27.09.2025 à 00:30
Le monde selon Bernard
Inspiré des travaux de Bernard Friot sur le salaire à vie, Camille Leboulanger imagine un monde sans propriété où chaque habitant·e touche un revenu garanti à vie. Son roman, Eutopia, n'est pas une utopie, c'est mieux que ça : une alternative concrète au capitalisme. Le salaire universel, ça fait rêver, non ? À celleux qui balaient l'idée comme une illusion naïve, Camille Leboulanger répond non pas utopie, mais Eutopie. Un monde alternatif, pensé de bout en bout. CQFD est passé à côté de (…)
- CQFD n°244 (septembre 2025) / CultureTexte intégral (633 mots)
Inspiré des travaux de Bernard Friot sur le salaire à vie, Camille Leboulanger imagine un monde sans propriété où chaque habitant·e touche un revenu garanti à vie. Son roman, Eutopia, n'est pas une utopie, c'est mieux que ça : une alternative concrète au capitalisme.
Le salaire universel, ça fait rêver, non ? À celleux qui balaient l'idée comme une illusion naïve, Camille Leboulanger répond non pas utopie, mais Eutopie. Un monde alternatif, pensé de bout en bout. CQFD est passé à côté de sa sortie en 2022 aux éditions Argyll, mais ce roman méritait bien qu'on y revienne. Puisant dans les recherches de Bernard Friot, sociologue et économiste, l'auteur dessine un horizon où la planète et le bonheur des habitant·es passent avant tout.
Le récit se construit autour d'Umo, narrateur qui retrace toute son existence dans ce monde débarrassé de la propriété. Ici, « propriétariste » est devenu une insulte. Les biens appartiennent à tous·tes, et même la famille a été défaite. Les enfants, élevés par la communauté, connaissent leurs géniteur·ices mais circulent librement d'un foyer à l'autre. Fini les patronymes : on ne transmet plus que des prénoms. Et à la sortie du secondaire, tombe le premier salaire. Tandis qu'Umo choisit de bosser dans un atelier de luminaires, son pote Ulf part voyager, Gob se consacre à l'écriture et Livia à la recherche. Liberté totale : chacun·e trace sa voie, porté·e par ce revenu garanti qui tombe chaque mois. La vie d'Umo se déroule entre amours, découvertes, doutes et accomplissements personnels, jusqu'au crépuscule de son existence, où il finit par créer sa propre communauté avec les trois personnes qu'il aime.
Si les propositions des économistes sur le salaire à vie peuvent paraître abstraites, Eutopia a le mérite de les incarner. C'est un roman biographique, presque documentaire, qui lève le voile sur la réalité quotidienne d'un monde décroissant, écologique et anticapitaliste. Un sacré pavé, certes, mais d'une lecture fluide, capable peut-être de convaincre même les « propriétaristes » de signer la fameuse Déclaration d'Antonia qui fixe qu'« il n'y a de propriété que d'usage ». Leboulanger détaille l'organisation du travail, des transports, de la production alimentaire, ou encore des décisions collectives avec une précision réjouissante.
Toutefois, ce n'est pas un récit complètement utopique… Gob, l'une des amoureuses d'Umo, confesse sa peine d'avoir dû quitter ses parents – des propos qui sonnent décalés aux oreilles de ses lecteur·ices. Elle fait aussi partie de celles et ceux qui contestent la règle d'un demi-enfant par personne, fixée pour limiter la croissance démographique et régénérer la planète. Le roman donne ainsi voix à plusieurs tensions, et fait circuler Umo à travers des milieux contrastés. On regrettera toutefois certaines zones d'ombre : rien, ou presque, sur les prisons, la criminalité, la colonisation… Reste une fresque qui donne envie. Un roman pour qui veut rêver d'un monde sans exploitation, sans hiérarchies écrasantes, sans violences institutionnelles, ni contre les humain·es ni contre les autres êtres vivants.
21.09.2025 à 16:43
Privés de leurs terres, les agriculteurs du nord-ouest du Nigéria travaillent désormais pour des terroristes
Dans HumAngle, média subsaharien, le journaliste Labbo Abdullahi propose une enquête sur le calvaire d'agriculteur·ices nigérian·es qui font face à l'accaparement de leur gagne-pain par des groupes armés. Extraits. « La voix d'Isa Adamu est à la fois résignée et remplie de colère. “L'insécurité a vraiment affecté notre rendement”, confie cet agriculteur de 45 ans à HumAngle, en périphérie de Shinkafi, dans l'État de Zamfara, au nord-ouest du Nigéria. […] Ce qui avait commencé en 2011 (…)
- CQFD n°244 (septembre 2025) / Morceaux volésTexte intégral (668 mots)
Dans HumAngle, média subsaharien, le journaliste Labbo Abdullahi propose une enquête sur le calvaire d'agriculteur·ices nigérian·es qui font face à l'accaparement de leur gagne-pain par des groupes armés. Extraits.
« La voix d'Isa Adamu est à la fois résignée et remplie de colère. “L'insécurité a vraiment affecté notre rendement”, confie cet agriculteur de 45 ans à HumAngle, en périphérie de Shinkafi, dans l'État de Zamfara, au nord-ouest du Nigéria.
[…] Ce qui avait commencé en 2011 comme des troubles ruraux isolés dans le Zamfara s'est transformé, en une véritable crise nationale, s'étendant au reste d'une région qui nourrissait autrefois une grande partie du Nigéria. Rien qu'en 2022, plus de 453 000 personnes ont été déplacées.
“La mauvaise gouvernance, l'injustice, la pauvreté extrême et l'analphabétisme sont les causes profondes de ce terrorisme rural”, déclare Déborah Ibrahim, cheffe communautaire et habitante de Juji, dans l'État de Kaduna. [...] Le vide laissé par l'absence de l'État a été comblé par des acteurs non étatiques, des hommes armés qui dictent leurs règles.
Les conséquences sont graves. Dans la région, près de trois millions de personnes souffrent d'insécurité alimentaire critique – un chiffre qui, selon un rapport de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), est monté à 4,3 millions au premier trimestre 2025.
Le terrorisme rural, autrefois limité à quelques gangs, a évolué en groupes armés vaguement coordonnés opérant à travers le Nigéria et jusque dans la République du Niger voisine. Leurs activités sont dévastatrices : meurtres, expulsions et enlèvements d'agriculteurs ; vol de bétail valant des milliards de nairas1 ; incendies de récoltes prêtes à être moissonnées ; et imposition de “taxes” pour avoir simplement le droit de semer, de récolter ou de vivre. “Nos fermes sont devenues leurs fermes. Nous sommes devenus des ouvriers sur des terres que nous possédions autrefois”, fait part Muhammadi Dadi, un agriculteur du Zamfara. […]
Les communautés, autrefois fières de leurs migrations agricoles saisonnières, sont aujourd'hui dispersées pour échapper à la mort. […]
Face à l'abandon de l'État, les communautés improvisent. Certaines cèdent, payent des taxes ou négocient des accords de “paix” fragiles avec les groupes terroristes. D'autres s'arment, réunissant leurs maigres ressources pour équiper des réseaux de vigilance locale. [...]
“Quand nous allons dans les champs, nous y allons à quinze. Dix travaillent pendant que cinq surveillent les environs pour détecter les groupes armés”, explique Jumi Adamu, un jeune membre d'une milice de vigilance. […]
Selon les experts, les déploiements militaires ne suffiront pas à résoudre la crise qui secoue le nord-ouest du Nigéria. Il faut une réponse à plusieurs niveaux, et pas seulement des armes et des points de contrôle.
[…] Alors que le soleil se couche sur Gusau, l'agriculteur déplacé Isiyaka Ahmad Muhammad regarde l'horizon, là où s'étendaient autrefois ses terres. “Avant, je récoltais 100 sacs de mil, de sorgho et de maïs. Aujourd'hui, à peine 20”, dit-il. “Mais je n'abandonnerai pas. L'agriculture, c'est notre identité.” »
1 Monnaie du Nigéria
21.09.2025 à 16:27
Sous contrat
Loïc est prof d'histoire et de français, contractuel, dans un lycée pro des quartiers Nord de Marseille. Chaque mois, il raconte ses tribulations au sein d'une institution toute pétée. Entre sa classe et la salle des profs, face à sa hiérarchie ou devant ses élèves, il se demande : où est-ce qu'on s'est planté ? « Désolée mais j'ai 300 mails auxquels je n'ai pas répondu, je vous rappelle dans la semaine. » On est le 18 août, et la responsable des contractuel·les en Lettres-Histoire au (…)
- CQFD n°244 (septembre 2025)Texte intégral (660 mots)
Loïc est prof d'histoire et de français, contractuel, dans un lycée pro des quartiers Nord de Marseille. Chaque mois, il raconte ses tribulations au sein d'une institution toute pétée. Entre sa classe et la salle des profs, face à sa hiérarchie ou devant ses élèves, il se demande : où est-ce qu'on s'est planté ?
« Désolée mais j'ai 300 mails auxquels je n'ai pas répondu, je vous rappelle dans la semaine. » On est le 18 août, et la responsable des contractuel·les en Lettres-Histoire au rectorat de Marseille n'est pas capable de me dire si je suis réembauché à la rentrée. Pourtant, après deux années dans le même établissement, et un avis favorable du proviseur, j'ai de l'espoir. « Ça ne dépend pas que de ça, il faut qu'aucun titulaire ni contractuel avec plus d'ancienneté ne demande le poste. Mais comme ton établissement est dans les quartiers nord, t'as tes chances ! » m'explique une collègue renseignée. Depuis fin juin je poirote et attends en vain des nouvelles du rectorat. Faut dire que devant la pénurie de profs et le recours massif aux contractuel·les, la responsable doit avoir la tête sous l'eau. Puis, on est sûrement beaucoup à patienter en croisant les doigts, avec la perspective du chômage technique au mois de septembre qui pointe le bout de son nez.
Au-delà du porte-monnaie, ces recrutements de dernière minute sans formation jouent sur la qualité de l'enseignement et mettent profs et élèves dans la panade. Lors de ma prise de poste, il y a deux ans, l'inspectrice m'avait déclaré « notre discussion me fait penser que vous êtes fiable, vous commencez la semaine prochaine ! » après un appel de seulement dix minutes. S'il est obligatoire de disposer d'un bac +3 pour être recruté·e, devant l'urgence, les recruteur·ices mettent cette exigence de côté. Au détriment des élèves qui devront se coltiner de longues heures devant des profs non formé·es, qui cherchent à exercer un métier qui ne s'invente pas. Alors que les titulaires, jouissent de deux ans de formations, pour les contractuel·les, le rectorat de Marseille avait réussi à dégotter deux jours. « Vous avez de la chance avant c'était zéro », déclarait le formateur. L'enjeu de cette formation reposait moins sur l'apprentissage pédagogique que sur notre propre survie à moyen terme. On y apprenait comment être autonome plus rapidement sans trop déranger l'administration, ou encore comment « tenir » sa classe tout le long de l'année. Le tout mêlé d'esprit d'entreprise et de paternalisme : « Dans le travail, il y a des patrons, il en faut. Dans la classe c'est pareil ! »
Dans son enquête « Les enseignants contractuels sont-ils des enseignants comme les autres ? », la chercheuse Célestine Lohier confirme que cette expérience précaire creuse un fossé avec les titulaires. Dernière roue du carrosse dans les zones et les établissements que les titulaires fuient, comme les lycées pro ou les collèges de banlieue, les contractuel·les ont un salaire moins élevés que leurs collègues. D'autant qu'ils subissent les aléas du marché de l'emploi scolaire : pauses non rémunérées entre deux contrats ou temps partiels non souhaités. Rendez-vous le 10 septembre ?
21.09.2025 à 16:25
En Belgique aussi la police tue
Depuis le début de l'année, en Belgique, au moins quatre personnes sont décédées suite à l'intervention de la police. Alors que juges et tribunaux couvrent l'institution policière, familles et militant·es tentent de connaître la vérité et d'obtenir justice. Le 2 juin dernier à Bruxelles, Fabian, 11 ans, roule en trottinette électrique lorsqu'il croise une patrouille de police. Du fond de leur SUV, ils décident de prendre l'enfant en chasse, semble-t-il parce qu'il n'avait pas l'âge légal (…)
- CQFD n°244 (septembre 2025) / Etienne MartinetTexte intégral (935 mots)

Depuis le début de l'année, en Belgique, au moins quatre personnes sont décédées suite à l'intervention de la police. Alors que juges et tribunaux couvrent l'institution policière, familles et militant·es tentent de connaître la vérité et d'obtenir justice.
Le 2 juin dernier à Bruxelles, Fabian, 11 ans, roule en trottinette électrique lorsqu'il croise une patrouille de police. Du fond de leur SUV, ils décident de prendre l'enfant en chasse, semble-t-il parce qu'il n'avait pas l'âge légal pour conduire ces trottinettes. Les policiers s'engagent alors à toute allure sur la pelouse d'un parc public et finissent par tuer Fabian l'écrasant de leur véhicule. Il était 17 heures 50, l'heure où les enfants jouent.
En Belgique, les courses-poursuites sont régulièrement létales et font l'objet de luttes pour un plus fort encadrement légal
Cette affaire n'est pas un cas isolé. Au premier semestre 2025, au moins trois autres personnes sont mortes suite à l'intervention des forces de l'ordre : Christophe-Amine Chollet, 21 ans, percuté le 12 mai par un policier qui conduisait sans permis, Jidel, 9 ans, renversé le 18 juin et Adem, 19 ans, mort dans un accident le 28 juin dernier après une course-poursuite. En Belgique, les courses-poursuites sont régulièrement létales et font l'objet de luttes pour un plus fort encadrement légal. Si les autorités font preuve d'une grande opacité sur le nombre de personnes décédées au contact de la police, les travaux d'ONG et de militant·es, tels que ObsPol, Getting the Voice Out ou Bruxelles Panthères donnent certains indicateurs. En 2023 par exemple, ce sont au moins 9 personnes qui sont mortes à la suite d'une intervention policière. Et derrière, une même mécanique se met en place : alors que les médias dominants relaient en priorité les discours des autorités et présentent les victimes, pratiquement toujours issues de l'immigration, comme des criminels, la répression s'abat sur les mouvements de solidarité et l'institution judiciaire protège une police raciste.
Alors, ce sont les proches eux-mêmes qui se retrouvent à chercher les témoins, les images, les preuves, afin de comprendre ce qui s'est passé, produire des contre-enquêtes et des contre-récits. Pour se donner une chance dans ce combat inégal, des comités se forment : « Justice pour Adil », « Justice pour Mehdi », « Justice pour Lamine », « Justice pour Sourour », « Justice pour Imad » et tant d'autres encore. En parallèle, plusieurs collectifs militants apportent leur soutien aux familles. Outils solidaires contre les violences policières (OSVP) est l'un d'eux. Il voit le jour en 2020 : l'année du confinement, des mobilisations BlackLivesMatter, et de la mort d'Adil Charrot, 19 ans, percuté volontairement sur son scooter par une voiture de police.
Carla, membre d'OSVP raconte : « Quand Adil a été tué, il y a eu un véritable mouvement dans son quartier qui a duré plusieurs jours. C'est par la suite que nous avons eu l'idée de faire le lien entre les différentes familles de victimes, et de réunir tous les outils dont celles-ci pouvaient avoir besoin. Car bien souvent les familles qui perdent un proche à cause de la police se trouvent en situation de précarité. » Trouver des avocat·es spécialisé·es, organiser des manifestations et des événements pour récolter de l'argent, médiatiser les affaires : pour OSVP, les moyens d'aider les proches des victimes sont nombreux. « Souvent le premier désir des familles, c'est de faire appel à la justice d'État », ajoute Carla.
Dans cette quête, c'est un mur qui s'érige contre les familles. En ce même mois de juin, un non-lieu1 a été prononcé dans l'affaire Mehdi Bouda, tué à 17 ans le 20 août 2019. Le jeune homme a été percuté sur un passage piéton par une voiture de police qui roulait à 98 km/h sans sirène et à contresens. Après 6 ans et déjà un long parcours de lutte pour la famille, la justice refuse qu'un procès ait lieu. Pire, les parties civiles, dont la famille, sont condamnées à payer un dédommagement de 18 000 euros aux policiers responsables. « On a été condamné pour avoir choisi le chemin de la justice », résume le frère de Mehdi.
1 Décision par laquelle le juge d'instruction déclare qu'il n'y a pas lieu de poursuivre en justice.
21.09.2025 à 16:21
Les queers aussi sont aux manettes !
Publié en 2024, un rapport révèle qu'aux États-Unis, 17 % des joueur·euses interrogé·es sont des personnes queers. Une étude nous invitant à repenser leur place dans l'industrie vidéoludique. Une personne sur cinq jouant aux jeux vidéo s'identifie comme queer. Plus de 28 % d'entre elleux ont entre 13 et 18 ans. C'est le résultat d'une enquête réalisée l'année dernière par l'association américaine Gay & Lesbian Alliance Against Defamation (GLAAD) qui lutte contre les discriminations (…)
- CQFD n°244 (septembre 2025) / Garte, Le dossierTexte intégral (953 mots)
Publié en 2024, un rapport révèle qu'aux États-Unis, 17 % des joueur·euses interrogé·es sont des personnes queers. Une étude nous invitant à repenser leur place dans l'industrie vidéoludique.
Une personne sur cinq jouant aux jeux vidéo s'identifie comme queer. Plus de 28 % d'entre elleux ont entre 13 et 18 ans. C'est le résultat d'une enquête réalisée l'année dernière par l'association américaine Gay & Lesbian Alliance Against Defamation (GLAAD) qui lutte contre les discriminations envers les personnes LGBTQ+. Le sondage a été réalisé auprès de 1 452 gamer·euses âgé·es de 13 à 55 ans, vivant dans diverses régions des États-Unis. Jusqu'alors, les recherches s'étaient concentrées sur les personnes majeures, jouant principalement sur deux types de terminaux : les consoles de salon et les ordinateurs. Elles excluaient donc mécaniquement de leur calcul les gameur·euses adolescent·es et les consoles portables, pourtant très répandues.
Parmi elles, la fameuse Nintendo Switch, une console particulièrement utilisée par la communauté queer états-unienne d'après le rapport GLAAD. La raison invoquée à cette tendance ? La Switch est vendue à un prix plus abordable que ces concurrentes, ce qui la rend accessible à des publics précaires, où les personnes LGBTQ+ sont surreprésentées. Mais une autre hypothèse peut être faite : Nintendo propose un catalogue plus « accueillant » – jeux conviviaux, peu de titres de tir ou sanglants – loin des arènes en ligne souvent pointées pour leurs communautés violentes et toxiques, notamment envers les minorités de genre et les personnes racisées.
Par ailleurs, le rapport révèle que 72 % des personnes queers interrogées déclarent que le fait de jouer des personnages auxquels iels peuvent s'identifier dans leur identité de genre et/ou sexuelle leur « fait du bien, leur fait se sentir mieux ». Et ce pourcentage augmente drastiquement lorsque les sondé·es vivent dans des États où la législation est particulièrement transphobes et/ou homophobes.
À la lecture de ce rapport, on pourrait se dire : bonne nouvelle ! Puisqu'on découvre enfin le nombre de personnes queers derrière les manettes, ainsi que leur désir de voir émerger de nouvelles représentations, on imagine que les studios, ne serait-ce que par simple intérêt mercantile, ont suivi. Mais c'est là que le bât blesse… Car seulement 2 % des jeux vidéo proposent un contenu ouvertement LGBTQ+.
Mais pourquoi diantre les studios de productions ne se sont-ils pas encore jetés sur ce nouveau marché juteux ? Une de nos hypothèses est que la menace du boycott pèse lourd dans les choix qu'ils font. Car dans le monde du jeu vidéo les suprémacistes, masculinistes et autres incels1 sont particulièrement bien organisés et saturent l'espace numérique. Leur cheval de bataille ? Combattre la très fantasmée « invasion woke ». Résultat : de multiples campagnes de boycott massives surgissent des réseaux sociaux, parfois même avant qu'un jeu ne soit sorti, au seul motif qu'on y trouve un personnage qui ne soit pas un homme blanc cisgenre. On pense à GTA VI2, qui a vu déferler critiques et menaces après qu'une partie du public ait cru identifier une protagoniste féminine transgenre. Idem pour Intergalactic : The Heretic Prophet, le prochain jeu du studio à succès Naughty Dog, dont la sortie suscite des commentaires hostiles et violents en raison du choix d'une héroïne asiatique.
Néanmoins, rappelons l'essentiel : le rapport GLAAD nous apprend que les personnes queers sont bien là, en nombre, et qu'ils et elles ne semblent pas prêt·es à lâcher les manettes parce que quelques hommes à l'ego ratatiné font du bruit. Et ces personnes disent : nous voulons plus de jeux et de personnages qui nous ressemblent. Avec cette exigence que la communauté queer ne devienne pas une nouvelle niche économique vendue à grand renfort de pinkwashing pendant que les créateur·ices souffrent au sein de l'industrie vidéoludique.
1 Les incels, signifiant « célibataires involontaires », est un groupe d'hommes hétérosexuels justifiant leurs solitudes par des arguments misogynes et sexistes. Une communauté souvent très violente et virulente sur les réseaux sociaux également très présente dans certains jeux vidéo en ligne.
2 Développé par le studio américain Rockstar Games, Grand Theft Auto, ou GTA, est un jeu d'action immensément populaire.