05.08.2024 à 22:39
Les Jeux olympiques et paralympiques sont politiques
Quelques jours avant l’ouverture des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de Paris, Emmanuel Macron avait décrété que ceux-ci devaient être l’occasion d’une « trêve politique ». Sur le plan national, il s’agissait pour lui de normaliser une situation de crise politique, susceptible de s’exacerber en crise de régime, ouverte par son refus du résultat des élections législatives remportées par le Nouveau Front populaire. Sur le plan international, le Président entendait balayer les demandes adressées au Comité international olympique (CIO) pour que, à l’instar des athlètes russes et biélorusses concourant sous bannière neutre à cause de l’invasion de l’Ukraine, les athlètes israéliens fassent de même en raison du massacre en cours à Gaza, que la Cour internationale de justice (CIJ) a qualifié de « génocidaire ».
Or décréter une telle « trêve » est déjà, en soi, un acte politique. Des députés-ministres d’un gouvernement démissionnaire se mettant en scène aux côtés des athlètes français, deux semaines après leur participation controversée à l’élection de la Présidente de l’Assemblée nationale : c’est de la politique. La réception à l’Élysée, bien au-delà du minimum protocolaire, du Président israélien, alors que celui-ci a déclaré qu’il n’y avait « aucun innocent » à Gaza : c’est de la politique. De même, d’ailleurs, que les ovations du public, lors de la cérémonie d’ouverture, pour une délégation palestinienne venue aussi défendre la dignité d’un peuple, alors même que plus de 300 athlètes ont été tués par Tsahal depuis le début de l’offensive israélienne. Politiques enfin, les réactions aux choix artistiques de cette même cérémonie d’ouverture qui n’a laissé personne indifférent.
Les JOP « apolitiques » n’ont jamais existé. Ils ont, dès leur refondation en 1896, constitué une tribune à dimension universelle visant à dénoncer telle ou telle situation nationale et/ou internationale. Lors de cette première édition, la Turquie avait par exemple refusé de participer puisqu’elle avait des différends frontaliers avec la Grèce, pays organisateur. En 1936, à Berlin, malgré les appels à boycotter ces Jeux organisés par le IIIe Reich formulés par de nombreuses organisations antiracistes, juives, ouvrières, féministes, socialistes, communistes ou encore démocrates-chrétiennes, les puissances démocratiques applaudiront un événement qui servira ainsi de caution internationale au régime nazi. Dans ce contexte, les victoires de l’athlète noir Jesse Owens, quadruple médaillé d’or, défendront la dignité de toutes celles et tous ceux que les nazis considéraient comme des « sous-hommes ».
Au-delà des exemples les plus marquants, pas une seule olympiade ne restera hors de l’air du temps. On se souvient des poings gantés de noir levés sur le podium en 1968 par les athlètes états-uniens Tommie Smith et John Carlos afin de dénoncer le traitement ségrégationniste infligé aux Afro-américains. Par ailleurs, les boycotts des JOP de Moscou en 1980 par les États-Unis, et ceux de Los Angeles quatre ans plus tard par l’URSS, ne doivent pas éclipser le refus de participer aux Jeux de Melbourne en 1956 de l’Irak, l’Égypte et du Liban pour protester contre l’agression franco-israélo-britannique de l’Égypte à Suez. Ou l’absence de la République populaire de Chine de 1956 à 1980 pour protester contre le hissage du drapeau de Taïwan. En outre, l’exclusion de l’Afrique du Sud de 1964 à 1992 pour cause d’apartheid devrait rappeler aux tenant·es actuel·les de la « neutralité » que cette dernière se résume généralement à accepter l’inacceptable, ce qu’a fait le CIO s’agissant du traitement infligé aux Palestiniens et Palestiniennes. En dehors de la dénonciation des atteintes aux droits humains, on ne peut accepter que, depuis les années 1980 et la mainmise du capital sur les JOP, ces derniers constituent un moment d’accélération de la mise en œuvre des logiques néolibérales (poids du « merchandising », prix des places etc.) et des nouvelles techniques de surveillance et de coercition dans les pays organisateurs.
Les JOP de Paris n’auront donc pas échappé à cette réalité. Le dénoncer, et mener une nécessaire commission d’enquête (populaire ?), n’enlève rien à l’intérêt, l’empathie, l’émotion, la joie, que l’on peut ressentir face à certains moments très forts de ces Olympiades. Mais la ferveur sportive ne saurait éclipser la dimension politique consubstantielle à la tenue même des JOP.
05.08.2024 à 21:59
CULTURE : EXPO - Paris brûle-t-il ? Quand le cinema réinvente la libération
1966 Quelques mois avant les élections législatives de 1967 et plus de 20 ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale sort au cinéma Paris brûle-t-il ?, une super production franco-américaine entre documentaire et fiction, qui revient sur la Libération de Paris du 19 au 25 août 1944.
Pour ce film, la Paramount Picture Corporation a sorti l’artillerie lourde : un budget de 6 millions de dollars et un pléiade de stars internationales. Parmi les acteurs français principaux : Alain Delon, Henri Rol-Tanguy et Jean-Paul Belmondo mais on y retrouve également Yves Montand et Claude Rich entre autres.
Le film porte à l’écran le best-seller éponyme, aux 20 millions de lecteurs, sorti en 1964 et écrit par deux journalistes : Dominique Lapierre et Larry Collins. Ce livre s’appuie sur le témoignage de plus de 3 000 personnes pour raconter la libération de Paris. Une somme de petites histoires pour raconter la Grande, mais un récit persuadé de la duplicité des communistes, et qui surtout, attribue à Von Choltitz, le mérite d’avoir évité la destruction de Paris. Selon le mythe, le gouverneur nazi du « Grand Paris » – pourtant reconnu pour sa brutalité – n’aurait pas obéi aux ordres d’Hitler lui demandant de « Brûler Paris » le 25 août 1944. Plusieurs recherches d’historiens ont prouvé dès les années 2000 que les circonstances l’auraient en réalité empêché d’obéir, mais cette falsification de l’Histoire sera reprise dans le film. Ce ne sera pas la seule.
Au delà de l’absence de certains faits, comme la signature de la capitulation, ou encore la libération des juifs à Drancy, le film occulte certains résistants de premier plan comme le président du CNR Georges Bidault (qui défendra l’Algérie française contre De Gaulle) mais aussi le dirigeant du comité d’action militaire, le communiste Maurice Kriegel-Valrimont (exclu du PCF en 1961).
Les brutalités allemandes et la violence de l’esprit de revanche ne sont pas non plus mentionnées. Il s’agit en effet de ne pas faire de vagues, d’éviter les controverses, de concilier deux mémoires concurrentes, celle du PCF (dont l’influence reste importante, notamment dans le milieu cinématographique), mais surtout de nourrir celle des gaullistes.
Le film, s’il s’appuie sur des images d’archives, reste éminemment politique et fut l’objet d’une vaste opération de communication orchestrée par le pouvoir gaulliste, flattant la population parisienne et le mythe d’une nation entière dressée contre l’occupant.
Pour le Canard enchaîné le film « reste au garde-à-vous devant le général ». Pour le Nouvel Obs « On nous explique bien tout, de peur que nous ne sachions pas pour qui voter aux prochaines élections »
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Exposition temporaire au musée de la Libération de Paris
(place Denfert-Rochereau)
Profitez également de l’exposition permanente gratuite et visitez l’ancien poste de commandement ou se trouvaient les bureaux de l’état-major régional des FFI !
Du mardi au dimanche de 10h à 18h, jusqu’au dimanche 22 septembre 2024
Tarif : 7 - 9€
05.08.2024 à 21:42
ÉDITO : Gouverner pour tout changer
par Séverine Véziès - Le Journal de l'insoumission n°1788 (aout/septembre 2024
Depuis le 9 juin au soir, nous avons tous et toutes le sentiment de voir s’accélérer l’histoire. Les évènements se précipitent et nous rapprochent de plus en plus d’un point de bascule. La question qui reste en suspens est vers quel horizon basculerons-nous. Deux hypothèses in fine : le péril fasciste avec une extrême droite au pouvoir ou la République restaurée avec la mise en œuvre d’un programme d’espoir, sur le plan économique, social, démocratique et écologique qu’incarne le Nouveau Front populaire. C’est cet horizon que les Français·es ont choisi en lui accordant leurs suffrages et donc une majorité pour gouverner au soir du 7 juillet 2024. Mais le sentiment de trahison peut être aussi grand que l’espoir déçu pourrait l’être. Aussi, cette élection sonne comme celle de la dernière chance. Pour le comprendre, il nous faut nous pencher, rapidement, sur les évènements politiques de ces 40 dernières années.
Le tournant néolibéral des années 70-80 est le point de départ d’un nouveau cycle avec de nouveaux choix sur le plan économique et social qui ont petit à petit défait ce que l’on peut résumer comme étant le modèle social français au sens large : services publics et fonction publique, État planificateur, prise en charge collective des évènements et accidents de la vie (Sécurité sociale, retraite par répartition, chômage, famille...).
L’application des préceptes libéraux a entraîné le désengagement de l’État, son action devenant légitime uniquement pour créer les conditions du fonctionnement et d’une régulation par les marchés. La main invisible du marché régule, l’État est au service non plus des peuples mais d’une idéologie qui voit dans le processus d’accumulation, le capitalisme, l’unique modèle de développement.
Un modèle qui en 40 ans aura creusé les déficits et la dette publique, justifiant toujours plus de sacrifices, creusé les inégalités, accentué la pauvreté en détruisant les filets de sécurité d’un État providence, détruit nos services publics et empêché notre nécessaire action et adaptation face au réchauffement climatique, lui-même causé par ce système de course folle mondiale à l’accumulation/production/consommation. Un bilan désastreux qui en semant la misère, la peur du déclassement et le sentiment d’abandon aura fait le lit de l’extrême droite.
Depuis 7 ans et l’arrivée d’E. Macron au pouvoir, la France subit une accélération féroce de ces réformes néolibérales auxquelles s’ajoutent, face à la montée des oppositions institutionnelles et populaires, un autoritarisme et une violence d’État. Chacun·e se souviendra des gilets jaunes, des soignant·es, de nos jeunes, des militant·es écologistes… matraqué·es, éborgné·es, humilié·es, criminalisé·es. Chacun·e se souviendra des 49.3 à la pelle, des passages en force et d’un Parlement méprisé…
À l’heure où j’écris ces lignes et alors même que les Français·es viennent de lui infliger une double défaite électorale, E. Macron refuse de céder le pouvoir, plongeant encore un peu plus le pays dans une crise de régime sérieuse et inquiétante. En refusant de nommer comme Première ministre la candidate désignée par le Nouveau Front populaire, Lucie Castets, alors même que la tradition républicaine l’y oblige, il nous enfonce encore un peu plus dans le chaos.
Une situation de crise totale où plus rien ne vient purger les blocages. Même plus le résultat d’une élection.
Il va nous falloir toute la force, la détermination et la mobilisation de toutes celleux qui ont accordé une majorité au Nouveau Front populaire pour faire plier ce Président forcené, qui après avoir brutalisé le pays, brutalisé le Parlement et notre démocratie, tente aujourd’hui d’effacer le résultat d’un vote. Rien de moins que ça ! La République ne lui appartient pas, elle est nôtre !
Car l’enjeu est immense. Le Nouveau Front populaire doit gouverner et appliquer son programme pour répondre aux aspirations légitimes de vie meilleure et à l’espoir immense qu’il a suscité dans le pays. Ce 7 juillet n’est qu’un sursis face à la montée de l’extrême droite dans le pays, prospérant sur les espoirs déçus et le sentiment que rien ne changera.
Nous voici au pied du mur. Le point de bascule doit être celui qui nous mène vers la lumière. Pour cela au changement de cap politique, il nous faudra aussi engager un changement de cap institutionnel avec une 6ème République.
04.06.2024 à 16:52
Partout où elle est, l’extrême droite contre le peuple
L’extrême droite aime à se présenter comme l’alliée des classes populaires et des travailleurs. Mais quelle est la réalité des faits une fois celle-ci au pouvoir ? Les amis de Marine Le Pen et Éric Zemmour soutiennent voire participent actuellement aux gouvernements de quatre États-membres (Italie, Suède, Finlande et Hongrie). Lega et Fratelli d’Italia, Démocrates de Suède, Parti Finnois et Fidesz hongrois : force est de constater que toutes les nuances de brun ont en commun de mener des politiques sociales violentes.
Ainsi l’extrême droite aime mener la guerre aux pauvres, en s’attaquant aux minima sociaux et en stigmatisant les « assistés » : en Italie par exemple elle a divisé par deux le fonds d’aide aux dépenses énergétiques pour les plus précaires et remplacé le « revenu de citoyenneté », une sorte de RSA, par une allocation bien plus faible et sous conditions. Pourquoi ? Pour sanctionner les « divanisti », ceux qui passeraient leur temps sur le divan en profitant des aides sociales. De la même manière, c’est au nom de la répression des « parasites de l’aide sociale » que Viktor Orban a réduit la période de perception des allocations chômage à trois mois, la plus courte de l’Union européenne.
Les travailleurs en prennent également pour leur grade : en Finlande, l’extrême droite au pouvoir soutient l’obligation de limiter les augmentations de salaires dans tous les secteurs à celles négociées dans le secteur exportateur, interdit les grèves non directement liées aux conflits sociaux internes aux entreprises, met fin aux comités d’entreprises pour les sociétés entre 20 et 50 salariés, introduit une journée de carence pour les arrêts maladie, assouplit les conditions de licenciement… En Hongrie, Orban a fait adopter la « loi esclavagiste » selon laquelle les employeurs peuvent exiger 400 heures supplémentaires à leurs salariés tous les ans ; le code du travail hongrois proscrit les grèves dans le secteur public et est globalement considéré comme l’un des plus favorables aux employeurs en Europe.
De plus, les extrêmes droites « anti-establishment » et « patriotes » plient l’échine devant les marchés et pratiquent les bonnes vieilles recettes néolibérales : 20 milliards d’euros de privatisations (services postaux, ferroviaires, …) ont récemment été annoncés en Italie ; en Finlande l’extrême droite pratique la réduction des dépenses de 2 % du PIB durant la mandature, avec une baisse de 2 milliards d’euros du budget de la santé et presque autant sur les aides sociales, notamment les allocations chômage, l’aide au logement et les allocations familiales. Même recette en Suède avec la baisse des indemnisations chômage. Et les retraités ne sont pas épargnés : en Italie, contrairement aux promesses de campagne, le gouvernement post-fasciste a durci les conditions d’accès à la retraite avant l’âge de départ « normal » de 67 ans.
Pas de problème donc pour mettre la pression sur les demandeurs d’emploi, les plus pauvres ou les travailleurs. L’extrême droite se montre plus conciliante vis-à-vis des riches et des multinationales, comme l’illustrent la suppression de la taxe sur les voitures de luxe en Italie ou l’introduction en Hongrie d’un impôt sur le revenu à taux unique couplé au taux d’imposition effectif le plus bas d’Europe pour les multinationales.
« Un bon escroc est un farceur ironique qui se joue de la distraction, de l’impertinence, de la naïveté ou de la nervosité de ses contemporains » écrivait Henri Jeanson. Nous ne laisserons pas l’extrême droite réussir son escroquerie sociale.
04.06.2024 à 16:18
Nouvelle-Calédonie : Retrouver la paix civile et aller vers l’émancipation
Par Bastien Lachaud - Le Journal de l'insoumission n°1786 (juin 2024)
La crise que connaît ces derniers jours la Nouvelle-Calédonie a mis en lumière une situation peu connue dans l’hexagone. Inscrite sur la liste des territoires non-autonomes de l’ONU, la Nouvelle-Calédonie vit une situation coloniale depuis sa prise de possession par la France en 1853. Une colonie de peuplement y a été organisée. Encore en 1972, Messmer incitait à l’installation pour empêcher toute indépendance. Mais en 1988, l’existence d’un peuple premier, le peuple Kanak, a été également reconnue par le peuple français par le référendum.
Il y a 40 ans, ce qu’on appelle pudiquement les « événements », ensanglantaient la Nouvelle-Calédonie. Cette guerre civile s’est achevée par le massacre de la grotte d’Ouvéa en 1988. Les accords de Matignon-Oudinot, signés en 1988, ont rétabli la paix civile. 10 ans plus tard, l’accord de Nouméa prévoit les modalités de la décolonisation, l’élaboration d’une citoyenneté calédonienne et une organisation politique et des transferts de compétences irréversibles. 3 référendums d’accès à l’indépendance sont prévus.Même si le non l’emporte, le statut issu de l’accord de Nouméa demeure jusqu’à ce qu’un nouvel accord ait lieu au consensus. La Constitution le garantit.
Le gouvernement porte l’entière et écrasante responsabilité de la situation. C’est lui qui a rompu le consensus en imposant la date du 3e référendum, contre l’avis des indépendantistes qui ont appelé à ne pas y participer et n’en reconnaissent pas le résultat. C’est Macron qui a nommé au gouvernement une non-indépendantiste, rompant avec l’impartialité de l’État.
En quelques jours, le passage en force pour dégeler unilatéralement le corps électoral pour les élections provinciales a remis en cause presque 40 ans de paix civile. 6 morts sont déjà à déplorer, des centaines de blessés, et des dégâts matériels considérables. Le plus terrible est que rien dans la crise actuelle n’était imprévisible. Le gouvernement avait été avisé des conséquences de son entêtement. Les mêmes causes ont produit les mêmes effets. Car c’est toujours sur les vieilles cicatrices que se rouvrent les nouvelles blessures.
Tout ce qui avait permis la paix, consensus et impartialité de l’État, a volé en éclat avec la méthode macroniste de la brutalité et du passage en force.
Au lieu de résoudre la crise qu’il a lui-même créée, le gouvernement jette de l’huile sur le feu en menant une répression féroce, qui risque d’entraîner le pays
dans une spirale de la violence aux conséquences incalculables. Ce n’est pas un ordre républicain qu’il veut maintenir, c’est un ordre colonial.
La révolte contre le dégel unilatéral du corps électoral ne s’arrêtera pas avec la répression. L’issue de cette crise ne peut être que politique. Il faut que le gouvernement fasse un geste fort pour l’apaisement : il doit renoncer à convoquer le Congrès de Versailles, reconnaître l’irréversibilité des accords de Nouméa et envoyer une mission de dialogue. C’est en Nouvelle-Calédonie que les Calédonien·nes pourront définir la forme que prendra leur destin commun.
Personne ne veut du gel perpétuel du corps électoral : ça n’aurait aucun sens. Mais ce dégel doit prendre place dans un accord global sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, qui définira la voie de son émancipation, quelle qu’elle soit, mais aussi luttera contre les inégalités criantes issues de la colonisation.
Perceval Gaillard, député de la 7ème circonscription de La Réunion, Sophia Chikirou, députée de la 6ème circonscription de Paris, Jean-Hugues Ratenon, député de la 5ème circonscription de La Réunion et Bastien Lachaud, député de la 6ème circonscription de Seine-Saint-Denis lors d’une manifestation en soutien au peuple Kanak , en lutte contre le colonialisme.
06.05.2024 à 18:46
Par Séverine Véziès - Le Journal de l'insoumission n°1785 (MAI 2024)
Le 11 avril, la réforme du marché de l’énergie a été adoptée au Parlement européen. Nous sommes allés à la rencontre de Marina Mesure, eurodéputée insoumise, membre de la commission de l’industrie, de la recherche et de l’énergie.
Elle nous livre les enjeux, les conséquences de ce vote et son analyse sur la situation du marché de l’électricité en Europe et en France.
En 2022, en pleine crise des prix de l’électricité, Ursula Van der Leyen, la présidente de la Commission européenne, annonçait vouloir réformer le marché européen de l’électricité. En effet, c’est le fonctionnement absurde du marché qui a provoqué l’explosion des factures d’électricité. Les directives européennes imposent que l’électricité soit soumise à concurrence et vendue sur un marché où son prix est déterminé par le prix de la centrale la plus chère à faire fonctionner, le plus souvent une centrale à gaz. Le gaz détermine donc souvent le prix de l’électricité française alors que les centrales à gaz produisent moins de 10 % de l’électricité du pays ! La seule justification de ce système aberrant est d’assurer des profits records aux énergéticiens.
Et pour remplir les poches des actionnaires de TotalEnergies ou Engie, ça fonctionne ! Ils ont engrangé plus de 40 milliards d’euros de profits nets entre 2022 et 2023, alors même que les coûts de production de l’électricité n’ont presque pas bougé depuis des décennies. Pendant ce temps-là, des milliers de familles dans notre pays n’avaient même pas les moyens de se chauffer. De très nombreuses entreprises ont fait faillite, notamment dans le secteur de l’artisanat, en particulier parmi les boulangers qui doivent faire fonctionner des fours très énergivores. Ça a aussi été catastrophique pour les collectivités qui ont dû couper dans leurs services publics (éclairage public, ouverture des piscines, aide sociale...) pour payer leurs factures. Et l’État français a déboursé 37 milliards d’euros pour éponger les profits record des énergéticiens. Cette gabegie représente plus de la moitié du budget annuel de l’éducation nationale !
J’ai été désignée rapporteuse pour le groupe de la gauche au Parlement européen pour négocier cette réforme cruciale pour le niveau de vie des ménages, les finances publiques, la réindustrialisation et la transition énergétique.
Mon objectif était simple : permettre aux États de sortir l’électricité du marché en recréant un grand service public de l’énergie, et assurer que le prix de vente de l’électricité corresponde de nouveau à son coût. Cela n’a rien d’utopique : il s’agit de revenir au système qui prévalait avant la libéralisation. À défaut, je proposais également de renforcer la taxation des superprofits, d’étendre les tarifs réglementés ou encore de créer un mécanisme qui assure aux ménages de pouvoir se chauffer même en cas d’impayé.
Dès les premières réunions de négociation, j’ai compris que j’allais être seule à défendre ces propositions. Nous avons bataillé sans relâche, avec l’appui des syndicats et d’experts du secteur mais le résultat des négociations a été désastreux. La réforme ne contient rien pour mettre fin à l’alignement du prix de l’électricité sur celui du gaz et rien sur la planification de nouveaux moyens de production électrique. La réforme acte la fin des tarifs réglementés et de la taxe européenne sur les superprofits et permet aux plus grandes entreprises de privatiser l’électricité la moins chère à produire. Le seul espace laissé à la puissance publique concerne un prix d’achat garanti aux producteurs d’électricité pour les protéger eux, et non les usagers, contre les fluctuations du marché. En somme, cette réforme n’a fait que mettre sur papier les demandes des lobbies des énergéticiens.
Du côté du Conseil, le gouvernement français n’a rien fait d’autre qu’assurer que l’État pourra massivement payer le programme « tout nucléaire » de Macron.
À l’heure du vote final sur l’accord au Parlement, les masques sont tombés : la FI a été le seul mouvement politique français à avoir voté contre la réforme du marché de l’électricité.
Si je suis de nouveau élue, je ferai de la création d’un grand service public de la production et de la vente de l’électricité une des priorités de mon prochain mandat, pour qu’enfin le peuple retrouve la maîtrise de ce bien essentiel. Je sais de nombreux syndicats, activistes et citoyens engagés sur ce sujet pour accompagner la lutte partout en France et en Europe. Le combat continue !
06.05.2024 à 18:41
Par Paul BRICE - Le Journal de l'insoumission n°1785 (MAI 2024)
À l’heure où les tensions internationales s’exacerbent, le maintien ou le rétablissement de la paix sont un mot d’ordre essentiel. Agression de la Russie en Uk
raine ; guerre à Gaza comportant un risque de génocide ; invasion du Haut-Karabagh par l’Azerbaïdjan ; guerre en République démocratique du Congo qui compte des millions de morts depuis plus de vingt ans et sept millions de personnes toujours déplacées ; recrudescence des manœuvres autour de Taïwan etc. : les tensions et conflits de tous types se multiplient.
Les causes, diverses, se combinent : volonté expansionniste, appropriation de matières premières et volonté de contrôle des routes commerciales, sur fond de crise permanente de la mondialisation capitaliste, vision idéologique de l’histoire dans une veine nationaliste et guerrière. Cette montée des tensions met au défi les cadres de sécurité collectifs bâtis après la Seconde Guerre mondiale. Face à la compétition généralisée portant la guerre en son sein, il faut se battre pour la paix, au nom de l’intérêt général humain rejoignant ici celui de la France.
Cette montée des tensions apparaît de façon flagrante en Ukraine. L’intensité du conflit, existant depuis 2014, a été décuplée à la suite de l’invasion russe de février 2022. Au nom d’un nationalisme néo-impérial, le pouvoir russe a fait le choix de la guerre, et entraîné une polarisation ne faisant que renforcer les appels au réalignement dans l’alliance militaire de l’Otan.
À ce jour, le front est presque figé. La guerre est rentrée dans une phase d’attrition où les gains territoriaux sont minimes. L’Ukraine, confrontée à un important manque de matériel et de munitions, est suspendue à l’élection étatsunienne où pèse la menace de l’élection de Donald Trump. Celui-ci a annoncé qu’il ne « donnera pas un centime » à Kiev.
En France la guerre en Ukraine est donc devenue un thème central de campagne des élections européennes. Les escalades verbales va-t’en-guerre se multiplient. Emmanuel Macron a évoqué la possibilité d’envoi de « troupes au sol » en Ukraine. En faisant une telle annonce sans concertation avec les alliés de la France, qui se sont tous désolidarisés, il a affaibli la position de la France. Les mots ont un sens. Jamais dans l’histoire de la guerre froide, et depuis, des États dotés de l’arme nucléaire ne se sont retrouvés en situation de guerre directe. On retrouve la même posture belliciste du côté de Raphaël Glucksmann qui milite en faveur d’une « économie de guerre » pour la France. Le candidat du parti socialiste aux européennes ne semble pas se soucier du coût pour le peuple français d’une telle réorientation de l’économie.
Au Proche-Orient, depuis octobre 2023, le conflit colonial entre Israël et la Palestine est entré dans une dimension extrême. Appuyé sur une idéologie coloniale, messianique et eschatologique, le gouvernement d’extrême droite israélienne a fait le choix de répondre à l’attaque meurtrière du Hamas par une vengeance collective et aveugle contre l’ensemble des Palestiniens, en piétinant toutes les règles du droit international et du droit de la guerre.
Les propos de hauts responsables du gouvernement israélien d’extrême droite déshumanisant les Palestiniens, couplés à une situation humanitaire apocalyptique aggravée par le siège illégal dans la bande de Gaza, ont amené en janvier la Cour Internationale de Justice à pointer un risque de génocide. Elle a ordonné à Israël d’empêcher tout acte allant en ce sens. Le 28 mars, une nouvelle ordonnance de la CIJ a pointé la famine à Gaza et ordonné à Israël de garantir les services de base et l’aide humanitaire nécessaire. En mars, le nombre de morts côté palestinien est évalué par l’ONU à 31 800 dont 13 600 enfants. L’urgence est à un cessez-le-feu durable, pour arrêter le massacre en cours, permettre la libération des otages israéliens, rendre possible une solution politique sur le long terme. L’enjeu est également d’éviter une régionalisation du conflit.
Plus globalement, l’architecture de sécurité collective héritée de la guerre froide est aujourd’hui en crise. Les puissances nucléaires modernisent de plus en plus leurs capacités, tout en remettant pour certains en cause les accords ayant par le passé permis de réduire les arsenaux. En 2019, le traité sur les forces nucléaires a pris fin suite au retrait étatsunien puis russe. En 2023, la Russie a suspendu sa participation à l’accord « New START » limitant les lanceurs nucléaires.
Malgré ses imperfections, l’ONU est à ce jour le seul cadre de coopération et de négociation incluant tous les États du monde. La France doit tout faire pour contribuer à renforcer son rôle. En commençant par mener des actions en faveur d’une solution diplomatique à la guerre en Ukraine, sans naïveté ni oubli des crimes de guerre russes (bombardements aveugles, déportations de civils, kidnapping d’enfants) et pour le respect du cessez-le-feu en Israël-Palestine demandé par le Conseil de Sécurité.
Sous la présidence Macron, la parole de la France a été affaiblie. La suppression des corps diplomatiques, la baisse des moyens du ministère des Affaires étrangères, par une confusion des discours, l’affirmation de tout et son contraire, et in fine l’aggravation de son réalignement sur le « camp atlantiste et occidental » ont rendu la France de plus en plus inaudible.
Au milieu des paroles martiales, la France insoumise porte la parole de non-alignement et de paix. Notre boussole est l’attachement au droit international, l’opposition aux crimes de guerre et la volonté de porter une voix diplomatique forte et indépendante.
En accueillant les opposants russes à la guerre, en poussant à l’Assemblée nationale contre les livraisons d’armes à Israël et pour la reconnaissance de l’État de Palestine, en s’opposant clairement à toute possibilité que notre pays soit placé en confrontation militaire directe face à la Russie puissance nucléaire, la France insoumise œuvre pour la paix.
Au milieu du brouillard de la guerre il est indispensable de continuer à penser. Bâtir la paix, c’est toujours chercher la lumière au milieu du tunnel.
06.05.2024 à 18:31
Cessez-le-feu ! Cessez-le-feu ! Cessez-le-feu !
Par Séverine VÉZIÈS - Le Journal de l'insoumission n°1785 (MAI 2024)
Un génocide se déroule sous nos yeux. Plus de 34 000 morts annoncés à Gaza dont 14 500 enfants et 10 000 femmes, au moment où j’écris ces lignes. Un enfant est blessé ou tué toutes les dix minutes, peut-on lire sur le site de l’UNICEF. Et l’on peut craindre que ces chiffres soient en dessous d’une réalité qui pourrait s’avérer encore plus terrible au regard du chaos qui règne sur cette minuscule bande de terre de 360 km². Après avoir été une prison à ciel ouvert, Gaza se transforme en cimetière. Combien de corps sous les décombres ? Les civils gazaouis subissent depuis plus de 6 mois les bombardements incessants, les humiliations, la famine, le manque d’accès à l’eau, aux soins… la liste des crimes commis par le gouvernement d’extrême droite de Netanyahu à Gaza est longue. Il y figure la destruction des cimetières et la profanation des tombes. Une guerre contre les vivants mais aussi contre les morts. Comme le signe d’une volonté de raser l’existence de tout un peuple.
Un génocide se déroule sous nos yeux et les partisans du « soutien inconditionnel » au gouvernement d’extrême droite israélien veulent nous faire regarder ailleurs. Appelez au cessez-le-feu et vous êtes directement soupçonnés d’antisémitisme. Convoquez la raison et l’histoire du conflit israélo-palestinien et vous êtes immédiatement accusés d’être des agents du Hamas. Il règne dans le pays une forme de maccarthysme dangereux qui vient s’ajouter aux attaques déjà nombreuses portées aux fondements démocratiques de notre pays sous la présidence d’E. Macron. Des atteintes soulignées à de multiples reprises par des instances internationales.
Le 18 avril dernier, en une seule journée, la conférence pour la paix de Rima Hassan et de Jean-Luc Mélenchon est annulée pour la seconde fois – c’est alors la 5e conférence du mouvement insoumis qui est frappée d’annulation – une manifestation contre le racisme est interdite, un syndicaliste est condamné pour un tract en soutien à la Palestine. Le lendemain, nous apprenons avec stupéfaction que des poursuites sont engagées contre Rima Hassan pour apologie du terrorisme. C’est ensuite au tour de Mathilde Panot de recevoir cette même convocation. Des intimidations inacceptables qui s’accumulent.
La France de Macron dérive dangereusement. Elle est engagée dans un processus de fascisation dont les signes sont reconnaissables : mensonge, déformation des propos des opposant·es, désinformation…
le tout relayé sur les plateaux TV des chaînes à la botte d’une caste sociale bourgeoise
au projet politique affirmé : maintenir sa domination dans un moment de crise du système capitaliste et donc diaboliser la seule alternative crédible dans le pays.
Dans le même temps, le gouvernement Attal continue son agenda politique violent en ciblant les chômeurs, les malades, les retraités et n’apporte comme seule solution à la crise de l’École publique que des mesures répressives d’un autre âge en direction des enfants et des familles.
Nous devons appeler à un sursaut de la société toute entière. Associatifs, politiques, syndicats, universitaires, citoyen·nes, refusons ces atteintes à l’État de droit. Refusons cette violence sociale toujours plus grande exercée par un système à bout de souffle qui cherche son salut dans une domination toujours plus grande. Refusons cette escalade vers la guerre généralisée qui guette l’Europe et le monde de riposte en riposte.
Le 9 juin, c’est aussi cela qui se joue. Face aux va-t-en-guerre, face à la haine de l’extrême droite, face à la violence de classe macronienne, face aux éléphants de la sociale démocratie qui ont failli détruire la gauche en France, donnons de la force à l’alternative populaire, humaniste, pacifiste, écologique et émancipatrice portée par Manon Aubry. Votons pour la paix ! Votons pour la démocratie ! Votons pour l’Union populaire !
02.04.2024 à 17:04
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JOURNAL DE L'INSOUMISSION
8 RUE PERRIN
39000 LONS-LE-SAUNIER
FRANCE
27.03.2024 à 17:16
ÉCHO DU PARLEMENT : Prix planchers : le combat constant de LFI pour les revenus des agriculteurs
Dès 2018, à l’occasion de l’examen de la loi Egalim, notre groupe parlementaire nouvellement créé déposait des amendements pour protéger les revenus des agriculteurs à travers des prix planchers. Contrairement aux autres forces politiques, nous n’avons jamais dévié : nous sommes revenus à la charge sur ce sujet à plusieurs reprises, jusqu’à notre niche parlementaire du 23 novembre 2023. Ce jour-là, Manuel Bompard et Aurélie Trouvé ont défendu notre loi établissant des prix planchers pour les matières premières agricoles et encadrant les marges des industries agroalimentaires et de la grande distribution. À l’issue d’un débat âpre et serré, celle-ci a été rejetée à seulement 7 voix près par des macronistes en panique ! À l’époque, ces derniers en parlaient comme d’une « proposition soviétique, tout droit sortie de l’université d’économie de Caracas » ! C’était pourtant le système prévalent dans l’UE durant les 30 premières années de la politique agricole commune, jusqu’en 1992.
Notre groupe avait manifestement vu juste avec cette proposition de loi. Depuis le 18 janvier, les mobilisations d’agriculteurs sont montées d’un cran à travers le pays. Et la question de l’insuffisance des revenus agricoles est au cœur des revendications.
Ce n’est pas surprenant. Depuis trop longtemps, les gouvernements successifs laissent la situation pourrir. 100 000 fermes ont disparu en 10 ans entre 2010 et 2020. C’est l’un des plus grands plans sociaux du pays ! 16,2 % des ménages agricoles sont pauvres et beaucoup de fermes ne dégageraient aucun revenu sans subventions : 55,1% des exploitations en bovins viande seraient en déficit sans subventions !
Les mobilisations ont été telles que Macron a été contraint de nous donner le point : au Salon de l’Agriculture, il a annoncé la mise en place de prix planchers ! On attend de voir ! « Personne n’y croit », résume au Salon une lobbyiste aguerrie de l’agroalimentaire. Mais cette annonce est pour nous une grande victoire idéologique et nous allons poursuivre le combat sur les prix planchers : nous avons redéposé la proposition de loi de Manuel Bompard dans une version mise à jour et Aurélie Trouvé porte désormais une proposition de résolution européenne pour la mise en place de prix planchers au niveau européen.
Nous ne nous arrêtons pas là. Les prix planchers doivent être pris dans un ensemble cohérent : c’est pourquoi notre groupe propose aussi d’apporter un soutien financier massif aux agriculteurs pour les aider face aux défis de la bifurcation écologique et de les protéger de la concurrence déloyale en mettant fin aux accords de libre-échange et en appliquant nos normes de production aux importations.
Nulle trace de cette cohérence dans les dernières annonces du gouvernement. Le seul cap clair donné par Attal et Macron est celui de la régression environnementale qui ne fera qu’accroître les difficultés des agriculteurs et met en péril la capacité des générations futures à se nourrir.
©groupe LFI-NUPES
27.03.2024 à 16:54
DOSSIER : Sortir du libre-échange : indispensable et possible !
Par Amélie CANONNE Le Journal de l'insoumission n°1784 (AVRIL 2024)
La mobilisation récente des agriculteurs a réveillé la critique des accords de libre-échange et de la concurrence déloyale. L’occasion de changer de modèle pour aller vers un protectionnisme solidaire ? Au lieu de cela, l’UE multiplie les accords, du Kenya à la Nouvelle-Zélande en passant par le Chili. Stop !
La folie libre-échangiste de Bruxelles n’est pas nouvelle : elle a décimé l’industrie depuis les années 1980. L’adhésion de la Chine à l’OMC en 2006 a achevé le travail : des centaines d’entreprises ont délocalisé leurs unités de production détruisant directement près de 300 000 emplois industriels en France.
Au milieu des années 2000, la Commission et les États se sont dotés de leur propre stratégie, « Global Europe », pour approfondir la libéralisation des échanges internationaux. Cette stratégie s’est d’abord révélée un problème pour les pays du Sud : des millions de tonnes de poudre de lait et de viande congelée, bas de gamme, ont pu gagner les marchés subsahariens et y liquider une partie de l’agriculture familiale.
Aujourd’hui, la profondeur de la libéralisation des échanges de biens et de capitaux crée des crises à répétition mais elle est devenue telle que toute politique agricole, industrielle, énergétique, sanitaire, culturelle… se fracasse sur les règles de l’OMC et des accords bilatéraux signés depuis 50 ans, quand ce n’est pas sur les règles du marché intérieur de l’UE.
La décarbonation de l’industrie implique de raccourcir les chaînes de valeur, donc de pénaliser des produits lointains par rapport à leur équivalent local, par des droits de douane ou des barrières normatives (matériaux utilisés, traitements chimiques opérés, etc.). Mais l’exclusion des matériaux issus de l’industrie pétrolière accroît les coûts de revient et les PME françaises ne pourront pas rivaliser avec leurs concurrentes chinoises ou vietnamiennes sans subvention publiques. Or c’est impossible dans l’état actuel du droit, qui ne permet pas de taxer différemment deux T-shirts s’ils présentent des caractéristiques finales identiques, quand bien même l’un aurait été produit sans pétrole et avec des fibres textiles exclusivement locales.
Il faut également verdir les processus de production agricole. Mais cela suppose plus de main-d’œuvre
et de meilleurs prix pour les paysans. Or, sans droits de douane, les agricultures familiales sont condamnées. Par les fruits et légumes du sud de l’Europe, où le coût du travail est moindre, grâce notamment au travail des migrants illégaux. À l’Est par l’arboriculture de Pologne ou les fermes usines d’Ukraine. Outre-Atlantique, par les fermes gigantesques au Brésil et en Argentine qui espèrent l’accord UE-Mercosur. Les clauses « miroir » que le gouvernement vante n’y changeront rien : le différentiel de coût de production est trop important.
L’emploi local dépend aussi de la commande publique, de l’échelon local (restauration collective par ex) jusqu’au développement de technologies d’envergure (énergies renouvelables, équipements de transports,…). Mais le droit international et européen des marchés publics réprime la préférence locale (française ou européenne). Impossible de privilégier une pomme produite à 20 km contre celle importée, un panneau photovoltaïque assemblé en France plutôt qu’en Chine. Autant d’emplois détruits et de déménagement climaticide.
La bifurcation sociale et écologique paraît enfin difficile sans une souveraineté politique et économique suffisante pour sélectionner les investissements étrangers souhaitables et limiter la prise de participation majoritaire dans des activités stratégiques pour le pays. Le TAFTA UE-USA, à ce jour non conclu, et le CETA ont « popularisé » les tribunaux d’arbitrage d’investissement auprès du grand public. Ils permettent à une entreprise s’estimant lésée par une décision de politique publique de réclamer des indemnités énormes et de faire trancher son contentieux hors de la justice ordinaire. Mais ça n’était que la face émergée de l’iceberg : les dispositions de fond qui protègent les investisseurs étrangers sont puissantes, de telle sorte par exemple qu’il est très difficile de préférer, y compris en recourant à des incitations (fiscalité préférentielle, aides à l’emploi…)
des capitaux français à des capitaux étrangers. La Suède qui avait refusé d’accorder au chinois Huawei l’autorisation de développer la technologie 5G sur son territoire est toujours en contentieux avec la compagnie. De même pour l’Italie qui avait voulu réglementer l’exploitation des énergies fossiles dans leurs eaux territoriales.
Les États se trouvent face au défi immense de remettre le commerce à sa place. Il est urgent, tout d’abord, de stopper les négociations commerciales en cours comme le propose la tête de liste LFI pour les élections européennes Manon Aubry, alors que l’UE négocie toujours des accords avec l’Inde, la Thaïlande, l’Australie, les Philippines, l’Indonésie ou encore la Chine, et n’a pas renoncé à l’accord avec le Mercosur.
Mais que faire des accords existants ? À court terme, deux pistes sont ouvertes. D’abord activer toutes les clauses de sauvegarde disponibles dans les traités multi et bilatéraux – clauses générales de l’accord du GATT ou spécifiques sur les volets sanitaires ou environnementaux – pour limiter les chocs. Ensuite, rétablir des barrières tarifaires ou normatives. L’organe de règlement des différends de l’OMC est si mal en point qu’aucun contentieux ne sera tranché avant des années : face aux crises sociales et écologiques, il n’est pas temps de craindre une décision adverse. Il est au contraire urgent de faire la démonstration de l’efficacité et du bénéfice mutuel de protections stratégiques, justifiées, solidaires (par exemple en dédiant une partie des recettes douanières à des coopérations). Plus structurellement les accords existants doivent être abrogés pour faire place à un nouveau régime d’échanges économiques.
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01.03.2024 à 16:28
Gagner en juin pour continuer à tracer le chemin de la rupture
par Séverine Véziès
Depuis 2017 et l’arrivée au pouvoir de Macron, de multiples fronts de lutte se sont ouverts dans la société. Gilets jaunes, soignant.es, mobilisation historique contre la réforme des retraites, luttes écologiques et révoltes urbaines… que ce soit au cœur des institutions ou dans la rue, le pouvoir macroniste ne tient qu’à la force de son autoritarisme institutionnel et d’une répression policière violente. Les images de l’inauguration du salon de l’agriculture où l’on voit un président de la République ne pouvant déambuler librement sans la présence d’une armée de CRS gazant les agriculteurs, illustrent à nouveau cette lame de fond dégagiste qui enfle dans le pays. Mais ces images révèlent beaucoup plus que cela. Car au-delà de la simple personne d’E. Macron, c’est l’autorité même de l’État qui est contestée. Dans ce climat, du côté des forces médiatiques et économiques, elles préparent l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite devenue l’alternative acceptée des dominants.
C’est dans ce contexte que les élections européennes vont avoir lieu. Et c’est ce constat alarmant que la France insoumise fait depuis des mois et appelle donc en conséquence à construire une alternative progressiste et humaniste face au péril fasciste et à l’extrême marché. Les multiples mains tendues à ses partenaires de la NUPES sont l’expression même de cette prise de responsabilité face aux évènements qui nous guettent. L’effondrement dans les sondages des macronistes et de la droite LR totalement absorbée par le RN nous amène inexorablement à un face à face entre eux, les racistes identitaires amis des puissants, et nous, les partageux collectivistes. Voilà le combat qui nous attend lors de ces élections et dans les prochains mois.
Mais pour tenir ses promesses, c’est-à-dire véritablement changer la vie des gens, cette alternative au duo mortifère Bardella/Macron doit être anticapitaliste. C’est uniquement sur une ligne de rupture avec l’actuel système de production et de consommation productiviste, d’exploitation des ressources humaines et naturelles que nous pouvons construire et faire gagner une alternative heureuse.
En 2022, c’est grâce à ses 22 % au premier tour de l’élection présidentielle que Jean-Luc Mélenchon et l’Union populaire ont pu faire l’union sur ces bases radicales, c’est-à-dire qui prennent les problèmes à la racine. Les tergiversations depuis des mois des autres partis à l’accord NUPES de 2022 ne sont en réalité que l’expression de leur volonté de remettre en cause ce cadre programmatique. Tout comme les partisans d’une primaire à gauche pour 2027 qui pensent pouvoir capitaliser sur un champ de ruines à gauche aux Européennes. « Faites mieux » n’est pas un appel à la bataille de destins individuels, c’est un appel collectif à continuer le combat et à le gagner. Le combat pour qu’un autre monde soit véritablement possible. Ce n’est pas en négociant le poids des chaînes que nous construirons un autre monde. Ce que le pays attend de nous, ce dont les gilets jaunes, les soignant.es, les habitant.es des quartiers populaires, de nos bourgs et villages désertés par les services publics, nos agriculteurs et ouvriers, ont besoin, c’est justement de rompre avec la cause originelle de tous leurs maux.
Au-delà des enjeux européens dont les implications sont réelles dans notre quotidien, cette élection est donc éminemment politique. Parce qu’elle doit nous permettre de faire face à l’extrême droite mais aussi parce qu’elle doit nous donner de la force pour continuer à faire l’union sur un programme clair et de rupture.
21.02.2024 à 16:38
Montrer la réalité de la vie à Béziers au-delà de la communication municipale, voilà l’ambition de Daniel Kupferstein pour son 12e documentaire sorti le 28 février dans les salles. Une œuvre engagée et conséquente, puisque composée de 2 parties de 1h30 chacune, qui dresse le bilan peu reluisant de près de 10 ans de gestion de la ville par l’extrême droite.
C’est du journal municipal,
le Journal du Biterrois, que part le film. Dans chaque numéro, page 6, on y retrouve sans faille une interview du maire et directeur de la publication du journal, qui ne manque pas de vanter ses réalisations et, comme le montre le film, de marteler sa ligne idéologique. L’utilisation de typographies et d’images fortes pour impacter le lectorat est également brillamment décortiquée dans le documentaire par Alain Korkos, journaliste spécialiste de l’utilisation des images. Un parfait outil de propagande tout à la gloire du maire.
Pour faire contrepoids à la communication municipale, Daniel Kupferstein donne la parole notamment à des syndicalistes et des usagers des services publics. De ces témoignages jaillit l’imposture du vernis social que se donne l’extrême droite, comme lorsque Robert Ménard affirme avoir renforcé le Centre Communal d’Action Social (CCAS) après en avoir baissé les subventions. En somme, le film est autant une source d’information pour les biterrois·es qu’un avertissement au grand public sur les dégâts que cause l’extrême droite lorsqu’elle remporte une élection.
16.02.2024 à 16:21
« Députée pirate, comment j’ai infiltré la machine européenne » De Leïla Chaibi
Leïla Chaibi, députée France insoumise du groupe The Left au Parlement européen, retrace dans « Députée pirate » son premier mandat débuté en 2019 dans un récit très incarné. Le livre raconte à la 1ère personne les difficultés à se conformer aux codes et aux mécanismes qui font la vie politique européenne, tout en soulignant l’influence des lobbies. Car selon elle, c’est notamment la présence physique des lobbyistes au sein de l’institution qui rend naturelle l’adoption des politiques néolibérales.
Ce poids omniprésent les lobbies, Leïla Chaibi le dépeint notamment à travers sa lutte pour la présomption de salariat des travailleur·euses des plateformes. Car s’il y a plus de 70 lobbyistes pour 1 député·e européen·ne, tout l’enjeu de cette lutte était de faire se rencontrer et échanger les livreur·euses de toute l’Europe afin de s’organiser en « contre-lobby ». Un combat qui s’annonçait victorieux avant qu’Emmanuel Macron ne s’oppose au texte au Conseil européen, faisant de la France le seul pays à s’opposer à la directive et à entraîner son rejet.
« Députée Pirate » nous met au premier rang des combats qu’il est possible de mener au sein de cette institution redoutablement bien huilée et où la conflictualité ne semble pas avoir sa place. Leïla Chaibi nous livre ainsi un formidable outil pour mobiliser dans les urnes les personnes qui n’ont jamais cru ou ont cessé de croire à l’échelon européen comme terrain de lutte.
06.02.2024 à 12:26
Découvrez le numéro du mois de février 2024
Ce mois-ci l'équipe du Journal de l'insoumission a le plaisir de vous offrir la lecture du journal de l'insoumission du mois de février comme peuvent le faire tous les mois nos abonné·es depuis leur espace.
Alors n'hésitez pas à le feuilleter, à le faire connaitre, et à vous abonner!
30.01.2024 à 15:22
Cuisiner à la sauce européenne
CUISINER C'EST POLITIQUE
par Astrid Prévost, pour Végépolitique, le pôle plaidoyer de l’Association Végétarienne de France (AVF)
Le Journal de l'insoumission n°1782 (février 2024)
En guise de mise en bouche électorale, nous vous proposons des recettes typiques de différents pays, relevées par une pointe de réflexion sur les politiques alimentaires.
Cuisiner, c’est politique… et ce qu’on trouve à mettre dans l’assiette aussi. La nourriture qui garnit les étals européens est le fruit d’une politique agricole commune (la PAC) qui persiste dans une veine productiviste, et dont l’élevage est le pilier. Même l’essor des grandes cultures est d’abord destiné au bétail : l’abondance de céréales subventionnées permet de produire des denrées animales à moindre coût. Malgré cette industrialisation qui cherche toujours plus de rentabilité, la majorité des revenus issus de l’élevage est assurée… par les subventions1 !
Très exigeant en matière première, ce système agricole ne tient pas debout. Les injections massives et répétées d’argent public ne lui permettent même pas d’espérer marcher seul. Alors, au moment des élections européennes, si on changeait de menu ?
Bonne nouvelle ! Comme le montre le rapport Plant Powered Politics2, rédigé par une coalition de cinq associations européennes, dont l’AVF, l’AVP (Portugal), ou encore le CIWF Europe, la majorité des ingrédients sont déjà dans les placards de l’Union : la stratégie de la Ferme à la table, le Green Deal ou encore le Système d’Échange de Quotas d’Émission (SEQE-UE) sont autant de recettes qu’il suffirait de mettre en œuvre pour réorienter les fonds financiers vers une agriculture végétale qui nourrit l’espèce humaine.
Les élections à venir sont l’occasion de faire entendre l’exigence d’une telle politique d’avenir, et l’AVF en profite pour lancer une consultation en direction de l’ensemble des listes candidates : allez-vous agir pour la végétalisation de l’alimentation ?
Pour vous faire découvrir les ressources culinaires de nos voisins européens, Végépolitique vous propose trois recettes traditionnelles, en version 100 % végétale
Recette issue du blog Tuga Vegetal (en portugais)
Ces beignets sont initialement réalisés à base de morue séchée (Bacalhau).
La pêche est la première menace qui pèse sur les océans, loin devant le plastique. Cette recette transmet le meilleur de la tradition, le respect en plus !
C’est le pois chiche, bico, qui restitue la texture du poisson et donne son nom au plat.
Le saviez-vous ?
La morue n’a jamais été un poisson local du Portugal. Elle vient des eaux beaucoup plus froides, de la Caroline du Nord au Groenland : la pêche à la morue a commencé avec les explorations portugaises, suivies des colonisations de l’Amérique, il y a plus de 500 ans. Les morues pêchées étaient conservées par salaison pour supporter le voyage, et c’est ainsi que la morue séchée et salée est devenue le plat national. 3
Inspiré par la recette de l’Atelier V
Dans l’Antiquité, on préparait le taramos uniquement avec des œufs de poissons écrasés. Il était donc plutôt grisâtre, et d’une texture particulièrement gluante... Un cuisinier a eu l’idée de lui ajouter de l’huile et de la mie de pain : peut-être lui a-t-on dit à l’époque que ce n’était pas du vrai taramos, et qu’il “trompait le consommateur”?...
Le saviez-vous ?
Les algues sont encore très peu consommées en Europe. Pourtant, ce sont de véritables alliées nutritionnelles : riches en protéines, en omégas-3 à chaîne longue, en calcium et en iode, elles sont plus intéressantes dans l’assiette que les poissons, dont la chair concentre les polluants et les métaux lourds.
Avec son importante surface maritime en métropole et en Outre-mer, la France jouit d’un potentiel très élevé pour développer la culture des algues alimentaires. Un rapport du CGAER de 2022 s’est interessé à l’algoculuture et à son développement, notamment pour l’alimentation.4
Recette issue du blog la France végétalienne
Le Stöllen allemand était, au Moyen Âge, un pain tout simple. Au fil des siècles s’y sont ajoutés des ingrédients variables selon les régions, et de nombreuses villes allemandes possèdent désormais leur propre recette.
Végépolitique vous souhaite une bonne campagne, et un bon appétit!
L’AVF (Association Végétarienne de France) informe sur les multiples impacts négatifs générés par la production et la consommation de produits et sous-produits animaux, et accompagne le grand public et les acteurs publics dans la végétalisation de l’alimentation.
Sources :
1. INRAe, 2019, “Comment la PAC soutient-elle le revenu des agriculteurs?”
2. Rapport Plant Powered Politics : Europe’s shift towards an plant-based system, 2023
3. Histoire de la morue portugaise, blog All about Portuguese codfish :
https://www.ohmycodtours.com/fr/blog/salted-codfish-in-portugal/
4. CGAAER, 2022, Présentation et développement de l’algoculture en France
Sources et inspirations des recettes :
Tuga Vegetal : https://tugavegetal.com
L’Atelier V est une petite marque bio française qui valorise les légumineuses
La France végétalienne : https://francevegetalienne.fr
30.01.2024 à 15:07
Interruption Volontaire de Grossesse remporter la bataille !
La décision de la Cour suprême des États-Unis d’annuler le 24 juin 2022 l’arrêt Roe vs Wade reconnaissant depuis 1973 le droit à l’avortement au niveau fédéral est un retour en arrière considérable : chaque État peut de nouveau interdire ou autoriser l’avortement. En Pologne, la vente de la contraception d’urgencesans ordonnance a été interdite en 2017 avant que le droit à l’avortement ne soit considérablement restreint en 2020. Ces revirements montrent à quel point le droit des femmes à disposer de leur corps est fragile.
En France la question de l’égal accès et de l’effectivité du droit à l’avortement reste entière. En 2022, un peu plus de 234 000 IVG ont été pratiquées. Une femme sur trois en moyenne y a recours dans sa vie. Pourtant, avorter peut relever du parcours du combattant·e : 130 centres pratiquant les IVG ont fermé en dix ans. Cela allonge considérablement les délais de recours. La pénurie de praticiens en ville et à l’hôpital et le manque de moyens dans les centres de santé et associations entravent l’accès à ce droit. L’année dernière, la France a connu cinq mois de tension voire de rupture de stock de pilules abortives (entre le 28 novembre 2022 et le 16 janvier 2023, puis trois mois entre février 2023 et le 26 avril 2023). Le libre choix de la méthode d’IVG n’est pas assuré. Mathilde Panot a déposé une proposition de résolution visant à protéger le droit à l’interruption volontaire de grossesse en France du risque de pénurie de pilules abortives en juin 2023.
Le groupe parlementaire de la France insoumise-NUPES dépose le 6 juillet 2022 une proposition de loi constitutionnelle visant à protéger le droit fondamental à l’interruption volontaire de grossesse. Mathilde Panot a défendu l’inscription de l’IVG mais aussi de la contraception dans la Constitution lors de notre niche parlementaire le 24 novembre 2022. Malgré l’opposition de député·es de droite et d’extrême droite qui ont tenté de bloquer son examen en déposant des centaines d’amendements, un texte est adopté. Quelques mois plus tard, au Sénat, la portée du dispositif est amoindrie. C’est ce texte, à peine modifié, qu’E. Macron a choisi de reprendre en déposant un projet de loi constitutionnelle : « La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse. » Il est pourtant bien moins protecteur.
En commission des lois puis en séance le 24 janvier 2024, Mathilde Panot a défendu un texte qui garantit à la fois l’effectivité du droit à l’avortement, mais aussi celui de la contraception. Le groupe parlementaire LFI-NUPES a proposé également de modifier sa rédaction afin de consacrer le droit à l’avortement à toute personne, quel que soit son genre. Après le passage à l’Assemblée nationale, le projet de loi devrait être examiné au Sénat puis en Congrès le 5 mars 2024. Nous nous battrons pour que ce texte soit réellement protecteur pour tou·tes
« Aujourd’hui, la France parle au monde.
C’est aujourd’hui que nous consacrons le droit à l’avortement dans la Constitution.
Cette inscription marque une victoire historique.
Cette victoire est la vôtre, la nôtre et la défaite des anti-choix. »
Mathilde Panot 24 janvier 2024
30.01.2024 à 14:25
L’abolition de l’esclavage en France : une conquête révolutionnaire
William Foucaut - Le Journal de l'insoumission n°1782 (février 2024)
Le 4 février 1794 (16 pluviôse an II), l’esclavage est aboli pour la première fois en France par la Convention. En 1791 et 1792, les révolutionnaires avaient déjà accordé certains droits aux personnes de « couleur »1 . Mais cette première abolition a eu peu d’effet et comme en 1848, on oublie souvent le processus révolutionnaire et la capacité des « esclavisés » à se libérer eux-mêmes !
L’esclavage désigne un système socio-économique reposant sur l’exploitation d’êtres humains, qui ne fonctionne que sous la contrainte et par la violence2. Sous l’impulsion de plusieurs historiens, l’analyse du système esclavagiste3 a remis au centre des études les personnes concernées. La vision économique et productiviste du rapport maître/esclave envisage l’être humain uniquement comme une marchandise. Myriam Cottias4 préfère, à la suite de plusieurs influences historiographiques, employer le terme « esclavisé » pour parler des « esclaves »5 . Déjà dans les années 1960, des historiens cubains comme Juan Pérez de la Riva avaient travaillé sur « l’histoire des gens sans histoire », formant alors le concept d’agentivité (agency) : la capacité d’agir de l’être humain. Il s’agit de distinguer un terme juridique désignant un statut civil, « esclave », d’un terme redonnant toute sa place à la personne agissante malgré la domination : « esclavisé ». En effet, ce sont aussi ces résistances d’esclavisés qui ont créé le rapport de force favorable à l’abolition « des esclavages ».
L’abolition de l’esclavage en France s’inscrit dans un contexte mondial et révolutionnaire complexe.
Il convient de nuancer sans minimiser le rôle des « grandes figures » du récit national ainsi que les « grandes idées », de Robespierre à Schœlcher en passant par la morale des Lumières. Ainsi, l’abolition doit se penser en interaction avec les événements révolutionnaires initiés par les esclavisés eux-mêmes. Par exemple, la Société des Amis des Noirs, dont l’abbé Grégoire est un acteur majeur, permet de porter à la Convention le débat sur l’esclavage et le droit des personnes noires parce que la Révolte des esclaves de Saint-Domingue (août 1791) a produit ses effets. De même, l’abolition du 4 février 1794 fait suite à l’abolition du 29 août 1793 à Saint-Domingue, conséquence des événements révolutionnaires menés par les esclavisés. Mais dans le contexte mondial, l’abolition de 1794 a peu d’effet. De nombreux colons ont résisté, comme à la Réunion, et de nombreux propriétaires sont partis dans les colonies britanniques pour conserver leurs esclaves.
En 1804, Napoléon rétablit l’esclavage mais fait face à de grandes résistances. Des résistances de colons blancs, petits propriétaires face aux gros, mais surtout des esclavisés qui s’organisent. À Saint-Domingue, la lutte n’a pas cessé depuis la cérémonie du Bois-Caïman du 14 août 1791. Toussaint Louverture6 dirige la lutte armée dès 1801 face à la reprise de l’île par les troupes napoléoniennes. La guérilla est favorisée par la topographie de l’île. Louverture est arrêté en 1802, trahi par celui qui devient son successeur : Jean-Jacques Dessalines. Ce dernier proclame l’indépendance de Saint-Domingue qui devient Haïti le 1er janvier 1804 et la première république noire libre au monde. Les quelque 13 ans de lutte font près de 100 000 victimes noires et 25 000 victimes blanches. Avec ce rapport de force la conquête de nouveaux droits se poursuit pour les esclavisés durant les années 1830. Cela conduit Louis-Philippe à signer des ordonnances pour l’affranchissement des populations d’esclaves noirs de 1830 à 1845. Cela participe à l’affranchissement de 6 % de la population totale d’esclaves dans les colonies françaises.
Toutefois, c’est sous l’impulsion de Victor Schœlcher, député de La Montagne que l’esclavage est aboli par décret le 27 avril 1848 en France. Plus qu’une abolition, le décret proclame cela comme la reconnaissance d’une « grande dette de la France à l’humanité ». L’abolition en France est un processus républicain menant à la citoyenneté pour les concernés et non pas uniquement la fin d’un système de domination économique tel qu’en Angleterre (1833). La résistance est forte, les esclavisés se soulèvent et le décret est promulgué par anticipation en Martinique, Guadeloupe et Guyane libérant plus de 60 % des esclavisés du 23 au 27 mai 1848. Aimé Césaire affirmait pour le centenaire de l’abolition que les esclaves avaient compris « que la liberté ne tombe pas du ciel…qu’elle se prend et se conquiert ».
Les propriétaires perçoivent l’équivalent de 2 millions d’euros par esclave d’indemnités et contrairement à ce qu’ils croyaient, la fin de l’esclavage va stimuler l’économie coloniale. En 1825, Charles X va exiger l’indemnisation de la France par Haïti à hauteur d’une année de revenu pour l’île, « dette de l’indépendance » soldée en 1952, entravant lourdement son développement.
Aujourd’hui, c’est un combat à poursuivre. Les estimations sont autour de 50 millions de personnes victimes d’une forme d’esclavage contemporain7 dans le monde. Ce chiffre est en hausse mais il est à prendre avec des pincettes tant les informations sont complexes à collecter. Il s’agit également de distinguer ce qui relève de l’esclavage et ce qui relève du travail forcé. Même si bien souvent la frontière est mince, ce combat reste malheureusement d’actualité.
1. Décret mai 1791 / Décret mars 1792
2. Site Mémorial de Nantes
3. Société dans laquelle l’esclavage est un modèle de production prépondérant.
4. Directrice du Centre International de Recherches sur les esclavages et post-esclavages
5. Travaux de Catherine Coquery-Vidrovitch et Éric Mesnard
6. Le personnage reste controversé car il devient propriétaire d’esclaves après avoir conquis sa liberté.
7. ONU, 2021
08.01.2024 à 14:15
ÉDITO - 2024. Rallumons la lumière
Historique et combative, l’année 2023 fut aussi tragique et dangereuse.
Janvier 2023. La plus grande mobilisation sociale depuis plus de 30 ans démarre. Envers et contre tout, E. Macron et son gouvernement usent et abusent des outils de la Ve République pour imposer par la force leur contre-réforme des retraites. Alors que les Français es souffrent sous l’effet de l’inflation et de la stagnation des salaires, la macronie leur arrache deux ans de vie.
Mars 2023. Sainte-Soline. Une répression d’une violence inouïe s’abat sur les citoyen.nes venu.es protester contre l’installation de méga-bassines. En quelques heures, des milliers de grenades dont certaines classées comme armes de guerre, sont tirées pour protéger… un trou. À ces violences policières orchestrées, G. Darmanin tenta d’y adjoindre le bâillon en prononçant la dissolution du collectif des Soulèvements de la terre. La justice administrative suspendra puis annulera cette décision.
Juin 2023. Nahel meurt. Abattu par un policier suite à un refus d’obtempérer. S’en suivront des révoltes urbaines auxquelles le gouvernement répondit par la répression et la culpabilisation des parents. Rien pour rétablir l’égalité républicaine à laquelle ont droit les habitant·es de nos quartiers populaires.
Septembre 2023. Un gouvernement dopé à l’autoritarisme. À peine les travaux parlementaires reprennent-ils qu’E. Borne annonce son 12e 49-3 depuis juin 2022. Depuis lors, les 49-3 se sont enchaînés avec les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale 2024. Vingt-trois 49-3 depuis juin 2022.
Octobre 2023. Proche-Orient. Aux crimes de guerre commis par le Hamas contre Israël, le gouvernement d’extrême droite de Netanyahu répond par des crimes de guerre contre les gazaouis. Une escalade dans la violence dont les civils paient le prix fort dans le silence assourdissant du gouvernement français qui après avoir apporté son « soutien inconditionnel » au gouvernement israélien, a tergiversé durant des semaines avant d’appeler à un cessez-le-feu. Le peuple français, comme ailleurs dans le monde, s’est lui mobilisé pour exiger la fin des massacres.
Décembre 2023. COP28. Organisée par un pays producteur de pétrole et présidée par le ministre émirati, patron du géant pétrolier ADNOC, 12e plus grande entreprise pétrolière, les choses s’engageaient mal. L’accord « appelle » les États à une « transition hors des énergies fossiles », tout en considérant le gaz fossile comme une solution permettant cette transition (sic). Les mots utilisés sont révélateurs : « transition » et non « sortie ». Les États sont « appelés » et non « décident » ou sont « contraints ». Cet appel pourra être réinterprété à l’aune des « circonstances nationales ». Cet accord à défaut d’être « historique » n’est qu’un vœu pieux sans plan d’action, sans agenda ni objectifs réels. Et ce n’est pas de sa prochaine édition, la COP29 qui aura lieu en Azerbaïdjan dont l’économie dépend à 90 % du pétrole et du gaz, qu’il faut espérer notre salut.
19 décembre 2023. La France des Lumières laisse place à la France des ténèbres. Après une année marquée par la montée des idées et de la violence d’extrême droite, après des débats à vomir sur les plateaux télé ou dans l’hémicycle et malgré le vote d’une motion de rejet préalable contre la loi immigration, E. Macron et son gouvernement ouvrent la porte au programme du Front et désormais Rassemblement national. Par 349 voix dont 88 voix du RN, le trio Macron-Ciotti-Lepen adopte une loi qui instaure la préférence nationale en matière de prestations sociales, la remise en cause du droit du sol - histoire de notre pays depuis plus de 5 siècles - la déchéance de nationalité, la caution pour les étudiant·es étranger·es, un pouvoir discrétionnaire du préfet renforcé en matière de régularisation des travailleurs sans papier. Macron défigure la France.
Durant toute cette année 2023, les élites dirigeantes ont encore une fois démontré leur incapacité à répondre aux attentes et besoins du peuple. Jusqu’à livrer notre pays au fascisme.
Il n’y a pas de fatalité. Il y a un an et demi, les forces de la NUPES se sont rassemblées autour d’un programme de rupture et ont montré qu’un autre chemin est possible. Face à la noirceur qui envahit le ciel de France, chacun·e doit prendre ses responsabilités. Avec en ligne de mire les élections Européennes de juin prochain, l’Union Populaire face à l’union réactionnaire, c’est le vœu que chacun·e d’entre nous doit formuler pour 2024 et participer à construire.
19.12.2023 à 18:01
ÉCOLE DU JARDIN PLANETAIRE - Le Fusain d'Europe
ÉCOLE DU JARDIN PLANETAIRE
par Fabien NEGRELLO Photos de Floriane KARAS - Le Journal de l'insoumission n°1781 (Janvier 2024)
Me voilà… Le fusain d’Europe !
Euonymus europaeus pour ceux qui veulent parler latin.
Je suis un arbuste que l’on trouve un petit peu partout en France, sauf près de la Méditerranée. Je suis robuste, je peux par exemple résister à des températures de -30 degrés.
Mes fruits rouges te donnent envie de les croquer ? Abstiens-toi ! En effet je suis toxique. Toxique, mais pas pour tout le monde. Comme quelques autres, ma production fructifère se fait à l’automne.
C’est peut-être un détail pour vous, mais pour moi ça veut dire beaucoup ! Enfin, pour moi mais surtout pour les oiseaux. Ces derniers se régalent de mes fruits, ils leur donnent des forces pour passer l’hiver. Les oiseaux se nourrissent de ma production mais ce n’est pas ma seule utilisation. En effet la couleur de mes feuilles qui virent au rouge fait qu’on me retrouve beaucoup dans les haies d’ornement pour embellir les jardins.
Alors, je résume, je suis toxique, mes fruits nourrissent les oiseaux à une période où ils en ont bien besoin et je suis joli !
Et puis ce qui est particulier avec moi, c’est que tu m’as peut-être vu, même si tu ne t’es jamais baladée dans la nature… Quel végétal peut se venter de quelquefois tenir entre les doigts de l’artiste qui va redessiner le monde au gré de son imagination ?
Toi aussi tu veux faire pareil ? Je ne suis pas égoïste je vais te dire comment faire. Et surtout, répète-le à tout le monde !
Déjà, il va falloir me retrouver. Si tu regardes les photos qui illustrent cet article, cela ne devrait pas être trop compliqué. Ensuite avec un sécateur, prélève quelques-unes de mes branches pour en faire des morceaux de 7 cm de longueur. Il faudra que tu enlèves l’écorce avec un couteau, un ciseau, un économe, bref, tu as compris le principe.
Maintenant, il va falloir s’occuper de la carbonisation. Place les morceaux découpés dans une boite de conserve, que tu recouvriras ensuite d’un papier d’aluminium. Tu devras percer ce dernier d’un petit trou, avec une aiguille par exemple. Il faudra que tu places la boite sur le feu, un barbecue où un réchaud à gaz. Quand une flamme sortira du trou, il faudra placer l’ensemble dans l’eau froide. Quand le tout aura refroidi, je te laisse la main, je serai à l’intérieur de celle-ci pour prolonger ton inspiration et dessiner les contours de ce que tu souhaites partager avec ta feuille blanche…
19.12.2023 à 17:53
DOSSIER - Psychiatrie, le choix a la crise
DOSSIER
par Élise LEBOUCHER, députée LFI-Nupes de la Sarthe - Le Journal de l'insoumission n°1781 (Janvier 2024)
La psychiatrie représente près de 10 % des dépenses de l’assurance maladie et le soin demeure majoritairement assuré par les agents du service public. L’Objectif National de Dépenses d’Assurance Maladie croît annuellement entre 2,5 % et 3 %, c’est-à-dire en dessous de l’inflation pour l’année 2024. Mais c’est encore moins pour la psychiatrie : la dotation concernant les activités de psychiatrie n’a augmenté que de 0,88 % entre 2014 et 2018, soit 78,2 millions d’euros. Dans le même temps, les hôpitaux ont subi près de 12 milliards d’euros de coupes budgétaires contraignant les établissements psychiatriques comme les autres à la faillite progressive et à la petite économie quotidienne : sur le matériel, sur l’équipement, sur le personnel et sur les salaires. Contre le soin, depuis trente ans, les gouvernements successifs ont fait le choix de la crise.
Avec le projet de loi de financement de la sécurité sociale 2024, adopté par l’autoritaire 49-3, la tarification à l’acte étend son emprise délétère sur l’activité psychiatrique.
L’activité ambulatoire, par exemple, sera financée par des forfaits variables selon le nombre d’actes par patient, et surtout sur la base de tarifs dégressifs. Il sera donc plus intéressant de recevoir vingt patients une fois, qu’un patient vingt fois : une logique financière aux antipodes de l’accompagnement nécessaire à la relation thérapeutique.
Une personne sur cinq est touchée par un trouble psychique chaque année, soit 13 millions de Français et il est important de noter que personne n’est épargné : Santé publique France révélait en juillet 2023 que 6 élèves de primaire sur 10 souffrent d’un trouble psychique. Pourtant 40 à 60 % des personnes qui le nécessitent ne sont pas pris en charge. Une conséquence directe du manque de moyens et du détricotage de la psychiatrie de secteur dont l’esprit visait à mailler le territoire de façon cohérente. Dans ce contexte, la crise de la psychiatrie est une bombe sociale à retardement.
Comme de nombreux secteurs médicaux, la psychiatrie souffre de la pénurie de professionnels qui conduit à une baisse des possibilités d’accueil et accélère la fermeture des lits et des services.
De surcroît, la discipline fait face à un abaissement des connaissances et une perte de savoir-faire. La formation d’infirmier psychiatrique, disparue en 1990, a laissé un vide jamais comblé. Les médecins généralistes font face à une recrudescence de patients porteurs de troubles sans toujours savoir accompagner ni pouvoir orienter.
Pourtant, face à ce diagnostic, le gouvernement ne souhaite rien régler. C’est pourquoi dans le cadre de l’étude du PLFSS, le groupe insoumis a porté sous la forme d’un « bouquet législatif » des propositions fortes en matière de financement, de maillage territorial, de formation et de dignité. Nous refusons l’extension de la tarification à l’acte (ou basée sur « la dotation à l’activité ») dont le mécanisme produira des effets contre-productifs. Nous réaffirmons la nécessité d’une psychiatrie de secteur dont la vitalité dépend de la bonne santé des Centres médico-psychologiques (CMP) et des Centres d’action médico-sociale précoce (CAMSP). Au-delà du financement et de la géographie, nous défendons un retour de la formation et le développement de la formation continue bénéficiant à tous les professionnels de santé. Aussi, et c’est l’essence de notre engagement, nous portons des propositions visant à garantir la dignité des patients, notamment en limitant les pratiques de contention et d’isolement devenus les symptômes du manque de moyens.
La psychiatrie est en crise, elle attend pour en sortir une vision orientée par les besoins des patients et de leurs proches, en rupture avec la gestion crépusculaire de la macronie.
06.12.2023 à 16:37
CULTURE - 4 films à voir en salle en décembre !
Christian Benedetti - Le Journal de l'insoumission n°1780 (décembre 2023)
Rosa, 60 ans, a sacrifié toute sa vie à son travail d’infirmière, sa famille et à la politique en faveur des plus modestes. À la veille d’une échéance électorale où elle doit jouer un rôle important, elle tombe amoureuse d’un homme, Henri. La voilà tiraillée entre son envie de vivre cette histoire d’amour à fond et son devoir de femme politique. « Ce sont les mobilisations populaires après la tragédie de la rue d’Aubagne (l’effondrement des immeubles qui a fait huit morts en 2018) qui ont permis à la gauche de remporter la mairie de Marseille. Les habitants de la rue d’Aubagne ont fait de la politique à leur manière, sans le savoir. Ce n’est pas non plus un film sur la rue d’Aubagne, mais c’est son centre de gravité. Les personnages tournent autour de cet effondrement et de l’espace vide et blanc comme un linceul tels des électrons autour d’un noyau qui, coïncidence, est occupé par une statue d’Homère, le père de tous les récits… »
C’est l’histoire d’Edgardo Mortara, un jeune enfant juif né à Bologne en 1851, baptisé en secret, bébé, par sa servante, enlevé à sa famille à six ans, sur ordre du pape, et placé dans un institut à Rome. Il sera élevé dans la foi catholique jusqu’à l’âge adulte. Une histoire qui est loin d’être un cas isolé, et qui a secoué l’Italie du XIXe siècle, une pratique répandue à l’époque, exercée au nom de Dieu pour « sauver l’âme » des juifs. Il y eut des centaines de cas depuis les années 1500. La seule manière de récupérer leur enfant était ces conversions secrètes, qui étaient utilisées par les autorités comme levier pour pousser les familles juives à épouser la religion catholique. La famille Mortara, elle, n’a jamais accepté de choisir entre son enfant et sa religion et devient un symbole de la résistance face à l’inquisition.
Au nord-est du Royaume-Uni, à Murton, marquée par le chômage la mine a fermé, le pub local, « The Old Oak », lieu social de la solidarité des mineurs autrefois syndiqués contre la violence thatchérienne est le dernier endroit où les habitants se retrouvent… des habitués, d’anciens collègues de la mine, qui font passer le temps devant une bière. L’arrivée de migrants syriens fuyant la guerre et la torture devient pour eux un acte de guerre. II est aussi l’histoire d’un lien qui se noue peu à peu entre une jeune fille qui regarde le monde et les gens à travers son appareil photo, et le propriétaire du pub, qui va faire revivre les vieux rêves de fraternité et de résistance collective, l’accueil et le partage.
« Si on ne se bat pas, qu’est-ce qui reste ? », dit Ken Loach
Wim Wenders et Anselm Kiefer, sont nés la même année (1945) pas très loin l’un de l’autre. L’un a préféré tourner la page du passé de l’Allemagne et la fuir, l’autre en est resté obsédé et a construit tout autour une œuvre noire…
Ce film de Wim Wenders à travers les personnalités qui ont compté pour lui, notamment le poète Paul Celan et le plasticien Joseph Beuys, nous immerge dans l’œuvre monumentale de l’un des plus grands artistes contemporains.
La quiétude dans l’obscurité et parfois la lumière qui surgit plus intensément encore qu’en plein jour. Né dans la dévastation qui trouve la beauté enfouie sous la cendre, son errance silencieuse dans ses hangars et l’eau qui cicatrise le feu.
Anselm Kiefer questionne la notion de destruction comme personne.
À la fin, Kiefer en funambule, puis le petit garçon qui descend de l’échelle (son double enfant – le petit neveu de Wim Wenders), il finira par le porter sur ses épaules… comme les ailes d’un ange…
01.12.2023 à 14:32
NOIR DIMANCHE
L’image est tragique. Les conséquences politiques le sont encore plus. Dimanche 12 novembre 2023 est à marquer d’une pierre noire dans l’histoire politique de notre pays. Le jour où l’alliance allant de la macronie à l’extrême droite s’est affichée sans complexe dans les rues de Paris. Le jour où les droites macronistes et LR ont fini de rendre respectable le Rassemblement National. Cet évènement politique majeur marque un franchissement de seuil dans la recomposition politique que les insoumis·es dénoncent depuis des mois. En France, en Europe, le même paysage politique s’installe avec la constitution d’un bloc alliant les droites à l’extrême droite, installant un climat xénophobe de plus en plus présent. Un climat non pas issu de la population mais de la classe politique et médiatique.
Ce n’est pas d’aujourd’hui que les rapprochements ont commencé. De Sarkozy à Ciotti, la droite LR, au gré de ses déconvenues électorales a cru trouver la solution de son salut dans une radicalisation droitière chassant l’électeur sur le terrain de l’extrême droite. Abandonnant au passage la construction de tout projet idéologique, LR navigue à vue depuis plusieurs années. Après la « droite forte » de N. Sarkozy, « la droite décomplexée » de J-F. Copé, « Pour que la France reste la France » de L. Wauquiez, c’est avec le slogan « Autorité, liberté, identité » qu’Eric Ciotti ravit la présidence LR en 2022. Une élection qui parachève un basculement dans le rapport de force interne au profit de celleux qui pensent sauver LR en braconnant à l’extrême droite. Les résultats de cette stratégie ont été ceux que l’on connaît, la droite LR n’en finit pas de s’effondrer, littéralement siphonnée par le RN. Et pourtant, ils continuent de creuser, en témoignent les débats au Sénat sur le vote de la loi immigration, avec l’adoption d’amendements tout droit sortis du programme du RN : suppression de l’AME (aide médicale de l’État), remise en cause du droit du sol, conditionnement des aides sociales, attaque sur le regroupement familial, renforcement de l’arbitraire préfectoral dans l’attribution des titres de séjour…
De son côté, la macronie au pouvoir depuis 2017, élue par deux fois au nom du barrage républicain, est en vérité un viaduc pour l’accession au pouvoir de l’extrême droite. Depuis juin 2022, les rapprochements sont criants avec une complaisance croissante des macronistes vis-à-vis de l’extrême droite (élection de deux vices-présidences RN à l’Assemblée nationale grâce à leurs voix, des votes en commun contre des mesures de justice sociale à l’Assemblée…) et un ministre de l’Intérieur extrême droitisé. En point d’orgue, cette initiative conjointe de marche de Yaël Braun-Pivet et de Gérard Larcher, à laquelle le RN est conviée. Une marche contre l’antisémitisme avec des antisémites. Réaffirmons-le de toutes nos forces, il ne peut y avoir d’union nationale avec un parti fondé par des nazis, dont les statuts ont été déposés en 1972 par J-M. Le Pen et Bousquet, ancien Waffen-SS.
Dès lors cette marche était vouée à l’échec, sauf pour le RN ou Reconquête. Une marche de la haine en vérité, durant laquelle les violences verbales et physiques de l’extrême droite ont pu s’exprimer librement, à Paris mais aussi dans toute la France lorsque cette initiative était reprise. Une violence allant jusqu’à des menaces de mort envers Jean-Luc Mélenchon et tous les insoumis.es ou envers E. Macron. Une initiative à laquelle la gauche d’avant a participé, sous les huées des présent.es, cédant ainsi au diktat ambiant.
À force d’être invités à la table, les chiens sautent dessus et renversent tout sur leur passage. Partout où les droites et la gauche d’avant ont mené des politiques de casse sociale, la misère se répand, nourrissant un ressentiment dangereux envers les dirigeants politiques. Un processus dégagiste qui peut profiter comme en Argentine dernièrement à des candidat.es d’extrême droite. Javier Milei est arrivé au pouvoir à la faveur d’une situation sociale désastreuse (inflation à 140%, 40% de pauvres…), sur un agenda ultra-libéral sur le plan économique et ultra-réactionnaire sur le plan des libertés publiques et sur les questions sociétales. Un fou furieux qui a fait campagne une tronçonneuse à la main pour imager sa volonté de détruire l’État et ses services publics… Un candidat soutenu par la droite argentine au second tour. On pensait avoir connu le pire avec Trump ou Bolsonaro, la bête immonde est féconde. Détruisons-la avant qu’elle ne nous détruise.
22.11.2023 à 20:15
DOSSIER - Palestine - Israël Une paix juste et durable
Arnaud Le Gall - Le Journal de l'insoumission n°1779 (Novembre 2023)
Situation au Proche-Orient - Le point avec Arnaud Le Gall, député LFI-NUPES du Val-d’Oise, membre de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale. Nous vous proposons un dossier sous forme d’entretien.
Depuis des années le conflit entre la Palestine et Israël s’enlise, quelle est votre observation sur cette situation géopolitique inquiétante ?
Penser que l’abandon de toute perspective de règlement politique du conflit aboutirait à sa mise en sommeil définitive a été gravissime. Les conséquences de ce déni vont au-delà de l’intensification de la guerre entre Israël et la Palestine débutée avec le massacre perpétré par le Hamas contre les civils israéliens le 7 octobre, à laquelle Israël a répondu par une vengeance collective contre les civils de Gaza. Les nombreuses tensions et fractures d’une région extrêmement instable se sont immédiatement réveillées, avec des conséquences imprévisibles.
Comment qualifiez-vous ce qui se passe depuis le 7 octobre en Israël et à Gaza ?
Comme la nouvelle séquence d’une guerre, reconnue comme telle par l’ONU. Elle oppose d’un côté un État israélien dont le gouvernement a intensifié sa politique de colonisation illégale depuis des années, et formalisé son déni du droit des Palestiniens à disposer d’un État au terme de négociations sur la base des territoires de 1967, droit pourtant reconnu par l’ONU et l’essentiel de ses États membres ; de l’autre côté un peuple ayant, par la voix de l’Autorité palestinienne le représentant officiellement au yeux de la communauté internationale depuis 1993 et les accords d’Oslo, reconnu officiellement l’État d’Israël, sans rien obtenir en retour, ce qui a favorisé l’ascension du Hamas. Le massacre commis par le Hamas est ignoble et injustifiable, mais « ne tombe pas du ciel », pour reprendre les mots d’Hubert Védrine. C’est un acte de terreur, mais aussi un crime de guerre, voire un crime contre l’humanité, pour reprendre les catégories du droit international en la matière. La vengeance collective décidée en retour contre l’ensemble de la population de Gaza, bombardée et assiégée, est aussi une terreur exercée par un État, un crime de guerre, voire un crime contre l’humanité.
Après ces évènements dramatiques, la France insoumise a fait l’objet d’une cabale médiatico-politique et d’un déchaînement de haine. Pourquoi ?
Il y a plusieurs ingrédients à ce déferlement de propagande, de calomnie et de menaces de mort. De l’opportunisme cynique : c’est une occasion rêvée de tenter de détruire la seule grande force d’opposition populaire et sociale pouvant contrecarrer l’axe extrême centre-extrême droite. Une progression du néoconservatisme et d’une vision binaire d’un monde partagé entre forces du bien et forces du mal. Ici Israël incarne le bien, la « démocratie » face à une « barbarie », dont les propagandistes français ne rappellent jamais qu’elle inclut aux yeux du gouvernement Netanyahou tous les Palestiniens, qualifiés d’« animaux humains ». Cette propagande n’a rien à voir avec la défense légitime d’Israël, et tout à voir avec le racisme. Cela permet aussi de balayer tout questionnement sur les motivations politiques du conflit.
Aucun questionnement n’est plus possible. Par exemple aucun des contempteurs de la France insoumise n’a accepté de relever les citations authentiques de Netanyahou, pourtant commentées dans la presse israélienne, rappelant qu’il a soutenu le Hamas. Ainsi il disait en 2019 devant ses députés : « Quiconque veut contrecarrer la création d’un État palestinien doit soutenir le renforcement du Hamas et transférer de l’argent au Hamas. Cela fait partie de notre stratégie ». Pourquoi est-il si difficile de reconnaître que le gouvernement Netanyahou fait, comme le Hamas, partie du problème et non de la solution ? Parce que cela reviendrait à critiquer le gouvernement d’Israël. Et pour les « soutiens inconditionnels » de ce dernier, critiquer le gouvernement d’Israël c’est être antisémite, ce qui équivaut à une ostracisation du débat public. Il faut donc du courage pour dire la réalité.
Comment et dans quel cadre peut-on retrouver le chemin de la paix au Proche-Orient ? Quel rôle doit jouer la France et la communauté internationale selon vous ?
Jean-Luc Mélenchon, avec d’autres, a rappelé la position traditionnelle de la diplomatie française. De De Gaulle à Chirac en passant par Mitterrand. La France devrait retrouver la position de fer de lance des médiations et d’une solution politique susceptible d’aboutir à une paix juste et durable au Proche-Orient. Objectif inatteignable sans reprise des négociations sur la base des résolutions de l’ONU. Et ces négociations ne pourront pas reprendre sans pression internationale contraignant le gouvernement israélien à laisser ré-insuffler une légitimité et une capacité d’action à l’Autorité palestinienne, seul interlocuteur légitime pour négocier la paix. Seule, la France n’a pas le pouvoir de faire aboutir cela, mais elle a le pouvoir de mettre les mots sur les choses.
Mais on en est loin. La réponse politique du gouvernement a été désastreuse. Il a commencé par criminaliser toute expression de soutien à la Palestine, et n’a rien dit sur le traitement criminel infligé par Israël aux Palestiniens de Gaza, ni sur la nécessité d’un cessez-le-feu. Il a accrédité l’idée antihumaniste et désastreuse qu’une vie israélienne et une vie palestinienne ne se valent pas. Puis Emmanuel Macron a semé la confusion en reprenant à son compte une rhétorique de la « guerre au terrorisme » totalement inadaptée, avant d’être démenti… par les services de l’Élysée. Il a ensuite énoncé quelques généralités sur la nécessité d’une « solution politique » sans en préciser ni les contours ni le moyen d’y parvenir.
22.11.2023 à 20:09
2 + 2 = 5
Ces dernières semaines ont été le théâtre d’un nouvel exercice de manipulation des masses. Un énième épisode qui en serait presque banal s’il ne prenait pas appui sur des évènements tragiques et barbares. Car cette fois-ci, c’est sur le dos des morts au Proche-Orient que s’est orchestrée la cabale politico-médiatique contre les insoumis.es.
Une campagne de mise au ban de la société contre la principale force d’opposition en France et force centrale à gauche. Pas étonnant que la droite macroniste et LR ainsi que les opposant·es internes historiques à la NUPES se soient trouvé un intérêt convergent à pilonner le mouvement insoumis. Quitte à mettre une cible dans le dos des insoumis·es. Quitte à donner au Rassemblement national de nouveaux brevets de respectabilité.
Au-delà de cette entreprise politicienne, il devient impossible de penser dans ce tourbillon médiatique. Les faits objectifs sont noyés. Chaque mot, chaque virgule, chaque expression est décortiquée pour en tirer la nouvelle polémique du moment.
La tension entre vérité et politique n’est pas nouvelle. La notion de vérité a fait l’objet au fil des âges de diverses analyses philosophiques. Pour Machiavel, plus qu’être vertueux, le prince doit surtout paraître vertueux. Entre la vérité rationnelle (liée à la nature des choses et donc immuable) et l’opinion, on trouve la notion de vérité de faits qui est plus contingente. À l’ère de l’information globalisée et du relativisme grandissant, cette vérité est très fragilisée jusqu’à devenir une opinion. Dans ce contexte, la discussion perd tout sens et il devient difficile de créer du monde commun permettant ensuite de confronter des réponses différentes selon les valeurs mobilisées par les un·es et les autres.
Quand les débats scientifiques s’appuient sur des éléments rationnels et objectifs dans une sorte de mise à distance, le débat politique et démocratique est lui plus passionnel et émotionnel. Un terrain adéquat pour celleux qui ont tout intérêt à attiser les passions populaires pour mieux les manipuler. C’est l’ère de la post-vérité. Donald Trump en a fait sa marque de fabrique : décréter de nouvelles vérités et les propager jusqu’à ce qu’elles s’imposent à force d’être reprises massivement. Au Brésil, le ministre de l’économie Paulo Guedes martelait que l’économie brésilienne décollait quand les indicateurs économiques montraient le contraire. En France, Bruno Le Maire affirme depuis des mois que l’on a atteint le pic de l’inflation quand les chiffres disent le contraire. G. Darmanin pratique lui une hyper-communication dangereuse comme en témoignent ses dernières sorties où ses opposants sont accusés de faire l’apologie du terrorisme, où une star du foot est suspectée de soutenir le Hamas quand elle s’émeut du destin des populations palestiniennes. Son prénom Karim n’étant peut-être pas tout à fait étranger à cette suspicion subite.
« Celui qui contrôle le passé contrôle l’avenir, celui qui contrôle le présent contrôle le passé » lit-on dans le chef d’œuvre de Georges Orwell, 1984. Un récit qui ne cesse d’être d’actualité. Auteur de la postface d’une nouvelle édition, le journaliste et écrivain Ronaldo Bressane écrit : « L’intention des « fake news », est de créer un récit, une vision du monde, pour que les partisans des gouvernements fascistes et autoritaires croient en quelque chose qui ne se produit pas, une réalité parallèle. »
Quand on ne sait plus où se situe vraiment la réalité objective, la conflictualité, inhérente à la démocratie, devient plus que salutaire, elle est vitale. Elle signifie débattre, confronter ses idées et désaccords, accepter parfois de changer d’avis. Elle favorise la construction collective d’une opinion publique éclairée et conscientisée. Que ce soit dans le cadre constitutionnel de la 5ème République qui permet à un président de gouverner à coups de 49-3 ou dans le cadre médiatique où le débat est confisqué par des polémiques entretenues, notre démocratie étouffe de ce manque de conflictualité, caricaturée sous le vocable de « violence » et du « parler fort ».
Georges Orwell écrit depuis son lit d’hôpital en 1949, au sujet de son livre 1984 : « La morale à tirer de cette dangereuse situation cauchemardesque est simple : ne la laissez pas se produire. Cela dépend de vous. »
Les régimes totalitaires ou fascisants ne s’imposent pas nécessairement par la force. La manipulation d’opinion est un formidable outil de conquête du pouvoir. Faisons en sorte que cela ne nous arrive pas. Cela dépend de nous.
07.07.2016 à 15:57
DOSSIER - Immigration : la désintox !
Elisa Martin - Le Journal de l'insoumission n°1778 (Octobre 2023)
Crise migratoire ou crise de l’accueil : il est temps de changer de prisme pour faire face à la future loi immigration !
Sénat puis Assemblée nationale vont examiner la 21e loi sur l’immigration en vingt-deux ans. D’emblée cette accumulation interroge. Faut-il l’interpréter comme un échec des précédentes lois ? Depuis 2015, le pays s’est fermé : la pleine application de l'accord de Schengen a été levée avec un rétablissement de contrôles aux frontières. Si l’on doutait de la fermeture de nos frontières, il est possible d’évoquer ces lieux, dits de mise à l’abri, dont un se trouve à la frontière franco-italienne, à Menton. Dans ces lieux, les personnes dont femmes et enfants sont retenus sans droit, ni titre. Leur crime : avoir traversé la frontière. Elles sont maintenues le temps d’être renvoyées de l’autre côté, refoulées. Face à cela, les exilés finissent par courir tous les dangers pour entrer et ce, quelle que soit la hauteur des murs ou des sommets alpins.
La France terre d’accueil ? Le taux d’immigration actuel, c’est-à-dire le nombre d’entrées rapporté au nombre d’habitants, s’élève à 0,4. C’est deux fois moins que l’Allemagne, la Belgique ou les Pays-Bas et trois fois moins que la Suède et l’Autriche. Un pays forteresse dans une Europe forteresse qui engendre toujours plus de morts et de disparus,
dans une déshumanisation totale. En 2023, au moins 2 000 personnes dont des femmes et près de 300 enfants ont péri dans la mer Méditerranée. Ce chiffre ne tient pas compte des très nombreux disparus. Un véritable cimetière à ciel ouvert.
La réalité est là : des gens meurent par milliers et la France se protège derrière ses remparts. La France pays des Droits de l’Homme n’est aujourd’hui que l’ombre d’elle-même, avec un gouvernement ne misant que sur l’expulsion face à ce qu’il qualifie de grande vague migratoire. Pourtant et actuellement, 86 % des personnes déracinées vivent dans des pays en développement d’après Oxfam. Seule une minorité arrive jusqu’en Europe. Voilà la réalité : il n’est question ni de grande vague migratoire et encore moins de grand remplacement !
Vers un accord entre Macron, LR et l’extrême droite ?
Le projet de loi Darmanin compte restreindre le droit des étrangers, avec, entre autres, une accélération des prononcés d’Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF). Le gouvernement s’est aussi dit ouvert à une discussion sur la remise en cause de l’Aide Médicale d’État. Une restriction de l’accès au droit d’asile est également annoncée : le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés ne sera plus représenté lors des jugements.
L’accès à un titre de séjour provisoire d’une année pour exercer un métier en tension, dont la liste est variable d’une année à l’autre et d’un département à l’autre, a pour objectif premier d’augmenter le réservoir de main-d’œuvre en faveur du patronat, pas de sécuriser durablement les exilés.
Au lieu de durcir encore la politique migratoire de la France, et de se détacher davantage du respect des droits humains fondamentaux, il est temps de changer de prisme et de régler la crise de l’accueil. L’heure est à l’ouverture, à la coopération et au développement de moyens pour permettre à chacun de ne pas avoir à s’exiler, pour accueillir dignement ceux qui arrivent jusqu’en France (dont les mineurs), et faire respecter strictement le droit d’asile. Pour prendre pleinement en considération « l’effondrement climatique » qui touche notre planète selon le secrétaire général de l’ONU, un statut de réfugié climatique doit être créé. L’heure est de se rappeler que les droits humains s’appliquent de manière inconditionnelle : les hommes, femmes et enfants exilés n’en sont pas une exception.
Les vrais chiffres de l’immigration
09.01.2009 à 14:16