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07.10.2024 à 09:57
« Depuis le 7 octobre, nous menons plusieurs guerres à la fois », une conversation avec Nitzan Horowitz
Matheo Malik
« Les Israéliens ont tort mais voici l’opinion générale : nous ne pouvons plus faire confiance à nos voisins. »
Dans le deuil et l’effroi, un consensus de la rage s’est installé à bas bruit dans le pays. Alors que les bombardements israéliens ont fait des dizaines de milliers de morts à Gaza, le sentiment de menace existentielle s’est étendu partout en Israël depuis le 7 octobre. Comment sortir de cette spirale ?
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Texte intégral (1983 mots)
Depuis un an, la revue cartographie la nouvelle phase dans laquelle est entré le Moyen Orient à partir du 7 octobre 2023. Si vous nous lisez, que vous pensez que ce travail mérite d’être soutenu et que vous en avez les moyens, nous vous demandons de penser à vous abonner au Grand Continent
Au lendemain des attaques du 7 octobre, vous vous montriez très critique à l’égard du gouvernement de Benjamin Netanyahou, dont vous expliquiez la responsabilité par sa politique générale et par son impréparation à Gaza. Aujourd’hui, quel regard portez-vous sur la situation stratégique d’Israël ? Qu’est-ce qui a changé depuis un an ?
Tout d’abord, je voudrais préciser que si j’ai été ministre de la santé dans l’ancien gouvernement, je ne suis plus en politique aujourd’hui. Je ne représente donc en aucune manière le gouvernement israélien actuel et mes opinions n’appartiennent qu’à moi.
Depuis cette journée du 7 octobre, il y a un an exactement, nous vivons dans un cauchemar permanent.
La guerre s’étend désormais sur sept fronts : à Gaza, au Liban, en Iran, au Yémen, en Cisjordanie, en Israël et, pour les communautés juives qui sont visées, partout à travers le monde. Lorsque des centaines de missiles balistiques ont été lancés depuis l’Iran sur Tel Aviv, ma mère était chez elle, dans son immeuble, sans abri anti-bombe. Au moment des frappes, elle m’a téléphoné depuis son armoire et m’écrit sans arrêt depuis. Tout cela me touche très personnellement. Mardi, 8 personnes sont mortes dans un attentat à Jaffa.
C’est donc un tout : depuis le 7 octobre, nous menons plusieurs guerres à la fois.
Il faut ajouter à cette situation les problèmes que connaît Israël en interne depuis l’arrivée au pouvoir du gouvernement de Netanyahou, qui se place résolument contre la démocratie. En parallèle de la guerre extérieure imposée à Israël, il y a un mouvement civique considérable contre le gouvernement. Il s’agit à mon sens de la crise la plus profonde que mon pays ait subie depuis sa création en 1948. Les gens sont inquiets, bouleversés, abasourdis et choqués. Tous les jours, les nouvelles sont horribles.
Qu’est-il encore possible d’espérer ?
En ce qui concerne la question palestinienne, je suis convaincu, plus que jamais, que la seule solution viable est la solution à deux États ; c’est à dire un État palestinien à côté de l’État d’Israël ; un État palestinien formé par la Cisjordanie et Gaza, et Israël à côté. Nous avons déjà un cadre avec l’autorité palestinienne, les accords d’Oslo, qui sont toujours en vigueur — mais il faut aller plus loin.
Est-ce possible ?
Il est très difficile en ce moment de faire des prédictions.
Beaucoup d’Israéliens sont déçus de nos partenaires palestiniens mais je crois que dans ce petit pays où il y a deux peuples, juifs et arabes, israéliens et palestiniens, il faut avoir deux États.
Pour l’instant, Israël occupe la plupart de la bande de Gaza. J’ai bon espoir qu’en cas d’accord, Israël se retirera. Je ne peux pas dire que je suis optimiste pour l’instant parce que la situation est vraiment très dure et que les émotions sont extrêmement fortes.
Concernant le Liban, il faut être clair : depuis 25 cinq ans, il n’y a pas de sujets territoriaux entre le Liban et Israël. Israël s’est retiré du territoire libanais en 2000. Depuis, au cours de mon mandat même, Israël a signé un accord avec le Liban sur le gaz naturel et sur la ligne maritime internationale. Il n’y avait donc aucune raison pour le Hezbollah d’attaquer Israël au lendemain du 7 octobre.
J’habite dans le nord d’Israël, à côté de la frontière libanaise. Depuis le 7 octobre, à cause des attaques du Hezbollah, notre région est bombardée sans arrêt, tous les jours. Les gens l’ignorent peut-être, mais depuis un an, quelques 100 000 Israéliens de tous les villages, villes, kibboutz, tout au long de la frontière libanaise, ont été évacués. Israël a abandonné toute la Galilée à cause des tirs. Ce qui se passe maintenant, c’est une démarche menée par le gouvernement de Netanyahou pour repousser le Hezbollah. Qu’est-ce-que cela va donner ? Je ne sais pas.
Cette combinaison de guerres externes avec une crise interne place Israël dans une position unique. Je fais confiance à la solidarité entre les gens et à la capacité d’Israël à se reconstruire. J’espère, personnellement, que nous obtiendrons enfin la paix et la stabilité — pas seulement pour nous, mais pour toute la région.
Comment voyez-vous l’évolution des rapports entre Israël et un certain nombre de ses voisins arabes et musulmans, avec lesquels les relations étaient en cours de normalisation ?
Avant le 7 octobre, nous étions effectivement sur une voie, je ne dirais pas de paix, mais de normalisation de nos relations avec la région. Les accords d’Abraham avec les Émirats arabes unis, le Bahreïn, le Maroc ou le Soudan s’inscrive dans la longue histoire de la reprise des relations avec l’Égypte de Sadate, la Jordanie du roi Hussein, le Liban, ou les accords d’Oslo avec les Palestinien… Israël était en train de normaliser ses relations et d’être accepté dans la région.
Le 7 octobre a violemment bouleversé cette dynamique. La voie de la normalisation, de la paix, a été brisée en petits morceaux. Depuis un an, nous sommes en guerre.
Pourquoi est-on tellement choqués, déstabilisés par le 7 octobre ? Dans mon livre Les Assiégés. Dans l’enfer du 7 octobre co-écrit avec Hervé Deguine, nous racontons l’histoire d’un groupe de 27 personnes qui sont allées faire la fête pendant ce shabbat. Tous étaient très jeunes. Ils se sont réfugiés dans un petit abri à côté de la route et ont été visés, massacrés par le Hamas. Quatre ont été enlevés. Trois personnes sont toujours en captivité à Gaza. Aujourd’hui il y a plus de 100 otages israéliens détenus à Gaza.
Le choc que nous avons subi en écoutant ces histoires nous a obligés à briser cette voie de normalisation. Les Israéliens ont tort mais voici l’opinion générale : nous ne pouvons plus faire confiance à nos voisins. C’est impossible et inutile d’avoir des accords de paix. Il faut juste avoir recours à la force. Personnellement, je suis convaincu qu’au moment où la guerre va se terminer, les intérêts fondamentaux de tous les pays de la région — y compris ceux d’Israël, du Liban, d’Égypte et des Palestiniens… — nous forceront à reprendre la voie de la normalisation. Il n’y a pas d’autre solution. Autrement, on se trouvera en permanence dans cette situation, avec des guerres sur tous les fronts et peut-être plus.
Israël est un pays très fort avec beaucoup d’atouts et de capacités. En même temps, le gouvernement israélien doit comprendre que nous ne pouvons pas effacer ou éliminer la question palestinienne ou régler tous les problèmes par la force. Il faut revenir à la logique d’Oslo, aux négociations, au processus de paix. C’est la seule voie possible.
Comment voyez-vous l’état de la relation entre Israël et les États Unis ? On a l’impression que les États Unis ont perdu de leur capacité de pression qu’ils avaient historiquement sur le gouvernement israélien.
Le président Joe Biden, et sa Vice-présidente Kamala Harris font ce qu’ils peuvent pour empêcher une guerre régionale totale, voire une guerre mondiale.
Depuis le 7 octobre Israël ressent une menace existentielle. Peut-être que, vu depuis l’Europe, vous trouvez cela exagéré ou injuste, mais ce que nous avons vécu le 7 octobre nous a montré que certains de nos voisins voulaient nous tuer, tout simplement. C’est malheureusement l’opinion qui domine aujourd’hui en Israël.
Et si un pays fort, riche, comme Israël se trouve dans cette situation de menace existentielle, alors ce pays réagit. Il est très difficile de faire pression sur un pays qui ressent une menace existentielle.
Je suis un homme raisonnable, j’ai lutté toute ma vie pour la paix. Je souhaite que la guerre s’arrête et qu’on puisse revenir à ce chemin très réel, très logique, très clair de normalisation. Nous avons des relations diplomatiques, commerciales, économiques avec plusieurs pays arabes. Il faut élargir ce cercle. Pour cela, il faut arriver à la solution à deux États.
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07.10.2024 à 05:00
Le tournant stratégique du 7 octobre : Israël dans la nouvelle géopolitique du Levant
Matheo Malik
Depuis l’attaque terroriste commencée il y a un an, le Moyen-Orient s’embrase. L’Iran est acculé. À Gaza, les bombes continuent de tomber. Au Liban, la guerre s'étend. Que nous disent la défaite de la coalition chiite et la persistance du Hamas ? Comment explique-t-on la passivité des pays arabes ? Quelle est la nouvelle stratégie d’Israël ? Olivier Roy dégage les tendances d’un grand contexte.
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Texte intégral (3790 mots)
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Cette guerre qui a déjà un an a changé la donne. Elle n’est plus une guerre de basse intensité mais elle ne se transformera pas en conflit régional.
Jusqu’ici l’Iran s’abritait derrière des organisations militaires locales — Hezbollah, Hamas, Houthis — qui combattaient Israël tout en restant dans le cadre de « lignes rouges » censées empêcher une confrontation directe entre les deux pays.
Contrairement au Hezbollah, le Hamas a conservé son autonomie décisionnelle par rapport à l’Iran, ce qui fait que l’ampleur du 7 octobre a pris même les Iraniens au dépourvu. Mais le Hamas ne peut survivre sans une conjonction des luttes qui oblige Israël à combattre sur plusieurs fronts. Ce dernier a donc décidé de hausser le niveau de la réponse : il s’agit non plus de contenir mais de réduire, voire d’anéantir, les alliés de Téhéran, tout en empêchant l’Iran de venir à leur secours, ou de faire peser sur Israël une pression telle que seules des négociations pourraient lui permettre de sortir de l’impasse.
De son côté, le régime iranien est acculé et cherche à se présenter comme une puissance soucieuse de rétablir l’équilibre, se contentant de riposter dans les limites de sa nouvelle doctrine. Le régime se limite à chercher à sauver la face, en organisant ce qui paraît, par l’asymétrie des forces en place, un « show » balistique, tandis qu’Israël revendique au contraire sa volonté de se lancer dans une escalade.
Le tournant stratégique du 7 octobre
Le petit jeu qui fonctionnait depuis quarante ans — après l’invasion du Liban par Israël en 1982 —, un statu quo maintenu à coups de mini-crises, ne fonctionne plus. Pourquoi ?
On peut y voir deux raisons : un effondrement des capacités militaires de la coalition anti-Israël et un changement dans la vision stratégique d’Israël — que l’on ne saurait ramener à la simple volonté de Benyamin Netanyahou de prolonger la guerre pour éviter le tribunal.
Jusqu’ici, le petit jeu d’adaptation des deux camps à l’amélioration des capacités de l’autre camp permettait de revenir presque au point de départ après chaque crise : la résistance du Hezbollah à l’intervention israélienne au sud Liban en 2006 a réussi à la suite des progrès tactiques comme la construction de tunnels, mais l’usage massif par le Hezbollah et le Hamas de missiles de plus en plus sophistiqués s’est heurté à l’efficacité du dôme de protection anti-missiles mis en place par les Israéliens.
Par son ampleur, l’attaque terroriste du 7 octobre en territoire israélien a brisé cet équilibre.
Israël s’est lancé dans une opération d’éradication du Hamas. Mécaniquement, cela a entraîné une confrontation avec le Hezbollah — qu’Israël a cette fois-ci minutieusement préparée. La vraie cible de Tel Aviv devenant le Hezbollah et l’Iran, Israël fait de la question palestinienne un objectif plus lointain. L’important est d’éliminer aujourd’hui les acteurs extérieurs.
Cette stratégie semble prendre pour une raison très simple. L’extraordinaire succès des opérations d’éradication des leaders et des cadres du Hezbollah. Jusqu’ici, leurs exécution apparaissait plus comme une sorte de vengeance, car le leader tué était immédiatement remplacé tandis que l’organigramme de l’organisation restait intact. L’affaire des « bipeurs » et des talkies walkies, en revanche, a brisé la chaîne de commandement du haut en bas, obérant la capacité de faire la guerre. Couplée avec l’assassinat de Haniyeh au cœur même de l’Iran des Pâsdârân, cette opération révèle, bien au-delà de la simple collecte de renseignements, la pénétration israélienne dans le Hezbollah et surtout dans l’appareil d’État iranien. Bien plus, son effet est multiplié par la paranoïa qu’elle entraîne dans les rangs du Hezbollah et des Pâsdârân : tout le monde devient soupçonnable, même au plus haut niveau.
Comprendre la défaite de la coalition chiite
C’est sur le plan du renseignement et de ses nouvelles technologies que s’est jouée la défaite de la coalition chiite. Même s’il faut s’attendre à des attentats, c’est cette pénétration qui rend extrêmement difficile une contre-attaque iranienne soit contre Israël soit contre ses intérêts ou simplement contre des institutions juives à l’échelle du pays ou dans le monde.
Il faut remarquer que ce niveau de pénétration ne touche pas le Hamas. Elle a trait à la structure de commandement spécifique dans les rangs des Pâsdârân et du Hezbollah.
La hiérarchie des Gardiens repose sur une seule génération : ceux qui ont combattu dans les années 1980 surtout au Liban et, plus accessoirement, en Irak. Ils sont nés dans les années 1960, ils sont alors volontaires, militants, idéologiquement formés. Ils ont passé toute leur jeunesse dans la guerre et le dévouement à la cause, au détriment de leurs études. Mais ils vieillissent, fondent une famille et veulent que leurs enfants réussissent dans la paix plus que dans la guerre. Ils se lancent alors dans le business, et jouent sur la corruption du système. Certes il subsiste un noyau « pur » — comme le général Soleimani. Certes il y a de jeunes recrues, mais qui viennent plus par tradition familiale ou pour le besoin de trouver du travail — de toute façon on ne voit pas monter une nouvelle génération de leaders. À cela s’ajoutent les conflits personnels, les blocages de carrière et la fatigue militante. C’est un phénomène que l’on retrouve dans tous les mouvements révolutionnaires pris dans des guerres interminables : les sandinistes, les moudjahidines afghans, les guérillas colombiennes, le Vietcong, etc 1.
Aigris, désabusés, témoins de la corruption du régime, désireux que leurs enfants mènent une meilleure vie, ce sont des centaines voire des milliers de cadres qui ne demandent qu’à trahir — à condition bien sûr d’être payés. Et s’il n’y a pas de membre du Hamas, c’est parce que ces derniers restent au milieu du peuple palestinien et n’ont d’autres perspectives que la lutte — ceux qui veulent mener une autre vie partent rejoindre une diaspora plutôt prospère.
La défaite du Hezbollah et de l’Iran vient avant tout de l’effondrement de l’idéologie d’origine, à laquelle s’ajoute, surtout pour Téhéran, le vieillissement et le non-renouvellement des cadres.
Car, bien entendu, la population iranienne ne suit pas l’activisme régional du régime — au-delà de la protestation contre le voile ou contre la dictature. Les Pâsdârân sont des volontaires, mais l’armée est faite de conscrits : jamais la population n’acceptera leur envoi à l’étranger ou même leur engagement dans une mauvaise guerre. Le régime est donc dans l’impasse : certes, il peut lancer une campagne terroriste à l’extérieur, mais cela ne fera que renforcer le soutien occidental à Israël. Et la bombe nucléaire, heureusement, n’est pas opérationnelle.
La meilleure carte d’Israël, outre les bombes qui peuvent rendre obsolète la bunkerisation des sites nucléaires iraniens, c’est précisément que le régime de Téhéran ne connaît pas l’étendue de la pénétration du Mossad dans ses propres rangs — et peut donc craindre un nouveau coup venu de l’intérieur.
La nouvelle stratégie israélienne
Le deuxième élément nouveau dans cette guerre, c’est que la stratégie israélienne va au-delà de la simple quête de la sécurité, qui en était la ligne directrice jusqu’au 7 octobre.
La droite au pouvoir ne veut pas de deux États. Ses représentants plus extrêmes le disent et le répètent ouvertement. Elle veut la disparition des Palestiniens en tant que Palestiniens. Soit ils disparaissent — parce qu’ils meurent ou sont contraints à l’exil — soit ils ne sont plus que des Arabes comme les autres, en abandonnant toute prétention nationale — ce qui était la vision majoritaire entre 1948 et 1967.
Les accords d’Oslo de 1993 avaient institué les Palestiniens comme peuple national, tout en les coupant du monde arabe. Ils ont aujourd’hui perdu sur les deux tableaux : la perspective des deux États est fermée et il n’y a pas et il n’y aura pas de soutien arabe à la cause palestinienne — même s’il y a une forte résonance émotionnelle dans la population arabe, surtout dans l’intelligentsia.
On compte trop en Occident sur le mouvement anti-Netanyahou en Israël. Si celui-ci présente une dynamique démocratique réelle, ce n’est en rien un mouvement de soutien aux Palestiniens 2. Il concerne d’une manière prépondérante les questions politiques internes à la société israélienne. Pour certains manifestants qui reprochent à Netanyahou de ne pas vouloir sauver la vie des otages, tuer 500 civils palestiniens pour un otage sauvé n’est pas un problème. Le sort des Palestiniens n’est pas leur affaire.
La « gauche » israélienne n’a aucune stratégie à opposer à celle de la droite. Elle n’a jamais empêché les colons de grignoter les terres palestiniennes. C’est le pays tout entier qui glisse de la recherche d’un équilibre sécuritaire à un nettoyage ethnique de la Palestine. La première phase — isoler les Palestiniens — est un succès. La seconde phase sera de les « user », de les pousser dans des réduits puis à l’exil.
Si la droite israélienne le dit explicitement, la gauche se tait et laissera faire. Ce deuxième volet de la stratégie se fera sur le temps long. Depuis soixante-dix ans, par à-coups, Israël a étendu son territoire propre ainsi que les zones qu’il contrôle. Quand on est millénariste, on peut attendre quelques générations de plus…
Les limites d’une guerre
Un leitmotiv dans les médias internationaux est d’alerter sur la possible régionalisation du conflit. Mais c’est le contraire qui se passe. Il n’y a plus aucun État arabe qui soutienne activement — ou même politiquement — la cause palestinienne. Les États du Golfe, l’Arabie saoudite, le Maroc et l’Égypte ont tranquillement poursuivi leur politique de rapprochement avec Israël et blâment le Hamas pour avoir cherché la crise. Tous se réjouissent de voir l’Iran expulsé du Proche-Orient. Les discours indignés d’Erdoğan n’ont pas interrompu les ventes d’armes turques à Israël. Les milices pro-iraniennes n’ont nulle part, sauf au Liban, le monopole de l’accès aux armes : en Irak comme en Syrie, elles doivent faire face à d’autres groupes armés — les Kurdes dans le nord-est syrien, le groupe Jolani à Idlib, les milices anti iraniennes en Irak. Quant au peuple syrien, la défaite du Hezbollah et de l’Iran ne peut que le réjouir : Bachar al-Assad ne mettra pas en jeu le peu de pouvoir qui lui reste.
La passivité des pays arabes acte la fin d’un panarabisme. A-t-il vraiment existé au-delà des slogans ? L’Égypte n’est plus un pays leader et collabore avec Israël. Les deux poids lourds aujourd’hui sont l’Arabie saoudite et le Maroc : ils ne défendent que leurs propres intérêts nationaux. Par son soutien à Israël, le Maroc a renforcé sa position sur le Sahara occidental. Le Prince héritier saoudien met en avant un nationalisme purement saoudien et a mis au pas un clergé wahhabite souvent accusé de propager le salafisme dans le monde musulman. En promouvant désormais un islam « national et modéré » — le malékisme au Maroc —, ils s’opposent à tout mouvement qui pourrait pousser à un nouveau pan-islamisme — Frères musulmans, salafistes ou clergé iranien.
Un an après le 7 octobre, deux limites à l’extension de cette guerre sont apparues.
Sur le plan international d’abord, il paraît certain qu’il n’y aura pas de coalition contre Israël : ni panarabe, ni « sud global » — cette notion n’étant bonne que pour animer un débat « géostratékitsch » qui fait les délices des débats télévisés.
En Europe et en Occident, enfin, l’impact du conflit se limitera à ce qu’il est aujourd’hui : une protestation morale cantonnée aux campus et aux lieux habituels de la révolte. L’intifada des banlieues est un fantasme que l’on peut mobiliser pour marquer des points sur le plan politique, mais qui n’a pas de consistance réelle.
Ces deux limites montrent une chose : Israël n’en a plus aucune.
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