LUNDI SOIR LUNDI MATIN VIDÉOS AUDIOS
25.11.2024 à 15:00
La critique démunie
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Le résultat des élections américaines ou la nécessité d'aller au-delà des idées convenues
[Temps critiques]
Texte intégral (4041 mots)
Les analyses des résultats des élections américaines, quand elles sont en provenance de l'extrême gauche [1], ne sont pas très originales et rejoignent d'ailleurs parfois les interprétations avancées par des journalistes ou politologues indépendants : pas de programme clair chez les démocrates, discours ultra urbain en direction des classes moyennes supérieures, abandon des couches populaires et mépris de classe, adresse aux « communautés » comme si elles étaient homogènes, l'approche erronée de la place de femmes, qui prend tout simplement le contrepied de leur image traditionnelle avec en plus une erreur d'appréciation sur l'importance des « droits reproductifs » dans la campagne électorale, etc. Ces analyses ne sont pas fausses pour autant, mais ce n'est pas là, la question ou le problème.
En effet, on est relativement nombreux et dans nombre de pays, à avoir fait la remarque critique d'un abandon de la question sociale au profit de questions sociétales, de la part des pouvoirs en place, mais aussi de la gauche et pas seulement de la gauche dite de gouvernement, puisque l'extrême-gauche a introduit le genre, la race, la préférence sexuelle comme politique, la mise en avant des minorités à la place de la majorité, la lutte contre les discriminations à la place de la lutte contre les inégalités, dans les problématiques actuelles.
Mais parmi les commentateurs d'extrême-gauche, il y en a un bon nombre là aussi qui posent cela en termes de choix stratégique et politique comme s'il y avait juste à bien cibler les sujets et les électeurs (c'est, par exemple, la stratégie de Rufin). Un choix franchement électoraliste, parce que cela reviendrait à un échange standard de la même stratégie en direction du « peuple » qu'il s'agirait seulement de toucher. Or, il ne s'agit plus de « conscientiser » des masses incultes pour les « éclairer » à l'énergie renouvelable et propre de la postmodernité. Ou alors, d'un point de vue plus radical, comme s'il suffisait juste d'une décision politique individuelle à prendre, qui serait de faire le bon choix théorique, avec une perspective révolutionnaire alternative en paquet cadeau (du type, « Moi je choisis la question sociale, et toi ? »). Or, rien de tout cela. Nous ne sommes plus dans le contexte social et politique des années 1960 de l'imagination au pouvoir. Aujourd'hui, nous sommes passés aux imaginaires mis en concurrence où « la notion d'intersectionnalité est moins faite pour annoncer le rassemblement des dominés, que pour cartographier les tendances qui ne cessent de l'ajourner [2] ».
Si les raisons de la défaite des démocrates sont souvent bien ciblées par la critique, ce sont les raisons de la victoire des républicains et surtout de Trump qui sont occultées. L'impression d'absence de pilote dans l'avion, d'être livrés à la machine bureaucratique (États-Unis) ou technocratique (UE) par des politiciens sans envergure, qui seraient incapables de répondre aux besoins essentiels de la population, représente aujourd'hui une constante dans « l'opinion »… et un crève-cœur pour les « degauche ». Or, ces besoins essentiels, dans la société capitalisée, que cela nous plaise ou non, sont plus focalisés sur l'idée de liberté, d'accession individuelle au confort et au bonheur que sur celle d'égalité. Il n'y a donc rien de très étonnant que, dans sa pointe avancée, les libertés d'expression (via les réseaux sociaux et les organes privés de l'information) et d'entreprendre (le mimétisme pour le tous winners plutôt que le souci vis-à-vis de loosers à qui on réservera le care) soient perçues comme absolues, l'égalité et les solidarités considérées comme relatives [3]. L'appel de Trump, lui-même entrepreneur milliardaire, à Musk comme conseiller du gouvernement est un signe fort de cette tendance, quand la France en reste encore au pantouflage du public vers le privé pour son personnel politique et à des appels du pied macronistes à des renforts issus de la « société civile » (cf. critique infra) pour renouveler le cheptel politicien. À un degré moindre, les phénomènes Tapie et surtout Berlusconi étaient annonciateurs d'un nouveau type d'autocrate ne correspondant absolument pas aux vieilles figures de chefs fascistes aujourd'hui discrédités.
Quand l'absence de direction se fait sentir et qu'aucune perspective de prise en charge alternative et dans la lutte collective ne se dégage, il n'est donc pas illogique que la question du chef se pose et ce, dans les termes d'une surenchère autoritaire autour d'une ambition de pouvoir personnel contournant les règles des régimes démocratiques traditionnels, a fortiori dans des pays à régime mixte, présidentiel comme aux États-Unis ou semi-présidentiel comme en France. Cette politique autoritaire s'avérant d'autant plus efficace, au moins au niveau de sa propagande informationnelle plus qu'idéologique, qu'elle taillera dans la masse en cherchant à établir des lignes de séparation entre amis et ennemis (y compris sous la forme nationaux/migrants-étrangers) et proposera une politique d'état d'exception (Carl Schmitt). Le paradoxe résidant dans le fait que ce sont ceux qui revendiquent l'union autour du peuple redéfini et retrouvé qui se proposent d'exclure pour reformer l'unité, alors que ceux qui disent défendre l'inclusion pour l'unité sombrent dans les particularismes, y compris radicaux, avec leurs batailles internes picrocholines. Ce méli-mélo, plus grand monde ne cherche à le démêler si on excepte les politologues et autres experts en tout genre. Alors, cela n'a plus grand sens de chercher à délimiter les critères de vérité entre d'un côté des politiciens traditionnels parlant la langue de bois et pratiquant la polémique à fleuret moucheté (ou la fuyant par peur d'incompétence comme Harris) et de l'autre les nouveaux spécialistes de l'esbroufe et de la grande gueule, via la diffusion de fake news sur des réseaux sociaux et des radio-télés à réalité virtuelle. Comme le dit à peu près Kamel Daoud, sur un tout autre sujet (le conflit israélo-palestinien depuis le 7 octobre) : dans certaines situations, le mieux est d'invoquer « le droit au silence », quand la raison ne peut pas être dépliée dans le raisonnable (Discours devant les étudiants de l'IEP, le 19 octobre 2024, in Libération, le 20 octobre 2024).
Ouvrons ici une parenthèse sur la notion d'opinion publique.
Jusqu'au XVIIIe siècle, l'opinion publique était celle qui méritait d'être rendue publique (par exemple, celle qu'exprimaient Montesquieu, Rousseau, Voltaire, en somme, les Lumières). C'était donc une parole en provenance des élites éclairées. Puis la notion d'opinion publique s'est démocratisée au sein de la société civile bourgeoise, un processus facilité par le développement de la presse, de la radio, puis de la télévision. Même si cette opinion publique était façonnée en partie par les médias, il n'y en a pas moins eu une autonomisation relative de cette opinion par rapport à un pouvoir politique conduit, en régime démocratique, à resserrer au possible l'écart entre politique à mener, état de la loi et état de l'opinion (cf. par exemple, la question de la peine de mort ou celle sur l'avortement ou sur le divorce en Italie). L'opinion publique, et donc sa connaissance par le pouvoir, formait un ensemble (cf. l'utilisation massive des sondages à partir des années 1980 en Europe), le premier servant d'intermédiation au second afin d'atteindre un « peuple » dont on ne parlait plus autrement qu'au travers de la figure du citoyen-électeur. [Il faudrait revenir sur les analyses de Bourdieu sur l'opinion publique, mais nous n'allons pas alourdir ce texte d'autant que Bourdieu est le seul ancien d'approche holiste ou globaliste à l'origine (cf. sa critique du sujet et sa thèse de la reproduction sociale) à ne pas avoir été repêché par les thèses postmodernes).]
Avec la « révolution du capital », il n'y a plus de « société civile » ; les anciennes médiations que formaient la famille, l'école, l'église, l'armée, les classes, mais aussi les institutions publiques ne jouent plus leur ancien rôle de l'époque bourgeoise. C'est pourtant cette référence des médias et éventuellement des pouvoirs en place à la société civile qui est venue supplanter celle à l'opinion publique dont on ne perçoit plus guère d'écho aujourd'hui. Elle correspond à un discours performatif qui veut recréer des intermédiations là où il y a surtout aujourd'hui de l'immédiateté ; d'où, à mon avis, la montée en puissance de ce que les différentes fractions du pouvoir appellent le « populisme », c'est-à-dire, la prise en compte de la nouvelle situation de confrontation directe et sans filtre (cf. la vulgarité des deux langages utilisés de part et d'autre pendant le mouvement des GJ) entre pouvoir et peuple. Prise en compte au niveau des forces politiques nouvelles (cf. RN et LFI pour la France, mouvement Cinque stelle en Italie, Alliance pour la raison et la justice de Sahra Wagenknecht en Allemagne, partis écologistes partout) ; prise en compte aussi à la base par un mouvement comme celui des Gilets jaunes avec son refus de toute représentation et son attaque au cœur de l'État, et au niveau idéologique par les orwelliens de service qui en appellent au « bon sens ». Il est vrai qu'ils ont des excuses puisque les mêmes à gauche qui proclament que la vérité est relative reprochent à la droite de répandre des fake news. Dans tous les cas, la tendance est à l'illibéralisme du côté du pouvoir politique et à la critique des élites de la part de ceux qui se perçoivent comme dominés ou exclus d'un « système » qui, paradoxalement, ne s'est jamais autant affirmé « inclusif ». Mais alors qu'en Europe et en France, les partis d'extrême-droite cherchent à se rallier le peuple « réel », aux États-Unis Trump et les nouvelles élites conservatrices cherchent à liquider « l'État profond » de l'élite précédente, c'est-à-dire l'élite bureaucratique et financière avec sa kyrielle d'experts, certes diplômés, mais jugés déconnectés de la réalité. Face à cette accusation d'illégitimité par rapport aux anciennes élites portée par le vote Trump, le procès déjà programmé que vont intenter les démocrates et la gauche européenne sur l'incompétence crasse de leurs remplaçants (plusieurs de ceux qui sont pressentis pour les postes les plus influents faisant l'objet de controverses politiques, voire d'enquêtes judiciaires) risque d'être un flop.
Dans la révolution du capital, l'État sous sa forme nation est en crise. Il se redéploie sous sa forme réseau et, dans ce redéploiement, c'est la notion même d'opinion publique qui n'a plus de sens. Par exemple, il était encore possible de la sonder au moment de la prise de position sur la peine de mort à l'arrivée de la gauche française au pouvoir, puisque la finalité d'une loi dans la modernité était soit d'anticiper l'évolution de l'opinion en la précipitant, soit de la ratifier avec le moins de retard possible. Mais dans tous les cas, en cherchant à s'appuyer sur un sentiment majoritaire. Cela devient difficile voire impossible aujourd'hui que les identités multiples et les particularismes s'invitent dans le débat public sur les « sujets de société » en tant que forces politiques visibles et organisées (LGBT+) et non plus comme associations affinitaires (Arcadie), agissant aussi bien au sein des réseaux de pouvoir, dans les coulisses parlementaires et sur les plateaux-télé, qu'au travers des réseaux sociaux. L'opinion publique était encore, malgré le vague de la terminologie, une tentative de se référer à la totalité, mais dans un cadre, celui de l'individualisme, ne permettant qu'une approximation de la « vérité » du moment. Il n'en est plus de même quand c'est l'émiettement qui tend à prédominer, que les droits prolifèrent, voire s'opposent entre eux.
Ce sens de totalité, l'opinion publique ne l'a sans doute jamais eu aux États-Unis du fait du fort fédéralisme interne, mais en Europe, cela a pu coller à la forme nation et son pouvoir centralisé. Comme la nature a horreur du vide, la dynamique actuelle a créé de nouveaux intermédiaires, mais sur des bases plus ou moins identitaires/ communautaires, à travers les réseaux sociaux. Certains de ses réseaux représentent la voie et la voix des sans-voix et plus généralement ceux qui étaient invisibles ou invisibilisés et le sont restés (ça brasse très large puisque les réseaux militants en font partie, comme les sans-papiers) ou qui le sont devenus (les ouvriers) ; d'autres représentent ceux qui sont devenus ou qu'on a rendus visibles parce qu'ils représentent maintenant un facteur dynamique du capitalisme, par exemple par leur travail dans les nouvelles technologies, par une présence qui tend à lever certains des anciens tabous de la société bourgeoise de façon à ce que les anciennes dominations et humiliations laissent place aux nouvelles fiertés (place des femmes, tentative de sauvetage de la famille par l'inclusion de nouvelles formes). Ce tintamarre produit par la nouvelle guerre idéologique pour l'hégémonie culturelle à la Gramsci n'a plus rien à voir avec l'ancienne bataille pour « se gagner » l'opinion publique sur la base d'un programme global ; les milliards de donations à Kamala Harris n'y ont rien changé. La totalité est devenue le faux et il ne s'agit plus de la saisir à travers ses évolutions, mais d'enregistrer et décrire des faits significatifs (« stylisés », disent les experts).
Mais revenons à notre premier paragraphe. Si nous sommes hors de la bataille pour l'hégémonie culturelle qui se mène actuellement, c'est que nous avons perdu la guerre de classes et même plus largement dans ce qui transparaissait aussi comme une lutte au-delà des classes (dans le 68 français et le 77 italien comme tension vers la communauté humaine), et les théories marxistes encore audibles au sens d'entendables à l'époque, bien que déjà critiquées par Cardan (Castoriadis) dans le no 35 de la revue via son « Bilan » (conseillisme d'une part, opéraïsme de l'autre), ne le sont plus (voir par exemple le devenu de l'opéraïsme chez Lazzaratto, Negri et Virno). Résultat, « Le désert de la critique » comme l'écrit Renaud Garcia dans son ouvrage éponyme. La défaite n'ayant pratiquement été reconnue que par ceux qui sont partis cultiver leur jardin, la plupart de ceux qui restent sur la brèche ne le font que parce qu'ils sont façonnés par un habitus de mélange de révolte, de lutte et d'effort, étant entendu qu'ils n'ont candidaté à aucun poste de pouvoir leur donnant accès à une « position » valorisante ou qu'ils s'en sont vu fermer les portes pour des raisons politiques ou de contexte (après la révolution du capital, les fractions au pouvoir n'ont même plus besoin des sociologues comme c'était le cas dans les années 1960) ; ou bien, pour la plupart, d'autant que ce n'est pas incompatible avec la première proposition, parce que ce sont des croyants, au sens religieux du terme. Pour eux, il suffirait de retrouver la question sociale finalement dans les termes que la sociologie n'emploie même plus ou alors avec des pincettes comme Castel (Les métamorphoses de la question sociale) pour ressusciter la « Question sociale » au sens politique qui était le sien entre 1848 et 1936. [Nous avons déjà abordé ce point dans la brochure « Les chemins de traverse de la question sociale » en insistant sur ce qu'a produit le décentrage de la société capitalisée, par rapport à la question du travail et en conséquence, sur la perte d'importance objective des luttes sur le lieu de travail, la valeur sans le travail (vivant), etc.]
Si on revient au cas spécifique des États-Unis, on peut aussi se demander ce que veut dire « question sociale » quand l'ouvrier américain se pense depuis presque un siècle comme membre à part entière de la classe moyenne et qu'aujourd'hui, en l'absence de véritable politique de revenus, là-bas comme en Europe de l'Ouest d'ailleurs, ce n'est pas une conscience de classe qui s'exprime, mais un ressenti de déclassement et son lot de ressentiment d'un côté ou alors de l'autre, une révolte contre le racialisme de la police, qui prend une forme émeutière comme dans les manifestations à la suite de la mort de George Floyd. Mais qui, en l'état, semble produire plus de peur de la part du pouvoir et chez les « possédants » que de débouchés et perspectives pour mettre à bas l'ordre établi. Dépassant la question américaine, on peut quand même se poser la question : quels seraient les antagonismes porteurs d'une « question sociale », à la fois « dans et contre » la société capitalisée ? On n'en est même plus à se poser la question du nouveau sujet, comme à l'époque du Marcuse de la fin des années 1960 ou de la nouvelle composition de classes dans l'évolution de l'opéraïsme. Par ailleurs, est-ce bien sérieux de le rechercher dans la figure du sans-papiers, forme radicalisée de l'ancien travailleur immigré, ou dans l'ancienne classe ouvrière en espérant que la crise capitaliste empire, afin qu'elle retrouve son essence révolutionnaire ou la conscience de ses intérêts ? D'autant que, aujourd'hui, le messianisme a changé de camp. Que cela ait été une erreur du jeune Marx de le concevoir à l'origine comme force révolutionnaire importe peu, quand cette voie est reprise et prospère aujourd'hui à travers l'idéologie et les pratiques de big tech sous la forme libertarienne. Ce nouveau discours du capital se moque de contradictions (alliance de forces de globalisation et de cosmopolitisme avec le protectionnisme, l'isolationnisme [4] et l'exclusion des étrangers) qui s'avèrent sans danger à court terme parce que non antagoniques. Cette hybridation des intérêts publics et privés est symptomatique du fonctionnement de l'hyper-capitalisme (le niveau I de la domination du capital).
Le désarroi est tel que même dans une situation comme celle du mouvement des GJ, la plupart des « degauche » et même de l'extrême-gauche ne le reconnurent pas comme intéressant et a fortiori aujourd'hui les mêmes, qui ne l'ont pas reconnu à l'époque, vont être confortés dans leur position d'alors, parce que bien sûr que beaucoup de GJ ont dû voter RN ou sont partisans de Trump, mais qu'est-ce que ça prouve ? C'est toute la différence entre un événement et un mouvement qui interagissent d'une part et un résultat électoral d'autre part qui va donner lieu à des exégèses sur le vote par âge, sexe, couleur de peau, milieu social.
Le « dans » est déjà problématique du fait de l'inessentialisation de la force de travail et de la caducité d'une armée industrielle de réserve interne vue la division internationale du travail, mais de quoi peut être fait le « contre » ? De n'importe qui et n'importe quoi effectivement quand d'un côté, Trump est perçu et élu comme représentant « antisystème » ; et quand de l'autre, on n'a que le « choix » entre des politiques identitaires qui ne font qu'imposer une nouvelle morale en phase avec la société capitalisée et un anticapitalisme sans principes pour certains, puisqu'il confine jusqu'à certaines fractions de l'extrême droite, superficiel pour d'autres qui ne critiquent que la financiarisation du capital et le néo-libéralisme.
Temps critiques, le 23 novembre 2024
[1] Cet article était à l'origine une lettre de réponse au groupe « soubis » qui avait fait circuler le texte : https://www.gaucherepublicaine.org/respublica-idees/un-revers-cinglant-pour-une-bonne-lecon-de-realisme-sociologique/74¬36735
[2] – Michel Fréher, Producteurs et parasites : l'imaginaire si désirable du RN (La Découverte, 2024), cité dans « Cinq ouvrages pour penser le risque de l'extrême droite », Libération, le 21 novembre 2024.
[3] – Des observateurs relèvent le rôle de la hausse de l'inflation imputée à Biden dans la victoire de Trump. Or, cette hausse et en partie due aux efforts de solidarité et de redistribution pendant la crise sanitaire, puis de relance par la demande. Le soutien à la syndicalisation et à la hausse du salaire minimum est allé dans le même sens, mais n'a pas empêché les incohérences de l'administration Biden, par exemple par rapport à la tentative de grève des cheminots pour la sécurité en 2022, où elle a réussi à bloquer toute grève. Or, quelques semaines plus tard, en février 2023, un train de 2,8 kilomètres de long bourré de produits chimiques déraillait et s'enflammait, provoquant un désastre environnemental majeur en Ohio et en Pennsylvanie. Dans les jours suivants, un sénateur de l'Ohio a dénoncé l'impéritie des autorités fédérales et promettait de ne pas oublier la classe laborieuse des Appalaches. Son nom : J. D. Vance, futur vice-président élu de Donald Trump (Le Monde, le 21 octobre 2024).
[4] – Contre les apôtres de l'anti-impérialisme ciblant en priorité les États-Unis, on peut renvoyer au discours de Trump aux Nations Unies en 2019 où il a déclaré : « Le futur n'appartient pas aux mondialistes. Le futur appartient aux patriotes. Le futur appartient aux nations souveraines et indépendantes, qui protègent leurs citoyens et respectent leurs voisins et honorent les différences qui rendent chaque pays spécial et unique. » Ce discours rompt complètement avec le tropisme raciste de Trump parlant précédemment de « pays de merde » et de « trous à rats » à leur encontre. Il s'inscrit plus concrètement dans la concurrence que se livrent les États-Unis, la Chine et la Russie sur le continent africain et plus globalement dans leurs rapports avec le « Sud global ».
25.11.2024 à 14:58
Massacres racistes : d'une convergence franco-allemande
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À propos de Chasselay et autres massacres d'Éva Doumbia et Le Massacre de Thiaroye d'Armelle Mabon
- 25 novembre / Avec une grosse photo en haut, Terreur, Histoire, Note de lecture, 2Texte intégral (7174 mots)
Éva Doumbia, Chasselay et autres massacres, suivi de Le Camp Philip Morris, Oratorio aux soldats méconnus
Deux histoires de soldats méconnus. Non pas inconnus : méconnus. Méconnus parce que connus seulement par leur couleur de peau – noire. Deux histoires écrites pour le théâtre : la première a été créée au Théâtre du Nord (à Tourcoing) du 8 au 11 octobre derniers et sera présentée de nouveau au théâtre Le Volcan, scène nationale du Havre, les 22 et 23 janvier 2025 – et probablement ailleurs plus tard (c'est en tout cas ce que je suppose et espère) ; Le Camp Philip Morris sera créé en 2025, le calendrier de tournée est à venir, nous dit la fiche du service de com d'Actes Sud. En attendant, on peut les lire dans la collection Papiers de la même maison. Quand je dis on peut, je dis peu… Vraiment, je les recommande vivement.
La première histoire est celle de cent quatre-vingt-huit tirailleurs sénégalais « morts pour la patrie » à Chasselay, village du Lyonnais, le 19 juin 1940. Je vous vois tiquer : le 19 juin ? Pourtant, comme le précise l'autrice – qui se met en scène en tant que telle en prologue de la pièce – le maréchal Pétain, devenu chef du gouvernement le 16 juin à la faveur de l'« étrange défaite », avait dès le lendemain « prononcé cette phrase : “C'est le cœur serré que je vous dis aujourd'hui qu'il faut cesser le combat.” » L'autrice poursuit ainsi :
Le lendemain, de Londres, le général de Gaulle appelait à poursuivre la lutte.
Ce même 18 juin, le maire de Lyon a obtenu du maréchal Pétain que la ville soit déclarée ouverte.
Les troupes françaises chargées de la protéger devaient se replier sans combattre.
Le 19 juin après-midi, les Allemands ont pénétré dans Lyon.
Mais les responsables militaires français décidèrent de poursuivre le combat.
Pour l'honneur.
Le 19 juin vers 9h30, le régiment Grossdeutschland, unité d'élite de la Wehrmacht, s'est présenté au premier barrage devant le couvent de Montluzin, proche du village de Chasselay.
À l'avant-poste, un officier allemand a agité un drapeau blanc.
Les ordres ayant été donnés aux soldats français de continuer à se défendre, il a été abattu par un adjudant français.
Les réactions des militaires allemands furent immédiates et sanglantes.
Un massacre en rouge et en noir.
Le lendemain, ce massacre a continué au château du Plantin, sur les hauteurs du village.
Les villageois de Chasselay n'ont pas tous été évacués.
À 15h30, ce 20 juin 1940, le capitaine a demandé à l'officiel allemand : « Qu'allez-vous faire de mes noirs ? »
Ce qu'ils en ont fait ?
Un temps.
Les soldats allemands ont séparé les soldats français blancs des soldats d'Afrique noirs. Les soldats noirs regroupés, déshabillés, bras levés. Il leur a été ordonné de marcher en colonne sur un chemin entre Chasselay et le village voisin, Les Chères.
Sur la route des Chères se trouvait le lieu-dit Vide-Sac.
C'est un terrain vague je crois.
Les tirailleurs dits sénégalais y furent dispersés.
Les soldats allemands leur ont intimé l'ordre de courir.
Puis ils les ont mitraillés.
Comme on chasse le gibier.
Avec leurs tanks, ils ont roulés sur les corps décédés. Avec leurs tanks, ils ont roulé sur les vivants [1].
Plus loin, Éva Doumbia raconte sa visite au « tata » de Chasselay, où sont enterrés les corps. Ou ce qu'il en restait, après le traitement que leur avaient fait subir les Allemands avec leurs chars. Ils étaient 188, « tirailleurs sénégalais » qui n'étaient pas tous sénégalais – tous noirs, ça oui. L'autrice énumère leurs noms – tels qu'inscrits sur les tombes, souvent mal orthographiés, déformés par les registres de l'armée française. Sa visite de la nécropole date de 2021. Alors, elle a « vu en pensée la poussière rouge importée du Sahel jusqu'au tata de Chasselay. [Elle a] vu en pensée les visages-fétiches qui protègent ces esprits éloignés de leurs terres d'origine » :
50 soldats noirs et inconnus.
56 corps identifiés.
50 corps inconnus
90 restes importés.
Que nous venons de nommer.
Nommer c'est ré-appeler. Nommer pour ré-incarner.
Mais nommer laisse un goût d'inachevé. Car je ne sais pas qui ont été ceux que nous venons de nommer.
Et comme elle l'a dit auparavant, elle ne veut « pas faire beauté de la souffrance de ces hommes noirs sacrifiés. [Elle ne veut] pas poétiser l'atroce mort qui leur fut donnée, en réalité. »
Alors elle a écrit une pièce, ou elle imagine « leurs caractères et des situations les mettant en scène ». Et comme il n'est pas question de montrer le massacre – dont la seule évocation montre assez l'obscénité – elle noue une intrigue toute simple et très réussie (à mon avis) qui se déroule juste à côté – comme pour apercevoir certaines étoiles il faut regarder juste à côté, sinon on ne les voit pas. Juste à côté, il y a le village dont quelques habitants entrent en scène, en particulier un paysan et sa sœur. En deux jours vont se nouer quelques relations – envers et contre le paysan tout d'abord, raciste et qui prétend régenter sa sœur et la marier comme il l'entend. Car, comme cela se voit encore mieux dans la pièce suivante, une forte critique de genre est présente dans les écrits de Doumbia. Il y a aussi des questions de filiations, de fratries et de sororités, de métissage. De quoi finalement en apprendre beaucoup sur le racisme et la façon dont l'histoire (n')est (pas) racontée.
Ici, je me sens un peu démuni pour vous dire la beauté de ces textes, une beauté qui ne réside pas dans une « manière » particulière, mais dans la capacité d'Éva Doumbia à nous faire partager son imaginaire – tel son prologue qui nous entraîne petit à petit sur les lieux et au temps de l'action, et nous y sommes déjà avec elle, quand elle marque un temps. Puis :
En vérité, nous ne pouvons pas savoir précisément ce qui s'est passé cette nuit-là, cette nuit d'avant le début du massacre . ces jours de 1940 appartiennent à un passé lointain.
Un temps.
Je cligne les paupières et le paysage a disparu.
Je suis le présent.
Nous sommes le présent.
Si moi qui suis au présent, moi qui suis présente, je parviens à écrire, à imaginer la vie de ces hommes et de ces femmes, de ces villageois, celle des habitants de Chasselay, celle des soldats venus de terres africaines et de villages sahéliens, si mon imagination arrive à créer, ici et maintenant, ces moments-là, alors peut-être que je pourrais comprendre.
Ce qui n'a pas été raconté n'est pas su. Et puisqu'on ne l'a pas su, cela ne peut même pas être oublié.
J'inscris au présent ce qui peut-être aura été. La vie d'avant qui irriguait ces corps dont je sais seulement qu'ils furent éparpillés et ensanglantés.
C'est le plus important, je crois.
C'est ce que je crois aussi, après avoir lu ces deux pièces. Je vous conseille d'en faire autant.
Intermède d'automne
Dans son édition du dimanche 6 octobre 2024, La Provence (le journal) consacrait une page entière à l'« Automne 1944 » qui vit s'opérer « le “blanchiment” des libérateurs de la Provence » (la région). « [Les soldats de l'armée dite “d'Afrique”] représentaient la moitié des troupes ayant débarqué en Provence en août 1944 », explique au journal « l'universitaire Emmanuel Blanchard ». Et de poursuivre :
Au fur et à mesure de son avancée, l'Armée d'Afrique fut toutefois « blanchie » : de Gaulle privilégiant l'intégration des résistants, il choisit, face à la pénurie de moyens, de désarmer des bataillons de tirailleurs afin d'équiper ces nouveaux combattants.
C'est ce que l'on a appelé « l'amalgame », soit l'incorporation des combattants « irréguliers » de la Résistance dans les troupes « régulières ». L'opération dégageait de forts relents nauséabonds. Écoutez, par exemple, comment la défendait le général de Lattre de Tassigny :
Rien ne pourra être fait dans l'avenir, la France nouvelle ne pourra pas se sculpter sans avoir dans sa propre matière cette glaise faite de toutes les douleurs, de cette instinct de conservation de la race française.
En quoi, sans vouloir offenser la mémoire de ce général, on ne voit guère la différence idéologique avec le discours pétainiste. Mais il est vrai que de Lattre n'était pas le seul à être imprégné de l'idéologie raciste dominante dans ce qui était encore, on le rappelle, un empire colonial – le parti communiste lui-même n'avait-il pas nommé l'une des organisations de « rassemblement » dont il avait le secret du doux nom de Front national ?
Là où l'article de La Provence dérape, c'est en procédant à un second amalgame : entre les troupes de couleur démobilisées afin de donner leur armement aux soldats (blancs) « régularisés » et les combattants africains qui avaient été faits prisonniers au cours de la guerre et enfermés par les Allemands dans ce qu'ils appelaient des Frontstalags (des « camps sur le front »). Lisez plutôt :
[…] dès octobre [1944] des Sénégalais qui ont libéré Marseille ou se sont illustrés à Toulon sont rassemblés dans des casernes, en Bretagne (Morlaix) et dans le Var (Hyères). Sont notamment concernés 15 000 tirailleurs de la 9e division d'infanterie coloniale et de la 1re DMI [2]. Privés de leurs uniformes alors que le froid se fait de plus en plus vif, ils ne touchent qu'une partie de leur solde, ce qui provoque leur colère. [Attention, l'amalgame arrive.] Avec eux, les autorités placent d'autres anciens combattants africains : faits prisonniers, ils ont été obligés de travailler durant quatre ans pour les Allemands [A] [3]. En novembre, il est décidé de les renvoyer à Dakar. Ceux du Var embarquent à Marseille, où la population les fête [B].
« Ils sont quelques 1 300 à rentrer au pays et à rejoindre le camp militaire de Thiaroye, deux semaines plus tard », raconte Cheikh Faty Faye, historien à l'université de Dakar. « Là, ils finissent par se révolter contre le retard du paiement de leurs arriérés de soldes. » [C] Le 28 novembre 1944, ils séquestrent pendant plusieurs heures un haut responsable militaire français. La réaction des responsables du camp, des officiers longtemps proches de Vichy, est terrible : irrités par les comportements « arrogants » et « inadmissibles » de ceux qui sont désormais des prisonniers, ils font ouvrir le feu le 1er décembre. [D]
En peu de lignes, Fred Guilledoux, qui signe l'article, nous assène un certain nombre de contre-vérités. Peut-on lui en vouloir ? Probablement pas. Ou plutôt si. Je n'en sais trop rien. Faut-il accuser les conditions de travail dans la presse (pas le temps, consultation de dossiers de presse mal renseignés, vérités « officielles » qui arrangent tout le monde) ou un manque de curiosité ? Ou tout ça à la fois [4] ? Quoi qu'il en soit, revenons sur ces erreurs à la lumière de ce que nous apprend le second livre traité dans cette note de lecture.
Armelle Mabon, Le Massacre de Thiaroye, 1er décembre 1944. Histoire d'un mensonge d'État. Préface de Boubacar Boris Diop, éd. le passager clandestin, 2024.
Voici tout d'abord un petit résumé des faits, tels que les présente Armelle Mabon.
Après la défaite de juin 1940, les combattants « indigènes » faits prisonniers par les Allemands sont, pour le plus grand nombre, internés non en Allemagne, mais en France, dans des Frontstalags. Ils sont estimés à près de 70 000 en 1941. Les Allemands ne veulent pas les garder sur leur sol, effrayés par la perspective d'une « contamination raciale » et d'importation de maladies tropicales, alors que le souvenir de la « honte noire », l'occupation de la Rhénanie en 1919, reste gravé dans les esprits comme une blessure nationale [5]. Ces quatre années de détention sur le sol français (1940-1944) donnent un aspect singulier à la captivité de ces hommes du fait de la mise en place d'un « monde colonial » au sein même de l'Hexagone : le travail forcé, encore d'actualité dans les colonies, est en effet étendu en métropole. Dans de nombreux Arbeitskommandos, les sentinelles allemandes ont été remplacées, à partir de janvier 1943, par des officiers et des fonctionnaires civils français. Cette collaboration d'État est vécue par les prisonniers de guerre « indigènes » comme une trahison. […]
Rappelons-nous l'article de La Provence, note [A] : « […] ils ont été obligés de travailler durant quatre ans pour les Allemands » – sous la surveillance de collabos français, aurait-il fallu ajouter.
En octobre 1944, le général Ingold, directeur des troupes coloniales, demande au ministre des Prisonniers que les « indigènes » soient soumis à une stricte discipline, qu'ils ne puissent être démobilisés avant leur retour dans les colonies et qu'ils soient réunis, pendant leur séjour sur le sol métropolitain, dans des camps spéciaux appelés « centres de transit des troupes indigènes coloniales » (CTTIC) et séparés par « races ». Près de 8 000 tirailleurs dits « sénégalais [6] » sont ainsi encasernés dans des conditions sanitaires déplorables [et pas, ou trop peu payés].
Article de La Provence, note [B] : « En novembre, il est décidé de les renvoyer à Dakar. » J'ai souligné le les parce dans le contexte de l'article, on doit comprendre sous ce pronom à la fois les troupes démobilisées par l'« amalgame » (remplacées par des résistants) et d'anciens prisonniers. Or on ne parle ici que des prisonniers.
Les « indigènes » ne sont pas contents – on les comprend… La presse s'en fait l'écho. Il faut les « rapatrier » au plus vite et si possible empêcher le plus possible, une fois de retour en Afrique, qu'ils continuent à répandre leur mauvaise humeur, à Dakar en particulier, siège du gouvernorat de l'Afrique Occidentale française (AOF) [7]. L'idée est donc de les regrouper en camps militaires avant de les disperser dans leurs « cercles » d'origine. Pour réussir cette opération, on a prévu un moyen simple : en France, on leur promet qu'ils toucheront leurs arriérés de soldes une fois de retour en Afrique, et en Afrique, dans les camps de regroupement, on leur promettra la même chose, mais une fois qu'il seront rentrés « chacun chez soi » (et la colonie sera bien gardée).
Le ministre Pleven annonce le prochain embarquement de 2 000 anciens prisonniers tirailleurs sénégalais sur un navire britannique, le Circassia, devant appareiller au large de Morlaix, dans le Finistère, début novembre 1944. Mais 315 d'entre eux refusent de monter à bord tant que leur situation administrative ne sera pas réglée. Grâce à cet acte, ils ont échappé au pire.
Ce qui donne un total d'un peu moins de 1700 rapatriés. Or, dans le passage noté [C] de La Provence, il est question de 1 300 soldats seulement : c'est un des points de la version officielle de l'histoire qui a retenu l'attention d'Armelle Mabon. Car si les documents d'embarquement parlent bien de 1700 hommes, la narration officielle, après le massacre, en comptera seulement 1300 : les autres ont dû se volatiliser, si l'on en croit cette même narration, qui annonce « seulement » 35 morts à Thiaroye…
Le premier contingent d'ex-prisonniers de guerre originaires de l'Afrique Occidentale française arrive à Dakar le 21 novembre 1944, pour être démobilisé au camp de Thiaroye, à quelques kilomètres de là. C'est dans ce camp qu'a eu lieu le massacre.
Ici se place un mensonge propagé par l'armée, et donc l'État français, et malheureusement sinon repris, du moins toléré par les États africains « sous influence » de l'ancienne puissance coloniale, au premier chef le Sénégal, le lieu du crime, mais aussi les autres États dont étaient ressortissants les victimes de Thiaroye. Il est colporté – au moins en partie, par l'universitaire sénégalais – note [C] dans l'article de La Provence : il parle de « révolte ». Mais que signifie-t-il exactement par là ? Il est certain que les tirailleurs étaient révoltés – encore une fois, on le serait à moins. Mais Guilledoux enchaîne en disant que qu'« ils » [les révoltés, qui deviendront vite les « mutins » de la version officielle] ont séquestré un chef militaire français… Faux, dit Armelle Mabon. Il n'y a eu aucune chose de ce genre, aucune provocation des soldats démobilisés qui aurait pu faire croire à une mise en danger de leurs gardiens, puisqu'il faut bien les appeler ainsi. On ne saura probablement jamais ce qui s'est passé ce 1er décembre 1944 dans le camp de Thiaroye, comme on ne connaît toujours pas le nombre de victimes que cela provoqua. Mais si l'on doit se contenter d'approximations, alors il faut reconnaître que celles d'Armelle Mabon, qui travaille depuis déjà près de trente ans sur la question, examinant toutes les archives accessibles (dont certaines accessibles seulement après des procès intentés par l'historienne à l'administration française qui refusait de les ouvrir), rencontrant les quelques rares témoins directs, épluchant les minutes du procès qui fut intenté aux prétendus « mutins » après le massacre, alors il faut reconnaître, dis-je, que les approximations (au sens d'approches) d'Armelle Mabon sont, et de loin, les plus proches de la vérité. Et cette vérité est une fois de plus accablante pour l'armée française et l'Empire qu'elle s'imaginait « protéger ». Note [D] : « La réaction des responsables du camp, des officiers longtemps proches de Vichy, est terrible : irrités par les comportements “arrogants” et “inadmissibles” de ceux qui sont désormais des prisonniers, ils font ouvrir le feu le 1er décembre. » Passons sur l'« irritation » des officiers : on ne tire pas sur une foule parce qu'on est « irrité ». Il y faut des motifs plus puissants. Voici ce qu'en dit Armelle Mabon :
Tous les rapports circonstanciés font état des même causes pour expliquer l'état d'insubordination de ces combattants d'outre-mer, qualifiés de « désaxés [8] » après quatre longues années de captivité. La propagande nationaliste allemande dénonçant la colonisation est, aux yeux des officiers et de l'administration coloniale, une des causes de la mutinerie parce qu'à la base du dénigrement de l'Armée française et de ses cadres [9]. La mutinerie est présentée comme la « résistance des Noirs aux cadres européens sans prestige désormais [10] ». Aucun n'aurait participé à la Résistance [11], incapable d'en comprendre les enjeux du fait de leur « sens psychologique encore rudimentaire ». L'enquête menée par le général de Périer nous donne un aperçu de la mentalité ambiante dans les rangs de la hiérarchie militaire : « Au contact avec la civilisation européenne et avec le relâchement de la vie en campagne [militaire] l'évolution se fait à un rythme accéléré et le tirailleur, qui est en général un jeune noir de 22 à 25 ans, crédule et assimilant mal, se gâte facilement : mauvaise tenue, récriminations, usage du vin et de la femme blanche [12]. »
J'ai déjà parlé de la nécessité de préserver l'Empire, je n'y reviens pas. Dans le même passage noté [D], le journaliste de La Provence parle d'une « réaction » terrible des officiers vichystes – ce dernier on ne le contestera pas : on sait que les cadres des colonies ont mis un certain temps, c'est le moins que l'on puisse dire, à se rallier à la « France libre ». C'est le terme de « réaction » qui fâche : parce qu'il est faux, archifaux. Se basant sur son étude minutieuse, Amelle Mabon a reconstitué le massacre, montrant que non seulement il n'y a pas eu « réaction », comme l'a prétendu la version officielle, mais bien préméditation.
De nombreux rapports mentionnent que, le 28 novembre 1944, le général Dagnan s'est rendu à la caserne de Thiaroye accompagné du lieutenant-colonel Siméoni et du chef d'état-major Le Masle, alors que 500 ex-prisonniers de guerre ont refusé de partir pour Bamako tant qu'ils ne seraient pas payés. Selon le rapport Dagnan, un groupe de rapatriés a bloqué sa voiture. Le général dit leur avoir promis d'étudier la possibilité de leur donner satisfaction après consultation des chefs de service et des textes. Les tirailleurs ont alors dégagé la route. À ses yeux, le détachement est en état de rébellion et la persuasion ne peut suffire au rétablissement de la discipline. Il mentionne alors sa décision d'organiser une démonstration de force [13].
Informé oralement par le général Dagnan, le général commandant supérieur de Boisboissel a donné son accord pour une intervention le 1er décembre au matin à l'aide de trois compagnies indigènes, un char américain, deux half-tracks [14], trois automitrailleuses, deux bataillons d'infanterie, un peloton de sous-officiers et hommes de troupe français [15].
Le matin du 1er décembre 1944, les rapatriés reçoivent ordre de se rassembler sur l'esplanade.
À ce point, la version officielle (de la hiérarchie militaire) parle d'insubordination, d'agression d'un des half-tracks par les tirailleurs, puis de tirs venus des baraquements. « Craignant d'être dépassé, le lieutenant-colonel Le Berre, qui commande le détachement d'intervention et de police, donne l'ordre de tirer aux armes automatiques à 9h30 après sommation. » Toujours selon la même version, la répression fait 35 morts et 35 blessés. Quarante-huit « meneurs » sont arrêtés et 34 finalement jugés (par un tribunal militaire composé des mêmes officiers qui ont conduit la répression) et condamnés jusqu'à 10 ans de prison. Ils seront amnistiés en 1946 et 1947, sauf trois, décédés en prison.
Ce bilan était déjà assez énorme. Il s'avérera plus tard, grâce, entre autres, aux travaux d'Armelle Mabon, qu'il se monte plutôt à 300 morts qu'à 35, sans parler des blessés… Il faut absolument lire Le Massacre de Thiaroye pour comprendre jusqu'où ont été la cruauté, puis, ensuite, la duplicité et le mensonge de l'armée française, qui produisent encore leurs effets aujourd'hui, comme nous avons pu le constater à travers les erreurs de l'article de La Provence. Pour découvrir aussi la longue et difficile lutte menée par l'historienne afin d'obtenir accès aux divers fonds d'archives où est encore ensevelie une part de la vérité. Une lutte qui rappelle celle, évoquée dans le livre, menée par Jean-Luc Einaudi afin de mettre au jour les rouages de l'opération commandée par Papon, préfet de police de la Seine et ancien collabo, et qui aboutit au massacre du 17 octobre 1961, quand la police parisienne noya des Algériens dans la Seine [16]… Une lutte pour la vérité qui n'est pas encore terminée – c'est ce que l'on risque de voir ce 1er décembre.
Un début de reconnaissance par l'État français a bien eu lieu en 2014, lors de ce que l'historienne nomme la « mascarade » du 70e anniversaire :
Lors de son discours du 30 novembre 2014 au cimetière militaire de Thiaroye, si le président Hollande a reconnu que ces hommes n'avaient pas perçu leur dû, il a indiqué qu'ils s'étaient rassemblés d'eux-mêmes pour crier leur indignation. [On a vu que cette version était toujours reprise par des historiens, tel l'universitaire sénégalais cité par La Provence.] Non, ces hommes ont été rassemblés sur ordre devant les automitrailleuses pour être exécutés. Ils avaient osé réclamer les rappels de solde que l'administration ne voulait pas leur verser. Le discours du président Hollande a souvent été considéré comme une reconnaissance du massacre. Il n'en est rien. La seule avancée se situe dans l'aveu du non-versement des sommes dues. [Aveu qui sert toujours à “expliquer” la prétendue mutinerie et donc aussi la “réaction” des gardes-chiourmes galonnés…]
Et à ce propos des « reconnaissances » officielles et des commémorations de massacres, ajoutons qu'Armelle Mabon consacre également un chapitre de son livre à « une imposture mémorielle : l'opération des plaques du “Tata” de Chasselay ». Car l'État français, en 2019 (discours du président de la République) et 2020 (annonces de Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État auprès du ministre des Armées), n'a pas hésité à inventer de toutes pièces des recherches génétiques ayant soi-disant permis d'identifier vingt-cinq des combattants portés disparus à Chasselay – rappelez-vous, les Allemands les avaient consciencieusement écrasé avec leurs chars, rendant impossible l'identification des corps. On a donc inauguré en grande pompe une nouvelle plaque commémorative portant vingt-cinq noms de tirailleurs à Chasselay. Or il s'avère qu'il n'y eut pas plus de recherches génétiques que de beurre en broche… Pourquoi donc cette sollicitude envers les disparus, bien différente du mépris et de l'indifférence dans lesquels sont tenus les disparus de Thiaroye ? Armelle Arbon propose une explication qui semble plausible :
La grosse différence entre les deux drames ? Dans le cas du massacre de Chasselay, les coupables sont allemands et non français. […] Entre Chasselay et Thiaroye, nous sommes confrontés à un douloureux paradoxe avec d'un côté la volonté de nommer illégalement des disparus et, de l'autre, d'effacer illégalement ceux tués par l'armée française. Cette escroquerie mémorielle n'est pas due à une paresse ou un laisser-aller. Il s'agit bien d'un acte fondé sur une volonté de s'affranchir de toute morale politique.
Boubacar Boris Diop, grand écrivain sénégalais, connaît bien cette lutte pour la vérité sur le massacre de Thiaroye et celle qui la mène : « Notre première rencontre à Dakar en 1995, écrit-il, était déjà placée sous le signe de cette tragédie […] » C'est pourquoi il a donné une belle préface, une préface en colère, au livre de l'historienne. « Ce qui m'a toujours frappé au cours de nos conversations, dit-il, c'est à quel point les victimes de Thiaroye sont pour elles des êtres réels et non des numéros de matricule ou de simples noms dans des registres poussiéreux. » Ici résonnent encore une fois les paroles d'Éva Doumbia :
J'inscris au présent ce qui peut-être aura été. La vie d'avant qui irriguait ces corps dont je sais seulement qu'ils furent éparpillés et ensanglantés.
C'est le plus important, je crois.
Ce 25 novembre 2024, franz himmelbauer, pour Antiopées.
[1] Il s'agit d'un monologue destiné à être dit. J'en ai respecté la forme (les renvois à la ligne). La mention en italique est une didascalie.
[2] 1re division des forces françaises libres – DFL– devenue 1re division de marche d'infanterie, dissoute le 15 août 1945.
[3] Je reviens sur ces passages signalés d'une capitale entre crochets dans la recension qui suit.
[4] J'avoue que mon irritation provient aussi du fait que, lorsque j'ai lu ce papier, je n'avais qu'une vague idée de ce qu'avait été le massacre de Thiaroye. Aussi bien n'ai-je point sursauté en le lisant, et ma vague idée se serait transformée en idée fausse si je n'avais lu Armelle Mabon. À la décharge du journaliste, il faut noter que le livre dont je vais rendre compte ici est paru le 22 novembre seulement (en prévision du 80e anniversaire du massacre, le 1er décembre prochain), donc après le papier de Guilledoux daté du 6 octobre. À sa charge, il faut ajouter qu'Estelle Mabon avait déjà beaucoup publié sur le massacre et le mensonge d'État(s) qui s'en est suivi, sans parler d'autres auteurs et aussi de plusieurs films documentaires dont on trouve la liste dans sa bibliographie.
[5] Dans Chasselay et autres massacres, Éva Doumbia met en scène, entre autres personnages, Harald, né justement au cours de l'occupation de la Rhénanie d'un soldat français des troupes coloniales et d'une mère allemande. Son père est reparti avec l'armée française alors qu'Harald était encore enfant . Il raconte à son demi-frère, qu'il vient de retrouver parmi les soldats qui défendent Chasselay : « J'ai oublié, dit-il. Je me suis moi-même oublié, je veux dire, j'ai oublié ce que j'étais, je croyais que j'étais des leurs. Deutsch. L'école, les jeux, les amis. Nous poursuivions les enfants de la boutique d'à côté : “Tod den Juden, Tod für Juden !” Nous criions en riant. Et puis… (Il ne peut pas continuer, baisse la tête. Un long silence.) Ce qui est arrivé est arrivé. Cela ne vient pas en un jour. Cela ne nous rattrape pas, non, cela ne nous rattrape pas, parce que c'est là depuis toujours. On ne le voit pas, mais c'est bien là. Ça attend. Ce moment de la laideur nous attendait. Patiemment. Ça rampe, gronde, déborde, ça avale tout et recouvre la douceur du printemps, détruit l'amour, nos sourires enneigés. (Un temps.) Ce jour, comme à mon habitude, je suis allé à l'école. Et ma joie enfantine s'est brutalement cognée contre un mur. Il s'était édifié dans leurs regards bleus un mur qui avait toujours été là, mais que je n'avais pas remarqué. Fertig la piscine, fertig les jeux de ballon. Les mères blondes de mes amis blonds leur interdisaient subitement de me parler. Les enfants ne bravaient pas ces ordres, non, ils me crachaient au visage alors même que j'avais crié avec eux : “Tod den Juden, Tod für Juden !” Le maître de la classe a fermé sa porte. Sans me regarder il m'a dit : “Rends-nous tes livres.” Ce n'est pas à cause de la honte qu'il ne posait pas ses yeux sur mon visage. Il n'avait pas honte, j'étais sa honte. Il est soulagé de ne plus avoir à m'enseigner ce que ma peau ne mérite pas. Au début je me suis posté derrière les grilles pour les regarder dans la cour. J'ai vu Herr Lehrer brûler les livres que mes mains bâtardes avaient souillés. » Par la suite Harald subit une vasectomie – il est stérilisé, de force, afin de préserver la « pureté » de la race aryenne. Sa mère est licenciée de son travail. Il part. On le retrouve à Chasselay. Là-dessus, il faut ajouter que l'autre pièce publiée dans le même volume d'Éva Doumbia, Le Camp Philip Morris, est toute entière construite autour du racisme dont firent preuve certains Français (ici des Normands) à l'égard des soldats noirs américains débarqués en juin 1944. Comme on sait, le racisme n'était pas, et n'est toujours pas, l'apanage exclusif des dits « Boches ».
[6] [Note d'Armelle Mabon] Terme générique qui désigne l'ensemble des soldats africains [d'Afrique subsaharienne, autrement dit, « noirs », NdFH] qui se battent sous le drapeau français.
[7] L'AOF regroupait la Mauritanie, le Sénégal, le Soudan français (désormais le Mali), la Guinée, la Côte d'ivoire, le Togo, le Niger, la Haute-Volta (actuel Burkina Faso) et le Dahomey (aujourd'hui le Bénin). Il faut savoir que de Gaulle et les « élites » françaises (dont un certain François Mitterrand – cf. Thomas Deltombe, L'Afrique d'abord ! Quand Mitterrand voulait sauver l'Empire français, La Découverte, 2024) comptaient bien sur les possessions coloniales pour se « refaire », après avoir été admis du bout des lèvres dans le club des « vainqueurs » de la Seconde Guerre mondiale, aux côtés des États-Unis, du Royaume-Uni et de l'URSS… Pas question alors d'envisager une quelconque indépendance, ni quelque revendication que ce soit des indigènes à une pleine et entière citoyenneté.
[8] [Note d'Armelle Mabon] Lettre du ministre des colonies (signée Giacobbi) à Monsieur le président du Conseil de la défense nationale, 22 décembre 1944 (Archives nationales d'outre-mer – Anom, DAM 664).
[9] Ce qui n'est pas sans rappeler le thème du « sentiment antifrançais » entretenu par les Russes, entre autres, dans les pays du Sahel ces dernières années, et qui expliquerait les déboires de la Françafrique dans la région.
[10] [Note d'Armelle Mabon] Anom, 3Ecol/53/9, Paul Ladhuie, « État d'esprit des troupes noires consécutif à la guerre 39-45 », 1945-1946.
[11] Ce qui est faux. Armelle Mabon cite plusieurs cas de prisonniers s'étant évadés durant la guerre et ayant rejoint le maquis.
[12] [Note d'Armelle Mabon] Rapport inspecteur des troupes coloniales, 6 février 1945 (Anom, DAM 3). [NdFH : ajoutons à cela que le type (Périer), qui a une biographie dans Wikipédia, a une liste de décorations longue comme le bras et a terminé sa vie – il est décédé en 1968 – comme grand officier de la Légion d'honneur. Avec ça, bon camarade – de ses collègues blancs, bien entendu.
[13] [Note d'Armelle Mabon] Rapport Dagnan (Service historique de la Défense, SHD/T, 5H16). Les rapports des officiers se trouvent également aux Anom, DAM, 74.
[14] [Note d'Armelle Mabon] Les half-tracks sont des véhicules militaires blindés équipés de roues à l'avant et de chenilles à l'arrière.
[15] Ibid.
[16] Lire Fabrice Riceputi, Ici on noya les Algériens. La bataille de Jean-Luc Einaudi, également publié par le passager clandestin, 2021.
25.11.2024 à 13:56
Perspectivisme
dev
Texte intégral (734 mots)
Si vous lisez lundimatin, aimez la bande dessinée et les tritons mais que vous ne connaissez toujours pas Alessandro Pignocchi alors nous ne pouvons plus rien pour vous. Ou alors vous renvoyer vers ces bonnes planches de son premier ouvrage sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes :La recomposition des mondes, l'entretien que nous avions fait avec lui et Philippe Descola autour d'Ethnographie des mondes à venir ou tout simplement vous inviter à lire cet extrait d'un livre à paraître dans quelques mois au Seuil.
25.11.2024 à 12:41
Faut-il boycotter les livres Bolloré ?
dev
Un lundisoir avec des libraires
- 25 novembre / Avec une grosse photo en haut, lundisoir, 2, MouvementTexte intégral (4354 mots)
En juillet dernier, en réaction à la menace d'une prise de pouvoir par le RN, de nombreuses organisations ont annoncé le début d'une campagne intitulée Désarmer l'empire Bolloré. Il s'agissait de trouver des leviers contre la fascisation en cours qui ne se limitent pas à l'isoloir. C'est dans ce contexte que plus de 80 libraires indépendants viennent de signer une tribune la semaine dernière : « Ne laissons pas Bolloré et ses idées prendre le pouvoir sur nos librairies ! ». Il s'agit pour eux de ne pas se rendre complices du « combat civilisationnel » mené par le magnat en faisant disparaître, autant que faire se peut, les livres du groupe Hachette de leurs étals.
Outre la prise de position politique que représente cette tribune, elle a aussi le mérite d'ouvrir des questions et des contradictions particulièrement épineuses pour les libraires, signataires ou non. Dans un secteur aussi concentré où cinq gros groupes détiennent l'immense majorité des titres publiés ainsi que toute la logistique de production et de mise en circulation qui va avec, est-ce si facile de tenir une promesse de « boycott » sans se tirer soi-même une balle dans l'étale ? Si Bolloré concentre toutes les attentions de par son empire tentaculaire mis au service de l'extrême droite et de la fascisation des esprits, n'oublie-t-on pas un peu vite les dégâts que produisent aussi ses concurrents ? Et que faire de ces livres (et éditeurs) chers, pris dans les griffes de cette industrie culturelle ? Parce qu'il n'existe aucune réponse simple à toutes ces questions, nous avons invité cinq libraires indépendants pour en discuter, Nicolas de Libertalia, Anaïs du Rideau Rouge, Natacha de L'Atelier, Alexis de Petite Egypte et Martin de Michèle Firk. Certains ont signé la tribune, d'autres non, mais tous nous éclairent sur leurs techniques et stratégies pour résister et faire que le livre ne puisse être réduit à une simple marchandise.
Lundi 25 novembre à partir de 20h
Version podcast
Pour vous y abonner, des liens vers tout un tas de plateformes plus ou moins crapuleuses (Apple Podcast, Amazon, Deezer, Spotify, Google podcast, etc.) sont accessibles par ici.
Voir les lundisoir précédents :
Contre-anthropologie du monde blanc - Jean-Christophe Goddard
10 questions sur l'élection de Trump - Eugénie Mérieau, Michalis Lianos & Pablo Stefanoni
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Des kibboutz en Bavière avec Tsedek
Le macronisme est-il une perversion narcissique - Marc Joly
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Combattantes, quand les femmes font la guerre - Camillle Boutron
Communisme et consolation - Jacques Rancière
Tabou de l'inceste et Petit Chaperon rouge - Lucile Novat
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Une histoire politique de l'homophobie - Mickaël Tempête
Continuum espace-temps : Le colonialisme à l'épreuve de la physique - Léopold Lambert
Que peut le cinéma au XXIe siècle - Nicolas Klotz, Marie José Mondzain & Saad Chakali
lundi bonsoir cinéma #0
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Les extraterrestres sont-ils communistes ? Wu Ming 2
De quoi l'antisémitisme n'est-il pas le nom ? Avec Ludivine Bantigny et Tsedek (Adam Mitelberg)
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Inde : cent ans de solitude libérale fasciste - Alpa Shah
(Activez les sous-titre en français)
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La vie en plastique, une anthropologie des déchets avec Mikaëla Le Meur
Anthropologie, littérature et bouts du monde, les états d'âme d'Éric Chauvier
La puissance du quotidien : féminisme, subsistance et « alternatives », avec Geneviève Pruvost
Afropessimisme, fin du monde et communisme noir, une discussion avec Norman Ajari
Puissance du féminisme, histoires et transmissions
Fondation Luma : l'art qui cache la forêt
L'animal et la mort, entretien avec l'anthropologue Charles Stépanoff
Rojava : y partir, combattre, revenir. Rencontre avec un internationaliste français
Une histoire écologique et raciale de la sécularisation, entretien avec Mohamad Amer Meziane
LaDettePubliqueCestMal et autres contes pour enfants, une discussion avec Sandra Lucbert.
Basculements, mondes émergents, possibles désirable, une discussion avec Jérôme Baschet.
Au cœur de l'industrie pharmaceutique, enquête et recherches avec Quentin Ravelli
Vanessa Codaccioni : La société de vigilance
Comme tout un chacune, notre rédaction passe beaucoup trop de temps à glaner des vidéos plus ou moins intelligentes sur les internets. Aussi c'est avec beaucoup d'enthousiasme que nous avons décidé de nous jeter dans cette nouvelle arène. D'exaltations de comptoirs en propos magistraux, fourbis des semaines à l'avance ou improvisés dans la joie et l'ivresse, en tête à tête ou en bande organisée, il sera facile pour ce nouveau show hebdomadaire de tenir toutes ses promesses : il en fait très peu. Sinon de vous proposer ce que nous aimerions regarder et ce qui nous semble manquer. Grâce à lundisoir, lundimatin vous suivra jusqu'au crépuscule. « Action ! », comme on dit dans le milieu.