18.11.2025 à 13:10
Vous “gaspillez” votre talent ? Retrouvez de l’ambition avec Rutger Bregman
« Vous êtes sur le point de gâcher votre vie, mais il n’est peut-être pas trop tard » : C’est ainsi que Rutger Bregman interpelle ses lecteurs dans son dernier essai, Ambition morale (Le Seuil, 2025). L’historien néerlandais y déplore le manque d’ambition qui règne dans nos sociétés et plaide pour un nouvel élan : nous devons retrouver le désir de faire de ce monde un endroit largement meilleur – et de le faire de manière efficace ! Grand entretien, avec nos confrères de Philonomist.
18.11.2025 à 06:00
“Tout ce que nous pouvons faire, c'est nous préparer en permanence à la vie” : pourquoi Pacôme Thiellement ne croit pas à la mort
Dans notre nouveau numéro à retrouver chez votre marchand de journaux, six penseurs exposent ce que signifie pour eux se « préparer à sa mort ». Mais pour l'un d'eux, l’essayiste et exégète Pacôme Thiellement, auteur notamment du Secret de la société (PUF), il ne s’agit là de rien de moins qu'un « caprice de bébé ». Un point de vue radical dont il s'explique ici.
17.11.2025 à 21:00
Bardella, Villiers, Zemmour : trois styles pour une seule idée
« Ce week-end, j’ai travaillé pour vous. J’ai lu les livres de Jordan Bardella, d’Éric Zemmour et de Philippe de Villiers, qui viennent de paraître chez Fayard. Si leurs références sont communes, chacun déploie son propre style. Voyons.
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Les publications d’extrême droite sont devenues des phénomènes de librairie. Regardez la liste des meilleures ventes d’essais sur le média de référence Livres Hebdo. Trois visages, trois titres apparaissent. Jordan Bardella, sur la photo de couverture de Ce que veulent les Français, assis derrière un bureau de bois, a le regard pudiquement baissé sur des pages blanches, le stylo à la main – comme s’il voulait prouver qu’il avait écrit son livre lui-même (si c’est le cas, il l’a fait en costume-cravate). Philippe de Villiers, sur celle de Populicide, nous regarde avec un bon sourire, mais darde l’œil perçant de celui qui voit loin. Celle de l’essai d’Éric Zemmour, La Messe n’est pas dite, est plus sobre, plus intellectuelle en somme. Les trois auteurs espèrent, comme pour leurs précédents ouvrages, atteindre les centaines de milliers d’exemplaires vendus.
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Le faux pudique, le pseudo-spécialiste…
Chacun déploie une écriture qui lui est propre. Candidat aux fonctions suprêmes, Jordan Bardella a opté pour un style humble et affectif. La star de TikTok veut gagner en épaisseur humaine. Les mots-clés de son livre sont discrétion, pudeur, intimité. En rencontrant Samantha, infirmière libérale en Guadeloupe, François, agriculteur, Arthur, militaire, Dominique, expatrié à Oman et une quinzaine d’autres Français, Jordan Bardella confesse : “Il m’est arrivé de pleurer” face aux souffrances de ses interlocuteurs. Après son autobiographie (et avant son livre programmatique), le président du RN se veut l’interprète sensible de la décence ordinaire d’un peuple oublié et méprisé. Éric Zemmour, lui, adopte la posture du spécialiste des religions. En quelques dizaines de pages, il résume l’histoire des rapports entre Juifs, chrétiens et musulmans, pour parvenir à une conclusion fort simple : les catholiques doivent désormais s’allier aux Juifs de France pour combattre la troisième religion. Bourré d’approximations, très embrouillé dans sa partie descriptive, le livre est un tract déguisé en étude érudite.
…et le barde délirant
Avec Populicide, son “livre-testament”, Philippe de Villiers a “décidé de ne jamais retenir [sa] plume”. En effet. Il superpose le lyrisme exacerbé d’un troubadour postmoderne, les néologismes terrifiants (le “parti de la Transmémoire”, la “Babel sanitaire”, le “Webistan”…) et le vocabulaire traditionnel de l’extrême droite : “anti-France” et “temples assermentés du Murmure et du Complot” (dans le chapitre consacré à la franc-maçonnerie). Après la plume bon élève de Bardella et le genre professoral de Zemmour, le style de Villiers paraît presque délirant. À la fois apocalyptique et bouffon, celui qui se présente comme le général romain Cincinnatus, “retiré sur [son] Aventin” avant d’être rappelé aux affaires par un peuple en péril, rappelle plutôt Assurancetourix, le barde d’Astérix. Mais libéré.
Trois manières de dire la même chose
Ces variations d’écriture permettent d’envoyer peu ou prou le même message à des lecteurs différents. Quand Bardella s’adresse à ses millions d’électeurs, en prenant le soin de parcourir “la France qui travaille”, Éric Zemmour cherche à unir derrière lui les catholiques et les Juifs identitaires dans une même détestation de l’islam. Quant à Villiers, il sait que ses attaques contre la surveillance des citoyens par les géants du numérique et les autorités sanitaires touchent tous ceux qui considèrent que le Covid est une manipulation des grandes entreprises américaines et qui ne veulent pas renoncer à l’argent liquide.
Le fond du propos, l’idéologie qui le soutient, est néanmoins semblable. Malgré la posture d’écoute qu’il prétend adopter, Jordan Bardella choisit toujours le même profil de témoins : des gens qui ont une “vie de travail et de sacrifice” mais dont l’existence est détruite par 1) la politique européenne et ses normes absurdes, 2) nos responsables politiques “hors-sol”, 3) l’immigration qui amène l’insécurité et l’islamisme. Dans le chapitre intitulé “La terre chevillée au corps” et consacré à la vie d’un agriculteur, le lexique est suggestif : “Son regard ne ment pas, la fierté se lit dans ses yeux” tant est grande “sa passion pour la terre et le goût du travail”, sans oublier sa famille, “à la fois son refuge et son recours”. Toutes ces valeurs s’enracinent dans une “France charnelle” si éloignée des “normes européennes déconnectées de la réalité” et de leurs “textes froids”. “Avoir une baguette chaude sur la table d’un repas, c’est catholique et français”, ajoute le boulanger Olivier.
Une offensive massive et assumée
Bardella, comme Zemmour et Villiers, revendique son affiliation à Maurice Barrès (1862-1923), célèbre romancier et figure tutélaire de l’extrême droite française. Tous le citent et s’en inspirent pour actualiser leur vision d’une France de la terre et des morts menacée par les normes abstraites du droit, les élites déracinées et les ennemis de l’intérieurs – Juifs alors, musulmans ou extra-Européens aujourd’hui. Nous ne sommes plus à l’époque où l’extrême droite tentait de faire oublier son histoire et son idéologie. Avec ces trois livres, l’offensive culturelle est diverse dans sa forme. Mais elle est massive et assumée. »
