangère vivant en France représente 7,8% de la population totale (source : INSEE)
  • Sur la période 2006-2018, la contribution budgétaire nette des personnes nées à l’étranger est de + 1,02 % du PIB (source : OCDE)
  • Les personnes sans papiers n’ont pas le droit aux prestations sociales à l’exception de l’aide médicale d’État (source : code du travail, code de la sécurité sociale, code de l’action sociale)
  • Depuis 2012, la France a été condamnée 8 fois par la Cour européenne des droits de l’Homme pour avoir enfermé des familles avec enfants en rétention (source : CEDH)

09.01.2009 à 14:16

ACTUALITÉS

Tous les mois retrouvez ici un article du dernier numéro du Journal de l'insoumission

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