URL du flux RSS

Abonnés Articles en ACCÈS LIBRE Actu Economie Guerre

▸ les 5 dernières parutions

02.07.2025 à 17:22

Dans les entrepôts Amazon, il y aura bientôt plus de robots que d’humains

Marin Saillofest

L’entreprise américaine de vente en ligne a dépassé la barre du million de robots déployés dans ses entrepôts à travers le monde, soit un chiffre quasi-équivalent au nombre de travailleurs humains.

Si l’automatisation des entrepôts d’Amazon n’a pas conduit au remplacement massif de travailleurs par des robots, l’entreprise expédie chaque année plus de colis tout en employant moins de personnes.

L’article Dans les entrepôts Amazon, il y aura bientôt plus de robots que d’humains est apparu en premier sur Le Grand Continent.

Texte intégral (951 mots)

Cela fait maintenant plus d’une décennie que le géant américain de la vente en ligne, Amazon, fondé en 1994 par Jeff Bezos, a enclenché son tournant vers la robotique.

  • En 2012, Amazon acquiert Kiva Systems pour 775 millions de dollars, une start-up spécialisée dans la création de systèmes robotiques pour la logistique.
  • Dix ans plus tard, en 2022, l’entreprise dévoile son premier robot autonome Proteus, créé par Kiva, renommé Amazon Robotics en 2015.
  • Au même moment, Amazon commence le déploiement dans ses entrepôts de Cardinal, une cellule de travail robotisée alimentée par l’IA qui trie les colis avant de les placer dans des chariots.
  • D’autres robots comme Hercules, dont le rôle est de soulever des étagères de marchandises, ou Sparrow, un bras robotisé intelligent conçu pour reconnaître, saisir et déplacer des objets, ont également fait leur apparition ces dernières années.

Aujourd’hui, l’entreprise compte presque plus de robots que de travailleurs humains : un million d’assistants robotiques effectuent des tâches autrefois confiées à des humains — contre 1 à 1,1 million d’employés travaillant dans des entrepôts Amazon à travers le monde 1.

Tandis que l’entreprise anticipe une réduction de ses effectifs dans les années à venir, notamment en raison des progrès de l’intelligence artificielle, les robots devraient bientôt dépasser le nombre d’humains.

  • Chaque année depuis 2021, plus de 500 000 robots industriels sont installés à travers le monde.
  • Entre 2017 et 2023, la densité mondiale moyenne de robots a plus que doublé, atteignant un record de 162 unités pour 10 000 employés, contre 74 six ans auparavant.
  • Si la majorité (51 %) de ces robots sont employés en Chine, la Corée du Sud demeure le pays le plus automatisé au monde pour ses usages industriels, avec 1 012 robots pour 10 000 employés.

En raison de sa taille ainsi que de son empreinte globale, Amazon est devenu un précurseur pour des dizaines de milliers d’entreprises opérant dans les domaines de la vente en ligne et de la logistique. Le modèle développé par l’entreprise, alliant la robotisation à grande échelle à l’implémentation croissante d’applications alimentées par l’IA dans ses processus, est susceptible d’être largement répliqué à travers le monde.

  • L’entreprise met en avant l’effet positif de la robotisation sur ses employés ainsi que sur les salaires. Ces derniers seraient ainsi mieux payés pour effectuer des tâches moins pénibles, et disposeraient de meilleures opportunités de carrière 2.
  • Si Amazon n’a que modérément réduit ses effectifs ces dernières années, passant de 1,61 million d’employés en 2021 à 1,56 l’an dernier, le nombre moyen d’employés par site a toutefois chuté de plus de 30 % en trois ans, passant de près de 1 000 à 670.
  • Le nombre de colis expédiés par employé a quant à lui été multiplié par 20 depuis 2015, passant de 175 à environ 3 870 en 2024.
  • Ces chiffres suggèrent que si l’automatisation des entrepôts d’Amazon n’a pas conduit au remplacement de travailleurs par des robots, l’entreprise expédie chaque année plus de colis tout en employant moins de personnes 3.

Plusieurs indicateurs suggèrent également que l’IA a d’ores et déjà un impact sur le marché de l’emploi dans le secteur tertiaire. Selon un rapport d’Oxford Economics, les postes d’entrée de carrière aux États-Unis sont « remplacés » à un rythme plus rapide qu’anticipé par l’intelligence artificielle. Ainsi, pour la première fois depuis les années 1980, le taux de chômage des jeunes diplômés est supérieur à la moyenne nationale.

Sources
  1. Amazon Is on the Cusp of Using More Robots Than Humans in Its Warehouses », The Wall Street Journal, 30 juin 2025.
  2. Top Amazon exec says it’s a ‘myth’ robots steal jobs », CNBC, 12 avril 2024.
  3. Amazon says it’s a ‘myth’ that robots kill jobs. Here’s the reality », The Guardian, 8 mai 2025.

02.07.2025 à 16:09

Les ultranationalistes de la guerre d’Ukraine : mythe et réalité face à la propagande de Poutine

Matheo Malik

Depuis le début de la guerre, la Russie de Poutine assène en boucle un élément de langage : les Ukrainiens seraient « néonazis ».

Si la présence de certains combattants ultranationalistes dans les rangs ukrainiens est un fait avéré, le « capital symbolique » payé de leur sang n’a jamais trouvé de traduction politique.

Quelle est réellement l’influence de ce courant en Ukraine ?

Anna Colin Lebedev et Bertrand de Franqueville ont pu s’entretenir pendant des centaines d’heure avec eux — ils font le point sur cette question ultrasensible.

L’article Les ultranationalistes de la guerre d’Ukraine : mythe et réalité face à la propagande de Poutine est apparu en premier sur Le Grand Continent.

Texte intégral (5087 mots)

La question de l’implication des combattants ultranationalistes dans la guerre d’Ukraine est sensible : étayée par des faits concrets et documentée, elle est dans le même temps sans cesse instrumentalisée par la Russie de Poutine. D’où partir pour l’étudier ?

Anna Colin Lebedev

Le sujet de l’ultranationalisme en Ukraine est de ceux qui reviennent régulièrement dans l’espace médiatique, lestés de sous-entendus.  

L’Ukraine, dont la vie politique est bouleversée par la guerre, n’a pas pu organiser d’élections nationales depuis le début de l’invasion russe en février 2022. 

Même si cette interruption de cycle est parfaitement légale, en l’absence de scores électoraux, il est difficile aujourd’hui — surtout vu de l’extérieur — de saisir l’équilibre des différentes forces dans le champ politique. C’est avant tout une question de politique interne, mais qui ne manque pas de susciter dans nos pays des discours sur l’illégitimité du pouvoir en place ou sur des soubassements nationalistes du régime ukrainien qui seraient « cachés » pour ne pas ternir l’image de la résistance. L’origine de cette attention à l’ultranationalisme ou aux cycles électoraux n’est pas un effet de notre curiosité pour la politique ukrainienne : il se nourrit des tentatives répétées de Moscou de présenter le système politique ukrainien comme corrompu et notamment gangrené par des néonazis.

Même si nos sociétés ont appris à maintenir une certaine distance critique vis-à-vis des sujets proposés par Moscou, celui-ci revient régulièrement. 

Que l’on ne s’y trompe pas : poser la question est légitime et nécessaire.

Mais pour commencer à y répondre, il est moins utile de recenser et compter des cas d’individus arborant des tatouages et patchs néonazis que de regarder des dynamiques collectives de structuration des mouvements politiques extrêmes dans ces dernières décennies et leur évolution en contexte de guerre.

Bertrand de Franqueville

Si l’on remonte à la période post-indépendance des années 1990, on constate que les extrémismes — notamment ceux situés à droite de l’échiquier politique — ont certes gagné en visibilité, mais sont restés relativement marginaux.

Cette visibilité s’est accrue dans les années 2000, notamment avec l’émergence plus marquée du parti Svoboda dans le paysage politique qui a cherché à « lisser » son image radicale. Malgré cette progression, ces groupes sont demeurés minoritaires. C’est à partir de 2014, avec la révolution de Maïdan et le déclenchement de la guerre dans le Donbass, que leur insertion dans la société s’est renforcée. Des mouvements comme Patriotes d’Ukraine, qui formaient l’aile paramilitaire d’un parti politique appelé Assemblée sociale nationale, étaient déjà structurés autour de pratiques et d’expériences rappelant un univers martial. En 2014, ces groupes ont immédiatement vu dans le déclenchement de la guerre dans le Donbass une occasion de mettre en œuvre ce savoir-faire dans la défense du pays.

L’État avait alors besoin de s’appuyer sur ces forces combattantes ?

En effet, face à une armée régulière en difficulté, ils ont mobilisé leur capital militant — qu’il s’agisse de formations, d’expériences de terrain ou de pratiques violentes — et l’ont converti en engagement militaire au service de l’État ukrainien. Un peu plus tard, ces groupes ont acquis une réputation d’efficacité sur le terrain, par exemple à Marioupol, où ils n’étaient pas les seuls à combattre, mais étaient particulièrement visibles. Cela s’est ajouté très tôt à un désir d’améliorer les compétences des soldats en cherchant à faire appel à des formateurs expérimentés. Ce succès a contribué à renforcer leur image de groupes organisés, capables et combatifs, face à une armée nationale perçue comme lente, inefficace, et marquée par un héritage soviétique.

La méfiance à l’égard de l’armée ukrainienne, qui passait pour peu réactive et peu apte à assurer la protection de ses membres, a renforcé l’attrait de ces unités dites « d’élite », notamment aux yeux des volontaires souhaitant s’engager dans la défense du pays.

En se concentrant exclusivement sur la dimension militaire, le régiment Azov s’est peu à peu dépolitisé.

Bertrand de Franqueville

Anna Colin Lebedev

Dans les entretiens avec les combattants que j’ai pu conduire au cours des années de guerre dans le Donbass, la motivation à rejoindre des unités comme Azov reposait en effet largement sur cette réputation de compétence et de cohésion, et parfois sur des marqueurs symboliques de discipline, comme l’interdiction stricte de consommer de l’alcool. L’armée nationale qui était seulement en train de se réorganiser et de se réformer était perçue comme dépassée par les événements, voire archaïque.

La réputation d’Azov ne tenait donc pas principalement à son orientation idéologique — les volontaires ne s’y engageaient pas parce qu’ils partageaient nécessairement une idéologie nationaliste — mais parce que le régiment apparaissait comme une unité militaire de qualité. C’est ce qui a permis à Azov de constituer un capital symbolique fort, utilisé par la suite dans son développement dans l’espace civil.

Des soldats du régiment Azov assistent à la cérémonie annuelle de commémoration de leurs compagnons d’armes, tués lors des batailles contre les envahisseurs russes, dans la région de Rivne, en Ukraine, le jeudi 22 décembre 2022. © AP Photo/Arsen Petrov
Des milliers de soldats du régiment Azov assistent à une cérémonie viking traditionnelle, se tenant debout devant la réplique d’un navire viking Drakkar en train de brûler. © AP Photo/Arsen Petrov

Les ultranationalistes ont-ils réussi à convertir ces gains en capital politique ?

Bertrand de Franqueville

Le capital symbolique acquis au combat a été récupéré par d’anciens membres du régiment qui ont essayé de réinvestir le champ politique en s’appuyant sur leur prestige militaire.

C’est le cas, par exemple, d’Andriy Biletsky, fondateur du régiment, qui a ensuite fondé en 2016 le Corps national (Natsionalny Korpus), branche politique issue du mouvement Azov.

Mais progressivement, une distinction claire s’est établie entre la branche militaire et la branche politique du mouvement. Les individus les plus politisés, dont l’expérience militaire avait perdu son sens une fois éloignés du front, ont cherché à prolonger leur engagement sous une autre forme, en rejoignant par exemple le Corps national. Cette séparation a donné lieu à deux trajectoires : d’un côté, ceux qui restaient dans le régiment Azov et se définissaient comme militaires professionnels ; de l’autre, ceux qui quittaient l’armée pour se consacrer à la politique ou qui réintégraient la vie civile.

Cette bifurcation a eu un effet important sur l’idéologie de la branche militaire. En se concentrant exclusivement sur la dimension militaire, le régiment Azov s’est peu à peu dépolitisé.

L’adhésion au régiment ne relevait plus d’un engagement idéologique explicite, mais d’un choix opérationnel. Les nouvelles recrues cherchaient à servir l’Ukraine dans des unités perçues comme performantes. Cela ne signifie pas que les combattants n’avaient aucune opinion politique ou engagement personnel ; mais il s’est instauré une distinction nette entre l’engagement militaire, vu comme relevant de la sphère professionnelle, et l’engagement politique, considéré comme appartenant à l’espace civil.

Anna Colin Lebedev

Alors qu’on pouvait s’attendre après 2014 à une montée en puissance, notamment dans le champ électoral des groupes politiques issus de la nébuleuse Azov, elle n’a pas eu lieu. Le champ politique, divisé avant 2014 entre des partis qui regardaient plutôt vers l’Ouest, et d’autres plutôt vers la Russie, s’est reconstruit autour de clivages qui n’étaient pas plus des clivages droite-gauche. Si les combattants avaient une légitimité dans le jeu politique — les vétérans de tous bords que j’interrogeais s’amusaient des campagnes de séduction dont ils faisaient l’objet de la part des hommes politiques à l’approche de chaque échéance électorale — leur poids politique a été en définitive modeste. Surtout, le groupe vétéran ne se résumait absolument pas à ses franges plus radicales. 

Comment l’expliquer ?

Bertrand de Franqueville

Il est fondamental de distinguer la présence de ces groupes dans les mobilisations actives de la société et leur influence réelle dans le champ politique.

Entre 2014 et 2022, alors que des élections ont bien eu lieu en Ukraine, les partis d’extrême droite n’ont pas su transformer leur rôle dans la révolution du Maïdan ni leur participation au conflit du Donbass en succès électoraux. Ils sont restés essentiellement des mouvements de rue, occupant une place très marginale sur la scène institutionnelle, ne faisant qu’autour de 2 %, tous mouvements confondus, aux élections de 2019. Par ailleurs, le nombre de combattants ayant accédé à des postes politiques, notamment comme députés à la Rada, est resté relativement faible au regard de la présence de la guerre dans l’espace public.

On a observé en Ukraine une forme de dissociation entre la structuration du champ politique et celle du champ militaire. Certes, l’engagement dans la guerre pouvait constituer une clef d’entrée dans le champ politique,  l’aura ou la légitimité liée à un engagement militaire peut effectivement être revendiquée, mais elle ne détermine pas, à elle seule, l’accès aux responsabilités politiques. Le champ politique ukrainien ne se réduit pas aux questions  militaires, et demeure organisé autour d’enjeux propres – sociaux, économiques, idéologiques – qui préexistaient à la guerre.

Alors qu’on pouvait s’attendre après 2014 à une montée en puissance dans le champ électoral des groupes politiques issus de la nébuleuse Azov, elle n’a pas eu lieu.

Anna Colin Lebedev

Anna Colin Lebedev

Après 2022, on aurait pu s’attendre à un rétrécissement de la politique autour des questions liées à la guerre. 

Il n’a pas eu lieu ?

Non, le débat politique reste ouvert sur d’autres thèmes. Après une première période où toute la vie politique s’était concentrée sur la question de la survie de l’Ukraine, la société a compris que la guerre serait inscrite dans une temporalité longue. Dans ces conditions, la société ne peut pas se permettre de faire l’impasse sur des sujets politiques et sociaux.  

Des soldats du bataillon Azov lors d’un rassemblement exigeant la libération des prisonniers de guerre ukrainiens détenus en Russie, sur la place de l’Indépendance à Kiev, en Ukraine, le dimanche 28 juillet 2024. © AP Photo/Efrem Lukatsky
Hommage aux victimes du massacre de la prison d’Olenivka, Kyiv, 28 juillet 2024. © Hennadii Minchenko

Bertrand de Franqueville

Malgré l’apparente « union sacrée » née de la guerre, qui s’est traduite par une mise entre parenthèses des élections et un soutien massif au pouvoir en place, on observe toujours une persistance des divisions politiques et du débat. 

Même aujourd’hui, on constate que l’opposition veille à préserver un pluralisme politique et à garantir un maintien de débat public.

Cela vaut pour les mouvements politiques extrêmes : en dépit de l’adhésion de leurs militants à la nécessité de défendre le pays, l’extrême droite et l’extrême gauche demeurent divisées selon des lignes idéologiques traditionnelles, indépendantes de la question militaire.

Anna Colin Lebedev

Par ailleurs, ce que les chercheurs et les ONG ont observé au cours des années de guerre dans le Donbass, c’est plutôt une tendance à la diminution des crimes xénophobes et antisémites. Ces actes n’étaient certes pas inexistants, mais il n’y a pas eu d’augmentation corrélée à une montée du patriotisme ou à la diffusion de l’idée nationale ukrainienne. 

Bertrand de Franqueville

Cela dit, certains groupes politiques d’extrême droite, très radicaux, ont mené des actions violentes contre des minorités — qu’il s’agisse de minorités sexuelles, de personnes LGBTQ+, ou encore de populations roms.

Mais ces agressions tendent plutôt à délégitimer leurs auteurs dans une société qui désapprouve de plus en plus ces actes de violence extrajudiciaire, même lorsque ceux qui les commettent peuvent se prévaloir d’un passé militaire héroïque.

Si des organisations paramilitaires civiles comme la Droujyna nationale (Natsionalni Droujyny), issues des milieux d’extrême droite, ont pu exister pendant la période de la guerre dans le Donbass, leurs dérives ont été rapidement critiquées dans la société.

L’invasion à grande échelle par l’armée russe, qui a porté cette guerre dans la vie quotidienne sur tout le territoire ukrainien, a-t-elle reconfiguré les termes de cette équation politique ?

Anna Colin Lebedev

L’année 2022 marque une rupture profonde.

Toute la société ukrainienne se trouve alors engagée dans la guerre — il n’existe plus véritablement de forces politiques ou de segments de la population qui en soient restés en dehors. Cela a provoqué un retour vers l’armée de nombreux militants d’extrême droite qui avaient quitté le champ militaire pour s’impliquer dans des mouvements politiques. Andriy Biletsky, par exemple, incarne ce retour en prenant le commandement de la Troisième brigade d’assaut, issue d’Azov.

Bertrand de Franqueville

Ces individus étaient expérimentés, formés, et conscients de la probabilité d’une reprise des hostilités à grande échelle. Leur réengagement militaire ne relevait pas d’un hasard : ils avaient toujours envisagé cette éventualité et étaient prêts à reprendre les armes en cas de nécessité.

Comment cela se matérialise-t-il en pratique ?

Dès les premiers jours de l’invasion à grande échelle en 2022, des groupes issus du Corps national se sont reformés en unités combattantes. Ils ont participé à la défense de Kyiv et aux combats jusqu’à forger la Troisième brigade d’assaut. Ce retour massif au combat s’inscrit dans un mouvement plus large : une très grande partie de la société ukrainienne a pris les armes, bien au-delà des cercles nationalistes. Même à gauche, où l’on trouvait auparavant beaucoup de postures pacifistes ou antimilitaristes, de nombreux militants ont estimé qu’il s’agissait désormais d’une question de survie, et qu’il n’était plus possible de rester en retrait.

Anna Colin Lebedev

Mais comme en 2014, il faut distinguer les profils politiques des combattants des logiques de fonctionnement des brigades.

Bertrand de Franqueville

Cette remobilisation d’anciens militants d’extrême droite dans l’armée se fait en effet dans un contexte où l’engagement militaire est beaucoup plus massif : les effectifs sont bien plus importants qu’en 2014, et les nouvelles recrues sont très diverses, socialement et politiquement. 

Diriez-vous qu’on pourrait assister à une répétition du schéma observé en 2014 ?

Tout comme en 2014, beaucoup de volontaires qui rejoignent Azov ou la Troisième brigade d’assaut le font parce qu’ils recherchent des unités perçues comme efficaces et professionnelles, commandées par des vétérans expérimentés et formés au combat, attentives à la gestion des recrues.

L’image d’un leadership fiable, qui ne sacrifie pas inutilement ses soldats, joue un rôle clef dans ce choix, et Andriy Biletsky a su capitaliser dessus. L’image de ces unités a été renforcée par une campagne médiatique extrêmement bien menée, voire même une émergence d’une sous-culture propre à la Troisième brigade. 

Anna Colin Lebedev

Cette importance de la confiance dans une unité et un commandant est un des effets d’une certaine autonomie laissée aux unités militaires ukrainiennes, non seulement dans le combat, mais aussi dans la construction de leur identité que dans l’organisation de la formation ou du recrutement. À cet égard, on peut se poser la question des contours de cette identité des bridages, et le rôle qu’y joue l’idéologie. Autrement dit, les brigades dont la généalogie renvoie aux mouvements de droite extrême, diffusent-elles cette idéologie dans leur manière de faire la guerre ? 

Est-ce le cas ?

La réponse qu’on peut donner est pour l’instant partielle, et il faudrait conduire d’autres enquêtes de terrain.

On voit cependant que dans des unités comme la Troisième brigade d’assaut, l’idéologie n’est pas absente des pratiques quotidiennes. Elle est par exemple clairement visible dans la récitation rituelle de la « Prière du nationaliste ukrainien », texte qui ne comporte pas en lui-même d’appels extrémistes, mais qui était un texte de référence des mouvements nationalistes ukrainiens du XXe siècle. En revanche, à ce jour, il me semble que l’on n’observe pas, dans les actions de la brigade, de pratiques violentes telles que des attaques contre des civils sur des critères ethniques ou nationaux. La posture anti-russe est bien sûr très présente — dans toute la société ukrainienne comme dans les forces armées — mais il s’agit d’une hostilité d’ordre politique, non ethnique. 

Image promotionnelle publiée par Azov montrant des soldats sur la ligne de front en Ukraine pendant des aurores boréales, Donetsk, 11 octobre 2024. © @azov_media / Cover Images
Image promotionnelle publiée par Azov montrant des soldats sur la ligne de front en Ukraine pendant des aurores boréales, Donetsk, 11 octobre 2024. © @azov_media / Cover Images

Le crédo politique est « L’Ukraine avant toute chose », mais pas « L’Ukraine aux Ukrainiens ». Cela se comprend d’autant mieux que les profils mixtes, multilingues, ou d’origine russe sont très nombreux en Ukraine et dans les unités combattantes.  

La guerre n’est pas perçue en termes ethniques, mais bien comme un conflit entre nations.

Bertrand de Franqueville

Bertrand de Franqueville

On peut aussi rappeler que dès les débuts d’Azov, de nombreux combattants russes ou géorgiens ont été intégrés, et que la langue de communication au sein de l’unité était majoritairement le russe, simplement pour des raisons pratiques. L’ennemi n’est pas vu comme « le Russe » au sens ethnique, mais comme l’agresseur national.

Est-il possible de percevoir cette différence dans les discours sur la guerre ?

L’un de mes enquêtés m’a un jour confié que les Ukrainiens ethniques pro-russes vivant en Russie, sont désormais perçus comme des ennemis en raison de leur adhésion au discours du pouvoir russe. Cela montre que la guerre n’est pas perçue en termes ethniques, mais bien comme un conflit entre nations : l’Ukraine se défend face à une agression étrangère.

Cette grille de lecture nationale est très largement partagée, aussi bien dans la société que dans les forces armées ukrainiennes. C’est une vision que j’ai retrouvée dans de nombreuses unités, y compris à l’extrême gauche.

Anna Colin Lebedev

Cela étant dit, un enjeu persistant pour l’Ukraine, notamment sur la scène internationale, concerne certaines références historiques problématiques. 

Vous faites référence à Bandera ?

En effet, le maintien parmi les figures de référence des personnalités issues des mouvements ultranationalistes du XXe siècle, comme Stepan Bandera, continue de susciter des controverses. Or pour certains Ukrainiens très actifs aujourd’hui dans la défense du pays, et dont les trajectoires politiques s’inscrivent dans cette généalogie nationaliste, il est inconcevable de renoncer à de telles figures. Ils les considèrent comme des symboles de la lutte pour l’identité nationale, des repères essentiels et légitimes à leurs yeux.

Le pouvoir ukrainien, aujourd’hui, semble peu disposé à exiger de ses combattants, notamment ceux liés à des milieux nationalistes, des gestes de repentance ou un renoncement symbolique à ces figures historiques.

Bertrand de Franqueville

L’usage des symboles relève autant d’un réflexe identitaire ou émotionnel que d’une lecture politique structurée. Ce sont des marqueurs de ralliement, de résistance ou d’unité, dont le sens peut évoluer selon les circonstances. Même des personnes peu politisées peuvent les adopter, parfois simplement pour s’adapter à un contexte social ou culturel, sans en percevoir toutes les dimensions historiques. C’est ce décalage entre le symbole et sa charge historique qui rend la situation si difficile à appréhender, notamment dans une période où l’Ukraine lutte pour sa survie et mobilise toutes les ressources de son récit national.

Anna Colin Lebedev

La figure de Bandera est mobilisatrice pour de nombreux Ukrainiens car elle incarne la lutte pour l’indépendance, en particulier face à une Russie qui, historiquement, a diabolisé cette figure dans son récit national. Ce personnage a ainsi été transformé en symbole négatif par l’historiographie soviétique, et cette stigmatisation continue aujourd’hui dans le discours russe. En réaction, des Ukrainiens se réapproprient cette figure, parfois de manière provocatrice. Dès 2014, on voyait, par exemple, des combattants d’origine juive arborer des t-shirts avec l’inscription « judéo-bandériste », un slogan volontairement paradoxal qui visait à défier les accusations russes. Cette réappropriation symbolique ne signifie pas pour autant une adhésion consciente et complète à l’idéologie historique portée par Bandera. 

Avez-vous trouvé des exemples de cette dérivation d’une grammaire nationaliste vers un contenu politiquement moins chargé, voire neutre ?

Oui : ce phénomène touche aussi par exemple des slogans comme « Gloire à l’Ukraine, gloire aux héros », dont l’ancrage dans l’histoire ultranationaliste est souvent ignoré. Aujourd’hui, ces expressions sont largement reprises dans des contextes très éloignés de leur sens d’origine.

Bertrand de Franqueville

Il faut en effet éviter de projeter une lecture trop homogène ou trop idéologisée sur la population ukrainienne. 

Anna Colin Lebedev, vos recherches portent notamment sur la manière dont la guerre transforme les sociétés  : quelle place pourraient prendre à votre avis ces brigades et leurs leaders dans l’après-guerre ?

Anna Colin Lebedev

Pour penser cette question, on pourrait pour commencer se demander quelle a été la place des combattants dans le champ politique entre 2015 et 2022, dans les années de guerre enlisée : elle était plutôt modeste. 

Cependant,  je me demande si, dans l’Ukraine de demain, au vu de l’intensité de la guerre, mais aussi de l’importance du positionnement stratégique face à la Russie, désormais perçue comme une menace durable, le capital combattant ne serait pas facilement convertible en capital politique.

Bertrand de Franqueville

Ce capital combattant, c’est-à-dire la légitimité conférée par l’expérience du combat, pourrait devenir un des principaux leviers d’accès au pouvoir. C’est ce raisonnement qui a également motivé des groupes situés à l’extrême gauche à s’impliquer militairement dès 2022 : ils savaient que leur légitimité politique future passerait aussi par leur participation à l’effort de guerre.

Cependant, il reste difficile de prédire l’importance qu’auront ces groupes dans l’après-guerre.

Cela dépendra de leur capacité à se reconvertir dans le champ civil et il n’est pas certain que la pratique de la violence comme mode d’action politique soit reconnue légitime. 

D’autant que l’après-guerre ne sera pas uniquement structuré par les enjeux de sécurité ou de défense, mais aussi — et peut-être surtout — par les attentes sociales, économiques et politiques de la population. Or les mouvements issus du champ militaire risquent de buter sur ces attentes, qu’ils ont parfois peu intégrées. Rien ne garantit, donc, que ce discours militaire et nationaliste trouvera un écho massif dans l’Ukraine de demain.

Enfin, il faut garder à l’esprit qu’un pays sortant d’un conflit de cette ampleur peut aussi exprimer une forme de lassitude face au discours militaire omniprésent, et aspirer à un retour à la normalité, à la reconstruction et à une forme de paix sociale. Dans ce contexte, l’extrême droite devra trouver le moyen de capter ces aspirations, ce qui n’est pas gagné. 

Un prêtre prie devant le cercueil d’Oleksandr Grianyk du régiment Azov, tué le 8 mai en défendant Mariupol contre les Russes, lors de la cérémonie funéraire dans la cathédrale Saint-Michel, Kiev, samedi 14 janvier 2023. © AP Photo/Efrem Lukatsky
Une femme se recueille devant le cercueil d’Oleksandr Grianyk, sur lequel figure l’emblème d’Azov. © AP Photo/Efrem Lukatsky

Anna Colin Lebedev

Cela étant, une autre inquiétude revient souvent dans nos débats lorsqu’on évoque  la place des nationalistes dans l’armée ukrainienne : la possibilité qu’ils s’appuient sur une base large de vétérans — potentiellement traumatisés, insatisfaits ou en rupture — pour nourrir des mouvements protestataires, voire insurrectionnels. 

Bertrand de Franqueville

C’est ce qu’avait bien compris le Corps National : sa force a été de créer un espace de reconversion pour les vétérans, en leur proposant une continuité dans l’engagement, sous une autre forme — politique cette fois. Ils ont su mobiliser cette base. Mais il est important de noter que tous les vétérans ne se sont pas retrouvés dans cette orientation. Certains ont quitté le mouvement, en désaccord avec ses choix politiques. Car les anciens combattants ne forment pas un bloc homogène : ils conservent leur propre agentivité, leurs attentes, leurs désillusions aussi. Cela souligne que cette question de la reconversion politique des combattants ne concerne pas que l’extrême droite, mais traverse l’ensemble du spectre idéologique.

Plus largement, quel pourrait être l’avenir de ces mouvements ?

Anna Colin Lebedev

Il y a une dynamique que nous avons observée entre 2015 et 2022, et dont on peut se demander si elle ne va pas se reproduire à la fin de cette phase de guerre de haute intensité. Lorsque le sentiment de résistance nationale devient largement partagé dans la société, il cesse d’être l’apanage de certains courants politiques, notamment ceux situés à l’extrême droite. Dans ce contexte, ces mouvements perdent une partie de leur spécificité, et leur différenciation passe alors par une radicalité politique accrue – une radicalité qui, justement, ne trouve pas nécessairement d’écho dans la population. Ce n’est pas la dimension xénophobe, extrémiste ou anti-LGBT qui est validée par la société, mais bien l’idée de nation, de patrie, de défense collective, rendue légitime par l’agression russe. Ce socle patriotique est aujourd’hui largement accepté en Ukraine.

Bertrand de Franqueville

J’ai même rencontré des militants de gauche, voire d’extrême gauche, qui partagent cette posture défensive. Leur discours ne se revendique pas nécessairement d’un vocabulaire nationaliste explicite, mais ils reconnaissent la nécessité de défendre le pays, parfois au nom d’une simple survie collective. Il s’agit d’un nationalisme défensif, perçu comme un mal nécessaire : il ne s’agit pas d’exclure ou de dominer, mais de se protéger. Ce discours de défense traverse aujourd’hui l’ensemble du spectre politique ukrainien. Le résultat, c’est que l’extrême droite ne peut plus revendiquer le monopole du patriotisme ou de la défense nationale. Elle est en quelque sorte « désexceptionnalisée » sur ce terrain. Et dans ce nouveau contexte, son extrémisme risque de dissoner avec l’état d’esprit général. Ce serait une forme de marginalisation similaire à celle observée après l’indépendance de l’Ukraine, lorsque le discours nationaliste avait cessé d’être exclusivement associé à l’extrême droite.

02.07.2025 à 12:13

La suspension d’une partie de l’aide militaire américaine à Kiev pourrait durement impacter les capacités de défense ukrainiennes

Marin Saillofest

Parmi les armements et munitions dont les livraisons à l’Ukraine ont été suspendues hier, mardi 1er juillet, par le Pentagone, figurent plusieurs systèmes utilisés quotidiennement par l’armée ukrainienne pour repousser les attaques de drones russes. Ces derniers incluent notamment des intercepteurs Patriot ainsi que des lance-missiles Stinger.

Si cette « pause » décidée par le Pentagone venait à se transformer en un arrêt prolongé voire définitif des livraisons, les capacités d’interception de Kiev seraient durement impactées.

L’article La suspension d’une partie de l’aide militaire américaine à Kiev pourrait durement impacter les capacités de défense ukrainiennes est apparu en premier sur Le Grand Continent.

Texte intégral (937 mots)

Hier, mardi 1er juillet, le département de la Défense américain a annoncé avoir « mis en pause » certaines livraisons d’armes et munitions destinées à l’Ukraine. Cette décision aurait été prise suite à un examen des stocks de l’armée américaine, qui aurait atteint des niveaux jugés trop faibles pour certains systèmes.

  • Le Pentagone n’a pas fourni la liste des armes qui seraient impactées par cette pause, ni le nombre d’unités qui auraient initialement dû être livrées.
  • Selon le Wall Street Journal, sont concernées des livraisons qui se trouvaient en Pologne au moment de la décision et qui contenaient des missiles intercepteurs pour les systèmes Patriot, des missiles air-sol Hellfire, des missiles sol-air Stinger ainsi que des munitions air-air AIM notamment tirées par les F-16 ukrainiens 1.
  • D’autres publications font également mention de plusieurs milliers d’obus d’artillerie de 155mm, plus de 250 roquettes GMLRS ainsi que des lance-roquettes AT4 2.

Une part importante de ces munitions, notamment les missiles intercepteurs utilisés par les Patriot ainsi que les lance-missiles Stinger, sont utilisés quotidiennement par l’armée ukrainienne pour lutter contre les frappes de drones russes. Si cette « pause » décidée par le Pentagone venait à se transformer en un arrêt prolongé voire définitif des livraisons, les capacités d’interception de Kiev seraient durement impactées. 

  • Il s’agit de la deuxième fois en l’espace de quelques semaines que le département de la Défense ordonne de suspendre partiellement l’aide militaire à l’Ukraine.
  • Au début du mois de juin, Washington avait discrètement informé le Congrès de sa décision de rediriger de l’Ukraine vers ses forces au Moyen-Orient des kits de guidage laser APKWS utilisés par Kiev pour abattre des drones Shahed 3.
  • Dans les deux cas, l’administration Trump est susceptible de violer une nouvelle fois l’Impoundment Control Act de 1974, une loi qui vise à empêcher le président de bloquer ou de retarder l’allocation de financements autorisés par le Congrès. Le Government Accountability Office a accusé le 16 juin la Maison-Blanche d’avoir violé ce texte à deux reprises 4.
  • L’argument vraisemblablement avancé par Washington, et formulé auprès de médias américains par le sous-secrétaire à la Défense Elbridge Colby, l’artisan de la décision, consiste à faire valoir une certaine flexibilité dans les équipements livrés en cas de stocks jugés insuffisants pour assurer la défense des États-Unis.
  • Le département de la Défense pourrait potentiellement invoquer la section 831 du National Defense Authorization Act pour l’année fiscale 2024.

Cette suspension intervient alors que les frappes aériennes de drones russes contre l’Ukraine se sont considérablement intensifiées ces dernières semaines. L’armée russe a lancé près de 5 000 drones contre l’Ukraine en juin, soit 15 fois plus qu’au cours de la même période en 2024. En conséquence, le taux d’interception par Kiev est en baisse : celui-ci se situait juste au-dessus de 50 % en juin, alors qu’il était en moyenne supérieur à 80 % en 2023-2024.

Sources
  1. U.S. Halts Key Weapons for Ukraine in New Sign of Weakening Support for Kyiv », The Wall Street Journal, 1er juillet 2025.
  2. Pentagon halts weapons shipment to Ukraine amid concerns over U.S. stockpile », NBC News, 2 juillet 2025.
  3. США перенаправили компоненти до APKWS обіцяні Україні на Близький Схід – WSJ », Мілітарний, 5 juin 2025.
  4. Institute of Museum and Library Services—Applicability of the Impoundment Control Act to Reduction of Agency Functions, U.S. Government Accountability Office, 16 juin 2025.

02.07.2025 à 10:35

Comment taxer les ultrariches ? Cadrer le débat sur l’impôt plancher

Matheo Malik

Adoptée à l’Assemblée, rejetée pour l’instant au Sénat : le parlement votera-t-il la « taxe Zucman » qui prévoit une imposition minimale sur le patrimoine des ultrariches en France ?

Depuis qu’elle est débattue, le constat sur lequel repose cette proposition — les milliardaires sont moins imposés que les Français en moyenne — a suscité de multiples objections, d’ordre économique et politique.

Son inspirateur, l’économiste Gabriel Zucman, y répond en détail.

L’article Comment taxer les ultrariches ? Cadrer le débat sur l’impôt plancher est apparu en premier sur Le Grand Continent.

Texte intégral (4306 mots)

L’Assemblée nationale a voté en février la création d’un impôt plancher soumettant les contribuables possédant plus de 100 millions d’euros de patrimoine à une taxe minimale égale à 2 % de leur fortune 1. Bloqué pour le moment par le Sénat, ce texte devrait revenir très vite dans la discussion parlementaire 2. Il est en effet désormais clair que l’imposition des ultra-riches a un rôle à jouer dans la résolution de l’équation budgétaire de la France, du simple fait des masses en jeu : la richesse des 500 plus grandes fortunes recensées par le magazine Challenges avoisine aujourd’hui l’équivalent de 40 % du PIB 3, contre 6 % en 1996, première année du classement. 

À mesure que le débat monte en puissance, les adversaires de l’impôt plancher se mobilisent — et cela va continuer.

La première salve a été tirée sur le réseau social X (ex-Twitter) par les économistes Sylvain Catherine, François Geerolf et Antoine Lévy qui prétendent remettre en cause le constat selon lequel les milliardaires sont nettement moins imposés que la moyenne des Français 4.

Leurs arguments sont infondés.

52 % vs. 26 % : des chiffres incontestables 

Rappelons les faits. Les Français s’acquittent en moyenne de 52 % de leurs revenus en impôts et cotisations sociales, tous prélèvements compris. Nul mystère à cela : il s’agit du montant total de prélèvements obligatoires collecté par la puissance publique 5, rapporté au revenu national net de la France — c’est-à-dire à l’ensemble des revenus touchés par les Français, quelle que soit leur nature : salaires, intérêts, revenus tirés de la détention d’entreprise, etc. Ces deux montants, publiés par tous les organismes statistiques internationaux (OCDE, Eurostat, etc.), sont incontestables. 

Pour 1 euro gagné par les milliardaires, 26 centimes environ vont aux charges communes, contre 52 centimes pour un euro gagné par un Français moyen.

Gabriel Zucman

Ce niveau d’imposition relativement élevé correspond à nos choix de société en matière d’éducation, de santé, de retraites et de solidarité nationale. Des choix dont il faut se réjouir, car tout laisse à penser qu’ils ont eu un rôle décisif dans la croissance considérable de la productivité depuis un siècle, l’avènement d’une société plus égalitaire et le progrès de la démocratie.

Pour les milliardaires, cependant, le taux de prélèvements obligatoires s’effondre à 26 % environ tout compris. Chacun peut à nouveau le vérifier en consultant l’étude de l’Institut des Politiques Publiques sur le sujet 6, menée en partenariat avec l’administration fiscale, dont l’objectivité et la rigueur sont reconnues. 

Concrètement, cela signifie que pour 1 euro gagné par les milliardaires — quelle que soit la façon dont cet euro est perçu — 26 centimes environ vont aux charges communes, contre 52 centimes pour un euro gagné par un Français moyen. 

52 % contre 26 %  : la réalité ne pourrait pas être plus simple ni plus limpide. Comment donc la nier  ? Il faut pour cela soit contester le taux de 52 %, soit réfuter celui de 26 %, soit prétendre que ces deux taux ne peuvent pas être comparés l’un à l’autre. 

Ce serait  peine perdue car ces deux chiffres sont à la fois exacts — au-delà des marges d’erreurs inhérentes à toute statistique économique, qui en l’occurrence sont faibles — et comparables. 

Comprendre le taux d’imposition moyen

Commençons par les arguments avancés pour contester le taux moyen de 52 %. 

Ils sont de trois types et consistent soit à ignorer certains prélèvements, soit à soustraire des impôts payés les dépenses publiques perçues, soit à remettre en cause le calcul du revenu utilisé au dénominateur de ce taux. Ces arguments méritent d’être entendus, afin que chacun puisse comprendre  leur faiblesse.

Pourquoi exclure certains prélèvements n’a pas grand sens

Sans surprise, on peut réduire le taux moyen de 52 % en sortant certains prélèvements du champ des prélèvements obligatoires. Si l’on exclut par exemple les cotisations retraites, alors le taux d’imposition du Français moyen tombe à 41 % environ. Si l’on oublie en plus la TVA, alors ce dernier tombe à 32  %. En grignotant assez, on peut finir par tomber sous les 26 %.

Mais ces soustractions n’ont guère de justification.

Il n’y a en effet pas de raison valable d’exclure tel prélèvement ou tel autre, pas même les cotisations retraite. Tous les organismes statistiques du monde les y incluent et les économistes conservateurs le font évidemment toujours eux-mêmes quand il s’agit de dénoncer le poids de l’impôt en France. Les cotisations retraite sont certes associées à des transferts, mais c’est le cas pour tous les impôts et toutes les cotisations : la puissance publique ne brûle pas l’argent qu’elle collecte, fort heureusement, mais le dépense — en pensions de retraites, services de santé et d’éducation, etc.

Il y a des différences de degré — certains prélèvements, comme les cotisations retraite, sont plus directement associés à des transferts individuels que d’autres — mais pas de nature. Tous ces prélèvements s’imposent aux ménages, qu’ils les approuvent ou non, et le lien entre prélèvements et transferts n’est jamais parfait — même pour les retraites, loin s’en faut.

L’approche suivie par les chercheurs qui s’intéressent à la distribution des taxes — depuis les travaux pionniers de Gerhard Colm et Helen Tarasov aux États-Unis dans les années 1940 7 — consiste donc à inclure tous les prélèvements, car c’est la démarche qui minimise l’arbitraire statistique. Et c’est bien ce que fait l’INSEE dans ses propres Comptes nationaux distribués, qui montrent que toutes les catégories sociales — à l’exception des ultra-riches, non couverts par la statistique publique — paient entre 40 % et 55 % de leurs revenus en impôts et cotisations. 

À nouveau, nul mystère là-dedans  : cela reflète l’importance de la TVA, des cotisations sociales et de la CSG/CRDS, qui pèsent lourd pour tous les déciles de la distribution des revenus.

Soustraire les dépenses publiques : un raisonnement trompeur

Deuxième technique pour réduire le taux de 52 % : soustraire les dépenses publiques, ou certaines d’entre elles, du montant d’impôt payé.

Cette stratégie consiste concrètement à remplacer l’analyse de la progressivité du système fiscal — l’ensemble des prélèvements obligatoires perçus par un État — par celle du caractère redistributif ou non de l’intervention de l’État dans l’économie — taxes plus dépenses publiques. Autrement dit, à déplacer l’attention de la question des impôts vers celle de la dépense. Les milliardaires paient peu d’impôt  ? « Oui, mais les catégories plus modestes bénéficient de la solidarité nationale  ! ». Les dépenses publiques étant nettement plus progressives que les prélèvements obligatoires — pour schématiser, les impôts sont proportionnels au revenu, là où les dépenses s’approchent davantage d’une somme forfaitaire par tête — ce déplacement de l’analyse conduit évidemment à altérer complètement le tableau d’ensemble.

Il ne s’agit en partie que d’un écran de fumée rhétorique, car taxes et dépenses publiques constituent des objets distincts. La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen pose le principe de l’égalité devant les charges publiques en son article 13 mais ne dit rien au sujet de la distribution de la dépense par exemple. La question de l’égalité devant l’impôt est au cœur du contrat social depuis la Révolution française, et tout démontre que la distribution des prélèvements obligatoires — indépendamment de la façon dont ces derniers sont utilisés — joue un rôle fondamental dans la cohésion sociale et la confiance dans les institutions.

La prise en compte des dépenses va néanmoins un peu au-delà du simple tour de passe-passe sémantique.

Dans l’approche économique de base, il n’existe en effet aucune différence entre un impôt et un transfert monétaire, formalisé comme un impôt négatif. Quand il s’agit d’expliquer les choix individuels — d’offre de travail, par exemple — c’est le montant d’impôt payé net des transferts perçus qui constitue la variable pertinente dans les modèles micro-économiques. 

La question de l’égalité devant l’impôt est au cœur du contrat social depuis la Révolution française, et tout démontre que la distribution des prélèvements obligatoires joue un rôle fondamental dans la cohésion sociale et la confiance dans les institutions. 

Gabriel Zucman

Cette perspective a de réelles limites  : en pratique, les ménages ne perçoivent pas les transferts comme des impôts négatifs, et cela pour de bonnes raisons : par exemple parce que les taxes sont déduites immédiatement, là où les transferts sont souvent payés avec un décalage et un certain degré d’incertitude — n’importe qui ayant eu affaire à la CAF a pu en faire l’expérience. 

Mais prenons néanmoins au sérieux l’approche qui soustrait les transferts des impôts payés.

On constate que l’injustice fiscale demeure : même en retirant tous les transferts monétaires qu’on peut assimiler à un impôt négatif (prime d’activité, allocations familiales, assurance chômage, aides au logement, revenu de solidarité active, etc.), les milliardaires continuent à payer nettement moins d’impôts et cotisations (26 %) que le Français moyen — 45 % net de toutes les prestations famille, emploi, logement, pauvreté et exclusion sociale 8 — et bien moins que la plupart des déciles de la distribution. 

On peut bien sûr continuer à grignoter : en soustrayant en outre les dépenses de retraite, le taux de prélèvements obligatoires net de transferts tombe à 28 % pour le Français moyen (ce qui reste supérieur au taux des milliardaires) ; et si l’on enlève tout le reste (santé, éducation, police, défense, justice, etc.), le taux moyen tombe sous la barre des 0 % : en l’occurrence — 6 %, c’est-à-dire le niveau du déficit public. Cette arithmétique n’est pas inintéressante — j’y ai moi-même contribué en participant à produire la première analyse de la distribution de l’ensemble des dépenses publiques américaines 9. Elle a le grand mérite de rappeler que la dépense publique réduit fortement les inégalités, ce dont il faut se réjouir – c’est bien pour cela que la question de l’impôt, qui permet cette dépense, est si importante à mes yeux. Les ménages les plus pauvres sont bénéficiaires nets de la redistribution — les dépenses publiques dont ils bénéficient sont supérieures aux prélèvements dont ils s’acquittent — et c’est heureux.

Mais tout cela n’enlève rien au problème de base, à savoir que le système fiscal français échoue à faire contribuer les milliardaires aux charges communes.

Même net des transferts perçus, ces derniers paient moins que les contribuables situés en dessous d’eux — les cadres supérieurs, pour simplifier. Sur ce point, tout le monde est d’accord. Or c’est le coeur du problème, car cet échec pose un problème évident  : comment mettre à contribution les personnes aisées — ce qui, compte tenu de l’ampleur des déficits et de nos besoins d’investissement, est essentiel — tant que les ultra-riches se soustraient à la solidarité nationale  ? C’est précisément le problème économique et politique fondamental que l’impôt plancher sur les ultra-riches vise à résoudre.

Le calcul du revenu moyen et ses pièges

Une troisième technique est mobilisée pour nier le taux d’imposition moyen de 52 %  : contester la mesure du revenu, c’est-à-dire du dénominateur de ce taux. 

A priori, c’est peine perdue : personne ne peut contester que le revenu national net de la France — c’est-à-dire le PIB net de la dépréciation du capital et après ajout des revenus nets de l’étranger, soit l’ensemble des revenus perçus par les Français quelle que soit la façon dont ils le touchent — s’élève à 2 440 milliards d’euros en 2024, chiffre que chacun peut calculer en utilisant la comptabilité nationale de l’Insee 10.

Les choses se compliquent quand il s’agit de calculer le revenu national des différents groupes sociaux. Dans la littérature académique sur la comptabilité nationale distribuée, les taux d’imposition sont typiquement exprimés en pourcentage du revenu national après prise en compte des pensions de retraite et de l’assurance chômage, mais avant intégration des autres prestations sociales (allocations familiales, revenu de solidarité active, etc.). Cela pose un problème conceptuel : un individu qui ne percevrait que des minima sociaux se verrait attribuer un taux d’imposition infini — car il s’acquitterait de la TVA sur un revenu nul.

Les économistes qui se sont exprimés sur X crient au scandale : pour eux c’est la preuve que les chiffres sont biaisés.

Ils semblent ignorer que de nombreux chercheurs se sont penchés avant eux sur le sujet y ont apporté des réponses claires. L’Insee, par exemple, ajoute les prestations sociales au revenu pour le calcul des taux d’imposition, et trouve que tous les vingtiles de la distribution paient entre 40 % et 55 % de leurs revenus en impôts et cotisations (voir à nouveau la figure reproduite supra). D’autres approches sont possibles — la méthode idéale soustrait des prestations sociales la fraction de celle-ci qui est absorbée par la TVA 11 — et conduisent à des résultats similaires.

Comment calcule-t-on le taux d’imposition des milliardaires ?

Reste enfin la contestation du taux de 26 % acquitté par les ultra-riches, obtenu par l’Institut des Politiques Publiques dans son étude « Quels impôts les milliardaires paient-ils ? » 12.

Comme le titre l’indique, le but de ce travail était d’estimer les taux effectifs d’imposition des plus grandes fortunes  ; ses auteurs se sont donc logiquement concentrés sur les impôts payés par ces dernières  : impôt sur le revenu, CSG/CRDS, impôt sur les sociétés, ISF (l’étude porte sur 2016, avant son abolition) et cotisations sociales non-contributives. La TVA, les cotisations retraite, la taxe d’habitation et la taxe foncière sont exclues du champ de l’analyse, car ces impôts sont infimes relativement au revenu des milliardaires — même la TVA, les milliardaires ne consommant qu’une toute petite fraction de leur revenu. Cela explique que le taux moyen d’imposition dans l’étude de l’IPP soit inférieur à 52  %. Une fois que les autres prélèvements sont réintégrés, le taux moyen redevient de l’ordre de 52  % sans que celui des milliardaires n’augmente significativement pour autant. 

Quand on prend en compte l’ensemble des prélèvements obligatoires, en suivant les définitions standard et universellement acceptées de ces termes, un écart d’imposition béant existe bel et bien entre les super-riches et le Français moyen.

Gabriel Zucman

À tout prendre, le taux de 26 % estimé par l’IPP est en réalité trop élevé, car il porte sur l’année 2016. Or l’essentiel des 26 % provient de l’impôt sur les sociétés, et depuis 2016 le taux nominal de ce dernier est passé en France de 33 % à 25  %. De plus, une grande partie de l’impôt sur les sociétés acquitté par les milliardaires français — à travers les sociétés qu’ils détiennent, L’Oréal, LVMH, etc. — est payée non pas en France mais à l’étranger, en particulier aux États-Unis. Or ces derniers ont également vu leur impôt sur les sociétés fondre, passant de 35 % à 21 % en 2018.

Tout porte donc à croire qu’une actualisation des chiffres de l’IPP conduirait donc à un taux plus faible.  

La pertinence d’une comparaison : oui, les milliardaires paient bien moins

Si les milliardaires français ne paient pas beaucoup d’impôt aujourd’hui, alors peut être en paieront-ils à l’avenir, par exemple au moment de futures distributions de dividendes  ?

Ce serait un petit lot de consolation, mais hélas cet argument est lui aussi erroné.

D’abord parce que si certains milliardaires s’acquittaient véritablement d’impôts élevés à un moment de leur cycle de vie, alors cela devrait se refléter dans le plan de coupe étudié par l’IPP. Ensuite parce qu’il n’y aucune raison de penser que les milliardaires débourseront des sommes importantes à quelque moment que ce soit. 

Leur principale technique d’optimisation consiste en effet à toucher des dividendes par l’intermédiaire de sociétés holding familiales, où ces dividendes ne sont pas fiscalisés. Les sommes ainsi perçues sont pour l’essentiel épargnées et réinvesties  : elles n’ont pas besoin d’être sorties des structures, car elles sont considérablement supérieures aux besoins de consommation individuelle des personnes concernées. Bien sûr l’épargne ainsi réalisée au sein des holdings augmente d’autant la valeur de ces dernières, créant de ce fait une plus-value latente. Mais cette plus-value est  effacée au moment des transmissions intergénérationnelles, ce qui garantit que ni les milliardaires eux-mêmes, ni leurs descendants n’auront à payer d’impôt sur le revenu sur les sommes correspondantes. 

La conclusion est claire  : quand on prend en compte l’ensemble des prélèvements obligatoires, en suivant les définitions standard et universellement acceptées de ces termes, un écart d’imposition béant existe bel et bien entre les super-riches et le Français moyen.

Bien sûr, si l’on enlève de l’analyse les plus gros impôts payés par les ménages modestes (TVA, cotisations sociales), alors l’écart se réduit. De même que si l’on ajoute aux impôts payés aujourd’hui par les milliardaires ceux qu’ils paieront (ou plutôt ne paieront pas) dans le futur.

Mais si l’on se contente plus rigoureusement de quantifier ce qui est effectivement payé par les différentes catégories sociales — tout ce qui est payé, mais rien que ce qui est payé — on retombe sur une vérité simple et limpide  : quelle que soit la façon dont on aborde le sujet, les ultra-riches sont nettement moins imposés que le reste de la population française dans son ensemble.

Sources
  1. Proposition de loi, n° 768 – 17e législature, Assemblée nationale.
  2. La « taxe Zucman » sur le patrimoine des ultrariches a été rejetée par le Sénat », Le Monde, 12 juin 2025.
  3. Les 500 plus grandes fortunes de France en 2024, Challenges.
  4. Nous partageons le constat qu’un impôt plancher sur les grandes fortunes est le plus efficace face à l’inégalité fiscale », Le Monde, 11 juin 2025.
  5. Taux de prélèvements obligatoires rapportés au produit intérieur brut, Insee.
  6. Quels impôts les milliardaires paient-ils ? », Note de l’IPP, juin 2023.
  7. Who Pays the Taxes ? Allocation of Federal, State, and Local Taxes to Consumer Income Brackets, U.S. Government Printing Office, 1940.
  8. Les dépenses de protection sociale accélèrent en 2023 en France, Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques.
  9. Distributional National Accounts : Methods and Estimates for the United States », The Quarterly Journal of Economics, vol. 133, Issue 2, mai 2018.
  10. Produit Intérieur Brut (PIB) et grands agrégats économiques en 2024, Les comptes de la Nation en 2024, Insee.
  11. cet article.
  12. Quels impôts les milliardaires paient-ils ? », Note de l’IPP, juin 2023.

02.07.2025 à 08:27

À partir d’aujourd’hui, nous sommes plus proches de 2050 que de 2000

Marin Saillofest

À midi et une seconde aujourd’hui, mercredi 2 juillet, l’humanité se trouvera plus proche de la fin de 2050 que de l’an 2000.

Ce futur qui paraît encore si lointain et incertain sera ainsi plus proche d’un passé qui, pour certains — nous en sommes sûrs —, n’est pas encore vraiment passé.

L’article À partir d’aujourd’hui, nous sommes plus proches de 2050 que de 2000 est apparu en premier sur Le Grand Continent.

Lire plus (413 mots)

L’humanité s’apprête à franchir aujourd’hui un seuil très symbolique. À midi et une seconde, nous serons plus proches de la fin de l’année 2050 que de l’an 2000.

  • Entre le premier janvier 2000 et le 1er janvier 2050, il y a 18 263 jours en tenant compte de treize années bissextiles.
  • La moitié de cette période correspond à 9 131 jours et 12 heures.
  • Le point médian tombe donc précisément ce mercredi à midi pile.

Ce futur qui paraît encore si lointain et incertain sera ainsi plus proche d’un passé qui, pour certains, n’est pas encore vraiment passé. 

Au cours des 25 dernières années, l’humanité a pourtant connu de nombreuses transformations majeures, dont les grandes lignes peuvent être résumées en quelques chiffres clefs.

  • Seulement 6,7 % de la population mondiale utilisait Internet en 2000, contre 67,4 % aujourd’hui. Dans l’Union, ce chiffre est passé de 19,7 % à 90,2 %.
  • Tous les réseaux sociaux que nous utilisons chaque jour ont été créés après 2000 : Facebook (2004), YouTube (2005), Twitter/X (2006), Instagram (2010), TikTok (2016)… Il en est de même pour les services de streaming, comme Netflix ou Spotify.
  • Les premiers smartphones datent de 2007, avec l’Iphone de première génération, tandis que les ordinateurs personnels n’ont été commercialisés à large échelle qu’à partir de la fin des années 1990.
  • En 2000, le PIB de la Chine en dollars constants était inférieur à celui de l’Allemagne. Aujourd’hui, il est près de cinq fois supérieur.
  • Le trafic aérien mondial a plus que doublé en l’espace de 25 ans, et culmine aujourd’hui à 130 000 vols par jour.
  • La manière dont nous voyageons et appréhendons l’espace a elle aussi été bouleversée par l’émergence de compagnies low-cost et des réservations en ligne.
  • Les premières voitures électriques modernes, les cryptomonnaies et la blockchain, les vaccins à ARN messager, l’impression 3D, les objets connectés, les drones grand public, les banques numériques, les QR codes ou encore le paiement sans contact n’existaient pas avant l’an 2000 — ou, du moins, n’étaient pas disponibles à grande échelle.
5 / 5

 

  GÉNÉRALISTES
Ballast
Fakir
Interstices
Lava
La revue des médias
Le Grand Continent
Le Monde Diplo
Le Nouvel Obs
Lundi Matin
Mouais
Multitudes
Politis
Regards
Smolny
Socialter
The Conversation
UPMagazine
Usbek & Rica
Le Zéphyr
 
  Idées ‧ Politique ‧ A à F
Accattone
Contretemps
A Contretemps
Alter-éditions
CQFD
Comptoir (Le)
Déferlante (La)
Esprit
Frustration
 
  Idées ‧ Politique ‧ i à z
L'Intimiste
Jef Klak
Lignes de Crêtes
NonFiction
Nouveaux Cahiers du Socialisme
Période
Philo Mag
Terrestres
Vie des Idées
 
  ARTS
Villa Albertine
 
  THINK-TANKS
Fondation Copernic
Institut La Boétie
Institut Rousseau
 
  TECH
Dans les algorithmes
Framablog
Goodtech.info
Quadrature du Net
 
  INTERNATIONAL
Alencontre
Alterinfos
CETRI
ESSF
Inprecor
Journal des Alternatives
Guitinews
 
  MULTILINGUES
Kedistan
Quatrième Internationale
Viewpoint Magazine
+972 mag
 
  PODCASTS
Arrêt sur Images
Le Diplo
LSD
Thinkerview
 
Fiabilité 3/5
Slate
Ulyces
 
Fiabilité 1/5
Contre-Attaque
Issues
Korii
Positivr
Regain
🌞