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24.10.2025 à 17:49

Festival Lumière 2025 : trou de ver dans le cinéma états-unien 

Clément Carron
La 17ème édition du festival Lumière, qui s’est tenue du 11 au 19 octobre à Lyon, a récompensé le cinéaste Michael Mann. Il succède ainsi à Isabelle Huppert, honorée l’année dernière. Le Vent Se Lève était présent : bilan et analyse. 

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La 17ème édition du festival Lumière, qui s’est tenue du 11 au 19 octobre à Lyon, a récompensé le cinéaste Michael Mann. Il succède ainsi à Isabelle Huppert, honorée l’année dernière. Le Vent Se Lève était présent : bilan et analyse. 

Un trou de ver est un raccourci qui, sur le plan théorique du moins, permettrait de relier deux points éloignés de l’espace-temps. Nul besoin cependant de se plonger dans des ouvrages d’astrophysique pour en faire l’expérience : en ajoutant une dimension temporelle à l’éclectisme géographique et de genre des festivals d’avant-premières, les festivals de films de patrimoine permettent bien souvent de replier le temps sur lui-même et de dresser des comparaisons entre les productions actuelles et celles d’autres périodes. Les choix de rétrospectives, de rencontres et de projections diverses en disent parfois autant sur l’époque et l’état du cinéma actuels que les sorties en salle. En ce sens, la 17ème édition festival Lumière, qui s’est achevée le 19 octobre, était particulièrement éloquente. Elle a notamment mis l’accent sur le cinéma états-unien des années 1970 aux années 2000 ; l’occasion de dessiner, en creux, les fractures à l’œuvre – et ses conséquences esthétiques – chez nos voisins d’outre-Atlantique. 

De Michael Mann à Paul Thomas Anderson

Le 17 octobre, à l’issue d’une prestigieuse cérémonie organisée à l’Amphithéâtre 3000 de Lyon, Isabelle Huppert remettait à son successeur Michael Mann le Prix Lumière, dont l’ambition est d’être l’équivalent d’un prix Nobel du cinéma. Peu récompensé tant dans les festivals européens qu’aux Oscars, le cinéaste de 82 ans a pourtant exercé une influence considérable sur la production hollywoodienne et plus généralement sur le cinéma d’action, réussissant à concilier le caractère spectaculaire de films « grand public » et son statut d’auteur. Son parcours reste malgré tout peu connu. Avant d’accéder au cinéma, Michael Mann travailla pour la télévision, une expérience formatrice qui façonna en partie son regard de cinéaste et sa grammaire esthétique, et qui fut aussi à l’origine de son attrait pour le buddy movie, le film à tandem ; son genre fétiche qu’il retravailla tout au long de sa carrière, qu’il s’agisse de mettre en scène des confrontations (Collateral, Heat) ou des trajectoires parallèles (Révélations, Miami Vice).

Lors d’une rencontre organisée pendant le festival, Mann est revenu sur ces années et notamment sur un court métrage documentaire qu’il réalisa en France en 1968 pour la chaîne NBC. Pour ce dernier, il obtint des entretiens avec les principaux leaders du mouvement, Daniel Cohn-Bendit et Alain Geismar notamment, mais également Alain Krivine, éminente figure de la Ligue communiste révolutionnaire dont il garde encore aujourd’hui un très bon souvenir. Le cinéaste en profita pour comparer les États-Unis actuels à ceux des années 1960, soulignant que la résistance d’aujourd’hui ne se jouait plus dans la rue mais à la télévision, avec South Park et leurs moqueries à l’encontre de Donald Trump. 

Michael Mann, Prix Lumière 2025 © Clément Carron

L’exercice n’est pas inintéressant et décaler la comparaison dans le temps pour s’attarder sur les longs-métrages du cinéaste, dont le premier, Le Solitaire, est sorti en 1981, est encore plus parlant. Il est frappant de voir à quel point la façon dont les États-Unis se représentent à travers le cinéma a évolué ces dernières années, voire ces derniers mois. Dans Hacker, sorti en 2015, un informaticien pirate et une employée du FBI devaient collaborer avec un expert informatique chinois pour tenter d’arrêter un cyber-criminel, coupable de l’explosion d’une centrale nucléaire et d’ultra-spéculation sur les marchés financiers. Le pirate états-unien interprété par Chris Hemsworth parvenait finalement à arrêter le criminel et à éviter de justesse un nouvel attentat terroriste de grande envergure : en d’autres termes, il sauvait le monde. Dans Ali, sorti en 2001, le regard de Mann se tournait vers le passé pour aborder dix années décisives de la vie de Mohamed Ali et, à travers elle, dépeindre l’Amérique de la guerre de Vietnam et de Malcolm X, gangrénée par le racisme et le nationalisme. Dans un cas, Michael Mann observait le présent, et mettait en scène les États-Unis comme principal acteur de la lutte contre le terrorisme international ; dans l’autre, il scrutait avec acuité et sans chercher à les amoindrir les errements passés de son pays. En d’autres termes, les États-Unis n’étaient pascritiqués au présent. Ils étaient cette superpuissance dont l’on pointait le passé douloureux, celui-là même qui fit de Mohamed Ali une superstar tant nationale qu’internationale et un sportif persécuté pour ses convictions religieuses et sociales. 

Force est de constater combien est profonde la rupture avec les films sortis en salle ces derniers mois. Qu’il s’agisse d’Eddington d’Ari Aster ou d’Une bataille après l’autre de Paul Thomas Anderson, c’est l’implosion et la fascisation contemporaine du pays de l’Oncle Sam qui est dénoncée, y compris dans le cas d’un film d’anticipation comme le médiocre Marche ou crève de Francis Lawrence. Or, dans ces trois cas, il s’agit de productions à gros budget. Tout se passe comme si les cinéastes états-uniens, rattrapés par un Zeitgeist étouffant auquel il ne peuvent échapper, n’avaient d’autre choix que de le regarder en face, soit pour mettre en scène la désagrégation actuelle de leur pays (Eddington, dont nous parlions dans notre bilan du dernier Festival de Cannes), soit pour anticiper une radicalisation protéiforme (Une bataille après l’autre, Marche ou crève). On ne pointe plus du doigt un passé trouble mais un futur proche loin d’être désirable. Quant au présent, il est désormais des plus obscurs et les menaces ne sont plus exogènes. Le ver est dans le fruit.

Mohamed Ali, Patrice Lumumba et la CIA

Ajoutons également que les critiques politiques qu’adresse Michael Mann à la société dans laquelle il évolue se situent toujours au second plan. Elles se devinent mais ne sont jamais explicites, ce qui explique d’ailleurs pourquoi elles ne sont pas toujours comprises par ses compatriotes. Ainsi, la métaphore politique au cœur de son premier film, Le Solitaire, sa critique de la virilité, du paternalisme, n’a pas été perçue aux États-Unis mais uniquement en France, c’est du moins ce qu’a affirmé Michael Mann lors d’une rencontre organisée lors du festival. Car ce qui intéresse le cinéaste de Chicago, c’est d’abord et avant tout ses personnages et leur évolution, la mise à l’épreuve de leurs valeurs, de leur abnégation, de leur morale, plutôt que le propos politique sous-jacent – d’où l’attrait pour le buddy movie et les trajectoires parallèles ou qui s’achoppent. Là encore, la comparaison avec les films évoqués précédemment parle d’elle-même. 

Ali de Michael Mann © Tamasa Distribution

Une autre œuvre récente, réalisée par un cinéaste belge, fait étrangement écho à Ali et illustre bien cette divergence. Il s’agit de Soundtrack to a Coup d’État de Johan Grimonprez. Dans ce film documentaire composé d’images d’archives uniquement, Grimonprez relate le coup d’État au Congo en 1960-1961, soutenu par la Belgique et la CIA, et qui se conclut par l’assassinat du premier Premier ministre de la République démocratique, Patrice Lumumba, et la prise de pouvoir du dictateur Mobutu, plus favorable aux intérêts occidentaux. Par des champs-contrechamps bien pensés, le cinéaste ouvre une brèche dans le temps et dans l’espace, actualisant d’une part son propos – comme lorsqu’une publicité pour Tesla surgit après des plans montrant l’exploitation coloniale du Congo belge ou qu’une publicité pour l’Iphone 11 s’immisce après des images de l’adoption de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux peuples coloniaux par l’ONU en 1960 – et matérialisant d’autre part les résonances, les causalités entre les enjeux congolais qui s’incarnent dans la trajectoire de Lumumba et ceux des Afro-Américains évoqués par Malcolm X. Il montre aussi comment le jazz, qui irrigue la bande-son, a été utilisé par les États-Unis comme instrument de soft power, parfois même pour détourner l’attention de coups d’État – c’est le point de départ de Soundtrack : Louis Armstrong est persuadé d’avoir été envoyé au Congo en tant qu’ambassadeur du jazz pour détourner l’attention du coup d’État.

De son côté, Michael Mann aborde aussi dans Ali les assassinats de Lumumba et de Malcolm X, le coup d’État de Mobutu et le rôle de la CIA, mais seulement en périphérie. Ces événements l’intéressent dans la mesure où ils ont une incidence sur la trajectoire de Mohamed Ali, proche de Malcolm X et dont le fameux combat contre George Foreman eut lieu à Kinshasa. Chez Mann, ils servent à illustrer l’état d’un pays, les États-Unis, qui se replie sur lui-même, se dévore de l’intérieur, et non pas une puissance qui impose ses vues (et les dirigeants qu’elle choisit) au monde entier. De bien des façons, les films sortis ces derniers mois paraissent être le contrechamp de ceux de Michael Mann, et plus généralement des films états-uniens des années 1990-2010. 

Des conséquences esthétiques

Ces divergences ne sont pas seulement narratives, elles impliquent également des ruptures esthétiques. Michael Mann arpente Miami ou encore Los Angeles de nuit – et Quentin Tarantino se chargea d’expliquer que l’idée de Mann de garder un camion-citerne à disposition pour arroser les rues sombres et jouer sur les reflets de lumière fut reprise par nombre de réalisateurs. C’est dans ces rues ténébreuses et interlopes que ses personnages s’affrontent. C’est dans ce monde crépusculaire qu’ils mettent à rude épreuve leurs convictions, leur psychologie, leurs compétences physiques, aussi, qu’ils évoluent par pair ou face à face. Le bleu métallique de la nuit urbaine est d’ailleurs devenu un leitmotiv du cinéma de Mann.

Dans Collatéral (2004) par exemple, Jamie Foxx, chauffeur de taxi de nuit, se retrouvait embarqué bien malgré lui dans les pérégrinations d’un Tom Cruise campant un impitoyable tueur à gages. Mann nous baladait alors d’une rue étroite, véritable coupe-gorge, à une boîte de nuit de la Cité des anges, en passant par un club de jazz, un bar confidentiel et un hôpital peu fréquenté au beau milieu de la nuit. De même, c’est dans le Miami des boîtes de nuit et des rendez-vous nocturnes que les policiers Jamie Foxx et Colin Farrell traquaient les trafiquants de drogues dans Miami Vice (2006). Dans Une bataille après l’autre en revanche, la course-poursuite entre Sean Penn et Leonardo DiCaprio ne s’arrête pas au lever du jour mais se prolonge à la vue de tous, et l’opposition entre le maire et le shérif d’Eddington coupe même la population locale en deux camps opposés. Quant à Marche ou crève, la marche funèbre est filmée pour être retransmise en direct à tout le pays. Quelles conclusions en tirer ? Que les maux des États-Unis ne se situent plus à la marge, qu’ils ne se replient plus dans les zones sombres et inconnues de la plupart des bonnes familles américaines acquises à l’american way of life mais s’exposent au grand jour. Les militants radicalisés, qui peuvent être n’importe qui, ont remplacé dans le cinéma états-unien les gangsters professionnels et le crime organisé.

Heat de Michael Mann © Park Circus

Autre conséquence esthétique : le mouvement. Chez Michael Mann, le jeu du chat et de la souris, la course-poursuite entre le chasseur et sa proie, telle qu’elle est magnifiée dans Heat (1995), implique une extrême mobilité, le plus souvent à travers toute la ville, voire au-delà (Miami Vice se poursuit en Haïti, en Colombie et à Cuba). Il retravaille ainsi le modèle de la poursuite, figure cinématographique de base de la narration états-unienne. Michael Mann a même une appétence particulière pour les courses urbaines tendues et agrémentées de fusillades et d’explosions, qu’elles impliquent un taxi (Collatéral), un hélicoptère (Heat), des bateaux (Miami Vice) ou des voitures de compétition (Ferrari, 2023). Désormais, puisque les criminels ou extrémistes ne se cachent plus, ils n’ont plus besoin de s’enfuir. Il n’est donc gère étonnant qu’apparaissent des films comme Eddington,beaucoup plus statiques. À nuancer cependant : Paul Thomas Anderson met bien en scène une course-poursuite qui atteint ses sommets lors d’une longue chasse quasi-aérienne sur l’asphalte mais son modèle est celui de la guérilla et non plus du policier pourchassant un criminel. 

Martin Ritt, le syndicalisme et le maccarthysme

Le festival a également consacré une rétrospective à Martin Ritt, cinéaste des années 1960-1970 dont les films, surtout ceux de la deuxième partie de sa filmographie, traitent de questions éminemment politiques et épinglent les travers d’une Amérique conservatrice et individualiste. Là encore, la comparaison avec les temps présents est féconde. Si les divisions de la société américaine s’exposent, dans les films contemporains, en pleine lumière, c’est-à-dire dans la rue et sur les réseaux sociaux, elles se concentraient, chez Ritt, dans des espaces clos, et bouillonnaient entre quatre murs jusqu’à l’explosion. Dans Norma Rae (1979), il mettait en scène une jeune ouvrière d’une usine textile du sud des États-Unis qui, à la suite de l’arrivée d’un syndicaliste new-yorkais, essayait de convaincre ses collègues de se syndiquer afin d’améliorer leurs conditions de travail. Ritt représentait alors brillamment le difficile combat des syndicats dans des sociétés atomisées, les tactiques du patronat pour entraver tout progrès social et les tensions raciales de l’Amérique des années 1970, mais également et avec une certaine avance sur son temps les questions de domination masculine et de charge mentale. 

Norma Rae de Martin Ritt © 20th Century Fox

Mais c’est surtout avec Le Prête-nom (1976) que les parallèles temporels sont les plus évidents. Dans cette comédie, un employé de bar joué par Woody Allen décidait d’aider son ami scénariste, blacklisté à cause de ses sympathies communistes, en lui servant de prête-nom et en vendant ses scénarios à sa place, en échange d’une commission de dix pour cent sur sa rémunération. Bien vite, les victimes du maccarthysme s’accumulèrent, et les scénaristes se pressèrent auprès de l’employé. Ritt proposait ainsi un témoignage humoristique de cette période sombre de l’histoire états-unienne et qu’il connut de très près – il fut également victime du maccarthysme et empêché de travailler pour CBS, de même que ses principaux collaborateurs pour ce film, y compris certains comédiens – mais aussi une réflexion sur la responsabilité individuelle et l’importance de faire, individuellement, les choix les plus justes. Un scénario qui rappelle par moments celui d’Ali de Mann, dont le protagoniste fut lui aussi empêché de travailler à cause de ses choix politiques, mais également Une bataille après l’autre et la chasse aux opposants politiques menée par le colonel Lockjaw. Et, bien évidemment, les pressions de Donald Trump et de son administration sur les médias, dont le principal exemple, la suspension de Jimmy Kimmel en septembre dernier, avait fait couler beaucoup d’encre. 

Comment John Woo a changé les codes du cinéma hongkongais

Aussi attendu que Michael Mann, John Woo a également été accueilli en grande pompe au festival Lumière. Le réalisateur hongkongais de 79 ans partage d’ailleurs avec le récipiendaire du Prix lumière un certain goût pour la nouveauté. Mann a toujours usé des dernières technologies pour mettre en images sa vision artistique et fut un pionnier dans l’usage du numérique – il a d’ailleurs laissé la porte ouverte à l’utilisation de l’intelligence artificielle ainsi qu’au rajeunissement et au vieillissement numérique pour le très attendu Heat 2, ce qui n’est pas sans susciter doute et crainte de notre part. De son côté, John Woo a fondamentalement redéfini les codes du cinéma hongkongais qui était, jusqu’à son arrivée, cantonné aux comédies et aux films d’arts martiaux. En s’imposant dans ce système de production très oligarchique (quelques familles avaient la mainmise sur le cinéma hongkongais), lui et son collègue et ami Tsui Hark l’ont véritablement transformé de l’intérieur. Comme l’a lui-même dit John Woo lors d’une rencontre organisée pendant le festival, ils ont essayé de faire, à Hong-Kong, leur propre nouvelle vague – Woo a été très influencé par la Nouvelle vague, en particulier par Melville et Truffaut, mais aussi par Godard et Demy. De là, The Killer (1989), À toute épreuve / Hard Boiled (1992) ou bien encore Une balle dans la tête (1990).

The Killer de John Woo © Metropolitan Films

Ce dernier offre d’ailleurs au spectateur une lecture orientale de la guerre du Vietnam. Quoique s’inscrivant dans le sillon de films de cinéastes occidentaux comme Michael Cimino, il apporte malgré tout un autre point de vue sur ces événements maintes fois mis en scène. Décentrer le regard, c’est précisément ce que permet un festival de films de patrimoine comme le festival Lumière, quitte à (re)décrouvrir des filmographies de pays qui n’existent plus (une rétrospective était consacrée à Konrad Wolf, grand cinéaste de la République démocratique allemande). Pourtant, par l’actualité de leurs thématiques et leur façon étrange de répondre aux sorties actuelles, renvoyées au statut de doppelgänger de leurs aînés, ces films d’autres temps n’auront jamais paru si contemporains.

21.10.2025 à 19:02

« Aux armes, citoyennes » : les femmes oubliées de la Révolution

Simon Férelloc
En mars 1792, Pauline Léon réclame le droit de s’armer pour « défendre la patrie » contre les troupes austro-prussiennes : « Législateurs, des femmes patriotes se présentent devant vous pour défendre le droit qu’a tout individu, vous ne pouvez nous le refuser. À moins que l’on ne prétende que la déclaration des droits n’a point d’application pour les femmes ? Et qu’elles doivent se laisser égorger comme des agneaux sans avoir le droit de se défendre ? ». Ces mots résonnent comme l’un des plaidoyers « féministes » les plus vibrants de la période. Encore méconnue du grand public, Pauline Léon, ses compagnes de lutte et les masses féminines de la Révolution ont été mises sur le devant de la scène par le documentaire Aux armes citoyennes, co-réalisé par Émilie Valentin et Mathieu Schwartz pour la chaîne Arte. Riche rétrospective du rapport ambivalent de la Révolution française à l'émancipation féminine, il vient enrichir un panthéon longtemps restreint à la seule Olympe de Gouges.

Texte intégral 4887 mots

En mars 1792, Pauline Léon réclame le droit de s’armer pour « défendre la patrie » contre les troupes austro-prussiennes : « Législateurs, des femmes patriotes se présentent devant vous pour défendre le droit qu’a tout individu, vous ne pouvez nous le refuser. À moins que l’on ne prétende que la déclaration des droits n’a point d’application pour les femmes ? Et qu’elles doivent se laisser égorger comme des agneaux sans avoir le droit de se défendre ? ». Ces mots résonnent comme l’un des plaidoyers « féministes » les plus vibrants de la période. Encore méconnue du grand public, Pauline Léon, ses compagnes de lutte et les masses féminines de la Révolution ont été mises sur le devant de la scène par le documentaire Aux armes citoyennes, co-réalisé par Émilie Valentin et Mathieu Schwartz pour la chaîne Arte. Riche rétrospective du rapport ambivalent de la Révolution française à l’émancipation féminine, il vient enrichir un panthéon longtemps restreint à la seule Olympe de Gouges.

« Il est fort difficile aujourd’hui de donner une idée de l’urbanité, des manières aimables qui faisaient il y a quarante ans le charme de la société à Paris. Les femmes régnaient alors, la Révolution les a détrônées[1] ». C’est ainsi que l’artiste Élisabeth Vigée Le Brun, portraitiste de Marie-Antoinette, confiait son regret amer de la monarchie absolue. Extrait de ses Souvenirs publiés en 1837, ce passage introduit un discours contre-révolutionnaires demeuré en vogue jusqu’à nos jours. Cette grille de lecture sélectionne les parcours de quelques femmes, issues de l’aristocratie ou de la très grande bourgeoisie, qui jouissaient alors d’une influence relative dans la vie intellectuelle de la fin du XVIIIe siècle.

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Cette focalisation sur des trajectoires proprement exceptionnelles ne nous dit rien des conditions de l’écrasante majorité des femmes de l’époque – et masque la nature d’une société d’ordres, fondée sur les privilèges liés à la naissance. Sous le règne des Bourbons, une femme était subordonnée à son époux comme un serf à son seigneur. Dans ces conditions, il n’est nullement étonnant de retrouver de nombreuses femmes au premier plan des journées révolutionnaires contre l’Ancien Régime, dont le documentaire retrace le parcours.

Des révoltes frumentaires à la vie publique

L’action du documentaire s’ouvre sur les journées des 5 et 6 octobre 1789, la seule pour laquelle la mémoire collective reconnaît un rôle actif aux femmes. Il s’agit d’une révolte frumentaire contre la cherté du pain, conduite par des commerçantes parisiennes, les « dames de la Halle » qui ont marché sur Versailles. Là-bas, elles ont forcé les portes des appartements royaux, fait signer la Déclaration des droits de l’homme au roi et obtenu sa promesse de faciliter l’approvisionnement de la capitale. Afin d’assurer que celle-ci soit tenue, ce sont les émeutières qui ont ramené la famille royale à Paris. En retraçant ces évènements, le film présente deux figures de ce moment décisif.

« Armons-nous ; nous en avons le droit par la nature ; Montrons aux hommes que nous ne leur sommes inférieures ni en vertus, ni en courage » (Théroigne de Méricourt)

D’abord, la marchande de fruits Louise-Renée Leduc dite « Reine Audu », porte-étendard des « dames de la Halle » et meneuse du mouvement. Ensuite, une cantatrice originaire de Liège : Anne Théroigne de Méricourt, tout juste arrivée à Paris. Une épée à la ceinture, elle acquiert bientôt le surnom « d’Amazone de la Révolution ». Toutes deux – et les milliers d’anonymes qui les accompagnent – remportent la deuxième grande victoire révolutionnaire après la prise de la Bastille. Elles le paient au prix fort : Reine Audu fut jetée en prison quand Théroigne fut contrainte à l’exil dans sa région liégeoise.

Le film montre que, depuis la prise de la Bastille le 14 juillet 1789 jusqu’aux dernières émeutes de prairial an III (avril-mai 1795) en passant par l’assaut contre le palais royal des Tuileries le 10 août 1792, le mouvement populaire fut également féminin. Le rôle des femmes dans les révoltes sociales n’est pas propre à la Révolution : sous l’Ancien Régime, les femmes étaient déjà souvent à l’initiative des révoltes frumentaires. La nouveauté de la période réside plutôt dans la jonction entre ces luttes sociales et des revendications politiques contre les privilèges et le despotisme de la société d’Ancien Régime. La Révolution française se caractérise par ces convergences, permises par un processus de politisation générale d’une ampleur inédite auxquelles les femmes ont pris une part active.

En secouant les institutions sclérosées de la monarchie, la Révolution a créé de multiples espaces de débat et de politisation où de nombreuses femmes ont pu s’immiscer. Le documentaire revient sur le plan important d’entre eux : le club politique, espace où les sociétaires s’informaient des évènements, débattaient des changements à opérer et des stratégies pour y parvenir. Les femmes étaient généralement présentes dans les clubs – bien qu’elles fussent souvent réduites au statut de spectatrices. Les premiers clubs véritablement mixtes apparaissent en 1790 ; à leur tête, la Société fraternelle des patriotes des deux sexes.

C’est notamment par l’intermédiaire de ce club, proche des jacobins, que des femmes ont pu adresser des pétitions à l’Assemblée nationale. Il faut aussi mentionner la création du premier club exclusivement féminin, la Société patriotique des Amies de la Vérité, créée en mars 1791 par Etta Palm d’Aelders. En-dehors des clubs, la politisation des femmes se fait également par leur présence au sein des assemblées et par leurs discussions dans les cafés, ainsi que le rappelle l’historienne Dominique Godineau[2].

Reconnaissance juridique, relégation politique

Reléguées à un statut inférieur, les femmes de la Révolution ont d’abord concentré leurs efforts sur une reconnaissance civile. Dans la société d’Ancien Régime, maintenues sous la tutelle des hommes, elles ne pouvant acquérir une autonomie relative que par le veuvage. Le mariage, systématiquement religieux, était indissoluble. À ce titre, le documentaire rappelle l’engagement d’Olympe de Gouges pour le droit au divorce, qu’elle défendait à travers des pièces de théâtre. Revendication centrale, on la retrouve parmi les cahiers de doléances de corporations féminines aux côtés de celles de « l’instruction pour les filles, la fin de la puissance exclusive de l’homme sur le corps et les biens de la femme [et] le droit de participer à un jury d’accusation et d’acquittement[3] ».

Théroigne de Méricourt, « l’Amazone de la Révolution », gravure anonyme (1847)

Dans la période 1789-1791, la loi révolutionnaire consacre l’autonomie juridique partielle des femmes. À ce titre, le documentaire revient sur l’instauration de l’égalité successorale ainsi que le droit reconnu aux femmes de signer des documents et de se marier sans consentement paternel. Ces avancées majeures ont été permises par le mouvement d’égalisation des conditions juridiques qui caractérise la période. Cet élan comporte une restriction de taille : celui de l’accès à la citoyenneté. La Constitution monarchique de 1791 réserve les droits politiques aux citoyens actifs, c’est-à-dire une petite minorité d’hommes suffisamment riches pour payer le cens. La totalité des femmes, des Noirs et la grande majorité des hommes en sont exclus. L’enjeu des droits politiques conquiert alors une place centrale dans le débat révolutionnaire. La question particulière des droits politiques féminins est elle aussi posée, mais est demeurée largement inaudible.

Les revendications féminines de participation des femmes à la vie publique existaient dès le début de la Révolution mais elles n’étaient alors portées que par un petit nombre d’intellectuelles. Très célèbre aujourd’hui, la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, dans laquelle Olympe de Gouges proclame le droit des femmes à « monter à la tribune », ne rencontre pratiquement aucun écho lors de sa publication en septembre 1791. L’égalité politique des sexes était alors rejetée par l’écrasante majorité des hommes, toutes tendances confondues, ainsi que par de nombreuses femmes, même révolutionnaires.

Le documentaire revient ainsi sur l’exemple de Louise de Keralio, fondatrice du Journal d’État et du Citoyen. Ardente républicaine, Keralio n’en fut pas moins une adversaire résolue de la participation des femmes aux assemblées. Dans le documentaire, l’historienne Margaux Prunier explique à ce sujet que Keralio « ne remet[ait] pas en question la division sexuée de la société » qui cantonnait la place des femmes « à la sphère domestique ». Par ailleurs, la politiste Anne Verjus ajoute que les femmes de l’époque partageaient moins une conscience féminine qu’une conscience familiale, supposant que celles-ci étaient déjà représentées politiquement par leur mari[4].

Le droit de porter les armes

Autre sujet brûlant lié à la citoyenneté, celui du droit des femmes à porter des armes. À l’époque de Théroigne de Méricourt comme à celle de Jeanne d’Arc, le port des armes restait l’apanage des hommes. Le discours prononcé par la révolutionnaire en mars 1792 révèle l’importance de l’enjeu de l’armement des femmes. Le documentaire note qu’il s’agit d’un tournant puisque Théroigne s’adresse alors directement aux femmes pour les inciter à conquérir ce droit, et non aux hommes pour leur demander d’y concéder : « Armons-nous ; nous en avons le droit par la nature, et même par la loi ; Montrons aux hommes que nous ne leur sommes inférieures ni en vertus, ni en courage […] il est temps enfin que les femmes sortent de leur honteuse nullité, où l’ignorance, l’orgueil et l’injustice des hommes les tiennent asservies depuis longtemps ».

Contrairement à une idée répandue, c’est bien le monarchisme d’Olympe de Gouges et non son « féminisme » qui lui valut de monter sur l’échafaud en 1793

Pour les femmes révolutionnaires, la question de l’engagement militaire dans la Révolution est devenue de plus en plus prégnante à mesure que la guerre, voulue par les députés girondins, tournait à la catastrophe. Passant de la théorie à la pratique, des dizaines, sans doute plus d’une centaine de femmes se sont engagées dans l’armée et se sont travesties pour contourner l’interdiction. Le film revient sur l’exemple de Catherine Pochetat qui a participé à la prise de la Bastille avant de rejoindre l’armée républicaine en se faisant passer pour un homme. Elle s’illustre ensuite dans les combats au point de devenir officier. Généralement reconnues une fois arrivées au front, les femmes n’en ont pas été immédiatement renvoyées, bénéficiant d’une tolérance qui n’a pris fin qu’après la victoire française de Jemmappes… à laquelle Catherine Pochetat a contribué. La présence des femmes parmi les combattants fut finalement interdite à la fin de l’année 1793.

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Les femmes ne furent pas seulement empêchées de combattre sur le front extérieur. Elles furent aussi parfois empêchées de participer aux insurrections populaires à l’intérieur du pays. Ainsi, des sans-culottes masculins barrèrent la route à Pauline Léon lorsque celle-ci voulut participer à l’assaut des Tuileries. À nouveau, lorsqu’une de ses partisanes défendit l’armement des femmes pour protéger l’intérieur du pays, elle reçut un accueil si hostile qu’elle dut conclure : « Nous voulons que désormais le seul bonnet des femmes soit celui de la liberté. Nous sauverons la patrie, citoyens, ne croyez pas nous décourager ».

Le documentaire insiste sur cet aspect central du combat des femmes révolutionnaires. Celles-ci durent se battre sur plusieurs fronts : d’abord, contre la violence des partisans de l’Ancien Régime – le film montre à plusieurs reprises une propagande royaliste particulièrement virulente et vulgaire à l’encontre des femmes – ; ensuite, $contre les tentatives de relégation et d’invisibilisation de la part des révolutionnaires masculins.

Féminisme élitaire, féminisme populaire

À partir l’été 1792, la Révolution se radicalise. Les clubs les plus intransigeants comme ceux des Jacobins ou des Cordeliers cherchent à abattre la monarchie. Face à eux, la majorité royaliste des députés cherche à protéger le roi et à freiner la marche des évènements. Entre les deux, les girondins tergiversent. Les mouvements féminins sont pleinement engagés dans cet affrontement.

Face à la trahison du roi, une partie du mouvement féminin fut à l’avant-garde de la lutte antimonarchique. Pauline Léon signe la pétition des Cordeliers du 17 juillet 1791 qui réclame la déchéance du roi après sa fuite de Varennes. Après le 10 août, elle récidive en réclamant sa condamnation à mort. La majorité des députés partage son avis sur ce point… mais sans céder sur la question de l’émancipation des femmes.

Olympe de Gouges, portrait d’Alexandre Kucharski (XVIIIè siècle)

Le nouveau régime républicain, mis en place le 21 septembre 1792, étend le suffrage à tous les hommes, mais aux hommes seulement. Cette relégation des femmes déçoit le mouvement populaire féminin, qui durcit ses positions. Il s’organise à travers la Société des citoyennes républicaines révolutionnaires, fondée notamment par Pauline Léon et Claire Lacombe en mai 1793. Cette société marque une rupture dans l’histoire du mouvement proto-féministe. S’écartant des salons littéraires et des clubs politiques de la bourgeoisie, il ouvre ses portes à des femmes issues de couches sociales intermédiaires et populaires[5].

À l’inverse, Olympe de Gouges et Théroigne de Méricourt refusent la radicalisation démocratique et sociale de la Révolution. Aux armes citoyennes rappelle le monarchisme d’Olympe de Gouges qui dédie sa Déclaration des droits de la femme à Marie-Antoinette avant de se proposer comme avocate de Louis XVI à son procès. Contrairement à une idée répandue, c’est bien son monarchisme et non son « féminisme » qui lui valut de monter sur l’échafaud le 3 novembre 1793[6]. Cet engagement conservateur d’Olympe de Gouges est paradoxal quand on le compare à l’avant-gardisme de ses combats pour l’émancipation des femmes mais aussi des Noirs.

Plusieurs études rappellent pourtant qu’Olympe de Gouges cherchait à conserver l’ordre social établi, à la condition que les femmes puissent y prendre leur place. Malgré ses principes progressistes, l’autrice de Zamore et Mirza condamne ainsi la révolution des esclaves de Saint-Domingue et de manière générale, toute forme d’insurrection populaire[7]. À cet égard, elle s’inscrit dans un « féminisme » élitaire, dans la lignée des salons littéraires et des cercles philosophiques de la fin du XVIIIe siècle[8]. C’est son attachement viscéral à la modération qui a rendu son affrontement avec les montagnards inévitable. De son côté, si Théroigne de Méricourt a participé à la journée du 10 août, elle s’est ensuite rapprochée des Girondins. Cette prise de position lui a valu d’être victime d’une violente agression par des partisanes de Pauline Léon le 15 mai 1793 – qui devait l’écarter définitivement de la vie publique.

L’affrontement entre les mouvements féminins fut particulièrement intense sur le terrain social. Proche des sans-culottes les plus radicaux, les « républicaines révolutionnaires » ont joué un rôle central dans le renversement des girondins, ainsi que dans la mise en place du « maximum » (c’est-à-dire du blocage des prix des denrées). Pauline Léon, Claire Lacombe et leurs partisanes en contrôlaient l’application, surveillant les commerçants et punissant les spéculateurs. Cet activisme leur a valu la haine des commerçants – et notamment des « dames de la Halle » qui les ont agressées dans l’enceinte de leur lieu de réunion, l’église Sainte-Eustache à Paris. Le documentaire revient sur l’importance de cet évènement, prétexte pour interdire les sociétés féminines.

Les ambiguïtés de la Convention

Comment expliquer l’attitude des députés face aux revendications féminines ? De nombreux historiens – comme Olivier Blanc, spécialiste d’Olympe de Gouges – scindent la Révolution en deux. A sa phase « modérée » et girondine (1789-1791), ouverte aux doléances des femmes, aurait succédé un durcissement masculin consécutif à l’hégémonie montagnarde – en mai 1793. A l’inverse, Aux armes citoyennes montre un paysage masculin relativement unanime dans sa fermeture aux droits politiques des femmes. Dominique Godineau rappelle que la question de l’émancipation des femmes était traitée avec mépris par la grande majorité des révolutionnaires masculins, au-delà des clivages politiques[9].

Des exceptions subsistent, chez les « radicaux » comme chez les « modérés ». Sur les bancs de la Montagne siégeait André Amar, à l’initiative de l’interdiction des clubs féminins, mais aussi Gilbert Romme et Joseph Lequinio, deux des très rares conventionnels à avoir défendu l’extension des droits politiques aux femmes. Au sein de la sans-culotterie, si son représentant parisien Pierre Chaumette rappelait à l’ordre les « femmes impudentes qui voulaient devenir des hommes », le publiciste Jean-Paul Marat ou le meneur Jacques Roux ont défendu des positions favorables à l’émancipation féminine.

Souvent dépeinte comme le règne de l’autoritarisme et de la « Terreur », l’année 1793 fut d’abord celle d’une poussée démocratique générale, durant lequel les sociétés populaires féminines exercèrent une influence politique inédite. À ce titre, l’historienne Christine Le Bozec rappelle la pression que le mouvement populaire féminin fit peser sur la Convention. En pleine crise des subsistances, celui-ci joua un rôle crucial dans la lutte contre les spéculateurs, tout en continuant à lutter pour obtenir le droit des femmes à s’armer et leur accès à la citoyenneté.

Le documentaire rappelle que le 21 septembre 1793, la Convention fête l’anniversaire de la République en autorisant le port de la cocarde, symbole de citoyenneté, pour toutes les femmes. C’est pourtant en octobre de cette même année que l’Assemblée décrète finalement l’interdiction des clubs féminins. Cette décision obéit en partie à une logique politicienne : pour les montagnards, il s’agit de freiner une sans-culotterie de plus en plus radicale, à laquelle le mouvement populaire féminin s’était largement associé.

Elle découle aussi d’une volonté de réprimer des mouvements féminins, alors plus remuants que jamais. Pour cette assemblée d’hommes, l’urgence était de mettre fin aux troubles politiques pour installer un régime républicain, dont les femmes n’avaient pas vocation à être citoyennes[10]. Malgré tout, cette interdiction des clubs féminins n’empêcha pas les femmes de rester actrices de la Révolution, au moins jusqu’aux émeutes de prairial[11].

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L’échec du mouvement « féministe » sous la Révolution ne ressort jamais mieux que lorsqu’il est mis en regard avec un autre grand combat : celui des Noirs pour l’abolition de l’esclavage et l’égalité politique[12]. Celle-ci a été a été conquise suite à la pression exercée par les esclaves insurgés à Saint-Domingue, une convergence d’action entre les esclaves et les « libres de couleur » face à un colonialisme d’Ancien Régime, enfin par la reprise (donc la justification) du combat des esclaves par les révolutionnaires métropolitains au nom des principes d’égalité.

Le mouvement « féministe », à l’inverse, souffrait de la faiblesse de ses effectifs militants. Si le poids des femmes fut important dans les insurrections populaires, seule une petite fraction devait revendiquer des droits politiques. En outre, il pâtissait de ses divisions : au moment où les clubs féminins se sont démocratisés en s’ouvrant aux « masses populaires féminines », ses figures modérées comme Olympe de Gouges et Théroigne de Méricourt s’en sont désolidarisé.

« Conquis » révolutionnaires et premiers backlashs

Le refus d’intégrer les femmes à la citoyenneté demeure la limite principale du mouvement révolutionnaire pour l’émancipation. Pour autant, la Révolution ne relève nullement du simple statu quo. Au contraire : à l’échelle du monde occidental de la fin du XVIIIe siècle, elle a accouché de l’un des droits familiaux les plus progressistes, incluent un divorce par consentement mutuel toujours en vigueur[13]. L’importance de ces premières conquêtes féminines apparaît d’autant plus nettement quand on les compare aux reculs consécutifs à la chute des montagnards.

Dès la période du Directoire, les femmes ont été victimes d’une répression politique qui a encore réduit leur liberté de réunion. Le backlash le plus important fut celui de la période napoléonienne. Sur le sujet de l’émancipation des femmes comme sur d’autres, le bonapartisme a inauguré le XIXe siècle en marquant une réaction violente. Le Code Civil a rejeté les femmes dans une situation de minorité juridique, tandis que le droit au divorce a largement été restreint.

Plus généralement, le documentaire montre que la Révolution, en abolissant une société fondée sur l’inégalité de naissance, ouvre une brèche dans laquelle de nombreuses femmes ont pu s’engouffrer pour revendiquer leurs droits – le plus souvent en dépit des révolutionnaires eux-mêmes. En posant pour la première fois la question des droits politiques en général, la Révolution a permis que soit posée celle des droits politiques des femmes en particulier. Les opposants à l’émancipation féminine en ont alors appelé à l’incapacité supposée des femmes à maîtriser leurs émotions et à agir de manière rationnelle – une crainte du déchaînement des passions qui constitue un élément central du discours contre-révolutionnaire. On le retrouve utilisé pour discréditer les « émotions populaires », c’est-à-dire les émeutes et les insurrections.

La propagande de leurs opposants peignait les militantes révolutionnaires comme des femmes bruyantes, obscènes, vociférant des cris inarticulés. Ce portrait correspond en tous points à celui que la propagande royaliste tirait des sans-culottes. Ainsi, les révolutionnaires radicaux n’ont pu s’opposer à l’immixtion des femmes dans la vie publique qu’au nom d’une rhétorique en décalage avec le langage égalitaire de la Révolution. Finalement lâchées par une République dont elles revendiquaient l’appartenance, les femmes allumèrent l’étincelle d’une exigence inédite : celle de constituer, elles aussi, le peuple désormais souverain.

Notes :

[1] Citée par Jean Lebrun, « Révolution : les femmes citoyennes… sans citoyenneté », série « Vivre durant la Révolution française », 2/5, La marche de l’histoire, France Inter, diffusée le 20 octobre 2015. URL : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/avoir-raison-avec/les-contradictions-d-une-monarchiste-revolutionnaire-1002320

[2] Cf Dominique Godineau, Citoyennes tricoteuses. Les femmes du peuple à Paris pendant la Révolution française, Paris, Perrin, 2014 [rééd.], 416 p.

[3] Christine Le Bozec, Les femmes et la Révolution. 1770-1830, Paris, Passés Composés, 2019, p. 32.

[4] « Les contradictions d’une monarchiste révolutionnaire », Avoir raison avec Olympe de Gouges, 2/5,France Culture, émission diffusée le 24 août 2021, consultée le 2 septembre 2025. URL : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/avoir-raison-avec/les-contradictions-d-une-monarchiste-revolutionnaire-1002320

[5] Ce phénomène s’inscrit dans un mouvement général de démocratisation des sociétés populaires au cours de l’an II. Cf Côme Simine et Guillaume Roubaud-Quashie, Haro sur les jacobins : essai sur un mythe politique français (XVIIIe-XXIe siècles), Paris, Presses Universitaires de France, coll. « Questions républicaines », 2025, 352 p.

[6] Olympe de Gouges a été arrêtée à la suite de la publication de son pamphlet, Les trois urnes, qui fut perçu comme une remise en cause du régime républicain par une monarchiste.

[7] Cette position antiesclavagiste de principe mais hostile à l’insurrection des Noirs, fut aussi celle des cercles girondins et des Amis des Noirs dont Olympe de Gouges était proche.

[8] Cf Christine Le Bozec, op. cit.

[9] « Olympe de Gouges », 3/4, La fabrique de l’histoire, France Culture, émission diffusée le 18 septembre 2013.

[10] Interrogée à ce sujet dans Aux armes citoyennes, l’historienne Solenn Mabo explicite le regard porté sur les femmes dans cette société du XVIIIe siècle où celles-ci sortaient tout juste du statut juridique de mineures : « [à l’époque] on ne se pose pas la question du vote des femmes de la même manière qu’aujourd’hui, on ne se pose pas celle du vote des enfants ».

[11] Il s’agit de la dernière grande insurrection révolutionnaire exigeant des mesures sociales pour l’approvisionnement de Paris en subsistances et le retour à la Constitution de 1793.

[12] Ce parallèle n’est pas qu’une vue de l’esprit dans la mesure où certains contemporains de la Révolution le firent comme le rappellent les historiens Frédéric Régent et Marcel Dorigny. Cf « Olympe de Gouges », 4/4, La fabrique de l’histoire, France Culture, émission diffusée le 19 septembre 2013. URL : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/la-fabrique-de-l-histoire/olympe-de-gouges-4-4-3890674

[13] Dominique Godineau citée dans le documentaire.

19.10.2025 à 17:17

La stratégie perdante de l’intersyndicale

David Fontano
En sacralisant l'unité syndicale et le « dialogue social », les syndicats ont fait échouer le mouvement social de la rentrée avec leur stratégie perdante de « grève perlée ». Alors que la base syndicale a su forger de nouvelles alliances ces dernières années, les directions se refusent toujours à toute introspection.

Texte intégral 2116 mots

L’appel du 10 septembre devait annoncer un automne chaud : partie de groupes de discussion souverainistes, la proposition de bloquer le pays pour protester contre la politique du gouvernement Bayrou avait gagné en audience tout au long de l’été. Reprise à gauche, elle a finalement donné lieu à une journée de mobilisation assez classique. Les blocages furent dans l’ensemble mis en échec et les Gilets jaunes ne furent pas ressuscités. Cependant, le nombre de personnes présentes dans les rues donnait une idée du potentiel. Les manifestations syndicales du 18 septembre pouvaient être l’étincelle. Entre un gouvernement tout juste censuré, une rentrée placée sous le signe de l’austérité et un président plus impopulaire que jamais, toutes les conditions semblaient réunies pour un mouvement social d’ampleur. Force est de constater que celui-ci n’a pas (encore) eu lieu. Analyse de la stratégie perdante de l’intersyndicale.

Avec le succès de la journée du 18, bien plus massive – un million de manifestants selon la CGT – et visiblement plus populaire que celle du 10, un boulevard semblait s’ouvrir. Las, l’occasion fut gaspillée : le gouvernement proposa aux principaux syndicats une rencontre le 24 septembre, dictant son tempo.

Quand les syndicats sabotent leur propre grève 

Rompus à l’idéologie du « dialogue social », ceux-ci acceptèrent, n’obtinrent rien, et publièrent dans la foulée ce communiqué : « Après la réussite de la mobilisation interprofessionnelle du 18 septembre, l’ensemble des organisations syndicales avait posé un ultimatum. Elles ont été reçues ce matin par le Premier ministre, pour obtenir des réponses concrètes aux revendications exprimées par les travailleuses et les travailleurs. L’intersyndicale déplore une occasion manquée. Après un long échange avec le Premier ministre sur les enjeux qui se posent pour le monde du travail, aucune réponse claire n’a été apportée à la colère des salarié·es, agent·es, demandeurs·euses d’emploi, jeunes, retraité·es … […] Le monde du travail a assez souffert et c’est pourquoi l’ensemble des organisations syndicales appelle à amplifier la mobilisation lors d’une nouvelle journée d’action et de grève interprofessionnelle le jeudi 2 octobre prochain ». S’ensuit une liste de revendications déjà connues par cœur, que le fameux « dialogue social » n’a jamais fait aboutir.

Comment ne pas voir dans cette faible menace d’une simple journée de mobilisation un triste aveu de faiblesse ? Pire, en organisant celle-ci deux semaines après la précédente, l’intersyndicale préparait sa défaite, en laissant retomber la colère pourtant très vive des Français. Dans l’intervalle, la secrétaire générale de la CGT Sophie Binet déclara « ne pas souhaiter la chute du gouvernement » tout en se déclarant très mécontente de sa politique… Les travailleurs qui avaient sacrifié deux journées de salaire dans l’espoir d’obtenir un budget moins austéritaire et plus juste sur le plan fiscal, apprécieront.

L’enchaînement de mouvements syndicaux perdants a eu une tendance démobilisatrice sur les forces vives.

Le gouvernement Lecornu, pourtant lui-même bien peu en position de force en plein emménagement à Matignon, ne s’y trompa pas. La menace d’un mouvement social d’ampleur s’écartait. Et ce, malgré les différentes grèves locales, les débuts de blocages de lycées et d’université, la motivation perceptible dans les cortèges. Le 2 octobre fut ainsi une journée décevante, avec un net reflux de la masse des manifestants (« près de 600.000 » annonça la CGT), sanctionnant l’absence de stratégie syndicale. Comment aurait-il pu en être autrement ? Nulle mansuétude, nul deus ex machina à attendre, seul le rapport de force entre deux intérêts sociaux antagoniques décide de l’issu d’une telle mobilisation face à un gouvernement. Comme l’observait déjà Hypocrite, « tout ce qui rampe a pour partage les coups ».

De la grève générale à la grève par procuration

À  ce triste spectacle, certaines composantes de l’extrême gauche opposent les appels imprécatoires à la grève générale. Certes, la perspective est séduisante : plutôt que de simples journées d’action, grèves perlées et autres démonstrations d’impuissance collective, les travailleuses et travailleurs n’auraient qu’à bloquer collectivement l’outil de production, jusqu’à ce que le pouvoir cède. Oui, mais… Si la CGT des grandes heures du mouvement ouvrier n’en fut pas capable, ni en 1914, ni d’ailleurs en 1936 ou 1968, qu’attendre d’une intersyndicale divisée, représentant d’ailleurs une part déclinante du monde du travail ?

Au-delà du déclin du taux de syndicalisation, stabilisé à un niveau historiquement bas, la surreprésentation du public face au privé (environ 18% de syndiqués contre 8% dans le secteur privé) a de quoi doucher les ardeurs révolutionnaires. Les précédents mouvements sociaux d’ampleur conduits par les syndicats, tels ceux contre les réformes des retraites de 2010 et 2023, ou contre la « loi Travail » de 2016, sont ainsi portés par une partie de la population ayant peu de prise directe sur la marche économique du pays. Pour compenser cette faiblesse, les grèves s’opèrent par procuration, en soutenant celles de secteurs stratégiques et encore fortement syndiqués : rail, transport publics, raffineries, parfois ports et gestion des déchets. Au risque d’un isolement de secteurs combatifs, plus facilement circonscrits, ou d’une dérive corporatiste, au détriment des victoires collectives.

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La grève générale ne se décrète pas. Ses partisans arguent qu’elle se prépare sur le temps long, par un patient travail d’entreprise, à contre-courant des tendances dominantes dans un monde du travail en rapide mutation. Leur faible présence dans les segments les plus stratégiques, ceux au centre des chaînes de valeurs d’aujourd’hui, telle la logistique, ne plaide pas en leur faveur. L’enchaînement de mouvements syndicaux perdants a eu une tendance démobilisatrice sur les forces vives : le coût important des grèves nationales en termes d’énergie, d’argent et de risques professionnels face à des gouvernements peu disposés à laisser « gouverner la rue », peu inquiétés par une gauche parlementaire affaiblie et divisée, fatigue immanquablement.

L’union ne fait pas toujours la force 

Toutefois, à ces problèmes qu’il serait possible de résoudre, s’ajoute celui des directions syndicales. La recherche d’un front uni se fait au détriment de la stratégie : accommoder les revendications des centrales les plus corporatistes, les plus libérales, à celles des structures les plus combatives aboutit à une égalité par le bas déplorable. La CFDT, dont près d’un tiers des adhérents ont voté Macron dès le premier tour en 2022, impose ses conditions à l’unité, avec l’assentiment des directions de FO, de Solidaires ou de la CGT. Cette routine des mouvements où le camp social part perdant avant même d’avoir entamé le rapport de force dit assez la compromission institutionnelle des appareils syndicaux, particulièrement de leurs directions. 

Celle-ci a un effet délétère sur des bases toujours plus réticentes à s’engager dans des batailles considérées comme perdues d’avance. Cette perte de confiance dans les syndicats est d’ailleurs à l’origine de leur court-circuitage tant dans la rue, par le mouvement des gilets jaunes ou celui du 10 septembre, que dans le monde du travail, avec l’émergence de nouveaux « collectifs » de travailleurs s’organisant hors des organisations traditionnelles.

Ce déprimant panorama ne doit pas pour autant faire oublier le travail de fourmi, aussi ingrat qu’héroïque, de militantes et de militants qui continuent de porter la flamme sous différentes couleurs syndicales. C’est ce labeur patient qui permet encore aux centrales de mobiliser dans la grève et dans les rues plusieurs centaines de milliers (voire millions) de personnes lorsqu’un mouvement s’engage. Et c‘est à partir de ces bonnes volontés que différentes initiatives de régénérescence syndicales pourraient s’engager : leur expérience de terrain, la confiance de leurs collègues, leur éloignement des directions, tout ceci redonne espoir. D’autre part, et à rebours des mouvements nationaux, bien des luttes locales sont encore couronnées de succès, comme celles des femmes de ménage de nombreux hôtels ces dernières années. Ces petites victoires si peu médiatisées sauvent des vies et démontrent ici et là la pertinence de l’outil syndical. 

Sortir de la défaite syndicale

Si celui-ci connaît des limites lorsqu’il s’agit de déployer un rapport de force sur le temps long avec le pouvoir en place, ne serait-il pas temps qu’il envisage d’autres stratégies que l’union pour l’union et les grèves perlées ? Étant donné la faiblesse du camp macroniste et la menace d’une victoire prochaine du Rassemblement National, la séquence politique actuelle semble plaider pour que les syndicats accroissent la pression populaire afin d’arracher des victoires avec la gauche politique, surtout celle qui vote la censure – ce qui exclut donc le Parti socialiste.

Pourtant, à chaque mobilisation populaire lancée par les partis, les syndicats crient à la remise en cause de la Charte d’Amiens. Les passes d’armes entre la France insoumise et l’ancien secrétaire général de la CGT Philippe Martinez sont restées dans les mémoires des militants, tandis que l’écrasante majorité de la population n’a pas compris ces guerres de chapelle. Certes séparer l’action dans le champ politique et dans le monde du travail, comme le prévoit la charte d’Amiens, n’est pas une mauvaise chose en soi : elle offre une plus grande autonomie tant aux partis qu’aux syndicats et ne rend pas ces derniers comptables des erreurs du parlementarisme. À l’heure où de plus en plus de syndiqués votent RN, au moins au second tour contre le camp libéral, cette séparation permet de maintenir dans la sphère syndicale un public réticent à voter pour la gauche.

Mais sans aller jusqu’à fusionner syndicats et partis, on peine à comprendre la passion de certains bureaucrates syndicaux pour les guerres intestines contre les partis de gauche, qu’ils accusent de « récupération ». Par ailleurs, la réalité des liens entre la CGT et le PCF pendant plusieurs décennies, pour ne prendre que cet exemple, montre qu’une coopération plus étroite est possible, et peut donner des résultats. A cet égard, et étant donné le rabougrissement des bases syndicales, l’obstination de certains responsables syndicaux à rejeter tout mouvement qu’ils n’ont pas initié n’est qu’un caprice puéril.

La base est en avance sur les directions. Sans doute parce que les travailleurs n’ont pas le temps d’aller à Matignon ou dans des conclaves palabrer avec le MEDEF.

Outre les partis politiques, la jonction opérée entre des bases syndicales locales et des mobilisations extra-syndicales, qu’elles soient autonomes, citoyennes ou environnementales, permet aussi localement de renouer avec une combativité qui appelle la victoire et non plus le simple témoignage. Les exemples de mobilisations communes entre les Soulèvements de la Terre et les syndicats contre l’entreprise logistique Geodis ou pour conserver et transformer la raffinerie de Grandpuits, offrent aux syndicats un moyen de s’ouvrir à d’autres publics et de renforcer leurs combats par des appuis bienvenus. Là encore, la base est en avance sur les directions. Sans doute parce que les travailleurs n’ont pas le temps d’aller à Matignon ou dans des conclaves palabrer avec le MEDEF.

17.10.2025 à 20:08

Madagascar : confisquer la révolution pour sauver le régime ?

Robin Gachignard-Véquaud
L'insurrection malgache s'achèvera-t-elle en putsch ? Suite au soulèvement historique qui a conduit au départ du président Andry Rajoelina, le Corps d’armée des personnels et des services administratifs et techniques (CAPSAT) s'est emparé du pouvoir. S'il affirme vouloir organiser une transition démocratique, il semble renouer avec une tradition bien ancrée dans l'histoire de l'île : l'ingérence de l'institution militaire dans les affaires politiques. Garde-fous de régimes impopulaires, l'armée aura contribué, ces dernières décennies, au maintien d'un modèle en crise.

Texte intégral 3828 mots

L’insurrection malgache s’achèvera-t-elle en putsch ? Suite au soulèvement historique qui a conduit au départ du président Andry Rajoelina, le Corps d’armée des personnels et des services administratifs et techniques (CAPSAT) s’est emparé du pouvoir. S’il affirme vouloir organiser une transition démocratique, il semble renouer avec une tradition bien ancrée dans l’histoire de l’île : l’ingérence de l’institution militaire dans les affaires politiques. Garde-fous de régimes impopulaires, l’armée aura contribué, ces dernières décennies, au maintien d’un modèle en crise.

Escapade présidentielle, affirmation de l’armée

« C’est fou. Là on va faire face à beaucoup de choses, je ne sais pas si le pays est prêt à faire face à ça », s’émeut au téléphone Aïna [prénom modifié], jeune Malgache qui nous parlait fin septembre de son engagement dans les manifestations organisées par la « GenZ Madagascar ». « Tout est vraiment incertain, il y a énormément de récupération », nous dit-elle, inquiète de la situation. Un nuage d’incertitude plane sur l’île : voilà qui résume l’atmosphère de ces derniers jours.

Les événements se sont enchainés très rapidement, avec un paroxysme ce mardi 14 octobre lors de la destitution du président Andry Rajoelina. Il avait été réélu en 2023, lors d’une élection entachée d’irrégularités et boycottée par les oppositions.

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Tout avait pourtant commencé par une mobilisation populaire inédite. Des milliers de jeunes Malgaches s’étaient alors retrouvés, plusieurs jours durant, à manifester dans les rues pour protester contre les coupures d’eau et d’électricité, la pauvreté et pour dénoncer la corruption systémique. Sous les yeux du monde entier, la jeunesse malgache reprenait le drapeau « pirate » du célèbre manga One Piece, devenu symbole des luttes contre le pouvoir des élites dans plusieurs pays du Sud global.

Le pouvoir décide alors de répondre par la force. La répression, que nous avions documentée, avait été féroce : tabassages, tirs à balle en caoutchouc, arrestations musclées. Selon le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, au moins 22 personnes ont été tuées et de nombreux blessés ont été recensés. Afin de calmer le mouvement protestataire, le président Andry Rajoelina a alors limogé, début octobre, l’entièreté de son gouvernement pour nommer un nouveau premier ministre, le général Ruphin Fortunat Zafisambo. En réponse à cette annonce comprise comme une manœuvre dilatoire, la GenZ avait appelé à poursuivre les mobilisations par des grèves générales.

Un acteur peut en cacher un autre. Les événements ont pris une toute autre tournure le week-end dernier, lorsque l’unité militaire du Corps d’armée des personnels et des services administratifs et techniques (CAPSAT) a appelé les forces de sécurité « à refuser de tirer » sur les manifestants. Ce corps, considéré comme l’un des piliers de l’armée malgache pour ses relations entretenues avec les élites influentes et les milieux d’affaires du pays, a ainsi renversé le rapport de force en rejoignant le mouvement populaire.

« Tout comme aujourd’hui, la jeunesse a joué un grand rôle dans la révolution de mai 1972. Avec une différence : à l’époque, elle était ancrée dans des organisations politiques et syndicales de tendance socialiste »

Rajoelina a dénoncé, le samedi 11 octobre, une « tentative de prise du pouvoir illégale ». Comme l’a révélé RFI, le président a ensuite quitté le pays en embarquant, dimanche, à bord d’un avion militaire français pour la Réunion, avant de partir avec sa famille vers une destination inconnue. Interrogé sur cette exfiltration, l’Élysée n’a à ce jour rien confirmé de l’opération. Rajoelina lui a fini par déclarer être à l’étranger pour protéger sa vie « menacée ».

Mardi soir, malgré un décret de dissolution (à distance) du président Andry Rajoelina, l’Assemblée nationale de Madagascar a voté sa destitution à une large majorité (130 sur 163 députés). Dans la foulée, l’unité militaire CAPSAT a annoncé « prendre le pouvoir ». Dans un communiqué publié, la Haute Cour constitutionnelle, soucieuse d’apporter un cadre légal à une situation politique critique, a invité le colonel Michael Randrianirina à exercer les fonctions de chef de l’État.

Le nouvel homme fort du moment a affirmé avoir pris le pouvoir avec ses frères d’armes pour combler un vide institutionnel. « Il n’y a rien qui marche à Madagascar. Il n’y a pas de président, pas de président du Sénat, pas de gouvernement », a déclaré celui qui a été gouverneur de la région de l’Androy, à l’extrême-sud de l’île, brièvement détenu par l’ancien pouvoir pour « incitation à la mutinerie militaire en vue d’un coup d’État ».

En cette fin de semaine, le calme était revenu dans la capitale, laissant place aux tractations politiques et militaires en vue d’organiser la transition. L’Union africaine n’a pas tardé à réagir : dans un communiqué elle a annoncé suspendre Madagascar de ses institutions avec effet immédiat. Le doute plane ainsi sur l’arrêt de l’aide internationale cruciale pour le pays. La population garde en mémoire une précédente suspension terrible à la suite du coup d’État de 2009.

Dernière annonce en date sur l’île : le colonel Michael Randrianirina va prêter serment ce vendredi comme « président de la refondation de Madagascar ». Ainsi, une nouvelle page se tourne, dans une histoire nationale particulièrement marquée par l’instabilité institutionnelle.

Quand le fond de l’air était rouge

Si l’histoire ne se répète pas, ses soubresauts semblent se faire écho. Depuis son indépendance en 1960, l’île a connu pas moins de cinq renversements.

« Il y a une cyclicité des crises à Madagascar. Cette nouvelle crise a de fortes similitudes avec les précédentes. Si on les replace dans une perspective globale, elles révèlent la vulnérabilité de Madagascar aux crises économiques mondiales», nous confie Samuel Floreal Sanchez, maître de conférences à la Sorbonne et spécialiste de l’histoire du pays et des îles de l’océan Indien. Il poursuit : « Les évènements de 1991 s’inscrivaient dans un contexte de fin de guerre froide et de crise financière, 2001-2002 faisait écho aux crises mondiales de la fin des années 90, et le renversement de 2009 trouvait certaines de ses causes dans la crise mondiale des subprimes. 2025 n’échappe pas aux phénomènes de dépendance et la crise économique mondiale est une des raisons des problèmes énergétiques auxquels le pays fait face. »

En 1972 éclate la première crise institutionnelle majeure dans l’histoire postcoloniale. Les grandes manifestations d’avril 1971 et de mai 1972 marquent un tournant. Appelées également rotaka (« la révolution malgache »), elles conduisent au renversement du premier président Philibert Tsiranana et annoncent la fin de la jeune Première République (1960-1975) née de l’indépendance de la France.

Dans la rue, le rejet d’un pouvoir perçu comme néocolonial et toujours inféodé à la France se fait entendre. La question sociale est alors au centre des revendications alors que la société malgache s’appauvrit sous le creusement des inégalités entre les nouvelles élites et le peuple. La réponse du pouvoir est déjà l’emploi de la force et les événements dégénèrent rapidement en bain de sang. En quelques jours, le président Tsiranana est contraint de démissionner. Un gouvernement de « transition militaire » est alors instauré, dirigé par le général Gabriel Ramanantsoa — un officier pourtant formé par l’armée française.

Les souvenirs de victoires glorieuses perdurent dans les mémoires. Plus de cinquante ans après ce premier renversement, le mouvement GenZ appelait depuis mi-septembre à manifester en direction de la place du 13 Mai 1972. Aussi appelée « place de la démocratie », elle fait office d’épicentre historique des protestations dans la capitale.

« Tout comme ce qu’on observe aujourd’hui à travers le mouvement de la GenZ, la jeunesse a joué un grand rôle dans la révolution de mai 1972. A la différence que la politisation trouvait à l’époque ses ancrages davantage au sein d’organisations politiques et syndicales structurées dans des optiques socialistes », note Samuel Floreal Sanchez. Ces années 70, le réalisateur Chris Marker les a immortalisées à travers son documentaire Le fond de l’air est rouge. Les organisations de jeunesse d’inspirations socialiste et anti-impérialiste se multiplient.

Principale organisation de cette révolte de 1972, le Mouvement national pour l’indépendance de Madagascar (MONIMA) de tendance maoïste, organise des soulèvements. Son leader Monja Jaona avait déjà joué un rôle dans l’insurrection malgache de 1947contre l’administration coloniale française. Ce sont bien les militaires qui finissent pourtant par combler le vide institutionnel.

Née d’une première transition militaire, la Deuxième République (1975-1992) s’ouvre en pleine accélération de la Guerre froide. Son nouvel homme fort, Didier Ratsiraka, capitaine de frégate, met en place un régime tourné vers le bloc de l’Est et l’URSS. Dirigiste et non-aligné, il incarne une posture de défiance à l’égard des puissances occidentales.

Mais derrière l’affirmation souveraine, les failles demeurent. L’administration reste fragile, minée par la cooptation et les réseaux élitaires. Sous la pression économique des marchés, le gouvernement finit par s’ouvrir aux mesures libérales. Un retournement idéologique qui traduit une volonté de conserver le pouvoir coûte que coûte.

La contestation reprend, suivie d’une nouvelle vague de répression : face à la colère populaire, Ratsiraka est contraint d’accepter un processus de transition. Le 18 septembre 1992, une nouvelle Constitution instaurant la Troisième République est adoptée. Mais les espoirs de la naissance d’une démocratie vive sont douchés par un système élitaire, inégalitaire et corrompu persistant. Pour preuve, le président Ratsiraka parviendra à revenir au pouvoir, par le biais d’élections, de 1997 à 2002.

Guerre civile larvée et putsch « en douceur »

L’élection présidentielle de décembre 2001, opposant Didier Ratsiraka à Marc Ravalomanana, plonge le pays dans une impasse politique. Le second revendique la victoire dès le premier tour. Après recontage, il est élu. Les acteurs internationaux s’empressent de le reconnaître. Les résultats sont contestés, pendant des mois, la rue devient le théâtre des manœuvres politiques.

À Antananarivo, les partisans de Ravalomanana dressent des barricades, bloquent les axes routiers et réclament le départ du président sortant. L’économie est cette fois totalement paralysée, le pays divisé en deux camps organisés et armés est au bord de la guerre civile.

L’armée, encore une fois, s’impose. Plusieurs officiers rejoignent le camp de la contestation. Après de longs mois de conflits, Ratsiraka s’exile en juillet 2002. Ravalomanana est reconnu président. « L’armée malgache a vraiment une tradition d’intervention bien établie dans la vie politique du pays », analyse Josie Dominique, maîtresse de conférences à l’université Antsiranana à Madagascar, auprès de RFI. « L’implication politique des forces armées remonte au mai malgache de 1972 […] Les crises successives 1972, 1991, 2002, 2009 ont démontré cette interpénétration constante des forces civiles et militaires dans la lutte pour le pouvoir. »

La prise de pouvoir d’Andry Rajoelina (aujourd’hui président déchu) devient bientôt l’emblème de cette importance nouvelle acquise par l’armée. Sept ans après la guerre civile de 2002, le scénario se répète. Une nouvelle fois les mobilisations populaires reprennent. Le maire d’Antananarivo, Andry Rajoelina, 34 ans, devient le visage d’une contestation grandissante contre le président Ravalomanana, accusé d’autoritarisme d’affairisme. Cet ancien DJ parvient à s’attirer les bonnes grâces des chancelleries occidentales, particulièrement de l’Élysée.

En février 2009, la répression fait plus d’une centaine de morts. Le pays plonge dans le chaos. Rajoelina appelle l’armée à « protéger le peuple ». Le 17 mars, des soldats prennent le palais présidentiel. Le CAPSAT, aujourd’hui sous le feu des projecteurs, est déjà à la manœuvre. Ravalomanana est contraint à la démission et à l’exil.

Le pouvoir est alors transféré à une Haute Autorité de transition, dirigée par Rajoelina. Une nouvelle fois, la rue et les militaires scellent le sort du régime. Nicolas Sarkozy légitime cette nouvelle figure issue du putsch.

Les tensions en Mer Rouge renforcent l’intérêt des grandes puissances pour le canal du Mozambique

Le président Andry Rajoelina obtient même la nationalité française en 2014. Fait qui, une fois révélé en 2023, a été à l’origine de la principale controverse de l’élection présidentielle [l’article 42 du Code de la nationalité malgache prévoit la perte de nationalité pour un Malgache majeur qui en acquiert volontairement une autre NDLR]. Ces relations de copinage au sommet des deux États ne changeront pas, jusqu’à la présidence d’Emmanuel Macron marquée par une visite d’État, les 23 et 24 avril 2025, qui acte la signature de plusieurs accords de coopération bilatérale et le renforcement des liens entre les deux pays dans un contexte de tensions géopolitiques dans la région.

Impératifs géopolitiques, souveraineté piétinée

L’instabilité politique de Madagascar, couplée à la corruption des élites, n’a cessé de la rendre vulnérable aux puissances étrangères – intéressées par ce pays situé dans une zone hautement stratégique.

D’après l’OCDE, Madagascar a reçu 1,25 milliard de dollars d’aides publiques étrangères en 2023, dont 172 millions de dollars des États-Unis et 126 millions de l’Union européenne. La France quant à elle a contribué à hauteur de 81 millions. Cette aide pèse 3,5 % du PIB du pays. L’aide budgétaire –qui arrive directement dans les caisses de l’État – représente 1,2 % du PIB, et soutient notamment les importations de riz, denrée essentielle pour le quotidien de la population.

En février 2025, le portefeuille actif de la Banque mondiale à Madagascar s’élevait à 3,5 milliards de dollars, répartis entre 17 projets nationaux et 5 opérations régionales. Les infrastructures représentent la part la plus importante (43 %), suivies du développement durable (25 %), du développement humain (20 %). Les institutions internationales, Fonds monétaire international (FMI) en tête, conservent d’importants leviers sur la politique économique du pays.

Madagascar n’a pas été épargné par les révisions de l’aide américaine annoncées par l’administration Trump. La suppression du programme « Food for Progress », qui devait soutenir le développement des deux pôles économiques majeurs que sont Tuléar (sud-ouest) et Fort-Dauphin (sud-est), a mis à mal le secteur privé. La production agricole dans ces deux régions est pourtant durement affectée par les effets du changement climatique.

En  2022, le sud de Madagascar a été frappé par une sécheresse aux conséquences désastreuses pour les sols agricoles, décrite par les scientifiques comme la « première famine climatique du monde ». La transformation agricole qui doit contribuer à l’autosuffisance alimentaire de l’île était depuis des années une promesse de la présidence malgache. Focalisés sur les financements de l’étranger, les pouvoirs successifs ne sont jamais parvenus à créer les conditions d’un développement endogène.

L’extraversion de l’économie malgache expose à le pays à des fluctuations dramatiques. Ainsi, les exportations de biens ont reculé de 17,2 %, en 2024, sous l’effet d’une crise des exportations de nickel, de vanille, de girofle et de cobalt. Au premier trimestre 2025, les exportations ont encore diminué de 11,9 % par rapport à la même période en 2024. À l’inverse, les importations ont augmenté, portant le déficit de la balance commerciale de Madagascar à 1,3 milliards de dollars pour les six premiers mois de l’année 2025.

Madagascar est aussi le premier producteur mondial de vanille, assurant plus de 80 % de l’offre mondiale. Face à l’émergence de nouveaux acteurs internationaux, la filière continue de se développer[1] mais reste toujours en tension. D’autres fragilités persistent. En raison de la surproduction des années précédentes et d’un ralentissement de la demande mondiale, les opérateurs doivent gérer des stocks excédentaires importants. Dans son dernier bulletin sur la conjoncture économique, la Banque centrale de Madagascar (BFM) a révélé que, dans ce contexte, les prix à l’exportation du kilogramme de vanille ont chuté de 75,6 %, passant de 206,2 dollars en 2023 à 50,4 dollars sur les neuf premiers mois de l’année 2024.

Cette la filière a été bousculée par la nouvelle politique commerciale des États-Unis.

Présenté par l’administration Trump en avril dernier, le projet de hausse des droits de douane sur les importations en provenance de 51 pays africains a remis en cause cette manne de l’économie malgache – les Etats-Unis étant le deuxième importateur de vanille de Madagascar après la France. Comme ailleurs en Afrique, la Chine occupe de plus en plus une place prépondérante parmi les exportateurs. Elle est devenue en 2015 le premier partenaire commercial de Madagascar. Fidèle à sa doctrine de discrétion et de non-ingérence, si le pays ne prend pas part officiellement – contrairement à la France – à la vie politique malgache, le géant asiatique s’appuie sur une communauté chinoise ancienne et bien établie pour jouer un rôle crucial dans l’économie informelle de l’exploitation des ressources.

Les convoitises étrangères se sont accentuées depuis 2012, lorsqu’un immense gisement gazier a été découvert dans le canal du Mozambique, situé entre le continent africain et l’île de Madagascar. Plusieurs études ont évalué ces réserves entre 6 et 12 milliards de barils de pétrole et de 3 à 5 milliards de mètres cubes de gaz.

Zone stratégique et lucrative, le canal du Mozambique s’impose aujourd’hui comme un axe clé des rivalités géopolitiques de l’espace indopacifique. Le détournement d’une partie du trafic maritime international, auparavant acheminé via le canal de Suez, en raison des tensions en mer Rouge, a renforcé l’intérêt des grandes puissances pour cette région, laissant à Madagascar une marge de manœuvre limitée.

Dans ce contexte de regain d’intérêt pour le canal du Mozambique, Madagascar a réactivé ses revendications sur les îles Éparses, un archipel stratégique contrôlé par la France depuis 1896. Situés à proximité de zones riches en hydrocarbures, ces îlots offrent à Paris le contrôle d’environ la moitié du canal grâce à leurs zones économiques exclusives (ZEE).

À la 80ᵉ session de l’ONU en septembre 2025, Antananarivo a une nouvelle fois plaidé pour leur restitution, s’appuyant sur une résolution de 1979 en sa faveur, toujours ignorée. Malgré la reprise du dialogue depuis 2019 et une rencontre bilatérale en juin 2025, Paris refuse toute rétrocession et propose la voie d’une « cogestion ». Une position jusqu’ici critiquée par les autorités malgaches qui font valoir leur souveraineté historique sur le territoire.

Craintes d’une révolution confisquée

Que deviendront les revendications populaires de la « Gen Z Madagascar » ? Si une partie de la population a accueilli avec joie la chute du président Andry Rajoelina, les jeunes manifestants mobilisés depuis fin septembre restent mitigés et craignent une installation pérenne des militaires. D’autres soutiennent que l’armée, en portant la voix du peuple, a empêché toute récupération des oppositions. – manifestation de l’intensité du rejet de la classe politique.

Dès sa prise de pouvoir, le commandement militaire a enchaîné les rendez-vous avec « la population », la société civile et les juges de la Haute Cour constitutionnelle. Des jeunes représentants de la « Gen Z » ont été accueillis au QG du CAPSAT.

Aux micros des médias internationaux, les militaires ont annoncé une période de transition et promis d’organiser un référendum constitutionnel avant la tenue d’élections générales dans un délai allant de 18 à 24 mois. La Haute Cour Constitutionnelle s’était prononcé pour une élection présidentielle sous 60 jours. Des divergences faisant toujours l’objet de négociations intenses. Une charte de transition est actuellement en cours d’élaboration pour poser les bases d’un nouveau régime.

L’île de Madagascar semble plonger une nouvelle fois dans des eaux troubles. Les semaines à venir seront déterminantes.

Note :

[1] D’après les données de la Banque centrale de Madagascar (BFM), les exportations malgaches de vanille ont augmenté de 26,11% par an, passant de 1700 tonnes en 2020 à 4300 tonnes en 2024, signant un record historique pour la filière.

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