
06.11.2025 à 11:12
la Rédaction

par Catherine Tricot
Certes on peut légitimement rire quand il juge que « Chateaubriand est le plus grand auteur français ». Sérieux ? Qui peut même croire que Jordan Bardella, jeune homme du 21ème siècle, a lu Chateaubriand ? Et qu’il a une telle culture littéraire qu’il peut toute l’embrasser et l’évaluer ?
On peut se gausser de son vocabulaire suranné, de ses formules toutes faites. On peut le juger ridicule et précieux quand il se décrit comme « courtois et élégant », qu’il est fake quand il porte de façon aléatoire des lunettes supposées lui conférer davantage de sérieux, qu’il se moque de nous quand il vante la « valeur travail » sans en avoir aucune idée personnelle… Oui, Jordan Bardella endosse un rôle : il est très jeune et veut jouer au vieux singe. Il sait bien que son inexpérience le dessert et que beaucoup de Français le voient avec scepticisme à l’Élysée. Lui, détenteur de l’arme nucléaire !? Folie.
Beaucoup ont alors vu dans l’inéligibilité de Marine Le Pen un sursis offert. Jordan Bardella est une créature médiatique et un tiktokeur. Il n’a aucune crédibilité. Si ce n’est elle, alors la voie est libre pour tous les autres.
Mais si on se donne la peine de l’écouter dans les longues interviews que les sondages et la sortie de son livre lui offrent, alors… Jordan Bardella est intelligent et a construit, avec son entourage, une cohérence solidement d’extrême droite. Il promet d’être « le pays le plus répressif d’Europe » et annonce la remise en cause du droit du sol. Il affirme vouloir passer outre le conseil constitutionnel et soumettre à référendum une révision de la constitution. Il envisage avec lucidité les troubles à l’ordre public que tout cela occasionnerait. Il est prêt.
Il vitupère les éoliennes pour leur caractère intermittent et se place au côté des paysans supposés pro-pesticides. Il prétend parler au nom de tous ceux qui ne peuvent que voter et retourner travailler dès le lundi. Il parle au nom de leur rancœur contre les assistés. Il veut cesser de subventionner les « sciences molles » (sic) et valoriser dès le collège les filières manuelles : comme la terre, pour Jordan Bardella, le travail manuel ne ment pas. Il affirme que l’on croule sous « l’enclume des taxes et des normes » et sert ainsi un discours calibré pour séduire les entrepreneurs, les investisseurs, les décideurs, sans écarter les travailleurs.
Il joue sur tous les tableaux : sa proximité avec François-Xavier Bellamy des LR et son maniement des réseaux sociaux. Il travaille concrètement à l’absorption des Républicains et à la séduction d’une jeunesse en quête de normalité et de stabilité.
Jordan Bardella se prépare à devenir président avec la bénédiction d’une partie de la droite, des patrons, avec la protection de Bolloré et l’effacement progressif de Marine Le Pen. D’ores et déjà, il envisage de se présenter dans le Sud pour siéger à l’Assemblée nationale en lieu et place de la présidente de groupe inéligible. Il se rêve en chef, en homme providentiel d’une France qu’il estime en mal d’autorité.
D’un coup tout s’organise et prend sens : Chateaubriand, la courtoisie et l’élégance, les lunettes en écaille et les costumes aux larges épaules. Jordan Bardella n’est pas un technicien, mais un homme politique cohérent et déterminé. Dans les sondages, il est déjà devant Marine Le Pen. Le switch entre les deux têtes du RN n’est pas une bonne nouvelle et assurément pas un gage de victoire pour ses opposants.
ÉDITOS DU JOUR
Patrick Cohen, Renaud Dély et Jean Leymarie, éditorialistes politiques des trois grandes radios du service public (France Inter, France Info et France Culture) ont tous eu, ce matin, la même idée : moquer l’enthousiasme unanime de la gauche française pour l’élection de Zohran Mamdani à la mairie de New York. Que disent-ils en substance ? Que chacun veut voir dans cette élection la confirmation de ses propres propositions. Pas faux. Comment l’argumentent-ils ? Avec leurs propres prismes. Pour Patrick Cohen, aucune leçon générale si ce n’est la victoire de la proximité… aucune leçon pour les Démocrates. Et d’ailleurs, Zohran Mamdani n’a pas battu un Républicain – ha bon ? Je croyais qu’Andrew Cuomo avait le soutien des milliardaires et de Donald Trump ! Pour Renaud Dély, la gauche française se pâme parce qu’elle a renoncé à la laïcité. Pour Jean Leymarie, Zohran Mamdani n’est pas « radical » mais pragmatique, élu dans une ville démocrate. Son élection n’est donc pas un événement aux États-Unis et la gauche n’a rien à en tirer. Belle unanimité. Merci messieurs.
C.T.

« Vous n’avez rien à cacher ? Tant mieux, car tous vos déplacements sont à vendre en ligne ». Une enquête de fou sur notre géolocalisation permanente – investigation menée par nos confrères belges de L’Echo, en collaboration avec Le Monde, les chaînes publiques allemandes (BR / ARD), Netzpolitik.org, et BNR nieuwsradio. On y découvre qu’absolument tous nos déplacements sont disponibles à la vente. Des données tant privées que sensibles, à la limite du secret-défense. Édifiant !

Figure montante de la gauche démocrate, il a remporté une victoire historique face aux puissances de l’argent et à Donald Trump. Dans un discours enflammé, il a dédié sa victoire aux travailleuses et travailleurs de sa ville, celles et ceux dont « les mains abîmées n’avaient pas le droit de tenir le pouvoir », avant d’appeler son parti à « oser de grandes choses » et à rompre avec ses vieux réflexes. Un vent de gauche souffle sur New York… et au-delà.



L’intervention du député LFI François Piquemal, il y a quelques jours en commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, alors qu’était auditionné le prix Nobel d’économie Philippe Aghion. L’insoumis lui envoie quelques punchlines : pour avoir conseillé Emmanuel Macron et sa théorie du ruissellement,« il aurait mérité le Nobel de physique, puisqu’elle défie les lois de la gravité ». Mais surtout, il l’interroge : en s’opposant à la taxe Zucman, en valorisant l’IA, en prônant le technosolutionnisme face au dérèglement climatique, comment le rôle de l’économie saurait-il « être de rendre la vie abordable et le monde vivable pour les générations futures » ?
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05.11.2025 à 17:00
Pablo Pillaud-Vivien
Après la victoire du candidat socialiste dans la capitale économique du pays dirigé par Donald Trump, Tristan Cabello, historien spécialiste des États-Unis, est l’invité de #LaMidinale.
05.11.2025 à 12:45
Pablo Pillaud-Vivien
Il vient de déposer une proposition de loi constitutionnelle : Éric Kerrouche, sénateur socialiste des Landes, est l’invité de #LaMidinale.
05.11.2025 à 11:25
Pablo Pillaud-Vivien
Dans un monde où l’extrême droite a le vent en poupe, la victoire du socialiste dans la capitale économique américaine résonne comme une déflagration d’espoir.
Enfin une bouffée d’air, enfin une victoire qui donne envie d’y croire à nouveau. Dans ce monde où la droite radicale prospère sur les ruines du désespoir, où les fascistes se sentent pousser des ailes, la victoire de Zohran Mamdani à New York résonne comme un soulagement, presque comme une respiration politique. Pas une de ces semi-victoires à la Pyrrhus dont on ne sait si on les a vraiment gagnées : non, une victoire populaire, claire, incarnée – plus de 50% des voix, une participation record depuis 1969. Et quelle claque pour les puissants, quelle gifle pour Donald Trump, qui a immédiatement compris le danger. Car Zohran Mamdani n’est pas simplement un élu de plus à gauche : il est le visage d’une Amérique que la droite veut faire disparaître – une Amérique métisse, populaire, queer, musulmane, fière, combative et de gauche.
Donald Trump l’a désigné comme adversaire, parce qu’il sent bien le souffle de l’histoire. Zohran Mamdani parle le langage que la gauche a trop souvent oublié : celui du quotidien, du logement inaccessible, des transports publics délabrés, de l’école vidée de moyens. Et il en parle sans fard, sans jargon, sans excuses. Il dit ce que tout le monde sait et que trop de politiques n’osent affirmer : qu’une ville comme New York n’appartient pas aux milliardaires mais à celles et ceux qui la font vivre, la nettoient, la conduisent, l’enseignent, l’aiment. Car c’est bien l’abandon de ce langage-là, celui des gens ordinaires, qui a ouvert un boulevard à l’extrême droite. Chaque fois que la gauche a renoncé à défendre la vie concrète, elle a préparé le terrain à ceux qui promettent de parler vrai pour mieux frapper les plus faibles. Zohran Mamdani reprend ce terrain perdu et c’est pour cela qu’il inquiète tant.
Dans des États-Unis traversés par les haines raciales et religieuses, Zohran Mamdani ose être ce qu’il est : musulman et progressiste, fier de sa culture, à l’aise dans les boîtes gay où il fait campagne comme dans les mosquées où il prie. En cela, il fait bien plus que gagner une élection : il rend visible une génération entière d’enfants de migrants, d’exploité, de jeunes précaires qui refusent de choisir entre leur identité et leur engagement politique.
Son New York n’est pas celui des rooftops et des hedge funds, c’est celui des quartiers, des familles immigrées, des travailleuses du métro et des jeunes sans assurance santé. Il s’inscrit dans cette histoire longue des migrations qui fait la force et la beauté de la ville. Et c’est précisément ce monde-là que Donald Trump et consorts veulent éradiquer, au nom d’une Amérique blanche, virile et propriétaire.
La victoire de Zohran Mamdani est un signal mondial. Elle nous dit que la gauche n’est pas morte : elle doit réapprendre à parler vrai, à incarner la dignité, à refuser la honte. Elle nous dit que face aux droites identitaires, face aux fascismes rampants et triomphants, ce ne sont pas les renoncements mais les affirmations qui gagnent : être pleinement soi, sans s’excuser, sans se cacher. Elle nous dit, enfin, qu’on peut être musulman, féministe et de gauche, new-yorkais et décolonial… et que cette multiplicité, loin d’être un fardeau, est la promesse d’un monde à venir. Zohran Mamdani n’est pas une exception : il est un début. Le début d’une lutte qu’il va devoir mener en tant que maire. Le début de quelque chose qui dépasse sûrement les frontières de sa ville et de son pays aussi. Et ça, ça fait du bien.
05.11.2025 à 11:24
la Rédaction

Enfin une bouffée d’air, enfin une victoire qui donne envie d’y croire à nouveau. Dans ce monde où la droite radicale prospère sur les ruines du désespoir, où les fascistes se sentent pousser des ailes, la victoire de Zohran Mamdani à New York résonne comme un soulagement, presque comme une respiration politique. Pas une de ces semi-victoires à la Pyrrhus dont on ne sait si on les a vraiment gagnées : non, une victoire populaire, claire, incarnée – plus de 50% des voix, une participation record depuis 1969. Et quelle claque pour les puissants, quelle gifle pour Donald Trump, qui a immédiatement compris le danger. Car Zohran Mamdani n’est pas simplement un élu de plus à gauche : il est le visage d’une Amérique que la droite veut faire disparaître – une Amérique métisse, populaire, queer, musulmane, fière, combative et de gauche.
Donald Trump l’a désigné comme adversaire, parce qu’il sent bien le souffle de l’histoire. Zohran Mamdani parle le langage que la gauche a trop souvent oublié : celui du quotidien, du logement inaccessible, des transports publics délabrés, de l’école vidée de moyens. Et il en parle sans fard, sans jargon, sans excuses. Il dit ce que tout le monde sait et que trop de politiques n’osent affirmer : qu’une ville comme New York n’appartient pas aux milliardaires mais à celles et ceux qui la font vivre, la nettoient, la conduisent, l’enseignent, l’aiment. Car c’est bien l’abandon de ce langage-là, celui des gens ordinaires, qui a ouvert un boulevard à l’extrême droite. Chaque fois que la gauche a renoncé à défendre la vie concrète, elle a préparé le terrain à ceux qui promettent de parler vrai pour mieux frapper les plus faibles. Zohran Mamdani reprend ce terrain perdu et c’est pour cela qu’il inquiète tant.
Dans des États-Unis traversés par les haines raciales et religieuses, Zohran Mamdani ose être ce qu’il est : musulman et progressiste, fier de sa culture, à l’aise dans les boîtes gay où il fait campagne comme dans les mosquées où il prie. En cela, il fait bien plus que gagner une élection : il rend visible une génération entière d’enfants de migrants, d’exploité, de jeunes précaires qui refusent de choisir entre leur identité et leur engagement politique.
Son New York n’est pas celui des rooftops et des hedge funds, c’est celui des quartiers, des familles immigrées, des travailleuses du métro et des jeunes sans assurance santé. Il s’inscrit dans cette histoire longue des migrations qui fait la force et la beauté de la ville. Et c’est précisément ce monde-là que Donald Trump et consorts veulent éradiquer, au nom d’une Amérique blanche, virile et propriétaire.
La victoire de Zohran Mamdani est un signal mondial. Elle nous dit que la gauche n’est pas morte : elle doit réapprendre à parler vrai, à incarner la dignité, à refuser la honte. Elle nous dit que face aux droites identitaires, face aux fascismes rampants et triomphants, ce ne sont pas les renoncements mais les affirmations qui gagnent : être pleinement soi, sans s’excuser, sans se cacher. Elle nous dit, enfin, qu’on peut être musulman, féministe et de gauche, new-yorkais et décolonial… et que cette multiplicité, loin d’être un fardeau, est la promesse d’un monde à venir. Zohran Mamdani n’est pas une exception : il est un début. Le début d’une lutte qu’il va devoir mener en tant que maire. Le début de quelque chose qui dépasse sûrement les frontières de sa ville et de son pays aussi. Et ça, ça fait du bien.
SCANDALE DU JOUR
Le gouvernement s’indigne, la mairie de Paris s’y oppose, les marques françaises désertent, les syndicats protestent, les associations alertent. Et pourtant, Shein ouvre sa première boutique pérenne à Paris, au BHV. Ce géant de l’ultra fast-fashion, visé par une enquête pour avoir vendu des poupées sexuelles à l’apparence d’enfants, accusé de travail forcé, de dumping social et écologique, et de transformer la planète en décharge à vêtements. Tout le monde est contre. Et rien ne change. Le ministre du logement Vincent Jeanbrun parle d’« erreur stratégique », la mairie dénonce un « danger » et dit « entrer en guerre », des dizaines de marques claquent la porte et même les Galeries Lafayette, dans le même groupe, cherchent à s’en désolidariser. Mais à 13 heures, ce mercredi, les portes s’ouvrent quand même. C’est tout un symbole : celui d’un pouvoir politique spectateur du désastre marchand, impuissant à empêcher ce qu’il prétend condamner. On régule les pauvres, pas les multinationales. On moralise les jeunes, mais pas les marques qui détruisent leur avenir. On débat sur la longueur des jupes à l’école, mais on autorise la fast-fashion. Dans ce BHV devenu vitrine du cynisme globalisé, la question n’est plus de savoir ce que veulent les Français mais ce que les puissances économiques veulent faire de nous. Et apparemment, elles veulent qu’on continue à consommer, même l’horreur.
P.P.-V.

« Le dessous des images – Zohran Mamdani : la conquête de New York ». Un petit décryptage made in Arte de la communication du nouveau maire de la Grosse Pomme. Musique rap et montage survolté : le socialiste américain dépoussière l’exercice du clip électoral avec une image populaire qui résonne avec la culture et l’histoire de New York.



La scène d’ouverture du film « Do the Right Thing » de Spike Lee, sorti en 1989, qui raconte une journée étouffante à Brooklyn où la tension raciale, attisée par un simple différend dans une pizzeria, dégénère en émeute après la mort d’un jeune Noir tué par la police. À travers l’exploration du microcosme urbain tourbillonnant de New York, Spike Lee signe un portrait explosif et toujours actuel de l’Amérique fracturée, entre colère, injustice et quête de dignité. Un écho vibrant à la campagne victorieuse de Zohran Mamdani.
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05.11.2025 à 11:10
la Rédaction
Figure montante de la gauche démocrate, il a remporté une victoire historique face aux puissances de l’argent et à Donald Trump. Dans un discours enflammé, il a dédié sa victoire aux travailleuses et travailleurs de sa ville, celles et ceux dont « les mains abîmées n’avaient pas le droit de tenir le pouvoir », avant d’appeler son parti à « oser de grandes choses » et à rompre avec ses vieux réflexes. Un vent de gauche souffle sur New York… et au-delà.
Traduction assurée par Baptiste Orliange