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18.04.2024 à 15:48

« En Ukraine, la mobilisation devrait commencer dès l’âge de 20 ans. Nous avons perdu trop de temps. »

Marin Saillofest

Taras Tchmout est une personnalité importante en Ukraine. Analyste militaire, vétéran du front au Donbass, à la tête d’une organisation caritative extrêmement reconnue — sa parole porte de la société civile à l’état-major. Dans un entretien de fond, partagé et commenté des centaines de milliers de fois, il propose son analyse de l’évolution du front et explique pourquoi la clef stratégique réside dans un changement majeur : l’abaissement substantiel de l’âge de la mobilisation.

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Texte intégral (6119 mots)

La guerre à grande échelle qui fait rage en Ukraine depuis plus de deux ans demande de constantes adaptations. Avec des hostilités s’étendant sur plus de 1 000 kilomètres et des attaques intensifiées qui visent les infrastructures, le gouvernement a été contraint de renforcer sa politique de mobilisation. Mais la signature par Volodymyr Zelensky début avril d’une loi réduisant l’âge de la mobilisation de 25 à 27 ans a suscité un vif débat au sein de la société.

Taras Tchmout plaide dans un entretien paru dans Ukrayinska Pravda le 11 avril 2024 pour un abaissement de l’âge de la mobilisation à 20 ans. Analyste militaire et vétéran de l’ATO — l’opération anti-terroriste dans le Donbass —, ses opinions et analyses sont particulièrement influentes. Il dirige depuis 2020 l’une des organisations caritatives les plus importantes du pays, Come Back Alive, la première à avoir obtenu en 2022 le droit d’acheter des armes létales pour l’armée.

Commençons par l’essentiel : comment évaluez-vous la situation actuelle sur le front ?

Taras Tchmout — Nous sommes actuellement face à une sorte d’impasse : les Russes n’ont pas réussi à s’emparer rapidement de l’Ukraine ni à nous intimider par la force, les armes nucléaires, les frappes aériennes, les coupures d’électricité. Ils n’ont pas non plus réussi à détruire complètement le soutien de l’Occident. Moscou est donc passée à ce qui lui convient le mieux : le jeu à long terme, une guerre d’attrition.

Que se passe-t-il de notre côté ? Nous avons une vision de la guerre différente de celle de nos partenaires occidentaux. En interne, il est surprenant de voir certains processus se transformer en confrontation politique. Je parle surtout de l’impuissance totale du parlement, de la pression exercée sur les entreprises et du comportement destructeur des forces de l’ordre et des services spéciaux [notamment le SBU, le Service de sécurité d’Ukraine, ndlr].

Dans ce contexte, les Russes procèdent à une réorganisation des importations de composants utilisés pour la fabrication d’armes et d’équipements, préparent la prochaine mobilisation et entraînent 300 000 personnes pour l’été.

Nous avons besoin de quelque chose pour les contrer.

À Kiev, beaucoup pensent que nous avons déjà gagné. Certains ont oublié que la guerre est toujours en cours.

Taras Tchmout

Plusieurs sources évoquent une future vague de mobilisation en Russie qui pourrait conduire à l’enrôlement de 300 000 combattants supplémentaires. L’un des objectifs pourrait alors être de capturer Kharkiv, deuxième ville du pays, qui comptait 1,4 million d’habitants en 2022.

Pour le moment, le Kremlin n’a pas annoncé officiellement une nouvelle mobilisation qui serait certainement très impopulaire. Mais Moscou encourage l’enrôlement de volontaires sous contrat à durée déterminée (généralement trois ans) pour renforcer ses troupes. Suite à l’attentat de Crocus Hall, le ministère de la Défense russe a déclaré qu’il avait observé une augmentation de 60 % du nombre de ces volontaires.

Dans certaines régions, nous reprenons des territoires, dans d’autres, malheureusement, nous en perdons. Dans d’autres encore, nous tenons héroïquement le terrain, en essayant d’exercer une pression là où nous le pouvons.

Mais nous sommes déjà en 2024. La guerre a commencé il y a 10 ans, et nous sommes dans la troisième année de la grande guerre [période ouverte en février 2022 par l’invasion à grande échelle de l’Ukraine, ndlr]. Combien de temps allons-nous tenir ?

À Kiev, beaucoup pensent que nous avons déjà gagné. Certains ont oublié que la guerre est toujours en cours. Nous devons nous rappeler qu’elle peut revenir dans la capitale.

Nous devons éviter de tomber dans l’illusion dans laquelle se trouvait la Russie avant l’invasion de février 2022. C’est ce qui a conduit à sa défaite lors de la première phase de la guerre totale. Et c’est, je l’espère, ce qui conduira à sa future défaite de long terme.

Il y a peu, Vitali Klitschko [le maire de la capitale] a déclaré que Kiev restait une cible pour la Russie. Comment la ville se prépare-t-elle à l’éventualité d’une attaque ?

Il ne s’agit pas seulement de l’état de préparation de Kiev, mais du pays dans son ensemble.

Au cours des derniers mois, nous avons entrepris la construction de lignes de fortifications défensives d’une grande qualité, qui s’étendent de la région de Zhytomyr à la région d’Odessa — ce qui aurait dû être fait dès 2015. Mais malheureusement, celles-ci arrivent trop tard.

En novembre 2023, Kiev a annoncé la construction d’un vaste réseau de fortifications de 2 000 kilomètres sur trois lignes, pour lequel 800 millions de dollars ont été alloués. Plus de cinq mois après cette annonce, les résultats sont toujours insuffisants et la ligne de défense ukrainienne est moins importante que celle construite par la Russie, qui avait permis l’arrêt contre-offensive de l’été 2023.

Généralement, les moyens du génie constituent probablement ce qui a le plus manqué à l’Ukraine lors de sa contre-offensive de l’été/automne 2023. Sans matériel permettant le franchissement et la destruction d’obstacles, le déminage, le remblaiement de tranchées… la cavalerie, l’infanterie et l’artillerie dont disposait l’armée ukrainienne se sont révélés être beaucoup moins efficaces.

Kiev est-elle prête aujourd’hui ? Par rapport à 2022, la ville est beaucoup mieux préparée.

Mais les Russes eux aussi peuvent être mieux préparés. Il ne s’agira plus d’un convoi de police anti-émeutes ou de gardes avec des boucliers pour disperser les manifestations se déplaçant calmement avec des camions en direction de la capitale. Si une attaque se produit, il pourrait s’agir d’une véritable offensive combinée, dans les règles de l’art.

Est-ce que je crois à une attaque contre Kiev ? Je ne sais pas. Partons des pires scénarios possibles pour mieux nous y préparer. Si l’attaque n’a pas lieu, tant mieux, notre préparation y a peut-être contribué. Si elle se produit, nous saurons que nous avons fait tout ce qui était en notre pouvoir.

© Federico Quintana/SIPA

Actuellement, les villes de Kharkiv, Zaporijia et Sumy font l’objet d’opérations de déstabilisation psychologique (PsyOps) sur les réseaux sociaux. La Russie met notamment en avant l’imminence d’offensives de grande ampleur dans ces directions. Qu’en est-il de la situation dans ces villes ?

Ces villes sont géographiquement plus rapprochées, c’est pourquoi les gens en parlent. Pour se rendre dans la périphérie de Kiev, il faut passer par les oblasts de Tchernihiv et de Kiev. Et Kharkiv n’est qu’à une courte distance à pied.

La menace que vous évoquez existe-t-elle ? Il est évident qu’elle existe, car les frappes sont chaque jour plus nombreuses et les villes sont à la portée de diverses armes.

Kharkiv, qui se trouve à distance des systèmes de lance-roquettes [russes], ne peut pas déployer de système Patriot car il serait saturé et détruit. La distance est de fait très importante.

Lorsque Kherson a été libéré, Mykolaïv a recommencé à vivre. Pourquoi ? Parce que la distance [avec le front] a augmenté. Kherson, malheureusement, est frappée tous les jours, et elle est maintenant en danger. Mais grâce à la distance, la région de Mykolaïv se rétablit.

Volodymyr Zelensky a récemment déclaré que la Russie se préparait à une nouvelle offensive en mai ou juin. À quoi pourrait-elle ressembler ?

Elle pourrait potentiellement se traduire par la mobilisation de 300 000 personnes supplémentaires.

Où sera-t-elle lancée ? Dans les régions de Kherson, Zaporijia, Donetsk, Louhansk, Kharkiv, Chernihiv, dans tout le nord ou sur toute la ligne de front ? Je ne sais pas et je ne suis pas sûr que quiconque le sache aujourd’hui.

Je pense que les Russes eux-mêmes sont en train d’élaborer les plans.

Parallèlement à la préparation de l’offensive, la Russie a commencé à bombarder les infrastructures énergétiques de l’Ukraine. Quel est l’objectif de ces attaques ?

Aujourd’hui, une petite partie du réseau de transport et une partie significative des capacités de production d’électricité ont été mises hors service. Je ne mentionnerai pas de pourcentages ou de détails car la situation est mouvante.

Jeudi 11 avril, une frappe de missiles russes a complètement détruit la centrale électrique de Trypilska, située à une dizaine de kilomètres au sud de Kiev. Il s’agit de la deuxième centrale de production d’électricité à partir de charbon (deuxième source de production d’électricité du pays) détruite depuis le début de la guerre. Au total, La Russie a détruit ou endommagé plus de 95 % des capacités ukrainiennes de production d’électricité à partir de charbon depuis le 24 février 2022.

Mais si de telles attaques se produisaient, par exemple, en hiver, et que nous devions faire face à un problème social majeur en raison de l’incapacité de la population à se chauffer, une réponse efficace et rapide de la part de l’Occident serait nécessaire. 

Et que voyons-nous maintenant ? Rien du tout. L’été arrive, et la consommation d’électricité utilisée pour refroidir les bâtiments augmentera.

Vient ensuite l’automne. Comment allons-nous passer le prochain hiver ? Il sera certainement plus difficile que l’année précédente.

Parlons de nos points forts. En quoi sommes-nous meilleurs que les Russes actuellement ?

Dans de nombreux secteurs de la ligne de front, nous sommes en position défensive, ce qui est toujours plus facile.

Nous sommes également en mesure de lancer des frappes combinées jusqu’à 1 500 kilomètres de profondeur dans le territoire russe. La Russie est un grand pays et il est impossible de tout couvrir avec des défenses antiaériennes. Il sera toujours possible de trouver de nouvelles cibles, ce qui est un avantage pour nous.

Faute de pouvoir l’emporter sur le terrain en raison de pénuries de matériel, de munitions et d’un manque de soldats, l’Ukraine met à mal le secteur énergétique russe en ciblant ses dépôts et raffineries de pétrole — jusqu’à plus d’un millier de kilomètres de ses frontières.

D’autres frappes en Crimée et en Russie ciblent également des objectifs militaires (bases aériennes, défense antiaérienne, dépôts de munitions…) Mercredi 17 avril, un hélicoptère de transport russe Mi-8 au sol a été détruit à Samara, à près de 900 kilomètres de la frontière ukrainienne, probablement par une frappe de drone.

Nous disposons également d’un mouvement de bénévoles réactif et assez important en termes de fonds et de matériel— ce dont l’ennemi ne dispose pas.

En outre, nous avons de meilleurs accès aux technologies sur les marchés mondiaux, là où les Russes ont des problèmes. Mais cela ne signifie pas pour autant qu’ils n’arrivent pas à s’en procurer.

Nous sommes plus forts en termes de communication au niveau tactique et de connaissance de la situation sur le champ de bataille.

Je dirais que nos combattants sont meilleurs et plus motivés. Mais pour être honnête, les Russes ont eux aussi des troupes très professionnelles.

Sans personnel, tout le reste perd son sens. Avec un effectif adéquat, la configuration de la guerre serait tout autre aujourd’hui.

Taras Tchmout

Lorsqu’on vous demande quels sont les besoins de l’armée, vous répondez généralement : « Nous avons besoin de tout et en grande quantité ». Mais si nous abordons la question des priorités, quels sont les besoins les plus pressants de l’armée à l’heure actuelle ?

Les ressources humaines constituent notre priorité absolue.

Sans personnel, tout le reste perd son sens. Avec un effectif adéquat, la configuration de la guerre serait tout autre aujourd’hui.

Tout comme la Russie, l’Ukraine est elle aussi en manque d’hommes à déployer sur le front de 1 000 kilomètres de long où s’affrontent les deux armées depuis plus de deux ans. Volodymyr Zelensky a signé début avril une loi abaissant l’âge de la mobilisation de 27 à 25 ans. Malgré cette mesure, les ressources mobilisables sont rares : le nombre d’hommes de moins de 30 ans et en bonne santé fait partie des plus faibles dans l’histoire du pays.

L’amendement apporté au texte prévoyant la démobilisation des soldats après une période de 36 mois a néanmoins été supprimé par la commission sur la sécurité nationale, la défense et le renseignement, à la demande du ministère de la Défense.

Si nous réduisons la question aux besoins matériels, notre première exigence concerne tout type de munitions. Nous accordons une priorité aux obus d’artillerie, aux obus de mortier, aux munitions tactiques à longue portée et aux munitions tactiques opérationnelles, en espérant également obtenir des munitions stratégiques.

Ensuite, il s’agit des véhicules blindés, de transport de troupes et de combat d’infanterie. Les chars d’assaut ne figurent pas sur cette liste car, à mon sens, ils ne représentent pas pour le moment une priorité.

Il est également crucial d’acquérir du matériel de transport médical et d’évacuation ainsi que des équipements de radiocommunication. Les drones de reconnaissance ne sont pas mentionnés ici car ils sont déjà assez bien pourvus grâce aux contributions de l’État, des bénévoles et des partenaires.

Nous ne devons pas négliger les armes lourdes d’infanterie, les équipements de transport, la logistique et l’ingénierie. De manière générale, les besoins sont innombrables dans tous les domaines.

© Federico Quintana/SIPA

L’ancien commandant en chef des forces armées ukrainiennes, Valeri Zaloujny, a écrit dans son article pour The Economist : « Pour éviter une guerre prolongée, l’Ukraine a besoin d’un progrès technique et technologique nouveau et unique, d’un bond en avant. Nous avons besoin de quelque chose de nouveau, comme la poudre à canon inventée par les Chinois que nous utilisons encore pour nous entretuer ». De quelle nouvelle invention pouvons-nous parler ?

D’après le commandant en chef Zaloujny, c’est le développement à grande échelle de la technologie FPV (First Person View) et les drones utilisés sur le champ de bataille qui représentent ce bond en avant. J’ai eu une longue conversation avec lui à ce sujet.

Zaloujny percevait dans cette technologie un potentiel énorme permettant, tout en gagnant du temps, de compenser la supériorité numérique de la Russie en termes de personnel, d’équipements, d’armements et de profondeur tactique.

Le commandant en chef souhaitait former le personnel militaire aux opérations avec des drones, envisageait de créer 100 entreprises baptisées « Rubaks » — des sociétés militaires de drones de combat — et visait à constituer une armée de drones composée de plus d’un million de drones FPV et d’autres plateformes.

Lorsque j’ai lu l’article de Zaloujny, j’ai pensé qu’il faisait référence à l’intelligence artificielle. Le développement de l’IA peut-il changer le cours de la guerre ?

L’intelligence artificielle peut transformer l’utilisation de certaines armes. 

Cependant, pour l’instant, je ne vois pas de potentiel capable d’influencer directement le déroulement du conflit à court terme.

Comment l’IA est-elle actuellement utilisée sur le champ de bataille ?

De nombreuses équipes se concentrent sur le développement de systèmes de navigation optique, de capture automatique, de reconnaissance et de ciblage. Ces systèmes sont progressivement déployés sur le terrain de bataille des deux côtés.

D’autres possibilités s’ouvrent à nous, comme l’automatisation de l’utilisation des drones FPV et la réduction au minimum de toute intervention humaine. Mais chaque avancée soulève de nombreuses questions et défis, et la réalité est bien plus complexe.

Chaque initiative est également confrontée à une réaction. C’est un combat sans fin entre l’armure et la lance.

Pour une armure plus renforcée, il y a un projectile plus puissant ; pour chaque nouveau projectile, il y a une nouvelle génération d’armure. La victoire revient à celui qui s’adapte le plus vite, qui se reconfigure efficacement, qui est le plus flexible et le plus audacieux dans sa recherche de solutions.

Comment avez-vous réagi au licenciement de Zaloujny ?

Je ne me souviens plus (sourire).

Que pensez-vous du nouveau commandant en chef Syrsky ?

Il a une approche différente de celle de Zaloujny. Pour l’instant, je préfère ne pas émettre de jugement sur qui que ce soit.

Oleksandr Syrsky est le commandant en chef des forces armées ukrainiennes ayant succédé à Valeri Zaloujny en février suite à son limogeage par Zelensky. Depuis août 2019, il était le commandant des forces terrestres d’Ukraine. Il est notamment connu pour son rôle joué lors de la défense de Kiev dans les premières semaines de l’invasion russe de février 2022. Par la suite, il a commandé les forces ukrainiennes lors de l’offensive de Kharkiv de septembre 2022, qui s’est soldée par la libération de plus de 12 000 kilomètres carrés de territoire en l’espace de quelques semaines — soit l’une des principales réussites offensives ukrainiennes depuis le début de la guerre.

Au-delà de ces deux importants succès, Syrsky jouit d’une mauvaise réputation au sein de l’armée et semble moins apprécié par les officiers et les soldats ukrainiens que son prédécesseur. Son approche tactique — héritée de sa formation à l’École supérieure de commandement interarmes de Moscou puis de ses années passées dans le corps d’artillerie soviétique — est notamment pointée du doigt comme impactant négativement le moral des troupes sous son commandement ainsi que les ressources humaines ukrainiennes, de plus en plus réduites. Des témoignages lui attribuent notamment les lourdes pertes subies par Kiev lors de la bataille de Bakhmout entre 2022 et 2023.

Les performances des fonctionnaires devraient être évaluées sur la base de leurs actions, et non simplement sur leur nomination. La société a été confrontée à de nombreux changements, et je crois qu’il est essentiel de laisser aux nouveaux dirigeants l’opportunité de démontrer leur capacité.

Laissons donc au nouveau chef l’occasion de mettre en œuvre sa vision et observons les résultats. Nous pourrions être agréablement surpris et gagner, ou peut-être pas. Nous parlions quand même de généraux ukrainiens qui ont combattu les Russes pendant de nombreuses années à des postes de combat au sein de l’armée. En principe, ils devraient tous être compétents. Il semble que notre société ait du mal à l’accepter.

La révocation ou le maintien en poste du commandant en chef relève de la compétence exclusive du président, conformément à la constitution. Mais comprenez-vous la motivation de Zelensky ayant conduit au remplacement du chef d’état-major ?

C’est sa responsabilité, en effet. À mon avis, le président n’a pas suffisamment expliqué ses motivations au public, je suis d’accord avec vous sur ce point. 

En raison de mes contacts avec divers responsables du pays, j’ai évidemment une idée de la raison pour laquelle cela s’est produit. Suis-je prêt à l’exprimer publiquement ? Non, car à quoi bon ?

Lorsqu’on vous interrogeait sur le potentiel politique de Zaloujny, vous répondiez toujours : « Il est plongé à 100 % dans la guerre ». Aujourd’hui, Zaloujny se retire de l’armée et rejoint le service diplomatique. Ai-je bien compris que le cabinet du président pousse l’ancien commandant en chef à faire de la politique ?

Je pense que Valeriy Zaloujny ne retournera jamais dans l’armée et à la guerre en tant que commandant. Seul l’avenir nous dira comment se déroulera sa future carrière.

Vous avez parlé des moyens humains. Quel est le principal problème concernant la mobilisation en Ukraine ?

Le principal problème réside dans le fait qu’à un certain moment, une politique d’information erronée a été mise en place sur cette question. Dans de nombreux domaines, nous laissons des fermes à contenus russes et des pseudo-activistes déformer la réalité.

Les abus liés à la mobilisation ne sont pas correctement sanctionnés, le recrutement et la décentralisation de la formation militaire de base sont ralentis. De plus, c’est au niveau du parlement que le temps a été perdu, ce qui est à mon avis particulièrement préoccupant.

J’ai de nombreuses questions à poser aux hommes politiques qui doivent prendre des décisions et en assumer la responsabilité, et qui font maintenant l’autruche en se renvoyant la responsabilité d’une agence gouvernementale à l’autre.

Ce que je m’apprête à dire est grave mais, à mon avis, la mobilisation aurait dû débuter dès l’âge de 20 ans. Nous avons perdu trop de temps.

Taras Tchmout

Le parlement, censé travailler 24 heures sur 24 dans des conditions de guerre, devrait œuvrer pour transformer notre pays en adoptant les meilleures lois et réglementations possibles. Cependant, il semble incapable de se réunir pour un vote.

Au sein de la Verkhovna Rada, le parlement ukrainien, l’unité se fait de plus en plus rare, surtout au sein du parti de Zelensky. Ces derniers mois, des tensions sont apparues entre le parti et l’administration présidentielle : au début de la législature, le groupe parlementaire Serviteur du peuple comptait 254 députés. À ce jour, 19 ont quitté le groupe, la plupart à l’automne 2021. Sur les 235 restants, seuls 170 à 180 assistent régulièrement aux réunions et votent1.

Ce chiffre peut être expliqué par divers facteurs, notamment le fait que l’administration présidentielle tente de dicter le vote des lois, ainsi que l’interdiction pour les députés de voyager à l’étranger sans l’accord de l’administration2. En parallèle, l’opposition reste très divisée et ne parvient pas à présenter un front uni. Cette fragmentation, combinée à une augmentation de l’absentéisme des députés lors des votes, pose des problèmes pour l’adoption de lois urgentes.

Nous perdons le temps précieux que des centaines de milliers d’hommes et de femmes sur le champ de bataille nous offrent. Ce temps n’est pas illimité.

Zelensky a signé une loi réduisant l’âge de la conscription de 27 à 25 ans. Comment celle-ci affectera la mobilisation ?

C’est une question délicate. Ce que je m’apprête à dire est grave mais, à mon avis, la mobilisation aurait dû débuter dès l’âge de 20 ans. Nous avons perdu trop de temps. 

Si nous voulons survivre en tant que pays, nous devons affronter la réalité de la guerre et agir en conséquence. Sans cela, les sacrifices consentis par des centaines de milliers de personnes, par ceux qui ont péri, ceux qui ont été mutilés, ceux qui meurent en ce moment même pendant que nous discutons ici, seront vains.

Actuellement, nous ne sommes pas efficaces. Un pays inefficace ne pourra jamais triompher face à une force totalitaire, autoritaire et coercitive, disposant de 150 millions d’habitants et de ressources considérables.

Est-il judicieux d’abaisser l’âge à 20 ans ? Après tout, Syrsky procède actuellement à un audit des forces de défense. Les fonctionnaires ont constaté que toutes les personnes qui servent dans les forces de défense n’ont pas participé à des combats.

Tout le monde n’est pas obligé de participer aux hostilités.

Pourquoi un réparateur de Humvee doit-il participer aux combats ? Son travail consiste à réparer les véhicules endommagés. Il ne doit pas être dans une tranchée, il doit faire ce qu’il fait.

Cela ne signifie pas que chaque militaire de cette armée doit être dans une tranchée. 

© Federico Quintana/SIPA

Mais l’audit est en cours et les résultats seront présentés. Cela n’affectera-t-il pas la situation de la mobilisation ?

Oui, c’est en cours. L’inspection principale du ministère de la Défense est à l’œuvre et en train d’examiner où se trouvent les personnes mobilisables.

Sur le million de personnes mobilisées en Ukraine, une enquête a conclu que seulement 300 000 avaient participé à des combats. Zelensky a ainsi demandé à Syrsky de réaliser un audit sur les affectations des personnes déjà mobilisées, d’autant que certains combattants n’ont pas quitté la ligne de front depuis plusieurs mois. 

Si nous adoptons une posture de défense totale, nous pourrons le faire pendant deux, trois voire cinq ans. Cela dépend également de la capacité de notre société à se mobiliser sur le plan économique.

Taras Tchmout

Mais nous ne trouverons pas les réserves suffisantes pour renforcer les unités au moins à 80 %. Nous ne trouverons pas les réserves suffisantes pour effectuer une rotation normale afin que ceux qui combattent actuellement, au moins au niveau des brigades, puissent bénéficier d’une permission de plusieurs mois. Je ne parle pas de la rotation et de la démobilisation des combattants.

Reprenons depuis le début. 25 ans, d’accord, mais c’est trop tard. Nous devons prendre des décisions impopulaires, sinon nous serons confrontés à des problèmes encore plus graves à l’avenir.

La guerre est toujours une lutte pour les ressources. Du point de vue du matériel que nous recevons de nos partenaires occidentaux et que nous produisons nous-mêmes, combien de temps l’Ukraine pourra-t-elle continuer à se battre ?

Si nous adoptons une posture de défense totale, nous pourrons le faire pendant deux, trois voire cinq ans. Cela dépend également de la capacité de notre société à se mobiliser sur le plan économique.

Cela tient aussi au fait que le monde occidental est hétérogène : certains pays nous soutiennent beaucoup, et d’autres ne nous soutiennent pas assez. Ceux qui peuvent donner plus ne le font pas, même s’ils le peuvent et que cela ne leur coûte rien. 

Quelle est la situation actuelle en ce qui concerne la collecte de fonds pour Come Back Alive  ?

Mauvaise. Cette année n’a pas commencé aussi bien que nous l’aurions souhaité, malheureusement. Mais nous y travaillons.

Pourquoi ?

L’économie. Les entreprises ont plus de mal à fonctionner, il y a moins de monde parce que les gens partent ou ont moins d’argent. Les besoins, eux, ne font qu’augmenter.

Il y a des personnes mobilisée dans les entreprises, chacun a ses propres besoins.

De plus, si vous regardez les entreprises avec lesquelles nous travaillons, tous les grands fonds travaillent avec les mêmes acteurs, dans un contexte compliqué par la pression croissante exercée par les autorités gouvernementales.  

Toutes les guerres se terminent par des négociations. Quand pensez-vous que le moment des négociations dans cette guerre arrivera ?

C’est une question très difficile.

Peut-être aurait-il fallu le faire plus tôt. Peut-être dans le futur. Ou peut-être que nous ne trouverons plus le moment pour négocier, je ne sais pas. Nous devons entamer les négociations en position de force — ce dont nous disposions auparavant.

Lorsque nous sommes entrés à Kherson ?

Kherson, Kharkiv. Nous avons été en position de force à l’été et à l’automne 2022. Aujourd’hui, je ne suis pas sûr que ce soit le cas.

Aujourd’hui, les Russes se renforcent de mois en mois et leur position se consolide. 

Nous avons besoin d’un changement global, et ensuite nous pourrons y réfléchir. 

Nous devons nous retrousser les manches, relancer l’économie et tenir bon.

Ils n’ont pas besoin de notre guerre. Il est plus facile pour eux que nous perdions 2-4 régions et qu’ils retournent à leur ancien mode de vie confortable.

Taras Tchmout

La guerre peut-elle se terminer sans aucune négociation ?

Seulement si nous tuons les 150 millions de Russes et qu’il ne reste plus personne pour signer la reddition (sourire). 

Le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a laissé entendre que Kiev pourrait devoir faire des concessions à la Russie. Selon lui, c’est à l’Ukraine de décider quels compromis elle est prête à faire. Ces propos constituent-ils une incitation à la négociation ?

Pas en nous poussant directement. Le monde occidental souhaiterait-il que nous commencions à négocier maintenant ? De nombreux pays le souhaiteraient. 

Ils n’ont pas besoin de notre guerre. Il est plus facile pour eux que nous perdions 2-4 régions et qu’ils retournent à leur ancien mode de vie confortable.

Dans son discours à Davos, Zelensky a expliqué très clairement pourquoi nous ne pouvons pas accepter un conflit gelé. Toutefois, compte tenu de la situation actuelle sur le front et dans le monde, quelle est la probabilité d’un gel et pouvons-nous l’empêcher ?

La probabilité est très élevée. Car ni nous ni les Russes ne pouvons gagner ou atteindre nos objectifs rapidement.

Le gel, je pense, pourrait être une période de transition pour nous, si nous consacrons ce temps à faire des bonnes choses et si nous ne basculons pas immédiatement dans la lutte politique.

La Russie est beaucoup plus centralisée, elle a une verticalité rigide. Pour eux, la trêve est une étape d’une meilleure préparation en vue de la prochaine guerre.

Si une trêve, un gel ou quelque chose de ce type devait se produire, le lendemain, notre pays tout entier devrait commencer à se préparer à la prochaine grande guerre.

Pour conclure notre conversation, j’aimerais vous proposer ce qui suit : à une époque, Kyrylo Budanov et vous-même avez été interrogés sur les analogies entre un match de football et les événements de la grande guerre. L’année dernière, vous avez répondu comme suit : « Nous sommes à la 30e minute, le score est de 2-2 ». Quel score voyez-vous aujourd’hui ? La première mi-temps est-elle déjà terminée ?

Je dirais 3-2 en faveur des Russes. Nous sommes à la 45ème minute.

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15.04.2024 à 23:01

Contre l’Iran, Israël prépare sa riposte. Les mots du Chef d’état-major Halevi

Ramona Bloj

La mise en scène est particulièrement soignée. Le Chef d’état-major Herzi Halevi parle depuis la base aérienne de Nevatim, dans le sud du pays. Selon la propagande iranienne, l’attaque du 13-14 avril l’aurait mise hors d’état de nuire. En réalité, elle paraît prête. Prête pour quoi ? « L’Iran fera face à une riposte » dit le plus haut gradé de l’armée israélienne. Nous traduisons ses mots prononcés en hébreu dans la soirée du 15 avril et diffusés largement en Israël. Il faut les lire avec attention alors que Tel Aviv prépare un plan.

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Texte intégral (1787 mots)

L’Iran a décidé d’attaquer Israël dans la nuit du 13 au 14 avril avec des centaines de missiles. Le Chef d’état-major de l’armée iranienne, Mohammed Hossein Baqeri, s’est exprimé dans la matinée du 14 pour expliquer les raisons de ces frappes historiques qui ont vu pour la première fois Téhéran attaquer Israël depuis son propre territoire.

Dans sa déclaration il insistait sur trois points : 1) L’Iran considère que l’opération est une riposte proportionnée à l’attaque subie à son consulat de Damas le 1er avril. 2) Elle est « aboutie et terminée. Nous n’avons pas l’intention de la poursuivre ». 3) Toutefois si Israël envisageait « une quelconque action contre la République islamique, que ce soit à l’intérieur du territoire du pays ou à l’encontre de centres appartenant à l’Iran, en Syrie ou ailleurs, la prochaine riposte sera beaucoup plus importante ». Depuis le 14 avril, en effet, les principales autorités iraniennes envisagent de mettre en place une doctrine dite de « la nouvelle équation » : « Une nouvelle équation a été établie avec cette opération : à partir de maintenant, quand le régime sioniste attaquera nos intérêts, nos propriétés, nos citoyens, la République islamique contre-attaquera immédiatement. »

C’est en tant que riposte discursive au positionnement du Chef d’état-major iranien que doit être lue la prise de parole du Chef d’état-major israelien Herzi Halevi.

La mise en scène est particulièrement soignée. Halevi parle depuis la base aérienne de Nevatim dans le sud du pays. Selon la propagande de Mohammed Hossein Baqeri, « l’opération a été planifiée de manière à viser à la fois le grand centre de renseignement qui fournissait les informations nécessaires aux Sionistes et la base aérienne de Nevatim, où l’avion F-35 a été utilisé pour viser notre consulat à Damas. Ces deux centres ont été détruits dans une large mesure et sont désormais inactifs ». Elle semble en réalité opérationnelle et prête. Prête pour quoi ? 

Depuis quarante huit heures les décideurs israéliens, qu’ils soient militaires ou politiques, multiplient les rencontres afin de décider d’une réponse qu’ils estiment adaptée. Tel-Aviv semble pencher pour des représailles fortes au risque de voir la région s’embraser dans un conflit total. De leur côté, les puissances occidentales, qui ont apporté un soutien indispensable à la défense anti-aérienne israélienne, tentent de dissuader l’État hébreu

Israël doit ainsi peser précautionneusement ses options. Est-il envisageable de répondre à l’Iran, au risque d’endommager ses relations avec des alliés qui lui ont été indispensables pour se défendre ? Et de quelle manière ? Comment éviter l’embrasement ou une guerre totale après des années où la stratégie a été celle de la « guerre entre les guerres » ou de la guerre de l’ombre. 

Ces différents aspects sont tous présents dans cette courte déclaration du Chef d’état-major, Herzi Halevi. Alors que des divisions de plus en plus grandes sont désormais visibles entre le gouvernement Netanyahou et des membres représentatifs du Tsahal, notamment en ce qui concerne le « jour d’après » à Gaza, Halevi, membre les plus gradés de la branche militaire et sécuritaire de l’État, a une voix très influente du fait notamment de la très grande confiance que la population israélienne a dans l’armée. 

Nous traduisons en français et commentons ligne à ligne grâce à l’aide de Milan Czerny cette déclaration importante qui peut être visualisée ici : 

Pour faire court, l’Iran a tenté de nuire aux capacités stratégiques de l’État d’Israël, ce qui ne s’était jamais produit auparavant. 

La prise de parole commence in medias res. Le Chef d’état-major s’adresse à ses troupes. À sa droite se tient le Commandant de la base de Nevatim, Brigadier Général Yotam Sigler. Quatre pilotes et commandant d’escadron,  dont le rang et l’identité sont masqués, lui font face. Il s’agit d’aller droit au but : c’est un discours martial. Par la perspective et l’angle de la caméra, le spectateur se trouve parmi les soldats. Le discours insiste sur l’effet perlocutoire : la mobilisation. À noter également : la vidéo a été diffusée sans sous-titres, ni en anglais ni en arabe. Une autre version avec un contenu très différent, insistant sur la coopération internationale de l’opération Bouclier de fer, a été produite en anglais – elle est disponible à ce lien.

Nous nous sommes préparés à cette menace dans le cadre de l’opération « Bouclier de fer », et cette préparation a conduit l’Iran à affronter une supériorité aérienne parfaitement mise en œuvre.

L’Iran a attaqué l’État d’Israël dans la nuit de samedi à dimanche avec 170 drones « Shahed », plus de 30 missiles de croisière et 120 missiles balistiques, ce qui représente l’une des plus importantes attaques aériennes de l’histoire. En termes de comparaison, l’invasion russe de l’Ukraine le 24 février 2022 a débuté avec l’envoi d’entre 160 et 200 missiles balistiques et de croisière, contre un territoire bien plus vaste. Selon l’armée israélienne, 99 % de ces projectiles ont été interceptés par Israël et ses alliés, la France, la Jordanie, les États-Unis et le Royaume-Uni. Il s’agit en effet d’une démonstration de la puissance de la défense antiaérienne israélienne face à une attaque sans précédent.

Lundi dernier, nous avions déjà connaissance des plans de l’Iran, et bien que nous croyions en la grande force de l’État d’Israël et en sa capacité à se défendre seule, face à une telle menace, nous sommes toujours reconnaissants pour le soutien reçu. 

Les dirigeants israéliens insistent régulièrement sur l’indépendance militaire du pays et sa capacité à agir seule face aux menaces externes. Ce discours est notamment véhiculé par le Premier Ministre israélien, Benjamin Netanyahu, afin de ne pas donner l’impression à la population qu’Israël est dépendant de ses alliés, en premier lieu des États-Unis. Dans le contexte de la guerre à Gaza, Israël tente de créer ses propres lignes de production de munitions sur le sol israélien. En revanche, l’aide américaine reste indispensable, et la transition vers une production domestique aurait un poids économique important.

Lundi dernier, j’ai eu un appel avec le commandant du Centcom, le général Michael Erik Kurilla, et dès jeudi il était déjà en Israël.

Michael Erik Kurilla, général de l’armée américaine, commandant du Commandement central des États-Unis, qui supervise les opérations militaires au Moyen Orient, en Asie centrale et en Asie du Sud. 

Nous avons alors commencé notre coordination conjointe. Cela envoie un message fort : l’Iran se retrouve confronté à une capacité internationale très, très puissante. 

Les États-Unis ont joué un rôle indispensable dans la défense aérienne contre l’attaque iranienne : bien que les tensions se soient accumulées entre Netanyahu et le Président Biden dans le contexte de la guerre à Gaza, l’aide contre l’Iran a montré la résilience de la relation entre les deux pays. Le président américain avait alerté l’Iran de ne pas attaquer Israël et a réaffirmé le soutien « sans faille » des États-Unis à Israël. Toutefois, des tensions se font désormais sentir autour de la question de la réponse israélienne : Washington tentent de dissuader Israël de riposter, afin d’éviter une escalade régionale.

En ce qui concerne l’avenir, nous évaluons nos options et le lancement de ces nombreux missiles, missiles de croisière et drones sur le territoire de l’État d’Israël fera face à une riposte. En conclusion, des personnes incroyables réalisent des choses remarquables, avec d’excellents résultats. C’est extrêmement important. Je suis convaincu que vous êtes tous très bien préparés, et j’ai une confiance totale dans nos capacités pour faire face à ce qui est nécessaire.

Le Chef d’état-major israélien termine son discours sur un message fort envoyé à l’Iran : une riposte aura lieu. Toutefois, Tel-Aviv souhaite garder ses cartes en main, et les dirigeants israéliens ont répété depuis l’attaque du 13-14 avril que la riposte viendra au moment propice pour Israël. Son ampleur reste la grande inconnue. Israël a de maintes fois attaqué l’Iran en Syrie, Liban, et sur le sol iranien ces dernières années dans le cadre de sa stratégie de « guerre entre les guerres » qui consiste à endommager les capacités iraniennes et de se proxis — Hezbollah, Hamas…— et renforcer la capacité dissuasive israélienne tout en évitant une guerre ouverte avec l’Iran. La question, dorénavant, est de savoir si cette stratégie a pris fin, et si la guerre totale est en train de commencer.

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15.04.2024 à 20:24

Le monde face à l’attaque de l’Iran sur Israël. Cartographie des réactions [carte exclusive]

Ramona Bloj

Lundi 15 avril à 20h30 (Paris), près de 100 pays ont publiquement communiqué leur position relative à l’attaque iranienne ayant visé le territoire israélien dans la nuit du 13 au 14 avril.

Nous les analysons en produisant une première carte inédite.

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Texte intégral (1654 mots)

Depuis l’invasion de l’Ukraine du 24 février 2022 à l’attaque du Hamas du 7 octobre 2023, le monde a changé. Nous avons cartographié les fractures tectoniques et la recomposition géopolitique en cours. Des dizaines de millions de personnes ont consulté les cartes produites par la revue. Elles sont accessibles à tous grâce à votre soutien : si vous en avez les moyens, nous vous demandons de penser à vous abonner

Si une majorité des pays ont appelé à la désescalade et à la retenue, nous observons deux nuances dans leurs positionnement : un groupe qui exprime son soutien à Israël, condamne l’attaque et appelle à la désescalade ; et un autre qui appelle à la retenue et fait part de ses inquiétudes vis-à-vis de la stabilité régionale, mais sans condamner l’attaque ni soutenir Israël. 

Fait remarquable : aucun pays n’a explicitement exprimé son soutien à l’Iran. Seulement l’Afghanistan, le Yémen, la Syrie et la Malaisie ont insisté sur le droit du pays à la « légitime défense » revendiquée par Téhéran via son invocation samedi 13 avril de l’Article 51 de la Charte des Nations unies1.

En Europe, la majorité des pays membres de l’Union ont exprimé leur soutien à Israël à l’exception de l’Irlande — l’un des pays européens les plus favorables à la cause palestinienne — qui a uniquement appelé à la désescalade.

  • La France et le Royaume-Uni2 — et dans une moindre mesure l’Allemagne3 — ont participé directement à la défense du territoire israélien4.
  • Ces positionnements se reflètent également dans la déclaration du G7 dont la présidence italienne a condamné fermement l’attaque, a réitéré son soutien total à la sécurité d’Israël et a appelé à la désescalade suite à une réunion qui s’est tenue dimanche 14 avril5.
  • La Russie de Poutine a appelé à la retenue, alors que l’Ukraine a condamné l’attaque de l’Iran, la qualifiant d’« inacceptable » et d’« irresponsable ».

Au niveau régional, plusieurs responsables américains ont indiqué que l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis avaient joué un rôle dans la défense du territoire israélien en partageant des informations sur les plans iraniens avec Washington et Jérusalem.

La majorité des pays de la région — à l’exception du Yémen, dont le territoire est en partie contrôlé par les Houthis et le Liban, dont la politique étrangère est contrôlée par le secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah – ont appelé à la désescalade.

En Amérique latine, le Brésil de Lula a appelé à « un maximum de retenue » et a exhorté la communauté internationale à mobiliser ses efforts pour éviter une escalade de la confrontation. Le pays n’a pour autant pas condamné l’attaque.

  • L’Argentine de Milei a exprimé « sa solidarité et son engagement indéfectible envers l’État d’Israël ». De même pour le Paraguay et l’Équateur.
  • Les déclarations de la Colombie et du Venezuela ont mis en avant la responsabilité des États-Unis et du leadership de Tel-Aviv : Caracas a declaré qu’en « raison du génocide en Palestine et de l’irrationalité du régime israélien, ainsi que de l’inaction du système des Nations unies, la situation d’instabilité dans la région s’est considérablement aggravée au cours des dernières semaines ».
  • Bogota a ajouté que « le soutien des États-Unis, dans la pratique, à un génocide [à Gaza], a enflammé le monde ».

En Asie, les grands pays musulmans — le Pakistan et l’Indonésie — ont appelé à la désescalade.

  • Dans sa déclaration, le Bangladesh s’est concentré sur la guerre à Gaza : « Nous espérons que tous les pays qui sont censés jouer un rôle prendront immédiatement des mesures efficaces pour résoudre la tension entre l’Iran et Israël et mettre fin au massacre aveugle de la population de Gaza ».
  • L’Afghanistan et la Malaisie ont tous les deux insisté sur le droit de l’Iran à la « légitime défense ».
  • La Chine a appelé à la retenue, alors que le Taiwan, le Japon et la Corée du Sud ont condamné l’attaque. 

Parmi les pays ayant ratifié les Accords d’Abraham, les Émirats arabes unis, le Bahreïn et le Maroc ont appelé à la désescalade. Le Soudan, au bord de la famine après un an de guerre civile, ne s’est pas encore prononcé. 

Le 7 octobre, 12 pays avaient déclaré leur soutien au Hamas : le Venezuela, la Mauritanie, l’Algérie, la Tunisie, la Lybie, la Syrie, l’Irak, le Yémen, l’Iran, le Nicaragua, la Corée du Nord et l’Afghanistan.

  • Cinq pays ont exprimé leur soutien à l’Iran, soulignant le droit du pays à la « légitime défense » : l’Afghanistan, le Yémen, la Syrie et la Malaisie. Si la Malaisie s’ajoute au groupe, aucun de ces quatre pays ne reconnaît Israël.
  • Le Venezuela, la Tunisie, l’Irak ont insisté plutôt sur le besoin d’arrêter la guerre à Gaza.
  • Le Nicaragua, la Mauritanie, la Corée du Nord et la Libye ne se sont pas encore prononcés. 
  • L’Algérie a appelé au Conseil de sécurité des Nations unies à la retenue, soulignant les causes profondes de l’escalade : « l’occupation israélienne » et le conflit à Gaza. 

La Jordanie, qui avait appelé à la désescalade le 7 octobre, a participé à la défense du territoire israélien. 

Concernant les prises de position des pays qui avaient soutenu Israël le 7 octobre, on remarque que les mêmes expriment leur soutien par rapport à l’attaque iranienne, à quelques exceptions près : l’Inde – ainsi que la Suisse et l’Irlande – appellent cette fois-ci plutôt à la désescalade et une partie importante de l’Afrique ne s’est pas encore prononcée.

Le 15 avril à 20h30 (Paris), les pays ayant appelé à la désescalade ou à la retenue sans apporter de soutien à Israël représentaient 58,8 % de la population mondiale et 35,2 % du PIB. Les pays soutenant Israël et/ou ayant contribué à la défense de son territoire (États-Unis, France, Royaume-Uni, Jordanie) représentent quant à eux plus de la moitié du PIB mondial (52,4 %) mais seulement 16,3 % de la population.

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15.04.2024 à 19:51

Hezbollah : géopolitique de l’arme ultime de l’Iran contre Israël

florent

L'heure de la grande explication n'est pas encore venue, du moins du point de vue de la République islamique — mais le risque d'une escalade incontrôlée n'est pas écarté. Dans l'engrenage d’une guerre totale, avec ses 150 000 roquettes et missiles pointés sur Israël, le Hezbollah reste l'arme de dissuasion la plus massive dont dispose Téhéran. 

Une étude de fond signée Christophe Ayad, auteur de Géopolitique du Hezbollah (PUF).

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Texte intégral (4625 mots)

Des traductions des discours du puissant chef du Hezbollah Nasrallah, à la cartographie méticuleuse d’une guerre commencée le 7 octobre — et qui s’étend… Ce travail de long cours n’est possible que grâce à votre soutien. Si vous en avez les moyens, nous vous demandons de penser à vous abonner

En tirant plusieurs centaines de drones et de missiles vers le territoire israélien dans la nuit de samedi 13 à dimanche 14 avril 2024, la République islamique d’Iran a tenu sa promesse d’une riposte à la destruction de la section consulaire de son ambassade à Damas par la chasse israélienne, le 1er avril, qui avait causé la mort de treize personnes, dont sept Gardiens de la révolution, notamment le général Mohammad Reza Zahedi et son adjoint Mohammad Hadi Haji Rahimi. Ces deux derniers officiers étaient des pièces majeures du dispositif avancé de l’Iran dans la région, liens indispensables entre la République islamique et le plus précieux de ses proxies, le Hezbollah libanais. Le général Zahedi était même le seul non-Libanais à siéger dans les instances dirigeantes du Hezbollah, représentant direct du Guide suprême, Ali Khamenei.

La riposte iranienne, tout comme la frappe israélienne du 1er avril, établissent des précédents majeurs sur le terrain et marquent le franchissement de seuils inquiétants. 

Pour la première fois, Israël a attaqué directement une enceinte diplomatique iranienne et non pas une base militaire en Syrie, comme il l’a fait à de nombreuses reprises ces dernières années. Surtout, pour la première fois depuis sa naissance en 1979, la République islamique a visé le sol israélien depuis son territoire. Pour briser ce qui était jusqu’à présent un tabou, le Guide suprême iranien a dû estimer que l’absence de riposte ou que des représailles «  masquées  » – soit par l’action terroriste soit par l’intermédiaire des milices régionales qui lui sont affiliées au Liban, en Irak ou au Yémen – auraient été insuffisantes pour restaurer sa crédibilité de chef de file de ce qu’il appelle «  l’axe de la résistance  » – contre Israël et les États-Unis – au Moyen-Orient.

Il faut toutefois tempérer le caractère extraordinaire de ces représailles par le fait qu’elles étaient très largement annoncées et anticipées, ce qui a permis à Israël, avec l’aide de ses alliés américains, britanniques et français, mais aussi avec la collaboration active des pays arabes de la région – à l’exception de la Syrie et de l’Irak – d’intercepter plus de 99 % des drones et missiles tirés par Téhéran. Ceux qui ont franchi les rideaux dressés par le système Arrow et le Dôme de fer ont causé des dégâts mineurs et aucune victime civile. 

C’était sans doute le but recherché par l’Iran  : marquer les esprits, laver l’affront et établir «  une nouvelle équation », selon la formule du Chef d’état-major Bagheri, sans donner à Israël le prétexte d’une riposte massive. 

En effet, depuis le 7 octobre 2023, malgré une solidarité sans faille affichée envers le Hamas palestinien, malgré sa rhétorique belliqueuse, la République islamique ne cherche pas à entrer en confrontation directe et ouverte avec Israël et son allié américain, qui a déployé des forces conséquentes en Méditerranée, en mer Rouge et dans le Golfe persique dès le lendemain de l’attaque et des massacres commis par le mouvement islamiste palestinien dans le sud d’Israël.

Cette tendance peut paraître incertaine après les attaques du 13 et 14 avril. Un signe permet toutefois de comprendre qu’elle n’est pas fondamentalement remise en cause. Téhéran a refusé, pour le moment, d’engager le Hezbollah dans la partie. 

Téhéran a refusé, pour le moment, d’engager le Hezbollah dans la partie. 

Christophe Ayad

Le Hezbollah comme arme stratégique de l’Iran face à Israël

Si l’Iran veut éviter la guerre, c’est qu’il se sait en position de faiblesse avec une population en révolte depuis un an et demi et le soulèvement contre le voile islamique, en particulier dans ses régions frontalières du nord-ouest et du sud-est.

De l’autre côté, son économie est rongée par l’inflation et les sanctions américaines et un appareil pétrolier en mauvais état faute d’investissements. 

Le but de l’Iran reste de parvenir à la parité stratégique avec Israël en matière d’armement atomique sans mettre en danger ses installations stratégiques avant d’atteindre le seuil nucléaire. Cependant Téhéran redoute un conflit qui pourrait affaiblir l’appareil sécuritaire du régime et dont chercheraient à profiter les nombreux secteurs de la société qui lui sont hostiles : la jeunesse occidentalisée, les Kurdes, les Baloutches, les Arabes, voire les Azéris… D’où l’annonce faite par la mission diplomatique iranienne aux Nations unies avant même que les drones tirés par les Gardiens de la révolution n’atteignent le territoire israélien, selon laquelle Téhéran disait agir conformément à l’article 51 de la Charte de l’ONU – sur l’autodéfense – et que l’incident était désormais clos.

Si l’Iran veut éviter la guerre, c’est qu’il se sait en position de faiblesse avec une population en révolte depuis un an et demi et le soulèvement contre le voile islamique.

Christophe Ayad

Mais le meilleur signe du désir de l’Iran de contenir la poussée de fièvre en cours a été le refus d’engager le Hezbollah dans la partie. Tout comme les Houthis du Yémen, le Hezbollah s’est contenté de tirer deux missiles vers le plateau du Golan samedi soir, après un tir de barrage de quelques dizaines de roquettes le matin même. 

L’heure de la grande explication n’est pas venue, du moins du point de vue de la République islamique. Mais le risque d’une escalade incontrôlée n’est pas pour autant écarté. Israël pourrait se saisir du précédent de cette attaque visant son territoire pour mettre en œuvre son plan de frappes ciblant les installations nucléaires iraniennes et chercher à repousser de plusieurs années l’accession de l’Iran au seuil. Le Hezbollah a été gardé «  en réserve  » pour cette éventualité. Il reste donc la meilleure armée stratégique de l’Iran face à Israël, la frontière avancée de la République islamique dans la région.

Avec son arsenal de 150 000 roquettes et missiles de diverses portées pointés sur l’ensemble d’Israël, le Hezbollah est l’arme de dissuasion la plus massive à la disposition de l’Iran dans sa confrontation avec Israël. Le Hezbollah dispose en effet de la capacité de saturer la défense antiaérienne israélienne en tirant plusieurs milliers d’engins par jour. Déjà pendant la guerre de l’été 2006, il était parvenu à tirer une centaine de roquettes par jour, portant ce chiffre à 250 lors de la dernière semaine de cette confrontation de trente-trois jours qui s’était soldée par une non-victoire d’Israël, voire une défaite en demi-teinte face aux objectifs affichés, et que le Hezbollah avait célébré avec emphase comme une « victoire divine ».

Au lendemain du 7 octobre, le Hezbollah a lancé des tirs de la «  solidarité  » avec le Hamas sur le nord d’Israël, mais en prenant garde à rester dans des limites «  acceptables  » pour Israël. Une manière pour la milice chiite libanaise d’afficher son soutien au Hamas tout en signifiant qu’elle ne souhaitait pas entrer dans un conflit ouvert avec l’État hébreu. Cela a entraîné l’évacuation de quelque 60 000 à 80 000 Israéliens habitant le nord d’Israël vers le centre du pays, hors de portée des Katioucha du Hezbollah. Six mois plus tard, les déplacés internes israéliens n’ont pas réintégré leur foyer, faisant peser une pression sur le gouvernement Nétanyahou pour mettre fin à la menace du Hezbollah ou du moins la repousser au nord du fleuve Litani. 

L’heure de la grande explication n’est pas venue, du moins du point de vue de la République islamique. Mais le risque d’une escalade incontrôlée n’est pas pour autant écarté.

Christophe Ayad

De l’autre côté de la frontière, les frappes israéliennes de riposte se sont accentuées et c’est Tel-Aviv qui est passé à l’initiative en menant des raids de plus en plus précis et profonds dans le dispositif du Hezbollah. Ses positions ont été frappées jusqu’à Beyrouth, où était hébergé le numéro 2 du bureau politique du Hamas, assassiné dans son appartement de la banlieue sud, ou à Baalbek, le fief historique du Hezbollah, dans la vallée de la Bekaa. Les frappes en Syrie, y compris celle du 1er avril, visent à affaiblir le dispositif conjoint de l’Iran et du Hezbollah dans ce pays vassalisé, où ces deux partenaires chiites sont complètement imbriqués.

Côté libanais, la guerre larvée qui se déroule à la frontière a tué quelque 300 combattants du Hezbollah, dont plusieurs commandants haut placés, et chassé plus de 100 000 habitants du Sud-Liban de leur foyer.

© AP Photo/Hassan Ammar

Comment le Hezbollah est devenu une arme 

La transformation, en quatre décennies, d’une petite milice chiite naissante en une véritable armée de 50 000 hommes tenant en respect Israël est probablement la plus grande réussite de la politique extérieure iranienne depuis 1979. Le Hezbollah est le plus important produit d’exportation de la République islamique, son modèle de déstabilisation le plus abouti. Car le Hezbollah est aujourd’hui bien plus qu’une milice au Liban, plus encore qu’un « État dans l’État  » comme on le lui reproche fréquemment. C’est un État au-dessus de l’État dans le sens où il a la capacité d’imposer à l’État libanais ses propres objectifs stratégiques. 

Avec son arsenal de 150 000 roquettes et missiles de diverses portées pointés sur l’ensemble d’Israël, le Hezbollah est l’arme de dissuasion la plus massive à la disposition de l’Iran dans sa confrontation avec Israël.

Christophe Ayad

C’est Hassan Nasrallah, le secrétaire général du Hezbollah depuis 1992, qui décide de la guerre et de la paix au Liban. Il n’a de comptes à rendre à personne, ne dispose d’aucun mandat électif, n’apparaît jamais en public sauf par visioconférence. Et pourtant, il est l’homme le plus puissant du Liban, celui dont les discours mettent tout un pays, voire tout le Proche-Orient, à l’arrêt, celui qui tient le destin du Liban entre ses mains, plus que le président – dont le poste est toujours vacant depuis la fin de mandat de Michel Aoun, le Premier ministre ou le ministre des Affaires étrangères. Il incarne la souveraineté du Liban, à défaut de sa légitimité.

Ce pouvoir, le Hezbollah l’a acquis d’abord grâce au soutien de l’Iran, qui n’est pas seulement son parrain mais son créateur, le fruit d’une solution de repli. À l’été 1982, lorsqu’Israël envahit le Liban, la jeune République islamique décide d’envoyer un corps expéditionnaire combattre le «  Petit Satan  ». Mais l’équipée s’arrête à Damas, où le régime de Hafez al-Assad dissuade les Gardiens de la révolution de rejoindre le théâtre libanais déjà bien encombré, et où la victoire d’Israël est consommée. C’est une partie de ce corps expéditionnaire, restée sur place, qui va former de jeunes chiites issus d’études religieuses à Najaf (Irak), où ils se sont familiarisés avec le concept khomeiniste de «  wilayat al-faqih  »1 – la guidance du clerc jurisconsulte – et en rupture avec le mouvement chiite Amal, ont tenté de composer avec l’occupant israélien.

Les principaux acteurs de la fondation de ce mouvement sont le cheikh libanais Sobhi al-Toufayli, les clercs Naïm Qassem et Abbas Moussawi, mentor du jeune Hassan Nasrallah qu’il a connu à Najaf, l’ambassadeur iranien à Damas Ali Akbar Mohtachemi (ou Mohtachemipour) proche de l’ayatollah Khomeini dont il est un disciple, et le chef du corps expéditionnaire des pasdarans iraniens en Syrie, Ahmed Kanani. Dès l’été 1982, des recrues ont été formées idéologiquement et au maniement des armes, par groupes de 200 à 300, même si la fondation officielle du Hezbollah ne date que de 1985 avec la publication de sa Lettre ouverte aux opprimés de la terre

La transformation, en quatre décennies, d’une petite milice chiite naissante en une véritable armée de 50 000 hommes tenant en respect Israël est probablement la plus grande réussite de la politique extérieure iranienne depuis 1979.

Christophe Ayad

La formation idéologique et religieuse est quasiment plus importante au Hezbollah que celle aux armes. On n’y adhère que par recommandation et souvent sur une base familiale. L’organisation réclame une adhésion absolue à ses principes comme base de sa formation militante. Et celle-ci passe par l’allégeance au principe du «  wilayat al-faqih  » établi par l’ayatollah Khomeini. L’entrée au Hezbollah implique pour la jeunesse chiite libanaise une forme de «  nouveau baptême  » qui consiste à «  khomeiniser  » sa conception de la religion, d’en faire un principe qui régit l’ensemble de sa vie militante. C’est ce que le Hezbollah appelle la «  culture de la Résistance  ».

© AP Photo/Hassan Ammar

Alliances et ruptures 

Tout au long de son existence, le Hezbollah a profité d’un soutien iranien sans faille, qui s’est matérialisé notamment par des dotations qui ont pu atteindre le montant faramineux de 200 millions de dollars par an lors des temps les plus richement dotés, mais aussi par des livraisons d’armes permanentes. L’autre soutien du Hezbollah est la Syrie du régime des Assad. Mais, du moins pendant la période où Hafez al-Assad était au pouvoir, c’est-à-dire jusqu’en juin 2000, ce soutien était un moyen de pression et une façon de «  tenir en laisse  » le mouvement sur un échiquier libanais particulièrement complexe et dont Damas tirait toutes les ficelles sans jamais en lâcher une seule. Ainsi les forces syriennes ont combattu le Hezbollah brièvement mais violemment en 1987. 

Par la suite, le régime d’Assad père usait des livraisons d’armes et de l’omniprésence de checkpoints syriens pour faire pression sur le Hezbollah et l’inciter à la retenue face à Israël où, au contraire, pour l’encourager à passer à l’offensive contre « le régime sioniste » selon les priorités du moment de Damas.

Tout a changé avec l’arrivée au pouvoir de Bachar al-Assad, qui a progressivement placé son pays sous la dépendance du Hezbollah, notamment en faisant appel à la milice chiite libanaise pour contrer la rébellion anti-régime que l’armée syrienne n’arrivait pas à juguler à partir de 2013. Contrepartie de cette aide décisive, c’est désormais la Syrie qui est l’obligée du Hezbollah libanais. Ce dernier a pu installer et occuper des bases militaires sur le territoire syrien, en particulier sur le Golan, juste en face des positions israéliennes, mais aussi sur la base aérienne T4, entre Homs et Palmyre, ou encore dans la capitale, Damas, où le tombeau de Sayeda Zeinab, lieu saint révéré des chiites, possède une forte charge symbolique pour le Hezbollah.

Fort de ces deux soutiens de poids, le Hezbollah a su habilement frayer son chemin dans le chaos politico-militaire libanais lors de la guerre civile libanaise (1975-1990), notamment en éliminant ses concurrents directs dans la sphère chiite, les communistes, mais aussi en combattant le mouvement rival Amal en 1988. Les accords de paix de Taëf, en 1989, ont mis fin à cette guerre fratricide en instaurant une forme de protectorat syrien sur le Liban. Le Hezbollah s’est plié à cette tutelle syrienne en acceptant de participer au jeu politique libanais et d’abandonner son projet d’instauration d’un État islamique au Liban. En échange, il a pu bénéficier de l’exclusivité du fait de conserver son armement au nom de la lutte contre l’occupation du Sud du Liban par Israël, secondé par la milice supplétive chrétienne de l’Armée du Sud-Liban (ASL) du général Lahad. De petit mouvement aux relents terroristes au début des années 1980, lorsque ses affiliés pratiquaient, pour le compte de la République islamique, des attentats-suicides contre les intérêts israéliens, français ou américains au Liban – sous le faux nez de l’organisation Jihad islamique (à ne pas confondre avec le mouvement armé palestinien homonyme) – ou encore des kidnappings, dont celui qui a coûté la vie au chercheur français Michel Seurat, le Hezbollah est devenu un acteur non-westphalien, une guérilla crainte et respectée pour sa discipline, son endurance et son ingéniosité. Tout au long des années 1990, le Hezbollah a porté des coups à Tsahal, au point de provoquer un mouvement en faveur du retrait du Liban au sein de la société israélienne.

© AP Photo/Hassan Ammar

« Au service de Nasrallah »

Le retrait unilatéral israélien de juin 2000, décidé par le Premier ministre Ehud Barak, a provoqué un effondrement de l’allié libanais d’Israël, l’ASL, et a permis au Hezbollah de remporter une victoire symbolique qui a été portée au crédit de son secrétaire général, Hassan Nasrallah, qui avait remplacé en 1992, à l’âge de seulement 32 ans, son ami et prédécesseur, Abbas Moussawi, tué par Israël un an seulement après son entrée en fonction. 

Charismatique, roué, bon orateur, Nasrallah est l’homme politique le plus charismatique de sa génération au Liban. Il a su maintenir l’unité d’un mouvement à trois dimensions  : militaire, politique et sociale. Car le Hezbollah n’est pas seulement une armée sur le pied de guerre ou un parti politique redoutablement efficace, il est aussi une immense organisation caritative, commerciale, foncière, éducative et de loisirs, ainsi qu’un média global, qui prend en charge tous les aspects de la vie de ses membres et de ses sympathisants au sein de la communauté chiite. Le Hezbollah fait corps avec ses supporters, il leur fournit une identité complète, un mode de vie, une façon de s’informer et de consommer en vase clos.

À partir de 2018, le Hezbollah est entré dans une ère d’hégémonie au Liban, où il forme le gouvernement à sa guise, peu importe les aléas, qu’il s’agisse du soulèvement démocratique de 2019, de l’explosion du port de Beyrouth en 2020 ou de l’effondrement financier du pays en 2021.

Christophe Ayad

C’est pour cela que le Hezbollah se voit reprocher d’être un «  parti de l’étranger  » iranien et non vraiment libanais par les Libanais qui contestent son hégémonie. Ces derniers – que l’on peut estimer à une bonne moitié du pays – lui reprochent aussi de s’arroger un pouvoir que seul l’État est censé détenir, celui de la force armée. Malgré ses promesses de ne jamais utiliser son arsenal contre des Libanais, le Hezbollah a été jugé responsable par un tribunal mixte libano-international de l’assassinat de l’ex-Premier ministre sunnite pro-occidental Rafiq Hariri en 2005  ; il a aussi mené un coup de force en prenant d’assaut, à Beyrouth-Ouest, le fief de Saad Hariri, successeur de son père. En 2011, il faisait chuter son gouvernement, établissant ce que le chercheur Ziad Majed nomme une «  vetocratie  », où il s’arrogeait un pouvoir de veto contre toute décision gouvernementale contrevenant à ses intérêts. À partir de 2018, le Hezbollah est entré dans une ère d’hégémonie au Liban, où il forme le gouvernement à sa guise, peu importe les aléas, qu’il s’agisse du soulèvement démocratique de 2019, de l’explosion du port de Beyrouth en 2020 ou de l’effondrement financier du pays en 2021.

Le Hezbollah tout entier est tourné vers d’autres objectifs que la bonne gestion du pays dont il ne s’embarrasse pas au quotidien. Ce qui lui importe est l’état du rapport de force régional en faveur ou en défaveur de l’Iran et d’Israël. Cela ne l’empêche pas d’être très conscient de ses responsabilités envers le Liban, d’où sa retenue depuis les événements du 7 octobre. Le Hezbollah sait qu’il n’y a pas de consensus parmi les Libanais sur le lancement d’une guerre ouverte contre Israël dont, de surcroît, l’Iran ne veut pas. 

Un consensus s’impose : le Hezbollah est, à l’heure actuelle, la seule force de dissuasion empêchant Israël de mener une opération d’envergure au Liban. 

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14.04.2024 à 13:35

Pourquoi l’Iran a attaqué Israël ? Comprendre la doctrine de « la nouvelle équation »

Gilles Gressani

Pour la première fois dans l’histoire, la République islamique a attaqué Israël depuis son territoire. « Une nouvelle équation a été établie avec cette opération : si le régime sioniste attaque, il sera contre-attaqué depuis l'Iran. » La guerre de l’ombre est-elle en train de changer de nature ? Nous traduisons pour la première fois en français la position du militaire du plus haut rang de l’armée iranienne, Mohammed Hossein Baqeri.

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Texte intégral (2220 mots)

La décision de la République islamique d’Iran de lancer une attaque contre Israël depuis son propre territoire est inédite. Avec la frappe de Tel-Aviv au complexe diplomatique iranien de Damas le 1er avril et la riposte de Téhéran hier dans la nuit, la confrontation entre dans une nouvelle phase. 

Engagés depuis longtemps dans une « guerre de l’ombre » qui avait vu les deux pays s’affronter d’une manière non-linéaire avec la mise en place de proxies plus ou moins directement manipulés par Téhéran, désormais les deux appareils politiques et militaires sont directement impliqués dans une dynamique escalatoire. Apparaît un risque de plus en plus concret : l’extension du conflit en une guerre totale. 

C’est pour cette raison que la position officielle de l’armée iranienne doit être analysée avec attention. Nous avons décidé de rendre accessible en français et de commenter ligne à ligne la prise de parole du chef d’état-major des Forces armées iraniennes, Mohammed Hossein Baqeri qui s’est exprimé ce matin à la télévision iranienne. 

Mohammed Hossein Baqeri est le plus haut gradé de l’armée iranienne. Issu des rangs des Gardiens de la Révolution, il est, comme la plupart des cadres militaires actuels du système iranien, un vétéran de la guerre Iran-Irak. Chef d’État major des Forces armées depuis 2016, regroupant à la fois le Corps des Gardiens de la Révolution islamique et l’Armée nationale, il fait partie du Conseil suprême de sécurité nationale, qui définit les orientations stratégiques majeures du pays. 

Son positionnement est donc particulièrement représentatif de la vision du régime. Dans son discours, il se positionne d’une manière apparemment paradoxale. Il prétend défendre le succès tactique de l’opération, tout en demandant à Israël de ne pas riposter : « Nous considérons cette opération comme aboutie et terminée. Nous n’avons pas l’intention de la poursuivre, mais si le régime sioniste entreprend une quelconque action contre la République islamique, que ce soit à l’intérieur du territoire du pays ou à l’encontre de centres appartenant à l’Iran, en Syrie ou ailleurs, la prochaine riposte sera beaucoup plus importante ». Ainsi s’exprime en réalité une nouvelle doctrine que nous proposons d’appeler « la nouvelle équation ». Un seuil est définitivement franchi pour Téhéran : « Une nouvelle équation a été établie avec cette opération : si le régime sioniste attaque, il sera contre-attaqué depuis l’Iran. »

La cause de cette opération est que le régime sioniste a dépassé une ligne rouge inacceptable pour nous. Que le régime sioniste s’en prenne à la section consulaire de notre ambassade à Damas et à nos conseillers juridiques présents dans ce pays à l’invitation du gouvernement syrien, constitue une escalade que tous les pays, à l’exception de deux ou trois soutiens du régime sioniste, ont condamné. 

Si la dynamique escalatoire de l’attaque du 1er avril paraît avérée, contrairement à ce qu’affirme Mohammad Baqeri, la destruction du consulat iranien à Damas le 1er avril, qui a tué onze ressortissants iraniens dont sept membres des Gardiens de la Révolution et notamment le général Mohammad Reza Zahedi, n’a pas fait l’objet de condamnations universelles. Les seuls États à avoir condamné l’attaque sont l’Irak, la Jordanie, Oman, le Pakistan, le Qatar, l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis, ainsi, bien entendu que le Hezbollah libanais et le Hamas. La Russie pour sa part a qualifié l’attaque « d’inacceptable » et la Syrie a déclaré « Nous condamnons fermement cette attaque terroriste odieuse ».  

Il fallait répondre à cette action. Le Guide suprême a également dit qu’une punition devait être appliquée. Dieu merci, cette opération a été menée à bien grâce aux efforts des Gardiens de la révolution et à l’aide d’autres forces armées.

Le propos de Mohammed Baqeri est relativement vague. D’une part, il semble faire référence à la cohérence des forces armées iraniennes dans leur ensemble, Gardiens de la révolution et Armée nationale confondus. Cela est lié à son rôle et sa fonction, et vise à transmettre l’idée d’une unité nationale des forces armées, qui occulte la domination qu’exercent les Gardiens de la Révolution sur l’ensemble du processus décisionnel stratégique en Iran. D’autre part, il fait peut-être référence à l’aide que des proxies ont apportée durant l’attaque contre Israël, milices en Irak, Houthis et Hezbollah, même si leur rôle semble avoir été limité. 

Nous n’avons pas l’intention de poursuivre l’opération contre Israël. Le Dôme de fer n’a pas pu contrer notre opération de manière significative. Nous considérons que cette opération est parvenue à ses objectifs et qu’elle est désormais terminée.

Si le régime sioniste mène une nouvelle opération, notre réponse sera bien plus importante. Nous avons essayé de rendre l’opération punitive de façon proportionnelle : les centres de population n’ont pas été ciblés. 

Contrairement à ce qu’affirme Mohammed Baqeri, l’opération a été un échec tactique. La plupart des drones et missiles ont été interceptés en dehors de l’espace aérien israélien. Un très petit nombre de missiles a touché le territoire israélien, causant des dommages mineurs à une base militaire dans le sud du pays. Le Dôme de fer a par ailleurs réussi à intercepter la quasi totalité des frappes. Dans ce contexte, le régime iranien essaye de mettre en place une logique non-escalatoire en déclarant ne pas vouloir continuer l’opération, et en rejetant la responsabilité de la poursuite de l’escalade sur Israël. La rhétorique très menaçante qui a précédé l’attaque est suivie par une rhétorique de désescalade, mettant en avant le fait que l’action iranienne était limitée et proportionnelle. L’effet d’annonce spectaculaire ne doit pas occulter la réalité de la guerre de l’ombre que l’Iran mène à l’encontre d’Israël par l’intermédiaire de ses proxies, et réciproquement, comme on a pu le voir depuis l’attaque du 7 octobre. Selon les données du Washington Institute for Near East policy, l’évolution mensuelle du nombre d’attaques réussies par l’un des proxis du régime iranien — la Résistance islamique en Irak — contre des cibles israéliennes a significativement augmenté depuis le 7 octobre : 0 en octobre, 3 en novembre, 4 en décembre, 11 en janvier, 4 en février et 16 en mars. Si chacune de ces frappes diffèrent par sa portée et son impact, leur multiplication aurait pu conduire Israël à la frappe du lundi 1er avril.

Nous sommes définitivement prêts à défendre notre terre. Nos forces armées sont entièrement prêtes et nous espérons que cette opération sera le précurseur de la victoire de la nation palestinienne opprimée.

Nous avons transmis un message par l’intermédiaire de l’ambassade de Suisse disant que si l’Amérique coopère avec le régime sioniste par l’intermédiaire de ses bases militaires, les bases militaires américaines ne seront pas en sécurité dans la région.

L’un des principaux objectifs de l’opération iranienne semble avoir été de ne pas susciter de réaction américaine. De ce point de vue-là, on peut considérer qu’il s’agit d’une réussite relative, car, en dépit du soutien apporté par les États-Unis à Israël – la marine et les avions de combats américains ont abattu plusieurs missiles balistiques, ainsi que d’autres engins iraniens —, le communiqué de la Maison Blanche propose une « diplomatic response » – excluant le soutien à une opération militaire à l’encontre de l’Iran.

L’opération a été planifiée de manière à viser à la fois le grand centre de renseignement qui fournissait les informations nécessaires aux Sionistes et la base aérienne de Nevatim, où l’avion F-35 a été utilisé pour viser notre consulat à Damas. Ces deux centres ont été détruits dans une large mesure et sont désormais inactifs. Dans cette opération, un nombre important de drones, de missiles de croisière et de missiles balistiques ont été utilisés. Des tactiques profondement réfléchie ont été employées, de sorte que ni le Dôme de fer ni le bouclier de défense du régime sioniste n’ont pu contrer de manière significative l’opération.

Contrairement à ce qu’affirme Mohammed Baqeri, la base aérienne de Nevatim semble fonctionner normalement en ce matin du 14 avril, comme le montrent des vidéos diffusées par l’armée israélienne. Cette annonce, de même que la mention très floue d’un « grand centre de renseignement », vise avant tout à convaincre en interne les soutiens du régime et la population qu’une réaction d’ampleur suffisante a été menée en réponse à la destruction du complexe diplomatique iranien à Damas. 

L’Amérique a déclaré qu’elle n’était pas au courant de l’opération à Damas, mais en fait, cette opération a été menée avec son feu vert. L’Amérique a annoncé qu’elle ne cherchait pas à augmenter les tensions dans la région, mais nos informations indiquent qu’elle a agi de toutes ses forces pour défendre le régime sioniste et neutraliser notre opération. Toutefois, elle n’a rien pu faire et notre opération a atteint son but.

Mohammad Baqeri fait également référence aux déclarations du porte-parole du Département de la Défense des États-Unis, John Kirby, à la suite de la frappe du 1er avril : : « Soyons clairs. Nous n’avons rien à voir avec la frappe à Damas. Nous n’avons pas été impliqués, d’aucune manière que ce soit ».

Nous considérons cette opération comme aboutie et terminée. Nous n’avons pas l’intention de la poursuivre, mais si le régime sioniste entreprend une quelconque action contre la République islamique, que ce soit à l’intérieur du territoire du pays ou à l’encontre de centres appartenant à l’Iran, en Syrie ou ailleurs, la prochaine riposte sera beaucoup plus importante que celle-ci.

Nos capacités en termes de missiles et de drones étaient dix fois plus importantes que ce que nous avons déployé lors de cette opération contre le régime sioniste, mais nous avons essayé de mener cette opération punitive de façon proportionnelle : la population et les centres économiques n’ont pas été ciblés. 

Cette menace pourrait faire également référence aux autres leviers que l’Iran aurait pu et pourrait actionner à l’encontre d’Israël, notamment les roquettes du Hezbollah libanais, qui auraient pu toucher le sol israélien de façon plus efficace que des drones lancés depuis le sol iranien. 

Cette opération a été menée par le Corps des gardiens de la révolution islamique, mais le Corps des gardiens de la révolution islamique et l’armée nationale sont conjointement responsables de la défense du pays. Les forces armées sont entièrement prêtes et interviendront à nouveau si nécessaire. Si le régime sioniste attaque, il fera l’objet à nouveau d’une contre-attaque depuis l’Iran.

Une nouvelle équation a été établie avec cette opération.

Il s’agit d’une doctrine formulée en tant que telle, circulant au sein de l’élite de la République islamique. L’idée d’une « nouvelle équation » est également défendue par le chef des Gardiens de la Révolution, Ali Jafari.

Cette nouvelle équation est qu’à partir de maintenant, quand le régime sioniste attaquera nos intérêts, nos propriétés, nos citoyens, la République islamique contre-attaquera immédiatement. 

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