08.01.2024 à 14:15
ÉDITO - 2024. Rallumons la lumière
Historique et combative, l’année 2023 fut aussi tragique et dangereuse.
Janvier 2023. La plus grande mobilisation sociale depuis plus de 30 ans démarre. Envers et contre tout, E. Macron et son gouvernement usent et abusent des outils de la Ve République pour imposer par la force leur contre-réforme des retraites. Alors que les Français es souffrent sous l’effet de l’inflation et de la stagnation des salaires, la macronie leur arrache deux ans de vie.
Mars 2023. Sainte-Soline. Une répression d’une violence inouïe s’abat sur les citoyen.nes venu.es protester contre l’installation de méga-bassines. En quelques heures, des milliers de grenades dont certaines classées comme armes de guerre, sont tirées pour protéger… un trou. À ces violences policières orchestrées, G. Darmanin tenta d’y adjoindre le bâillon en prononçant la dissolution du collectif des Soulèvements de la terre. La justice administrative suspendra puis annulera cette décision.
Juin 2023. Nahel meurt. Abattu par un policier suite à un refus d’obtempérer. S’en suivront des révoltes urbaines auxquelles le gouvernement répondit par la répression et la culpabilisation des parents. Rien pour rétablir l’égalité républicaine à laquelle ont droit les habitant·es de nos quartiers populaires.
Septembre 2023. Un gouvernement dopé à l’autoritarisme. À peine les travaux parlementaires reprennent-ils qu’E. Borne annonce son 12e 49-3 depuis juin 2022. Depuis lors, les 49-3 se sont enchaînés avec les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale 2024. Vingt-trois 49-3 depuis juin 2022.
Octobre 2023. Proche-Orient. Aux crimes de guerre commis par le Hamas contre Israël, le gouvernement d’extrême droite de Netanyahu répond par des crimes de guerre contre les gazaouis. Une escalade dans la violence dont les civils paient le prix fort dans le silence assourdissant du gouvernement français qui après avoir apporté son « soutien inconditionnel » au gouvernement israélien, a tergiversé durant des semaines avant d’appeler à un cessez-le-feu. Le peuple français, comme ailleurs dans le monde, s’est lui mobilisé pour exiger la fin des massacres.
Décembre 2023. COP28. Organisée par un pays producteur de pétrole et présidée par le ministre émirati, patron du géant pétrolier ADNOC, 12e plus grande entreprise pétrolière, les choses s’engageaient mal. L’accord « appelle » les États à une « transition hors des énergies fossiles », tout en considérant le gaz fossile comme une solution permettant cette transition (sic). Les mots utilisés sont révélateurs : « transition » et non « sortie ». Les États sont « appelés » et non « décident » ou sont « contraints ». Cet appel pourra être réinterprété à l’aune des « circonstances nationales ». Cet accord à défaut d’être « historique » n’est qu’un vœu pieux sans plan d’action, sans agenda ni objectifs réels. Et ce n’est pas de sa prochaine édition, la COP29 qui aura lieu en Azerbaïdjan dont l’économie dépend à 90 % du pétrole et du gaz, qu’il faut espérer notre salut.
19 décembre 2023. La France des Lumières laisse place à la France des ténèbres. Après une année marquée par la montée des idées et de la violence d’extrême droite, après des débats à vomir sur les plateaux télé ou dans l’hémicycle et malgré le vote d’une motion de rejet préalable contre la loi immigration, E. Macron et son gouvernement ouvrent la porte au programme du Front et désormais Rassemblement national. Par 349 voix dont 88 voix du RN, le trio Macron-Ciotti-Lepen adopte une loi qui instaure la préférence nationale en matière de prestations sociales, la remise en cause du droit du sol - histoire de notre pays depuis plus de 5 siècles - la déchéance de nationalité, la caution pour les étudiant·es étranger·es, un pouvoir discrétionnaire du préfet renforcé en matière de régularisation des travailleurs sans papier. Macron défigure la France.
Durant toute cette année 2023, les élites dirigeantes ont encore une fois démontré leur incapacité à répondre aux attentes et besoins du peuple. Jusqu’à livrer notre pays au fascisme.
Il n’y a pas de fatalité. Il y a un an et demi, les forces de la NUPES se sont rassemblées autour d’un programme de rupture et ont montré qu’un autre chemin est possible. Face à la noirceur qui envahit le ciel de France, chacun·e doit prendre ses responsabilités. Avec en ligne de mire les élections Européennes de juin prochain, l’Union Populaire face à l’union réactionnaire, c’est le vœu que chacun·e d’entre nous doit formuler pour 2024 et participer à construire.
19.12.2023 à 18:01
ÉCOLE DU JARDIN PLANETAIRE - Le Fusain d'Europe
ÉCOLE DU JARDIN PLANETAIRE
par Fabien NEGRELLO Photos de Floriane KARAS - Le Journal de l'insoumission n°1781 (Janvier 2024)
Me voilà… Le fusain d’Europe !
Euonymus europaeus pour ceux qui veulent parler latin.
Je suis un arbuste que l’on trouve un petit peu partout en France, sauf près de la Méditerranée. Je suis robuste, je peux par exemple résister à des températures de -30 degrés.
Mes fruits rouges te donnent envie de les croquer ? Abstiens-toi ! En effet je suis toxique. Toxique, mais pas pour tout le monde. Comme quelques autres, ma production fructifère se fait à l’automne.
C’est peut-être un détail pour vous, mais pour moi ça veut dire beaucoup ! Enfin, pour moi mais surtout pour les oiseaux. Ces derniers se régalent de mes fruits, ils leur donnent des forces pour passer l’hiver. Les oiseaux se nourrissent de ma production mais ce n’est pas ma seule utilisation. En effet la couleur de mes feuilles qui virent au rouge fait qu’on me retrouve beaucoup dans les haies d’ornement pour embellir les jardins.
Alors, je résume, je suis toxique, mes fruits nourrissent les oiseaux à une période où ils en ont bien besoin et je suis joli !
Et puis ce qui est particulier avec moi, c’est que tu m’as peut-être vu, même si tu ne t’es jamais baladée dans la nature… Quel végétal peut se venter de quelquefois tenir entre les doigts de l’artiste qui va redessiner le monde au gré de son imagination ?
Toi aussi tu veux faire pareil ? Je ne suis pas égoïste je vais te dire comment faire. Et surtout, répète-le à tout le monde !
Déjà, il va falloir me retrouver. Si tu regardes les photos qui illustrent cet article, cela ne devrait pas être trop compliqué. Ensuite avec un sécateur, prélève quelques-unes de mes branches pour en faire des morceaux de 7 cm de longueur. Il faudra que tu enlèves l’écorce avec un couteau, un ciseau, un économe, bref, tu as compris le principe.
Maintenant, il va falloir s’occuper de la carbonisation. Place les morceaux découpés dans une boite de conserve, que tu recouvriras ensuite d’un papier d’aluminium. Tu devras percer ce dernier d’un petit trou, avec une aiguille par exemple. Il faudra que tu places la boite sur le feu, un barbecue où un réchaud à gaz. Quand une flamme sortira du trou, il faudra placer l’ensemble dans l’eau froide. Quand le tout aura refroidi, je te laisse la main, je serai à l’intérieur de celle-ci pour prolonger ton inspiration et dessiner les contours de ce que tu souhaites partager avec ta feuille blanche…
19.12.2023 à 17:53
DOSSIER - Psychiatrie, le choix a la crise
DOSSIER
par Élise LEBOUCHER, députée LFI-Nupes de la Sarthe - Le Journal de l'insoumission n°1781 (Janvier 2024)
La psychiatrie représente près de 10 % des dépenses de l’assurance maladie et le soin demeure majoritairement assuré par les agents du service public. L’Objectif National de Dépenses d’Assurance Maladie croît annuellement entre 2,5 % et 3 %, c’est-à-dire en dessous de l’inflation pour l’année 2024. Mais c’est encore moins pour la psychiatrie : la dotation concernant les activités de psychiatrie n’a augmenté que de 0,88 % entre 2014 et 2018, soit 78,2 millions d’euros. Dans le même temps, les hôpitaux ont subi près de 12 milliards d’euros de coupes budgétaires contraignant les établissements psychiatriques comme les autres à la faillite progressive et à la petite économie quotidienne : sur le matériel, sur l’équipement, sur le personnel et sur les salaires. Contre le soin, depuis trente ans, les gouvernements successifs ont fait le choix de la crise.
Avec le projet de loi de financement de la sécurité sociale 2024, adopté par l’autoritaire 49-3, la tarification à l’acte étend son emprise délétère sur l’activité psychiatrique.
L’activité ambulatoire, par exemple, sera financée par des forfaits variables selon le nombre d’actes par patient, et surtout sur la base de tarifs dégressifs. Il sera donc plus intéressant de recevoir vingt patients une fois, qu’un patient vingt fois : une logique financière aux antipodes de l’accompagnement nécessaire à la relation thérapeutique.
Une personne sur cinq est touchée par un trouble psychique chaque année, soit 13 millions de Français et il est important de noter que personne n’est épargné : Santé publique France révélait en juillet 2023 que 6 élèves de primaire sur 10 souffrent d’un trouble psychique. Pourtant 40 à 60 % des personnes qui le nécessitent ne sont pas pris en charge. Une conséquence directe du manque de moyens et du détricotage de la psychiatrie de secteur dont l’esprit visait à mailler le territoire de façon cohérente. Dans ce contexte, la crise de la psychiatrie est une bombe sociale à retardement.
Comme de nombreux secteurs médicaux, la psychiatrie souffre de la pénurie de professionnels qui conduit à une baisse des possibilités d’accueil et accélère la fermeture des lits et des services.
De surcroît, la discipline fait face à un abaissement des connaissances et une perte de savoir-faire. La formation d’infirmier psychiatrique, disparue en 1990, a laissé un vide jamais comblé. Les médecins généralistes font face à une recrudescence de patients porteurs de troubles sans toujours savoir accompagner ni pouvoir orienter.
Pourtant, face à ce diagnostic, le gouvernement ne souhaite rien régler. C’est pourquoi dans le cadre de l’étude du PLFSS, le groupe insoumis a porté sous la forme d’un « bouquet législatif » des propositions fortes en matière de financement, de maillage territorial, de formation et de dignité. Nous refusons l’extension de la tarification à l’acte (ou basée sur « la dotation à l’activité ») dont le mécanisme produira des effets contre-productifs. Nous réaffirmons la nécessité d’une psychiatrie de secteur dont la vitalité dépend de la bonne santé des Centres médico-psychologiques (CMP) et des Centres d’action médico-sociale précoce (CAMSP). Au-delà du financement et de la géographie, nous défendons un retour de la formation et le développement de la formation continue bénéficiant à tous les professionnels de santé. Aussi, et c’est l’essence de notre engagement, nous portons des propositions visant à garantir la dignité des patients, notamment en limitant les pratiques de contention et d’isolement devenus les symptômes du manque de moyens.
La psychiatrie est en crise, elle attend pour en sortir une vision orientée par les besoins des patients et de leurs proches, en rupture avec la gestion crépusculaire de la macronie.
06.12.2023 à 16:37
CULTURE - 4 films à voir en salle en décembre !
Christian Benedetti - Le Journal de l'insoumission n°1780 (décembre 2023)
Rosa, 60 ans, a sacrifié toute sa vie à son travail d’infirmière, sa famille et à la politique en faveur des plus modestes. À la veille d’une échéance électorale où elle doit jouer un rôle important, elle tombe amoureuse d’un homme, Henri. La voilà tiraillée entre son envie de vivre cette histoire d’amour à fond et son devoir de femme politique. « Ce sont les mobilisations populaires après la tragédie de la rue d’Aubagne (l’effondrement des immeubles qui a fait huit morts en 2018) qui ont permis à la gauche de remporter la mairie de Marseille. Les habitants de la rue d’Aubagne ont fait de la politique à leur manière, sans le savoir. Ce n’est pas non plus un film sur la rue d’Aubagne, mais c’est son centre de gravité. Les personnages tournent autour de cet effondrement et de l’espace vide et blanc comme un linceul tels des électrons autour d’un noyau qui, coïncidence, est occupé par une statue d’Homère, le père de tous les récits… »
C’est l’histoire d’Edgardo Mortara, un jeune enfant juif né à Bologne en 1851, baptisé en secret, bébé, par sa servante, enlevé à sa famille à six ans, sur ordre du pape, et placé dans un institut à Rome. Il sera élevé dans la foi catholique jusqu’à l’âge adulte. Une histoire qui est loin d’être un cas isolé, et qui a secoué l’Italie du XIXe siècle, une pratique répandue à l’époque, exercée au nom de Dieu pour « sauver l’âme » des juifs. Il y eut des centaines de cas depuis les années 1500. La seule manière de récupérer leur enfant était ces conversions secrètes, qui étaient utilisées par les autorités comme levier pour pousser les familles juives à épouser la religion catholique. La famille Mortara, elle, n’a jamais accepté de choisir entre son enfant et sa religion et devient un symbole de la résistance face à l’inquisition.
Au nord-est du Royaume-Uni, à Murton, marquée par le chômage la mine a fermé, le pub local, « The Old Oak », lieu social de la solidarité des mineurs autrefois syndiqués contre la violence thatchérienne est le dernier endroit où les habitants se retrouvent… des habitués, d’anciens collègues de la mine, qui font passer le temps devant une bière. L’arrivée de migrants syriens fuyant la guerre et la torture devient pour eux un acte de guerre. II est aussi l’histoire d’un lien qui se noue peu à peu entre une jeune fille qui regarde le monde et les gens à travers son appareil photo, et le propriétaire du pub, qui va faire revivre les vieux rêves de fraternité et de résistance collective, l’accueil et le partage.
« Si on ne se bat pas, qu’est-ce qui reste ? », dit Ken Loach
Wim Wenders et Anselm Kiefer, sont nés la même année (1945) pas très loin l’un de l’autre. L’un a préféré tourner la page du passé de l’Allemagne et la fuir, l’autre en est resté obsédé et a construit tout autour une œuvre noire…
Ce film de Wim Wenders à travers les personnalités qui ont compté pour lui, notamment le poète Paul Celan et le plasticien Joseph Beuys, nous immerge dans l’œuvre monumentale de l’un des plus grands artistes contemporains.
La quiétude dans l’obscurité et parfois la lumière qui surgit plus intensément encore qu’en plein jour. Né dans la dévastation qui trouve la beauté enfouie sous la cendre, son errance silencieuse dans ses hangars et l’eau qui cicatrise le feu.
Anselm Kiefer questionne la notion de destruction comme personne.
À la fin, Kiefer en funambule, puis le petit garçon qui descend de l’échelle (son double enfant – le petit neveu de Wim Wenders), il finira par le porter sur ses épaules… comme les ailes d’un ange…
01.12.2023 à 14:32
NOIR DIMANCHE
L’image est tragique. Les conséquences politiques le sont encore plus. Dimanche 12 novembre 2023 est à marquer d’une pierre noire dans l’histoire politique de notre pays. Le jour où l’alliance allant de la macronie à l’extrême droite s’est affichée sans complexe dans les rues de Paris. Le jour où les droites macronistes et LR ont fini de rendre respectable le Rassemblement National. Cet évènement politique majeur marque un franchissement de seuil dans la recomposition politique que les insoumis·es dénoncent depuis des mois. En France, en Europe, le même paysage politique s’installe avec la constitution d’un bloc alliant les droites à l’extrême droite, installant un climat xénophobe de plus en plus présent. Un climat non pas issu de la population mais de la classe politique et médiatique.
Ce n’est pas d’aujourd’hui que les rapprochements ont commencé. De Sarkozy à Ciotti, la droite LR, au gré de ses déconvenues électorales a cru trouver la solution de son salut dans une radicalisation droitière chassant l’électeur sur le terrain de l’extrême droite. Abandonnant au passage la construction de tout projet idéologique, LR navigue à vue depuis plusieurs années. Après la « droite forte » de N. Sarkozy, « la droite décomplexée » de J-F. Copé, « Pour que la France reste la France » de L. Wauquiez, c’est avec le slogan « Autorité, liberté, identité » qu’Eric Ciotti ravit la présidence LR en 2022. Une élection qui parachève un basculement dans le rapport de force interne au profit de celleux qui pensent sauver LR en braconnant à l’extrême droite. Les résultats de cette stratégie ont été ceux que l’on connaît, la droite LR n’en finit pas de s’effondrer, littéralement siphonnée par le RN. Et pourtant, ils continuent de creuser, en témoignent les débats au Sénat sur le vote de la loi immigration, avec l’adoption d’amendements tout droit sortis du programme du RN : suppression de l’AME (aide médicale de l’État), remise en cause du droit du sol, conditionnement des aides sociales, attaque sur le regroupement familial, renforcement de l’arbitraire préfectoral dans l’attribution des titres de séjour…
De son côté, la macronie au pouvoir depuis 2017, élue par deux fois au nom du barrage républicain, est en vérité un viaduc pour l’accession au pouvoir de l’extrême droite. Depuis juin 2022, les rapprochements sont criants avec une complaisance croissante des macronistes vis-à-vis de l’extrême droite (élection de deux vices-présidences RN à l’Assemblée nationale grâce à leurs voix, des votes en commun contre des mesures de justice sociale à l’Assemblée…) et un ministre de l’Intérieur extrême droitisé. En point d’orgue, cette initiative conjointe de marche de Yaël Braun-Pivet et de Gérard Larcher, à laquelle le RN est conviée. Une marche contre l’antisémitisme avec des antisémites. Réaffirmons-le de toutes nos forces, il ne peut y avoir d’union nationale avec un parti fondé par des nazis, dont les statuts ont été déposés en 1972 par J-M. Le Pen et Bousquet, ancien Waffen-SS.
Dès lors cette marche était vouée à l’échec, sauf pour le RN ou Reconquête. Une marche de la haine en vérité, durant laquelle les violences verbales et physiques de l’extrême droite ont pu s’exprimer librement, à Paris mais aussi dans toute la France lorsque cette initiative était reprise. Une violence allant jusqu’à des menaces de mort envers Jean-Luc Mélenchon et tous les insoumis.es ou envers E. Macron. Une initiative à laquelle la gauche d’avant a participé, sous les huées des présent.es, cédant ainsi au diktat ambiant.
À force d’être invités à la table, les chiens sautent dessus et renversent tout sur leur passage. Partout où les droites et la gauche d’avant ont mené des politiques de casse sociale, la misère se répand, nourrissant un ressentiment dangereux envers les dirigeants politiques. Un processus dégagiste qui peut profiter comme en Argentine dernièrement à des candidat.es d’extrême droite. Javier Milei est arrivé au pouvoir à la faveur d’une situation sociale désastreuse (inflation à 140%, 40% de pauvres…), sur un agenda ultra-libéral sur le plan économique et ultra-réactionnaire sur le plan des libertés publiques et sur les questions sociétales. Un fou furieux qui a fait campagne une tronçonneuse à la main pour imager sa volonté de détruire l’État et ses services publics… Un candidat soutenu par la droite argentine au second tour. On pensait avoir connu le pire avec Trump ou Bolsonaro, la bête immonde est féconde. Détruisons-la avant qu’elle ne nous détruise.
22.11.2023 à 20:15
DOSSIER - Palestine - Israël Une paix juste et durable
Arnaud Le Gall - Le Journal de l'insoumission n°1779 (Novembre 2023)
Situation au Proche-Orient - Le point avec Arnaud Le Gall, député LFI-NUPES du Val-d’Oise, membre de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale. Nous vous proposons un dossier sous forme d’entretien.
Depuis des années le conflit entre la Palestine et Israël s’enlise, quelle est votre observation sur cette situation géopolitique inquiétante ?
Penser que l’abandon de toute perspective de règlement politique du conflit aboutirait à sa mise en sommeil définitive a été gravissime. Les conséquences de ce déni vont au-delà de l’intensification de la guerre entre Israël et la Palestine débutée avec le massacre perpétré par le Hamas contre les civils israéliens le 7 octobre, à laquelle Israël a répondu par une vengeance collective contre les civils de Gaza. Les nombreuses tensions et fractures d’une région extrêmement instable se sont immédiatement réveillées, avec des conséquences imprévisibles.
Comment qualifiez-vous ce qui se passe depuis le 7 octobre en Israël et à Gaza ?
Comme la nouvelle séquence d’une guerre, reconnue comme telle par l’ONU. Elle oppose d’un côté un État israélien dont le gouvernement a intensifié sa politique de colonisation illégale depuis des années, et formalisé son déni du droit des Palestiniens à disposer d’un État au terme de négociations sur la base des territoires de 1967, droit pourtant reconnu par l’ONU et l’essentiel de ses États membres ; de l’autre côté un peuple ayant, par la voix de l’Autorité palestinienne le représentant officiellement au yeux de la communauté internationale depuis 1993 et les accords d’Oslo, reconnu officiellement l’État d’Israël, sans rien obtenir en retour, ce qui a favorisé l’ascension du Hamas. Le massacre commis par le Hamas est ignoble et injustifiable, mais « ne tombe pas du ciel », pour reprendre les mots d’Hubert Védrine. C’est un acte de terreur, mais aussi un crime de guerre, voire un crime contre l’humanité, pour reprendre les catégories du droit international en la matière. La vengeance collective décidée en retour contre l’ensemble de la population de Gaza, bombardée et assiégée, est aussi une terreur exercée par un État, un crime de guerre, voire un crime contre l’humanité.
Après ces évènements dramatiques, la France insoumise a fait l’objet d’une cabale médiatico-politique et d’un déchaînement de haine. Pourquoi ?
Il y a plusieurs ingrédients à ce déferlement de propagande, de calomnie et de menaces de mort. De l’opportunisme cynique : c’est une occasion rêvée de tenter de détruire la seule grande force d’opposition populaire et sociale pouvant contrecarrer l’axe extrême centre-extrême droite. Une progression du néoconservatisme et d’une vision binaire d’un monde partagé entre forces du bien et forces du mal. Ici Israël incarne le bien, la « démocratie » face à une « barbarie », dont les propagandistes français ne rappellent jamais qu’elle inclut aux yeux du gouvernement Netanyahou tous les Palestiniens, qualifiés d’« animaux humains ». Cette propagande n’a rien à voir avec la défense légitime d’Israël, et tout à voir avec le racisme. Cela permet aussi de balayer tout questionnement sur les motivations politiques du conflit.
Aucun questionnement n’est plus possible. Par exemple aucun des contempteurs de la France insoumise n’a accepté de relever les citations authentiques de Netanyahou, pourtant commentées dans la presse israélienne, rappelant qu’il a soutenu le Hamas. Ainsi il disait en 2019 devant ses députés : « Quiconque veut contrecarrer la création d’un État palestinien doit soutenir le renforcement du Hamas et transférer de l’argent au Hamas. Cela fait partie de notre stratégie ». Pourquoi est-il si difficile de reconnaître que le gouvernement Netanyahou fait, comme le Hamas, partie du problème et non de la solution ? Parce que cela reviendrait à critiquer le gouvernement d’Israël. Et pour les « soutiens inconditionnels » de ce dernier, critiquer le gouvernement d’Israël c’est être antisémite, ce qui équivaut à une ostracisation du débat public. Il faut donc du courage pour dire la réalité.
Comment et dans quel cadre peut-on retrouver le chemin de la paix au Proche-Orient ? Quel rôle doit jouer la France et la communauté internationale selon vous ?
Jean-Luc Mélenchon, avec d’autres, a rappelé la position traditionnelle de la diplomatie française. De De Gaulle à Chirac en passant par Mitterrand. La France devrait retrouver la position de fer de lance des médiations et d’une solution politique susceptible d’aboutir à une paix juste et durable au Proche-Orient. Objectif inatteignable sans reprise des négociations sur la base des résolutions de l’ONU. Et ces négociations ne pourront pas reprendre sans pression internationale contraignant le gouvernement israélien à laisser ré-insuffler une légitimité et une capacité d’action à l’Autorité palestinienne, seul interlocuteur légitime pour négocier la paix. Seule, la France n’a pas le pouvoir de faire aboutir cela, mais elle a le pouvoir de mettre les mots sur les choses.
Mais on en est loin. La réponse politique du gouvernement a été désastreuse. Il a commencé par criminaliser toute expression de soutien à la Palestine, et n’a rien dit sur le traitement criminel infligé par Israël aux Palestiniens de Gaza, ni sur la nécessité d’un cessez-le-feu. Il a accrédité l’idée antihumaniste et désastreuse qu’une vie israélienne et une vie palestinienne ne se valent pas. Puis Emmanuel Macron a semé la confusion en reprenant à son compte une rhétorique de la « guerre au terrorisme » totalement inadaptée, avant d’être démenti… par les services de l’Élysée. Il a ensuite énoncé quelques généralités sur la nécessité d’une « solution politique » sans en préciser ni les contours ni le moyen d’y parvenir.
22.11.2023 à 20:09
2 + 2 = 5
Ces dernières semaines ont été le théâtre d’un nouvel exercice de manipulation des masses. Un énième épisode qui en serait presque banal s’il ne prenait pas appui sur des évènements tragiques et barbares. Car cette fois-ci, c’est sur le dos des morts au Proche-Orient que s’est orchestrée la cabale politico-médiatique contre les insoumis.es.
Une campagne de mise au ban de la société contre la principale force d’opposition en France et force centrale à gauche. Pas étonnant que la droite macroniste et LR ainsi que les opposant·es internes historiques à la NUPES se soient trouvé un intérêt convergent à pilonner le mouvement insoumis. Quitte à mettre une cible dans le dos des insoumis·es. Quitte à donner au Rassemblement national de nouveaux brevets de respectabilité.
Au-delà de cette entreprise politicienne, il devient impossible de penser dans ce tourbillon médiatique. Les faits objectifs sont noyés. Chaque mot, chaque virgule, chaque expression est décortiquée pour en tirer la nouvelle polémique du moment.
La tension entre vérité et politique n’est pas nouvelle. La notion de vérité a fait l’objet au fil des âges de diverses analyses philosophiques. Pour Machiavel, plus qu’être vertueux, le prince doit surtout paraître vertueux. Entre la vérité rationnelle (liée à la nature des choses et donc immuable) et l’opinion, on trouve la notion de vérité de faits qui est plus contingente. À l’ère de l’information globalisée et du relativisme grandissant, cette vérité est très fragilisée jusqu’à devenir une opinion. Dans ce contexte, la discussion perd tout sens et il devient difficile de créer du monde commun permettant ensuite de confronter des réponses différentes selon les valeurs mobilisées par les un·es et les autres.
Quand les débats scientifiques s’appuient sur des éléments rationnels et objectifs dans une sorte de mise à distance, le débat politique et démocratique est lui plus passionnel et émotionnel. Un terrain adéquat pour celleux qui ont tout intérêt à attiser les passions populaires pour mieux les manipuler. C’est l’ère de la post-vérité. Donald Trump en a fait sa marque de fabrique : décréter de nouvelles vérités et les propager jusqu’à ce qu’elles s’imposent à force d’être reprises massivement. Au Brésil, le ministre de l’économie Paulo Guedes martelait que l’économie brésilienne décollait quand les indicateurs économiques montraient le contraire. En France, Bruno Le Maire affirme depuis des mois que l’on a atteint le pic de l’inflation quand les chiffres disent le contraire. G. Darmanin pratique lui une hyper-communication dangereuse comme en témoignent ses dernières sorties où ses opposants sont accusés de faire l’apologie du terrorisme, où une star du foot est suspectée de soutenir le Hamas quand elle s’émeut du destin des populations palestiniennes. Son prénom Karim n’étant peut-être pas tout à fait étranger à cette suspicion subite.
« Celui qui contrôle le passé contrôle l’avenir, celui qui contrôle le présent contrôle le passé » lit-on dans le chef d’œuvre de Georges Orwell, 1984. Un récit qui ne cesse d’être d’actualité. Auteur de la postface d’une nouvelle édition, le journaliste et écrivain Ronaldo Bressane écrit : « L’intention des « fake news », est de créer un récit, une vision du monde, pour que les partisans des gouvernements fascistes et autoritaires croient en quelque chose qui ne se produit pas, une réalité parallèle. »
Quand on ne sait plus où se situe vraiment la réalité objective, la conflictualité, inhérente à la démocratie, devient plus que salutaire, elle est vitale. Elle signifie débattre, confronter ses idées et désaccords, accepter parfois de changer d’avis. Elle favorise la construction collective d’une opinion publique éclairée et conscientisée. Que ce soit dans le cadre constitutionnel de la 5ème République qui permet à un président de gouverner à coups de 49-3 ou dans le cadre médiatique où le débat est confisqué par des polémiques entretenues, notre démocratie étouffe de ce manque de conflictualité, caricaturée sous le vocable de « violence » et du « parler fort ».
Georges Orwell écrit depuis son lit d’hôpital en 1949, au sujet de son livre 1984 : « La morale à tirer de cette dangereuse situation cauchemardesque est simple : ne la laissez pas se produire. Cela dépend de vous. »
Les régimes totalitaires ou fascisants ne s’imposent pas nécessairement par la force. La manipulation d’opinion est un formidable outil de conquête du pouvoir. Faisons en sorte que cela ne nous arrive pas. Cela dépend de nous.
07.07.2016 à 15:57
DOSSIER - Immigration : la désintox !
Elisa Martin - Le Journal de l'insoumission n°1778 (Octobre 2023)
Crise migratoire ou crise de l’accueil : il est temps de changer de prisme pour faire face à la future loi immigration !
Sénat puis Assemblée nationale vont examiner la 21e loi sur l’immigration en vingt-deux ans. D’emblée cette accumulation interroge. Faut-il l’interpréter comme un échec des précédentes lois ? Depuis 2015, le pays s’est fermé : la pleine application de l'accord de Schengen a été levée avec un rétablissement de contrôles aux frontières. Si l’on doutait de la fermeture de nos frontières, il est possible d’évoquer ces lieux, dits de mise à l’abri, dont un se trouve à la frontière franco-italienne, à Menton. Dans ces lieux, les personnes dont femmes et enfants sont retenus sans droit, ni titre. Leur crime : avoir traversé la frontière. Elles sont maintenues le temps d’être renvoyées de l’autre côté, refoulées. Face à cela, les exilés finissent par courir tous les dangers pour entrer et ce, quelle que soit la hauteur des murs ou des sommets alpins.
La France terre d’accueil ? Le taux d’immigration actuel, c’est-à-dire le nombre d’entrées rapporté au nombre d’habitants, s’élève à 0,4. C’est deux fois moins que l’Allemagne, la Belgique ou les Pays-Bas et trois fois moins que la Suède et l’Autriche. Un pays forteresse dans une Europe forteresse qui engendre toujours plus de morts et de disparus,
dans une déshumanisation totale. En 2023, au moins 2 000 personnes dont des femmes et près de 300 enfants ont péri dans la mer Méditerranée. Ce chiffre ne tient pas compte des très nombreux disparus. Un véritable cimetière à ciel ouvert.
La réalité est là : des gens meurent par milliers et la France se protège derrière ses remparts. La France pays des Droits de l’Homme n’est aujourd’hui que l’ombre d’elle-même, avec un gouvernement ne misant que sur l’expulsion face à ce qu’il qualifie de grande vague migratoire. Pourtant et actuellement, 86 % des personnes déracinées vivent dans des pays en développement d’après Oxfam. Seule une minorité arrive jusqu’en Europe. Voilà la réalité : il n’est question ni de grande vague migratoire et encore moins de grand remplacement !
Vers un accord entre Macron, LR et l’extrême droite ?
Le projet de loi Darmanin compte restreindre le droit des étrangers, avec, entre autres, une accélération des prononcés d’Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF). Le gouvernement s’est aussi dit ouvert à une discussion sur la remise en cause de l’Aide Médicale d’État. Une restriction de l’accès au droit d’asile est également annoncée : le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés ne sera plus représenté lors des jugements.
L’accès à un titre de séjour provisoire d’une année pour exercer un métier en tension, dont la liste est variable d’une année à l’autre et d’un département à l’autre, a pour objectif premier d’augmenter le réservoir de main-d’œuvre en faveur du patronat, pas de sécuriser durablement les exilés.
Au lieu de durcir encore la politique migratoire de la France, et de se détacher davantage du respect des droits humains fondamentaux, il est temps de changer de prisme et de régler la crise de l’accueil. L’heure est à l’ouverture, à la coopération et au développement de moyens pour permettre à chacun de ne pas avoir à s’exiler, pour accueillir dignement ceux qui arrivent jusqu’en France (dont les mineurs), et faire respecter strictement le droit d’asile. Pour prendre pleinement en considération « l’effondrement climatique » qui touche notre planète selon le secrétaire général de l’ONU, un statut de réfugié climatique doit être créé. L’heure est de se rappeler que les droits humains s’appliquent de manière inconditionnelle : les hommes, femmes et enfants exilés n’en sont pas une exception.
Les vrais chiffres de l’immigration
09.01.2009 à 14:16