Dimanche dernier, à quelques dizaines de mètres de la basilique Saint-Sernin, autre symbole de la ville rose, une quinzaine de logements a de nouveau été évacuée, en raison d'un mur porteur commun partiellement effondré.
Au total, en 2024 et 2025, 56 arrêtés d'interdiction d'accès, dont 29 de mise en sécurité d'urgence ont été pris, selon les chiffres de la mairie.
Cette succession d'incidents a pour point de départ le spectaculaire écroulement le 9 mars 2024 d'une bâtisse de plusieurs étages d'une petite ruelle très commerçante de l'hyper-centre, un bâtiment du XVIe siècle profondément remanié au fil des époques.
"Combien d’effondrements faudra-t-il pour que le maire sorte enfin de sa posture réactive et engage une réelle politique de prévention ?", réagit le groupe d'opposition Toulouse écologiste et solidaire.
François Piquemal, député LFI de Toulouse et candidat à la mairie, décrit pour l'AFP une "situation alarmante" et accuse le maire Jean-Luc Moudenc (DVD) d'avoir "procrastiné" en mettant "en danger beaucoup d'habitants et d'habitantes".
Briques et colombage
Côté municipalité, la conseillère Claire Nison répond: "on n'a pas attendu que cela s'effondre pour agir (...) on sait très bien que l'on a un centre historique fragile".
Et si le nombre d'évacuations s'est accéléré, affirme la déléguée à l'habitat dégradé et à la sécurité des bâtiments, ce n'est pas temps que la situation s'aggrave mais parce que la vigilance s'est accrue.
La "montée en puissance des signalements est extrêmement saine", signe d'une "prise de conscience de tout le monde", se félicite Jean-François Latger, architecte-urbaniste et administrateur de l'association de défense du patrimoine "Les Toulousains de Toulouse".
Dans la ville rose, le bâti ancien, c'est bien sûr la brique de terre cuite (communément appelée toulousaine ou foraine) mais aussi le recours au colombage en bois ou à la brique crue, deux matériaux très sensibles à l'eau.
Dans les évacuations de ces derniers mois, "on est très loin d'une seule problématique qui expliquerait tout", fait remarquer à l'AFP Claude Jam, expert en bâtiment auprès de la cour d'appel de Toulouse. Les infiltrations d'eau, dit-il,sont souvent un élément déterminant.
"Culture de responsabilité"
L'impact du changement climatique est également évoqué. Toulouse est concernée, notamment par des "effets de sol, avec des gonflements ou rétrécissements d'argile", précise Mme Nison, mais "de là à lier ce phénomène-là au fait d'avoir, d'un seul coup, plus de fissures, on ne peut pas clairement l'établir".
Les travaux imprudents menés sur des structures fragiles, associés à un manque de suivi d'éléments essentiels comme les toitures ou les fondations, peuvent également être en cause.
Pour remédier à la situation, les autorités locales cherchent différents leviers car "la loi ne nous permet pas de rentrer comme ça chez les gens pour vérifier la santé du bâti", explique Mme Nison. La communication auprès des syndics, propriétaires et co-propriétaires est un premier axe sur lequel on a "pris les devants", affirme-t-elle.
"Nous avons renforcé notre pôle de consultations sur les questions d'architecture et de pathologies des bâtiments parce que la demande de nos adhérents était là, en lien avec l'actualité", explique de son côté Nadine Cazalbou, de l'association des propriétaires de Haute-Garonne.
Autre outil: un plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV), approuvé récemment en préfecture, qui doit permettre de mieux préserver le centre historique, l'un des Sites patrimoniaux remarquables (SPR) les plus importants de France (256 ha).
L'opposition municipale préconise, elle, l'extension du permis de louer pour accroître le droit de regard public sur le bâti mais la municipalité, qui a limité son usage à un seul quartier, juge trop complexe une application à grande échelle.
L'entrée en vigueur de la loi du 9 avril 2024 sur l'habitat dégradé pourrait s'avérer décisive mais ses décrets d'application tardent à sortir.
Outre ces outils, la solution passe également par une plus grande "culture de responsabilité" des propriétaires, insiste M. Latger. "Dans un centre ancien, on a cette double responsabilité, dit-il, certes de faire fructifier un patrimoine immobilier privé mais aussi de créer les conditions de sa sauvegarde" car c'est aussi un patrimoine national que l'on doit transmettre.