TOUS LES TITRES
+

▸ les 4 dernières parutions

Accès libre

01.03.2025 à 20:18

Italie : fuite en avant répressive du gouvernement Meloni

Carlotta Caciagli
La loi 1660, approuvé par les députés italiens en septembre 2024, envoyait un message clair : ordre et répression. Elle dévoile toute sa dimension anti-sociale. Prévoyant de sanctionner plus fermement les contestations, elle durcit également les conditions imposées aux détenus dans les prisons – et ouvre la voie aux entreprises dans le système pénitentiaire. Par Carlotta Caciagli, […]

Texte intégral 1122 mots

La loi 1660, approuvé par les députés italiens en septembre 2024, envoyait un message clair : ordre et répression. Elle dévoile toute sa dimension anti-sociale. Prévoyant de sanctionner plus fermement les contestations, elle durcit également les conditions imposées aux détenus dans les prisons – et ouvre la voie aux entreprises dans le système pénitentiaire. Par Carlotta Caciagli, traduction Letizia Freitas [1].

Radicalisation de mesures pré-existantes

De nombreuses larmes de crocodile ont été versées, de Marco Minniti [ancien ministre de l’Intérieur NDLR] et Maurizio Lupi [ancien ministre des Infrastructures et des Transports NDLR] jusqu’au dernier maire ayant mis en application le décret Daspo [qui interdit d’accès à un lieu déterminé pour des raisons d’ordre public NDLR]. Parmi les voix qui, aujourd’hui, s’indignent, de nombreuses ont soutenu des décrets répressifs ces quinze dernières années.

De quelle manière le débat a-t-il pu se détériorer au point que la question des inégalités sociales et de la pauvreté puisse être traitée comme un simple problème d’ordre public ? Les mesures auparavant en vigueur étaient déjà inadaptées et, à bien des égards, anticonstitutionnelles. Une détérioration ultérieure était difficile à imaginer, mais le gouvernement italien y est parvenu. Comment ? Principalement par des modifications ad hoc et quelque peu artificielles du code de procédure pénale.

Préparer une force de travail docile et peu chère au service du privé

Le projet de loi intervient essentiellement dans trois domaines : gestion des comportements individuels et collectifs dans l’espace public, conditions imposées aux détenus dans les prisons et prérogatives des forces de l’ordre. Si chacune des mesures se traduit par une réduction des droits sociaux et humains, elle sous-traite également à des acteurs privés des tâches autrefois assumées par les pouvoirs publics.

En ce qui concerne l’espace public et urbain, des actions telles que « l’occupation arbitraire d’immeubles destinés à l’habitation d’autrui » sont qualifiées de criminelles. Une peine allant de deux à sept ans de réclusion est prévue pour toute personne qui occuperait des habitations ou des dépendances (garages, jardins, terrasses). Le projet ne prévoit pas de circonstances atténuantes pour l’occupant, mais uniquement des circonstances aggravantes fondées sur le profil du propriétaire dont le bien est occupé.

Mais sur cette mesure comme sur d’autres, il faut bien reconnaître que Giorgia Meloni ne part pas de zéro. L’ancien ministre Maurizio Lupi n’avait-il pas ouvert la voie à l’actuelle réforme avec le Piano Casa, ce décret de 2014 visant à protéger le droit de propriété des immeubles contre les mouvements sociaux en faveur du droit au logement ?

L’introduction d’une règle surnommée « anti-Gandhi » est plus digne d’attention encore. Elle vise à punir d’emprisonnement quiconque bloque une route ou une voie ferrée. Si les participants sont nombreux – c’est-à-dire si l’action prend une dimension politique – les peines sont durcies. Si, au cours de la manifestation, des dommages (de toute nature, y compris morale) sont causés à des agents publics, la peine est majorée. Tout comme elle l’est si « la violence ou la menace est commise dans le but d’empêcher la réalisation d’un ouvrage public ou d’une infrastructure stratégique ».

Stratégique, comme le pont du détroit de Messine, comme la Tav [Treno ad alta velocità, TGV, NDLR] Turin-Lyon, et comme tous les incinérateurs, gazéificateurs et bases militaires que l’on tente régulièrement d’implanter sur le territoire. De plus, le Code pénal sera à son tour modifié afin de punir davantage les auteurs de délits commis à proximité des gares.

Américanisation du système pénitentiaire ?

En ce qui concerne la prison, le projet de loi intervient de deux manières. Tout d’abord, en tentant de réglementer les émeutes dans les établissements pénitentiaires – caractérisées comme des actes de violence, de menaces ou de résistance aux ordres – en introduisant le délit de « résistance passive ». Par « résistance passive », il faut entendre « les conduites qui, compte tenu du nombre de personnes impliquées et du contexte dans lequel opèrent les agents publics ou les chargés d’une mission de service public, empêchent l’accomplissement des actes nécessaires à la gestion de l’ordre et de la sécurité ». Sont ainsi visées les révoltes contre la malnutrition et les conditions dégradantes d’incarcération.

Mais il y a plus : désormais, l’organisation du travail des détenus est révisée par décret. Les initiatives de promotion du travail entendent davantage impliquer… les entreprises privées. En somme, il s’agit de préparer une force de travail docile et peu chère à se mettre au service du privé.

Limitations généralisée des droits ? Pas pour les forces de l’ordre. En plus de permettre aux policiers et aux gendarmes de porter leur arme en-dehors des heures de service, le projet introduit la possibilité, sans aucune contrainte, pour le personnel de police, de s’équiper de « dispositifs de vidéosurveillance portables adaptés à l’enregistrement de l’activité opérationnelle et de son déroulement ». Des appareils qui peuvent également être utilisés dans n’importe quel lieu où sont détenues des personnes soumises à une restriction de leur liberté personnelle.

Ces mesures pourront être financées grâce à une autorisation de dépenses pour les années 2024, 2025 et 2026. Pour promouvoir le travail en milieu carcéral, on y fait entrer les entreprises, tandis que pour les « body cam » des agents de la Police ferroviaire, l’addition sera payée par les contribuables…

Face à une attaque aussi massive contre les droits individuels et sociaux, s’indigner et dénoncer les « mesures fascistes » ne suffira pas. Il est nécessaire de reconstruire des organisations professionnelles, des syndicats et des partis d’opposition. Un exercice face auquel l’opposition italienne bute depuis des décennies.

Note :

[1] Article initialement publié par notre partenaire Jacobin Italia sous le titre « La repressione è servita », traduit pour LVSL par Letizia Freitas.

26.02.2025 à 15:55

Johann Chapoutot, Eugénie Mérieau : nazisme, impérialisme et avenir de la démocratie française

la Rédaction
Répression dans le sang des Gilets jaunes, usage intempestif du 49-3, provocations mémorielles : Emmanuel Macron aura abîmé la culture démocratique française, avec une légèreté qui a choqué jusque ses premiers soutiens. Sur le plan international, outre ses provocations multiples, Emmanuel Macron a fait voler en éclats l’illusion d’une France attachée aux Droits de l’Homme en […]

Lire 155 mots

Répression dans le sang des Gilets jaunes, usage intempestif du 49-3, provocations mémorielles : Emmanuel Macron aura abîmé la culture démocratique française, avec une légèreté qui a choqué jusque ses premiers soutiens. Sur le plan international, outre ses provocations multiples, Emmanuel Macron a fait voler en éclats l’illusion d’une France attachée aux Droits de l’Homme en affichant un soutient de fait à l’État d’Israël, dans son entreprise d’épuration ethnique à Gaza. Pour analyser cette évolution des institutions, nous recevons deux personnalités dont les travaux jettent un nouveau regard sur le clair-obscur actuel.

👤 Johann Chapoutot, professeur d’histoire contemporaine à la Sorbonne, spécialiste du nazisme

👤 Eugénie Mérieau, constitutionnaliste, maîtresse de conférences en droit public à l’université Paris-1 Panthéon Sorbonne

4 / 4