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10.10.2022 à 20:00
Enjamber la peur, sur le soulèvement en Iran - Chowra Makaremi
Un peu plus de trois semaines après le début des soulèvements à la suite du meurtre de Masha Amini, Kurde d’Iran, la situation suscite espoirs et peurs. Alors que le guide Suprême est demeuré étonnamment silencieux, la jeunesse iranienne continue à protester avec une vitalité déconcertante : manifestations spontanées et éclaires, opérations coup de poings, danses, chants, exposant au monde un désir impatient de liberté qu’aucune peur ou répression ne sauraient pour le moment contenir.
Les informations sur la situation demeurent rares en raison des coupures d’Internet et de la surveillance. Les intellectuels spécialistes de l’Iran semblent observer une certaine réserve. De fait, personne n’ose vraiment nommer ce qui est en train d’arriver : s’agit-il d’une révolte supplémentaire qui creuse encore davantage la défiance à l’égard du régime ou assistons-nous, 40 ans après l’avènement de la République Islamique, à une révolution initiée par les femmes et la jeunesse ?
Chowra Makaremi nous aide à lire la situation en Iran en la mettant en perspective avec les révoltes de 2009, 2017-2018 et 2019. Elle propose une analyse d’une finesse rare sur la société iranienne, sur son passé récent et sur la nouveauté qu’inaugure la jeunesse iranienne dans les rues du pays entier depuis le 16 septembre. C’est bien un élan révolutionnaire qui secoue le pays
Chowra Makaremi est anthropologue au CNRS. Depuis 10 ans, elle consacre ses travaux sur les mécanismes de fonctionnement de la répression à partir de sa propre histoire familiale. Au lendemain de la révolution de 1979, la répression s’abat sur les opposants politiques autrefois amis et alliés de la révolution. La mécanique répressive est d’une ampleur extraordinaire. Les emprisonnements, massacres et politique de la peur figent dans le silence la société iranienne. Mais cette répression consiste également en une politique systématique de l’oubli des morts en effaçant les stèles, les objets de mémoire et les fosses communes. Chowra Makaremi enquête en « dressant la cartographie de ce qui reste, quand l’histoire a effacé les êtres et s’attache à gommer les contours de la disparition."
Elle est la réalisatrice du film documentaire Hitch. Une histoire iranienne (Alter Ego Productions). Ce film a reçu le prix du premier film au festival du film ethnographique Jean Rouch, mention spéciale Rendez-vous de l’histoire du documentaire historique de Blois. Elle est également l’auteure de l’ouvrage, Le cahier d’Aziz. Au cœur de la révolution iranienne, aux éditions Gallimard en 2011.
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03.10.2022 à 20:00
La résistance à EDF au Mexique - Mario Quintero
Cette semaine dans lundisoir, on parle de colonialisme énergétique, de mégaprojets et de défense des territoires au Mexique avec Mario Quintero, représentant de l’Assemblée des Peuples Indigènes de L’Isthme en défense de la terre et du territoire.
Une des régions les plus venteuses au monde, l’isthme de Tehuantepec est convoité par des multinationales – dont la française EDF – qui viennent y imposer des parcs éoliens industriels depuis plusieurs décennies. Problème : les terres en question sont bien souvent communales, d’usage collectif, dans une région où vivent de nombreux peuples autochtones notamment zapotèques.
En tournée en Europe et invité par le collectif Stop EDF Mexique, Mario vient aussi parler des formes de résistances face au méconnu et pourtant pharaonique projet de couloir transocéanique - un canal sec aux enjeux géopolitiques majeurs qui relierait océans pacifique et atlantique, et prévoit la modernisation d’une ligne de train et de deux gazoducs, le tout bardé d’une dizaine de parcs industriels. Il invite des délégations européennes à se joindre à la caravane et la rencontre internationale « le Sud Résiste » qui auront lieu du 25 avril au 7 mai 2023 pour faire le tour des mégaprojets destructeurs dans le Sud du Mexique, et articuler les luttes à l’échelle internationale, dans la continuité du voyage pour la vie zapatiste.
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26.09.2022 à 06:00
Le pouvoir des infrastructures, comprendre la mégamachine électrique - Fanny lopez
Dans À Bout de Flux, qui vient de paraître aux Éditions Divergences, l’historienne de l’architecture Fanny Lopez poursuit un travail qui s’attache à décortiquer les dimensions politiques et spatiales des infrastructures énergétiques. L’auteur y déploie une double histoire du numérique et des réseaux de production, d’acheminement et de transmission électrique : un éventail de prises pratiques par lesquelles comprendre le fonctionnement de cette « mégamachine ».
A l’heure où les appareils gouvernementaux présentent la sobriété individuelle comme réponse à la crise de l’énergie, et où Ursula Von Der Leyen nous apprend comment nous laver les mains sans gaspiller de l’eau en sifflant l’hymne européen, Fanny Lopez revient avec clarté et finesse sur les aspects matériels de ces infrastructures, et met en relief différentes propositions pour les mettre en déroute : leur opposer d’autres formes de réseaux, d’autres rapports à la technique.
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19.09.2022 à 20:00
Rêver quand vient la catastrophe - Nastassja Martin
Ce lundisoir, nous accueillons l’anthropologue Nastassja Martin qui vient de publier le fabuleux À l’est des rêves : Réponses even aux crises systémiques. Il s’agira de parler de ses recherches sur la tribu Even du Kamtchatka, sédentarisée pendant l’ère soviétique et dont certains membres ont décidé, depuis l’effondrement de l’URSS, de repartir en forêt et d’y recréer un mode de vie autonome fondé sur la chasse, la pêche et la cueillette. À mille lieux de tout exotisme, ce que les travaux de Nastassja Martin viennent éclairer, c’est la persistance, dans les interstices du capitalisme, de rapports singuliers au monde, de formes-de-vie. Et ce que tout cela nous indique, c’est qu’il existe, entre le folklore de la tradition et l’étouffement de tout par l’économie, la possibilité de composer et recomposer des mondes inédits.
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12.09.2022 à 20:00
Comment les fantasmes de complot défendent le système - Wu Ming 1
À l’occasion de la publication en français de Q comme qomplot, son auteur Wu Ming 1 est passé nous rendre visite.
L’origine de ce fascinant pavé théorico-politico-journalistico-littéraire de 550 pages est en elle-même une intrigue déconcertante. Au fil des premiers messages diffusés sur les réseaux sociaux par le fameux Q qui déclenchera la vague de délire Qanon et accidentellement l’assaut du Capitole le 6 janvier 2021, Wu Ming reconnaissent de très nombreuses références à leur roman lui aussi nommé Q et paru en 1999. Connus et reconnus de l’autre côté des Alpes pour avoir organisé des canulars subversifs gigantesques et piégé des pelletés de journalistes, la question s’est immédiatement retrouvée sur toutes les lèvres : le phénomène Qanon est-il une œuvre et une blague de Wu Ming qui auraient dégénérées ? (spoiler: la réponse est non)
C’est-à-partir de ces coïncidences mystérieuses que Wu Ming 1 s’est attelé pendant 3 ans à comprendre, décrypter et historiciser ce phénomène dont tout le monde parle mais ne dit jamais grand-chose : le complotisme. A mille lieux de la condescendance et de l’anti-complotisme du parti de l’ordre, à rebours de la complaisance opportuniste des esprits malins qui espèrent y trouver une nouvelle rente, Wu Ming a travaillé l’histoire, les concepts et le phénomène afin de le comprendre et l’appréhender politiquement, c’est-à-dire éthiquement.
Q comme Qomplot propose une boîte à outils pour lutter contre les narrations toxiques qui prolifèrent et abîment les esprits, jusqu’à leur faire oublier le monde. De ceux qui étaient convaincus que Paul McCartney était mort ou que Kennedy ne l’était pas à ceux qui réduisent le Covid 19 à une grippette ou croient que la pandémie a été planifiée (ou les deux). Avec une érudition impressionnante, l’auteur analyse un phénomène politique qui capte l’immense malaise dans la civilisation, court-circuite la colère et propage le ressentiment, la paranoïa et l’impuissance. C’est de tout cela dont nous avons parlé avec l’auteur. L’entretien a été mené par Yves Pagès, qui a beaucoup travaillé sur ces questions. Merci au traducteur et la traductrice à l’interprétariat.
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