28.10.2025 à 00:00
Human Rights Watch
(Bangkok) – Un tribunal antiterroriste d'Islamabad, au Pakistan, a prévu d’inculper le journaliste Matiullah Jan sur la base de motifs apparemment politiques, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch ; ce journaliste dénonce depuis longtemps les abus policiers dans ce pays. Les autorités pakistanaises devraient immédiatement abandonner les accusations sans fondement portées contre lui en vertu de plusieurs articles de la loi antiterroriste de 1997, et pour possession présumée de stupéfiants.
Ces dernières années, les journalistes pakistanais ont été confrontés à des obstacles de plus en plus importants entravant leur travail, notamment des actes de harcèlement, des menaces, des agressions, des arrestations et des placements en détention arbitraires, des disparitions forcées et même des assassinats. Les autorités ont exercé une pression croissante sur les rédacteurs en chef et les propriétaires de médias, afin d’entraver les reportages critiques. Depuis le début de l'année 2025, les autorités ont engagé environ 689 poursuites en vertu de la loi de 2016 sur la prévention des crimes électroniques (Prevention of Electronic Crimes Act), une loi draconienne et d’une vaste portée souvent utilisée contre les journalistes, ainsi qu'en vertu de la loi antiterroriste. Des chaînes de télévision critiques à l'égard du gouvernement ont subi des perturbations de signal pendant la diffusion de reportages sur des rassemblements de l'opposition.
« Les poursuites engagées par les autorités pakistanaises contre Matiullah Jan semblent être une tentative flagrante de réduire au silence les voix de journalistes exprimant des critiques », a déclaré Patricia Gossman, directrice adjointe de la division Asie à Human Rights Watch. « Le gouvernement devrait abandonner les poursuites visant Matiullah Jan, et cesser d'utiliser le système pénal pour punir les journalistes qui font leur travail. »
La police a indiqué avoir interpellé Matiullah Jan à un poste de contrôle dans le quartier E-9 d'Islamabad le 27 novembre 2024 ; il aurait été en possession de 246 grammes de méthamphétamine, et aurait commis des actes de terrorisme en résistant à son arrestation et en s'échappant. Toutefois, Matiullah Jan soutient que les autorités exercent des représailles à son encontre en raison de ses reportages sur l'usage excessif de la force par la police contre des manifestants politiques. Les autorités ont également accusé Matiullah Jan de diffuser de « fausses informations pour de l'argent », mais ces allégations ne figurent pas dans les accusations pénales portées contre lui.
Matiullah Jan a nié les informations fournies par la police concernant la présumée tentative de l’arrêter à un poste de contrôle, le 27 novembre 2024. Il a déclaré qu'au lieu de cela, ce jour-là, après que les autorités eurent enregistré une plainte pénale contre lui, des hommes non identifiés et vêtus en uniformes noirs l'ont enlevé, ainsi qu'un autre journaliste, Saqib Bashir, alors qu’ils se trouvaient dans un parking. Il a ajouté que ces hommes leur ont bandé les yeux et les ont forcés à monter dans un véhicule. Saqib Bashir a été libéré trois heures plus tard. Le 30 novembre, la Haute Cour d'Islamabad a accordé la liberté sous caution à Matiullah Jan.
Cela fait trois décennies que les autorités ont pris pour cible Matiullah Jan, qui couvre les questions juridiques et politiques au Pakistan. Le 21 juillet 2020, des assaillants non identifiés ont enlevé Matiullah Jan à Islamabad, la veille du jour où il devait comparaître devant la Cour suprême pour répondre à des accusations d'« utilisation d'un langage désobligeant/méprisant et de diffamation de l'institution judiciaire ». Il a été libéré après 12 heures. Jan a porté plainte contre ses ravisseurs, mais personne n'a jamais été arrêté.
Des organisations pakistanaises et internationales de journalistes et de la société civile, notamment le Comité pour la protection des journalistes, la Fédération internationale des journalistes, l'Union fédérale des journalistes du Pakistan et la Commission des droits de l'homme du Pakistan, ont appelé les autorités à abandonner les poursuites contre Matiullah Jan.
Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), ratifié par le Pakistan en 2010, interdit les restrictions à la liberté d'expression pour des raisons de sécurité nationale, sauf si elles sont prévues par la loi, strictement interprétées et nécessaires et proportionnées pour faire face à une menace légitime. Les lois qui imposent des sanctions pénales pour des expressions pacifiques d’opinions sont particulièrement préoccupantes, en raison de leurs effets dissuasifs sur la liberté d'expression.
Le Comité des droits de l'homme des Nations Unies, l'organe d'experts indépendants qui surveille le respect du PIDCP, a déclaré dans son Observation générale n° 34 sur la liberté d'expression que « le simple fait que des formes d’expression soient considérées comme insultantes pour une personnalité publique n’est pas suffisant pour justifier une condamnation pénale. […] De plus, toutes les personnalités publiques […] sont légitimement exposées à la critique et à l’opposition politique. »
Les autorités pakistanaises devraient mener des enquêtes rapides, impartiales et efficaces sur les récentes attaques et poursuites douteuses à l'encontre de journalistes, a déclaré Human Rights Watch. Le gouvernement devrait modifier ou abroger les lois et annuler les politiques officielles qui violent le droit à la liberté d'expression et la liberté des médias, et promouvoir plutôt un espace de débat public et de libre expression, face aux menaces des groupes extrémistes et de certains responsables gouvernementaux.
« Le gouvernement pakistanais devrait cesser de harceler et de poursuivre injustement des journalistes, et veiller plutôt à ce qu'ils puissent effectuer librement des reportages, sans crainte de représailles », a conclu Patricia Gossman. « Les autorités devraient reconnaître la valeur pour la société pakistanaise des journalistes qui couvrent les questions relatives aux droits humains, au lieu d'essayer de les museler. »
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27.10.2025 à 06:00
Human Rights Watch
(New York) – L'élaboration d'une convention internationale efficace visant à prévenir et punir les crimes contre l'humanité nécessitera des efforts diplomatiques ambitieux et tournés vers l'avenir, ont conjointement déclaré Human Rights Watch et le groupe de travail Prevention of Crimes Against Humanity Project, affilié à la faculté de droit de Columbia University, dans un nouveau document d'information publié aujourd’hui ; ce document (en anglais) comprend 25 recommandations adressées aux délégations qui participeront aux négociations officielles des Nations Unies au sujet de ce traité.
Recommendations for the International Convention on Prevention and Punishment of Crimes Against HumanityLes crimes contre l'humanité, qui comprennent notamment l'extermination, l'esclavage, le viol, la grossesse forcée, la persécution, les disparitions forcées et l'apartheid, lorsqu'ils sont commis dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique dirigée contre une population civile, comptent parmi les infractions les plus graves au regard du droit international. Leur interdiction est déjà considérée comme une norme impérative, à laquelle aucun État ne peut déroger. Un nouveau traité apporterait une cohérence et une uniformité importantes dans la manière dont ces crimes sont traités dans chaque juridiction, et permettrait une coopération accrue entre les États pour prévenir ces crimes.
« Cela fait 80 ans que des dirigeants nazis ont été accusés de crimes contre l'humanité à Nuremberg, mais nous attendons toujours un traité exclusivement consacré à ce type de crimes », a déclaré Akshaya Kumar, directrice du plaidoyer sur les situations de crise auprès de Human Rights Watch, et principale auteure du document. « Les diplomates qui se réuniront à New York pour combler cette lacune devraient entamer un processus qui évite délibérément l'exclusion et les inégalités ayant trop souvent caractérisé l'élaboration du droit international dans le passé, afin que ce traité anticipe mieux les 80 prochaines années. »
Le 4 décembre 2024, lors de l'Assemblée générale des Nations Unies, les États membres ont adopté la résolution 79/122, afin de poursuivre les travaux officiels sur une convention portant sur « la prévention et la répression des crimes contre l’humanité ». Ce processus, qui débutera par la création d'un comité préparatoire en janvier 2026, constitue une occasion historique de consolider les engagements mondiaux visant à prévenir et à punir ces crimes graves. Les réunions à New York devraient être complétées par des réunions et des consultations régionales afin de renforcer la participation et l'accessibilité, compte tenu notamment des restrictions croissantes en matière de visas aux États-Unis.
Les organisateurs devraient aussi s'engager à diffuser les débats sur Internet avec une traduction simultanée, afin de permettre une large participation au processus. Ceci permettrait la participation de collectifs de victimes et de survivants, de défenseures des droits des femmes, de représentants de communautés autochtones, d’universitaires, de personnes handicapées qui pourraient avoir besoin de certains aménagements pour participer, ainsi que de jeune personnes.
Les mois à venir mettront à l'épreuve la détermination des pays à maintenir leur unité et leur vision à l’égard du projet de convention, face à divers défis politiques, ont déclaré les deux organisations. Pour obtenir le meilleur résultat possible, les délégués devraient être prêts à voter lorsque la prise de décision par consensus, qui nécessite un accord unanime, crée des obstacles et des retards inévitables.
En octobre 2025, les représentants d’États membres au sein de la Sixième Commission de l'Assemblée générale, le forum juridique de l’ONU, ont discuté de la meilleure voie à suivre pour poursuivre les négociations officielles. Les représentants de plusieurs pays ont réaffirmé leur soutien au processus décrit dans la résolution de décembre 2024, et ont exprimé leur intention de participer aux négociations visant à élaborer une convention qui protégerait mieux les civils contre ces crimes atroces.
Le 13 octobre, sous l'impulsion du Costa Rica, des dizaines de délégations d'Afrique, d'Amérique latine, d'Europe et d'Asie ont appelé à l'inclusion d’organisations de la société civile à chaque étape. Elles ont aussi demandé l’inclusion d’organisations ne disposant pas du « statut consultatif » auprès du Conseil économique et social des Nations Unies (ECOSOC), cette accréditation étant parfois difficile à obtenir ou maintenir, pour certaines organisations locales. Lors de cette réunion, l'Allemagne a spécifiquement souligné l'importance de permettre aux organisations de la société civile de participer aux sessions des groupes de travail prévues en janvier 2026.
En janvier, l’un de ces groupes de travail fournira à chaque délégation l’occasion de partager son point de vue sur les modifications éventuelles à apporter aux projets d'articles (ang - fra) de la future convention, publiés en 2019 par la Commission du droit international (International Law Commission, ILC). Ces projets d'articles ont déjà fait l'objet de discussions lors de deux précédentes sessions de la Sixième Commission de l’ONU en 2023 et 2024, ainsi que d'une série de commentaires écrits, et sont aussi abordés dans le document d'information publié aujourd'hui. D'ici le 30 avril 2026, les États devront soumettre leurs propositions d'amendements aux projets d'articles de 2019, en vue d’être examinées et de faire l’objet de négociations lors des réunions prévues dans le cadre de la Conférence de plénipotentiaires, qui devrait se tenir partiellement en 2028 et en 2029.
Le traité pourrait ancrer plus solidement la justice pour les crimes contre l'humanité dans le droit international, incitant les États à adopter des lois nationales et renforçant les efforts des tribunaux nationaux grâce à l'entraide judiciaire. Idéalement, les négociateurs utiliseront ce processus pluriannuel pour affiner les termes du traité afin qu'il reconnaisse mieux les préjudices particuliers subis par les femmes, les personnes handicapées, les enfants et d'autres groupes. Le texte final devrait également inclure des garanties procédurales pour les accusés, limiter les refuges pour les suspects et reconnaître les droits des victimes, en particulier en matière de réparation, tout en maintenant une compétence juridictionnelle maximale.
« Il est plus important que jamais que les gouvernements réaffirment leur engagement en faveur de l'état de droit et résistent à toute tentative d'affaiblir les principes fondamentaux de la convention, notamment en matière de prévention », a déclaré Christine Ryan, directrice du Prevention of Crimes Against Humanity Project (Projet de prévention des crimes contre l'humanité) de la faculté de droit de Columbia University.
Dans leur document d'information, les deux organisations ont souligné les éléments clés du projet d'articles qu'il est particulièrement important de maintenir. Elles proposent également 13 amendements possibles au projet d'articles, dans l’espoir que divers pays les soumettront sous forme de propositions avant la date limite du 30 avril 2026.
La dynamique croissante autour du processus officiel d'élaboration d'un traité est particulièrement remarquable à un moment où, plus que jamais et malgré l'opposition des grandes puissances, le monde a besoin de renforcer le multilatéralisme. Le leadership de la Gambie, du Mexique, du Costa Rica et de la Sierra Leone a été essentiel.
« La volonté collective des États soutenant une telle convention, en particulier sous l'impulsion des pays du Sud et grâce à la détermination de la société civile, sera nécessaire pour garantir qu'un traité efficace devienne une réalité », a déclaré Richard Dicker, conseiller juridique senior à Human Rights Watch, qui œuvre depuis des années pour faire avancer ce processus. « Où qu’elles et ils se trouvent – que ce soit à El Fasher, à Gaza, à Cox's Bazaar ou à Marioupol, les victimes et les survivant-e-s de crimes contre l’humanité devraient être la boussole morale de ce processus. Leur courage nous rappelle pourquoi l’obligation de rendre des comptes est si importante. »
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24.10.2025 à 18:55
Human Rights Watch
(La Haye) – Israël devrait respecter son obligation de coopérer avec les Nations Unies en garantissant l’acheminement sans entrave d'aide humanitaire essentielle aux Palestiniens dans les territoires palestiniens occupés (TPO), conformément à l’avis consultatif émis par la Cour internationale de justice (CIJ) le 22 octobre, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch.
La Cour a examiné l’allégation d'Israël selon laquelle l'Office de secours et de travaux des Nations Unies (United Nations Relief and Works Agency, UNRWA) ne serait pas un « organisme impartial », mais a conclu qu’« il n’existe aucune preuve » dans ce sens, et donc qu’en vertu de droit international, Israël doit « s’abstenir d’entraver » le travail « essentiel » de cette agence.
« La Cour internationale de justice a clairement indiqué qu'Israël doit mettre fin à sa campagne visant à démanteler l'UNRWA, et cesser d'utiliser la famine des civils comme arme de guerre », a déclaré Balkees Jarrah, directrice par intérim de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Tant qu'Israël n'aura pas levé son blocus illégal de Gaza et rétabli l'accès à l'électricité, à l’eau et aux soins de santé, des Palestiniens continueront de souffrir et de mourir. Les alliés d'Israël devraient faire pression sur le gouvernement pour qu'il autorise immédiatement l’UNRWA à acheminer l’aide humanitaire, sans entrave. »
L'avis consultatif de la CIJ fait suite à une requête urgente formulée par l'Assemblée générale des Nations Unies en décembre 2024, demandant à la Cour de clarifier les obligations d'Israël en ce qui concerne les activités de l'ONU, des États tiers et d'autres organisations internationales dans les territoires occupés. Cette demande a été soumise dans le contexte de la campagne menée par Israël pour démanteler l'UNRWA, et de la situation humanitaire désastreuse à Gaza due à l'utilisation par Israël de la famine comme arme de guerre, ce qui constitue un crime de guerre, et de la privation intentionnelle d'aide et de services de base. Human Rights Watch conclu que ces politiques israéliennes constituent le crime contre l'humanité d'extermination, et des actes de génocide.
Le 30 janvier, deux projets de loi approuvés par la Knesset – le parlement israélien – sont entrés en vigueur, mettant fin aux opérations de l'UNRWA dans les territoires occupés. Les autorités israéliennes ont bloqué la distribution de l'aide par l'UNRWA à Gaza, empêché son personnel international d'entrer à Gaza et en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, et ordonné la fermeture d’écoles gérées par l'UNRWA à Jérusalem-Est.
Dans son avis, la CIJ confirme qu’Israël, en tant que puissance occupante et selon le droit international humanitaire, a l'obligation « inconditionnelle » de garantir la fourniture sans entrave de l'aide humanitaire, telle que la nourriture, les fournitures médicales et les vêtements, à la population civile de Gaza. L’avis précise que cette obligation s'applique aux « actions de secours assurées par l’Organisation des Nations Unies et ses entités, dont l’UNRWA ». La Cour a ajouté que selon son évaluation, le système de distribution d’aide géré par la Gaza Humanitarian Foundation (GHF), avec le soutien États-Unis « n’a pas amélioré la situation de manière significative ».
Les autorités israéliennes ont non seulement violé à plusieurs reprises leurs obligations en matière d'aide aux civils palestiniens, mais elles ont aussi permis aux forces israéliennes de tuer des centaines de Palestiniens qui cherchaient à obtenir de l'aide alimentaire sur les sites de la GHF ou à proximité ; ces actes ont constitué des crimes de guerre, selon Human Rights Watch.
Selon l’avis consultatif de la CIJ, le droit international exige qu’Israël « s’abstienne d’entraver l’exercice des fonctions de l’Organisation [des Nations Unies] et donne à celle-ci pleine assistance dans toute action qu’elle entreprend », notamment par l'intermédiaire de l'UNRWA. La Cour a aussi rappelé que les deux lois adoptées par la Knesset au sujet de cette agence « ont eu pour conséquence directe d’entraver les activités de l’UNRWA dans le Territoire palestinien occupé et en lien avec celui-ci ». La Cour a également jugé sans fondement les allégations d'Israël selon lesquelles l'UNRWA manque d'impartialité, et conclu qu’« Israël n’a pas prouvé … [qu’]une partie importante des employés de l’UNRWA sont membres du Hamas … ».
La Cour a en outre rappelé l’obligation d'Israël de coopérer avec les organisations humanitaires impartiales telles que le Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Malgré les nombreux rapports, y compris ceux de Human Rights Watch, faisant état d'abus subis par des détenus palestiniens, les autorités israéliennes ont refusé au CICR l'accès aux centres de détention depuis octobre 2023.
En limitant ou en bloquant l'aide destinée aux Palestiniens de Gaza, Israël continue d’enfreindre trois ordonnances contraignantes émises par la CIJ (en janvier, en mars et en mai 2024), dans le cadre de l’affaire portée par l'Afrique du Sud en vertu de la Convention des Nations Unies sur le génocide, a déclaré Human Rights Watch.
En juillet 2024, la CIJ avait émis un précédent avis consultatif concluant que l'occupation israélienne, qui dure depuis des décennies, est « illicite », et prive le peuple palestinien du droit à l'autodétermination. Dans cet avis, la Cour avait également estimé qu'Israël était responsable d'apartheid et d'autres violations graves à l'encontre des Palestiniens.
Les gouvernements d’autres pays devraient soutenir publiquement les conclusions de la CIJ, et veiller à ce que les obligations énoncées dans son avis consultatif soient respectées, a déclaré Human Rights Watch. Le Secrétaire général des Nations Unies et le Commissaire général de l'UNRWA ont exprimé leur appréciation de cet avis consultatif.
« Les souffrances de millions de Palestiniens ne seront pas allégées si le cessez-le-feu n'est pas suivi par la fin de l'obstruction par Israël des opérations de l'UNRWA », a conclu Balkees Jarrah. « Les autres pays devraient s'opposer fermement et publiquement aux efforts du gouvernement israélien visant à restreindre l'UNRWA, et ils devraient aider à financer son travail irremplaçable de cette agence. »
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24.10.2025 à 13:45
Human Rights Watch
Dans un rapport accablant publié la semaine dernière, le Comité des droits de l'enfant des Nations unies a conclu que la France était responsable de violations graves et systématiques des droits des enfants migrants non accompagnés. Le comité a conclu qu'en raison de procédures d'évaluation de l'âge défaillantes et arbitraires, de nombreux enfants non accompagnés se retrouvent sans abri, privés de soins de santé et contraints de vivre dans des conditions dégradantes et indignes, au lieu d'être protégés, pris en charge et soutenus.
Les conclusions du Comité concordent à bien des égards avec celles des enquêtes menées ces dernières années par Human Rights Watch à Paris, Calais, Marseille, à la frontière franco-italienne et dans les Hautes-Alpes.
Ces enfants se retrouvent souvent à la rue, sans accès à l'éducation ni aux soins médicaux, pendant qu'ils font appel d’évaluations défectueuses de leur âge, ce qui peut durer des mois, voire des années, les plaçant dans une situation d'extrême précarité et les privant de leurs droits fondamentaux. Entre 50 et 80 % de ces appels invalident les évaluations, mais les décisions peuvent parfois être rendues après que l'enfant a atteint l'âge de la majorité, le privant définitivement des droits qui auraient dû lui être accordés.
En outre, nombre de ces enfants peuvent également être soumis à des traitements dégradants de la part des forces de l’ordre, privés de leur liberté et arbitrairement détenus. Ce problème est particulièrement répandu à la frontière franco-italienne entre Menton et Vintimille, où des enfants migrants sont sommairement expulsés vers l'Italie, en violation du droit européen et international.
Les alertes de Human Rights Watch et de nombreuses organisations non gouvernementales et institutions se sont multipliées ces dernières années, et la France a été condamnée, en janvier 2025, par la Cour européenne des droits de l'homme pour « défaut de protection » d'un enfant guinéen.
Le Comité est clair dans ses recommandations à la France : tout enfant – ou personne se déclarant comme telle – doit bénéficier de la présomption de minorité tout au long du processus d'évaluation et d'appel et se voir garantir ses droits fondamentaux, notamment au logement, à la nourriture, à l’eau et à l’éducation. Les autorités françaises devraient prendre en compte ces alertes et veiller de toute urgence à ce que ces enfants vulnérables bénéficient de la protection et des soins auxquels ils ont droit.
23.10.2025 à 18:36
Human Rights Watch
(Chicago, 23 octobre 2025) – Depuis la mi-septembre 2025, des agents fédéraux des États-Unis ont fait usage d'une force excessive contre des manifestants pacifiques, des observateurs juridiques, des secouristes bénévoles et des journalistes lors de manifestations devant un centre de détention géré par le Service d’immigration et de douane (Immigration and Customs Enforcement, ICE) dans la banlieue de Chicago, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch. Les manifestations devant le centre de l’ICE à Broadview, dans l'Illinois, se sont intensifiées après le lancement de l'opération « Midway Blitz » de l'ICE le 8 septembre, et suite aux nombreuses descentes visant à appréhender des migrants dans toute la région de Chicago.
D'après les témoignages recueillis par Human Rights Watch et l’analyse de plusieurs vidéos, des agents du département de la Sécurité intérieure (Department of Homeland Security, DHS) – parfois en présence de la police locale et de l'État d’Illinois, ainsi que d'autres agents fédéraux – ont à plusieurs reprises fait usage d'une force excessive contre de petits groupes de manifestants qui ne semblaient présenter aucune menace pour les agents ou la sécurité publique, ainsi que contre des journalistes, des observateurs juridiques et des secouristes bénévoles clairement identifiables. Ces agents ont arrêté des dizaines de manifestant-e-s, ainsi qu'au moins un journaliste et un secouriste bénévole. Cette réponse violente est comparable à un précédent usage excessif de la force contre des manifestants qui s'opposaient à des descentes visant des personnes migrantes à Los Angeles, en juin dernier.
« Il ne s'agit pas d’opérations de maintien de l’ordre mais d'une campagne d'intimidation », a déclaré Belkis Wille, directrice adjointe de la division Crises, conflits et armes à Human Rights Watch. « Les agents fédéraux utilisent des irritants chimiques et tirent des projectiles sur des manifestants pacifiques, des secouristes bénévoles et des journalistes en plein jour. Le message est clair : la dissidence sera punie. »
Human Rights Watch a mené des entretiens avec 17 personnes qui étaient présentes lors des manifestations de Broadview : 7 manifestant-e-s, 4 journalistes, 3 secouristes, 2 défenseurs des droits des immigrants et un pasteur. Les chercheurs ont également analysé 17 vidéos enregistrées pendant les manifestations qui ont été publiées sur les réseaux sociaux, ou fournies directement aux chercheurs. Le 17 octobre, Human Rights Watch a transmis à la Ssecrétaire à la Sécurité intérieure, Kristi Noem, un courrier résumant les conclusions de son enquête et sollicitant ses commentaires , mais n'a pas reçu de réponse.
Les témoignages et les vidéos ont confirmé que les agents du DHS ont utilisé des gaz lacrymogènes et tiré des projectiles directement sur des groupes de manifestants, y compris depuis le toit du centre de détention de l’ICE, souvent sans avertissement et sans que les manifestants ne semblent présenter de danger pour les agents. Selon les témoignages et l’analyse de photos et vidéos vérifiées, le nombre de manifestant-e-s a varié entre une dizaine de personnes et pas plus de 250, lors des divers incidents.
Suite du communiqué en anglais.
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23.10.2025 à 06:00
Human Rights Watch
(New York) – Les talibans ont fortement affaibli les médias afghans depuis qu’ils ont pris le contrôle du pays en août 2021, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Ils ont soumis les organes de presse encore opérationnels à la surveillance et à la censure, et ont sanctionné les journalistes ainsi que d’autres professionnels des médias pour tout commentaire perçu comme critique. Les journalistes afghans en exil qui ont fui la persécution de la part des talibans sont désormais confrontés à des menaces croissantes de retour forcé en Afghanistan, où ils craignent des représailles.
La liberté des médias a décliné dans tout l’Afghanistan au cours des quatre dernières années, sous le régime des talibans. Des sources médiatiques ont indiqué que l’agence de renseignement des talibans surveille tous les contenus, et que la « police des mœurs » veille à ce que le personnel des organes de presse respecte les codes vestimentaires prescrits et autres réglementations. Les autorités locales appliquent les règles officielles de manière arbitraire, ce qui entraîne des degrés de censure variables selon les provinces. Les restrictions sévères imposées aux femmes par les talibans ont entraîné une forte baisse du nombre de femmes journalistes dans le pays.
« Les autorités talibanes obligent de plus en plus les journalistes en Afghanistan à rédiger des articles “sûrs” et préapprouvés, et punissent celles et ceux qui ne respectent pas les règles par des arrestations arbitraires et des actes de torture », a déclaré Fereshta Abbasi, chercheuse sur l'Afghanistan auprès de la division Asie à Human Rights Watch. « Tous les journalistes afghans ont été touchés et beaucoup ont fui le pays, mais ce sont les femmes journalistes qui ont été parmi les plus durement affectées. »
Human Rights Watch a mené 18 entretiens à distance avec des journalistes afghan-e-s en Afghanistan et 13 entretiens en personne avec des journalistes en exil vivant en Turquie, ainsi qu'avec des organisations afghanes d'aide aux réfugiés. Ces entretiens ont été menés principalement en août 2025. Les journalistes ont décrit les situations difficiles en Afghanistan et les défis croissants auxquels sont confrontées les personnes exilées dans les pays de l'Union européenne, en Turquie et aux États-Unis.
Les journalistes accusés par les talibans de travailler avec des médias en exil ou d’avoir des contacts avec des groupes d’opposition sont exposés au risque de détention, de violents passages à tabac et de menaces de mort. Un journaliste ayant été détenu a indiqué que des responsables talibans lui avaient déclaré : « Nous pouvons vous tuer, et personne ne peut même nous demander pourquoi. »
Le ministère taliban de la Promotion de la vertu et de la prévention du vice (PVPV) inspecte régulièrement les bureaux des médias. Des agents ont arrêté des professionnels des médias pour violation de la loi du ministère sur la séparation des espaces de travail entre hommes et femmes, l'interdiction de diffuser des voix de femmes ainsi que la diffusion de musique à la télévision et à la radio.
Peu après août 2021, le Centre d'information et de médias des talibans a annoncé « 11 règles » pour les médias, notamment l'interdiction de diffuser ou de publier tout contenu « contraire à l'islam », « insultant à l’égard de personnalités nationales » ou « portant atteinte à la vie privée ». Les journalistes sont tenus de fournir des informations « équilibrées » et de « ne publier que la vérité », mais ces règles ne prévoient aucun critère d'interprétation de ces termes. La formulation vague permet des interventions arbitraires de la part des autorités à tous les niveaux.
Les autorités talibanes examinent les rapports avant publication et censurent tout ce qu'elles jugent avoir « un impact négatif sur l'attitude ou… le moral du public ». « Ils nous disent : “Faites attention à ne pas nous nuire avec vos reportages” », a déclaré un journaliste. « Si vous le faites, vous aurez des ennuis. »
Les talibans ont fortement restreint la représentation des femmes dans les programmes diffusés, interdisant aux médias de diffuser des feuilletons et des séries mettant en scène des femmes. Ils ont également exigé le port du hijab pour les femmes employées par des médias.
En vertu de la Loi sur la propagation de la vertu et la prévention du vice, promulguée en août 2024, des inspecteurs vérifient que le contenu des médias est conforme à la charia (loi islamique) et ne contient pas d'images d'êtres vivants.
En raison de ces restrictions, les journalistes s'autocensurent régulièrement et limitent souvent leurs reportages aux événements officiels, tels que les cérémonies de remise de prix, les visites diplomatiques et les projets de développement. Le fait de ne pas couvrir les événements officiels peut entraîner des réprimandes, des menaces et, dans certains cas, la détention. Un journaliste basé à Kaboul a déclaré avoir été arrêté à deux reprises pour ne pas avoir couvert de tels événements.
Un autre journaliste a indiqué que le porte-parole des autorités provinciales l'avait appelé pour lui demander d'assister à une journée de remise des diplômes de la police. « Je n'y suis pas allé, car ce n'était pas digne d'intérêt médiatique », a-t-il expliqué. « Le lendemain, ils m'ont déclaré : “ Vous n’avez plus le droit de faire des reportages”. »
Les professionnels des médias qui ont fui l'Afghanistan vers d'autres pays vivent dans la précarité en exil, dans la crainte d'être renvoyés de force en Afghanistan et d'y être persécutés.
Les pays qui accueillent des réfugiés afghans devraient maintenir leur position selon laquelle l'Afghanistan est un pays dangereux pour les retours et garantir le respect absolu du principe de non-refoulement, qui interdit de renvoyer des personnes vers des situations dangereuses. La situation des droits humains en Afghanistan n'a cessé de se détériorer depuis le retour au pouvoir par les talibans.
« L'oppression des médias par les talibans s'est intensifiée, alors même que le besoin de médias indépendants en Afghanistan ne fait que croître », a conclu Fereshta Abbasi. « Les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne et les autres pays qui s’étaient engagés à faciliter la réinstallation d’Afghans devraient renforcer leur soutien aux journalistes afghans en danger, et cesser toutes les expulsions vers ce pays. »
Suite détaillée en anglais, comprenant des témoignages de journalistes afghan-e-s menacé-e-s.
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