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02.07.2024 à 10:00

La fiction contre la bêtise : entretien avec Samir Kacimi

Imaginez un pays où les chefs d’État qui se succèdent s’appellent tous le « Président sauveur » et où l’écriture de la pensée collective comme de l’histoire sont confiées à un inamovible « Historien officiel ». Qu’adviendra-t-il d’un tel pays à l’issue d’un mandat ayant duré quelque quatre-vingts ans ? C'est ce qu'imagine Le Triomphe des imbéciles de Samir Kacimi, écrivain algérien de langue arabe, mais aussi bilingue. Son roman, composé de deux « Livres » en miroir, est précédé d’une curieuse lettre d’un éditeur expliquant que la mission du livre est de détourner le lecteur des soucis du présent et de l’attente d’un avenir meilleur. A la question qui précède, il répond d'une manière aussi claire que drôle : la bêtise généralisée par le mensonge d’État induit un illettrisme de masse face à la complexité du monde.   Nonfiction : Seriez-vous d’accord pour dire qu’avec Le Triomphe des imbéciles , vous avez fait œuvre de satiriste ? Samir Kacimi : Bien sûr, c'est un roman satirique. Une satire où le rire ressemble aux pleurs. Au début, je voulais écrire une œuvre mêlant la réalité et la fantaisie, car je crois que nous vivons dans une réalité parfois plus étrange que la fiction. Je voulais essayer de répondre à une question qui m’habite depuis longtemps : « Qui crée qui ? Est-ce les peuples opprimés qui créent le dirigeant dictateur et imbécile ? Ou est-ce le tyran qui crée les peuples opprimés et aveuglés qui lui permettent de se maintenir au pouvoir, éternellement ? ». Cette question est primordiale, parce qu’elle est directement liée au droit le plus fondamental de l'être humain : celui de rêver. Ce droit n'est pas reconnu dans les systèmes fermés qui considèrent chaque citoyen comme un insignifiant sujet qui ne peut rêver et créer que dans les limites autorisées et imposées par le pouvoir. Dans de tels systèmes, les rêves, malgré leur simplicité, deviennent des aspirations presque impossibles. Mon expérience de vie m’inspire et face aux multiples obstacles que je rencontre, je réagis par la satire. Je parle de la réalité des marginalisés en Algérie et dans le monde arabe en général, car une vie où le logement, le mariage et le travail deviennent des rêves pour lesquels on se sacrifie est une existence futile, insignifiante. D’un certain point de vue, j’écris en fidélité à un dicton arabe qui dit : « Le malheur pousse au rire ». Je ne sais pas qui a dit que « les peuples connus pour leur humour et leurs blagues sont les plus désespérés », mais je trouve cette expression très juste. Votre roman évoque la richesse linguistique en Algérie et ouvre à une méditation profonde sur la destruction du langage et de la raison à laquelle œuvrent les despotes interchangeables qui se suivent à la tête de « la Capitale » . Visez-vous les formes actuelles du despotisme ? Mon roman traite de la relation entre soumission et despotisme que le tyran installe avec son peuple et des conséquences qui en découlent. Il ne concerne pas spécifiquement l'Algérie, mais tous les pays, car la contagion despotique est universelle. L’ennemi mortel des despotismes est le langage qui devient sabre aux mains des résistants, une fenêtre qui donne accès aux visions les plus claires sur le monde. En ce qui concerne l’Algérie, et par de-là les instrumentalisations scandaleuses des langues et de la faculté humaine du langage, je dirais que la langue est un élément culturel qui m’intéresse en tant que citoyen algérien avant tout. La langue est également le moyen le plus efficace pour exprimer ma culture, une culture diversifiée dont je n’ai pas à rougir, mais qui ne me rend pas différent des autres hommes qui vivent et circulent de par le monde. Je n'aime pas ceux qui se vantent excessivement de leur culture ou de leur identité, tout comme je n'apprécie pas ceux qui dénigrent leur propre culture et identité dans un cadre discursif essentialiste. Par exemple, je n'aime pas l'autoflagellation continue pratiquée par des écrivains comme Kamel Daoud ou Boualem Sansal. Leurs écrits et déclarations publiques sont pleines d’approximations et de stéréotypes, d’erreurs sidérantes d’analyse. Pis, leurs livres et articles présentent souvent les Algériens comme un peuple haineux qui ne vit que pour « culpabiliser la France », se « venger » d’elle par une prétendue « Grande conversion à l’islam » ou « invasion migratoire ». Pour ma part, je ne vois pas de problème avec l'islam en tant que religion qui a contribué à forger l'identité algérienne et une civilisation plurielle à travers les siècles. En revanche, ce que j'ai du mal à accepter, c'est le concept de l'islam politique et l'idée qu'un État puisse être fondé sur un élément religieux à notre époque. La liberté de conscience doit être intégrale, partout. En tournant les dernières pages du Triomphe des imbéciles , votre roman m’a fait penser à cette Seconde Considération intempestive (1874) où Nietzsche dénonce de manière radicale l’anéantissement de toute capacité d’agir sur le présent comme sur l’avenir qu’engendre cette sacralisation d’un passé mythifié qu’il désigne comme l’« histoire monumentale ». Selon vous, que peut la littérature pour contrer la fabulation aliénante à quoi les nationalismes chauvins réduisent l’Histoire ? L'Histoire officielle ou le catéchisme du roman national m’inspirent toujours méfiance, incroyance même. Du martèlement national d’un point de vue unique, rempli d'images fabriquées qui montrent souvent le despote comme un héros détenteur exclusif de la vérité, on ne récolte que les cendres. Une telle histoire ne reconnaît ni l’accès relatif à la vérité historique ni l'humanité de l'homme, sa faillibilité qui le rend capable du meilleur comme du pire. Par conséquent, elle ne peut être sacralisée. Heureusement, et malgré la domination de l'« Historien officiel », nous pouvons toujours trouver d'autres points de vue dissidents. En les rassemblant et en les liant, nous formons un autre type d'histoire, celle des marges, que nous trouvons généralement dans les écrits des poètes et des romanciers, dans nombre de travaux artistiques : peintures, gravures et sculptures. Nous la trouvons aussi dans les proverbes populaires et les mythes qui sont une symbolisation de la réalité dans des formes imaginaires, ainsi que dans les chants populaires et autres œuvres de l’esprit. C'est précisément là que la littérature joue un rôle dans la relecture et la contestation de l'Histoire officielle, voire dans sa réécriture. Je crois que le message universel de la littérature consiste dans le recentrement du regard sur les histoires des marges. Votre Alger fantastique, peuplé de personnages burlesques, forme un labyrinthe qui évoque tant le Kafka du Château que l’Orwell de 198 4. Comment l’avez-vous imaginé ? Contrairement à ce que vous pourriez penser, je n’ai pas eu besoin de beaucoup d’imagination. J'ai écrit la majeure partie de mon roman dans un café populaire à Alger, le Café T e lemssani , situé non loin de la Place des Martyrs. J'y passais de longues heures, assis à observer ses clients, qui, en raison de l’emplacement stratégique du café, venaient de différentes régions du pays. On trouve parmi eux l’intellectuel éduqué, celui avec une culture limitée, l’analphabète, le passionné de politique qui ne cesse de critiquer la situation actuelle du pays, le citoyen résigné qui voit du bien en tout et partout, même dans le mal, le jeune qui vit physiquement en Algérie, mais spirituellement de l'autre côté de la mer, et, à l'opposé, le vieil homme qui, au seuil de la mort, ne manque jamais une occasion pour faire l’éloge de l’Algérie d’antan, la dépeignant comme une parcelle de paradis ou un endroit en enfer. Au Telemssani , qui est un laboratoire littéraire, on rencontre l’Algérie dans sa diversité, ses impasses et ses contradictions : les incroyants nationalistes, les islamistes révoltés, les jeunes démocrates dépolitisés, les prolétaires de gauche comme réactionnaires, rarement les femmes, voire pas du tout. Tous ces gens m'ont permis de choisir les personnages et les événements de mes romans avec une grande facilité. Quand je me trouve dans de tels lieux populaires, je me demande pourquoi l’Algérien sourit, rêve et vit sa vie avec folie, même en l'absence de raisons pour sourire, rêver et vivre. Je ne trouve de réponse que dans l’absurdité et la comédie noire qui justifient une telle existence. Vivre dans de tels environnements est le rêve de tout romancier, car ce sont des lieux riches en histoires et en personnages étranges et fascinants . Nombre de personnages de vos romans précédents font retour dans Le Triomphe des imbéciles . Pourquoi ? La plupart des personnages du Triomphe des imbéciles étaient déjà présents dans mon roman précédent, Les Escaliers de Trollar . À l’origine, mon idée était de publier une œuvre en trois parties, La Trilogie de l'absurde , qui devait comprendre, bien sûr, Les Escaliers de Trollar et Le Triomphe des imbéciles qui, lui, comme vous l’aurez remarqué, se compose de deux romans : Les Folies de Duc-des - Cars et L’Imbécile lit toujours . Malheureusement, je n’ai pas trouvé d’éditeur arabe intéressé par ce projet, jugé par certains comme une folie et une prise de risque commerciale. J’ai donc renoncé à cette trilogie et décidé de publier l’œuvre en deux romans : le premier, Les Escaliers de Trollar , raconte comment Djemal Hamidi est devenu le président du pays, alors qu’il n’était qu’un simple concierge peu instruit. J’imaginais que les Algériens se réveillaient un jour dans un monde étrange sans portes ni fenêtres et que les dirigeants ne trouvaient de solution que de nommer président un homme qui s’y connaissait en matière de portes ! Ensuite, dans la première partie du Triomphe des imbéciles , j’ai transformé tous les événements des Escaliers de Trollar en un simple cauchemar rêvé par le président. Dans la deuxième partie, j’ai aussi imaginé un étrange rêve présidentiel ayant conduit à un illettrisme de masse face au monde. Cela ressemble à un labyrinthe de rêves et de cauchemars successifs qui n’aboutissent à aucune vérité spécifique. J’aime penser que cela ressemble à notre vie d’une certaine manière, et qu’il n’y a pas d’autre échappatoire que de décider un jour de se réveiller. Vous entretenez une certaine distance critique vis-à-vis des milieux culturels algériens. Quel genre de conformisme chez eux vous inspire une telle réserve ? Ce qu’on appelle la scène culturelle en Algérie est une scène tristement sclérosée, un milieu hostile aux esprits créatifs, à la liberté et à l’autonomie de l’art tout court. Il y a une domination malsaine de l’institution officielle sur la culture. Cette notion est devenue synonyme même de dépendance vis-à-vis du souverain, une pure poursuite de risibles avantages matériels. Il y a une régression et un recul dangereux par rapport au rôle que l’intellectuel peut et doit jouer dans la création d’espaces permettant la diversité et la libre expression des idées et des opinions. À tel point que nous constatons l’extinction de l’intellectuel critique, porteur de visions alternatives à celles de l’institution officielle. Je me souviens bien lorsque l’ancien ministre de la Culture, le poète Azzedine Mihoubi, a déclaré qu’il était un « intellectuel du pouvoir » et « fier de l’être ». Je me rappelle l’indignation suscitée par cette déclaration dans les milieux culturels à l’époque, une réaction qui montrait qu’il y avait encore quelques intellectuels doués de raison et de courage. Les pathologies dont souffrent les intellectuels courtisans triomphent, asphyxient la scène culturelle en Algérie. Au lieu de cultiver un idéal cosmopolite, ils ne se nourrissent que de faux et inutiles clivages renforçant l’autoritarisme : l’arabophone ne s’associe pas au francophone, ne le lit pas et n’envisage guère de le lire ; le francophone se montre supérieur à l’arabophone et ne reconnaît aucunement son existence. Ni l’un ni l’autre ne connaissent la littérature écrite en tamazight et la considèrent comme une simple littérature fabriquée par les autorités, bien qu’elle soit le fruit de grands et douloureux sacrifices. Et c’est pour ces raisons que je préfère toujours garder mes distances vis-à-vis de toute institution officielle pour protéger mon œuvre littéraire et mon terreau narratif.

26.06.2024 à 12:00

Baudrillard et l'architecture : entretien avec Jean-Louis Violeau

Parce qu’ils sont en général peu familiers de ses développements, les intellectuels français qui se sont intéressés à l’architecture sont assez peu nombreux – au contraire des architectes qui se sont souvent nourris de leur pensée. Baudrillard fait partie des quelques rares exceptions, de ces penseurs dont l’œuvre est traversée par des références à l’architecture, notamment pour ce qu’elle bouscule. Jean-Louis Violeau , sociologue et spécialiste de l'architecture, retrace son parcours, depuis l’intérêt qu'il avait développé pour l’urbain comme élément de la critique de la vie quotidienne, dans la foulée d’Henri Lefebvre, à celui qu'il a montré ensuite pour les « monstres urbains », en passant par sa collaboration fructueuse avec Jean Nouvel, avec qui il a publié un livre ( Les Objets singuliers. Architecture et philosophie , Calmann-Lévy, 2000). C’est aussi l’occasion pour l’auteur d’explorer les rapports entre architectes et sociologues et philosophes, à l’aune notamment des glissements et déplacements conceptuels qu’a pu connaître le post-modernisme lorsqu’il a migré de l’architecture à la philosophie, avant de reculer dans les deux disciplines, non sans laisser pour la première nombre de bâtiments toujours debout, utilisés, rénovés parfois, à Paris tout particulièrement...   Nicolas Poirier : Baudrillard connaissait bien certains architectes contemporains, en particulier Jean Nouvel, et a entretenu un échange intellectuel fécond avec eux. Mais c'est là une exception. Qu'est-ce qui explique, selon vous, le rapport compliqué qui semble exister entre les intellectuels et l'architecture ? Jean-Louis Violeau : Cherchant à transmettre depuis plus de vingt ans les enseignements des sciences humaines au sein d’une école d’architecture, à Paris-Malaquais puis à Nantes, cette question du rapport des intellectuels à l’architecture de leur temps m’a toujours passionné. À première vue, ce rapport est nul et non avenu. On peut le déceler jusque dans les images que l'on possède des domiciles privés de ces « intellectuels » : ils habitent la plupart du temps des appartements haussmanniens classiques, parquet blond et murs blancs, discrètes moulures au plafond, cheminée parfois ; Pierre Bourdieu habitait un pavillon banal à Antony ; les photos du bureau-bibliothèque de Jacques Derrida, publiées dans Les Inrockuptibles  à l’occasion de l’un des derniers entretiens accordés par le philosophe le 31 mars 2004, montrent un salon très simple, avec des baies vitrées orientées vers un jardinet, quelques livres entassés le long des cloisons, et c’est tout. Globalement, il est rarissime d’avoir en toile de fond l'ambiance des intérieurs que l’on trouve au sein des revues d’architecture. Mais ce constat ne se limite pas aux seuls intellectuels. L'architecture n'est pas enseignée au collège et au lycée, contrairement à la littérature, à la musique voire au cinéma. Ainsi, tout individu a une connaissance même vague des courants musicaux et de ses formes d'expression ; mais très peu saurait définir le régionalisme critique tessinois, pourtant (presque) unanimement chéri des architectes. Tous les français ont déjà entendu les noms de Hugo, Balzac ou Zola, mais Viollet-le-Duc était encore un parfait inconnu pour la majorité d'entre eux avant que Notre-Dame de Paris ne s’embrase. Pour revenir aux intellectuels, il faut noter que si les philosophes ont négligé l'architecture, les architectes ont, quant à eux, largement intégré les réflexions de certains auteurs éminents. Ainsi, la pensée de Jacques Derrida sur la « déconstruction » est au cœur des débats doctrinaux chez les architectes depuis une fameuse exposition qui s’était tenue au Moma (Musée d'art moderne, New York) en 1988 – « Deconstructivist Architecture ». Or, si tous les enseignants exerçant au sein des écoles d’architecture connaissent (au moins) le nom de Jacques Derrida, je doute fort que tous les enseignants des départements de philosophie connaissent simplement le nom de Peter Eisenman – qui a dialogué des années durant avec Derrida en compagnie de Bernard Tschumi, le concepteur du Parc de la Villette à Paris. De même, on peut considérer que le texte de Michel Foucault sur les « hétérotopies », intitulé « Des espaces autres », fait aujourd’hui partie du bagage culturel de tout étudiant en école d’architecture, tout comme les travaux de Pierre Bourdieu sur l’espace kabyle, les ouvrages de Bruno Latour ou le dernier tome de la trilogie des Sphères de Peter Sloterdijk, qui constitue un ouvrage d’histoire de l’architecture à part entière. Baudrillard, pour sa part, ne s'est jamais défini comme un penseur ou un théoricien de l'architecture, mais son intérêt s'est très tôt porté sur l'objet architectural, en un sens particulier. À l'inverse du rapport spontané du citadin, qui attend de l'architecture qu'elle maîtrise et harmonise l'espace, Baudrillard s'est penché sur le cas des « monstres urbains », qui incarnent la part de non-maîtrisable se logeant au cœur de l'architecture. Pourquoi s'intéresser à de tels objets ? L'architecture traverse en effet les ouvrages de Baudrillard de part en part, et son propre rapport à l’espace reflète assez fidèlement les inflexions générales de sa pensée. Baudrillard a commencé par s’intéresser à deux items qui intéressent les architectes au premier chef : le signe et ses logiques, et les objets formant système. Mais il a en effet rapidement montré une nette préférence pour les objets non-domestiqués, et en architecture pour ce qu’il a nommé les « monstres urbains » ou les « super-objets ». Depuis Les Stratégies fatales , en 1983, il aura été un sociologue imaginatif, intuitif et détaché, avec un regard décalé. D’où son intérêt pour les architectures qui résistent à l’interprétation et semblent mener leur vie propre, comme détachés de leurs concepteurs. De là sa passion pour les tours jumelles du World Trade Center, pour le projet Biosphère II, pour Beaubourg, pour le Guggenheim-logo de Bilbao et peut-être bien aussi pour certaines architectures parlantes de Jean Nouvel. Toutes ces concrétions non domestiquées ont en commun d’avoir d’abord cherché à porter le tranchant de la différence dans l’équivalence généralisée. Si les objets communs mentent sur leur fonction, ce n'est pas le cas des « super-objets », des « monstres ». Le Juicy Salif de Philippe Starck ne pressera jamais d’agrumes mais les Twin Towers  auront longtemps abrité le cœur de la finance internationale à Manhattan – d’où la fascination de Baudrillard pour le 11-Septembre. Même si le réel se trouve progressivement remplacé par les signes du réel, le négatif ne disparaîtra jamais. À l’ère du no fake et d’une quête partagée d’authenticité, ce regard sociologique rencontre aujourd’hui un regain d’intérêt à travers les conduites ambivalentes et les goûts variés des enfants du numérique que l’on peut régulièrement croiser au sein des écoles d’architecture. Vous montrez dans votre livre que les questions relatives à l'architecture et à l'urbanisme intéressent  Baudrillard dans la mesure où elles constituent un élément essentiel de la critique de la vie quotidienne. Pouvez-vous revenir sur cet aspect ? Nous sommes au milieu de la décennie 1960. Les analyses existentialistes de la vie ordinaire invitent depuis quelques années les intellectuels à emprunter de nouveaux modes de description du social. L’un d’entre eux, ami de Tristan Tzara comme de Roger Vailland, ayant entretenu une proximité houleuse avec les surréalistes tout en ayant bien pris soin de toujours se tenir à bonne distance de la figure sartrienne, trace depuis quelques années un sillon original pour élaborer une « critique de la vie quotidienne » où la pensée marxiste occupe toute sa place : Henri Lefebvre (1901-1991). Avec Le Droit à la ville (1968), l’espace va bientôt occuper dans ses écrits une position centrale ; et cela n’aura rien d’une voie de garage de fin de carrière. Il comprend très vite en effet l’espace comme un objet situé au carrefour des logiques de production. Hypothèse pionnière pour l’époque, il y décèle la source d’un renouveau potentiel de l’économie politique et anticipe, avant tout le monde, une extension de la lutte des classes à l’espace. En ce milieu de la décennie 1960, les philosophes demeurent quand même toujours un peu condescendants vis-à-vis des sciences sociales appliquées, et les sociologues « de service », comme on les dénomme habituellement, sont encore considérés comme des marginaux. Henri Lefebvre, qui avait débuté sa carrière au CNRS en sociologue du monde rural avec des enquêtes dans les Pyrénées, sort du placard des sciences sociales purement empiriques – où les philosophes couronnés n’auraient pas manqué de l’enfermer – grâce à l'urbain et à la fréquentation des architectes. Parmi ses assistants d’alors, Hubert Tonka et Jean Baudrillard l’accompagneront, le précédant même une fois passé Mai 68, ce qui n’ira pas sans poser problème. Comme pour les situationnistes, la rencontre entre Lefebvre et la petite bande qui va donner naissance à la revue Utopie en 1966 se cristallise d’abord dans sa maison de vacances à Navarrenx. Les architectes Jean Aubert, Jean-Paul Jungmann et Antoine Stinco, sont rapidement de la partie, conviés par Hubert Tonka qui navigue aisément entre l’Institut d’urbanisme de la rue Michelet où il enseigne et les ateliers des Beaux-Arts de la rue Bonaparte où le trio dessine. Dans ce maquis gauchiste, il est alors le critique – au sens plein – d’un trio d’architectes « bozardeux » qui ne sait pas toujours très bien au service de quelle cause mettre son indéniable talent graphique en ces temps de floraison des chapelles groupusculaires. En 1970, dans La Société de consommation (que l’aîné Henri Lefebvre avait préféré dès 1960 dénommer « société bureaucratique de consommation dirigée »), Baudrillard prolonge en sociologue les pistes qu’il avait déjà lancées dans les deux premiers numéros d’ Utopie (1967 et 1969) et Le Système des objets (1968) en évoquant le «  drugstore élargi aux dimensions du centre commercial et de la ville du futur  ». Rétrospectivement, il évoquera d’ailleurs cette revue comme l’un des seuls lieux où une alchimie a pu un temps véritablement fonctionner, notamment parce que les architectes étaient «  sortis du détail de leur activité  » en écartant toute ambition de construction. Lefebvre fera une unique mais solide apparition dans la revue, dans un long article paru dans le n° 2-3 en 1969. Il n’y reviendra pas. Comme il se plaira lui-même à le rappeler quelques années plus tard dans Le Temps des méprises , en 1975, «  dès les premiers succès d’une idée ou d’une tendance, je me dégage. Le succès, je m’en méfie ; il me paraît suspect  ». S’y ajoutait une incompréhension : Lefebvre ne comprenait plus ces jeunes, et surtout il n’était pas prêt à suivre cette bande sur les chemins de « l’utopie négative », comme il la nommait, lui préférant « l’utopie concrète » pour s’engouffrer dans les fissures et les fêlures plutôt que chercher à penser la clôture et la totalité. Un peu plus tard, Baudrillard rencontre Jean Nouvel, l'un des architectes français les plus connus aujourd’hui, ainsi que le philosophe et urbaniste Paul Virilio. Quel rôle ont-ils joué dans sa réflexion sur l'espace et l'architecture ? La rencontre entre Baudrillard et Nouvel se noue une grosse décennie plus tard, au tout début des années 1980. À ce moment-là, le sociologue accompagne l’architecte, qui est commissaire d’une exposition qui se tient en 1982 aux Beaux-Arts, intitulée « La Modernité ou l’esprit du temps », et qui fait date. Elle s’inscrit en effet au cœur de la controverse entre modernité et postmodernité qui anime alors depuis quelques années l’univers des architectes, avant de s’étendre à l’ensemble du monde des idées. Le sociologue donne un texte pour le catalogue, intitulé « La fin de la modernité ou l’ère de la simulation », paru deux ans plus tôt dans l’ Encyclopaedia Universalis . On a pourtant ricané sur le compagnonnage de Jean Nouvel avec le sociologue, jugé « superficiel ». Il n’empêche, ce lien s’est établi dans la durée et sous le signe de l’admiration, comme en témoigne le dialogue qui donnera lieu aux Objets singuliers , recueil paru chez Calmann-Lévy en 2000. En 1987, Baudrillard s’était d’ailleurs à nouveau trouvé embarqué dans le catalogue de la première exposition monographique que l’IFA, l’Institut Français d’Architecture, avait consacrée à l’architecte. Cette même année, Nouvel reçoit, avec l'agence Architecture Studio, l’Equerre d’argent – surnommée « Goncourt des architectes » –, pour l’Institut du Monde Arabe. Jean Nouvel s’est souvent dit « complexé » (dans le meilleur sens du terme) par son seul savoir d’architecte. Il se plaignait, à juste titre, du manque de reconnaissance du discours et de l’écrit dans la panoplie des outils de l’architecte. Pour lui, tout architecte se doit, par vocation autant que par « profession », d’avoir une façon bien à lui d’envisager les liens que l’architecture entretient avec le social. Mais aux yeux des architectes un peu trop sûrs d’eux, le sociologue pose trop de questions ; il est comme un obstacle supplémentaire dans la longue chaîne des acteurs se dressant sur la route de leurs projets. À l'inverse, l'ensemble des textes et des interventions de Jean Nouvel montre qu'il s'est, au fond, plus souvent exprimé en sociologue qu’en architecte. Jean Nouvel s’est toujours battu contre une architecture revendiquant son autonomie, préférant la définir comme une discipline de récupération et de synthèse de sensations visuelles, une alchimie plutôt qu’une addition de recettes. Un peu comme Baudrillard – qui, lui, était un sociologue qui ne croyait pas au social (ce qui ne l’a jamais empêché de commenter l’actualité) – Nouvel est un architecte qui, d'une certaine manière, ne croit pas en l’architecture (ce qui ne l’a jamais empêché d’en concevoir). Le compagnonnage avec Paul Virilio, pour sa part, est plus ancien, puisque l’architecte l’a croisé dès ses débuts dans l’agence de Claude Parent, à la toute fin des années 1960. C’est le moment où, sur un désaccord politique, Virilio quitte Parent, auquel il était associé depuis 1963 et la création du groupe « Architecture Principe », pour s’engager au lendemain de Mai 68 dans l’enseignement à l’École Spéciale d’Architecture. De sa lecture de Virilio, Jean Nouvel a vite compris, avant les autres et dès la parution de L’Espace critique en 1984, que les limites d’un bâtiment n’étaient plus désormais définies par ses façades, mais par l’interface entre l’homme et les machines. Autrement dit, l'architecture n'est pas seulement une façon de permettre aux hommes d'habiter l'espace ; elle se trouve au cœur de la relation entre l'homme et les machines dans le monde moderne. D'autres exemples de collaborations fécondes entre architectes et sociologues ou philosophes figurent dans votre livre. On peut mentionner le cas de l'architecte américain Peter Eisenman, qui est aussi un théoricien de l'architecture et qui s'est inscrit dans le sillage de Jacques Derrida pour étudier le problème de la forme dans l'architecture moderne. L'architecture d'Eisenman est-elle pour autant « déconstructive » ? Plus généralement, et au-delà de la théorie, peut-on attester de l'influence de ces sociologues et philosophes dans les réalisations architecturales elles-mêmes  ? Vous pointez ici ce qui a permis le succès rapide de certains philosophes auprès des architectes : la reprise de leur pensée et de certaines de leurs notions a pu avoir lieu, parfois de manière fulgurante, lorsque la métaphore était pour ainsi dire déjà « spatialisée » et donc disponible pour un transfert immédiat. C'est le cas pour le rhizome chez Deleuze et Guattari, la déconstruction chez Derrida, l’écume et les bulles chez Sloterdijk, ou encore les disciplines chez Foucault. Chez ce dernier, à partir de L’Archéologie du savoir (1969) et au moins jusqu’à Surveiller et punir (1975), les métaphores spatiales abondent pour penser la « machinerie » du pouvoir. Un jeu mouvant s’y organise même entre un procès de métaphorisation spatiale et la construction d'un appareillage conceptuel. Le glissement permanent de l'un sur l'autre accompagne le déroulement de la trame discursive, et les architectes s’en sont bien entendu saisi, souvent de manière littérale – certains, comme Bruno Fortier, entament d’ailleurs des recherches à ses côtés à ce moment-là. À tel point, d’ailleurs, que depuis cette brèche ouverte par les travaux de Michel Foucault, une tradition s’est peu ou prou imposée dans l’apport possible de la philosophie, et elle renvoie, un peu grossièrement parfois, l’architecture à un dispositif de contrôle des conduites. Pourtant, le nomadisme conceptuel aurait aussi pu s’avérer propice à l’émancipation (par le détournement, notamment) et susciter ainsi des désirs et des pratiques contradictoires. Empruntant cette voie du désir, aujourd’hui devenue académiquement marginale, les sociologues en auraient peut-être été mieux écoutés des architectes, toujours habités par leur quête projectuelle. C’est justement la voie que j’essaie d’esquisser ou plutôt de retrouver dans ce livre, en m’attachant à la figure de Baudrillard. Après tout, si les architectes ne s’étaient pas piqués de sociologie puis de philosophie à la fin des années 1960 et si les « gens des sciences humaines » n’étaient jamais venus enseigner au sein des écoles d’architecture, le post-modernisme architectural aurait-il simplement existé ? Le post-modernisme a de fait jeté son dévolu sur les sciences humaines, discipline-reine de ces années « structuralisantes », alors que les modernes avaient été fascinés par les ponts et le béton des ingénieurs. D’ailleurs, lorsqu’un célèbre critique, Kenneth Frampton, souhaita « se payer », comme on dit, le couple formé par Denise Scott-Brown et Robert Venturi et leur « urbanisme populiste », c’est sur ces « mauvaises influences » sociologiques qu’il s’est appuyé. Mais le post-modernisme architectural lui-même a pâti depuis d’une réception difficile et son histoire est pour le moins contrariée. La notion de post-modernisme est à cet égard révélatrice des glissements de sens et des déplacements conceptuels d'un domaine à l'autre. Baudrillard ayant été érigé (malgré les distances qu'il a prises avec cette notion) en prophète de la « post-modernité », pouvez-vous rappeler son sens et son importance pour l'architecture ? À la fin des années 1970, l’architecture et ses enjeux sont essentiels, et ils ont joué un rôle majeur dans l'élaboration de la notion de post-modernité, largement empruntée depuis. Il convient tout d'abord de rappeler que ce terme a été théorisé dans l’ouvrage fondateur de Charles Jencks, Le Langage de l’architecture post-moderne , qui paraît en 1977 à Londres (Academy ed.) et qui sera traduit en français l'année suivante chez Denoël. Il s'agit d'une sorte de manifeste critique à l'égard du modernisme en architecture, qui emprunte à la sémiologie la catégorie de « genres », laquelle lui permet de réunir sur un mode relâché un corpus relativement hétérogène et de considérer les styles comme des « ingrédients » nécessaires à l’architecture, sans trop chercher à ancrer leur historicité. L'essai de Jencks paraît donc deux ans avant La Condition postmoderne de Jean-François Lyotard, lequel élargira cette notion pour désigner ce qu'on entend encore par là aujourd'hui, à savoir une nouvelle condition intellectuelle caractérisée par l'abandon des grands récits de la modernité. Pour l'anecdote, Jencks reconnaîtra avoir choisi le terme « post-moderne » autant pour sa pertinence que pour le simple fait qu’il était déjà accrédité par les architectes qui avaient depuis un moment cessé de l’entourer de guillemets. Le contexte d'émergence d'une telle notion est marqué par le passage, un peu partout dans le monde occidental, des « masses », ces sujets uniformes qui ont caractérisé la première moitié du XX e siècle, aux « multitudes », ces subjectivités fragmentées et agrégées suivant des formes variables. En écho à ce phénomène social, se dessine une nouvelle logique architecturale, qui prend acte de l’épuisement définitif de la notion de standard . Bien avant Fredric Jameson habituellement cité avec déférence, Jencks l’avait pressenti, même s’il sera pour sa part moins souvent mobilisé hors du monde des architectes. C’est l’heure du « rétro » et du « déjà-vu » que l'historien Félix Torres, auteur en 1986 de Déjà vu. Post et néomodernisme : le retour du passé (éd. Ramsay), saura saisir avec justesse. Baudrillard, avec son nihilisme soft qui lui aura permis de saisir l’époque, s'efforce pour sa part de relativiser le social en tant que « code », comme l'ont été le temps et l’espace au XX e siècle : on assiste à ses yeux à la fin de la modernité et au début de l’ère de la simulation, du devenir-image de toute chose. La base démocratique s’effrite, le corps électoral s’épuise (chaque scrutin, désespérément, le confirme), le pouvoir est contraint de passer toujours plus en force, c’est l’état d’urgence permanent. Or, par sa situation transversale (voilà l’un des mots de l’époque), au carrefour de l’esthétique et du scientifique, du politique et de l’artistique, de l’économique et du sociologique, l’architecture devait logiquement proposer la première une synthèse de ces influences contradictoires. C'est ce dont témoigne Jürgen Habermas, lorsqu'il entre dans la controverse sur le post-modernisme sur un mode résolument critique (voyant dans ce dernier un mouvement chargé d’affectivité et de naïveté). Figure alors dominante de la philosophie européenne, il prononce à Francfort son célèbre discours sur « La Modernité, un projet inachevé » à l’occasion de la réception du prix Adorno (1980), qui est largement interprété comme une réponse au livre de Lyotard (du fait de la proximité des dates de parution), quoique vraisemblablement écrit en toute ignorance de ce dernier – qu’il ne cite pas ; Habermas réagit en fait à la première Biennale d’architecture de Venise de 1980 (« La présence du passé »), aux positions qu’y exprime Charles Jencks, ainsi qu’à la première mise en forme nostalgique qu’en propose alors cette exposition marquante. Un brin provocateur, le philosophe remarque que ce n’est pas la première fois que l’on rompt avec l’architecture moderne qui pourtant vit encore, mais il n’en identifie pas moins le nouveau pluralisme des styles comme une « conquête » face à l’hégémonie dépassée du modernisme, et perçoit le classicisme comme une ressource méritant d’être sereinement reconsidérée. Pour ce qui concerne Baudrillard, il s’est toujours un peu défié de ce courant de pensée et a régulièrement rejeté l’étiquette proprement dite lorsqu'elle lui était accolée. Mais on pourrait remarquer que Lyotard lui-même a déclaré dans l’un des derniers entretiens parus de son vivant : «  cette idée de postmoderne est une très mauvaise idée, le mot est très dangereux parce que beaucoup l’ont interprété comme ce qui vient après la modernité, ce qui est évidemment absurde puisque la modernité, c’est maintenant. [...] Je pense qu’il n’y a pas de goût postmoderne et qu’à partir du moment où l’on a fait du postmoderne en peinture, par exemple, ou du postmoderne architectural, c’était une erreur parce qu’on n’est plus du tout à l’époque du goût. Il y a longtemps que la notion de goût comme fondateur des œuvres, ou en tout cas comme régulateur des œuvres, a disparu. Elle a disparu à la fin du siècle dernier  » ( Ligéia , n°17-18, juin 1996). Du côté des architectes, c’est le festival du déni. Lorsque je suis arrivé pour ma part à Paris en 1993, sans doute encore un peu naïf, je fus surpris (et un peu déçu) que Bernard Huet, Jean Castex ou Philippe Panerai refusent catégoriquement l’emploi de ce terme pour qualifier leur travail de l’époque à l’occasion des entretiens qu’ils m’accordèrent avec bienveillance. Tant de livres, la plupart offrant tous les atours du sérieux académique, auraient donc menti, avec leurs titres ronflants… L’architecture « post-moderne » n’aurait tout simplement jamais existé, pas eu lieu. Les décennies 1980 et 1970, déjà inscrites il est vrai sous le signe de « la crise », n’en ont pas moins vu s’ériger nombre d’édifices aujourd’hui encore debout, utilisés, rénovés parfois. Et à Paris tout particulièrement, l’empreinte de l’architecture post-moderne n’a rien d’anecdotique. Le public élargi ne le sait pas toujours, mais il existe pourtant bel et bien un trou noir dans l’histoire de l’architecture récente, celle de la fin du XX e siècle, du moins une séquence difficilement assumée. Ce trou correspond précisément à l’affirmation du post-modernisme architectural, auquel fut longtemps préféré en France les noms euphémisants de « seconde modernité », « modernité douce », « succession du Mouvement moderne » ou encore « querelle des modernismes », jusqu’au très audacieux « baroque moderne ». Ce que vous dites à propos de l'architecture doit-il donc nous inviter à la penser comme un « fait social total », pour reprendre la terminologie de Marcel Mauss, c'est-à-dire comme ce qui permet de rendre lisible et compréhensible la forme de la société à une époque donnée ? Est-ce la raison pour laquelle Baudrillard s'est intéressé à l'objet architectural, précisément en tant qu'analyseur sauvage de l'époque contemporaine et miroir anthropologique grossissant des tendances qui y sont à l’œuvre ? Oui, l’architecture engage la totalité d’une culture et appuie sur les grands équilibres économiques et les consensus qui régissent nos modes de vie en société. C’est un « fait social total » et Baudrillard ne pouvait qu’y être sensible, lui qui resta attaché sa vie durant à Marcel Mauss, depuis ses premiers écrits et à travers tout ce qu’il a pu développer par la suite sur le numérique et le virtuel. D’une certaine manière, toute particulière certes, Baudrillard n’aura ainsi jamais lâché le lien qu’une société entretient avec ses espaces. C’est peut-être bien, après tout, ce lien spatial qui unifie le plus intimement les « deux » Baudrillard que d’aucuns ont voulu pédagogiquement discerner, entre celui du Système des objets  (1968) et de La société de consommation  (1970) et celui d’après – le Baudrillard de la maturité. Baudrillard – comme Roland Barthes, d’ailleurs – a envisagé le signe d’abord comme un fait social total , contre l’idée de « bon sens » qui voudrait que le monde nous apparaisse dans sa naturalité et sa franchise et que les signes dissolvent au contraire la réalité dans le langage. La science est grossière, la vie est subtile.
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