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19.09.2025 à 12:30
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On se souvient des mots célèbres de Sartre adressés à Daniel Cohn-Bendit en mai 1968 : « Ce qu’il y a d’intéressant, dans votre action, c’est qu’elle met l’imagination au pouvoir. Vous avez une imagination limitée comme tout le monde, mais vous avez beaucoup plus d’idées que vos aînés. Nous, nous avons été faits de telle sorte que nous avons une idée précise de ce qui est possible et de ce qui ne l’est pas. […] Vous, vous avez une imagination beaucoup plus riche, et les formules qu’on lit sur les murs de la Sorbonne le prouvent. Quelque chose est sorti de vous, qui étonne, qui bouscule, qui renie tout ce qui a fait de notre société ce qu’elle est aujourd’hui. C’est ce que j’appellerai l’extension du champ des possibles. N’y renoncez pas ». Plus encore que la défiance à l’égard de la « démocratie représentative » et la réticence à considérer que le peuple puisse déléguer sa volonté, c’est peut-être ce rôle accordé à l’imagination entendue comme instrument d’une extension du champ des possibles qui, au-delà des slogans de mai 68, relie la pensée de Rousseau à notre présent. Il faut pourtant commencer par souligner le paradoxe : si l’imagination joue un rôle central dans l’œuvre et la pensée de Rousseau, elle n’a rien de naturel au sein de son « système ». À l’état de nature, l’homme ne saurait en effet être défini comme un animal imaginant puisque son existence se réduit d’abord aux seules sensations physiques : « son imagination ne lui peint rien ; son cœur ne lui demande rien » (Discours sur l’origine de l’inégalité). Heureuse situation, à bien des égards, que cette inactivité originelle de la faculté imageante. À l’état civil, l’homme se caractérise, à l’inverse, par un inassouvissement perpétuel que suscite l’écart qui sépare nos désirs de ce qui est à notre portée ou en notre pouvoir. Procédant d’un développement funeste de la perfectibilité, l’imagination joue un rôle central dans les pathologies sociales qui caractérisent « l’homme de l’homme ». Aussi importe-t-il de préserver Émile, au moins en un premier temps, de toute ouverture au registre sans repère de l’imaginaire : l’enfant est ainsi soigneusement tenu à l’écart des livres et des miroirs, comme de tout objet qui pourrait se substituer à une connaissance immédiate de la réalité et éveiller prématurément ses désirs. Pour autant, chez Rousseau, l’imagination n’est pas, par elle-même, opératrice de dénaturation. Bien au contraire, elle est au principe de la pitié, seule passion naturelle avec l’amour de soi. Faculté de transport et d’identification, elle suppose l’aptitude au moins virtuelle à se mettre à la place d’autrui. Nul hasard si c’est à Rousseau que l’on doit l’usage du verbe identifier sous une forme pronominale qui implique que le sujet puisse se confondre en pensée ou en fait avec un être réel ou une figure fictive. Nul hasard non plus si Rousseau fait un usage remarquable d’une autre tournure pronominale : se figurer. Mais alors que la langue classique associait ce tour à une puissance illusoire (« Peut-on se figurer de si folles chimères ? » écrivait ainsi Boileau), Rousseau lui donne le plus souvent une valeur éminemment positive. On a souvent souligné, en particulier, la vertu consolatrice d’une imagination qui, chez Rousseau, permet d’édifier des fictions compensatrices face aux blessures ou aux frustrations qu’inflige le monde social. En témoignent de multiples pages des premiers livres des Confessions où la naïveté de Jean-Jacques et ses châteaux en Espagne apparaissent certes comme ce qui l’expose à tous les dangers (conformément au modèle picaresque) mais aussi et surtout comme ce qui le préserve de tous les maux de la société. Loin d’être seulement une propension coupable, l’abandon aux chimères possède aussi une vocation dynamique et créatrice dont le récit de la genèse de La Nouvelle Héloïse, relatée au livre IX des Confessions, offre le modèle exemplaire. La fiction romanesque y apparaît, en effet, tout entière dérivée de la puissance de l’imaginaire et de la force obsédante de certaines visions : ce sont bien des figures rêvées, des images ravissantes, des tableaux voluptueux qui auraient hanté Rousseau tout au long du processus de création de la Julie : « Je me figurai l’amour, l’amitié, les deux idoles de mon cœur, sous les plus ravissantes images. Je me plus à les orner de tous les charmes du sexe que j’avais toujours adoré. […] Je ne voulais ternir ce riant tableau par rien qui dégradât la nature ». La seule source de l’imagination romanesque étant supposée être un moi se repaissant de chimères pour compenser les frustrations du réel, l’écriture de Julie est tout d’abord donnée comme étrangère à tout projet littéraire et à toute inspiration livresque. Elle ne serait que le prolongement d’une forme de transe qui dépossède le sujet écrivant de toute maîtrise et de toute autorité littéraire. Mais cette dépossession est en réalité aussi l’affirmation d’une créativité proprement démiurgique et souverainement autarcique, le sujet écrivant tirant de lui-même toute la substance de son œuvre. La fonction fabulatrice qui se serait ainsi épanchée souverainement sans répondre à une quelconque intention littéraire semble le fruit d’une subjectivité à la fois productrice et consommatrice de ses propres fictions. Ce récit génétique permet de mesurer à quel point, chez l’auteur de La Nouvelle Héloïse, la création artistique n’est plus indexée sur la ressemblance avec une nature qui existerait à l’extérieur du sujet, mais procède d’une expérience vécue, tout à la fois réelle et imaginaire, en tout cas purement intérieure (d’où l’hommage insistant que lui a rendu Wilhelm Dilthey dans sa théorie de l’imagination). Les pouvoirs de l’imagination, chez Rousseau, sont donc loin d’avoir une vertu seulement consolatrice, et ils sont loin aussi de ne s’épanouir que dans le versant supposé « littéraire » de son œuvre. De la fécondité critique et théorique des chimères témoignent de multiples formules provocantes que Rousseau égrène au fil de ses textes, y compris les plus « systématiques » : « Lecteur, j’aurai beau faire […] vous direz : ce rêveur toujours sa chimère » lit-on dans Émile. En réalité, l’accusation doit se renverser : « Depuis longtemps [les lecteurs] me voient dans le pays des chimères ; moi, je les vois toujours dans le
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13.09.2025 à 11:49
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Dans le milieu intellectuel du XVIIIème siècle – et peut-être encore dans celui d’aujourd’hui – railler Jean-Jacques Rousseau est un plaisir accessible. Il faut avouer que les vues originales et les actes atypiques de ce philosophe orgueilleux l’exposent au sarcasme. En effet, abandonner ses enfants ne l’a guère empêché de produire un traité d’éducation de près de mille pages. De constitution souffreteuse, il préconise une vie de labeur, modeste et rurale, qu’il n’épouse pas lui-même. Autodidacte, pourfendeur des arts et des sciences, il ne s’interdit pas de multiplier les œuvres littéraires et autres traités philosophiques. Se piquant tantôt de théorie musicale, il compose un opéra à ses heures perdues. Tantôt, ce sont la botanique ou la géométrie qui essaiment leurs concepts en ses œuvres prolixes. En 1755, Voltaire écrit à Rousseau ce que lui inspire la lecture du Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes : « On n’a jamais employé tant d’esprit à vouloir nous rendre Bêtes. Il prend envie de marcher à quatre pattes quand on lit votre ouvrage. »[1] Dans une lettre parue en 1766 et adressée au « Docteur Pansophe », un sobriquet derrière lequel on reconnaît aisément Rousseau, on lit : « Judicieux admirateur de la bêtise et de la brutalité des sauvages, vous avez crié contre les sciences, et cultivé les sciences. Vous avez traité les auteurs et les philosophes de charlatans ; et, pour prouver d’exemple, vous avez été auteur. […] Pourquoi, ô docteur Pansophe ! dîtes-vous bonnement qu’un État sensé aurait élevé des statues à l’auteur de l’Émile ? C’est que l’auteur de l’Émile est comme un enfant, qui, après avoir soufflé des bulles de savon, ou fait des ronds en crachant dans un puits, se regarde comme un être très important. […] Pourquoi mon ami Jean-Jacques vante-t-il à tout propos sa vertu, son mérite et ses talents ? C’est que l’orgueil de l’homme peut devenir aussi fort que la bosse des chameaux de l’Idumée, ou que la peau des onagres du désert. »[2] Pour autant, les plaisanteries les plus drôles que l’on puisse lire à son encontre ont certainement été écrites par Rousseau lui-même. Il est vrai que le projet des Confessions, tel qu’il est exposé dès les premières lignes, présuppose de l’auteur qu’il admette et décrive ses fragilités et ses travers. Il s’engage en effet à présenter « un homme dans toute la vérité de la nature »[3] : Jean-Jacques Rousseau lui-même. Or, lorsque cette vérité n’est pas à l’avantage du philosophe, ce dernier choisit souvent de l’énoncer de façon comique. Cette autodérision caractéristique, ce dévoilement opportun de certaines faiblesses qu’un autre eût tenté de dissimuler, est sans doute une grande force de l’œuvre de Rousseau, révélant ses qualités, désarmant ses détracteurs. Ainsi décrit-il maintes fois l’esprit lent, l’absence de répartie, qui expliquent son manque d’aisance en société et la réputation peu favorable qu’il s’y forge : « Deux choses presque inalliables s’unissent en moi sans que j’en puisse concevoir la manière : un tempérament très ardent, des passions vives, impétueuses, et des idées lentes à naître, embarrassées et qui ne se présentent jamais qu’après coup. On dirait que mon cœur et mon esprit n’appartiennent pas au même individu. Le sentiment plus prompt que l’éclair, vient remplir mon âme, mais au lieu de m’éclairer, il me brûle et m’éblouit. Je sens tout et je ne vois rien. Je suis emporté mais stupide ; il faut que je sois de sang-froid pour penser ».[4] La dissymétrie entre une forte propension à sentir et s’émouvoir, et une faible aptitude à raisonner sur le vif, produit l’image comique d’un être gauche et malhabile, destiné à commettre nombre de balourdises : « Ce qu’il y a de plus fatal est qu’au lieu de savoir me taire quand je n’ai rien à dire, c’est alors que pour payer plus-tôt ma dette, j’ai la fureur de vouloir parler. Je me hâte de balbutier promptement des paroles sans idées, trop heureux quand elles ne signifient rien du tout. En voulant vaincre ou cacher mon ineptie, je manque rarement de la montrer ». [5] Sans doute Rousseau désamorce-t-il, en les produisant lui-même, les railleries qu’on pourrait lui adresser : l’autodérision, par l’effet de surprise qu’elle suscite, peut l’emporter en comique sur la simple moquerie. Elle fournit aussi la preuve d’une distance critique vis-à-vis de lui-même, que l’auteur partage avec ses détracteurs. Mais en même temps il se démarque de ces derniers, en éclairant la cause du défaut signalé : en l’occurrence, une incapacité à réfléchir suffisamment vite. En outre, non content d’attendrir un lecteur qui peut s’identifier, lorsqu’il est maladroit, à l’auteur des Confessions, cet aveu dédouane Rousseau des propos offensants qu’il a proférés malgré lui – et dont il restitue d’ailleurs un certain nombre. Car c’est précisément la vaine tentative de se conformer à l’exigence mondaine d’avoir de l’esprit qui lui a valu la mauvaise réputation dont il souffre. Cette humaine imperfection, cette bonne volonté contrariée, dissuadent de condamner Rousseau pour sa maladresse – d’autant plus qu’il l’admet volontiers. Par ailleurs, ces aveux rendent crédibles les confessions de l’auteur. Puisqu’il énonce spontanément ses défauts avec une telle lucidité, comment le soupçonner de n’être pas bon juge de ses propres qualités ? C’est ainsi que Rousseau peut ajouter, après s’être moqué de lui-même : « Ce qu’il y a d’étonnant est que j’ai cependant le tact assez sûr, de la pénétration, de la finesse même pourvu qu’on m’attende : je fais d’excellents impromptus à loisir ; mais sur le temps je n’ai jamais rien fait ni dit qui vaille. Je ferais une fort jolie conversation par la poste, comme on dit que les Espagnols jouent aux échecs ».[6] Ce contraste entre une fine intelligence qui se manifeste lorsqu’elle n’est pas exigée, et une complète indigence lorsqu’il faut faire preuve d’un peu de répartie, n’est pas seulement comique : il est vraisemblable. L’être que décrit Rousseau, parce qu’il est contradictoire et défaillant, paraît d’autant plus vivant. Or, l’autodérision permet non seulement de souligner ces paradoxes qui révèlent l’humanité de l’auteur, mais aussi d’en constituer un nouveau : car par le geste de se présenter sous un jour défavorable, elle contribue à le rendre
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10.09.2025 à 11:34
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On n’ose plus paraître ce qu’on est ; et dans cette contrainte perpétuelle, les hommes qui forment ce troupeau qu’on appelle société, placés dans les mêmes circonstances, feront tous les mêmes choses si des motifs plus puissants ne les en détournent. On ne saura donc jamais bien à qui l’on a affaire. En 1749, le philosophe révèle déjà, dans son Discours sur les sciences et les arts, l’emprise de l’apparence sur les rapports humains et l’impossibilité d’une communication authentique. Cette analyse soulève une question fondamentale : la transparence – cette capacité à être perçu tel que l’on est – peut-elle remédier à ce travestissement généralisé des relations sociales ? Cette interrogation trouve un écho singulier dans nos sociétés contemporaines où la transparence est érigée en vertu cardinale, devenue une norme morale, politique et sociale. Elle cristallise les aspirations contemporaines à la vérité, à l’intégrité et à la démocratisation de l’information. Dans cette logique, la visibilité devient synonyme de légitimité et de vertu morale. D’où une injonction paradoxale : il faudrait sans cesse se montrer, s’exhiber pour attester de sa bonne foi, comme si l’authenticité ne pouvait s’affirmer qu’à travers l’exposition permanente de soi. Pourtant, cette surenchère dans la démonstration de sincérité produit l’effet inverse : elle suscite la suspicion qu’elle prétend dissiper. C’est un paradoxe que Jean Starobinski analyse dans son essai Jean-Jacques Rousseau. La transparence et l’obstacle (1971) : en voulant incarner la transparence, Rousseau s’enlise dans une théâtralisation de la sincérité qui, loin de garantir son authenticité, en expose les contradictions et la vulnérabilité inhérentes. La transparence des cœurs : un paradis perdu Chez Rousseau, la transparence renvoie à un état originel, antérieur au langage social, où les relations humaines étaient immédiates et exemptes d’artifice. Dans cet état de nature, que Rousseau reconstitue, les individus vivaient simplement, guidés par leurs besoins essentiels, sans rivalité ni tromperie. Aucun écran ne s’interposait entre les âmes : l’expression du cœur coïncidait avec l’action, dans une forme d’accord spontané : « La nature humaine, au fond, n’était pas meilleure ; mais les hommes trouvaient leur sécurité dans la facilité à se pénétrer réciproquement » écrit Rousseau (Discours sur les sciences et les arts). Les fêtes décrites dans sa Lettre à d’Alembert (1758) sont comme une résurgence de cet état : elles incarnent une communication directe et sans masque. Mais cette harmonie primitive s’est perdue. Dans le Discours sur les sciences et les arts, Rousseau montre comment la civilisation, en raffinant les mœurs et en embellissant les relations sociales, a instauré le règne du paraître. Ce progrès apparent masque une profonde corruption : les hommes, écrit-il, « étendent des guirlandes de fleurs sur des chaînes de fer dont ils sont chargés, étouffent en eux le sentiment de cette liberté originelle pour laquelle ils semblaient être nés, leur font aimer leur esclavage, et en forment ce qu’on appelle des peuples policés ». Les arts et les savoirs, en civilisant, dissimulent les rapports de domination, la rivalité et l’hypocrisie qu’ils entretiennent. Le lien social devient alors jeu, flatterie, et compétition. Cette bascule s’illustre dans un épisode marquant des Confessions : l’affaire des peignes de Mademoiselle Lambercier. « Quand elle revint les prendre, il s’en trouva un dont tout un côté de dents était brisé. À qui s’en prendre de ce dégât ? Personne autre que moi n’était entré dans la chambre ». Accusé à tort, le jeune Jean-Jacques découvre que la vérité ne suffit pas face à l’apparence de culpabilité. Le regard d’autrui, loin de révéler, opacifie : il empêche l’expression authentique du soi. À partir de cette expérience fondatrice, la sincérité devient problématique, voire impossible. Comme le souligne Starobinski, le regard social introduit ainsi une séparation radicale entre l’être et le paraître, entre le cœur et son expression – générant ce qu’il nomme une « déchirure ontologique ». Le mensonge social : théâtre du monde À l’image du théâtre que Rousseau critique dans sa Lettre à d’Alembert, la mise au grand jour, la visibilité moderne obéissent à une logique d’exposition. Il ne suffit plus d’être sincère : il faut le prouver en se montrant : « Chacun commença à regarder les autres et à vouloir être regardé soi-même » (Discours sur l’origine de l’inégalité). Mais ce que l’on donne à voir n’est plus l’être authentique. L’apparence prend le pas sur l’essence. Que ce soit sur la scène politique ou dans les interactions sociales, chacun est contraint de montrer sa probité et de jouer son rôle. L’industrie capitaliste, le développement des réseaux sociaux ne font qu’accroître cette interdépendance fondée sur la facticité. Chacun ne pouvant réussir et trouver une visibilité médiatique qu’en faisant sa propre promotion, qu’en flattant et se liant à ses semblables de façon opportune : « Il faut donc qu’il cherche sans cesse à les intéresser à son sort, et à leur faire trouver en effet ou en apparence leur profit à travailler pour le sien : ce qui le rend fourbe et artificieux avec les uns et dur avec les autres ». On entre alors dans une mécanique de justification permanente, où chaque parole est interprétée comme stratégie narcissique, chaque geste, comme calcul. Comme dans un spectacle, tout le monde regarde, juge et interprète. Ainsi, loin de faire disparaître les masques, l’injonction à la transparence ne fait que les multiplier. La quête de transparence : entre retrait et exhibition Afin de contrer cette tendance et de se soustraire à la dissimulation, Rousseau se donne pour ambition, dans les Confessions, de montrer « un homme dans toute la vérité de la nature » – entreprise inédite de transparence absolue. Pourtant, cette quête dévoile d’emblée sa propre limite. Car une transparence sans regard extérieur, sans témoin, perd sa raison d’être. D’où le paradoxe central : pour retrouver l’authenticité perdue, Rousseau doit s’exposer, exhiber son intériorité et affirmer publiquement son refus des masques sociaux. Il proclame son rejet de la comédie sociale, son retrait de la vie mondaine – symbolisé par son départ pour l’Hermitage – à travers une mise en scène de ce rejet.
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04.09.2025 à 12:01
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Peut-on concevoir une paix durable sans démocratie ? La géopolitique dispose d’une loi connue, énoncée par le politiste américain Michael Doyle : seuls les États démocratiques sont capables d’établir et d’entretenir entre eux des liens pacifiques, alors que les dictatures sont enclines à se faire la guerre. Le contexte intellectuel dont Doyle s’inspire est celui de la philosophie des Lumières – les œuvres de l’Abbé de Saint-Pierre, Rousseau et Kant. Leur question commune est la suivante : alors que la guerre est continuelle en Europe, comment obtenir une paix qui ne soit pas seulement une trêve, mais une paix durable, « perpétuelle » ? Rousseau est un maillon décisif dans la transmission de ces idées à l’Europe. Selon lui, les républiques où la souveraineté du peuple prévaut et où la volonté générale s’exprime doivent être de petite taille – condition de l’ethos civique. Comment ne finiraient-elles pas aux prises des agressions injustes des États qui les entourent ? Pour le comprendre, il convient de faire droit à l’Extrait du Projet de paix perpétuelle de M. l’abbé de Saint-Pierre. Dans cette œuvre parue en 1761, Rousseau engage le dialogue avec le Projet de paix perpétuelle de l’abbé de Saint-Pierre, ouvrage maintes fois réédité dont la première version date de 1713[1]. Texte de commande en hommage à son illustre prédécesseur, l’Extrait n’est donc pas une œuvre parmi d’autres de Rousseau : le Citoyen de Genève tente à la fois d’y résumer et d’y approfondir les principes de l’abbé de Saint-Pierre, de mettre en valeur ses idées afin de leur donner tout leur prix[2]. L’auteur avait prévu de publier à sa suite un très critique Jugement du Projet de paix perpétuelle de M. l’abbé de Saint-Pierre, mais il y renonça finalement[3], induisant par-là un profond malentendu sur sa position à l’égard de la confédération européenne. La confédération européenne Le point de départ est le suivant : selon Rousseau, les hommes en ont fait « trop ou trop peu » dans les relations sociales en assurant une paix intérieure toujours mise en péril par les risques de guerres. Comment remédier, dès lors, à l’anarchie entre les États et comment sortir de l’état de guerre ? La confédération émerge d’emblée comme seule solution possible : les États européens doivent signer un Traité qui serait l’analogue, entre les peuples, du contrat social qui doit lier les individus en les soumettant également à l’autorité des lois. Avant d’en venir à la proposition de l’abbé de Saint-Pierre, Rousseau opère cependant un détour par l’histoire. L’apport de Rousseau tient à sa vision de l’Europe. L’Extrait invoque la possibilité de confédérations pré-politiques, issues de l’union des intérêts et de la conformité des mœurs : C’est ainsi que toutes les Puissances de l’Europe forment entre elles une sorte de système qui les unit par une même religion, par un même droit des gens, par les mœurs, par les lettres, par le commerce, et par une sorte d’équilibre qui est l’effet nécessaire de tout cela[4]. L’Europe forme un « système », soit une confédération tacite. L’ensemble des facteurs religieux, économiques, artistiques et politiques favorise l’unification de ce que Rousseau nomme une « société réelle ». Alors que l’Asie ou l’Afrique sont décrits comme une « idéale collection de Peuples qui n’ont de commun qu’un nom », l’Europe serait une « société réelle qui a sa religion, ses mœurs, ses coutumes et même ses lois »[5] La genèse de cette société européenne peut être reconstituée : l’Empire romain forme d’abord une « union politique et civile » entre les cités-membres en communiquant aux vaincus le droit à la citoyenneté romaine et en les faisant bénéficier d’un même code de lois. À ce lien juridique s’est ajouté par la suite un autre lien social, issu du Sacerdoce et de l’Empire[6]. L’unité religieuse opérée dans l’Empire romain depuis le IVe siècle, moment où le christianisme devint religion officielle, n’aurait pas été brisée malgré le Schisme orthodoxe et la Réforme protestante. Rousseau y ajoute une réflexion sur la situation géographique de l’Europe, « plus également peuplée, plus également fertile, mieux réunie en toutes ses parties » que tout autre continent. C’est alors « le mélange continuel des intérêts » entre souverains qui en tisse le lien, mais aussi les « communications faciles » grâce aux voies navigables ou encore « l’humeur inconstante des habitants, qui les porte à voyager sans cesse et à se transporter fréquemment les uns chez les autres » ; c’est enfin l’invention de l’imprimerie et le goût des lettres, qui crée une « communauté d’études et de connaissance ». Ce passage de l’Extrait, qui ne trouve aucun précédent chez Saint-Pierre, est crucial : Rousseau envisage ici, au-delà de la constitution d’un espace politique, celle d’un espace public ; il conçoit « une société plus étroite entre les nations de l’Europe » que dans toute autre partie du monde, dont les peuples dispersés ne sauraient s’unir en une véritable association. Aussi élabore-t-il une conception originale de la « société civile » européenne : l’Europe ne se réduit pas à une collection de souverainetés rivales ; elle est dotée d’un véritable « esprit »[7]. Mais la similitude des mœurs et l’interdépendance des nations ne suffisent pas à harmoniser les volontés. La « société réelle », en Europe, ne préjuge nullement de l’existence d’une concorde réelle entre ses peuples : guerres et révoltes caractérisent la société civile corrompue, si bien que ce qui pourrait être ferment d’union devient germe de discordes et de contradictions réelles. En l’absence de lois pour réguler leurs conflits, les États s’affrontent pour faire prévaloir leurs intérêts et entrent en rivalité pour leurs droits. Le paradoxe est là : en Europe, les divisions sont d’autant plus funestes que les liaisons entre les nations sont plus intimes. L’indétermination des frontières suscite la perpétuation de l’état de guerre. Dès lors, comment établir un art politique perfectionné, et trouver le remède dans le mal ? Afin de concevoir une union pacifique, Rousseau exclut d’abord plusieurs solutions : l’empire ou la « monarchie universelle », l’« équilibre européen », le « doux commerce » qui compte sur la pacification par les échanges[8]. L’empire est despotique, l’équilibre toujours instable, le doux commerce illusoire. Il faut donc sortir de l’état de nature par l’institution d’un nouvel ordre politique et juridique entre États : « former une confédération solide et durable » suppose d’instituer une dépendance totale entre les membres[9].
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03.09.2025 à 22:04
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Récit des difficultés d’assistance humanitaire en mer Méditerranée et entraves subies par le navire Ocean Viking (OV) au mois d’août 2025. On assiste en Méditerranée à un effacement de fait des principes humanitaires que l’Union européenne (UE) brandit volontiers dans les cénacles internationaux, dès-lors qu’il ne s’agit pas du franchissement de ses frontières. Dans ce cas, le principe d’humanité[1] semble s’évaporer. Epuisement, violences et privations de liberté deviennent alors des options délibérées notamment menées par le gouvernement italien ou son supplétif, le gouvernement libyen pour contrer les actions des ONG de sauvetage en mer. L’UE entérine ainsi tacitement la surmortalité des naufragés, comme les potentielles conséquences pour la sécurité des acteurs humanitaires qui découlent des stratégies déployées. En effet, aucune réaction utile de la part de la Commission européenne ou des autres Etats-membres par l’intermédiaire du Conseil de l’Union européenne. L’épuisement délibéré, humain et financier, des ONG, est érigé en doctrine Le 2 août 2025 l’Ocean Viking, navire affrété par SOS Méditerranée, réalise un sauvetage au large des côtes libyennes. Trente-sept personnes sont alors recueillies à bord. Toutes sont originaires du Soudan qui traverse à nouveau un regain de violence, génératrice d’une crise alimentaire dramatique pour sa population. Le navire se voit alors désigner, par les autorités italiennes, le port de Ravenne à 1 600 km du lieu du sauvetage, pour débarquer les rescapés. Il repart aussitôt après le débarquement pour revenir vers la Libye et la Tunisie, et reprend sa veille sur les Zones de Recherche et de Sauvetage (Search And Rescue, SAR dans son acronyme usuel en anglais) de ces deux pays. Il s’agit des espaces que le droit maritime international définit comme les zones de responsabilités des états côtiers en matière de surveillance, d’activation et de coordination des secours. Libye et Tunisie sont en la matière particulièrement défaillants, si ce n’est auteurs réguliers d’interventions violentes et illégales à l’égard des personnes qui tentent la traversée. Ces zones SAR excèdent largement la bande côtière des eaux territoriales pour diviser la Méditerranée en une mosaïque qui structure l’espace maritime de sauvetage dévolu à l’ensemble des pays riverains du bassin. A peine de retour sur la zone de surveillance, l’Ocean Viking réalise en pleine nuit le sauvetage de 7 personnes qui sont aussitôt mises en sécurité à son bord. Dans les heures qui suivent, le verdict des autorités italiennes tombe : le navire devra faire débarquer les 7 rescapés, dans les meilleurs délais, dans le port d’Ortona distant cette fois de 1 400 km… prolongeant ainsi l’incessant mouvement pendulaire imposé au navire par le pays récipiendaire des exilés-naufragés. Le droit international interdit en effet de renvoyer les rescapés dans les pays qu’ils ont fuis pour échapper à la violence et aux maltraitances qu’ils y ont subies. Ce scénario contraint et répétitif résulte du « décret-loi Piantedosi » promulgué par l’Italie début 2023. Avant sa parution, les navires de sauvetage des ONG pouvaient procéder à des interventions successives, dans la limite du respect de leur capacité d’accueil. L’absence de réaction ferme tant de la Commission européenne que des autres Etats-membres de l’Union européenne à la promulgation de cette loi par l’Italie, un de ses Etats-membres, est scandaleuse. Sa mise en œuvre entraîne de continuelles entraves et relève de la non-assistance à personnes en danger. Car durant les huit à dix jours que durera un aller-retour jusqu’à un port dont la distance n’est dictée par aucun argument technique, médical ou de sécurité, le système de secours aux naufragés, déjà notoirement insuffisant dans les moyens déployés, se voit privé d’un des intervenants majeurs, parmi les rares bateaux capables de réaliser des interventions par gros temps. Les équipes de secours sont ainsi contraintes de réaliser des trajets immenses et inutiles. Qui oserait imposer systématiquement aux pompiers de Lozère d’aller déposer les blessés de la route qu’ils prennent en charge dans des hôpitaux parisiens ? Tolérance coupable de la violence des pays financièrement soutenus par l’UE pour bloquer à tout prix la traversée Le 24 août 2025, l’Ocean Viking a fait l’objet d’une violente attaque de la part des garde-côtes libyens[2] dans les eaux internationales. Pendant une vingtaine de minutes un feu nourri a exposé la vie des rescapés présents à bord, comme celle de l’équipage du navire humanitaire de SOS Méditerranée en partenariat avec la Fédération Internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Aucune personne n’a été physiquement blessée, mais le bateau et le matériel indispensable aux opérations de sauvetage ont subi de lourdes avaries provoquées par les impacts de balles. La Fédération Internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR) a publiquement exprimé sa réprobation à l’égard de cette attaque[3]. Suite à une demande du capitaine, le navire humanitaire est alors exceptionnellement autorisé à faire escale dans un port plus proche en Sicile : les rescapés peuvent débarquer au port d’Augusta. Privation de liberté des équipes humanitaires Cependant, le 28 août 2025, l’Ocean Viking et l’ensemble de son équipage sont placés en quarantaine selon un raisonnement médical rapidement déconstruit par un réseau d’experts internationaux. A la suite du signalement réalisé par l’équipe médicale de l’Ocean Viking, un rescapé – un mineur non accompagné – a été placé en isolement par l’USMAF (les autorités italiennes responsables de l’évaluation sanitaire à l’arrivée) et a subi un test de dépistage de la tuberculose, dont le résultat s’est avéré positif. A bord, le cas avait été suspecté par l’équipe médicale, qui avait elle-même mis en place un isolement du jeune patient, en attendant son débarquement – comme prévu dans ses guides de procédures. Le signalement va déclencher une mise en quarantaine de l’ensemble de son équipage. Le navire se voit alors contraint de mouiller à l’extérieur du port, sans possibilité de débarquement des 34 professionnels maintenus à bord. Cette quarantaine a eu pour effet immédiat d’empêcher la mise en route d’un accompagnement psychologique que nécessitait un équipage dont les membres avaient été traumatisés par les tirs, avec intention manifeste de porter atteinte à leur vie, effectués par les militaires libyens quatre jours auparavant. En effet, tout professionnel de santé mentale
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04.07.2025 à 17:20
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Depuis la fin des années 90, une partie des représentants politiques français, emmenés par l’extrême-droite, brandissent la double menace d’un tsunami migratoire et d’un fossé culturel freinant l’intégration des populations nouvellement arrivées. Occultant l’intégration des migrants comme fait majeur, ce refrain stigmatisant attribue l’érosion de la cohésion sociale et nationale à la seule responsabilité individuelle des personnes migrantes ou de leurs descendants. Par-là, elle se détourne d’enjeux traversant toute la société française, tels que la cohésion et la mixité entre les différentes catégories sociales. Notre proposition de loi « SRU de l’école » renoue avec une ambition d’égalité et de solidarité dépassant largement le débat sur l’immigration. La société française n’est pas « submergée » par l’immigration ni au bord de la guerre civile. Tout d’abord, rappelons que l’immigration est un phénomène pluriséculaire en France. Il a connu des périodes de hausse et de diminution. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la France a néanmoins connu une hausse régulière de l’immigration. En 2023, 10,7 % de la population résidant en France était immigrée contre 5 % en 1946[1]. L’origine géographique des pays d’émigration a également fortement évolué, en passant d’une immigration d’origine principalement européenne — en 1954, 60 % des immigrés sont originaires d’Espagne, de Pologne ou d’Italie[2] — à une immigration principalement d’origine extra européenne. D’après les estimations de l’Insee, en 2019, sur les 272 000 nouveaux arrivants sur le territoire français, 41 % sont issus de pays africains contre 32 % de pays européens[3]. De même la religion, sur la part des immigrés qui disent avoir une religion (78 %), 55 % sont musulmans — soit environ 40 % des personnes immigrées au total[4]. Nous sommes donc loin d’une immigration exclusivement africaine et musulmane, telle que martelée par un pan du spectre politique ! De plus, contrairement au discours dominant, l’intégration des immigrés et de leurs descendants reste le processus majoritaire : à titre d’exemple, 66 % des descendants d’immigrés vivent avec un conjoint sans ascendance migratoire directe[5] et les descendants d’immigrés sont même plus nombreux à déclarer « se sentir chez eux en France » que les personnes sans ascendance migratoire (95 % contre 93 %)[6]. Si les immigrés sont donc loin d’être réfractaires à l’intégration, le modèle d’intégration français est en crise. Depuis la fin du XIXe siècle, ce modèle d’intégration repose sur cinq piliers[7] : l’acquisition de la nationalité française de laquelle dépendaient initialement l’accès aux droits sociaux, l’apprentissage de la langue française, l’école laïque et obligatoire, le service militaire et le travail. Force est de constater que ces piliers s’effritent parallèlement à l’affaiblissement des services publics et à la disparition du plein emploi. Le double processus d’intégration décrit par Durkheim, soit une démarche individuelle d’intégration et une capacité intégratrice de la société française, est mis à mal par la dégradation de la deuxième. En conséquence : une faillite de l’intégration comme « processus par lequel une société parvient à s’attacher à ses individus, les constituant en membres solidaires d’une collectivité unifiée[8] ». Dans un contexte d’inégalités sociales grandissantes, les catégories sociales les plus aisées font sécession de la solidarité nationale. Le cas du logement et de la ségrégation spatiale au sein des grandes métropoles est particulièrement emblématique, à l’image de Paris intramuros, où la part des cadres et professions intellectuelles est passée de 24,7 % de la population parisienne en 1982 à 46,4 % en 2013. En parallèle, les immigrés sont surreprésentés dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) : 23 % d’entre eux y résident, contre 7 % de l’ensemble de la population de 18 à 59 ans[9]. S’ajoutent aux stratégies résidentielles, des stratégies d’évitement scolaires. S’il ne faut pas fantasmer le modèle de la IIIe République qui aurait permis de faire de l’école un véritable espace de mixité[10], force est de constater que la ségrégation scolaire s’aggrave tendanciellement avec un contournement de la carte scolaire croissant via le recours à l’enseignement privé. Par exemple, en 2000, pour le second degré, 26,4 % des effectifs du privé sous-contrat venaient de milieux très favorisés contre un peu plus de 40 % en 2021. La part des élèves défavorisés est, elle, passée de 25 % en 2000 contre 16 % en 2021, alors que dans le secteur public la part d’élèves issus de milieux défavorisés ne baisse que de 40 % à 37 % sur la période[11]. La concentration d’élèves issus de milieux sociaux similaires au sein des mêmes établissements pose un véritable problème pour le système éducatif en raison d’un « effet de pairs » largement étayé par la littérature scientifique : les performances scolaires d’un élève ne dépendent pas uniquement de ses efforts individuels, mais aussi du niveau et des efforts fournis par les autres élèves, ces variables étant fortement corrélées avec l’origine sociale. La ségrégation scolaire a donc, pour effet, non seulement de figer les inégalités de départ, mais surtout de les augmenter. L’école devient donc contre-productive en matière d’ascension sociale ! Par ailleurs, en ne jouant pas son rôle de brassage, l’école ne peut remplir son objectif d’intégration sociale et culturelle et d’inculcation de valeurs communes nécessaires à l’essor d’un sentiment d’appartenance commun. Or notre contrat social requiert un minimum de sentiment d’interressemblance entre les différents groupes sociaux. Les politiques menées jusqu’alors n’ont pas suffisamment investi le champ de la mixité sociale et n’ont pas traité avec efficacité l’enjeu de la ségrégation scolaire. Concernant la politique de la ville, au-delà des moyens alloués qui sont certainement encore insuffisants, la philosophie de cette politique ne constitue pas le levier le plus efficace de mixité sociale. En effet, au-delà de renforcer l’attractivité de ces quartiers pour d’autres catégories sociales moins défavorisées, il est fondamental de prendre le sujet dans l’autre sens, en faisant contribuer davantage les quartiers aisés aux objectifs de mixité sociale. Sur ce point, la loi Solidarité et renouvellement urbain (SRU) du 13 décembre 2000 a introduit un objectif minimum de logements sociaux par commune, aujourd’hui de 20 à 25 % des logements. Mais 64 % des communes concernées ne respectent pas la loi SRU[12] et préfèrent payer l’amende qui s’applique en cas de non-respect des objectifs de loi. De même, la construction de logements sociaux ne garantit pas qu’ils ciblent les ménages les plus précaires : par exemple, il est
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