17.09.2025 à 16:15
Pablo Pillaud-Vivien
Laurent Mauduit, journaliste, cofondateur de Mediapart, auteur de « Collaborations, enquête sur l’extrême droite et les milieux d’affaires » aux éditions La Découverte, est l’invité de #LaMidinale.
17.09.2025 à 11:42
la Rédaction
par Catherine Tricot
L’assassinat du jeune leader d’extrême droite Charlie Kirk pourrait amplifier la dynamique trumpienne et avoir de gigantesques répercussions. En mettant en berne les drapeaux américains, Donald Trump l’érige en héros national. Dans la foulée, il se dit favorable « à 100 % » à la désignation des « antifas » comme organisation terroriste. Le vice-président JD Vance et le chef adjoint de l’administration Stephen Miller ont donné une portée générale à leurs discours : tous deux s’en sont pris à « la gauche » et son « réseau d’organisations » accusés de soutien aux émeutiers. Dans le viseur des deux idéologues au pouvoir : les employés fédéraux, les éducateurs, les infirmières, les professeurs… Assurant vouloir « escalader la montagne de la vérité », ils ont proféré un discours de guerre civile et désigné leurs ennemis : « il n’y a pas d’unité avec ceux qui célèbrent l’assassinat de Charlie Kirk », avec « ceux qui financent ces articles, qui paient les salaires de ces sympathisants des terroristes ». Trump a demandé au ministère de la justice d’engager des procédures en lien avec le crime organisé contre ceux qui « consacrent des millions et des millions pour de l’agitation ». Trump et Vance veulent intimider, faire taire, écraser leur propre société. Et ils ne sont pas sans succès : des universités négocient, la presse tremble, les artistes se taisent, le Parti démocrate se terre.
Trump s’en prend à toutes les institutions qui ont un poids réel et symbolique : les universités, les journaux, les juges locaux, la Fed. Le mensuel de la gauche intellectuelle américaine, The Nation, est accusé d’être au centre d’« un vaste écosystème d’endoctrinement organisé ». Trump est menaçant. D’autant que le Président vient d’assigner le New York Times devant les tribunaux et lui réclame 15 milliards de dommages et intérêts. Trump compte une fois encore sur la Cour suprême qu’il appellera à arbitrer en dernière instance. Associés au pouvoir concentré du président, ses juges nommés à vie se révèlent être le bras armé de la déstabilisation de la démocratie américaine. Elle apparaît bien fragile. Le pouvoir fédéral est asservi à une seule idéologie, à un homme et son clan. Trump use sans limites de tous les moyens de l’État pour empêcher la contestation – la police, l’armée, la justice et l’argent.
Dans la bouche du président étasunien, la brutalité se présente dans un langage enfantin et naïf. Dans celle de JD Vance, elle s’exprime dans un registre messianique, retournant les concepts démocratiques. Tous deux se veulent les défenseurs de l’histoire américaine et du premier amendement qui sanctuarise le free speech, la liberté d’expression. Bon sens, mission divine et retour à l’ordre inégalitaire – de race, de sexe, de classe : ces dimensions s’entremêlent dans le discours trumpiste. On les retrouve de plus en plus en Europe. Le fascisme se met en place. Il faut constater ses soutiens. Il faut le combattre et nullement tenter de l’amadouer comme trop de gouvernants le tentent encore. Au risque de finir rangés derrière lui.
Catherine Tricot
C’est une info révélée par Antoine Oberdorff (L’Opinion) : Les Écologistes ont décidé de mettre à l’ordre du jour de leur prochain conseil fédéral, le processus qui désignera leur candidat.e à la primaire de la gauche en vue de 2027. Si on suit les écologistes, l’affaire serait faite : ce sera une primaire de partis, où chaque formation aura son ou sa champion.ne. Avec le retour des écuries en compétition, on peut redouter celui des coups bas et des manigances d’arrière-cuisines. Cette approche des écologistes est loin de faire consensus : tous leurs partenaires ne sont pas convaincus que la confrontation entre candidat.es de partis soit la voie d’une dynamique populaire. Le risque est celui du pugilat fratricide plus que de l’élan commun.
P.P.-V.
Dans un documentaire passionnant en 2 parties sur Arte, Israël et les Palestiniens, de hauts responsables politiques racontent comment leurs tentatives pour résoudre ce conflit ont échoué et comment, au cours de 20 ans de négociations infructueuses, le Hamas a renforcé son pouvoir, jusqu’à aboutir aux attentats du 7 octobre.
La présidente Claudia Sheinbaum célèbre la fête de l’indépendance du Mexique. Avec puissance et verve, elle rend hommage aux femmes indigènes et anonymes qui ont fait l’histoire de son pays.
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16.09.2025 à 12:18
Pablo Pillaud-Vivien
Le Medef oppose une levée de boucliers à toute idée de redistribution des richesses, quitte à bloquer encore plus la situation politique…. car il a une alternative du côté de chez Marine Le Pen.
« Si les impôts augmentent, il y aura une grande mobilisation patronale, au-delà du Medef », menace Patrick Martin, le patron des patrons. Et de prévenir : les entreprises ne sauraient être la « variable d’ajustement » du budget 2026. La « taxe Zucman », défendue par la gauche, serait « un frein terrible à l’investissement et à la prise de risque », voire « une forme de spoliation ». Le patronat ne se contente plus de faire pression discrètement. Les patrons ont un plan.
TOUS LES JOURS, RETROUVEZ L’ESSENTIEL DE L’ACTU POLITIQUE DANS NOTRE NEWSLETTER
Chaque fois que la gauche a esquissé un projet de redistribution ou d’émancipation, le camp patronal s’est levé comme un seul homme. Dans les années 1970 déjà, à la perspective de l’arrivée de la gauche au pouvoir, les « forces vives de la nation » (mdr !) se coalisaient pour alerter sur la « catastrophe » économique à venir (qui n’est pas advenue). Quelques décennies plus tard, en 1997, la mise en place des 35 heures fut accueillie par une campagne patronale massive, saturant les tribunes médiatiques de prédictions apocalyptiques.
Ces épisodes rappellent une évidence : le patronat ne se vit pas seulement comme un acteur économique mais comme une classe sociale qui défend ses intérêts. Mais à cette tradition s’ajoute aujourd’hui une nouveauté inquiétante. Le patronat ne ferme plus la porte à l’extrême droite : il l’entrouvre, parfois même l’ouvre en grand. Laurence Parisot, présidente du Medef au tournant des années 2010, pouvait encore affirmer qu’« il n’y avait pas de valeurs communes avec le Front national ». Cette mise en garde a fait long feu… Désormais, de grands PDG ou même le patron du Medef rencontrent Marine Le Pen et le Rassemblement national est convié au grand rendez-vous annuel des patrons. Le danger n’est plus l’extrême droite mais la gauche et ses projets fiscaux. De fait, aux dernières élections législatives, le patronat n’a pas appelé au barrage républicain. Il préfère, comme l’écrit Laurent Mauduit dans Collaborations (La Découverte), travailler à amender le programme du RN « afin qu’il s’écarte le moins possible d’une ligne pro-Europe et pro-business ».
Les patrons ont une alternative politique qui leur convient, qui est compatible avec l’idée qu’ils se font du monde, de leur place dans ce monde : celle de chefs qui le méritent. Ils quittent les rives de la démocratie. Et si pour cela, il faut s’allier à l’extrême droite, qu’importe.
Les patrons ne sont pas seulement opposés aux projets de gauche. Désormais ils ont une alternative politique qui leur convient, qui est compatible avec l’idée qu’ils se font du monde, de leur place dans ce monde : celle de chefs qui le méritent. Ils quittent les rives de la démocratie. Et si pour cela, il faut s’allier à l’extrême droite, qu’importe. L’humanité n’est pas leur critère, la justice sociale encore moins. Leur combat : préserver l’investissement, encourager la prise de risque, sauver l’économie. Derrière ces mots, il y a une logique de classe : refuser toute redistribution qui viendrait rogner les profits, même marginalement. Il y a une pensée de la dynamique sociale : elle se doit d’être inégalitaire.
L’histoire sociale française a montré que les patrons savaient s’opposer aux conquêtes sociales. Aujourd’hui, ils traversent des frontières politiques jugées infranchissables depuis 1945… Actant la déroute de la Macronie, le patronat a un plan B : dealer avec l’extrême droite voire lui paver le chemin du pouvoir. Ce serait la conséquence consciente de leur intransigeance sur le conclave sur les retraites et leur refus catégorique de toute redistribution. L’indignation morale ne suffira pas. Il faut une mobilisation intellectuelle et sociale.
16.09.2025 à 12:17
la Rédaction
C’est une info révélée par Antoine Oberdorff (L’Opinion) : Les Écologistes ont décidé de mettre à l’ordre du jour de leur prochain conseil fédéral, le processus qui désignera leur candidat.e à la primaire de la gauche en vue de 2027. Si on suit les écologistes, l’affaire serait faite : ce sera une primaire de partis, où chaque formation aura son ou sa champion.ne. Avec le retour des écuries en compétition, on peut redouter celui des coups bas et des manigances d’arrière-cuisines. Cette approche des écologistes est loin de faire consensus : tous leurs partenaires ne sont pas convaincus que la confrontation entre candidat.es de partis soit la voie d’une dynamique populaire. Le risque est celui du pugilat fratricide plus que de l’élan commun.
16.09.2025 à 12:14
la Rédaction
« Si les impôts augmentent, il y aura une grande mobilisation patronale, au-delà du Medef », menace Patrick Martin, le patron des patrons. Et de prévenir : les entreprises ne sauraient être la « variable d’ajustement » du budget 2026. La « taxe Zucman », défendue par la gauche, serait « un frein terrible à l’investissement et à la prise de risque », voire « une forme de spoliation ». Le patronat ne se contente plus de faire pression discrètement. Les patrons ont un plan.
Chaque fois que la gauche a esquissé un projet de redistribution ou d’émancipation, le camp patronal s’est levé comme un seul homme. Dans les années 1970 déjà, à la perspective de l’arrivée de la gauche au pouvoir, les « forces vives de la nation » (mdr !) se coalisaient pour alerter sur la « catastrophe » économique à venir (qui n’est pas advenue). Quelques décennies plus tard, en 1997, la mise en place des 35 heures fut accueillie par une campagne patronale massive, saturant les tribunes médiatiques de prédictions apocalyptiques.
Ces épisodes rappellent une évidence : le patronat ne se vit pas seulement comme un acteur économique mais comme une classe sociale qui défend ses intérêts. Mais à cette tradition s’ajoute aujourd’hui une nouveauté inquiétante. Le patronat ne ferme plus la porte à l’extrême droite : il l’entrouvre, parfois même l’ouvre en grand. Laurence Parisot, présidente du Medef au tournant des années 2010, pouvait encore affirmer qu’« il n’y avait pas de valeurs communes avec le Front national ». Cette mise en garde a fait long feu… Désormais, de grands PDG ou même le patron du Medef rencontrent Marine Le Pen et le Rassemblement national est convié au grand rendez-vous annuel des patrons. Le danger n’est plus l’extrême droite mais la gauche et ses projets fiscaux. De fait, aux dernières élections législatives, le patronat n’a pas appelé au barrage républicain. Il préfère, comme l’écrit Laurent Mauduit dans Collaborations (La Découverte), travailler à amender le programme du RN « afin qu’il s’écarte le moins possible d’une ligne pro-Europe et pro-business ».
Les patrons ne sont pas seulement opposés aux projets de gauche. Désormais ils ont une alternative politique qui leur convient, qui est compatible avec l’idée qu’ils se font du monde, de leur place dans ce monde : celle de chefs qui le méritent. Ils quittent les rives de la démocratie. Et si pour cela, il faut s’allier à l’extrême droite, qu’importe. L’humanité n’est pas leur critère, la justice sociale encore moins. Leur combat : préserver l’investissement, encourager la prise de risque, sauver l’économie. Derrière ces mots, il y a une logique de classe : refuser toute redistribution qui viendrait rogner les profits, même marginalement. Il y a une pensée de la dynamique sociale : elle se doit d’être inégalitaire.
L’histoire sociale française a montré que les patrons savaient s’opposer aux conquêtes sociales. Aujourd’hui, ils traversent des frontières politiques jugées infranchissables depuis 1945… Actant la déroute de la Macronie, le patronat a un plan B : dealer avec l’extrême droite voire lui paver le chemin du pouvoir. Ce serait la conséquence consciente de leur intransigeance sur le conclave sur les retraites et leur refus catégorique de toute redistribution. L’indignation morale ne suffira pas. Il faut une mobilisation intellectuelle et sociale.
Zohran Mamdani fait peur. Âgé de 33 ans, proche d’Alexandria Ocasio-Cortez et de Bernie Sanders, il a remporté en juin dernier la primaire du Parti démocrate sur une ligne très à gauche – créer des garderies publiques pour les enfants de moins de six ans, augmenter le salaire minimum, accroître les impôts sur les riches… Voir arriver à la mairie de New York un « socialiste démocrate » suscite toutes les inquiétudes. Ainsi, Donald Trump suggère au candidat républicain de se retirer et de soutenir Andrew Cuomo, l’ancien gouverneur démocrate de New York désormais candidat indépendant – mais avec le soutien de Bill Clinton et de l’ancien maire Michael Bloomberg. À noter que Cuomo dispose d’un gros chèque de 25 millions de dollars pour mener sa campagne… Les militants démocrates appellent le parti à prendre fermement position en faveur de Zohran Mamdani. Scrutin le 4 novembre.
C.T.
« Charlie Kirk, le martyr du trumpisme », sur The Conversation. Depuis l’assassinat de cet « influenceur », les États-Unis sont en mode chasse aux sorcières. D’un côté, les hommages sont lancés à l’excès et, de l’autre, toute critique de Charlie Kirk est synonyme de crime de lèse majesté. Mais qui était cet homme et comment comprendre l’ampleur de l’onde de choc provoquée par sa mort ?
D’habitude à Los Angeles, les Emmy Awards sont très politiques. Pas cette année. À deux exceptions près, deux courageux « Free Palestine ». Il y a eu celui de l’actrice Hannah Einbinder, lancée lors d’une remise de prix – on vous l’a mis dans la newsletter d’hier ! –, voilà celui de l’acteur espagnol Javier Bardem.
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15.09.2025 à 10:52
Catherine Tricot
Les élus ont-ils perçu cette pression qui gronde au sein la gauche ? Comme si chacun s’était saisi du moment révolutionnaire qui vient pour leur en tenir rigueur. Les attentes sont élevés alors… élevons le niveau !
La Fête de l’Huma s’impose comme le rendez-vous incontournable des gauches. Tous les leaders sont venus se frotter au « peuple de gauche » affluant par centaines de milliers. Tous, ou presque. Il ne manquait que Raphaël Glucksmann, envoyant un signal clair : il ne fait pas cause commune avec cette foule-là. En revanche, Olivier Faure comme Jean-Luc Mélenchon, Sophie Binet et même Patrick Martin (le patron du Medef) ont pu humer une atmosphère qui ne trompait pas.
TOUS LES JOURS, RETROUVEZ L’ESSENTIEL DE L’ACTU POLITIQUE DANS NOTRE NEWSLETTER
Avant de parler de l’ambiance générale, revenons un instant sur celle qui dominait parmi les proches et les membres du Parti communiste. Les militants étaient bien sûr au rendez-vous. Sans eux, pas de fête. Heureux comme des poissons dans l’eau car, cette année, pas de dingueries lâchées par surprise par Fabien Roussel pour troubler ce moment de retrouvailles. Le secrétaire national s’est fait plus discret et moins de monde est venu l’écouter. C’est le président du groupe communiste à l’Assemblée, Stéphane Peu, qui tenait estrade au côté de Marine Tondelier, Olivier Faure, François Ruffin et Hadrien Clouet (député LFI). Fabien Gay, le directeur de L’Humanité, marchait sur un nuage en annonçant que la Fête avait dû fermer les accès samedi à 15h. Il était encore tout auréolé de son rapport au Sénat sur les aides publiques versées aux entreprises. L’élu parisien Ian Brossat, très mobilisé sur le combat pro-palestinien, était également porté par ses camarades. Apparaissant comme des militants de l’union sans exclusive des gauches, ces trois visages (masculins) du communisme français étaient plébiscités dans les stands.
Tout au long des débats de la fête, c’est une demande plus radicale qui s’est fait entendre. Les mots et les slogans n’étaient pas toujours là, mais la musique, elle, oui. Le tempo aussi. C’était celui de l’unité. Ce fut d’ailleurs le seul slogan scandé lors du grand débat : « Unité ! unité ! »
Sinon, les débats politiques ont fait le plein. Et il était tout aussi intéressant d’écouter le public que les orateurs. Olivier Faure a eu fort à faire pour convaincre de sa stratégie. La presse a beaucoup insisté sur les sifflets – pas tant que ça en vérité –, ils étaient maitrisés et les slogans méchamment anti-socialistes n’ont pas retenti, à la différence d’autres fois. Le public écoutait et réagissait. Le premier des socialistes a voulu amadouer la foule et a un peu triché en annonçant l’abrogation de la réforme des retraites quand il ne s’agit en fait – dans le projet socialiste – que de sa suspension. La différence ? La réforme avance et l’âge de départ est déjà porté à 63 ans. Olivier Faure a vanté la taxe Zucman, en passe de devenir le symbole d’une politique de gauche. Mais le public ne semble pas y trouver tout son compte.
Tout au long des débats de la fête, c’est une demande plus radicale qui s’est fait entendre. Les mots et les slogans n’étaient pas toujours là, mais la musique, elle, oui. Le tempo aussi. C’était celui de l’unité. Ce fut d’ailleurs le seul slogan scandé lors du grand débat : « Unité ! unité ! » Chahuté quand il dit vouloir un candidat insoumis à l’élection présidentielle, Hadrien Clouet a tenté une ruse : justifier la rupture d’avec les socialistes pour cause de soutien au régime génocidaire d’Israël. Il s’est fait bien ramasser par Olivier Faure.
François Ruffin et Stéphane Peu étaient au barycentre de ce moment à la fois radical et unitaire. Le député communiste a rappelé ce moment où les peuples socialiste et communiste ont forcé leur parti à converger pour faire face au fascisme montant en 1934. Intéressant encore quand il lie politique sociale et combat antifasciste, rappelant que la sécurité sociale n’est pas seulement née de la fraternité de la résistance mais de la conscience parmi les rédacteurs du programme des jours heureux que les peuples d’Europe ont sombré dans la pauvreté et la peur des lendemains avant le désespoir qui conduisit au fascisme.
Jean-Luc Mélenchon tenait meeting à part, dans son stand à lui, devant des centaines de militants serrés. Comme rarement, il a rendu hommage aux communistes, le militant d’aujourd’hui, la dirigeante d’hier, Marie-George Buffet et la charismatique Rosa Luxembourg. Il a même conclu son meeting par « l’Internationale » : il voulait rassembler la famille. Cela ne l’a pas empêché de dire de belles vacheries sur l’ensemble des partenaires de gauche. C’est plus fort que lui, il ne peut pas s’en empêcher. Laissons cela pour revenir au fond de son propos. Jean-Luc Mélenchon sent le moment. Il le voit révolutionnaire par la conjonction des luttes – en commençant par celles du 10 et du 18 septembre – et des blocages d’en haut. Les sorties du Medef, braqué devant toute contribution des entreprises, alimentent ce diagnostic d’époque révolutionnaire. Mais Jean-Luc Mélenchon rate quelque chose de l’air du temps : la demande puissante d’unité. De tous. De la base aux partis. Il fallait se balader quelques heures dans les travées pour le mesurer comme jamais. Le leader insoumis affirme sa confiance dans le peuple et son unité : voilà ce que le peuple lui demande.
15.09.2025 à 10:48
la Rédaction
par Catherine Tricot
La Fête de l’Huma s’impose comme le rendez-vous incontournable des gauches. Tous les leaders sont venus se frotter au « peuple de gauche » affluant par centaines de milliers. Tous, ou presque. Il ne manquait que Raphaël Glucksmann, envoyant un signal clair : il ne fait pas cause commune avec cette foule-là. En revanche, Olivier Faure comme Jean-Luc Mélenchon, Sophie Binet et même Patrick Martin (le patron du Medef) ont pu humer une atmosphère qui ne trompait pas.
Avant de parler de l’ambiance générale, revenons un instant sur celle qui dominait parmi les proches et les membres du Parti communiste. Les militants étaient bien sûr au rendez-vous. Sans eux, pas de fête. Heureux comme des poissons dans l’eau car, cette année, pas de dingueries lâchées par surprise par Fabien Roussel pour troubler ce moment de retrouvailles. Le secrétaire national s’est fait plus discret et moins de monde est venu l’écouter. C’est le président du groupe communiste à l’Assemblée, Stéphane Peu, qui tenait estrade au côté de Marine Tondelier, Olivier Faure, François Ruffin et Hadrien Clouet (député LFI). Fabien Gay, le directeur de L’Humanité, marchait sur un nuage en annonçant que la Fête avait dû fermer les accès samedi à 15h. Il était encore tout auréolé de son rapport au Sénat sur les aides publiques versées aux entreprises. L’élu parisien Ian Brossat, très mobilisé sur le combat pro-palestinien, était également porté par ses camarades. Apparaissant comme des militants de l’union sans exclusive des gauches, ces trois visages (masculins) du communisme français étaient plébiscités dans les stands.
Sinon, les débats politiques ont fait le plein. Et il était tout aussi intéressant d’écouter le public que les orateurs. Olivier Faure a eu fort à faire pour convaincre de sa stratégie. La presse a beaucoup insisté sur les sifflets – pas tant que ça en vérité –, ils étaient maitrisés et les slogans méchamment anti-socialistes n’ont pas retenti, à la différence d’autres fois. Le public écoutait et réagissait. Le premier des socialistes a voulu amadouer la foule et a un peu triché en annonçant l’abrogation de la réforme des retraites quand il ne s’agit en fait – dans le projet socialiste – que de sa suspension. La différence ? La réforme avance et l’âge de départ est déjà porté à 63 ans. Olivier Faure a vanté la taxe Zucman, en passe de devenir le symbole d’une politique de gauche. Mais le public ne semble pas y trouver tout son compte.
Tout au long des débats de la fête, c’est une demande plus radicale qui s’est fait entendre. Les mots et les slogans n’étaient pas toujours là, mais la musique, elle, oui. Le tempo aussi. C’était celui de l’unité. Ce fut d’ailleurs le seul slogan scandé lors du grand débat : « Unité ! unité ! » Chahuté quand il dit vouloir un candidat insoumis à l’élection présidentielle, Hadrien Clouet a tenté une ruse : justifier la rupture d’avec les socialistes pour cause de soutien au régime génocidaire d’Israël. Il s’est fait bien ramasser par Olivier Faure.
François Ruffin et Stéphane Peu étaient au barycentre de ce moment à la fois radical et unitaire. Le député communiste a rappelé ce moment où les peuples socialiste et communiste ont forcé leur parti à converger pour faire face au fascisme montant en 1934. Intéressant encore quand il lie politique sociale et combat antifasciste, rappelant que la sécurité sociale n’est pas seulement née de la fraternité de la résistance mais de la conscience parmi les rédacteurs du programme des jours heureux que les peuples d’Europe ont sombré dans la pauvreté et la peur des lendemains avant le désespoir qui conduisit au fascisme.
Jean-Luc Mélenchon tenait meeting à part, dans son stand à lui, devant des centaines de militants serrés. Comme rarement, il a rendu hommage aux communistes, le militant d’aujourd’hui, la dirigeante d’hier, Marie-George Buffet et la charismatique Rosa Luxembourg. Il a même conclu son meeting par « l’Internationale » : il voulait rassembler la famille. Cela ne l’a pas empêché de dire de belles vacheries sur l’ensemble des partenaires de gauche. C’est plus fort que lui, il ne peut pas s’en empêcher. Laissons cela pour revenir au fond de son propos. Jean-Luc Mélenchon sent le moment. Il le voit révolutionnaire par la conjonction des luttes – en commençant par celles du 10 et du 18 septembre – et des blocages d’en haut. Les sorties du Medef, braqué devant toute contribution des entreprises, alimentent ce diagnostic d’époque révolutionnaire. Mais Jean-Luc Mélenchon rate quelque chose de l’air du temps : la demande puissante d’unité. De tous. De la base aux partis. Il fallait se balader quelques heures dans les travées pour le mesurer comme jamais. Le leader insoumis affirme sa confiance dans le peuple et son unité : voilà ce que le peuple lui demande.
Le 8 septembre dernier, les Norvégiens étaient appelés aux urnes pour élire leurs députés. Des élections législatives qui se sont soldées par la victoire de la gauche. Le parti travailliste du premier ministre sortant, Jonas Gahr Store, arrive en tête du scrutin avec 28% des voix. En deuxième position, on retrouve l’extrême droite et son « Parti du progrès » (FrP), qui obtient un record de suffrages avec 23% – et l’on voit la droite et le centre en chute libre. C’est tout le Storting (l’assemblée norvégienne) qui est perturbé : le travailliste Store, fâché avec ses anciens alliés centristes, doit désormais se tourner vers sa gauche : le Parti socialiste, le Parti rouge (extrême gauche) et le Parti de l’environnement (les écolos). Ces deux dernières formations ont connu un boum en faisant campagne sur la solidarité avec Gaza et le boycott d’Israël, contre l’impérialisme russe et américain, pour l’aide aux Ukrainiens, etc. Si cette gauche radicale estime que les soc-dems font partie de « l’establishment », ils leur offrent néanmoins un soutien sans participation au gouvernement, « pour pousser vers la gauche et le soutien aux syndicats ». À méditer, non ?
L.L.C.
L’entretien sur France Inter des journalistes du Nouvel Obs Matthieu Aron et Caroline Michel-Aguirre. Auteurs de Le grand détournement (Albin Michel), ils révèlent comment milliardaires et multinationales « captent l’argent de l’État ». Un livre enquête qui vient conforter et aggraver même le travail des sénateurs sur les aides publiques aux entreprises.
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15.09.2025 à 10:17
Bernie Sanders
Au lendemain du meurtre de Charlie Kirk, le sénateur démocrate Bernie Sanders s’est exprimé sur You Tube sur la montée de la violence politique aux États-Unis.
Cet article est une traduction de la vidéo postée le 11 septembre 2025 par Bernie Sanders.
Je voudrais dire quelques mots au sujet du terrible assassinat de Charlie Kirk – une personne avec laquelle j’étais en profond désaccord sur presque tous les sujets, mais qui était clairement un excellent orateur et un organisateur très intelligent et efficace – et qui n’avait pas peur de se montrer au grand jour ni de s’engager auprès du public. Je présente mes condoléances à sa femme et à sa famille.
Une société libre et démocratique, ce que les États-Unis sont censés être, repose sur le principe fondamental selon lequel les citoyens peuvent s’exprimer, s’organiser et participer à la vie publique sans crainte, sans peur d’être tués, blessés ou humiliés pour avoir exprimé leurs opinions politiques. C’est l’essence même de la liberté et de la démocratie. Vous avez un point de vue, c’est très bien. J’ai un point de vue différent du vôtre, c’est très bien. Discutons-en. Nous présentons nos arguments au peuple américain au niveau local, régional et fédéral, et nous organisons des élections libres au cours desquelles le peuple décide. C’est ce qu’on appelle la liberté et la démocratie. Et je veux que le plus grand nombre possible de personnes participent à ce processus sans crainte.
La liberté et la démocratie ne sont pas synonymes de violence politique. Elles ne consistent pas à assassiner des fonctionnaires. Elles ne consistent pas à intimider les personnes qui s’expriment sur un sujet. La violence politique est une lâcheté politique. Elle signifie que vous ne pouvez pas convaincre les gens du bien-fondé de vos idées et que vous voulez les imposer par la force. Tous les Américains, quel que soit leur point de vue politique, doivent condamner toutes les formes de violence politique et toutes les formes d’intimidation. Nous devons accueillir et respecter les points de vue divergents. C’est le principe même de notre Constitution. C’est le principe même de notre Déclaration des droits. C’est le principe même de la liberté.
Le meurtre de Charlie Kirk s’inscrit dans une recrudescence inquiétante de la violence politique qui menace de vider la vie publique de son sens et de dissuader les gens d’y participer. De l’attaque du Capitole américain le 6 janvier 2021 à la tentative d’assassinat de Donald Trump, en passant par l’agression de Paul Pelosi (NDLR : le mari de Nancy Pelosi, présidente démocrate de la chambre), la tentative d’enlèvement de la gouverneure du Michigan Gretchen Whitmer, le meurtre de la présidente de la Chambre des représentants du Minnesota Melissa Hortman et de son mari, l’incendie criminel visant le gouverneur de Pennsylvanie Josh Shapiro, la fusillade dont a été victime le dirigeant de United Health Brian Thompson et celle dont a été victime, il y a plusieurs années, le représentant Steve Scalise, cette effrayante recrudescence de violence a pris pour cible des personnalités publiques de tous bords politiques.
Malheureusement, ce phénomène n’est pas nouveau. Nous nous souvenons tous des assassinats du président John F. Kennedy, du Dr Martin Luther King, Jr., du sénateur Robert F. Kennedy, de John Lennon, de Medgar Evers et des tentatives d’assassinat du président Ronald Reagan et du gouverneur de l’Alabama, George Wallace.
C’est une période difficile et marquée par de fortes divisions. La démocratie dans notre pays et dans le monde entier est menacée. Il y a de nombreuses raisons à cela, qui méritent d’être discutées sérieusement. Mais en fin de compte, si nous croyons sincèrement en la démocratie, si nous croyons en la liberté, nous devons tous nous exprimer haut et fort : la violence politique, quelle que soit l’idéologie, n’est pas la solution et doit être condamnée.
13.09.2025 à 12:45
la Rédaction
Comme chaque semaine, le débrief politique par Catherine Tricot et Pablo Pillaud-Vivien.
12.09.2025 à 12:05
Pierre Jacquemain
Avec la nomination de Sébastien Lecornu à Matignon, Emmanuel Macron parachève le glissement de son pouvoir vers une droite toujours plus dure, autoritaire et complaisante avec l’extrême droite.
Ce n’est pas une rupture : c’est une continuité brutale. La Macronie a fait son choix. Et ce choix n’est pas la gauche, mais l’ordre. L’autorité. La complaisance avec l’extrême droite – voire l’agenda du Rassemblement national.
TOUS LES JOURS, RETROUVEZ L’ESSENTIEL DE L’ACTU POLITIQUE DANS NOTRE NEWSLETTER
Car derrière les promesses d’une « nouvelle méthode », il y a un homme façonné par la droite conservatrice, qui a toujours préféré parler sécurité plutôt que solidarité. Sébastien Lecornu n’est pas une erreur de casting : il est la suite logique du macronisme. Un pouvoir qui, depuis 2017, a systématiquement fracturé le pacte républicain : loi Séparatisme, criminalisation des mouvements sociaux, répression des gilets jaunes, passage en force sur les retraites. Le « en même temps » n’aura été qu’un vernis. Aujourd’hui, il ne reste qu’un bloc réactionnaire, prêt à gouverner avec la (ou à la place du) RN. C’est peut-être cela qu’il faut entendre lorsque le nouveau premier ministre parle de nécessité de « rupture ».
C’est là que le basculement s’opère. Sébastien Lecornu devient ainsi le symbole d’une nouvelle normalité politique où les digues sautent, une à une, entre la droite dite « républicaine » et l’extrême droite. Dans les régions, dans les communes, sur les plateaux télé, la convergence se fait à ciel ouvert. Emmanuel Macron l’accélère, espérant capter l’électorat lepéniste sans alliance formelle. Mais à force de banaliser l’extrême droite, on l’installe. À force d’épouser ses obsessions sécuritaires, identitaires, autoritaires, on en devient l’auxiliaire. Sébastien Lecornu n’est pas un rempart. Il est un pont.
À force de banaliser l’extrême droite, on l’installe. À force d’épouser ses obsessions sécuritaires, identitaires, autoritaires, on en devient l’auxiliaire. Sébastien Lecornu n’est pas un rempart. Il est un pont.
Et c’est bien là l’enjeu de ce dossier : réfléchir à ce qu’est le RN aujourd’hui. Car son danger ne réside pas seulement dans ses scores électoraux. Il est dans sa capacité à contaminer l’ensemble du champ politique, à imposer ses thèmes, à se présenter comme un parti de gouvernement. Mais aussi dans son rapport aux mouvements sociaux. Le RN se nourrit des colères populaires, mais il les détourne. Il parle « peuple » mais méprise ses mobilisations. On l’a vu pendant les gilets jaunes : il a surfé sur la vague sans jamais l’assumer. On le voit avec les syndicats : il les accuse d’être des « minorités agissantes », tout en cherchant à incarner la colère sociale. C’est évident avec les blocages climatiques et syndicaux, dont il a la même peur viscérale que la Macronie. Le RN n’organise pas la révolte, il la canalise vers l’urne pour mieux la neutraliser. Son projet n’est pas l’émancipation collective, mais la mise au pas autoritaire de toute contestation. Sa vision de la démocratie est électorale, pas sociale. Et son rapport aux luttes, c’est de les instrumentaliser, jamais de les soutenir.
Et quand Jordan Bardella se présente en alternative, son programme dit tout : cent milliards d’euros d’économies sur le dos des plus fragiles, des pauvres, des étrangers. Bayrou fois deux, mais avec le glaive de l’austérité et le masque de l’autorité. Le tout en sacrifiant les politiques écologiques, comme si l’urgence climatique était une lubie de privilégiés. Derrière le vernis social, c’est une politique de classe, brutale, xénophobe et productiviste qui se dessine.
La véritable rupture, celle qui refuse ce scénario morbide, ne viendra ni de Matignon ni de l’Élysée. Elle viendra d’ailleurs, d’un projet anticapitaliste, écologiste, féministe, antifasciste. Bref, d’une gauche qui nomme le danger, qui combat le RN sans détour, et qui ose construire une alternative aux deux faces d’un même pouvoir : Macron et Le Pen.