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La Lettre de Philosophie Magazine

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28.04.2024 à 05:00

Saint Augustin : à chaudes larmes

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Face aux événements ayant marqué sa vie – sa jeunesse débauchée, sa conversion au christianisme, la mort de son ami Nébride, celle de sa mère Monique –, saint Augustin pleure. Loin d’être une faiblesse, cette réaction lui permet de bâtir une métaphysique de la consolation. Dans notre tout nouveau numéro, Victorine de Oliveira sort les mouchoirs pour vous présenter la vie et la pensée de l’évêque d’Hippone.

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27.04.2024 à 07:00

Ali Benmakhlouf-Thomas Dutronc : duo à deux voies

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Ali Benmakhlouf-Thomas Dutronc : duo à deux voies nfoiry

Le philosophe Ali Benmakhlouf a été le professeur du chanteur et guitariste Thomas Dutronc au lycée. Depuis, ils ne se sont plus quittés. Dans notre nouveau numéro à retrouver chez votre marchand de journaux, nous avons réuni les deux amis qui nous racontent comment ils sont parvenus à devenir eux-mêmes, entre émancipation familiale, confrontation à la mort et sens de la fête.

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26.04.2024 à 16:30

Arendt, ça mange pas de pain

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« Vous avez pensé à changer votre paradigme ? Soit, on n’en change pas comme d’heure ou de pneu. Mais l’expression est devenue un poncif des discours pour faire sérieux, désignant plus modestement le fait d’adopter une autre façon de voir les choses. Sonne-t-elle creux ?

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J’ai une liste noire. Elle s’enrichit d’année en année, comme un pense-bête pour traquer les abus de langage, comme une mise en garde contre moi-même. “Caracoler en tête” caracole évidemment en tête des interdits. Mais le relativement pédant “changer de logiciel” y talonne l’impropre “impacter”. Je les ai vus rejoints par le plus récent “mettre le paquet”, auquel les membres du gouvernement touchent trop souvent. On a trop “agité le chiffon rouge” pour qu’il n’effraie plus personne. Je n’ai rien contre les expressions, au contraire. Les images font la beauté d’une langue. Mais ce sont là des images sans imagination, démonétisées à force d’usage.

La volonté de “changer de paradigme” a ainsi été martelée treize fois hier, lors du prolixe discours d’Emmanuel Macron à la Sorbonne, “tirant la sonnette d’alarme” (dans ma liste) à propos des dangers et des défis qui attendent l’Europe, sans que l’on sache comment dépasser le stade incantatoire. Car rappelons d’abord que l’expression “changement de paradigme” – qui apparaît chez le philosophe américain Thomas Kuhn dans La Structure des révolutions scientifiques (1962) – désigne la manière dont il faut qu’un consensus culturel soit renversé avant qu’une découverte scientifique soit acceptée socialement. Un changement progressif aboutit à une bascule. Le changement de paradigme n’est donc pas l’effet de la volonté et on ne peut pas, à proprement parler, vouloir en changer.

Ensuite, de quoi ces expressions toutes faites “sont-elles le nom” (dans la liste) ? Plusieurs hypothèses. La plus charitable imagine ces tics sincères répétés pour le simple plaisir de les dire. L’hypothèse sophistique, elle, verrait dans ces sentences une éloquence demi-habile, une rhétorique visant à en mettre plein les oreilles, quitte à ne rien dire. Gorgias, un célèbre sophiste chez Platon, dit ainsi qu’“il n’y a pas de domaine où le verbe de l’orateur n’arrive à persuader plus sûrement que tout autre technicien pris dans n’importe quel secteur, devant la foule. Telle est la puissance, dans toute son étendue et toute sa pointe, qui est celle de notre métier.” Où se mêle le plaisir de parler à celui de convaincre. Une interprétation à la Bourdieu y repérerait, enfin, le fruit d’une (dé)formation scolaire ou professionnelle, en l’occurrence la marque d’un idiolecte technocratique. Comme l’écrit le sociologue dans Langage et pouvoir symbolique (1991) : “Parler, cest sapproprier lun ou lautre des styles expressifs déjà constitués dans et par lusage et objectivement marqués par leur position dans une hiérarchie des styles qui exprime dans son ordre la hiérarchie des groupes correspondants.” Autrement dit, sur le “marché linguistique” certains usages offrent un “un profit de distinction.”

La précaution d’usage pour les expressions devrait-elle valoir aussi pour les citations ? Emmanuel Macron n’en est en tout cas pas avare, et son discours s’est fini dans un florilège philosophique. Paul Valéry convoqué pour rappeler que “nos civilisations sont mortelles”. Peter Sloterdijk et son actuel cours au Collège de France montrant que “l’Europe pense son déclin, doute d’elle-même”. Albert Camus écrivant dans ses Lettres à un ami allemand que “notre Europe est une aventure commune que nous continuons à faire malgré vous dans le vent de l’intelligence”. Voltaire rencontrant Gramsci, car “c’est difficile d’être optimiste – c’est peut-être même pour certains une question de crédibilité –, je le sais. Mais c’est une forme d’optimisme, de la volonté.” Hannah Arendt, enfin, ça ne mange pas de pain et c’est toujours bien pour conclure, dans Condition de l’homme moderne : “Contre l’imprévisibilité, contre la chaotique incertitude de l’avenir, le remède se trouve dans la faculté de faire et de tenir des promesses.” Est-ce ainsi qu’on caracole en tête des sondages ? »

Arendt, ça mange pas de pain
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26.04.2024 à 16:00

“Manon Lescaut”, Proust, “Les Hauts de Hurlevent” : le “male gaze” dans la littérature

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“Manon Lescaut”, Proust, “Les Hauts de Hurlevent” : le “male gaze” dans la littérature nfoiry

Après Hélène Frappat, qui analysait pour nous l’hégémonie du regard masculin dans le cinéma hollywoodien en partant de scènes de films iconiques, Sarah Delale, Élodie Pinel et Marie-Pierre Tachet, co-autrices de Pour en finir avec la passion. L’abus en littérature (Amsterdam, 2023) traquent le male gaze dans la littérature. Une relecture féministe et décapante de Manon Lescaut, d’À la recherche du temps perdu et des Hauts de Hurlevent.

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“Manon Lescaut”, de l’Abbé Prévost

L’extrait

« J’avais marqué le temps de mon départ d’Amiens. Hélas ! que ne le marquais-je un jour plus tôt ! j’aurais porté chez mon père toute mon innocence. La veille même de celui que je devais quitter cette ville, étant à me promener avec mon ami, qui s’appelait Tiberge, nous vîmes arriver le coche d’Arras, et nous le suivîmes jusqu’à l’hôtellerie où ces voitures descendent. Nous n’avions pas d’autre motif que la curiosité. Il en sortit quelques femmes, qui se retirèrent aussitôt. Mais il en resta une, fort jeune, qui s’arrêta seule dans la cour, pendant qu’un homme d’un âge avancé, qui paraissait lui servir de conducteur, s’empressait pour faire tirer son équipage des paniers. Elle me parut si charmante que moi, qui n’avais jamais pensé à la différence des sexes, ni regardé une fille avec un peu d’attention, moi, dis-je, dont tout le monde admirait la sagesse et la retenue, je me trouvai enflammé tout d’un coup jusqu’au transport. J’avais le défaut d’être excessivement timide et facile à déconcerter ; mais loin d’être arrêté alors par cette faiblesse, je m’avançai vers la maîtresse de mon cœur. Quoiqu’elle fût encore moins âgée que moi, elle reçut mes politesses sans paraître embarrassée. Je lui demandai ce qui l’amenait à Amiens et si elle y avait quelques personnes de connaissance. Elle me répondit ingénument qu’elle y était envoyée par ses parents pour être religieuse. L’amour me rendait déjà si éclairé, depuis un moment qu’il était dans mon cœur, que je regardai ce dessein comme un coup mortel pour mes désirs. Je lui parlai d’une manière qui lui fit comprendre mes sentiments, car elle était bien plus expérimentée que moi. C’était malgré elle qu’on l’envoyait au couvent, pour arrêter sans doute son penchant au plaisir, qui s’était déjà déclaré et qui a causé, dans la suite, tous ses malheurs et les miens. »
— “Histoire du chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut”, de l’Abbé Prévost (1731).

 

Le commentaire d’Élodie Pinel : « La chronique d’un malentendu »

Ce passage est décisif pour comprendre ce qu’est le male gaze. L’Histoire du chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut est un récit enchâssé dans un autre récit, celui des Mémoires d’un homme de qualité. L’homme de qualité en question rencontre un jeune homme, Des Grieux, qui lui fait le récit de ses malheurs. Nous sommes donc en focalisation interne et adoptons un point de vue partiel, et partial, sur l’histoire d’un couple. Mais bientôt cette subjectivité est oubliée tant nous tombons sous le charme du récit du chevalier. Sa version est la seule à laquelle on ait accès : elle doit être la seule juste ! 

“Jamais le point de vue du personnage de Manon n’est adopté”

 

Jamais le point de vue du personnage de Manon n’est adopté. Dès lors, ce que Des Grieux suppose, du haut de ses 16 ans, à la vue d’une toute jeune fille, à savoir qu’elle aurait un « penchant au plaisir », est pris pour argent comptant, alors qu’il ne s’agit que d’une supposition (« sans doute »). Qui plus est, le récit de l’homme victime du coup de foudre est pris au pied de la lettre, alors qu’on observe, à y lire de plus près, que c’est lui qui s’approche de la jeune fille, que c’est lui qui l’entreprend et qui « lui parl[e] d’une manière qui lui [fait] comprendre [s]es sentiments ». Ce n’est à aucun moment elle qui l’allume, l’accoste ou le racole ! Que la toute jeune fille soit « plus expérimentée » que le chevalier, de deux ans son aîné, n’est pas davantage démontré. Le seul crime de Manon ? Être plus jolie que « les autres » et ne pas « paraître » embarrassée d’être accostée par un jeune homme. 

Tout au long de l’intrigue, Des Grieux multiplie les faux pas et les transgressions (il ne cherche pas à épouser Manon, il ne subvient pas à leurs besoins, il triche au jeu, envisage de la prostituer, tue quelqu’un...) ; mais c’est toujours Manon, dans son discours, la coupable, et ce même lorsqu’il lui suppose, à tort, des liaisons ! Si vous en doutez, relisez l’oeuvre… L’Histoire du chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut est marqué du sceau du male gaze et de la masculinité toxique. Ainsi que nous avons intitulé notre chapitre à son sujet, il est la « chronique d’un malentendu ».


“À la recherche du temps perdu”, de Marcel Proust

L’extrait

« Des races, des atavismes, des vices reposaient sur son visage. Chaque fois qu’elle déplaçait sa tête, elle créait une femme nouvelle, souvent insoupçonnée de moi. Il me semblait posséder non pas une, mais d’innombrables jeunes filles. Sa respiration peu à peu plus profonde soulevait régulièrement sa poitrine et, par-dessus elle, ses mains croisées, ses perles, déplacées d’une manière différente par le même mouvement, comme ces barques, ces chaînes d’amarre que fait osciller le mouvement du flot. Alors, sentant que son sommeil était dans son plein, que je ne me heurterais pas à des écueils de conscience recouverts maintenant par la pleine mer du sommeil profond, délibérément je sautais sans bruit sur le lit, je me couchais au long d’elle, je prenais sa taille d’un de mes bras, je posais mes lèvres sur sa joue et sur son cœur, puis sur toutes les parties de son corps posais ma seule main restée libre et qui était soulevée aussi, comme les perles, par la respiration d’Albertine ; moi-même, j’étais déplacé légèrement par son mouvement régulier : je m’étais embarqué sur le sommeil d’Albertine. Parfois, il me faisait goûter un plaisir moins pur. Je n’avais besoin pour cela de nul mouvement, je faisais pendre ma jambe contre la sienne, comme une rame qu’on laisse traîner et à laquelle on imprime de temps à autre une oscillation légère, pareille au battement intermittent de l’aile qu’ont les oiseaux qui dorment en l’air. Je choisissais pour la regarder cette face de son visage qu’on ne voyait jamais, et qui était si belle. On comprend, à la rigueur, que les lettres que vous écrit quelqu’un soient à peu près semblables entre elles et dessinent une image assez différente de la personne qu’on connaît pour qu’elles constituent une deuxième personnalité. Mais combien il est plus étrange qu’une femme soit accolée, comme Rosita à Doodica, à une autre femme dont la beauté différente fait induire un autre caractère, et que pour voir l’une il faille se placer de profil, pour voir l’autre face. Le bruit de sa respiration devenant plus fort pouvait donner l’illusion de l’essoufflement du plaisir et quand le mien était à son terme, je pouvais l’embrasser sans avoir interrompu son sommeil. Il me semblait à ces moments-là que je venais de la posséder plus complètement, comme une chose inconsciente et sans résistance de la muette nature. Je ne m’inquiétais pas des mots qu’elle laissait parfois échapper en dormant, leur signification m’échappait, et, d’ailleurs, quelque personne inconnue qu’ils eussent désignée, c’était sur ma main, sur ma joue, que sa main, parfois animée d’un léger frisson, se crispait un instant. Je goûtais son sommeil d’un amour désintéressé et apaisant, comme je restais des heures à écouter le déferlement du flot. Peut-être faut-il que les êtres soient capables de vous faire souffrir beaucoup pour que, dans les heures de rémission, ils vous procurent ce même calme apaisant que la nature. »
— « La Prisonnière », dans « À la recherche du temps perdu », de Marcel Proust (éd. P. Clarac et A. Ferré, « La Pléiade », t. II, Gallimard, 1954, p. 72-73). 

 

Le commentaire de Sarah Delale : “L’esthétisation d’un viol”

« La Prisonnière » raconte la relation du narrateur d’À la recherche du temps perdu avec Albertine, qu’il a invité chez lui à Paris. Ce passage du roman illustre ce que permet le male gaze sur le plan du style et du récit. L’extrême soin porté à l’écriture permet d’esthétiser des comportements implicitement connotés comme négatifs ou répréhensibles, et de les dédouaner auprès du public en manipulant son attention et son plaisir esthétique. Le narrateur raconte comment il profite du sommeil profond d’Albertine pour l’embrasser, l’attoucher et parfois se masturber contre elle à son insu. Les événements sont décrits du seul point de vue du narrateur, qui ne s’intéresse pas à Albertine à proprement parler. Le texte a justement pour but de retirer à Albertine son essence humaine et, avec elle, toute possibilité de revendiquer les droits humains qui lui reviennent (ou que le public pourrait, par empathie, défendre à son égard). Le narrateur souligne le soulagement qu’il éprouve à ne plus se trouver confronté à des « écueils de conscience », c’est-à-dire à un être complet qui pourrait lui opposer une résistance, ou qui manifesterait une indépendance existentielle. Car les seuls moments d’accalmie qu’éprouve le narrateur à l’égard d’Albertine sont ceux où il la possède « comme une chose inconsciente et sans résistance de la muette nature ». Le passage est traversé par le lexique et les lieux communs associés au viol : l’absence de résistance, le désintérêt pour la parole de l’autre, les euphémismes qui renvoient à l’acte sexuel (« sur toutes les parties de son corps », « goûter un plaisir moins pur »), la comparaison de la jeune fille endormie à un enfant exploitable ou au cliché de la femme exotique ayant une libido débridée : Rosita et Doodica, deux jumelles siamoises nées en Inde, avaient été exhibées adolescentes au Cirque Barnum comme des monstres de foire. L’allusion fonctionne par connivence ; elle vise à faire sourire le public qui sait lire entre les lignes, et qui sera flatté d’avoir perçu un sens second, plus subtil, sous un discours premier, simplement allusif. 

“La métaphore maritime donne à la victime inconsciente un rôle actif”

 

Le point de vue adopté détourne l’attention du contenu du passage : embrasser, attoucher une personne inconsciente et se masturber contre elle justement parce qu’elle est inconsciente. Le tour de force esthétique consiste à déguiser presque entièrement ce contenu dans une métaphore marine. L’effet du sommeil sur le corps d’Albertine, comparé au mouvement de la marée, permet d’introduire des réflexions métaphysiques sur le sommeil, sur les rapports entre un être humain inconscient et les éléments marins : barques sur l’eau, chaînes d’amarre oscillantes, rames qui traînent à la surface. Cette réflexion acquiert une dimension esthétique au carré parce qu’elle en croise une autre, sur la difficulté à saisir l’identité des êtres humains à travers les manifestations qu’ils donnent d’eux-mêmes. La multiplication des profils et des identités d’Albertine fait penser aux tableaux du cubisme ou au Nu descendant un escalier de Marcel Duchamp. Le propos esthétique (comment voit-on le réel ?) prend le pas sur ce dont il parle : une femme qui devient un objet sexuel lorsqu’elle dort parce qu’elle dort. 

Lorsque Gertrude Stein s’était montrée surprise par l’absence de ressemblance dans le portrait que Picasso avait fait d’elle, Picasso lui avait répondu qu’elle n’avait pas à s’en soucier, car elle et son portrait finiraient bien par se ressembler (L’Aventure de l’art au XXe siècle, paru sous la direction de Jean-Louis Ferrier aux éditions du Chêne, 1999). Le narrateur, lui aussi, s’emploie à annuler tout signe d’existence d’Albertine qui soit extérieur à son propre regard. Avant de se masturber contre elle, il la viole par le regard. Il utilise son point de vue et ses références culturelles pour lui refuser toute existence en tant qu’être plein, capable de volition et de jugement : cette indépendance d’existence, il la ramène à « des races, des atavismes, des vices ». Ces termes, connotés ségrégativement, ont entre-temps fait l’objet d’un tabou social lié à la lutte contre l’exclusion, le racisme, la discrimination et les crimes de haine. Leur présence dans un texte que l’on ressent comme principalement esthétique crée un léger malaise, heureusement vite balayé par le rythme des phrases. On pense : c’était dans l’air du temps, on condamne et on pardonne avec bonhomie, mais on reconnaît au moins un écart entre ces valeurs morales et les nôtres. Il n’en est pas vraiment de même pour la violence sexuelle dont le texte témoigne. Notre époque a encore du mal à sacrifier l’art pour le sens, l’artiste pour l’homme. Pourtant, l’écriture manipule et déforme volontairement les informations qu’elle transmet. La métaphore maritime, s’embarquer dans le sommeil d’Albertine, permet de placer l’acteur de la violence sexuelle dans un rôle d’objet ; elle donne à la victime inconsciente un rôle actif. C’est elle, la mer et la marée ; c’est elle, la responsable du mouvement sur lequel le narrateur cale les frottements de son sexe. C’est elle, comme si elle l’avait voulu, comme si elle pouvait, devait « donner l’illusion de l’essoufflement du plaisir ». Fantasme de violeur que celui de la victime faussement opposée, secrètement jouisseuse, qui à la fois ne puisse pas consentir et consente sans savoir. Le « plaisir moins pur » que goûte le narrateur, il le reconnaît et l’excuse par ce seul euphémisme, un adjectif en structure comparative qui l’absout suffisamment : il jouit du fait qu’il transgresse. L’insistance sur l’absence de réponse d’Albertine, sur le désintérêt pour les mots qu’elle prononce dans son sommeil, montre qu’on est face à une apologie indirecte du sexe sans consentement. L’agression sexuelle et le viol sont normalisés sous couvert de recherche esthétique et de réflexion métaphysique.


“Les Hauts de Hurlevent”, d’Emily Brontë

L’extrait

« C’est par une illusion qu’elle a abandonné tout cela, dit-il. J’étais à ses yeux un héros de roman et elle attendait de moi, après mon empressement chevaleresque, une indulgence illimitée. Je ne peux croire qu’elle ait toute sa raison, tant elle s’entête à se former une notion chimérique de mon caractère et à agir suivant la fausse impression qu’elle a laissé grandir. Mais, enfin, je crois qu’elle commence à me connaître. Je ne vois plus les sourires stupides et les grimaces qui m’ont agacé au début et je ne remarque plus cette sotte incapacité de me prendre au sérieux lorsque je lui dis ce que je pense d’elle et de sa folle passion. Il lui a fallu un admirable effort de perspicacité pour découvrir que je ne l’aimais pas. J’ai cru quelque temps que rien ne pourrait le lui apprendre. Et encore l’a-t-elle médiocrement appris, car, ce matin, elle m’a annoncé comme une nouvelle effarante que j’étais arrivé actuellement à me faire haïr d’elle ! Un vrai travail d’Hercule, je vous assure. S’il était acquis, j’en rendrais grâces. Puis-je croire votre affirmation, Isabelle ? Êtes-vous sûre de me détester ? Si je vous laisse seule une demi-journée, ne viendrez-vous pas de nouveau à moi avec des soupirs et des cajoleries ? J’ai idée qu’elle aurait préféré que je me montre tendre devant vous, car cela blesse sa vanité de voir la vérité divulguée. Mais peu m’importe si l’on sait que l’amour était d’un seul côté, je ne lui ai jamais menti à ce sujet. Elle ne peut m’accuser d’avoir simulé la plus petite marque de tendresse. La première chose qu’elle m’a vu faire en quittant la Grange a été de pendre sa petite chienne, et, lorsqu’elle m’a supplié de l’épargner, mes premiers mots ont été pour souhaiter de pendre tous les êtres qui l’entouraient, à l’exception d’un seul. Il est possible qu’elle ait pris pour son compte cette exception. Mais aucune brutalité ne l’éloignait de moi. Je suppose que cela excitait en secret son admiration, du moment que sa précieuse personne était à l’abri. Et dites-moi si ce n’était pas le comble de l’absurdité, une pure idiotie de la part de cette créature pâle et falote de croire que je pourrais l’aimer ? Que votre maître le sache, Nelly, je n’ai jamais rencontré de toute ma vie quelque chose de si abject qu’elle. Elle déshonore même le nom de Linton et quelquefois j’ai dû arrêter, par simple manque d’invention, les expériences que je faisais sur son écœurante passivité et sa lâcheté. »
— « Hurlevent » (« Wuthering Heights », 1847), d’Emily Brontë (édition de Raymond Bellour, traduction de Jacques et Yvonne de Lacretelle, préface de Patti Smith, « Folio classique », Gallimard, 2015, p. 235-236). 

 

Le commentaire de Marie-Pierre Tachet : « Une mise en garde contre les illusions »

Ces paroles d’Heathcliff répondent à Nelly, l’une des narratrices du roman, venue lui demander de mieux traiter sa jeune épouse, Isabella Linton. Nelly essaie de montrer à Heathcliff qu’il doit ce respect à Isabella qui a tout abandonné pour le suivre, prouvant ainsi son amour. Heathcliff rétorque que les sentiments de la jeune femme ne sont pas réels, qu’elle s’est fait un roman et qu’elle aurait pu remarquer sa méchanceté avant de l’épouser. Cette scène, bien sûr, témoigne de la cruauté du personnage, qui retourne la culpabilité contre Isabella alors qu’il a sciemment utilisé son esprit romanesque pour l’épouser. Cette union fait partie de sa vengeance contre les Earnshaw et les Linton. 

Les propos d’Heathcliff ont un intérêt supplémentaire : ils décrivent le comportement de nombreuses lectrices qui voient en Heathcliff un amant ténébreux. Comme Isabella, elles ignorent les manifestations de sa cruauté ou pensent qu’elles en seront préservées grâce à l’amour. Les romans en effet, à commencer par Jane Eyre écrit par Charlotte Brontë, la sœur aînée d’Emily, présentent souvent des mauvais garçons qui deviennent des princes charmants. Et Heathcliff lui-même affirme qu’il ne traitera pas Catherine Earnshaw comme les autres. Lydie Salvayre raconte dans 7 Femmes (Perrin, 2013 ; reprise en poche « Points », Seuil, 2014) comment la lecture d’Hurlevent l’a bouleversée ainsi que ses camarades de pension. Elles décident de rompre avec leurs « petits amoureux du dimanche ». Ces derniers leurs semblent trop gentils, trop « fades », trop « gauches » pour être des protagonistes du « grand amour » dont elles rêvent ; ils ne sont que des « béguins ». Elles veulent un « Heathcliff passionné, excessif, sexy à mort ». Qui est cet Heathcliff ? Il a les traits d’une star du cinéma, le caractère de la jeune Lydie Salvayre et les attributs de l’amant idéal. Ce n’est pas le personnage d’Emily Brontë mais un Heathcliff recomposé et idéalisé, « une notion chimérique » pour reprendre les propos d’Heathcliff. Elles rêvent d’être Catherine, le seul être vivant qu’Heathcliff ne veut pas pendre. Mais elles ne parviennent en fait qu’à être Isabella. 

“Heathcliff fait d’Isabella la coupable des maltraitances qu’il lui fait subir”

 

L’écrivaine britannique Samantha Ellis raconte elle aussi dans son essai How To Be a Heroine (Chatto & Windus, 2014 ; inédit en français) le choc de cette découverte. Elle relisait le roman de Brontë tous les ans depuis ses 12 ans, rêvant à son « moment Cathy », son « avalanche d’amour ». Mais en voulant être Catherine dans la réalité, elle n’est parvenue qu’à être l’Isabella du roman : pas de grande histoire d’amour à raconter, seulement des échecs et des déceptions amoureuses. Accuser ces lectrices de naïveté reviendrait à adhérer au discours d’Heathcliff qui fait d’Isabella la coupable des maltraitances qu’il lui fait subir. Personne ne veut être Isabella, comme le remarque Samantha Ellis. C’est un personnage secondaire, maltraité. Pourtant, son expérience est édifiante. Lorsqu’elle comprend qu’Heathcliff ne changera pas, elle songe à mourir, mais son instinct de survie est plus fort, et elle s’enfuit, sans aucune aide. « Je suis guérie de mon ancien désir d’être tuée par lui », conclut Isabella, qui prend son destin en main et s’en va. On peut aussi voir dans les paroles d’Heathcliff une clé pour lire Hurlevent. C’est un roman qui met en garde contre les relations amoureuses reposant non pas sur un amour véritable mais sur des illusions. Sur les cinq couples apparaissant dans le roman, quatre échouent, et ce sont ceux qui reposent sur des illusions (Catherine Earnshaw et Heathcliff, Catherine Earnshaw et Edgar Linton, Isabella Linton et Heathcliff, Catherine Linton et Linton Heathcliff).

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26.04.2024 à 16:00

La main est-elle notre second visage ? Réflexions autour des photographies d’Hannah Assouline

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La main est-elle notre second visage ? Réflexions autour des photographies d’Hannah Assouline nfoiry

La photographe Hannah Assouline publie Des visages et des mains (Éditions Herscher), livre qui rassemble 150 images de visages d’écrivains et de philosophes. Originalité : ces portraits sont accompagnés de clichés de leurs mains, suscitant le trouble et l’interrogation sur les liens entre ces deux parties du corps. Pour approfondir cette réflexion, nous avons demandé au philosophe Emmanuel Housset, auteur de l’essai Le Don des mains (Lessius, 2019), de commenter cinq de ces images. 

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La main, ressort de notre humanité

« Des visages et des mains, le très beau livre d’Hannah Assouline qui rassemble 150 portraits des visages et des mains d’écrivains et de philosophes, confirme l’intuition philosophique qui est la mienne : la main – celle de l’écrivain, du philosophe comme de chacun d’entre nous – est bien plus qu’un outil, c’est l’un des ressorts de notre humanité. Aristote le disait déjà. À Anaxagore qui prétendait que c’est “parce qu’il a des mains que l’homme est le plus intelligent des animaux”, Aristote opposait que “l’homme a des mains parce qu’il est le plus intelligent” (Les Parties des animaux, 686a-686b). Au schéma évolutionniste de l’animal-humain qui, en se redressant en position verticale, aurait libéré deux de ses jambes de leur fonction de porter le corps et permis à l’outil-main, ainsi libéré, de se mettre en place, Aristote oppose l’idée que les mains sont traversées dès le départ d’une dimension spirituelle. Comme le dira Hegel : les mains sont, comme le corps tout entier d’ailleurs, “l’être-là de l’esprit”. Qu’est-ce qui distingue la main d’une hache ou d’un stylo ? demande encore saint Thomas d’Aquin. La hache est un outil dont nous pouvons tous nous saisir, alors que la main est un outil propre dont je suis le seul à avoir l’usage et qui est l’expression directe de mon agir et de ma liberté. Elle est à soi, intérieure au corps, mais en même temps ouverte à tous les usages, capable d’apprendre : à écrire, à faire la vaisselle ou du piano, à conduire un vélo ou une voiture… Et à donner. 

“Au contact des mains, la distinction classique entre l’action et la contemplation s’estompe”

 

Par ailleurs, tout le monde n’a pas les mêmes mains, et les mains sont façonnées par l’histoire. Celles de l’écrivain ne sont pas celles du paysan qui travaille la terre ou celles du boucher qui ouvre les corps ou encore du médecin qui les soigne. Au contact des mains, la distinction classique entre l’action et la contemplation s’estompe. Quand mes mains touchent celle d’un autre ou quand ma main droite touche ma main gauche, une réflexion charnelle se met en place. Dans les pas de Levinas, on peut aussi évoquer le fait de tendre la main et de donner une poignée de main, comme la naissance du geste éthique. En dépit de l’expression, la poignée de main ne s’approprie pas ce qu’elle saisit, elle reste ouverte à autrui sans le saisir. Ma main n’est pas un crochet qui saisit l’autre, elle fait l’expérience de la dimension insaisissable de l’autre au moment même où elle entre en contact avec lui. Elle est touchée et touchante. Au contraire, si elle s’empare violemment de la main de l’autre, ce n’est alors plus autrui qu’elle rencontre, c’est une chose dont elle se saisit. La main est donc plus que le véhicule du geste éthique, elle est son expression directe. »


 Le visage et les mains de l’écrivain israélien Aharon Appelfeld photographiées par Hannah Assouline. © Hannah Assouline/éditions Herscher.
Le visage et les mains de l’écrivain israélien Aharon Appelfeld photographiées par Hannah Assouline. © Hannah Assouline/éditions Herscher.

Les mains d’Aharon Appelfeld : un abri pour l’espérance

« Le visage de l’écrivain israélien, rescapé de la Shoah, est très ouvert : avec sa casquette, il a quelque chose d’un peu prolétaire, il n’apparaît pas comme un intellectuel. Et il y a une correspondance très étonnante avec ses mains qui ne sont pas torturées ni angoissées, mais sereinement posées l’une sur l’autre, à la fois fortes et fragiles. On dirait que les deux paumes forment un espace protégé dans lequel ces deux mains ont pourtant écrit ce qu’il y a de pire dans l’humanité, l’extermination criminelle de millions de personnes. Il ne suffit pas de dire que ces mains sont marquées par le temps, avec les rides et les taches de rousseur. Car ce serait porter un regard de dermatologue. Mais ces mains semblent porter une histoire. Comme nous avons deux yeux, nous avons deux mains, la droite et la gauche, qui tout en étant très proches, ne sont jamais les mêmes : l’une est plus agile et plus habile que l’autre. Elles ne fusionnent pas, mais sont en dialogue constant. Ce dialogue nous fait comprendre qu’être soi, ce n’est pas être transparent à soi, mais traversé par une faille. Comme l’a bien montré Maurice Merleau-Ponty, quand une main touche l’autre, on ne sait jamais laquelle est touchante et laquelle est touchée. Qui touche et qui est touché ? Alors que dans la vision, on peut avoir le fantasme que les vues propres à chaque œil se recoupent parfaitement en un seul spectacle – en oubliant qu’on a deux yeux –, c’est impossible avec les mains. C’est ce que m’évoquent les deux mains d’Appelfeld, cette distance à soi au cœur de la coïncidence avec soi et cette espérance à l’abri de leurs paumes. »


Le visage et les mains du poète Yves Bonnefoy photographiées par Hannah Assouline. © Hannah Assouline/éditions Herscher.
Le visage et les mains du poète Yves Bonnefoy photographiées par Hannah Assouline. © Hannah Assouline/éditions Herscher.

Les mains d’Yves Bonnefoy : dans les veines de la matière

« Les mains de l’écrivain, comme de tout artisan, expriment le travail et l’œuvre. Ces mains ont fait une œuvre. On voit cette œuvre en surimpression dans ces mains. Mais on voit aussi l’avenir de l’œuvre. Ce n’est pas un mémorial. La poésie est un labeur, celui de retourner le champ des significations. Certes Bonnefoy n’est plus là, il est mort, aujourd’hui. Mais ces mains que nous voyons ont été prises dans le passé. Et ce que nous voyons à travers elles, ce sont aussi des projets d’écriture, des possibilités d’écriture. Leur situation sur la table en bois est intéressante : elles sont en contact avec les choses, avec la matérialité du bois. Et les veines du bois rappellent un peu celles de la main : les lignes du bois, des mains circulent l’une dans l’autre. Comme si l’organique et l’inorganique communiquaient chez ce poète qui est un penseur de la matérialité des choses. 


Le visage et les mains du poète André du Bouchet photographiées par Hannah Assouline. © Hannah Assouline/éditions Herscher.
Le visage et les mains du poète André du Bouchet photographiées par Hannah Assouline. © Hannah Assouline/éditions Herscher.

Les mains d’André du Bouchet : un raccourci de l’histoire de l’humanité. 

« Voici des mains méditantes, qui semblent tendre vers le stylo de l’écrivain. La photographie est très étonnante. II y a comme un système ouvert : les deux mains sont à côté d’un silex et des feuilles d’un tapuscrit, corrigé manuellement. L’écrivain a travaillé son texte. Les mains viennent de le retravailler peut-être. Le silex, qui est le premier outil, fait face au stylo, qui est peut-être, avant l’écran, le dernier outil de l’homme. Comme si la photo nous proposait un formidable raccourci de toute l’histoire de l’humanité. À quoi s’ajoute le pull de l’écrivain, très épais, dans une pièce qui doit être fraîche, donc. La poésie de du Bouchet est une poésie difficile, pleine de silence, marquée par la pensée d’Hölderlin. Tout cet univers semble imprégner l’espace de cette photographie. C’est du grand art ! »


Le visage et les mains du philosophe Emmanuel Levinas photographiées par Hannah Assouline. © Hannah Assouline/éditions Herscher.
Le visage et les mains du philosophe Emmanuel Levinas photographiées par Hannah Assouline. © Hannah Assouline/éditions Herscher.

Les mains d’Emmanuel Levinas : des mains qui donnent le temps. 

« Levinas a beaucoup écrit et pensé sur les mains. C’est un thème permanent de son œuvre. Il soutient qu’une main d’une sculpture de Rodin… est un visage. Car le visage, ce n’est justement pas la figure plastique de l’individu, c’est une expérience éthique, la rencontre de l’Autre. Aussi les mains peuvent être visage au sens de l’être tourné vers nous de l’homme. Or les mains de Levinas sont un peu des mains… de travailleurs. Il a des doigts épais, comme un travailleur manuel. Ce sont des mains dont on sent qu’elles ont beaucoup œuvré. Elles semblent prendre appui davantage qu’elles ne se reposent. Elles maintiennent le corps presque en équilibre, dans une forme de verticalité. Il n’est pas assis, il n’est pas au repos. Il est dans la verticalité. Oui, il se tient debout. Et les mains sont à la fois un appui et une appréhension du monde. 

“La main est une autre forme de présence, elle nous donne le temps”

 

Les mains permettent de se tenir et d’appréhender le monde, en même temps. Tandis que la montre nous indique que le temps du jour est donné par la main. La main est une autre forme de présence, elle nous donne le temps. Le visage de Levinas exprime, lui, de la gravité. C’est la gravité de quelqu’un qui a tenté d’exprimer les profondeurs de l’âme humaine, du mal et de la sainteté, de l’épreuve du monde, de la terrible épreuve du monde. Mais gravité ne veut pas dire désespoir. Il y a de la lumière dans ses yeux, de l’espérance. Si le passé est un cauchemar, l’avenir n’est pas tout noir. Enfin, son costume-cravate, sa décoration et le décorum autour de lui semblent signifier qu’il faut être capable de voir le prochain avec son regard accueillant derrière la fonction, ici celle du philosophe responsable de son œuvre. » 


Le visage et les mains de la romancière Leïla Slimani photographiées par Hannah Assouline. © Hannah Assouline/éditions Herscher.
Le visage et les mains de la romancière Leïla Slimani photographiées par Hannah Assouline. © Hannah Assouline/éditions Herscher.

Les mains de Leïla Slimani : la douceur et la violence

« L’écrivaine est assise, souriante, les mains posées sur une table avec un bouquet de fleurs. Tandis que ses mains sont perpendiculaires sur la première photo, sur la seconde, une seule main apparaît avec une montre. Ces deux images sont très expressives. Le gros plan sur la main droite, avec les veines, nous indique dans quel état d’esprit sont les deux mains sur la table : énergiques, vibrantes, elles semblent désireuses de dialoguer entre elles. Ce sont des mains très expressives. Des mains de femme, fines, belles, singulières en tout cas. Volontaires, aussi. Et on ne peut s’empêcher de penser au roman de Leila Slimani, Chanson douce, quand on voit ces mains-là. On n’oublie pas un tel roman, la violence qui s’exprime à travers une apparence de douceur. C’est exactement ce qu’exprime cette main. »

À LIRE
Des visages et des mains. 150 portraits d’écrivains, d’Hannah Assouline, vient de paraître paru aux éditions Herscher, avec une préface de Jérôme Garcin (192 p., 27 €).
Le Don des mains. Phénoménologie de l’incorporation, d’Emmanuel Housset, a paru aux éditions Lessius (288 p., 25 €).
Vous pouvez aussi retrouver le travail de la photographe Hannah Assouline sur son site.

La main est-elle notre second visage ? Réflexions autour des photographies d’Hannah Assouline
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