09.05.2025 à 10:00
Elvis Bruneaux
Critique des médias : une revue de presse hebdomadaire. Si ce n'est exhaustive, au moins indicative [1]. Au programme : du 02/05/2025 au 08/05/2025.
« Mélenchon : les journalistes politiques chassent en meute », Acrimed, 06/05.
« Louis Sarkozy sur France 2 : le service public ne devrait pas faire ça », Arrêt sur images, 5/05.
« Stérin : les milliardaires s'organisent pour faire gagner l'extrême droite », Blast, 4/05.
« Comment les associations humanitaires sont devenues d'« affreux gauchistes » aux yeux de certains médias et politiques », StreetPress, 6/05.
« Cher Jordan Florentin », Blast, 3/05.
« Guedj : Castets, Tondelier et Royal dans les filets de l'info », Arrêt sur images, 4/05.
« L'AFP presque seule pour couvrir en français la vague de chaleur en Asie », Arrêt sur images, 2/05.
« Procès de Kim Kardashian : ces mignons "papys braqueurs" qui ont violenté une femme », Arrêt sur images, 2/05.
« Avec la JLC Family, TF1 hisse le voyeurisme au sommet du mauvais goût », Télérama, 2/05.
« Dénatalité : la faute aux féministes (et aux écolos) », Arrêt sur images, 4/05.
« Malaria et paludisme : "Le Monde" fait la promo de la tisane Artemisia », Arrêt sur images, 6/05.
« Les insectes disparaissent, et la télé regarde ailleurs », Arrêt sur images, 7/05.
« Gaza : pourquoi nos grands médias soutiennent un génocide », Le Média, 8/05.
« A-t-on le droit de rire de Sarko devant son fils Louis ? - Retour sur l'affaire "Guedj viré" de manif », Le Média, 7/05.
« NRJ Group annonce des "négociations exclusives" avec CMA Média pour la vente de sa chaîne Chérie 25 », Le Monde, 7/05.
« "60 millions de consommateurs" : après un conseil d'administration, l'étude d'une cession du magazine est lancée », L'Humanité, 6/05.
« École des métiers de l'information cédée : qui sont les trois repreneurs potentiels ? », L'Humanité, 6/05.
« "La moindre étincelle pourrait raviver le conflit" : à l'imprimerie de la Provence, malgré la suspension des licenciements, le risque de délocalisation plane toujours », L'Humanité, 7/05.
« Soutenue par Vincent Bolloré, l'agence d'influence Progressif Media se lance dans la bataille électorale », La Lettre, 5/05.
« Cyril Hanouna, Sonia Mabrouk, Laurent Ruquier… Télés et radios entament un mercato endiablé », Le Figaro, 6/05.
« "J'occupe sur Europe 1 et CNews une place qui m'est chère" : Sonia Mabrouk n'ira pas chez BFMTV », Le Figaro, 6/05.
« Philippe Rey de retour sur Franceinfo, mais à la télé », L'Informé, 6/05.
« Challenges recrute Emmanuel Botta pour diriger son site web », La Lettre, 7/05.
« Présidence de France télévisions : un candidat écarté réclame des comptes à l'Arcom », La Lettre, 7/05.
« Rachida Dati sur son projet de réforme de l'audiovisuel public : "Je suis déterminée et n'y renoncerai pas", Le Monde, 7/05.
« Rachida Dati met Radio France en ébullition », Le Monde, 7/05.
« France : manifestation du 1er mai à Paris, la liberté de la presse entravée par des violences policières », RSF, 7/05.
« "Frontières" : trois associations déposent une plainte contre le magazine identitaire », Le Monde, 5/05.
« Une sanction pour des propos de Cyril Hanouna sur la chaîne C8 diminuée de moitié », Le Monde, 6/05.
« Jugée pour financement du terrorisme, la journaliste Céline Martelet s'explique », La Revue des médias, 5/05.
« "Gaza : nous refusons le silence" », tribune, 6/05.
« Retailleau n'aime pas l'info », Off Investigation, 6/05.
« Encore un sondage pour conditionner l'opinion à une victoire du RN », Contre Attaque, 6/05.
« Paul de Saint Sernin et Nicolas Bedos : retour sur une séquence polémique », Arrêt sur images, 7/05.
« Comment Sud Radio profite de sa "parole libre" », L'Informé, 7/05.
« Anthony Bellanger, secrétaire général de la Fédération internationale des journalistes : "Les gouvernements s'arrangent pour que les médias s'attaquent à eux-mêmes" », L'Humanité, 7/05.
Et aussi, dans le monde : États-Unis, Russie, Népal, Syrie, Sierra Leone, Pérou, Palestine, Burundi...
Retrouver toutes les revues de presse ici.
[1] Précisons-le : référencer un article dans cette revue de presse ne signifie pas forcément que nous y souscrivons sans réserve.
09.05.2025 à 09:47
Pauline Perrenot
Légitimation d'une chaîne de propagande.
- En direct de France Info / France Info (radio et télé), « Les Informés »Trois fois par mois, l'éditorialiste d'i24News Michaël Darmon intervient à l'antenne des « Informés », l'une des (nombreuses) émissions de commentaire diffusées par France Info à la radio et à la télévision. Un choix éditorial qui légitime, de fait, une chaîne de propagande alignée sur le gouvernement d'extrême droite israélien.
Lorsqu'au printemps 2024, nous épinglions « Les Informés » (France Info) en raison de la présence en plateau de l'éditorialiste d'i24News Michaël Darmon [1], nous étions loin d'imaginer que quelques mois plus tard, ce dernier y disposerait d'un véritable rond de serviette : 22 interventions depuis le 1er septembre 2024, soit un fauteuil quasi hebdomadaire.
À croire que ses interventions d'alors, dont la teneur laissait pantois, ont ravi la rédaction de l'émission au point de lui valoir… une accréditation permanente. Cette dernière ne peut pourtant pas ignorer le pedigree de la chaîne qu'il représente : au portrait qu'en dressait Arrêt sur images en novembre 2023 – « antenne calquée sur la propagande de guerre israélienne », « débats et interviews sans retenue, où le "wokisme" et "l'islamogauchisme" sont accusés d'être à l'origine d'un "antijudaïsme" français » –, on pourrait ajouter les fake news qu'aura initiées i24News – dont celle des « quarante bébés décapités » –, et la propagation de discours haineux légitimant la guerre génocidaire à Gaza. Parmi ceux-ci, l'appel de Barbara Lefebvre à « soutenir le plan Trump » et « vider la bande de Gaza » où « les civils […] sont autant responsables que les membres du Hamas et du Jihad islamique » (20/02) ; l'affirmation du commentateur Maurice Ifergan selon laquelle « il n'y a pas d'innocent dans la bande de Gaza » tandis que l'UNRWA « éduque [l]es réfugiés palestiniens à la haine » (12/02/2024) ; la menace de Marilyn Baron – « Nous sommes un pays avec une bombe atomique, […] personne ne doit habiter cette terre si ce n'est pas le peuple juif. » (24/12/2023) – ou les déclarations de David Antonelli : « Moi, je me fiche éperdument des deux millions de Gazaouis. Moi, ce qui m'importe aujourd'hui, […] c'est la vengeance d'abord d'Israël, relever la gloire d'Israël. [...] On ne va pas réoccuper Gaza, on va récupérer Gaza. » (16/10/2023).
Sur i24News, on célèbre aussi l'internationale des extrêmes droites. Le 26 février dernier par exemple, le même David Antonelli décrivait à l'antenne une Europe « submergée par l'islamisation » et saluait la Hongrie de Viktor Orban, Geert Wilders, « un grand ami d'Israël », ou encore l'ancien vice-président de l'UDC suisse, Oskar Freysinger, « fervent défenseur d'Israël » – à propos duquel la RTS et Le Temps rapportaient en 2013 qu'il « expos[ait] un drapeau néonazi chez lui ». « Israël justement est un modèle, un modèle au Moyen-Orient, un modèle occidental, démocratique et qui est en première ligne face à la barbarie islamiste. […] [Ces personnalités politiques] ont très bien compris que si Israël tombe, c'est terminé aussi pour l'Europe ». (David Antonelli, « Les Grandes Gueules Moyen-Orient », i24News, 26/02)
Aucun de ces faits d'arme ne semble pourtant constituer un frein aux yeux de France Info, qui, en toute connaissance de cause, choisit de légitimer l'une des têtes d'affiche d'i24News, travaillant sur la chaîne depuis son lancement en 2013 [2]. La rédaction de service public aurait-elle envisagé un seul instant confier un fauteuil hebdomadaire à un éditorialiste de Russia Today pour commenter l'actualité – a fortiori internationale – si le média n'avait été supprimé aux débuts de l'agression russe contre l'Ukraine ?
La labellisation de Michaël Darmon en tant que chroniqueur régulier par une station de service public est révélatrice de la complaisance de certains grands médias – mais également d'une large partie de la classe politique [3] – à l'égard de discours aussi radicaux qu'outranciers.
Les articles qu'il publie sur i24News regorgent d'enseignements à cet égard. En janvier 2024, après que la Cour internationale de justice a rendu son premier verdict concernant un risque plausible de génocide à Gaza, le journaliste évoque un « rendu hypocrite et malfaisant » à la « rhétorique ambiguë et fielleuse » : une « guignolade de justice » faite de « pièces fallacieuses fournies par la CIJ et ses agents traitants répartis dans les médias internationaux » (28/01/2024). Les magistrats n'échappent pas à la vindicte de l'éditorialiste, qualifiés tantôt de « satrapes », tantôt de « pauvres hères », et la Cour internationale de justice est décrite comme une « assemblée de juges stipendiés et aux ordres de leurs gouvernements », une « arène où coule le laid et le fiel ». La créativité de Michaël Darmon ne connait que peu de limite, qui détourne l'acronyme de la CIJ, devenant sous sa plume le « conclave de l'inimitié juive ou concile de l'inutilité de justice », comme celui de l'ONU, rebaptisée « l'Organisation d'un narratif ulcérant ». On ignorait que la rédaction des « Informés » cautionnât de telles opérations de décrédibilisation de la presse et de la justice internationale…
Évidemment, le reste des éditos de Michaël Darmon est à l'avenant. Le soutien à l'État d'Israël, « ses expertises, sa technologie, son pragmatisme, sa passion pour la vie » (20/01/25), s'y exprime de façon inconditionnelle, au point que le journaliste célèbre l'attaque militaire indiscriminée dite « des bipeurs » ayant causé de très nombreux blessés et morts civils au Liban – « un coup d'éclat qui redore le blason des services de renseignements israéliens pour la prochaine décennie » –, jusqu'à s'en amuser : « C'est l'hécatombe. La désormais célèbre opération dite "des bippers" […] aurait pu avoir pour nom de code "from the bipper to the sea". » (15/10/24) L'éditorialiste nous gratifie également d'analyses inspirées sur « l'islamisation de la question palestinienne » depuis le 7 octobre 2023 (11/02/24), « l'émergence d'un hamastan » au sein des marches féministes (10/03/24) ou encore le « nouvel ordre moral » que constituerait « l'islamo-wokisme », Michaël Darmon ne reculant, dans ce registre non plus, devant aucune caricature : « Après sa défaite militaire, Daesh a continué d'injecter son venin de haine dans une partie de la planète, mais en cachette. L'islamo-wokisme, paré des atours militants et alter mondialistes s'exprime, lui, au grand jour. Et pour éradiquer cette nouvelle dictature née dans cette deuxième décennie du XXIe siècle, la seule force militaire sera impuissante. » (26/11/23)
Naturellement, La France insoumise et autres « militants de la discrimination » seraient à compter au rang des « parrains de l'islamo-wokisme » (26/11/23), lesquels polarisent par conséquent toutes les calomnies, complotisme bon teint et islamophobie garantis : « Le leader maximo des Insoumis […] a décidé de ghettoïser la question sociale et veut faire le lien entre les bobos woke des campus et les habitants des quartiers populaires : son ciment est la cause antisioniste et antisémite. Son agent traitant est Rima Hassan, activiste chargée d'échauffer les électeurs d'origine musulmane. » (29/04/24)
Si une telle rhétorique ne disqualifie pas l'intéressé auprès de la rédaction des « Informés », c'est sans doute parce qu'elle ne dépareille pas avec le prêt-à-penser dominant de l'émission. Un seul exemple, en date du 24 mars dernier : les invités du jour, parmi lesquels l'éditorialiste d'i24News, dissertent des prétendues responsabilités de La France insoumise… dans l'agression antisémite du rabbin d'Orléans deux jours plus tôt. Les cadres du mouvement politique ont beau avoir immédiatement condamné les faits, formulé à plusieurs reprises leur soutien inconditionnel au rabbin et à sa famille et revendiqué l'unité pour combattre l'antisémitisme et tous les racismes, l'instrumentalisation de cette affaire par la classe politique – et le tombereau d'accusations qui en émanent – donne son angle à l'émission. Agathe Lambret : « Des voix s'élèvent pour pointer la responsabilité d'un parti dans ce climat : Le France insoumise […]. Les Juifs français ne sont-ils plus en sécurité en France et La France insoumise a-t-elle soufflé sur les braises, ou davantage ? Le Rassemblement national est-il vraiment devenu le bouclier de la communauté juive comme il le prétend ? »
Un cadrage d'emblée biaisé : dans le cas de la gauche, la « question » posée est formulée dans les termes de ses détracteurs, lesquels donnent donc le ton ; s'agissant de l'extrême droite en revanche, c'est la communication du RN sur lui-même qui fait loi… et cadre le « débat » des journalistes. Pire : seule la première de ces deux « questions » sera véritablement discutée au cours de l'émission, les journalistes passant près de 19 minutes à instruire le procès de la gauche pour « antisémitisme » et seulement 1 minute 30 à évoquer l'extrême droite. Et de quelle manière…
S'agissant de la gauche, l'ensemble du plateau est au diapason. Michaël Darmon lance les premières attaques en dénonçant un antisémitisme « qui est tendance […] chez beaucoup, notamment chez certains jeunes très engagés à l'extrême gauche, bien évidemment, on le voit. Et c'est vrai que c'est La France insoumise qui installe cet antisémitisme d'atmosphère » ; mais les autres journalistes s'alignent sans scrupule sur son discours. La directrice adjointe de la rédaction de Libération, Alexandra Schwartzbrod, a beau commencer son intervention en soulignant « qu'on ne peut pas pointer du doigt quelqu'un ou un groupe », elle se joint au concert la phrase d'après : « Alors évidemment, LFI, c'est vrai, depuis le 7 octobre, entre ce qu'ils n'ont pas dit, c'est-à-dire le mot "terroriste" qu'ils n'ont pas voulu accoler au Hamas et ce qu'ils ont dit, les ambiguïtés, etc., LFI, c'est vrai, a mis l'huile sur le feu. Et en plus LFI s'adresse beaucoup aux jeunes et donc c'est très, très grave. » Quelques minutes plus tard, c'est au tour du journaliste François-Xavier Bourmaud (L'Opinion) de dénoncer l'absence de LFI à la marche contre l'antisémitisme du 12 novembre 2023, sans préciser que le parti soutenait alors un appel parallèle, initié par différentes organisations de jeunesse, à se rassembler « contre l'antisémitisme, les racismes et l'extrême droite ». Mais qu'importe au grand enquêteur de L'Opinion, qui n'y voit rien de moins que le point de départ d'« une période de non-dits, de messages subliminaux qui, tous, viennent alimenter cet antisémitisme d'atmosphère. » Et de poursuivre en évoquant le visuel d'appel à la marche antiraciste du 22 mars représentant Cyril Hanouna : « Là, pour le coup, avec cette affiche, il n'y a plus aucun doute qui est possible sur la nature antisémite de La France insoumise. » Excédant de très loin certaines critiques légitimes à l'égard de ce visuel et de la gestion de cette « affaire » par LFI, un qualificatif aussi infamant et définitif mériterait des arguments étayés que le journaliste serait bien en peine d'apporter. Et pour cause, tant il s'agirait alors d'établir que la structure du parti et avec lui, son projet politique, seraient de « nature antisémite »…
Alors que le plateau est totalement déséquilibré, avec quatre journalistes invités jouant le même rôle de procureur contre la gauche, les deux présentateurs ne tentent même pas d'adopter un positionnement plus objectif afin d'introduire un minimum, si ce n'est de pluralisme, du moins de contradiction dans le studio, et préfèrent éditorialiser eux aussi. Le procès à charge du parti de gauche se joue donc à six intervenants… contre zéro, Agathe Lambret s'illustrant notamment par une tirade contre Jean-Luc Mélenchon [4] de plus de 2 minutes 20, soit la durée d'un éditorial plutôt que d'une « question ».
Vient ensuite Jean-Rémi Baudot, qui se charge d'introduire le second pan de la « discussion » :
- Jean-Rémi Baudot : Dans ce contexte, on semble voir un virage à 180 degrés du RN sur cette question [de l'antisémitisme]. Michaël Darmon, vous qui avez longtemps suivi le Front national en tant que journaliste, vous pensez que ce virage, il est sincère ?
- Michaël Darmon : De la part de Marine Le Pen, c'est indéniable. De la part d'autres personnes qui sont autour d'elles, ses principaux lieutenants, par rapport à ce qu'on a pu connaître et par rapport surtout aux conversations qu'on a pu avoir tout au long de ces années, c'est clair que ce changement, il est majeur. […] Il a été acté par des chercheurs, par des politologues, par des historiens, qui d'ailleurs avaient [été] mis à la Une du Monde, s'étaient tous exprimés le lendemain de la manifestation en novembre 2023 à laquelle Marine Le Pen avait participé contre l'antisémitisme et pour la République ; [ils] avaient donc tous titré en disant qu'il s'agissait-là d'une mutation politique et historique de grande ampleur. […] En ce qui concerne effectivement cette évolution, pour la question que vous posez, ça, ça me paraît clair.
De quels chercheurs, publiés à la Une du Monde à cette période, se revendique l'éditorialiste pour avancer de tels propos ? Hormis la politiste Nonna Mayer et l'historien Grégoire Kauffmann (11-13/11/2023), on ne voit pas bien, d'autant que ni l'une, ni l'autre n'accrédite la thèse de Michaël Darmon [5].
Mais peu importe là encore : en plateau, personne ne bronche. Personne pour rappeler, précisément, les positions et les travaux des chercheurs spécialistes de cette question, les rapports de la CNCDH, ou encore les enquêtes journalistiques sur les propos et accointances antisémites d'élus RN. Pas même la directrice adjointe de Libération, dont certains journalistes œuvrent pourtant à documenter le phénomène. Personne, non plus, pour indiquer qu'une semaine avant cette marche de novembre 2023, le président du RN Jordan Bardella déclarait sur BFM-TV (5/11/2023) : « Je ne crois pas que Jean-Marie Le Pen était antisémite. » Autant de messages pas assez « subliminaux », sans doute, pour nos grands informés…
Bilan des courses : la question de Jean-Rémi Baudot sur le RN s'est soldée par la tirade de Michaël Darmon précédemment citée, sans qu'aucun autre intervenant ne s'exprime à sa suite sur le sujet. Ce qui revient à octroyer à un éditorialiste d'i24News… le monopole du discours sur l'extrême droite en France, et le rapport de cette dernière à l'antisémitisme. CQFD.
Insistons-y : si les articles de Michaël Darmon sur i24News ne le disqualifient pas auprès de la rédaction des « Informés », c'est parce qu'ils ne contreviennent en rien au discours dominant, voire en sont le reflet, tout particulièrement lorsqu'il s'agit de diaboliser la gauche… tout en normalisant l'extrême droite. Reste qu'avec un tel recrutement, « Les Informés » confirment une ligne éditoriale à l'image du bruit médiatique ambiant : éditorialisation permanente au mépris des faits comme du pluralisme… et droitisation sans fin, quitte à légitimer une chaîne ouvertement propagandiste, alignée sur le gouvernement israélien et sur son entreprise génocidaire en Palestine.
Pauline Perrenot
[1] Voir « Quand le journalisme politique touche le fond », Médiacritiques n°51, juillet-septembre 2024, p. 18.
[2] Comme le retrace Wikipédia, Michaël Darmon a aussi travaillé à TF1 (1990-1993), France 2 (1994-2010), iTélé (2011-2016), Sud Radio et Europe 1 (2018-2021).
[3] Sans parler des responsables politiques qui n'hésitent pas à se rendre sur la chaîne, on relèvera par exemple l'énorme malaise de l'écologiste Aurore Lalucq lorsque, sur le plateau de Backseat ici à 2:40:00, Usul lui pose la question suivante : « Au début de la guerre, on a fermé RT France. Aujourd'hui, est-ce que la question ne se pose pas aussi, comme sanction, […] de fermer par exemple i24News ? » (24/03/2024)
[5] Et ce, malgré les interrogations et débats que peuvent par ailleurs susciter leurs interviews respectives.
06.05.2025 à 20:07
Maxime Friot
Raz-de-marée médiatique.
- Politique / La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, Journalisme politiqueLa Meute. Enquête sur la France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon (Flammarion) : le livre des journalistes Charlotte Belaïch (Libération) et Olivier Pérou (Le Monde) n'avait pas encore paru que la mobilisation médiatique était déjà enclenchée.
Bonnes feuilles dans Le Monde (4/05), recensions dans Le Point, L'Express (5/05), Le Figaro, RTL, L'Indépendant (6/05), en Une de Libération, du Parisien (6/05) et Marianne (7/05), entretiens sur France Inter, dans Marianne, RTL mais aussi « Quotidien » (6/05), où, dès la veille, Jean-Michel Aphatie anticipait l'interview : « [Ils] racontent dans La Meute […] la vraie vie de La France insoumise : une dictature en miniature. Épouvantable ! » (TMC, 5/05) Bref, c'est peu dire que la promo médiatique a démarré en fanfare.
L'enquête occupe de fait le premier plan de l'agenda. Elle fait l'objet du « Brief politique » de France Info (5/05) ; dans la matinale de TF1, Alba Ventura lui consacre un édito, affirmant que le livre « aurait pu tout aussi bien s'appeler La Secte. Une secte dont Jean-Luc Mélenchon est le gourou » (6/05) ; Apolline de Malherbe l'évoque quant à elle pendant le premier quart de son entretien avec Fabien Roussel (BFM-TV, 6/05), dont les « petites phrases » sont ensuite inlassablement recyclées par la chaîne… et l'AFP, elle aussi frénétiquement relayée dans la presse : « Fabien Roussel compare La France insoumise à une "secte" après la publication de "La Meute" sur le parti de Jean-Luc Mélenchon » (Le Monde, 6/05). Sur Franceinfo, la rédaction organise un plateau quelques heures après avoir questionné Alexis Corbière sur le sujet (6/05) ; l'habituée des plateaux Nathalie Mauret signe un papier publié dans plusieurs titres du groupe Ebra, du Dauphiné Libéré aux Dernières nouvelles d'Alsace en passant par Le Bien public (6/05). Et dans la matinale de France Culture (6/05), après un billet de l'éditorialiste Jean Leymarie saluant le livre, Guillaume Erner en remet une couche face à son invité du jour, le sociologue Didier Eribon, enjoint d'acquiescer aux accusations d'antisémitisme portées contre LFI et interrompu pas moins de dix fois par son hôte en à peine deux minutes pour son refus d'obtempérer, laissant le matinalier sur sa faim : « Bon… je vois que je ne vais pas réussir à obtenir autre chose de vous. »
Le livre bénéficie d'un tapage sur-mesure, converti en « événement » de première importance. Le genre, pourtant, est loin d'être nouveau. Si l'émission « Complément d'enquête » (France 2, 24/04) en constitue l'épisode le plus frais, La Meute rejoint la collection d'essais signés par des journalistes sur Jean-Luc Mélenchon et/ou La France insoumise [1].
Mais c'est un genre indéniablement très prisé… et fort rentable : ouvrant un droit automatique à défiler des plateaux de l'audiovisuel aux Unes des journaux, les dénonciations des « ambiguïtés » et « dérives » du « gourou » Mélenchon se succèdent les unes après les autres [2]. Elles sont dans l'air du temps ; celui d'une diabolisation sans fin de la gauche. Dans L'Union (6/05), tout en confessant ne pas l'avoir lu, un journaliste se délecte d'un « livre qui pourrait mettre la meute aux abois » : « Le livre pourrait faire mordre la poussière à LFI, notamment en prévision des prochaines échéances électorales. […] [L]aissons justement la démocratie faire son œuvre et désigner son maillon faible. »
« Jean-Luc Mélenchon bénéficie d'une immunité médiatique sidérante » osait récemment Pascal Praud (CNews, 2/05), rejouant un air connu… quoique passablement orwellien.
Maxime Friot, avec Pauline Perrenot
[1] Succédant (notamment) au Moi, Jean-Luc M. de l'illustre Christophe Barbier (2024), lui-même contemporain, à quelques jours près, de La République c'était lui !, du non moins illustre Éric Naulleau, parus eux aussi sous les projecteurs médiatiques.
06.05.2025 à 11:00
Tribune d'étudiants en journalisme.
- « Indépendance ? » Procès, violences et répression / Israël, Gaza, PalestineNous relayons cette tribune signée par des centaines d'étudiants en journalisme.
Depuis le 7 octobre 2023, plus de 200 journalistes ont été tué·es par l'armée israélienne en Palestine et au Liban.
Face à ce massacre, nous, étudiant·es en journalisme mobilisé·es, affirmons notre solidarité totale avec le peuple palestinien, de Gaza à la Cisjordanie occupée, et avec les civil·es qui en sont les premières victimes.
Nous exprimons également notre soutien inconditionnel à nos consœurs et confrères journalistes palestinien·nes, qui continuent de témoigner au péril de leur vie.
Ce qui est en train de se passer à Gaza est un génocide.
Nous n'employons pas ce mot à la légère : des enquêtes menées par des organisations comme Amnesty International, Human Rights Watch et des commissions d'enquête indépendantes de l'ONU affirment le caractère génocidaire de l'horreur déchaînée contre le peuple palestinien à Gaza. Le rapport d'Amnesty, en particulier, documente non seulement des crimes de guerre à grande échelle, mais met aussi en évidence des éléments démontrant une intention génocidaire de la part d'Israël.
Dans ce contexte, nous saluons le courage inouï des journalistes palestinien·nes sur place, qui, malgré les conditions de guerre, les bombardements permanents, les situations de famine, les coupures de courant, la perte de leurs proches et de leurs collègues, continuent de documenter les réalités du génocide en cours.
Leur travail est vital, et leur silence forcé, un crime de plus.
Par ailleurs, nous condamnons l'interdiction faite aux journalistes internationaux d'entrer à Gaza. Ce verrouillage de l'information témoigne d'une volonté claire de contrôle du récit et d'opacité, incompatible avec le droit à l'information et la liberté de la presse.
Le 16 avril 2025, des journalistes se sont mobilisé·es à Paris et Marseille en soutien à leurs consœurs et confrères de Gaza. Nous nous joignons à leurs revendications.
À notre tour, nous faisons entendre nos voix.
Nous soutenons pleinement le mouvement étudiant, en France comme à l'international, qui dénonce les crimes de guerre et crimes contre l'humanité perpétrés par l'armée israélienne, ainsi que la complicité active de plusieurs gouvernements occidentaux.
À ce titre, nous appelons les établissements d'enseignement supérieur français à rompre leurs partenariats avec les universités israéliennes.
Nous tenons à exprimer notre solidarité avec les étudiant·es gazaoui·es, dont les universités ont été détruites sous les bombes, et qui se voient privé·es de leur droit fondamental à l'éducation.
Notre soutien s'étend également à Mahmoud Khalil, figure du mouvement étudiant pro-palestinien à l'Université de Columbia, emprisonné depuis un mois et demi pour avoir manifesté contre l'occupation israélienne et aujourd'hui menacé d'expulsion.
Cette répression s'inscrit dans une tendance inquiétante à la criminalisation de la solidarité avec la Palestine, dans le monde universitaire et au-delà.
Dans cette continuité, nous exigeons la libération immédiate de Georges Abdallah, militant communiste libanais emprisonné en France depuis 1984.
Détenu depuis plus de 40 ans malgré sa libération conditionnelle accordée en 2013, Georges Abdallah est un symbole de la répression politique contre les soutiens historiques à la cause palestinienne. Son maintien en détention est un scandale judiciaire et politique que nous refusons d'ignorer.
Dans cette même logique de répression et de silence imposé autour du soutien à la cause palestinienne, en France, le collectif citoyen « Faim de justice pour la Palestine », composé majoritairement de soignant·es, mène depuis plusieurs semaines une grève de la faim pour dénoncer le génocide en cours à Gaza et l'hypocrisie des institutions françaises. Leur mobilisation se heurte à un mur de silence médiatique. Très peu relayée par les grands médias, leur action incarne pourtant une résistance humaine et politique face à l'oubli organisé. Nous leur apportons tout notre soutien. Leur détermination et leur courage forcent le respect
Nous appelons à un cessez-le-feu immédiat et permanent dans la bande de Gaza, seule voie possible pour mettre un terme à la catastrophe humanitaire en cours. Ce cessez-le-feu doit s'inscrire dans une dynamique plus large de lutte contre l'occupation illégale des territoires palestiniens et contre l'expansion continue des colonies israéliennes, en violation du droit international.
Nous réclamons également la libération de tous les otages, qu'ils soient israélien·nes détenu·es par le Hamas ou palestinien·nes incarcéré·es sans charges par Israël.
Nous dénonçons fermement l'amalgame systématique entre antisémitisme et antisionisme, un procédé dangereux qui vise à discréditer toute critique de la politique israélienne et à museler les soutiens au peuple palestinien.
En tant que futur·es journalistes, nous sommes préoccupé·es par le traitement médiatique dominant du conflit au Proche-Orient, souvent biaisé en faveur d'Israël. Nous refusons de participer à un système qui déshumanise les Palestinien·nes, ignore leur souffrance et minimise les crimes de guerre qu'ils subissent.
Le travail d'analyse critique réalisé notamment par Arrêt sur images, a mis en évidence une absence de traitement du conflit lors de périodes cruciales, révélant un silence médiatique frappant au moment même où les bombardements s'intensifiaient et où les pertes civiles palestiniennes s'alourdissaient. Dans cette même perspective, Acrimed mène depuis des années un travail méticuleux d'analyse des biais structurels des grands médias français, montrant comment les violences israéliennes sont euphémisées, les responsabilités diluées, et les voix palestiniennes systématiquement marginalisées.
À cela s'ajoute l'enquête publiée en janvier 2025 par L'Humanité, en collaboration avec l'ONG Tech for Palestine, qui a passé au crible plus de 13 000 articles consacrés au conflit, issus de cinq grands journaux français. Cette analyse montre que, malgré l'ampleur des pertes humaines côté palestinien, les morts et souffrances palestiniennes sont très peu mises en avant dans les titres, les choix iconographiques, ou encore les angles éditoriaux.
Ce traitement participe d'une asymétrie profonde dans la manière dont de trop nombreux médias français couvrent la guerre à Gaza : focalisation sur les discours officiels israéliens, quasi-absence des voix palestiniennes, floutage des responsabilités, euphémisation des violences subies.
Ce constat renforce notre volonté de dénoncer un paysage médiatique trop souvent marqué par des récits déséquilibrés et déshumanisants, et de nous engager dans une pratique du journalisme réellement critique, rigoureuse et fidèle aux faits.
Nous regrettons aussi la place laissée à certain·es éditorialistes ou responsables politiques, dont les propos sont diffusés sans aucun contradictoire ni vérification des faits, participant ainsi à la diffusion de discours mensongers et diffamants.
Il ne nous est pas possible de poursuivre nos études dans le silence face à cette réalité. Nous affirmons notre engagement pour un journalisme de terrain, de vérité, de justice.
Nous souhaitons terminer cette tribune avec les mots de Fatima Hassouna, jeune photojournaliste palestinienne tuée à son domicile dans un bombardement israélien à Gaza le 16 avril 2025, avec dix membres de sa famille. Elle avait consacré sa vie, son regard et sa voix à documenter les combats et les souffrances des siens. Quelques jours avant sa mort, elle écrivait :
Nous l'entendons. Nous refusons le silence.
Sont signataires à ce jour, le 05 mai 2025, 712 étudiant·es en journalisme mobilisé·es des écoles suivantes :
● Bordeaux : Institut de Journalisme Bordeaux Aquitaine (IJBA)
● Cannes : École de Journalisme de Cannes (EJC)
● Grenoble : École de Journalisme de Grenoble (EJDG)
● Lannion : Institut Universitaire de Technologie de Lannion (IUT Lannion)
● Lille : Académie de l'École Supérieure de Journalisme (ESJ)
● Lille : École Supérieure de Journalisme de Lille (ESJ Lille)
● Lyon : Centre de Formation des Journalistes – antenne de Lyon (CFJ Lyon)
● Lyon : Master Nouvelles Pratiques du Journalisme – Université Lumière Lyon 2 (NPJ Lyon II)
● Marseille : École de Journalisme et de Communication d'Aix-Marseille (EJCAM)
● Montpellier : École Supérieure de Journalisme Pro de Montpellier (ESJ Pro Montpellier)
● Paris : Centre d'Études Littéraires et Scientifiques Appliquées – Université Paris-Sorbonne (CELSA)
● Paris : Centre de Formation des Journalistes (CFJ)
● Paris : Centre de Formation et de Perfectionnement des Journalistes (CFPJ)
● Paris : Institut Pratique de Journalisme – Université Paris Dauphine (IPJ)
● Paris : Sciences Po Paris – École de Journalisme
● Paris : Master Journalisme bilingue anglais-français – Université Sorbonne Nouvelle
● Paris : Institut français de presse (IFP)
● Prépa la Chance, pour la diversité dans les médias
● Rennes : Sciences Po Rennes – Master Journalisme
● Strasbourg : Centre Universitaire d'Enseignement du Journalisme (CUEJ)
● Toulouse : École de Journalisme de Toulouse (EJT)
● Tours : École Publique de Journalisme de Tours (EPJT)
● Valenciennes : Master Design Informationnel et Journalisme Transmédia (DIJT) – Université Polytechnique des Hauts-de-France (UPHF)
● Vichy : Institut Universitaire de Technologie de Vichy (IUT Vichy)
02.05.2025 à 11:37
Elvis Bruneaux
Critique des médias : une revue de presse hebdomadaire. Si ce n'est exhaustive, au moins indicative [1]. Au programme : du 25/04/2025 au 01/05/2025.
« L'hommage de CNews au pape François, "idéologue", "woke", "politiquement désastreux" », Télérama, 25/04.
« Mort du pape : les médias en mode catho-bienveillance », Arrêt sur images, 25/04.
« Attaque en prisons, attaque à Nantes : deux occasions de cibler la gauche », Arrêt sur images, 30/04.
« Propos génocidaires d'un chanteur israélien : l'info qui venait trop tard », Arrêt sur images, 26/04.
« "Des victimes coupables" : comment les journalistes français voient leurs confrères palestiniens ? », Arrêt sur images, 29/04.
« Manif anti-islamophobie : Jérôme Guedj hué, les médias aveuglés ? », Arrêt sur images, 1/05.
« Face au journalisme de classe », Acrimed, 1/05.
« Trump : pourquoi la presse française n'ose pas dire "fascisme" ? », Arrêt sur images, 25/04.
« "Complorama", l'OTAN et les archives », Le Monde diplomatique, mai 2025.
« Écarté de Marianne, ce journaliste jugé trop "anti-Israël" balance sur les médias français », Le Média, 27/04.
« Toxique bouffon », Off Investigation, 30/04.
« Hanouna candidat à la présidentielle 2027 ? Un canular… et un navrant tintamarre médiatique », Télérama, 30/04.
« Arrêt Sur Images & Sionisme : quelle neutralité ? », Paroles d'Honneur, 30/04.
« Polémiques sur Mélenchon, crime islamophobe : ce streamer démonte le mythe des "médias de gauche" », Le Média, 1/05.
« La radio Mouv' va quitter la FM pour devenir 100 % numérique en septembre, confirme Sibyle Veil », Le Monde, 28/04.
« Le groupe Ouest-France prépare le lancement de sa télévision malgré des doutes en interne », Le Monde, 30/04.
« Le groupe Ebra (Le Progrès, l'Est Républicain…) toujours dans le rouge », L'Informé, 30/04.
« Le CSE de Nice-Matin déclenche un droit d'alerte économique », La Lettre, 28/04.
« Bernard Arnault ajoute L'Opinion et L'Agefi à son empire médiatique », La Lettre, 28/04.
« Delphine Ernotte, candidate à un troisième mandat, et trois autres personnes en lice pour la présidence de France Télévisions », Le Monde, 30/04.
« Une journaliste de Télérama auditionnée par la police avant même la publication de son enquête », L'Humanité, 29/04.
« Attaques contre les journalistes, concentration des médias... Pourquoi la liberté de la presse est en danger en Europe selon l'ONG Liberties ? », L'Humanité, 29/04.
« "Pas de démocratie sans information, pas d'information sans journalistes", alerte Laurent Richard fondateur de Forbidden Stories », L'Humanité, 1/05.
« Transparence Les invités des émissions d'information de France Télévisions sont-ils payés ? », France Info, 25/04.
« France Inter : Claude Askolovitch arrêtera la revue de presse début juillet », Libération, 28/04.
Et aussi, dans le monde : Belgique, Burundi, Turquie, États-Unis...
Retrouver toutes les revues de presse ici.
[1] Précisons-le : référencer un article dans cette revue de presse ne signifie pas forcément que nous y souscrivons sans réserve.
01.05.2025 à 08:00
Acrimed
Un tract pour les manifestations du 1er mai.
- Travail, salaires, emploi, etc.Un tract d'Acrimed pour les manifestations du 1er mai. Disponible en pdf ici.
Régulièrement qualifié de « fête du travail » par les médias dominants, le 1er mai fait l'objet d'une dépolitisation massive. Alors que les licenciements se multiplient, les luttes des travailleurs et travailleuses sont passées sous silence, tandis que les attaques du gouvernement contre le système de protection sociale, les droits des salariés et les services publics sont reléguées au second plan.
Dans la droite ligne de la loi de finances 2025 imposant des saignées budgétaires à l'enseignement, la transition écologique, l'AME, la culture, l'audiovisuel public, etc., les politiques austéritaires mériteraient reportages et enquêtes. Mais au lieu d'exercer ce rôle de contre-pouvoir, les médias dominants accompagnent et légitiment la casse sociale.
Au cours des deux derniers mois, les séquences de matraquage patronal se sont de nouveau multipliées autour de deux mots d'ordre : « travailler plus » et « réduire les dépenses publiques ». Menées avant-hier au nom de « l'équilibre » du système des retraites, hier de « l'effort de guerre », aujourd'hui de la lutte contre le « déficit public » face à la « guerre commerciale », les campagnes médiatiques se suivent et se ressemblent. Alignées sur les positions du gouvernement, elles relaient les intérêts du patronat.
« Pensions ou munitions ? » ; « Les canons ou les allocations ? » Signés Dominique Seux (Les Échos, 10/03) et Étienne Gernelle (RTL, 10/03), les deux slogans résument le cadrage du débat public. « Pas d'échappatoire, il faut réduire les dépenses publiques », prescrit L'Opinion (7/03), à l'image des éditos « éco » de l'audiovisuel, de France Inter à BFM-TV. « Il faut choisir : se reposer… ou être libre », prévenait déjà Olivier Babeau sur Europe 1 (3/03). « Notre sacro-saint modèle social […] ruine consciencieusement le pays », martèle jour après jour Le Figaro (7/03). Le Monde prend toute sa part au matraquage, présentant le « douloureux réveil budgétaire »… comme une fatalité : « Le réarmement du pays […] place l'exécutif dans la situation très délicate d'avoir à remettre à plat les dépenses de l'État, des collectivités locales et de la Sécurité sociale pour trouver des gisements durables d'économies. » (7/03)
Bref, les éditocrates jouent (presque) partout leur rôle traditionnel de gardiens de l'ordre. Pédagogues de l'orthodoxie néolibérale, ils affirment qu'« il n'y a pas d'alternative » et ménagent les profiteurs de crise pour mieux fabriquer le consentement aux « sacrifices que les Français devraient faire » : « On sait très bien qu'on a une contradiction entre notre modèle social généreux, confortable, solidaire, adapté à la paix, et la nécessité d'aller vers un effort de guerre et une économie de guerre. » (Christophe Barbier, BFM-TV, 5/03)
Les voix contestataires sont d'autant plus inaudibles que la diabolisation médiatique de la gauche sociale et politique se poursuit sur fond de normalisation de l'extrême droite. La condamnation judiciaire du RN est commentée comme un « déni de démocratie » ; une large partie de l'éditocratie fait désormais le procès de la justice, accréditant les pires slogans de l'extrême droite contre l'État de droit ; « insécurité » et « immigration » continuent de polariser l'agenda, pollué par les surenchères des Retailleau, Darmanin, Wauquiez, etc. auxquels les chefferies éditoriales déroulent le tapis rouge.
Dans ce grand bain réactionnaire, les urgences sociales et écologiques sont reléguées aux marges, les syndicats de salariés n'ont pas voix au chapitre et La France insoumise continue d'essuyer les calomnies en série, clouée au pilori pour son engagement contre le génocide en Palestine, largement invisibilisé par les grands médias.
Face à cela, il faut soutenir les médias indépendants, seuls capables d'imposer d'autres préoccupations et d'autres voix ; organiser les solidarités avec les journalistes qui tentent de faire front en interne ; et continuer de porter les propositions visant à libérer l'information de l'emprise des industriels et de la communication.