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10.10.2025 à 14:30

La Lettre

Lire et écouter Orient XXI Pour rendre nos contenus accessibles à toutes et à tous, Orient XXI propose désormais une version audio de ses articles. Un lecteur audio, placé en haut de chaque texte, vous permet de découvrir nos analyses et reportages autrement. Encore en développement, ce nouveau service s'améliore chaque jour. N'hésitez pas à nous faire part de vos retours pour nous aider à le perfectionner. Ainsi, Orient XXI poursuit son engagement : partager une information libre et (…)

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Texte intégral 2790 mots

Lire et écouter Orient XXI

Pour rendre nos contenus accessibles à toutes et à tous, Orient XXI propose désormais une version audio de ses articles. Un lecteur audio, placé en haut de chaque texte, vous permet de découvrir nos analyses et reportages autrement.

Encore en développement, ce nouveau service s'améliore chaque jour. N'hésitez pas à nous faire part de vos retours pour nous aider à le perfectionner.

Ainsi, Orient XXI poursuit son engagement : partager une information libre et indépendante pour toutes et tous.

Présentation de « Que ma mort apporte l'espoir » par Nada Yafi à Bordeaux et Mont-de-Marsan, les 10 et 11 octobre

À l'initiative du Comité Palestine 33, Nada Yafi présentera le recueil de poésie Que ma mort apporte l'espoir. Poèmes de Gaza (Libertalia, collection Orient XXI, 2024) à la librairie Les 400 coups, 36 rue du maréchal Joffre, le vendredi 10 octobre, 19h, à Bordeaux.

Le samedi 11 octobre, à midi, elle présentera le recueil à la librairie Caractères, 15 rue du maréchal Bosquet, à Mont-de-Marsan.

Nada Yafi, Octobre 2024
Le recueil, publié aux éditions Libertalia dans la collection Orient XXI, présente une cinquantaine de poèmes dont les auteurs et autrices viennent toutes et tous de Gaza. Écrits pour la grande majorité en arabe, ils ont été traduits par l'ancienne diplomate et interprète Nada Yafi, qui signe également la préface de l'ouvrage. L'écrivain palestinien Karim Kattan a également offert une postface au livre.
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Dans le journal de bord de Gaza

Rami Abou Jamous et sa famille ont dû fuir leur appartement à Gaza-ville dans la nuit du 24 au 25 septembre. Ils ont trouvé refuge à Nusseirat, dans le centre de la bande de Gaza.

Rami Abou Jamous, 7 octobre
Rami Abou Jamous écrit son journal pour Orient XXI. Fondateur de GazaPress, un bureau qui fournissait aide et traduction aux journalistes occidentaux, il a dû quitter en octobre 2023 son appartement de Gaza-ville avec sa femme Sabah, les enfants de celle-ci, et leur fils Walid, trois ans, sous la menace de l'armée israélienne. Ils se sont réfugiés à Rafah, ensuite à Deir El-Balah et plus tard à Nusseirat. Un mois et demi après l'annonce du cessez-le-feu de janvier 2025 — rompu par Israël le 18 mars —, Rami est rentré chez lui avec sa famille. Depuis le 25 septembre 2025, ils ont dû à nouveau quitter la ville de Gaza pour Nusseirat. Pour ce journal de bord, Rami a reçu le prix de la presse écrite et le prix Ouest-France au Prix Bayeux pour les correspondants de guerre. Cet espace lui est dédié depuis le 28 février 2024.
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Les derniers articles

Jadd Hilal, 10 octobre
Jadd Hilal est un universitaire et écrivain libano-palestino-français. Dans ce témoignage personnel, il revient sur ce qu'a été son expérience sur des chaînes de télévision françaises après le 7 octobre 2023. Avec ce dilemme : faut-il boycotter et refuser le cadre imposé, ou ne pas laisser la chaise palestinienne vide ?
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Jean Stern, 9 octobre
Le réalisateur israélien en exil à Paris est retourné dans son pays pour y tourner Oui. Il affiche une colère louable contre son gouvernement, mais rate sa cible avec un film vaniteux et autocentré, aussi laid que la société va-t-en-guerre qu'il prétend dénoncer.
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Alain Gresh, Sarra Grira, Muzna Shihabi, Nitzan Perelman Becker, 9 octobre
Horizons XXI est une carte blanche laissée aux rédactions d'Orient XXI et Afrique XXI qui revient sur l'actualité ou l'histoire de l'Afrique et des mondes arabe et musulman à travers des entretiens. À retrouver une fois par mois sur le média indépendant Au Poste.
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Hajar Raissouni, 8 octobre
Depuis le samedi 27 septembre, la vie du royaume est rythmée par les manifestations quotidiennes du mouvement GenZ 212. Lancée par des jeunes autonomes refusant toute affiliation politique ou syndicale, la contestation innove et mobilise. Mais elle doit aussi faire face aux limites de son manque de structuration, tandis que les élites au pouvoir semblent attendre le discours du roi prévu pour le 10 octobre.
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Trita Parsi, 7 octobre
Une nouvelle conflagration entre Israël et l'Iran paraît inévitable et, peut-être, toute proche, les Européens ayant délibérément choisi de s'aligner sur les faucons de l'administration Trump dans le contentieux nucléaire. Au risque d'être entraînés dans un conflit majeur et incontrôlable. Analyse.
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Mathieu Rigouste, 6 octobre
Depuis le 7 octobre 2023, des enquêtes ne cessent de confirmer l'emploi par l'État israélien de techniques de déshumanisation du peuple palestinien : tortures, viols et humiliations, punitions collectives, déplacements, internements en camps et disparitions forcées sont conjugués aux bombardements massifs contre les civils enfermés dans Gaza. Loin de constituer des dérives, toutes ces violences font système et s'inscrivent dans l'histoire globale et connectée des doctrines contre-insurrectionnelles du colonialisme occidental.
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Sur Afrique XXI

EDITORIAL
La rédaction d'Afrique XXI, 10 octobre
Zukiswa Wanner, écrivaine et activiste sud-africaine, publie dans Afrique XXI son journal de bord de la flottille Global Sumud, en route pour Gaza. Elle a été interceptée le mercredi 1er octobre.
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En anglais

Rami Abou Jamous, 29 September
Rami Abu Jamous is keeping a diary for Orient XXI. The founder of GazaPress, an agency which helped and translated for western correspondents, he had to leave his Gaza City apartment with his wife Sabah, her children, and their three-year-old son Walid, in October 2023, under threat from the Israeli army. They took refuge in Rafah, they were displaced to Deir el-Balah and later to Nusseirat. A month and a half after the announcement of the January 2025 ceasefire – broken by Israel on March 18 – Rami returned home with Sabah, Walid, and their new son Ramzi. With the ground invasion of Gaza City that began on September 16, Rami and his family had to leave once again. They returned to Nusseirat. For this diary of his, he has received two awards, the Prix Bayeux for war correspondents in the printed press category, and the Prix Ouest-France. This space has been dedicated to him in the French section of the site since 28 February 2024.
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En italien

Fabio Merone, 8 ottobre
Una mappatura dei più importanti movimenti arabi per la Palestina, poco presenti nella cartina della solidarietà internazionale degli ultimi due anni.
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Mathieu Rigouste, 6 ottobre
Dal 7 ottobre 2023, i rapporti continuano a confermare l'uso da parte dello Stato israeliano di tecniche di disumanizzazione del popolo palestinese: torture, abusi fisici e verbali, umiliazioni, punizioni collettive, sfollamenti, internamenti nei campi e sparizioni forzate che si aggiungono ai bombardamenti massicci contro i civili confinati a Gaza. Lungi dall'essere episodi isolati, tutte queste violenze costituiscono un sistema che si inserisce nella storia globale legata alle dottrine contro-insurrezionali del colonialismo occidentale.
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En espagnol

Ahmed Nadhif, 9 de octubre
Hace 40 años, el 1º de octubre de 1985, la aviación israelí bombardeó el cuartel general de la Organización para la Liberación de Palestina en Hammam Chatt, en la periferia sur de Túnez capital. La operación aérea sigue siendo la más distante que haya lanzado Tel Aviv hasta el día de hoy. Los ataques de drones contra la flotilla por Gaza, amarrada en la costa de Túnez capital a comienzos de septiembre de 2025, reavivaron el recuerdo de aquel ataque.
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En persan

رامي أبو جاموس، 29 سپتامبر
رامی ابو جاموس یادداشت های روزانه خود را برای «اوریان ۲۱» می نویسد. او که بنیانگذار «غزه پرس» - دفتری که در ترجمه و کارهای دیگر به روزنامه نگاران غربی کمک می کند- است، ناگزیر شده با همسر و پسر دو سال و نیمه اش ولید، آپارتمان خود در شهر غزه را تحت فشار ارتش اسرائیل ترک نماید. پس از پناه بردن به رفح، رامی و خانواده اش مجبور شدند مانند بسیاری از خانواده ها که در این منطقه فقیر و پرجمعیت گیر افتاده بودند، مجددا به تبعید داخلی خود ادامه دهند.. او رویداد های روزانه خود را در این فضا برای انتشار در «اوریان ۲۱» می نویسد.
رامی برای این گزارش‌های محلی، جایزه مطبوعات نوشتاری و جایزه Ouest-France را در کادر جایزه Bayeux برای خبرنگاران جنگ دریافت کرد. این فضا از ۲۸ فوریه ۲۰۲۴ به او اختصاص یافته است.
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10.10.2025 à 09:14

Zukiswa Wanner et la flottille arraisonnées par Israël avant Gaza

La rédaction d'Afrique XXI

Zukiswa Wanner, écrivaine et activiste sud-africaine, publie dans Afrique XXI son journal de bord de la flottille Global Sumud, en route pour Gaza. Elle a été interceptée le mercredi 1er octobre.

- Magazine

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Zukiswa Wanner, écrivaine et activiste sud-africaine, publie dans Afrique XXI son journal de bord de la flottille Global Sumud, en route pour Gaza. Elle a été interceptée le mercredi 1er octobre.

10.10.2025 à 06:00

Gaza. « Ma vie de Palestinien dans les médias français »

Jadd Hilal

Jadd Hilal est un universitaire et écrivain libano-palestino-français. Dans ce témoignage personnel, il revient sur ce qu'a été son expérience sur des chaînes de télévision françaises après le 7 octobre 2023. Avec ce dilemme : faut-il boycotter et refuser le cadre imposé, ou ne pas laisser la chaise palestinienne vide ? « Après avoir hésité à prendre la parole, le romancier franco-libanais, docteur et chercheur en littérature et philosophie d'origine palestinienne Jadd Hilal a accepté de (…)

- Dossiers et séries / , , , ,

Texte intégral 2706 mots

Jadd Hilal est un universitaire et écrivain libano-palestino-français. Dans ce témoignage personnel, il revient sur ce qu'a été son expérience sur des chaînes de télévision françaises après le 7 octobre 2023. Avec ce dilemme : faut-il boycotter et refuser le cadre imposé, ou ne pas laisser la chaise palestinienne vide ?

« Après avoir hésité à prendre la parole, le romancier franco-libanais, docteur et chercheur en littérature et philosophie d'origine palestinienne Jadd Hilal a accepté de partager son regard sur les derniers événements tragiques qui ont marqué le conflit israélo-palestinien. » Tel est le chapô de la première interview que je donne après le 7 octobre 2023, publiée le 15. L'hésitation, oui. Accepter de parler parce que je n'entends pas assez la voix des Palestiniens ? Refuser en présageant le biais médiatique, les critiques, insultes et menaces pro-israéliennes que je recevrai en retour ?

Déjà alors, je pressens ces violences à venir. Mais je dis oui, je le dois aux Palestiniens de là-bas après tout, moi qui suis ici, qui ai la chance de pouvoir parler. Je dis oui aussi, le 29 octobre 2023. Je me promène dans un village du sud de la France quand je reçois un appel d'une chaîne télévisée. Son soutien pro-israélien est affiché et ses méthodes journalistiques douteuses. Et pourtant. L'audience est grande, elle est diffusée dans des espaces publics, des stations-service, des cabinets médicaux, et tous ses téléspectateurs ne sont pas forcément partisans, contrairement à d'autres chaînes. Je le vois comme un moyen de faire entendre plus largement la voix palestinienne. J'accepte.

Le plateau est le soir même, on me conseille d'arriver en début d'après-midi, j'abandonne ma famille en hâte et cours à la première gare. Train, taxi, je suis dans les locaux. Il est 14h environ. Deux heures passent dans la salle d'attente, où les invités des débats précédents passent dans le couloir en se lançant des noms d'oiseaux. Je mets mes AirPods1, anxieux face au climat de violence ambiant, inquiet à l'idée d'être plongé dans la même atmosphère pendant mon débat. Deux heures passent encore et personne ne me dit qui seront les invités ni quel sera le sujet. Pour lutter contre l'angoisse, j'entame la lecture d'un roman sans arriver bien sûr à me concentrer sur le moindre mot.

Six heures se sont écoulées quand une journaliste s'adresse enfin à moi : je partagerai le plateau avec des experts militaires ; on souhaite m'entendre réagir au dernier discours de presse de Benyamin Nétanyahou. Je réponds qu'il vient d'être prononcé, que je ne l'ai pas entendu, que je suis là en tant qu'écrivain et non politiste ou analyste militaire… Pour toute réponse, on me donne une tape sur l'épaule au moment de me faire entrer sur le plateau en me murmurant que je suis sur une chaîne pro-israélienne et en me souhaitant bon courage. Aussitôt que je suis installé, le présentateur m'introduit à l'antenne en déclarant que je parlerai contre les deux invités face à moi. J'éprouve immédiatement ce climat, cette atmosphère de violence que je redoutais. Et j'entre en apnée. Je ne respire presque plus, ni en plateau, ni dans le taxi du retour, ni la nuit suivante.

Le déchaînement des réseaux sociaux

Et puis plus rien. Ou très peu. Je parle avec des amis et artistes palestiniens au cours de cette période, et nous avons le même sentiment : on ne nous donne quasiment pas la voix. Je me dis que c'est aussi cela, la violence. Taire. Pas seulement critiquer, invalider, mais taire.

Le 7 décembre, je bois un café avec une journaliste d'un média de gauche qui met les mots sur ce sentiment, le fait advenir vérité. Elle souhaite rédiger avec un collègue un dossier sur les artistes palestiniens à Paris. Une façon de combler le manque de visibilité donnée aux Palestiniens dans les médias français, selon elle. J'accepte et la remercie pour son courage. Il n'empêche qu'il fait froid, quand je ressors dans la rue, froid dans le dos surtout. Ce n'est pas que dans nos têtes, à nous autres Palestiniens, on est donc bel et bien passés sous silence. En France.

L'article est publié, les demandes d'interviews s'enchaînent. Commencent, au printemps 2024, les attaques en règle sur les réseaux sociaux. Au départ, je me dis que cela ne m'atteindra pas, que je serai plus fort. Je ris même, lorsque je découvre qu'on me taxe de membre du Hamas, puis de membre du Likoud, d'un commentaire à l'autre. Mais viennent les insultes, les menaces de mort. Je me retire de Twitter, de Facebook aussi, où je reçois des messages haineux de connaissances lointaines. Je reste sur Instagram, je suis des comptes qui me donnent la consolation d'être moins seul, celui de l'actrice franco-israélienne d'origine palestinienne Manon Azem par exemple. Après avoir été explicitement avertie par son agent, elle raconte avoir renoncé à un nombre important de contrats du fait de ses positions pro-palestiniennes sur les réseaux sociaux. Des producteurs se désengageant soudainement.

Avec le temps toutefois, la violence se déplace. Je vis sur Instagram ce que je vivais sur Twitter et Facebook. On s'en prend à mon physique — on associe ma barbe à de l'islamisme radical —, à mes études — j'aurais acheté mon doctorat —, mes romans — je les aurais publiés à compte d'auteur2 —, et j'en passe. S'y adjoignent des menaces de mort contre moi, mon entourage… On connaît soi-disant mon adresse, le nom de mes proches…

C'en est trop. Croulant sous cette violence tentaculaire, je me cloître. Je me retire d'Instagram, refuse toutes les interviews, change de sujet aussitôt que des amis, mon épouse, ma famille évoquent la Palestine. L'été se passe avec cette impression, dans le ventre, d'une bombe prête à exploser à la moindre nouvelle information, au moindre chiffre de civils tués sur lequel je tomberais par hasard.

Je n'accepte que quand je me sens en sécurité

Je ne retire ma carapace qu'au début de l'année 2025, je me dis que j'ai repris assez de souffle, je me sens capable de revenir dans l'arène, à condition de mieux m'armer. J'accepte une interview et reçois une quantité de propositions dans la foulée. Cette fois, je dis non. Je dis beaucoup non. Je n'accepte que quand je me sens en sécurité. Le 29 janvier, je participe à un entretien sur une chaîne du service public, dont je ressors le cœur léger, confiant de pouvoir échanger avec des journalistes dans un contexte serein et respectueux envers la cause palestinienne. Mais la suite fragilise mes certitudes. On m'annonce que l'interview doit être décalée, du fait de trolls issus de groupes pro-israéliens dont la chaîne est victime. Elle ne paraîtra que le 7 mars, soit plus de deux mois plus tard.

Mais je reste confiant. Et j'ai tort. Le 22 avril, je suis contacté par le journaliste d'un média en ligne. Au téléphone, on me présente l'échange à venir comme une discussion courtoise entre Palestiniens et Israéliens, une conversation apaisée, respectueuse du point de vue de chacun, supposée promouvoir l'écoute, l'empathie, le respect de l'autre. Aussitôt que je raccroche, c'est devenu un réflexe à la longue, je me plonge dans le média… Je regarde sur YouTube la dernière vidéo de l'émission en question et la surprise est totale. Le format est tout droit inspiré de celui de « Surrounded » sur la chaîne YouTube « Jubilee », qui a soi-disant pour principe de mettre un invité en discussion avec un grand nombre d'opposants, mais qui se révèle être en fait une arène où le conflit est volontairement grossi à raison de punchlines, de phrases chocs, d'acharnement et d'humiliations sur un invité en vue de divertir le spectateur. L'émission précédente a en effet tout de cette mise en scène du clash. Le titre met en valeur la confrontation. L'échange est dans le même esprit, le ton monte, les attaques sont nombreuses et il n'y a, à terme, aucun consensus. Je comprends alors que l'idée avec moi était de renverser le rapport de force, de donner en bref un pro-palestinien en pâture à quatre pro-israéliens.

Après avoir décliné, au téléphone, cette sensation de mal respirer, encore. L'impression d'avoir frôlé un danger de près. Je vais me promener et me promets en chemin de ne plus jamais être aussi confiant, de rester sur mes gardes à compter de là. Le 28 avril, je suis contacté par un journaliste d'une émission que je suis de longue date, que j'ai regardée bien souvent et avec beaucoup de plaisir. Au téléphone, même propos, on m'assure d'un souci de bienveillance sur le plateau, d'un impératif que la rédaction se donne de ne faire appel qu'à des invités modérés, nuancés. Ils sont choisis précautionneusement, me répète-t-on au maquillage, pour leur mesure, leur tempérance. Le débat commence et mon interlocuteur, pro-israélien, commence par dire qu'on ne peut pas parler de génocide à tort et à travers. Je pense aux dizaines de milliers de morts et je ressens, encore, cette impression d'étouffer.

Promesse d'un débat serein, présence d'interlocuteurs étroits d'esprit, braqués et violents, je revis ce décalage le soir même, à l'occasion d'un débat sur une autre chaîne télévisée. Une invitée, Israélienne, me jette un regard noir dans les coulisses avant l'émission, murmure à l'oreille de la présentatrice qu'on n'aurait jamais dû me donner la voix et refuse de me serrer la main. Un incivisme de plus, un incivisme de moins, c'est ce que je me force à penser dans le taxi du retour. J'ouvre quand même la fenêtre pour respirer un peu mieux.

Après la censure, le déni

Les interviews s'amaigrissent, à la longue. J'ai de plus en plus peur de dire oui. Mais ce n'est pas simple. Ce silence que mes connaissances, mes proches palestiniens et moi-même éprouvons depuis des mois sur les nôtres commence à se faire sentir (enfin !) tout autour de moi. Des amis, des collègues, me demandent comment il est possible qu'un tel biais puisse exister, qu'on entende si peu les Palestiniens dans les médias. Alors l'hésitation revient, et la fracture aussi. Je recommence à penser que je dois parler, pour ceux qu'on n'entend pas. J'accepte une interview avec une revue hebdomadaire, qui paraît fin avril. C'est un format croisé, je dialogue avec une Israélienne et apprends des journalistes, une fois l'entretien terminé, qu'elles auraient voulu m'interviewer seul. Je demande pourquoi et m'entends dire que leur direction leur a imposé le format du débat, faute de quoi l'article deviendrait trop inflammable en ne comptant qu'un point de vue palestinien. Cet impératif ne leur a jamais été imposé dans le cas inverse : un Israélien pouvait sans problème être interviewé seul.

3 juin 2025. La fracture s'élargit, encore. On entend toujours aussi peu les Palestiniens d'un côté, et parler d'eux est toujours aussi dangereux de l'autre. Pourquoi ? Pourquoi encore ce danger ? Je m'en pose la question. Je m'interroge, à la lumière de mes expériences : pourquoi si peu a été fait ? Pourquoi trop peu de médias ont pris le virage de l'autocritique, alors que tant de preuves sont là, dans le vécu des Palestiniens comme moi-même.

Ce jour-là, je suis invité pour une rencontre organisée par une grande association humanitaire sur le traitement médiatique de la Palestine en France. À la fin de l'échange, une journaliste se lève et assure que dans la presse, contrairement à la télévision, il n'y a eu ni biais ni omerta sur la cause palestinienne. Le silence se pose sur la salle et ma gorge se noue. Tout à coup, c'est comme si toutes mes expériences depuis le 7 octobre 2023 étaient catapultées vers l'avenir. Je me demande, pendant que la salle attend une réponse, quel sera mon avenir en France, à moi, Palestinien. Si cette journaliste a raison, si le déni est tel qu'il en arrive à faire disparaître les discriminations, les biais, les silences, le deux poids deux mesures, que pourrai-je espérer ? Et si l'étouffement devient permanent ? Si ce n'est plus une apnée de deux ans mais une suffocation pure et dure ? Si ma fracture s'étend sans fin ? Si ce texte que j'écris ici même doit se poursuivre, date après date, agression après agression ? Si mon journal face aux dangers est celui d'une vie ?

Ce jour du 3 juin, pendant que je cherche encore mes mots, une autre journaliste répond à ma place. Rien ne changera, selon elle, tant que personne n'acceptera sa part de responsabilité. Je prends une grande respiration et relève la tête. Elle a les yeux verts. Ils me font penser à ceux de ma grand-mère, qui a fui pendant la Nakba, en 1948.


1NDLR. Écouteurs sans fil de la marque à la pomme.

2NDLR. La publication à compte d'auteur permet de ne pas passer par le processus de sélection d'une maison d'édition.

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