Dans Des choses qui arrivent , un recueil de nouvelles écrites en langue arabe et récemment traduites en français par Lotfi Nia, l’auteur et traducteur Salah Badis dessine un nouveau visage des lettres algériennes, loin de tout repli identitaire et de toute fermeture linguistique. Il a accepté de répondre à nos questions sur sa conception de l’écriture et des circulations fructueuses entre les langues.
Nonfiction : En lisant votre recueil de nouvelles, on a l’impression de tenir entre les mains le livre d’un marcheur. Pouvez-vous revenir sur la genèse de votre livre et de votre façon d’écrire, en langue arabe ?
Salah Badis : L’espace et ses détails occupent une place majeure dans mon travail d’écriture. Dans mon premier recueil de poèmes, La Mélancolie des paquebots (non traduit), j’ai exploré la géographie algéroise et ses dimensions métaphysiques, et je continue de l’explorer dans mes nouvelles et différents écrits. Pour moi, l’écriture consiste à établir une carte géographique avec la langue, les langues d’un espace donné. Je porte un grand intérêt à la figure du flâneur de Baudelaire, à ces gens qui habitent le monde avec lenteur au milieu de l’accélération du temps au XIX e siècle. Au début était donc un désir de narrer la lenteur, dans le poème comme dans la nouvelle, avec la volonté de trouver un genre littéraire et un style qui me permettrait d’utiliser plusieurs registres de langue : l’arabe algérien, l’arabe littéraire moderne et classique, et le français.
Votre écriture donne à voir sous un angle singulier les rapports entre géographie et expérience sociale. Vos personnages, souvent issus des banlieues populaires d’Alger, parlent de problèmes politiques, de fin de mois difficiles et de précarité immobilière, mais n’aspirent aucunement à obtenir la « reconnaissance » des classes privilégiées ou de faire partie de leur univers. Que pouvez-vous nous dire à ce propos ?
Les personnages de mes nouvelles semblent vouloir affronter et surmonter les déterminismes de classes. Ils ont de l’ambition, ils ne veulent pas rester à leur place. En un mot, ils veulent réussir. Mais, quand la chance leur sourit, ils ne désirent guère l’obtention de la « reconnaissance » des classes bourgeoises. Plutôt que le capital symbolique bourgeois, mes personnages s’intéressent aux avantages matériels des bourgeoisies en Algérie. Par ailleurs, d’autres personnages de mon livre peuvent paraître absurdes, voire nihilistes, en raison de leur mode de vie minimaliste qu’on peut résumer ainsi : « Du pain pour ce jour / Et que le fleuve emporte le reste des jours ».
Dans l’une de vos nouvelles, « Une idée de génie », une femme médecin, face aux nombreux blocages institutionnels et à la précarité qui frappe les étudiants de la faculté de médecine, décide, avec son mari, d’ouvrir une laverie à Alger. Que pouvez-vous nous dire à propos de cette scène aussi absurde que drolatique ?
Cette scène, que vous qualifiez d’« absurde », est très probablement l’une des seules solutions qui se présentent aux habitants d’un pays sourd aux cris de détresse d’un peuple réduit au silence, à l’invisibilité. Une situation absurde comme celle-ci nécessite des réponses aussi étonnantes que le projet d’une laverie porté par une femme médecin et son mari. Mais, une question demeure, et je persiste à me la poser : est-ce une véritable solution ou une simple fuite en avant ?
Les tremblements de terre, mais aussi les tremblements sociaux et politiques, occupent une place centrale dans chacune de vos nouvelles. Pourquoi un tel choix esthétique ?
Pendant que j’écrivais ces nouvelles, entre 2016 et 2018, l’Algérie a connu plusieurs tremblements de terre. Ce phénomène naturel relevait de mon quotidien d’écrivain. Après, en relisant mes nouvelles durant les épreuves de corrections chez l’éditeur (je parle ici de l’édition en arabe), j’ai réalisé qu’une « brèche » traverse mes écrits, une déchirure romanesque qui est le « mouvement » qui faisait face à la « stagnation » politique en Algérie (dans les autres domaines aussi). Naturellement, j’avais en tête le roman célèbre de Tahar Ouettar (1936-2010), Ez-Zilzel ( Le Séisme , 1974), mais je n’avais pas l’intention de faire le même usage symbolique du séisme comme le faisait ce dernier.
Les tremblements (de terre, politiques ou sociaux) que je vis imprègnent mon imaginaire et mes histoires. Mon recueil de nouvelles est paru en 2019, l’année du Hirak . Certains ont interprété le séisme comme le mouvement de révolte populaire et citoyenne que les personnages attendaient. Je n’étais pas d’accord avec cette lecture. Dans mes fictions, le séisme habite surtout le passé, les souvenirs, mais aussi le présent, sous une forme particulière : la menace. Ce danger qui ne disparaît jamais. Généralement, les gens en Algérie n’aiment pas les surprises. Et les séismes sociaux et politiques, encore une fois, sont le réel des Algériens. Leurs surprises ! Ils expriment les cris d’une société cadenassée qui résiste. Le désir de liberté est plus fort que le glaive ; il brisera un jour le mur de l’aveuglement et de la répression.
Avez-vous recouru aux archives durant la rédaction de vos nouvelles ?
Durant mes études en sciences politiques, c’était vers la fin du règne de Bouteflika, j’ai travaillé avec mes professeurs sur les statistiques de la Sûreté nationale. Nous avions constaté que durant la décennie 2010-2020, quelques 20 000 manifestations avaient lieu annuellement sur l’ensemble du territoire national. C’est là où j’aime l’archive, quand l’écrivain peut la mettre au service d’un projet littéraire, quand elle féconde l’imagination. Rentrer dans le détail de ces mouvements de contestations nécessiterait des pages et des pages. Naturellement, les sociologues et les anthropologues s’occuperont de cette tâche, mais tout ce je peux vous dire, c’est que l’acte de contestation a servi de cadre à certaines de mes nouvelles.
Vos nouvelles dépeignent plusieurs figures féminines qui manifestent, travaillent, festoient, s’enivrent d’alcools de marque, aiment, désirent et se révoltent contre la domination masculine et les injonctions puritaines de l’« authenticité » nationale et religieuse. Comment avez-vous construit de tels parcours féminins ?
Avec le recul, je me dis que j’aurais dû consacrer plus d’espace aux femmes dans mes nouvelles. Un espace pour leurs voix. Je construis souvent mes personnages, tous genres confondus, en écoutant et en méditant les histoires des gens, leurs parcours, lisses ou tortueux. J’essaie de rentrer dans ces histoires, dans la langue qui les raconte, et j’imagine ensuite mes personnages et leur cadre de vie romanesque. Et les parcours individuels m’intéressent beaucoup. J’ai une grande curiosité pour comprendre comment les diplômes, les appartenances familiales, l’entregent, le rapport à la langue et autres phénomènes sociaux colorent différemment, et de façon éminemment contrastée, les parcours de vie.
Comment vivent les classes populaires et moyennes, surtout les jeunes qui peinent à se marier et à se loger dignement, dans l’Alger que vous décrivez ?
Les gens agissent selon leurs appartenances de classe, leurs cheminements individuels aussi. Un ami artiste contemporain, Hichem Merouche, a exploré cette question dans l’une de ses œuvres, exposée à la galerie Rhizome à Alger (printemps 2023). Son travail, qui s’intitule Friendly Islands , raconte les vies d’une partie de la jeunesse algéroise qui veut créer des espaces de sociabilité en dehors des cercles de la famille et du quartier de résidence. Il parle de façon passionnante de certains lieux de sociabilité et de mixité alternatifs, comme les appartements, les garages, les studios, etc. À Didouche Mourad, à Bab Ez-Zouar comme à Aïn el-Bénian, ces classes sociales qui se fréquentent, hommes et femmes, souffrent de la précarité du logement. L’accès au logement est très difficile en Algérie, surtout pour les jeunes. D’ailleurs, cette question obsède la quasi-totalité de mes personnages : l’espace privé, l’espace public et la relations, souvent tendue, qu’ils entretiennent.
Dans la nouvelle « Peugeot 505 », pouvez-vous nous dire de quelle manière les démons de la guerre civile algérienne (1990-2002) continuent de hanter l’imaginaire de Krimo ?
Le regret. Le regret d’une vie sacrifiée sur l’autel de la guerre fratricide. En même temps, les années 1990, celles de la guerre civile algérienne (souvent qualifiée par euphémisme de « Décennie noire ») fait partie de la jeunesse de Krimo, en dépit de leur folie et leur caractère sanguinaire. Ce moment historique atroce est aussi celui de sa jeunesse, de son éveil aux plaisirs de la vie, aussi précaire soit-elle. Et c’est pour cette raison qu’il éprouve pour cette période une certaine tendresse, une sorte de nostalgie raisonnable, si je puis m’exprimer ainsi. Comme les autres personnages de mes nouvelles, Krimo est aussi un flâneur en quête de lenteur, d’une lenteur vitale pour raconter aux jeunes générations les scènes de morts auxquelles il a assisté, pour apprendre à mettre des mots sur les sentiments qu’elles lui inspirent. Contrairement à ce qui se dit dans certains médias, cette guerre fratricide intéresse énormément les jeunes Algériens et Algériennes, sans qu’ils tombent pour autant dans l’écueil de la relativisation de l’histoire coloniale.
Nombre de références artistiques émaillent vos textes : les musiques raï et chaâbi , la photographie et le cinéma. Concevez-vous le métier d’écrivain à la confluence des arts ?
J’aime concevoir la littérature, au même titre que le cinéma, comme une « chambre d’amis », un « divan pour invités », qui peut accueillir les autres arts de façon singulière et simple, comme dire, par exemple, que tel ou tel personnage est amoureux des films de Tariq Teguia ou des chansons de Chebba Zahouania. Par ailleurs, la musique populaire jouit d’une présence considérable dans l’ensemble des régions du pays. Elle est le pilier des cultures orales algériennes. La chanson rend plus tangibles les distinctions des anthropologues, la dichotomie « Écriture » versus « Oralité », qu’il faut revoir à mon avis. L’oralité et l’écriture ont cohabité pendant des siècles. Et même, parler, chanter, dire de la poésie, c’est écrire avec sa bouche.
Vous écrivez en arabe et vous utilisez avec finesse les parlers algériens et le français dans vos textes ; enfin, vous traduisez du français à l’arabe 1 . Quelle place occupent les transferts entre langues et la traduction dans votre travail de création littéraire ?
J’aime souvent citer l’expression d’un écrivain et traducteur, l’Égyptien Yasser Abdellatif, qui disait : « Je suis un ouvrier du langage ». J’écris en arabe, dans tous les arabes, et c’est ainsi que mon écriture devient la traduction de toutes mes langues. Quand je traduis du français à l’arabe, je deviens le manuscrit et l’exemplaire du texte que je traduis. Je sculpte mes mots, je réécris jusqu’à l’émergence d’un texte au pied duquel j’éprouve une certaine satisfaction…très temporaire.
Vos nouvelles dessinent en arrière-plan la précarité des artistes en Algérie. Quel regard portez-vous sur la scène littéraire et la critique en Algérie, surtout dans le contexte de l’offensive réactionnaire et intégriste menée contre la personne de l’écrivaine et traductrice In‘âm Bayoud, depuis que son roman a reçu le Grand Prix Assia Djebar le 9 juillet 2024 ?
Bien avant la génération des écrivains à laquelle j’appartiens, Kateb Yacine parlait déjà en son temps, au sujet de la scène culturelle algérienne, d’« atelier en ruines ». Sans vouloir occulter les réalisations effectives de l’État algérien, le constat katébien demeure valide aujourd’hui. S’agissant de « L’affaire In‘âm Bayoud », et en toute brièveté, elle dévoile avant tout la rareté culturelle. La rareté des institutions et des lieux où l’État distribue quelques miettes avariées de la rente pétrolière, chose qui génère d’immenses tensions et querelles entre les écrivains et les artistes (au lieu de critiquer l’institution, nos très chers « hommes de lettres » préfèrent guerroyer vainement entre eux, s’attaquer lâchement aux femmes qui écrivent par-delà leur « consentement » !). Mais aussi la rareté des espaces d’expression qui, regrettablement, sont quasi inexistants (la presse, les revues, les campus, les théâtres, etc.). Et je ne parlerai même pas de la paralysie totale que connaît l’édition dans notre pays…
À vrai dire, tout cela ne m’étonne guère. Quand on sabre les financements de la culture, quand on piétine la liberté d’expression et les principes démocratiques, le terrain ne peut être que propice à la concurrence victimaire et à l’expression d’un certain ressentiment élitiste, dirigé surtout contre les femmes et contre ceux qui prônent la pluralité des idées et des opinions et la liberté de leur communication. J’espère que l’Algérie adoptera un jour des politiques culturelles plus ouvertes au dialogue, des politiques garantissant l’expression d’un pluralisme qui n’élude pas les antagonismes inhérents à chaque société. Il ne peut y avoir de libre création que dans ces conditions.
Notes : 1 - Lire la traduction arabe de Congo (Actes Sud, 2012) d’Éric Vuillard publiée (édition bilingue) chez Barzakh en 2019 : http://www.editions-barzakh.com/catalogue/congo-bilingue-francais-arabe
Jill Stein est-elle un fantôme politique? La candidate des Verts américains représenterait 1 à 5% de l’électorat outre-Atlantique, selon les sondages. Pourtant, rares sont les occasions de l’entendre. Nous l’avons rencontrée lors d’un meeting en Californie, l’occasion de lui demander des explications sur la raison d’être de sa candidature, dans un système qui l’exclut d’office.
La chef de file du Green Party n’est pas tout à fait une inconnue dans le paysage politique américain. Déjà candidate en 2012, elle avait reçu le soutien de la figure intellectuelle de gauche Noam Chomsky (qui s’est prononcé cet été pour un « moindre mal » en la faveur d’Hillary Clinton). Cette année, elle dispose de celui de personnalités comme Oliver Stone, Viggo Mortensen, quelques rappeurs ou encore des journalistes. Mais tout comme le candidat libertarien Gary Johnson, qui oscille entre 5 et 10% dans les sondages, elle n’a pas voix au chapitre dans les débats, et sa campagne n’est que très peu relayée dans les médias. Certes minoritaires, à gauche de la gauche sur l’échiquier politique, Jill Stein et son colistier, le militant des droits de l’Homme Ajamu Baraka, attirent néanmoins un vaste panel d’idéalistes composé de pacifistes, de défenseurs de la justice sociale, d’écologistes et de partisans de Bernie Sanders. Surfant sur les questions d’inégalités et d’environnement qui ont trouvé un regain d’intérêt aux Etats-Unis, cette médecin de profession persiste et signe.
Nonfiction.fr – En France, de nombreux candidats se présentent à l’élection présidentielle, et même si le concept du débat-duel a fini par être importé d’Amérique, la plupart ont l’occasion de s’exprimer dans les médias. Ici, tout laisse à penser qu’il n’y a que deux candidats, alors qu’en réalité vous êtes quatre à pouvoir théoriquement emporter l’élection. Pourquoi êtes-vous aussi invisible?
Jill Stein – C’est assez bizarre mais en Amérique, c’est comme si on avait pris une mesure de confinement de la démocratie, ce qui se traduit par le fait que les médias opèrent un « black-out », une sorte de censure envers les candidats alternatifs, alors que ceux-ci incarnent justement ce que les Américains veulent désespérément. Les trois quarts des électeurs américains souhaiteraient voir les quatre candidats lors des débats présidentiels, pour pouvoir entendre d’autres choix ( NDLA: Jill Stein fait référence à un sondage de Suffolk University pour le journal USA Today, publié le 1er septembre, selon lequel 76% des personnes interrogées ont répondu « oui » à la question: « Si un candidat à la présidence d’un troisième parti était certifié par une majorité d’Etats, devrait-il ou elle prendre part aux débats cet automne? »). Hillary Clinton et Donald Trump sont les candidats les moins appréciés et qui suscitent le plus grand manque de confiance de notre histoire. Même leurs propres supporters ne les soutiennent pas vraiment, la majorité d’entre eux est surtout opposée au candidat adverse. Il y a quelque chose qui ne va pas là-dedans.
Comment expliquez-vous le fait que vous ne participiez pas aux débats?
C’est très étrange aussi, mais il se trouve que les débats sont régis par les deux principaux partis, puisqu’ils dirigent la Commission sur les débats présidentiels, qui fixe les conditions des débats et désigne qui peut ou non y participer. C’est très pratique pour eux, car ils peuvent imposer le silence à tous ceux qui tentent d’exister politiquement en dehors de leur cadre. Je n’appelle pas ça de la démocratie mais de la tyrannie imposée par une hydre à deux têtes. Et pourtant, on pourrait remédier à cela, quand on veut.
Quelle serait alors la condition pour que vous, candidate d’un troisième parti, puissiez vous exprimer lors de ces débats?
Il faudrait appliquer une règle de bon sens, évidente, selon laquelle les citoyens méritent d’être informés sur tout candidat pouvant statistiquement être élu, c’est-à-dire figurant sur assez de bulletins pour emporter la majorité des grands électeurs. La règle actuelle est arbitraire, il faut atteindre en moyenne 15% des intentions de vote dans les derniers sondages. Elle a été établie par les républicains et les démocrates qui dirigent la Commission sur les débats présidentiels. Auparavant, c’était la Ligue des électrices ( League of Women Voters, en anglais ) qui supervisait l’organisation de ces débats, qui ont commencé en 1960, et puis la Commission a pris le relais en 1988. La Ligue a alors démissionné de son rôle, déclarant qu’il s’agissait d’une escroquerie commise à l’encontre des électeurs américains. Ce que c’est véritablement. C’est une fraude dont l’intention est de réduire au silence toute opposition.
(Jill Stein et Kent Mesplay, lors d'un meeting de campagne à la bibliothèque de Mesa, Arizona.)
Vous considérez-vous comme une figure d’« opposition », alors que de nombreuses mesures que vous défendez me paraissent assez compatibles avec celles des démocrates?
En ce qui concerne nos valeurs, elles rejoignent souvent celles qu’affichent les Démocrates, c’est vrai, mais le problème est que leur discours est très éloigné de leurs actes. Hillary Clinton soutient la fracturation hydraulique, une méthode d’extraction des énergies fossiles très nuisible pour l’environnement. Elle affirme qu’elle se soucie du climat mais en réalité, elle a été une grande supportrice de cette pratique à travers le monde. Elle a soutenu l’Accord de libre-échange nord-américain (Aléna); aujourd’hui elle affirme qu’elle n’est pas pour l’accord de partenariat transpacifique (TPP) mais son parti n’a pas pris position sur sa plateforme contre cet accord. C’est la reine du volte-face. On va la voir retourner à nouveau sa veste si elle est élue. Il faut regarder ce qui se fait, pas uniquement ce qui est dit. Elle dit qu’elle est l’alliée des enfants, mais elle a démantelé une partie du filet de protection sociale en supprimant l’aide aux familles d’enfants dépendants ( NDLA: Jill Stein fait ici référence à une réforme des allocations passée en 1996 ). Avec son mari Bill, elle a soutenu la dérégulation de Wall Street qui a conduit à la défaillance du système financier à laquelle nous sommes toujours confrontés aujourd’hui.
Le 8 novembre prochain, jour des élections, vous allez donc voter pour vous-même même si vous n’avez aucune chance, plutôt que d’éviter le candidat que vous ne voudriez pas voir arriver au pouvoir?
C’est ce qu’ils voudraient que nous fassions: qu’on se comporte en électeurs bien élevés, et qu’on donne notre voix aux deux partis qui nous ont jetés sous le bus. Les Démocrates dirigeaient la Maison Blanche et les deux chambres du Congrès quand ils ont décidé du sauvetage de Wall Street, ou quand ils ont opté pour la politique énergétique qui a conduit à une hausse considérable de l’extraction des énergies fossiles ( NDLA: la stratégie « All of the above » défendue par Barack Obama prévoit de développer simultanément toutes les sources d’énergie, du pétrole au solaire en passant par le gaz naturel ).
Vous n’êtes donc pas satisfaite du bilan d’Obama en matière d’écologie? Pourtant, il a fait davantage que son prédécesseur…
Cela reste un désastre. Les émissions de gaz à effet de serre se sont aggravées sous Obama. Oui, nous avons développé les énergies renouvelables, mais la nature se fiche des énergies renouvelables : ce dont la nature se fiche moins, ce sont le dioxyde de carbone et le méthane, qui ont beaucoup augmenté. Sur le réchauffement climatique, peu importe qui d’Hillary ou de Donald y croit, ils vont tous les deux mener des politiques qui dégraderont encore plus la situation.
Par ailleurs, ils sont tous deux partisans de ces politiques extérieures bellicistes qui créent des Etats en déliquescence, donc une menace terroriste plus forte. Aucun des deux ne va résoudre le problème de la guerre permanente. Hillary semble prête à aviver les tensions avec la Russie en réclamant une zone d’exclusion aérienne au-dessus de la Syrie. C’est potentiellement jeter les bases d’une guerre nucléaire. Donc non, je ne dormirai pas bien si Donald Trump est élu, mais je ne dormirai pas bien non plus si Hillary Clinton est élue. Ils ne sont pas assez différents pour moi. Heureusement, nous vivons quand même dans une démocratie et dans cette démocratie, une bonne partie de la génération Y est prête à voter pour un troisième parti. Quand ils se soulèveront comme ils l’ont fait pour soutenir Bernie Sanders, il y aura alors plein d’autres gens qui trouveront le courage, la force, d’assumer leurs convictions. Ouvrons le débat, mettons tous les choix sur la table avant de décider que la résistance est un acte futile.
Quel résultat espérez-vous atteindre le jour J?
Je ne sais pas, mais je sais que nous devons nous battre pour obtenir tout ce qu’on pourra. Dans les termes de Woody Allen, « se pointer, c’est déjà 80% du succès dans la vie ». Il faudra être là quand le château de cartes s’écroulera.
À la veille d’une nouvelle élection présidentielle, capitale pour les Américains mais aussi pour la relation que le pays entretient au monde, l’historien Thomas Snégaroff fait le choix de nous plonger dans l’intimité des présidents, depuis Abraham Lincoln jusqu’à Joe Biden. Les photographies sélectionnées donnent à voir les présidents au sein de leur famille, face à leurs épreuves personnelles ou au cœur de la Maison Blanche. Elles invitent aussi à réfléchir à la place de la communication dans la construction de ces « personnages », et aux évolutions de la frontière, de plus en plus ténue, voire poreuse, entre vie privée et vie publique.
Nonfiction.fr : L’élection de 2024 implique des conséquences radicalement opposées, en fonction du ou de la future présidente, pour la société américaine et la géopolitique mondiale. Vous faîtes pour votre part un pas de côté en plongeant votre lecteur dans l’intimité des présidents. Comment est né ce projet ?
Thomas Snégaroff : Il est né il y a longtemps, quand j’ai commencé à m’intéresser au corps du président américain. En 2012, j’ai publié un essai chez Armand Colin, intitulé L’Amérique dans la peau. Quand le président fait corps avec la nation . J’y travaillais notamment les questions de virilité et d’empathie. C’est un sujet que je n’ai ensuite cessé de creuser en m’attardant sur des présidences en particulier. D’abord, celle de John F. Kennedy 1 , puis celle du couple Clinton 2 . Si ces biographies comprenaient les passages obligés d’un tel exercice, je focalise mon attention sur le corps et les valeurs qui s’en dégagent. Les cas de Kennedy et des Clinton, à trois décennies d’écart, sont fascinants tant ils permettent de saisir à la fois l’évolution du regard médiatique, de l’attente démocratique, mais aussi les permanences de l’usage jusqu’à la corde de l’intimité à des fins politiques.
C’est ainsi qu’est née l’idée d’un livre très illustré, non pas sur la vie intime des présidents d’ailleurs, mais sur l’usage de leur intimité pour se porter ou se maintenir au pouvoir. L’enjeu du livre est de montrer à quel point l’intime est une arme politique. A double tranchant !
Pour cela vous passez par la photographie mais choisissez un nombre limité de clichés dont certains nous apprennent beaucoup sur ces hommes : la photo de Théodore Roosevelt avec sa famille, celle de George Bush père épinglant les barrettes de lieutenant sur l’uniforme de son fils, ou encore celle d’Obama quand il était étudiant. Vous avez dû avoir l’embarras du choix : comment avez-vous sélectionné les photographies retenues ?
C’est l’une des grandes difficultés du livre ! Choisir…et donc éliminer ! On a travaillé avec une formidable documentaliste, Karine Granier-Deferre, qui a opéré une première sélection en fonction des indications que je lui envoyais, président par président. Entre les bibliothèques présidentielles et les agences, ce sont des milliers, voire des millions d’images dont on dispose.
Une fois ce premier tri effectué, une deuxième sélection a été faite avec l’accord de l’éditrice : accord éditorial mais aussi financier, parce que les photographies n’ont pas le même prix ! J’ai choisi quatre à cinq images par président. L’enjeu pour moi était à la fois de choisir des photos rares, mais aussi certaines iconiques que l’on regarderait différemment après avoir lu le texte. Ces photographies ne sont en tout cas certainement pas là pour illustrer mon propos. Elles sont en elles-mêmes une source d’information majeure, puisqu’utiliser son intimité à des fins politiques, c’est en parler, mais surtout la montrer ! Dans ces conditions, nous avons accordé un soin particulier aux légendes qui justifient le choix des images.
Vous ouvrez votre introduction sur l’affaire Monica Lewinsky et la fin d’un droit à la vie privée. Vous comparez le traitement médiatique de Bill Clinton avec celui dont bénéficiait encore John Fitzgerald Kennedy, qui pouvait entretenir la fausse image d’un président « en pleine santé, amoureux et fidèle à sa femme ». Comment s’est opéré ce glissement ?
Le glissement a été brutal. En effet, Kennedy n’aurait guère résisté aux années 1990. Les femmes bien sûr, mais aussi son corps en réalité faible et malade, tout cela aurait été scruté par les médias. Monica Lewinsky a coutume de dire qu’elle est la première victime d’Internet, c’est vrai. L’infidélité de Bill Clinton a été d’abord présente sur le net. Brutal, donc, le glissement l’a été. Et pour cela, il faut en revenir au début des années 1970, quelques années seulement après l’assassinat de Kennedy à Dallas. Les mensonges de Nixon, avec le scandale du Watergate, a été un véritable choc dans le pays. Le président a menti. Il a démissionné. Certains ont parlé de « fin de l’innocence ». C’est en effet la fin d’une certaine perception, sacralisée, de la fonction présidentielle et du corps de celui qui l’occupe. Désormais, le ver est dans le fruit. Et l’œil scrutateur des médias n’est que le résultat d’une demande sociale de transparence. Après Nixon, et Gerald Ford, dont le pardon accordé à son prédécesseur termine le cycle, plus rien ne sera pareil. Mais cette transparence se traduit par une désacralisation de la fonction présidentielle. Le corps biologique vient affaiblir le corps politique, si l’on veut parler comme Kantorowicz. L’élimination de Gary Hart en 1988 3 ouvre parfaitement cette nouvelle ère, même si les politiques, à l’image de Clinton, ont eu du mal à le comprendre… L’intimité reste une arme utilisée, mais elle est désormais à double tranchant. Gare à celui qui l’utilise si elle vient contredire une image publique.
L’intime n’est donc pas à séparer du politique puisqu’au fil du XX e siècle, il est utilisé à des fins politique « en faisant appel à l’émotion plus qu’à la raison ». Vous y voyez une forme de dérive des institutions américaines, contraire à l’idéologie des Pères fondateurs. Pourquoi ?
Oui, les Pères fondateurs se méfiaient comme de la peste de la personnalisation du pouvoir. Ils y voyaient une contradiction avec l’idéal républicain, bien plus que démocratique d’ailleurs, qu’ils portaient. J’ai choisi de mettre dans le livre un président du XIX e siècle, Abraham Lincoln, parce que non seulement il est le premier à avoir été à ce point vendu aux électeurs par le biais de son intimité, mais aussi parce qu’il y a résisté, sans grand succès finalement, voyant lui-même dans cette manière de faire une contradiction avec le modèle politique américain.
La mise en avant de l’intimité comme arme politique en appelle en effet moins à la raison qu’à l’émotion, et plus encore, peut-être, à l’identification. J’ai coutume de dire que le président américain tend un miroir flatteur aux Américains. Il lui offre un corps que le corps politique veut se donner comme représentation. Et dans ce cadre, on est tout de même assez loin d’un président ciment de la nation, gardien de la stabilité des institutions, tel que l’avaient pensé les Pères fondateurs. Mais là n’est évidemment pas la seule dérive des institutions américaines !
Certaines photographies révèlent la faiblesse du Président : la chute de Gerald Ford en 1975 à Salzbourg et celle de Jimmy Carter lors d’un footing en 1981 sont interprétées comme le signe d'un affaiblissement des présidents, alors que les clichés de Roosevelt sur son fauteuil roulant ou de Lyndon Johnson en train de travailler sur son lit d’hôpital après une opération de la vésicule biliaire semblent donner l’image d’une détermination à toute épreuve. Comment ces clichés deviennent-ils des objets de communication ?
Oui, il y a là quelque chose de fascinant. Le corps du président américain porte en lui un discours politique. Vous parlez de FDR dans son fauteuil roulant, mais on ne le voit jamais ainsi, sauf à la toute fin de sa vie politique, à son retour de Yalta, devant le Congrès des États-Unis . Bien au contraire, Franklin Delano Roosevelt « vend » un corps soigné de la polio, et ne cesse de prononcer des verbes d’action pour lutter contre la crise économique d’abord, puis le nazisme ensuite. JFK en fera de même, évoquant avant d’arriver au pouvoir un « muscle gap » plus qu’un « missil gap » avec l’URSS. Dans ces conditions, l’affaiblissement visible d’un corps traduit l’affaiblissement politique du président. Les chutes à répétitions de Gerald Ford ou celle de Jimmy Carter - les deux sont dans le livre - deviennent la métaphore de présidences à la dérive. Quant à Johnson, c’est un peu différent. Président viril s’il en est, il veut montrer qu’il n’a rien à cacher - contrairement à son prédécesseur - et qu’il surmonte la douleur, un peu comme l’Amérique après la mort de Kennedy.
Tous ces clichés, qu’ils inventent une intimité ou qu’ils la mettent en scène, deviennent une arme politique majeure. Bien plus que de longs discours, ils disent tout de l’action ou de l’inaction politique.
Parmi les derniers présidents, tout oppose les mandats de Barack Obama et de Donald Trump. En lisant les pages que vous leur consacrez, ce constat se confirme dans l’intimité. Dans quelle mesure cette dichotomie est-elle réelle ou bien accentuée par leurs conseillers en communication ?
En effet, on retrouve, dans l’enchaînement des présidences Obama et Trump, le cycle que je mets en lumière : demande d’empathie, puis de virilité. Obama a fait campagne en 2008 sur le volet empathique dans le pays. Un pays fatigué par deux guerres. Une image d’autant plus nécessaire que le préjugé racial conduisait les Américains à s’inquiéter de la virilité d’un homme noir. Les photos du livre montrent à quel point Obama a tout fait pour sortir de ce piège et offrir une intimité empathique. Puis déboule Donald Trump. Là, et c’est l’un des grands enseignements de sa présidence, la révélation d’une intimité amorale (souvenons-nous de ses propos outrageants sur les femmes) ne lui a pas nui, parce que cela ne contredisait pas son discours politique, bien au contraire !
Cette dichotomie est bien réelle entre deux hommes que tout oppose, mais bien entendu les communicants s’en sont donnés à cœur joie pour exagérer des traits qui correspondaient à l’horizon d’attente des électeurs à un moment. Je me répète, mais c’est un miroir flatteur. Et je ne suis pas du tout certain qu’Obama l’aurait emporté en 2016 et Trump en 2008. Une élection, c’est la rencontre d’un corps et d’un moment.
L’arrivée potentielle d’une femme, Kamala Harris, à la Maison Blanche pourrait-elle changer cette place de l’intime dans la campagne présidentielle, mais aussi dans la pratique du pouvoir ?
Je ne pense pas. La campagne telle qu’elle se déroule n’infléchit pas le rôle de l’intime. Parce que les Américains la connaissent peu, elle ne cesse de parler d’elle, de son enfance, de son mariage, de ses beaux-enfants. Elle sait aussi, parce qu’elle a analysé avec soin les deux campagnes présidentielles perdues d’Hillary Clinton, que l’intimité est peut-être encore plus difficile à mobiliser pour une femme. Faire preuve d’une trop grande empathie fera de vous une petite chose incapable d’affronter les défis colossaux d’un monde dangereux. Faire preuve d’une trop grande virilité fera de vous une femme froide et sans cœur. Ce double standard rend plus complexe et piégeux l’usage de l’intimité pour une femme.
Notes : 1 - Kennedy, une vie en clair-obscur en 2013 2 - Hillary et Bill Clinton, l’obsession du pouvoir , 2016 3 - qui se retire de la primaire démocrate en raison d’un scandale sur sa vie privée.
Le jeune héros de ce roman si délicieux qu’on le lit d’une traite se nomme Tancrède Dorimont : « Porter à la fois un nom de tragédie et un vieux nom de comédie, et de plus être fait comme un héros de roman ! » Il a reçu du ciel « un don fatal », comme l’indiquent le titre très ironique du premier chapitre et le mystérieux incipit :
« Il est un malheur que personne ne plaint, un danger que personne ne craint, un fléau que personne n’évite : ce fléau, à dire vrai, n’est contagieux que d’une manière, par l’hérédité, et encore n’est-il que d’une succession bien incertaine. »
Ces quelques lignes suffisent à se faire une idée du grand talent de Delphine de Girardin, née Delphine Gay, qui épousa en 1831 le « Napoléon de la presse », Émile de Girardin, et qui fut une auteure extrêmement célèbre en son temps, poétesse, romancière, dramaturge et journaliste. Sous le pseudonyme masculin de « vicomte de Launay », elle signe à partir de 1836, l’année de parution de La Canne de Balzac , un feuilleton hebdomadaire dans le journal de son mari. Elle écrit par exemple le 7 mars 1847 : « Pour les buveurs, la vérité est dans le vin ; pour nous, la vérité est dans l’encre. […] Il faut bien nous résigner et nous consoler un peu de l’ennui d’écrire par le plaisir de dire au moins notre pensée. »
Un garçon qui a le don d’invisibilité
La beauté de Tancrède attire le regard des femmes, ce qui déplaît aux maris et aux fils, qui s’empressent de l’éloigner de leurs épouses ou de leurs mères. Désespéré par ce fardeau de la beauté qui lui ferme la porte de toutes les maisons, le laissant sans emploi et sans maîtresse, le jeune homme émet le souhait d’être invisible. Malicieuse, l’auteure attribue un tel pouvoir à la célèbre canne de Balzac, qui a beaucoup fait parler d’elle à son époque, en raison de la richesse de ses ornements. Cette édition contient d’ailleurs un florilège de gravures représentant Balzac et sa fameuse canne (par Daumier, Grandville…). Cette canne, aujourd’hui visible à la Maison de Balzac à Paris, avait été commandée par le romancier à un bijoutier de la rue de Castiglione, et livrée en août 1834.
Pouvant se faire invisible ad libitum , le jeune Tancrède accédera à ses rêves de richesse et d’amour, et ne sera plus obligé de se cacher du monde. Cette comique traversée des apparences mêle la fantaisie d’une plume aussi acide qu’élégante à une observation aiguë de la société. L’auteure croque avec malice les travers de ses contemporains.
Parodie du roman sentimental, La Canne de M. de Balzac participe aussi de cette « littérature panoramique » (selon l’expression de Walter Benjamin) qui se caractérise par de nombreuses « physiologies » et une peinture de la société. Le chemin du héros vers son destin finalement heureux nous entraîne chez un riche banquier, un directeur de compagnie d’assurances, un concessionnaire de lignes de chemin de fer, un ministre de Louis-Philippe, une coquette, une pédante, une cantatrice ou encore une jeune ingénue.
Un remarquable travail d’édition
Martine Reid, bien connue notamment pour l’ouvrage collectif Femmes et littérature qu’elle a dirigé, et fidèle à son objectif de faire lire aujourd’hui les auteures que l’histoire littéraire a injustement effacées, salue ce que Delphine de Girardin elle-même appelait sa « science observatrice », son don de « mémorien », néologisme par lequel elle voulait résumer son rôle de témoin exceptionnel d’un milieu et d’un moment, dont elle rendait compte dans ses articles hebdomadaires, réunis sous le titre Lettres parisiennes .
En plus d’une préface très riche et très suggestive, Martine Reid fournit une chronologie inédite de la vie de l’auteure, et reproduit l’hommage rédigé par Théophile Gautier pour la préface aux Œuvres complètes de Madame Émile de Girardin née Delphine Gay , publiées en 1861 :
« Les Œuvres complètes de madame Émile de Girardin n’avaient pas encore été réunies dans un format digne d’elles. Désormais les amoureux de ce charmant esprit ne seront plus obligés de le chercher à travers des volumes disparates, peu faits pour les rayons d’une bibliothèque sérieuse. Ce monument manquait à cette chère mémoire, car le plus durable tombeau qu’on puisse élever à un poète, c’est cette édition définitive, corrigée par une main pieuse et un cœur qui se souvient. »
Signalons, dans la même collection, la réédition, avec une préface inédite d’Olivier Rolin, des trois premières nouvelles de La Comédie humaine , dans l’ordre voulu par Balzac : La Maison du chat-qui-pelote , Le Bal de Sceaux , La Bourse , avec pour thématique commune la question du choix amoureux. On appréciera, à la lecture des deux volumes, l’effet de symétrie entre les récits de Balzac et ce roman où il figure en belle place dès le titre, mais dont il n’est qu’un personnage secondaire cherchant à échapper à la célébrité.