10.06.2024 à 09:06
Comment Stranger Things a donné une nouvelle vie au jeu de rôle à l’ancienne
Nolwenn Jaumouillé
a neige tombe au dehors. « Un truc approche. Il est assoiffé de sang. Une ombre se dresse sur le mur derrière toi, te plonge dans le noir. Il est tout près ! » susurre Mike à ses trois camarades de jeu. « C’est quoi ?! » s’exclame Will. « Le Démogorgon ? » s’affole Dustin. « Zut, on est foutus si c’est le Démogorgon ! » Dans la cave à l’éclairage tamisé […]
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Texte intégral (3386 mots)
a neige tombe au dehors. « Un truc approche. Il est assoiffé de sang. Une ombre se dresse sur le mur derrière toi, te plonge dans le noir. Il est tout près ! » susurre Mike à ses trois camarades de jeu. « C’est quoi ?! » s’exclame Will. « Le Démogorgon ? » s’affole Dustin. « Zut, on est foutus si c’est le Démogorgon ! » Dans la cave à l’éclairage tamisé d’un pavillon de Hawkins, dans l’Indiana, quatre adolescents disputent une partie endiablée de Donjons et Dragons. Nous sommes en 1983 et le jeu de rôle en est encore à ses premières heures. Ainsi s’ouvre la deuxième scène du tout premier épisode de Stranger Things, la série fantastique de Netflix dont la saison 4 sortie en mai fait un carton.
Ce n’est pas le première fois qu’il apparaît dans une série. On avait déjà pu entendre son allitération dans Buffy contre les vampires ou plus tard The Big Bang Theory. Et pour cause : symbole d’une génération, D&D est le jeu de rôle par excellence, le tout premier et le plus emblématique. Aujourd’hui, il semblerait que le succès de Stranger Things ait ravivé l’engouement pour le légendaire jeu de rôle « sur table ». Le spectacle des quatre ados en train de jouer est autrement plus captivant que de les voir faire un Monopoly : l’expérience, unique, donne lieu à de véritables scènes de théâtre improvisées autour d’une table. « Le sentiment de liberté est vraiment vivifiant : vous pouvez être qui vous voulez et faire (presque) tout ce que vous voulez, tout en partageant de bons moments avec vos amis et/ou votre famille », explique Thomas Weng, Brand Manager France de D&D.
Celui que ses adeptes – parmi lesquels les acteurs Vin Diesel, Dwayne « The Rock » Johnson ou Drew Barrymore – désignent comme le « roi des jeux » serait-il en train de connaître un nouvel Âge d’or ? Pour le savoir, il faut remonter le cours de l’histoire. Et comme souvent avec les histoires fantastiques, celle du jeu de rôle en France débute par un Âge sombre.
L’invasion des profanateurs
’était le 11 octobre 1995. Derrière un écran brumeux dont s’échappent des voix grésillantes, une jeune Mireille Dumas présente son émission Bas les masques dans l’atmosphère confinée d’un plateau de France 2, censé prêter aux confidences. Dans ce programme où défilent des invités vêtus de grandes chemises à motifs, le nez chaussé de larges lunettes aujourd’hui désuètes, la présentatrice prétend briser les tabous. Après un sujet sur la prostitution, Mireille Dumas a décidé ce jour-là d’aborder le jeu de rôle dans un épisode au titre aguicheur : Attention jeux dangereux. Elle y présente un reportage où le suicide d’un jeune est associé à sa pratique du jeu de rôle et où des joueurs sont accusés de profaner des sépultures. « Occultisme », « secte », « déviances », « satanisme », aucun terme n’est assez vindicatif pour désigner la nouvelle menace qui pèse sur la société française.
Cette psychose naît d’un fait divers vieux de plusieurs années, à une époque où les jeux de rôle étaient encore largement ignorés du grand public. À Carpentras, le 9 mai 1990, un corps est exhumé d’un cimetière juif et des tombes sont profanées. Un groupuscule lié au Front National est d’abord soupçonné, avant que les charges contre lui ne soient abandonnées. Cinq ans plus tard, un rebondissement dans l’affaire déclenche l’accusation d’un groupe de jeunes « rôlistes », fils de notables du coin. Les adolescents sont accusés par une jeune femme du nom de Jessie Foulon, qui évoque de prétendues messes noires perpétrées par le groupe de joueurs. On découvrira plus tard qu’elle avait menti.
Trop tard. Les médias se ruent sur le sujet et plusieurs émissions télévisées s’occupent de peindre en noir l’image des jeux de rôle dans l’inconscient collectif : Bas les masques est la plus retentissante, mais Zone interdite et Témoin numéro un en rajoutent une couche, invitant sur leurs plateaux le Dr Jean-Marie Abgrall, spécialiste des sectes, à tenir un discours à charge contre les jeux de rôle. Des propos qu’il retirera par la suite, reconnaissant son ignorance du sujet.
Les charges finissent par être abandonnées contre les jeunes gens, mais pour les adeptes du jeu de rôle, le mal est fait. Face à la controverse, « un total de 5 000 clubs, associations et boutiques ont fermé du jour au lendemain, lâchées par les mairies et les établissements scolaires », se souvient « Tête brûlée », le rédacteur en chef de Casus Belli, le magazine français historique consacré au jeu de rôle. Les joueurs savent bien que ces reportages sont des tissus de mensonges et d’amalgames, mais ils n’ont pas voix au chapitre et cette séquence porte un coup terrible à leur passe-temps préféré, sonnant le glas d’un premier Âge d’or débuté au milieu des années 1980 dans l’Hexagone.
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utre-Atlantique, la méfiance vis-à-vis du jeu est plus ancienne encore. C’est aux États-Unis qu’a vu le jour le premier jeu de rôle médiéval-fantastique dans les années 1970, sous la plume de Gary Gygax (alors assureur au chômage et père de cinq enfants) et Dave Arneson (autre passionné de jeux à la vie professionnelle ennuyeuse). Il s’appelle Donjons et Dragons – qui se traduit en réalité par « cachots et dragons », dungeons étant un faux-ami. Ils publient la première édition en 1974, qui sera suivie de quatre autres, dont la dernière date de 2014. Tout comme plus tard en France, une série de drames attribués arbitrairement au jeu de rôle rendent ses débuts douloureux, suscitant une forme d’hystérie collective à l’encontre du genre. Son point d’orgue étant la création en 1982 de la BADD (Bothered About Dungeons and Dragons) par Patricia Pulling, mère d’un jeune rôliste ayant mis fin à ses jours. L’association mène alors une virulente campagne contre le jeu, qui lui vaudra finalement d’être condamnée pour manipulation d’opinion.
« Lorsque j’ai commencé à jouer dans les années 1980, le jeu n’était pas très populaire », se souvient effectivement John Dempsey, Canadien de 45 ans et fondateur de DM for Hire, start-up via laquelle il loue ses services de maître du jeu de Donjons et Dragons à domicile. « Il y avait une véritable stigmatisation du jeu chez beaucoup de parents et de professeurs, qui l’accusaient de promouvoir la sorcellerie, le satanisme et l’occultisme au sens large. »
Mais « malgré les attaques médiatiques, l’apparition des jeux vidéo ou même des cartes Magic, le jeu de rôle n’a jamais disparu », remarque Tête Brûlée. Après l’engouement initial pour le jeu et les polémiques qui ont suivi, un deuxième Âge d’or du jeu de rôle s’opère lors de la sortie de la troisième édition de D&D, qui connaît un immense succès. Toutefois, à l’exception de cette période, « le marché du jeu de rôle reste en France un artisanat et non une industrie. Et son chiffre d’affaires étant tributaire des chiffres d’affaires de plusieurs éditeurs, il est impossible de savoir ce qu’il représente. Par rapport aux jeux de société ou même aux jeux vidéo, c’est incomparable », admet le spécialiste.
Depuis plusieurs années pourtant, à la faveur de la nostalgie évoquée par la pop culture des années 1980, l’image du jeu de rôle « sur table » est progressivement redorée. Nombreux sont les gamers qui se détournent occasionnellement de leurs écrans pour s’asseoir autour d’une table et faire rouler les dés à vingt faces. Car maintenant que les soupçons sont dissipés, il ne reste que le fun. « D&D n’a jamais été aussi populaire et cela continue de croître fortement », assure Thomas Weng. « Nous nous attendons à ce que cette croissance se poursuive. Nous devons continuer à attirer de nouveaux fans en rendant notre jeu accessible et agréable à un public plus large. »
L’Œuf Cube
out compte fait, les foudres qu’a eues à subir le jeu de rôle ne sont pas différentes de ce à quoi d’autres mouvements culturels alternatifs comme le metal ou les jeux vidéo ont dû faire face. À ceci près que son marché était trop fragile pour ne pas en pâtir. Mais maintenant que l’orage est passé, on voit bien que la méprise était comme souvent due à l’ignorance.
Pourtant, le principe du jeu de rôle est d’une simplicité extrême. Le maître du jeu (MJ) écrit à grands traits une histoire d’aventure dont les joueurs incarnent les héros. Les manuels de Donjons et Dragons fournissent des règles, un univers, des décors et un bestiaire de créatures pour les peupler dans lequel le MJ n’a qu’à piocher pour construire le monde et l’intrigue que les joueurs vont devoir découvrir. Ça peut aller du simple « j’ouvre la porte ; je tue le monstre ; j’embarque le trésor » à des campagnes épiques et retorses qui s’étendront sur plusieurs années. La seule limite est l’imagination. « C’est quelque chose d’unique que je ne peux pas trouver en jouant à un jeu vidéo par exemple ! » abonde Thomas Weng.
Les joueurs, eux, endossent le rôle d’un personnage qu’ils ont créé, humain ou pas (elfes et orcs sont les bienvenus), doté de talents particuliers (classe et compétences) qui définiront sa place au sein du groupe. Le maître du jeu énonce le contexte et les joueurs annoncent ce qu’ils décident de faire. L’histoire évolue à partir de là, et des dés très bizarres (de 4 à 20 faces) sont lancés lorsque se produisent des événements qui mettent à l’épreuve les compétences des personnages. Compétences qui, si tout va bien, s’améliorent au fil de l’aventure. Pour jouer, aucun plateau de jeu, aucune figurine, aucun costume et aucun diplôme ne sont nécessaires. Seulement de l’imagination et une bonne dose de chance aux dés.
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quelques pas du métro Jussieu dans le 5e arrondissement de Paris, Frédéric Romero ouvre la grille de L’Œuf Cube où il m’invite à entrer. Je le suis dans cet antre historique des jeux spécialisés, un tout petit magasin qui abrite pourtant une quantité impressionnante de boîtes de jeux en tout genre, du jeu de plateau aux cartes Magic. Pour le jeu de rôle, une véritable bibliothèque aux livres alignés avec soin occupe deux pans de mur. Ainsi que quelques « kits d’initiation ». Né en 1977, à peine quatre ans après la sortie de la première édition de D&D, L’Œuf Cube demeure la plus vieille boutique parisienne de jeux qui sortent de l’ordinaire : « Nous n’avons rien contre le Monopoly ou la Bonne Paye, mais d’autres magasins font ça très bien ! » plaisante le patron derrière son comptoir. Ici, le fantastique est roi.
Passionné et souriant, Fred est entré à L’Œuf Cube il y a vingt ans, au gré des rencontres et de son amour des jeux. Aujourd’hui âgé de 43 ans, il a pris la direction du magasin après avoir commencé en y faisant des extras. Une longue expérience du métier qui lui a permis d’observer l’évolution du jeu au fil des décennies, tout en demeurant lui-même un joueur féru et un maître du jeu aguerri. « Même s’il y a une dominance du jeu de plateau, une bonne partie d’entre eux sont des jeux d’aventure. Les joueurs ont un personnage, le voient évoluer et obtenir de nouvelles caractéristiques. C’est aussi une porte vers le jeu de rôle », explique-t-il. Frédéric Romero assure que « le jeu de rôle ne s’est jamais arrêté ». Avec ou sans Stranger Things, en France, on estime aujourd’hui à 300 000 le nombre de personnes ayant déjà participé à un tel jeu.
À L’Œuf Cube, le genre représente environ 30 % du chiffre d’affaires, une proportion considérable qui n’a pas tellement bougé depuis vingt ans. « Il y a aujourd’hui plus de créations françaises », s’enthousiasme-t-il malgré tout. Et l’impression de renouveau actuel s’explique aussi du fait que « certains parents issus de la première génération de rôlistes décident à leur tour d’initier leurs enfants ».
Il est compliqué d’évaluer si l’intérêt exprimé par un plus vaste public envers le jeu de rôle papier sera durable ou non, mais il n’en existe pas moins une véritable évolution dans sa pratique. Quitte à bousculer les puristes, le jeu de rôle a fait son entrée dans le monde des start-ups et même sur YouTube, pour toucher une nouvelle génération de joueurs. Et après plus de quatre décennies, Donjons et Dragons est toujours à l’honneur.
Le professionnel
éjà professeur d’arts martiaux et thérapeute shiatsu, John Dempsey a ajouté en 2013 une troisième corde à son arc en créant dans la région de Toronto DM for Hire (« Maître du jeu à louer »). Rôliste de longue date, John a toujours été le seul de ses amis à maîtriser à la perfection l’art complexe des maîtres du jeu. L’idée originale d’en faire son métier a surgi dans son esprit il y a quelques années, alors qu’il connaissait des difficultés financières. « Il fallait absolument que je trouve un moyen de sortir la tête de l’eau », raconte-t-il. « J’ai alors pensé aux amateurs de Donjons et Dragons trop occupés par leur travail, pour qui l’organisation d’une partie est un peu compliquée. Je me suis dit qu’embaucher quelqu’un pour la concevoir de A à Z à domicile pourrait les intéresser. »
Malgré la perplexité de son entourage et des premiers mois difficiles, son intuition s’est finalement révélée bonne. « Il existe des salles où les joueurs peuvent se retrouver pour jouer, mais on ne peut pas apporter sa nourriture, ni boire d’alcool, et c’est très bruyant » explique Dempsey. « Les gens qui veulent partager un vrai moment privilégié entre amis, dans le confort de leur maison, préfèrent la formule que je propose. »
Lui-même adepte de jeux vidéo, il a senti le besoin d’un retour à une réelle interaction sociale. Et pour lui, le moment unique offert par le jeu de rôle passe aussi par ce retour au papier et à l’attente fébrile qui accompagne chaque jet de dés. Pour sa part, John apporte le jeu, l’installe, l’explique et tient le rôle de référent tout au long de la partie, qu’il dirige de bout en bout : il module et fait appliquer les règles, en observant comment tout ce petit monde se débrouille. Au cours des parties, John Dempsey fait évoluer ses clients dans trois décors principaux : le monde médiéval-fantastique des Royaumes oubliés, celui de Mystara et Dark Sun, un monde post-apocalyptique rempli de créatures tout aussi dangereuses.
Pour John Dempsey, l’impact de Stranger Things sur son business est indéniable : il a lancé son entreprise au moment où sortait la saison 1, et sent actuellement que la saison 2 attire de nouveaux clients. Mais si Dempsey est un des seuls au monde à proposer ses services à domicile, d’autres le pratiquent tout simplement sur Internet. Suivie par plus de 150 000 personnes, la chaîne YouTube officielle de Donjons et Dragons propose un éventail de tout ce qui se fait dans la communauté des rôlistes en ligne : parties en live autour d’une table, en visioconférence, talks autour du jeu et retransmissions d’événements uniques.
Un écosystème numérique florissant qui précède Stranger Things de plusieurs années. Ainsi donc, si la série de Netflix a donné un coup de projecteur bienvenu sur Donjons et Dragons, un phénomène de renouveau avait été initié bien avant sa diffusion, estime Tête Brûlée – notamment à travers « les tables virtuelles, c’est-à-dire des joueurs qui se servent de l’outil informatique pour jouer comme s’ils étaient physiquement autour d’une table ». Pour autant, les passionnés s’accordent à dire que l’émotion procurée par le jeu de rôle n’est jamais aussi intense qu’autour d’une table. « La liberté est immense, les possibilités ludiques aussi et le plaisir de partager une aventure avec des amis incomparable », tranche le rédacteur en chef de Casus Belli.
Un plaisir que les quatre amis de Stranger Things n’ont pas leur pareil pour rendre communicatif. Sur leurs visages, on comprend que dans le feu d’une partie, la table jonchée de feuilles de personnages, de boîtes de pizza, de canettes de sodas, de petites figurines et de dés à 20 faces a bientôt disparu. Tout ce qu’ils voient, c’est le Démogorgon.
Couverture : Une partie de D&D dans Stranger Things. (Netflix)
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24.05.2024 à 00:00
Les secrets de la bromance entre Hollywood et la NASA
Nicolas Prouillac
Ground control to Major Tom… C’est officiel, Tom Cruise tournera le premier long-métrage dans l’espace en octobre 2021. Accompagné du réalisateur Doug Liman (La Mémoire dans la peau, Edge of Tomorrow), l’acteur américain prendra place à bord d’une capsule Crew Dragon de SpaceX pour rejoindre la Station spatiale internationale, où les deux hommes tourneront un […]
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Texte intégral (4924 mots)
Ground control to Major Tom… C’est officiel, Tom Cruise tournera le premier long-métrage dans l’espace en octobre 2021. Accompagné du réalisateur Doug Liman (La Mémoire dans la peau, Edge of Tomorrow), l’acteur américain prendra place à bord d’une capsule Crew Dragon de SpaceX pour rejoindre la Station spatiale internationale, où les deux hommes tourneront un film au contenu encore mystérieux.
Au lendemain d’une annonce similaire de la part de la Russie, qui veut elle aussi tourner le premier film dans l’espace à l’automne prochain, la NASA a confirmé l’annonce faite pour la première fois en mai 2020 : un film hollywoodien sera bien tourné à bord de l’ISS l’année prochaine. Le climax d’une longue relation entre l’industrie cinématographique américaine et l’Agence spatiale américaine.
https://twitter.com/JimBridenstine/status/1257752395750289409?ref_src=twsrc%5Etfw
Global Effects
Le ciel est couvert en cette fin de matinée à Los Angeles, donnant un air morne aux entrepôts qui bordent les boulevards de North Hollywood. 7115 Laurel Canyon Blvd, nous y sommes. Un vaste bâtiment de brique rouge aux fenêtres flanquées de barreaux noirs, surmontées d’un panneau indiquant « Global Effects, Inc. ». Un décor pour le moins inhospitalier. Aucun touriste en vue pour le prendre en photos. On est loin de l’aura glamour qui entoure les studios de tournage qui fleurissent aux pieds des collines d’Hollywood. L’endroit n’en renferme pas moins de magie : j’ai rendez-vous avec un des plus grands accessoiristes américains, spécialisé dans la confection de combinaisons pour les grands drames spatiaux, d’Armageddon à Seul sur Mars.
Je remonte l’allée qui mène au parking privé de l’entrepôt. La zone est déserte, les volets sont tirés. Suis-je vraiment au bon endroit ? En promenant mon regard aux alentours, je remarque les pièces détachées d’une navette spatiale, dissimulées sous des bâches grises. On dirait bien. Je frappe à la porte de service métallique sur laquelle un panneau défraîchi souhaite la bienvenue aux visiteurs. Des pas se font entendre, la porte s’ouvre sur un visage sévère aux cheveux frisés en bataille. À la mention de la raison de ma venue, il s’éclaire d’un sourire. Chris Gilman confirme que je suis à bon port et m’invite à entrer. Derrière lui s’étendent les rayonnages de sa caverne d’Ali Baba, remplis de costumes, de casques et d’accessoires en tout genre. Et sur les murs, des affiches de blockbusters au succès desquels lui et son équipe ont contribué. « Bienvenue chez Global Effects », dit-il.
« On sait aussi faire des monstres, mais nous avons levé le pied de ce côté-là », explique Chris Gilman tandis que nous commençons à parcourir les allées du studio. Voilà trente ans que l’accessoiriste est dans le métier, et plus de vingt qu’il a fondé Global Effects. À l’étage sont alignées des armes et armures médiévales, que l’équipe a conçues pour des films comme Le 13e Guerrier et Le Dernier samouraï, sur lesquels il passe rapidement. Car c’est en bas que sont exposées les créations qui ont fait sa renommée dans le milieu. « Mon premier succès », dit-il en s’arrêtant devant une tenue bactériologique jaune familière. Et pour cause, elle est tirée du film Alerte ! avec Dustin Hoffman. « Dans la vraie vie, elle ne vous protégerait contre aucune contagion », dit-il avec un sourire. « J’ai designé cette visière de façon à ce qu’on puisse voir le visage de Dustin quel que soit l’angle de caméra. Mais question sécurité, c’est une vraie passoire. »
Chris Gilman n’a pas toujours été attiré par le monde du cinéma. Sa première passion était pour les étoiles. Son père était patron d’une entreprise de soudure et il a travaillé sur les systèmes de survie des missions Apollo. Gilman avait 12 ans quand il a appris à souder, et il se voyait devenir soudeur jusqu’à ce que l’entreprise familiale ne frôle la ruine après la fin du programme, en 1975. À 19 ans, le jeune Chris Gilman a finalement mis les voiles et tenté sa chance à Hollywood. La première leçon qu’il a apprise sur un tournage a été déterminante pour la suite de sa carrière. « Hollywood est le royaume du faux », dit-il d’un ton catégorique. « Du moment que ça passe bien à l’image, les accessoires peuvent être de mauvaise qualité. Ce n’est pas ma façon de travailler. » C’est avec cette conviction chevillée au cœur qu’il s’est lancé à son compte et qu’il a pu faire son trou durablement, en concevant des combinaisons spatiales ultra-réalistes.
« Une véritable combinaison spatiale, c’est plus complexe qu’une grenouillère en alu surmontée d’un bocal », commente-t-il en ironisant sur celles des films de science-fiction de sa jeunesse. Ses combinaisons à lui sont criantes de réalisme. Elles sont méticuleusement classées par ordre chronologique et niveau de détails. « Celles-ci sont actuellement utilisées par les astronautes de l’ISS », dit-il. Des combinaisons blanches qu’on appelle EMU, pour Extravehicular Mobility Unit. D’autres sont brodées du logo de SpaceX. « Celles-là n’ont pas été conçues pour un film, c’est un prototype qui nous a été commandé par Elon Musk », explique-t-il d’un ton égal. Le PDG de SpaceX et Tesla aurait insisté sur le fait que les costumes devaient avoir l’air « badass ». La plupart des autres combinaisons portent le sigle bleu et rouge de la NASA.
Après que Chris Gilman a consulté les spécialistes de l’agence spatiale pour reproduire avec le plus d’exactitude possible leurs combinaisons, ils sont venus le chercher à leur tour pour en concevoir de nouvelles pour les astronautes. Gilman a alors créé une filiale baptisée Orbital Outfitters pour ses clients issus du monde de l’exploration spatiale. Son design de combinaison pour sortie extravéhiculaire (EVA) est aujourd’hui exposé au Johnson Space Center, la maison-mère des astronautes américains, où sont gérées toutes les opérations de l’ISS et du programme Orion. Cette collaboration à double sens est l’incarnation parfaite de l’histoire d’amour que vivent Hollywood et la NASA.
Une romance qui culminait il y a quelques années avec Seul sur Mars et qui a débuté il y a bien longtemps, avant même que l’homme ne marche pour de vrai sur la Lune.
Zéro G
Le premier pas a été fait par un réalisateur visionnaire. En 1964, à peine sorti de la production de Docteur Folamour, Stanley Kubrick s’attelle à la préparation de son long-métrage suivant, 2001, l’Odyssée de l’espace (1968). Soucieux de représenter sa mission spatiale de la façon la plus réaliste possible, le cinéaste se tourne vers des techniciens de la NASA pour l’aider à mettre au point son odyssée métaphysique. Il s’alloue les services de Harry Lange, ancien chef décorateur allemand à l’époque responsable de la section des futurs projets de la NASA, où il imagine des prototypes d’engins spatiaux.
Après avoir fait la connaissance d’Arthur C. Clarke, l’auteur de 2001, Lange accepte de se joindre à l’équipe. C’est à lui qu’on doit la majeure partie des décors et combinaisons spatiales du film. L’écrivain convainc également Frederick Ordway III de participer à l’aventure. Il officie pour sa part comme conseiller de la NASA au Marshall Space Flight Center. Durant le tournage, il prodigue des conseils scientifiques à Kubrick.
Mais 2001, l’Odyssée de l’espace n’est pas l’unique liaison que le réalisateur de Shining a entretenu avec l’Agence spatiale américaine. La seconde a tissé des liens plus organiques encore entre son cinéma et la NASA, malgré un sujet très éloigné des étoiles. Presque dix ans après s’être attaqué à la conquête spatiale, Kubrick entreprend le récit d’une conquête toute terrestre avec Barry Lyndon (1975). C’est à nouveau un souci de réalisme qui pousse le cinéaste à reprendre contact avec l’agence spatiale en 1972. Il veut filmer son nouveau long-métrage en lumière naturelle, sans ajouter de projecteurs. Mais à l’époque, les objectifs utilisés traditionnellement au cinéma ne sont pas assez sensibles pour que la lumière de chandeliers suffise à impressionner la pellicule.
« Kubrick avait besoin d’un objectif ultra-sensible comme seule la NASA en utilisait à l’époque », raconte Adam Savage, animateur de l’émission MythBusters sur la chaîne Discovery. « Il leur a donc acheté le célèbre objectif scientifique de Zeiss, qui ouvrait à f/0,7, et il l’a fait monter sur une caméra Mitchell 35 mm. » Lorsque Barry Lyndon sort en salles, la beauté stupéfiante des images met la puce à l’oreille d’autres réalisateurs, qui commencent à comprendre qu’il y a un bénéfice certain à tirer de collaborations comme celle-ci. La NASA, de son côté, profite pour la seconde fois de l’aura légendaire qui entoure les films du réalisateur. C’est le début d’une lente prise de conscience. Il faudra attendre encore vingt ans avant que sorte le premier blockbuster auquel la NASA participe officiellement.
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Lorsque Ron Howard entreprend la préparation du tournage d’Apollo 13 (1995), son film catastrophe avec Tom Hanks et Kevin Bacon, il veut lui aussi coller au plus près de la réalité. Et pour cause, le film est adapté de Lost Moon: The Perilous Voyage of Apollo 13, le livre écrit par le commandant de la mission James Lovell, paru 24 ans après son retour sur la terre ferme. Le cinéaste et son producteur Todd Hallowell tiennent absolument à ce que l’impression d’apesanteur soit réaliste. Mais à l’époque, près de vingt ans avant Gravity, il n’existe pas de moyen de simuler un environnement en gravité zéro de façon réaliste. Le bruit a couru pendant un temps qu’ils avaient utilisé une chambre anti-gravité de la NASA, ce qui fait encore rire Hallowell.
« C’est une légende urbaine. Je me demande toujours comment les gens ont pu croire qu’une telle chambre existait et fonctionnait réellement », raconte-t-il aujourd’hui. En 1995, il n’existait que deux moyens d’échapper à la gravité : ou bien monter à bord d’une fusée, ou bien à bord d’un avion KC-135A de la NASA. L’appareil est entré en service l’année de la préparation du tournage, en 1994, et il a effectué son dernier vol dix ans plus tard, en octobre 2004. Utilisé pour plonger les astronautes en apesanteur durant leur entraînement, il dessinait des paraboles à 45° dans les airs durant lesquelles l’équipage échappait à la gravité pendant environ 25 secondes, avant de soudainement retomber contre ses parois matelassées. « Chaque vol comptait entre 40 et 60 paraboles », disent les archives de la NASA. La presse lui avait à l’époque attribué le surnom de Vomit Comet, pour des raisons évidentes. Les acteurs d’Apollo 13 ont réalisé au total plus de 1 500 paraboles au cours du tournage.
Des trois acteurs principaux du film, Kevin Bacon était le moins partant pour tenter l’expérience. « Je ne sais pas si une recherche de réalisme aussi approfondie est nécessaire », disait-il à Ron Howard, d’après les souvenirs de Todd Hallowell. Mais quand le cinéaste lui a répondu que les deux autres étaient impatients de se lancer dans l’aventure, il n’a pas voulu passer pour le dégonflé de la bande et a cédé. L’équipe s’est ensuite adressée à Bob Williams, qui était alors en charge du programme de vols en gravité réduite de la NASA. Il n’était pas très enthousiaste à l’idée de les rencontrer. « On s’attendait à voir débarquer une bande de divas hollywoodiennes », se rappelle-t-il. Mais la méfiance des scientifiques a rapidement laissé place à la stupéfaction face à la ténacité et la discipline des acteurs, loin des stars capricieuses qu’ils redoutaient d’avoir à supporter.
Néanmoins, l’agence craignait que le fait d’évoquer l’échec d’une mission ne nuise à son image. Pris au piège de leur vaisseau, les trois astronautes avaient dû se réfugier dans le module lunaire de la fusée, qui n’était pas prévu pour accueillir aussi longtemps la vie humaine. Il a fallu un courage immense à l’équipage pour conserver leur calme et faire face à la situation, tandis que les équipes au sol faisaient le nécessaire pour les ramener sur Terre sain et sauf.
Finalement, l’histoire a connu un happy end : Jim Lovell et ses coéquipiers ont été secourus et s’en sont tirés sans dommages. Une histoire rocambolesque mais au final peu reluisante pour la NASA. Malgré cela, Ron Howard est parvenu à les convaincre de l’aider en se proposant de l’aborder sous l’angle du triomphe de la volonté et de l’ingéniosité humaines. L’excellente réception du film a achevé de convaincre la NASA qu’il y avait des bénéfices considérables à tirer de sa participation à des œuvres de divertissement.
Vingt ans plus tard, au moment de collaborer à nouveau avec Ron Howard pour la série docu-fictionnelle Mars (2016), l’Agence spatiale américaine est dotée d’un service sélectionnant les projets de films auxquels elle apporte son concours : rien de tel qu’un héros hollywoodien pour inscrire ses objectifs dans l’imaginaire collectif.
Vers Mars et au-delà
Depuis sa création en 1958, après la promulgation par Eisenhower du premier Space Act, l’Agence spatiale américaine a pour devoir de disséminer autant que possible les informations concernant ses activités et ses objectifs. Mais ce n’est qu’après le succès d’Apollo 13 que l’administration Clinton a eu l’idée de créer un service de liaison multimédia en bonne et due forme à la NASA. « Notre mission est essentiellement de raconter les histoires de l’agence de façon divertissante », résume Bert Ulrich, à la tête du service depuis 2005. « Je n’appellerais pas cela de la propagande, mais on essaie d’inspirer les enfants en les faisant regarder vers les étoiles. »
Les producteurs contactent souvent d’eux-mêmes l’agence pour les besoins du tournage. C’était notamment le cas du premier volet d’Avengers, dont la séquence d’ouverture se déroule au « NASA Space Radiation Facility » – imaginé pour le film. Lorsque Bert Ulrich a reçu le scénario, il a répondu à l’équipe du film que la NASA ne pouvait accepter leur demande car le script ne contenait aucune référence explicite à l’agence. Plutôt que de chercher un autre endroit où tourner les scènes, les scénaristes de la production Marvel ont remanié les premières pages du scénario pour y mettre la NASA en évidence. L’agence leur a alors permis l’accès au centre d’essai de Plum Brook Station.
« De cette façon, tout le monde y gagne », explique Bert Ulrich. « Nous sommes une institution gouvernementale, nous ne pouvons pas autoriser de tournage sans raison valable. » Et la portée culturelle d’un blockbuster tel qu’Avengers est une raison très valable pour l’Agence spatiale américaine.
Pour autant, les bénéfices de la NASA ne se mesurent pas en termes financiers. Lorsqu’une production a recours aux services de la NASA, elle signe un accord de remboursement des coûts occasionnés par le tournage à l’État. L’agence n’investit pas dans la production, elle mise sur la portée culturelle du cinéma pour ancrer son image dans l’imaginaire du public, partout dans le monde. Ce qui explique qu’elle refuse de participer à certains projets, comme Life. D’autres, comme Seul sur Mars de Ridley Scott (2015), sont accueillis à bras ouverts. « Ridley Scott voulait raconter son histoire de la façon la plus réaliste possible », raconte Bert Ulrich. C’est la raison pour laquelle il a sollicité les services de la Planetary Sciences Division, dont les scientifiques étudient les planètes et autres corps célestes du système solaire, et notamment Mars.
L’imagerie du film regorge de références à la NASA, et l’équipe du film a bénéficié de nombreux conseils de la part des scientifiques de l’agence spatiale. « Nous sommes très ouverts », insiste Bert Ulrich, soucieux de ne pas laisser imaginer que l’institution exerce un contrôle sur les films. « Il y a une violente tempête de poussière au début de Seul sur Mars. Comme ce n’est pas très réaliste, nous leur avons conseillé de la changer en orage électrique », raconte-t-il. « Mais Ridley Scott tenait à préserver cet aspect du livre, et nous le comprenons très bien. » Malgré cela, c’est probablement l’envie de garder un contrôle artistique total qui a poussé les réalisateurs de Gravity et Interstellar à refuser le concours de la NASA. Car le processus est à double sens. « Si nous entendons parler d’un film qui touche à des sujets touchant à la NASA, il arrive que nous prenions contact nous-mêmes avec la production », poursuit Bert Ulrich.
C’est ce qui est arrivé dans le cas de Gravity et Interstellar. Mais dans les deux cas, les cinéastes ont décliné la proposition. « Je crois qu’Alfonso Cuarón était soucieux d’avoir entièrement la main sur le film », avance-t-il. « Il se trouve que le film est très réaliste à l’arrivée, mais il redoutait sûrement que nous ne pointions certaines incohérences du doigt. » D’après Chris Gilman, de Global Effects, c’est justement d’un certain manque de réalisme dont souffre le blockbuster de Christopher Nolan. « C’est quand même dommage de mettre autant de soin à écrire un scénario pour partir dans l’espace en pyjamas », dit-il en riant. Dans les deux cas, la NASA a néanmoins permis aux films d’utiliser son imagerie.
L’impact réel de ces collaborations ne peut évidemment pas être précisément mesuré, mais Bert Ulrich affirme que la NASA est actuellement au sommet d’une vague de popularité. Après une traversée du désert au début des années 2000, les missions de la NASA (de Mars à la découverte d’exoplanètes) n’ont jamais provoqué tant d’engouement chez le public. « Nous participons à plus de 100 documentaires chaque année ; nous sommes très heureux du succès des Figures de l’ombre ; et j’attends le scénario du prochain film du réalisateur de La La Land – un biopic sur Neil Armstrong avec Ryan Gosling », dit-il. « Il y a une vraie soif d’exploration spatiale et de découverte scientifique chez la jeune génération. »
Un intérêt que la NASA s’échine à entretenir, notamment par le biais de la télévision et du cinéma. Ils nourrissent ainsi l’espoir d’inspirer la jeunesse américaine et de préserver leurs budgets. Jusqu’ici, la stratégie s’est avérée payante. Le 21 mars 2017, après avoir limité la casse quant aux coupes que l’agence spatiale redoutait, le président Donald Trump a signé le NASA Transition Authorization Act pour 2017, projetant notamment de poser le pied sur Mars d’ici 2030. Il a sûrement adoré Seul sur Mars.
Couverture : Le faux équipage de la NASA dans The Martian, de Ridley Scott.
COMMENT LA NASA A INVENTÉ LE PREMIER ORDINATEUR MODERNE
Un hacker raconte le sauvetage du premier micro-ordinateur envoyé dans l’espace par la NASA. Leur exploit technologique allait donner naissance à l’informatique moderne.
I. Apollo 1
D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours été passionné d’électronique et de programmation. Je viens de Tshwane, en Afrique du Sud, et mon nom est Francois Rautenbach. Je me décris souvent comme un « hacker perpétuel » : je n’aime rien tant que de percer les mystères du fonctionnement des ordinateurs. Et pour ça, il faut vraiment se plonger dans leurs entrailles et déchiffrer la façon dont leurs éléments fonctionnent ensemble. Il y a environ deux ans, j’ai lu un livre à propos de l’Apollo Guidance Computer, écrit par l’historien de la NASA Frank O’Brien. Il expliquait comment cet ordinateur de navigation révolutionnaire avait été inventé dans les années 1960, et détaillait son fonctionnement. Je me suis pris de passion pour cette machine et je l’ai finalement sauvée de la destruction alors que son possesseur s’apprêtait à le jeter à la casse… Il existait d’autres ordinateurs avant l’Apollo Guidance Computer mais aucun d’eux n’était fabriqué à base de circuits intégrés. Ils étaient composés de transistors et il n’était pas réellement possible de les reprogrammer. Ces machines encombrantes sont considérées comme les premiers ordinateurs de l’histoire, mais ils ne ressemblaient pas aux ordinateurs modernes à puces électroniques. Le relais électromécanique a été inventé dans la première moitié du XIXe siècle. À partir de ce moment-là, la technologie a évolué jusqu’à produire les transistors utilisés sur les premiers ordinateurs, un siècle plus tard. Mais ceux d’alors ne pouvaient pas être miniaturisés. Grâce aux circuits intégrés, les ordinateurs d’aujourd’hui contiennent facilement des milliards de transistors – et bien plus dans les processeurs les plus récents. C’était impossible avant l’invention des circuits intégrés, car on ne pouvait pas les miniaturiser ni les rendre plus rapides. Tout a changé avec l’apparition du silicone et des premiers processeurs. Le circuit intégré utilisé sur l’ordinateur Block I comprenait trois transistors et quatre résistances montés sur une puce. Il s’agissait de la plus petite puce concevable à l’époque – la toute première de l’histoire.
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14.11.2023 à 02:49
Le Donbass est-il vraiment russe ?
Ulyces
Le ciel de Marioupol est noir. Une épaisse fumée masque le ciel gris en s’élevant au-dessus d’une barre d’immeubles. Les habitants de cette ville portuaire de l’oblast de Donetsk, sur les bords de la mer d’Azov, ne devraient pourtant avoir au-dessus d’eux que le ciel pesant. La Russie a proclamé samedi 5 mars un cessez-le-feu […]
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Texte intégral (2493 mots)
Le ciel de Marioupol est noir. Une épaisse fumée masque le ciel gris en s’élevant au-dessus d’une barre d’immeubles. Les habitants de cette ville portuaire de l’oblast de Donetsk, sur les bords de la mer d’Azov, ne devraient pourtant avoir au-dessus d’eux que le ciel pesant. La Russie a proclamé samedi 5 mars un cessez-le-feu temporaire. Il devait permettre d’évacuer les civils avant la reprise des combats entre les soldats de Vladimir Poutine et ceux de Volodymyr Zelensky. Mais les combats, et leur cortège effroyable de bombardements russes, n’ont pas cessé. L’évacuation est interrompue, le couloir humanitaire donne sur une impasse, et quelque 200 000 civils attendent dans une angoisse inimaginable que le cessez-le-feu soit de nouveau proclamé.
Cette ville, que la voyageuse française Adèle Hommaire de Hell décrivait au XIXe siècle comme « un grand et sale village » peuplé « par les Grecs que Catherine II y transporta de la Crimée », est au cœur de la stratégie d’invasion de l’Ukraine de Vladimir Poutine. En tant que port de la mer d’Azov et dixième ville du pays, Marioupol recouvre une importance géographique et démographique évidente – elle est aussi la deuxième ville du Donbass, derrière Donetsk et devant Louhansk, avec 460 000 habitants. Or l’un des objectifs que l’on prête à Vladimir Poutine serait de reconquérir le territoire de la « Nouvelle Russie », bâtie par l’impératrice Catherine II au XVIIIe siècle, et qui s’étendait du Donbass jusqu’à Odessa le long des rives de la mer Noire. Cela voudrait-il dire que le Donbass est historiquement russe ?
Si la question paraît simple, la réponse l’est beaucoup moins.
Une situation géographique trouble
18 février 2014 : le président ukrainien Viktor Ianoukovytch et son gouvernement refusent de signer un accord d’association avec l’Union européenne au profit d’un accord avec la Russie de Vladimir Poutine. Cette décision met le feu aux poudres en Ukraine et déclenche la révolution de Maïdan ; des émeutes violentes ont lieu partout dans le pays et forcent finalement le parlement ukrainien à destituer Ianoukovytch.
Le territoire national est alors plus divisé que jamais, entre l’Ouest qui soutient le nouveau pouvoir élu démocratiquement en mai 2014 et l’Est du pays où réside en majorité sa minorité russophone. Pour ne rien arranger, le président par intérim Oleksandr Tourtchynov abroge la loi de 2012 sur les langues régionales et retire ainsi au russe son statut de langue officielle dans 13 des 25 régions du pays, provoquant de vives tensions notamment dans les collectivités de Crimée, de Donetsk et de Louhansk. Des brigades d’autodéfense se forment dans ces régions pour réclamer la reconnaissance de leur langue maternelle.
C’est le début d’un conflit qui mène à l’annexion en 2014 de la Crimée par la Russie. Mais le conflit ne s’est pas terminé là. Depuis 2014, les combats font toujours rage dans la région du Donbass, qui regroupe les collectivités de Donetsk et de Louhansk, entre les séparatistes pro-russes et l’armée ukrainienne. Une guerre intérieure qui a permis à Vladimir Poutine de justifier son invasion de l’Ukraine le 24 février 2022, en reconnaissant l’indépendance des « républiques populaires » de Donetsk et de Louhansk. Première difficulté du conflit au Donbass : sa situation géographique à cheval entre la Russie et l’Ukraine. Géographiquement, elle englobe trois collectivités territoriales, dites oblasts : Donetsk et Louhansk en Ukraine, et Rostov de l’autre côté de la frontière en Russie. Avant le conflit de 2014, les minorités ethniques russes représentaient plus d’un tiers de sa population. De plus, sur le plan linguistique, la majorité de ses habitants parlent le russe : en 2001, date des derniers recensements, ils représentaient jusqu’à 75 % des habitants de Donetsk et près de 70 % des habitants de Louhansk.
Une forte proportion de la population qui n’a évidemment pas apprécié la décision de retirer le russe des langues officielles de l’Ukraine. C’est suite à cet événement, à partir d’avril 2014, que les oblasts de Donetsk et de Louhansk ont été le foyer d’insurrections armées contre le nouveau gouvernement ukrainien. Des insurrections qui deviennent rapidement des mouvements séparatistes et qui proclament ainsi leur indépendance par référendum. La République populaire de Donetsk voit le jour le 7 avril 2014 avant d’être suivie par la République populaire de Louhansk le 11 mai de la même année. Aucun de ces deux États n’est cependant reconnu par l’ONU et ils restent officiellement considérés comme des régions ukrainiennes. L’armée tente d’intervenir dès mai 2014 avant d’être repoussée par les séparatistes pro-russes, suspectés d’être soutenus militairement par Vladimir Poutine.
Depuis, et malgré des tentatives d’accords de paix et de cessez-le-feu notamment en 2015 et en 2019, les séparatistes du Donbass sont toujours en situation de guerre avec l’armée ukrainienne. Une guerre loin d’être froide selon Patrick Sauce, spécialiste de la politique internationale qui a couvert la guerre dans le Donbass et s’est rendu dans ces territoires. « Dans le Donbass, la population se retrouve prise en étau entre les tirs des séparatistes pro-russes et les tirs de l’armée ukrainienne. Donc, c’est un fait, les Ukrainiens tirent depuis huit ans sur des civils », assure le journaliste. Des propos appuyés également par Benoît Vitkine, correspondant du Monde à Moscou : « Les forces ukrainiennes tirent au canon sur ceux d’en face. Ceux qui voudraient le nier sont aussi malhonnêtes que ceux qui brandissent ce conflit du Donbass pour tenter d’occulter l’invasion de l’Ukraine », explique-t-il. Pour lui, Vladimir Poutine se sert du conflit latent pour justifier son invasion. Alors que ses troupes se massaient à la frontière ukrainienne, c’est en reconnaissant l’indépendance de Louhansk et de Donetsk le 21 février dernier qu’il a pu envoyer ses forces dans la région pour « maintenir l’ordre » et démarrer les hostilités avec l’Ukraine.
« Cette guerre a été fomentée sciemment par la Russie, sur la base d’inquiétudes réelles des populations du Donbass après Maïdan. Les premières armes sont apparues dans les mains d’agents russes en avril 2014. L’armée russe est intervenue directement en soutien des séparatistes à l’été 2014 et à l’hiver 2015 », rappelle Benoît Vitkine.
L’héritage soviétique du Donbass
Si la Russie est tant intéressée par ce qu’il se passe en Ukraine et plus particulièrement au Donbass, c’est parce qu’elle affirme que son héritage est historiquement russe. Vladimir Poutine a plusieurs fois déclaré par le passé vouloir protéger cet héritage : « Les Russes, les Ukrainiens et les Biélorusses sont tous des descendants de l’ancienne Rus, qui était le plus grand État d’Europe. » Pour Poutine, l’éloignement entre la Russie et l’Ukraine est le fait de l’influence américaine et européenne qui vise à « entraîner petit à petit l’Ukraine dans un jeu géopolitique dangereux, visant à faire de ce territoire une barrière entre l’Europe et la Russie. Nous ne l’accepterons jamais », rappelait-il en juillet 2021 dans un article officiel du Kremlin.
Le territoire du Donbass, avant d’être nommé ainsi au XXe siècle, a d’abord été habité pendant des siècles par diverses tribus nomades telles que les Scythes, les Huns, les Bulgares, ou les Tatars turcs. La région était alors constituée en grande partie de steppes et n’était que très peu peuplée jusqu’à la seconde moitié du XVIIe siècle. Elle est alors colonisée par des populations slaves d’Europe orientale qui y établissent les premières installations et villes autour du fleuve Donets. Le Donbass était alors divisé entre le contrôle de l’Hetmanat cosaque ukrainien et du Khanat turc de Crimée.
Un équilibre qui dure jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, lorsque l’Empire russe conquis finalement l’Hetmanat et annexe le Khanat turc. De nombreux Russes migrent alors dans cette région pleine de promesses, désignée par le Tsar comme la « nouvelle Russie ». Bénéficiant de vastes ressources en charbon, découvertes en 1721, la région devient alors un point stratégique dans un contexte où la révolution industrielle s’installe en Europe. C’est d’ailleurs de là que vient son nom : bassin houiller de Donets, ou Donbass, désignant la zone située le long du fleuve Donets où se trouvaient la plupart des réserves de charbon. Un développement économique qui attire encore de nombreuses vagues d’immigration. En 1897, les Ukrainiens représentaient 52,4 % de la population de la région, tandis que les Russes ethniques en représentaient 28,7 %, selon un recensement de l’Empire russe.
La révolution russe de 1917 met fin à l’empire et voit la naissance de la République populaire ukrainienne, dont les forces prennent le contrôle du Donbass et l’intègrent à l’État ukrainien. État qui sera finalement intégré à l’URSS en 1922 en tant que république socialiste soviétique d’Ukraine. Le Donbass est alors victime d’une « décosaquisation » majeure orchestrée par les bolcheviks : un processus d’élimination des populations cosaques présentes depuis le XVIIe siècle sur le territoire. Certains historiens parlent d’une entreprise « génocidaire », parmi lesquels le Français Nicolas Werth, directeur de recherche à l’Institut d’histoire du temps présent, affilié au CNRS. Dans les années qui suivent, la région doit également affronter de terribles famines qui déciment le territoire et souffre énormément des conséquences de la seconde guerre mondiale. De nombreux ouvriers russes viennent alors participer à la reconstruction et repeupler la région. La population russe augmente alors drastiquement. S’il n’étaient que 639 000 en 1926, le nombre de Russes dans le Donbass passe à 2,55 millions en 1959. Lors du recensement soviétique de 1989, 45 % de la population du Donbass se revendiquait d’appartenance russe.
Pourtant, lorsque l’URSS se disloque en 1991 et que l’Ukraine vote pour son indépendance, une grande majorité de citoyens du Donbass accueille la nouvelle avec enthousiasme. 83,9 % des électeurs de l’oblast de Donetsk et 83,6 % de l’oblast de Louhansk votent en faveur de l’indépendance au référendum. Mais les difficultés économiques d’une région en pleine perte de vitesse industrielle se font vite ressentir et le ressentiment envers le gouvernement de Kiev commence à grandir et entraîne de forts mouvements de grève. Des concessions notamment économiques sont alors faites pour apaiser les tensions, parmi lesquelles… la reconnaissance du russe comme langue régionale à Donetsk et Louhansk. La boucle est bouclée.
Un projet à grande échelle ?
L’histoire du Donbass est donc fortement liée à la Russie, mais ses habitants s’en sont pourtant émancipés à plusieurs reprises, notamment lors du référendum pour l’indépendance en 1991. La position des habitants du Donbass est donc trouble avec une volonté des russophones de préserver leur héritage et leur langue exacerbée par huit années de conflit violent avec l’armée ukrainienne. Pour autant, dire que le Donbass est russe serait user d’un raccourci nuisant à la compréhension du conflit et de ses enjeux. Les demandes des séparatistes du Donbass sont d’ailleurs hétérogènes et peuvent aller d’une volonté de poursuivre des relations proches avec Moscou en tant qu’État indépendant à l’attente d’une véritable annexion russe.
La question est alors de savoir si l’objectif de Vladimir Poutine en Ukraine se limite, in fine, au Donbass. Pour l’analyste politique russe Fedor Krasheninnikov, « il est peu probable que Poutine entreprenne une occupation à court terme afin de conquérir Kiev et d’y installer un gouvernement favorable au Kremlin. Un gouvernement constitué sous une occupation permanente ou même temporaire n’a aucune chance d’acquérir une légitimité internationale », précise-t-il. « Poutine veut que l’Ukraine reconnaisse le changement de statut de la Crimée, et celui du Donbass en cas d’annexion. »
L’ambition de Poutine serait donc plutôt d’affaiblir suffisamment l’État ukrainien pour en faire un allié de la sphère d’influence russe en Europe. « Les soldats russes partiraient dès que la nouvelle administration serait constituée, et le nouveau gouvernement ukrainien reconnaîtrait le statut de la Crimée, signerait tous les accords proposés avec la Russie et renoncerait à son ambition de rejoindre l’OTAN », décrit l’analyste. Mais tant que les bombes pleuvront sur Marioupol, Vladimir Poutine ne s’y trouvera pas d’alliés.
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21.08.2023 à 12:23
Les NFT sont-ils le scam de la décennie ?
Ulyces
2 mai 2014 : Kevin McCoy, un artiste numérique américain désireux de créer un système plus équitable pour ses confrères, met au point avec son partenaire développeur Anil Dash la première œuvre certifiée NFT de l’histoire. Baptisée Quantum, elle représente un octogone rempli de cercles concentriques pulsant de manière psychédélique. L’œuvre annonce pour Kevin McCoy […]
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Texte intégral (2004 mots)
2 mai 2014 : Kevin McCoy, un artiste numérique américain désireux de créer un système plus équitable pour ses confrères, met au point avec son partenaire développeur Anil Dash la première œuvre certifiée NFT de l’histoire.
Baptisée Quantum, elle représente un octogone rempli de cercles concentriques pulsant de manière psychédélique. L’œuvre annonce pour Kevin McCoy un avenir radieux : celui où les artistes modestes, habitués jusqu’à présent à voir leurs œuvres pillées et repartagées sur les réseaux sans être crédités, prendront enfin le contrôle sur leur art avec un moyen sûr d’authentifier leur travail, une sorte de griffe numérique. Le concept du NFT était né, mais Kevin McCoy était loin d’imaginer que son idée, restée dans l’ombre pendant de nombreuses années, serait au centre de toutes les controverses aujourd’hui. « Il y a eu beaucoup d’incompréhension. Le monde de l’art traditionnel a eu du mal à comprendre le système et ce qui était proposé », se souvient McCoy. « De son côté, le monde des cryptomonnaies n’était pas intéressé par la question de l’art numérique. »
Un constat désormais bien différent. Devenu le sujet brûlant sur Internet ces derniers mois, les NFT sont partout. De Meta à Ubisoft, de Freeze Corleone à Eminem, chacun cherche à se positionner pour tirer son épingle du jeu. Les enthousiastes suivent avec une explosion des ventes de NFT, qui réalisent 4,7 milliards de dollars uniquement sur la semaine du 23 janvier 2022. Pourtant, des artistes de plus en plus nombreux tirent la sonnette d’alarme, pointant des failles sur les plateformes de reventes de NFT, notamment OpenSea, qui mettrait en vente une multitude de fausses œuvres ou des œuvres volées. Ce qui pousse certains à dire que malgré leur promesse initiale, les NFT sont un vaste scam organisé.
L’appel d’air
Si la question des NFT est aussi brûlante, c’est qu’elle s’est imposée aux yeux du grand public en seulement quelques mois. Depuis 2021, les ventes de NFT ont atteint des paliers records avec la vente de The Merge de l’artiste Pak, une œuvre numérique fragmentée en 226 434 parties vendues pour un total de 91,8 millions de dollars à plus de 28 000 acheteurs différents, entre le 2 et le 4 décembre dernier sur la plateforme Nifty. Des sommes qui encouragent des personnalités comme Eminem à investir eux aussi dans les NFT.
Début janvier, le dieu autoproclamé du rap s’est offert un ticket d’entrée à 450 000 dollars dans le Bored Ape Yatch Club, une communauté très select de collectionneurs NFT arborant un singe unique à leur effigie leur permettant d’obtenir certains accès à des événements privés en ligne ou IRL. Mais cette effervescence autour des NFT ne séduit pas tout le monde du rap. Kanye West a notamment fait part de son agacement à l’occasion d’un post sur Instagram le 1er février. « Ne me demandez pas de faire un p***** de NFT », s’énerve Ye. « Je me concentre pour créer des choses dans le monde réel. »
De leur côté, les entreprises se positionnant sur les NFT sont légion, saturant l’espace médiatique avec une technologie encore peu connue et instillant ainsi une défiance grandissante. Ainsi, 51 % des millennials estiment que les NFT sont une arnaque selon un sondage annuel de Tidio, une crainte qui monte à 82% pour les membres de la génération Z (2000-2010). Des chiffres qui coïncident avec les tollés pris par les entreprises qui tentent d’embrasser les NFT dans leur écosystème. Twitter s’y est lui-même frotté après avoir lancé en janvier dernier une fonctionnalité permettant à ses utilisateurs premium d’uploader leur NFT pour les exposer sur leur profil. Une initiative décriée par de nombreux utilisateurs dont Elon Musk, « agacé » par les ressources utilisées par Twitter dans ce genre de fonctionnalités.
Du côté du gaming, les NFT soulèvent également des débats enflammés entre éditeurs, développeurs et consommateurs. En novembre 2021 le directeur général d’Electronic Arts Andrew Wilson avait annoncé la volonté d’EA d’intégrer la technologie NFT à ses jeux vidéo, une décision présentée comme « le futur de l’industrie » par Wilson et accueillie par une grogne massive sur les réseaux, car les joueurs y voient un énième moyen pour l’entreprise d’intégrer des contenus payants à ses jeux. Trois mois plus tard, EA se montre plus réservé quant à l’implémentation de NFT dans ses futures productions. « Je crois que l’aspect collection continuera à être une partie importante de notre industrie. Que ce soit dans le cadre de la blockchain NFT, cela reste à voir », modère désormais Wilson. « Nous allons évaluer cela au fil du temps, mais pour l’instant, ce n’est pas quelque chose sur lequel nous nous acharnons. »
Et pour cause, les consommateurs ne sont pas les seuls à craindre l’implémentation des NFT dans l’industrie. Une étude de la Game Developers Conference a révélé en janvier que 70 % des développeurs de jeux vidéo sont hostiles aux NFT dans les jeux. « Ces technologies n’utilisent toujours pas d’énergie durable et sont une cible pour le blanchiment d’argent. En tant que développeur, je me sens profondément mal à l’aise à l’idée qu’elles soient encouragées », précise anonymement un des développeurs sondés.
Crypto punks
De nombreux aspects viennent en effet noircir le tableau dépeint par les enthousiastes des NFT. En théorie, chaque NFT, ou jeton non-fongible, associé à la technologie blockchain, est unique et impossible à reproduire. Cette protection garantit au collectionneur que son achat n’est pas contrefait et à l’artiste que son travail ne sera pas volé. Pourtant, les couacs ne cessent de s’accumuler pour les acteurs du milieu des NFT. Après le licenciement d’un de ses employés pour avoir détourné le système de vente à son avantage, la plateforme OpenSea est de nouveau au cœur de la polémique pour sa fonctionnalité permettant aux utilisateurs de créer gratuitement leur jeton non-fongible. Une fonctionnalité que la plateforme est désormais forcée d’endiguer après avoir révélé sur Twitter une faille majeure dans son système. « Plus de 80 % des articles créés avec cet outil étaient des œuvres plagiées, de fausses collections et du spam », admet OpenSea.
De plus en plus d’artistes se soulèvent pour révéler le côté obscur du marché des NFT et déclarent avoir tout simplement vu leur travail leur être volé et vendu à leur insu sur certaines plateformes. C’est le cas d’Aja Trier, une artiste peintre américaine. En janvier 2022, un utilisateur non-identifié sur OpenSea, la plateforme dominante du marché de l’art NFT, a commencé à mettre en vente des dizaines de milliers de ses œuvres, souvent en plusieurs fois. Trente-sept d’entre elles ont été vendues avant qu’elle ne parvienne à convaincre la plateforme de les retirer. « Ils n’arrêtaient pas de les reprendre et de les refaire en tant que NFT », explique Aja Trier. « C’est tellement flagrant. Et si ça m’arrive à moi, ça peut arriver à n’importe qui ».
Effectivement, le cas de Aja est tout sauf isolé. Des artistes plus renommés, dont le concepteur de Detective Pikachu RJ Palmer, se sont également fait voler leurs œuvres. « Au cours des dernières 24 heures, j’ai dû signaler 29 cas de vol de mes œuvres en tant que NFT. C’est vraiment fatiguant et cela ne fait qu’empirer », a tweeté Palmer le mois dernier. « Tous les artistes que je connais se font voler leurs œuvres et c’est tout simplement injuste. Que pouvons-nous faire, c’est sans espoir. »
Le vol et le plagiat ne sont pas les seules problématiques que doivent gérer les plateformes de vente de NFT. La spéculation, inhérente à l’écosystème des NFT, amène également son lot de dérives. Ainsi LooksRare, la deuxième plateforme du secteur, a été épinglé en janvier dernier par la firme d’analyse NFT CryptoSlam, qui révèle que 87 % des transactions sur LooksRare constitueraient du « wash trading », une manipulation du marché consistant notamment à vendre et acheter en boucle la même œuvre pour faire monter son prix artificiellement ou empocher des bénéfices sur la transaction.
Ce type de pratique a notamment été mis en lumière par l’affaire du « CryptoPunk 9998 », qui s’était vendu pour 532 millions de dollars en octobre 2021, avant d’être épinglé par son créateur sur Twitter. « Cette transaction (et un certain nombre d’autres) n’est pas un bug », a tweeté la société. « En un mot, quelqu’un s’est acheté ce punk avec de l’argent emprunté et a remboursé le prêt dans la même transaction. »
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Malgré les dérives, l’essor des NFT est bien parti pour se poursuivre et pourrait même trouver des applications au-delà du domaine du dématérialisé.
Certains s’impatientent ainsi de les voir déferler notamment dans le domaine de l’immobilier. « Je suis enthousiasmé par la façon dont les NFT vont être appliquées aux biens immobiliers du monde physique », déclarait Tim Draper, investisseur américain et grand partisan du bitcoin, en avril 2021. « Je soupçonne que les gens seront bientôt en mesure d’acheter un bâtiment, d’acheter les droits aériens et d’acheter les droits virtuels de tout espace physique. L’avenir est impressionnant. »
Des déclarations qui promettent encore de longues discussions autour des jetons non-fongibles et de leur fiabilité, loin d’être acquise pour le moment. Ce qui est sûr, c’est qu’à l’heure actuelle, ils enrichissent plus d’investisseurs et de fraudeurs qu’ils ne protègent d’artistes numériques.
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18.07.2023 à 12:05
Voilà à quoi ressembleront les robots du futur selon le créateur de Sophia
Nicolas Prouillac et Arthur Scheuer
2022 sera l’avènement des machines. En tout cas, c’est ce qu’espère Hanson Robotics. Depuis son atelier de Hong Kong, le créateur de l’androïde Sophia, David Hanson, a confié à Reuters qu’il comptait vendre « des milliers » de robots cette année. « Sophia et les autres robots de Hanson sont uniques de par leurs traits […]
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Texte intégral (2744 mots)
2022 sera l’avènement des machines. En tout cas, c’est ce qu’espère Hanson Robotics. Depuis son atelier de Hong Kong, le créateur de l’androïde Sophia, David Hanson, a confié à Reuters qu’il comptait vendre « des milliers » de robots cette année. « Sophia et les autres robots de Hanson sont uniques de par leurs traits humains », explique le roboticien. « Ils peuvent être utiles dans ces temps troublés, où les gens sont terriblement seuls et isolés socialement. » Nous l’avons rencontré pour un entretien fleuve.
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David Hanson est rarement seul. Depuis quatre ans, le fondateur de Hanson Robotics parcourt le monde accompagné de ses robots, Sophia en tête. Le 3 mars dernier, l’Américain était en Pologne sans l’androïde qui l’a fait connaître, mais il a promis de l’amener avec lui à Cracovie, au mois de juin. S’il avait laissé sa créature dialoguer avec les membres des Nations unies en octobre 2017, il a cette fois préféré rencontrer la ministre du Développement polonaise en personne. Jadwiga Emilewicz en a profité pour annoncer l’ouverture prochaine de centres d’intelligence artificielle dans le pays. « Il est temps de devenir un créateur d’innovation plutôt qu’un récepteur », a-t-elle annoncé.
Depuis qu’il a découvert les œuvres des auteurs de science-fiction Issac Asimov et Philip K. Dick à l’adolescence, David Hanson s’est évertué de tenir ce rôle. Né à Dallas, le Texan a travaillé comme un forcené pour mettre au point Sophia et une kyrielle d’autres robots humanoïdes, dont des avatars d’Einstein et de l’auteur de Blade Runner. Il a ainsi développé une vision unique du futur des robots et, partant, du nôtre. Deux ans après notre première rencontre, il nous a dévoilé sa vision du futur des robots.
Sophia a-t-elle un futur ?
Bientôt cinq ans après sa création, nous travaillons toujours sur Sophia afin d’en faire une plateforme robotique cognitive très avancée, pourvue de bras et de mains bien articulés ainsi que d’une multitude de nouvelles compétences et de capteurs. Elle possède actuellement 40 moteurs dans le visage et l’encolure, un socle rotatif et on lui ajoute parfois des jambes. Tout cela coûte très cher et ce n’est bien sûr par quelque chose que nous pouvons proposer au grand public.
Alors nous avons mis au point la petite sœur de Sophia, Little Sophia, ainsi qu’un autre petit robot savant baptisé Professeur Einstein. Nous avons l’ambition de faire de ces petits androïdes la nouvelle génération d’assistants vocaux, mais des assistants vocaux animés. Interagir avec des robots humanoïdes est une expérience puissante, qui entre en résonance avec un tas d’idées développées par la science-fiction dont l’humanité rêve depuis longtemps.
Cela signifie que les enfants sont enthousiasmés à l’idée d’interagir avec cette technologie. Ils sont ainsi capables d’apprendre beaucoup tout en s’amusant. Vous avez un personnage, une histoire… il n’y a rien de mieux pour retenir l’attention d’un être humain.
Quelles sont les applications pratiques de ces androïdes ?
Avec une des grandes sœurs de Sophia, Alice, l’université de Pise, en Italie, a eu de bons résultats dans le traitement de l’autisme. Une version miniature de ce robot a aussi été employée pour aider les personnes âgées. Mettre ces technologies au service du grand public sans amoindrir la qualité de leur intelligence artificielle était un grand défi. Mais nous y sommes parvenus avec la petite Sophia et, avec la grande, nous cherchons à faire encore un bond en avant.
Nous voulons que Sophia soit utile dans l’éducation scientifique, dans la recherche, dans le développement de nouveaux algorithmes, dans la mise au point de nouvelles interfaces humain-machine et dans l’invention de nouvelles thérapies pour l’autisme. Pour ces usages thérapeutiques, il existe naturellement déjà des connaissances et une expertise médicale, mais Sophia peut les rassembler au sein d’une même plateforme pour les rendre plus impactantes.
Comment les robots peuvent-ils changer notre façon d’apprendre ?
Il faut voir les androïdes comme des plateformes, les réceptacles de programmes d’intelligence artificielle toujours plus avancés et différents. Nos interactions avec l’intelligence artificielle peuvent devenir plus naturelles et profondes grâce à aux robots : on n’a pas la même relation avec une machine à forme humaine qu’avec un smartphone.
L’idée est donc pour nous de faire de nos robots des plateformes dotées d’interfaces de programmation open source, afin de bénéficier des créations de personnes du monde entier. De cette manière, la nouvelle vague de technologies intelligentes pourra être « humanisée » par n’importe qui. Voilà pourquoi il est très important à nos yeux de démocratiser les robots comme Sophia et de créer des plateformes humanoïdes grand public, comme avec la petite Sophia.
Certaines de nos innovations, comme les technologies d’expression faciale, demeureront la propriété de Hanson Robotics, mais beaucoup d’autres vont devenir publiques. C’est ce que nous avons fait avec le Professeur Einstein. Nous vendons ce petit robot avec la possibilité de lui apporter des modifications structurelles. Mais il fallait vraiment avoir des compétences de hackers pour le faire. Avec Little Sophia, il est plus simple pour tous les utilisateurs de lui apprendre de nouvelles choses et de la faire évoluer.
Mon fils de 13 ans est parvenu à la reprogrammer grâce à la l’interface de commande en ligne, c’était génial. Lorsque vous voyez des enfants jouer avec les robots, vous vous rendez compte des éclairs de créativité que cela peut produire. Ils peuvent rêver et laisser libre cours à leur imagination, plutôt que de se retrouver face à une machine limitée. C’est formidable de les voir s’enthousiasmer face à cet univers de tous les possibles.
Comment êtes-vous entré dans l’univers de la robotique ?
En 1995, je suivais des cours de programmation pendant mon cursus de cinéma. J’ai construit un robot de téléprésence et je l’ai montré dans un festival d’art scientifique. Depuis, je n’ai pas arrêté d’en inventer. Pour mon doctorat, je me suis penché sur une des questions les plus complexes de la robotique humanoïde : quelle technologie utiliser pour les expressions faciales ? J’ai créé des dizaines et des dizaines de robots différents. Certains d’entre eux fonctionnent encore dans des laboratoires de recherche autour du monde et j’en suis très fier.
D’une certaine manière, Sophia est le fruit de toutes ces années de développement. En chemin, il y a eu l’androïde Philip K. Dick (qu’on appelle Phil), qui a été inspiré par ses livres We Can Build You et Valis, dans lesquels il explore l’idée que les machines intelligentes peuvent évoluer conjointement aux humains pour former un réseau de super-intelligence transcendantale. C’est un élément-clé de mes créations. D’ailleurs, dans ces livres, il y avait un robot baptisé Sophia.
En 2014, j’ai commencé a dessiné son visage en m’inspirant de visages de différentes grandes civilisations – de l’Antiquité, de Chine, d’Afrique, des Inuits et de mon épouse… J’étais obsédé par ce travail, si bien que j’ai passé plus de temps sur ce robot que sur n’importe quel autre auparavant. J’avais le sentiment de ne pas savoir où j’allais, j’étais complètement perdu. Et nous avons finalement activé Sophia en février 2016.
J’ai été surpris par la réaction du public. Je pense que le succès de Sophia était dû avant tout à la qualité de ses expressions faciales. Puis avec l’université polytechnique de Hong Kong et le projet Opencog, nous avons travaillé sur son intelligence. Cette IA lui donne une véritable personnalité. Et grâce au deep learning, elle peut produire ses propres idées.
Pourrait-elle à terme développer une forme de conscience ?
Je ne sais pas. Ce qui est sûr, c’est que le fait de mettre ces outils dans les mains de différents chercheurs pour qu’ils les combinent va produire des choses intéressantes. Je pense notamment que les algorithmes génétiques ou les algorithmes physiologiques d’inspiration biologique sont pleins de promesses. Il faut appliquer ces modèles de bio-informatique et de neuroscience sur des humanoïdes pour qu’ils n’aient plus seulement la capacité d’interagir physiquement avec nous, mais aussi socialement. C’est peut-être la clé pour voir des étincelles de vie s’allumer.
L’année dernière, nous avons travaillé avec l’Institute of Noetic Sciences, en Californie, et Opencog sur un projet baptisé « Loving AI ». Des mathématiciens, des physiciens et bien d’autres scientifiques ont utilisé des schémas neuronaux pour tester une intelligence artificielle dans le cadre de ce qu’on appelle la théorie de l’information intégrée, qui cherche à expliquer le fonctionnement de la conscience. Alors qu’elle recevait de l’information et poursuivait les buts assignés, différentes valeurs ont émergé dans notre IA. Il faut poursuivre ces explorations de la conscience pour la faire émerger chez des êtres synthétiques.
Cela dit, ces expérimentations ne sont pas une preuve qu’une machine peut avoir une conscience. Les machines ne peuvent en tout cas pas être douées d’une conscience comparable à celle de l’être humain. Je vois Sophia comme un enfant avec le vocabulaire d’un doctorant. L’idée est maintenant de la faire grandir pour lui permettre d’avoir de meilleures interactions avec le monde réel.
Elle n’en prend pas encore le chemin. Pour l’instant, Sophia a deux fonctions : c’est une œuvre d’art qui sert d’interface à des programmes d’intelligence artificielle ; et c’est un programme de recherche, autrement dit une plateforme pour le développement de la prochaine génération d’IA. Je pense que ces deux dimensions avancent de concert car les robots comme Sophia peuvent apprendre de l’expérience humaine pour cheminer vers l’âge adulte. On retrouve cette idée d’évolution conjointe aux humains.
Bien sûr, tous les robots ne doivent pas ressembler aux êtres humains, mais il est bon d’avoir cette possibilité. Les êtres humains sont plus adaptés aux expériences humanisées comme la littérature, le cinéma ou les interactions en face à face. Nous pouvons nous servir de ça pour entraîner une IA à mieux connaître l’expérience humaine.
Les robots du futur seront-ils un mélange de technologie et de biologie ?
À mon avis, la convergence des progrès en biologie et en technologie n’est pas simplement le résultat de la science humaine, cela fait partie de l’histoire naturelle de notre univers. Je pense que nous sommes à un stade de notre évolution où nous devons trouver le moyen d’être meilleurs, sur le plan éthique, pour construire un meilleur futur, plus créatif, et faire face aux défis existentiels qui se présentent à nous. Nous devons transcender notre passé ou périr. C’est le défi de toute civilisation.
Cela signifie que nous devons explorer ces convergences avec l’idée qu’elles nous permettent de nous améliorer. Comment vivre de façon plus éthique ? La question se pose, et nous avons besoin d’y apporter des réponses nouvelles. Pour cela, il nous faut être plus créatifs et innovants.
Alors comment créer des modèles plus complexes qui rendront l’existence meilleure ? Il nous faut développer notre intelligence pour pouvoir mieux appréhender l’existence et imaginer de meilleures façons de préserver la vie. Voilà pourquoi créer de nouvelles formes de vie est une bonne chose : aller de l’avant est quelque chose de naturel. Il faut se garder de la tentation de privilégier le court-terme qui favorisent des mécaniques de domination d’un individu sur l’autre, d’une culture sur l’autre ou d’une nation sur l’autre. La convergence de la technologie et de la biologie est nécessaire pour créer des échanges où tout le monde peut être gagnant.
Les robots peuvent-ils rendre l’humain meilleur ?
Cela devrait être notre but : comment se servir des machines et l’IA pour sauver l’humanité et la planète. Je suis fier de la manière avec lesquelles mes équipes créent des robots ou des IA pour faire le bien.
Sophia a déjà fait la promotion d’objectifs de développement durables des Nations unies. Je pense aussi que le storytelling, la bonne science-fiction, améliore la condition humaine, elle nous permet d’examiner ces sujets importants. Nous devons utiliser tous les outils à notre disposition pour sensibiliser les gens. Les deepfakes, les algorithmes comme armes de propagande de masse ou de neuro-hacking sont effrayants. C’est pour ça qu’il nous faut définir un cadre éthique pour utiliser ces outils.
Pourquoi ne pourrions-nous pas nous en emparer pour sensibiliser le monde, pour le rendre mieux informé, plus créatif ? Le neuro-hacking est perçu comme quelque chose de mauvais mais tout nouvel élément culturel ou artistique est une forme de neuro-hacking. Les bonnes idées hackent notre réalité en ouvrant de nouvelles possibilités. C’est le pouvoir de la science et du storytelling.
En 2022, il n’y a pas qu’un seul Philip K. Dick, il y en a des centaines. Peut-être qu’ils s’expriment par d’autres biais qu’à travers la littérature de science-fiction. Le risque est qu’une abondance d’information poussent des gens à revenir aux vieux paradigmes. C’est là que faire de l’exploration et de la création un jeu est très important. C’est là que Sophia trouve une raison d’être.
Couverture : ITU Pictures
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