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25.04.2025 à 13:47

France-Algérie : « Nous sommes les enfants de parents divorcés »

Kamélia Ouaïssa
Alors que la France et l’Algérie n’en finissent plus d’entretenir des relations belliqueuses, plusieurs millions de citoyens, des deux côtés de la Méditerranée, sont pris en otage par des dirigeants qui semblent plus animés par des enjeux de politique intérieure que de politique étrangère.
Texte intégral (1279 mots)

Alors que la France et l’Algérie n’en finissent plus d’entretenir des relations belliqueuses, plusieurs millions de citoyens, des deux côtés de la Méditerranée, sont pris en otage par des dirigeants qui semblent plus animés par des enjeux de politique intérieure que de politique étrangère.

Les enfants de la République d’origine algérienne, bien que directement concernés, sombrent dans l’oubli face aux tensions diplomatiques des deux pays. Parmi eux, les descendants d’immigrés algériens, plus de 1,2 millions, vivent en France. Benjamin Stora, historien français né en Algérie, estimait que plus de cinq millions de personnes vivant en France ont un lien direct avec l’Algérie. Entre questionnement identitaire et craintes des conséquences des frictions diplomatiques, loin d’un récit figé et déconnecté, les Franco-Algériens expriment un ressenti profond sur l’état des deux pays.


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Cette fracture ravive un sentiment d’implication intime, bien au-delà du champ diplomatique. « Les enfants de deux parents divorcés » : c’est l’image que beaucoup de bi-nationaux utilisent pour décrire ce qu’ils ressentent. C’est ce qu’explique Rayane, artiste réalisateur de 31 ans, peu importe de quel côté de la méditerranée on vit, l’implication reste la même : « Je me sens très concerné à partir du moment où ça attaque les Algériens, ça attaque aussi les Algériens d’origine ».

Si elle ne vit pas en Algérie, Inès, étudiante, âgée de 23 ans, entretient un lien fort avec ses racines et confie ressentir « une forte tristesse ». « Ce que j’entends me donne envie de réagir, de défendre, de corriger l’image que l’on renvoie », explique l’étudiante. Un traitement médiatique qu’elle juge « froid et partial », contribuant à « invisibiliser les histoires familiales ». À l’instar d’Ines, Rayane déplore même que ce traitement médiatique l’a douloureusement éloigné de son « côté français » même s’il « refuse catégoriquement de s’imposer un choix ». Il évoque notamment les polémiques du ministre de l’intérieur ou encore la suspension de Michel Apathie sur RTL. 

Une réalité médiatique qui, au-delà de la peine, inquiète. Wassila, 56 ans, est mère de quatre enfants binationaux. Elle est arrivée en France à l’âge de sept ans. Pour elle, cette situation est inquiétante à plusieurs niveaux : « J’ai peur qu’il y ait des représailles. Que mes fils soient stigmatisés pour travailler ou voyager. » Ce ressenti est également exprimé par Lilia, 32 ans, chercheuse et mère de trois garçons pour qui les démarches administratives relèvent désormais de la protection face à un avenir incertain : « Avant on faisait nos papiers et ceux de nos enfants parce que c’était important mais aujourd’hui on en est à penser que c’est aussi une sécurité de leurs faire. »

L’impression de devoir choisir

Nombreux racontent un malaise bien plus intime que politique : celui d’être sommé, parfois implicitement, de choisir un camp. Pour Abdenour, « on nous a toujours demandé de choisir entre nos deux pays comme si notre identité devait être exclusive à une seule nationalité ». Sa parole résonne avec celle d’Inès, dont le père est Algérien et la mère Française – contrairement aux autres dont les foyers sont composés de parents de même nationalité. Elle dit regretter la difficulté de pouvoir être les deux à la fois : « C’est comme si le fait d’être attachée à la fois à l’Algérie et à la France, c’était contradictoire. On me donne parfois l’impression qu’il faut se justifier, qu’il faut prouver sa loyauté à l’un ou à l’autre. »

Mais si cette situation est douloureuse pour certains, elle devient pour d’autres un moteur de recherche, de compréhension, de réappropriation. C’est ce qui a permis à Sarah, étudiante de 22 ans, d’en apprendre davantage sur son histoire familiale et nationale. « Avec la situation actuelle je me suis beaucoup renseigné et aspire même à m’y rendre parce que je souhaite me connecter plus à ma culture algérienne en plus celle française », explique-t-elle. Une démarche partagée par Rayane, qui affirme « ne jamais s’être autant intéressé à sa part d’algérianité que depuis que l’actualité est véhémente ». Pour Lilia, cette quête identitaire s’inscrit dans l’éducation qu’elle transmet à ses enfants : « J’essaye de faire en sorte qu’ils soient dans une co identité apaisée. Je veux qu’ils comprennent qu’ils sont à la fois chez eux ici et là-bas, plutôt que chez eux ni ici ni là-bas, ce avec quoi nous on a grandi. » Mais cette situation, aussi difficile soit-elle, devient parfois un moteur de réflexions et de solutions pour sortir de ces tensions. 

Cette génération : outil d’apaisement des tensions ?

Une piste de réflexion revient avec insistance chez les plus jeunes issus de cette double culture : et si la solution passait par eux-mêmes ? Étudiants en droit, en science politique, chercheurs ou artistes engagés, ils sont nombreux à affirmer leur volonté – et leur légitimité – de participer activement au dialogue entre les deux rives, affirmant même être de potentiels outils de réconciliation. Abdenour parle du rôle de « médiateur » que peuvent jouer les descendants de l’immigration algérienne. Il qualifie de « pont » la posture que devrait avoir ces nouvelles générations qui portent en elles les mémoires, les douleurs mais aussi les aspirations communes à une réconciliation fondée sur la reconnaissance et le respect.

L’importance de la médiation doit aussi passer par des reconnaissances et des politiques de réparations. Rayan souligne l’importance d’ouvrir de « nouveaux espaces de médiation » qu’ils jugent à ce jour « trop timides ». Le réalisateur semble optimiste affirmant que « cette très belle génération mettra sa pierre à l’édifice ». L’enjeu de ses espaces de médiations est aussi central pour Lilia : « On serait prêt à beaucoup de choses pour que ça se passe mieux », dit–elle. Elle doute, cependant, qu’il existe « un espace en France où on serait audible et qui nous permettrait d’être acteurs de meilleures relations franco-algériennes ».    

Loin d’être un des moteurs de l’escalade et l’intensification des tensions entre la France et l’Algérie, cette jeunesse franco-algérienne se veut incarner un outil, capable de réparer et dialoguer. À condition qu’on lui en donne les moyens.

25.04.2025 à 13:00

Algérie-France, la maladie nationaliste

Catherine Tricot
Les deux pays s'enferment dans le ressentiment et la tension. Ils ont pourtant, l'un comme l'autre, dans leur histoire, des expériences et des références qui peuvent leur permettre d'en sortir.
Texte intégral (799 mots)

Les deux pays s’enferment dans le ressentiment et la tension. Ils ont pourtant, l’un comme l’autre, dans leur histoire, des expériences et des références qui peuvent leur permettre d’en sortir.

Les observateurs qui connaissent bien l’histoire des relations entre la France et l’Algérie le disent : la crise diplomatique que traversent les deux pays est la plus grave depuis l’indépendance. De fait, depuis la fin juillet 2024, pour la seconde fois, il n’y a plus d’ambassadeur algérien à Paris. Cet été, il fut rappelé par Alger à la suite de la reconnaissance par le gouvernement français du plan d’autonomie marocain comme « seule base de règlement » du vieux conflit du Sahara occidental – 50 ans de lutte du Front Polisario pour un référendum d’autodétermination. En retour, la France a rappelé son ambassadeur. Depuis, l’aggravation des tensions s’est faite de part et d’autre de la Méditerranée au rythme de l’arrestation ignominieuse, le 16 novembre 2024, de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal ; de l’expulsion irrégulière d’un influenceur algérien pro-gouvernement algérien le 9 janvier 2025 ; d’une attaque au couteau par un malade mental algérien sous OQTF ayant fait un mort et six blessés à Mulhouse ce 24 février 2025 ; d’une exacerbation de la question des obligations de quitter le territoire (OQTF) non acceptées par l’Algérie (chiffres pourtant comparables à ceux du Maroc et de la Tunisie) ; de la réunion d’un comité interministériel le 26 février sur le contrôle des migrations débouchant sur la menace de « dénoncer les accords de 68 » avec l’Algérie, etc. Et pour finir (provisoirement) de l’expulsion de part et d’autre de 12 diplomates et du rappel des ambassadeurs mi-avril.

Entre ces dates, les mises en scène agressives à destination des opinions publiques nationales n’ont cessé de franchir des paliers à coup de déclarations martiales (« réponses graduées », « humiliation », etc.) du ministre de l’intérieur Bruno Retailleau, de couplet ajouté dans l’hymne algérien, de reprises du vocabulaire datant de la guerre d’Algérie (Retailleau accusé de « barbouzerie » dans les communiqués officiels) … De part et d’autre de la Méditerranée, on réactive les ressorts nationalistes. 

La colonisation occupe une place de choix dans le discours nationaliste français, depuis le XIXe siècle. Le mouvement héritier du gaullisme (pauvre Charles ! On n’est jamais trahi que par les siens), l’UMP devenue Les Républicains, se fait désormais fort de valoriser les bienfaits de la colonisation (loi de février 2005 sur la « colonisation positive »). En 2023, encore sénateur, Bruno Retailleau affirme sur Sud Radio : « La colonisation, cest bien entendu des heures qui ont été noires mais cest aussi des heures qui ont été belles, avec des mains tendues ». Perpétuant le déni de la réalité historique, il ajoute : « Se promener dans ces pays [africains] en faisant perpétuellement repentance attise la haine de soi et le mépris des autres ». La fin de l’empire continue de tarauder une partie de notre pays qui se sait comment penser autrement sa grandeur. Les discours révisionnistes portés désormais par toute la droite et l’extrême-droite rendent malade la France et les Français. 

Mais la gangrène menace l’Algérie. L’ampleur de la crispation avec le Maroc sur le Sahara occidental en est un témoin. Le sentiment national qui a permis la conquête de l’indépendance fut longtemps porté par des projets de dignité et de liberté qui ne s’identifient pas totalement avec l’État. En 1926, il y a presque 100 ans, bien avant la guerre d’indépendance de 1954, se constituait lEtoile Nord-Africaine qui réclamait l’indépendance pour l’Algérie, le Maroc et la Tunisie. On rêvait alors du grand Maghreb, sur la base d’une histoire, d’une langue, d’une religion, de cultures communes. Ce rêve a été actif jusqu’aux années 80, porté par le président algérien Boumédiène tandis qu’au Caire, Nasser imaginait l’unification du monde arabe. Ces projets ne sont plus. Sans doute étaient-ils irréalistes, sans doute ne prenaient-ils pas en compte la force progressiste et propulsive de l’affirmation nationale. Mais ces limites ne légitiment pas le nationalisme d’exclusion qui domine aujourd’hui. Le nationalisme nous étouffe ; les peuples ont dans leurs mémoires des souvenirs qui peuvent leur permettre d’en sortir.  

25.04.2025 à 12:59

Ambitions internationales et continentales : l’avenir de l’Algérie se joue aujourd’hui

Pablo Pillaud-Vivien
Comment se positionne l’Algérie dans la recomposition du monde ? Comme de nombreux pays européens et africains, avec ses forces et ses faiblesses, l’Algérie cherche sa place.
Texte intégral (1030 mots)

Comment se positionne l’Algérie dans la recomposition du monde ? Comme de nombreux pays européens et africains, avec ses forces et ses faiblesses, l’Algérie cherche sa place.

« Territoire continental majeur en matière d’entrepreneuriat et d’innovation », « pays central pour le gaz naturel et la production d’énergie », « acteur diplomatique important de la scène internationale »… Que ce soit dans les communications officielles de l’administration ou sur les chaînes de télé comme le très gouvernemental Canal Algérie, le message est clair : l’Algérie veut être une puissance régionale autant que mondiale.

Economique d’abord : l’Algérie est un grand pays de production d’hydrocarbure, production sur laquelle elle assoit sa richesse. Elle représente, selon la Banque mondiale, 14 % du PIB, 86 % des exportations et 47 % des recettes budgétaires entre 2019 et 2023. La croissance du secteur (+4% en 2023 due à la conjecture mondiale et à la hausse des prix) lui permet de monter sur le podium des plus grandes économies africaines. Mais l’Algérie ne compte pas s’en tenir là : elle a engagé depuis quelques années une diversification de son économie avec un triplement de ses exportations hors pétrole et gaz, notamment grâce à une attention particulière à son agriculture et son industrie.

Relancé il y a peu par le gouvernement algérien, le projet de gazoduc transaharien avec le Nigéria est symptomatique de la volonté de construire « un axe régional et de projection à la fois vers l’Afrique et vers l’Europe », comme le rappelle Brahim Oumansour, chercheur associé à l’IRIS et directeur de l’Observatoire du Maghreb. Mais l’Algérie ne veut pas se contenter d’être un trait d’union : elle entend aussi se positionner en leader pour les pays africains. Lors du dernier sommet de l’Organisation des producteurs africains de pétrole (APPO), le ministre de l’Energie a affiché l’ambition nationale de soutenir « les pays africains dans les domaines de l’exploration, de la formation, de la fabrication locale et du partage de sa vaste expertise de plus de soixante ans. » Et les investissements de Sonatrach, la société nationale de l’énergie, sont à la hauteur, qu’il s’agisse des infrastructures ou de la recherche et du développement (30 brevets déposés dans les trois derniers mois).

C’est plus compliqué sur le terrain diplomatique. Outre la problématique européenne et notamment française, les tensions régionales n’aident pas. Au Mali, pays limitrophe au sud, la junte militaire au pouvoir trouble le co-développement d’un axe économique qui était naissant : on frôle actuellement le conflit ouvert avec la remise en cause de l’Accord d’Alger de 2015 pour la paix et la réconciliation, et la destruction d’un drone malien par l’Algérie. Les rivalités à fortes connotations nationalistes empêchent souvent le dialogue, les réflexions et les actions de coopération.

Mais l’Algérie a de forts atouts géopolitiques que son histoire récente a renforcés : outre le fait qu’elle siège pour la quatrième fois de son histoire en tant que membre non-permanent au Conseil de Sécurité de l’ONU pour la période 2024-2025, elle a aussi un rôle central dans les mécanismes régionaux de sécurité comme le Comité d’état-major opérationnel conjoint (CEMOC), structure d’état-major regroupant les forces armées de plusieurs pays du Sahel (Mali, Niger, Mauritanie et Algérie). Cette autorité est contestée, en premier lieu par le Mali qui semble aujourd’hui privilégier Moscou à Alger, mais aussi par le Maroc. Il ne faut pourtant pas s’y tromper : l’Algérie ne veut pas la guerre avec ses voisins, elle se veut au contraire être une puissance de stabilité. C’est pourquoi elle voit d’un mauvais œil la montée des tensions par plusieurs acteurs qui agissent dans sa directe périphérie – et notamment Corps africain, nouveau nom du groupe russe Wagner. La diplomatie d’influence algérienne repose aujourd’hui, comme au moment de son indépendance, sur une articulation de la souveraineté et la sécurité, pas seulement du peuple algérien mais aussi des peuples alentours, comme l’explique Lotfi Sour, enseignant-chercheur à l’Université Mustapha Stambouli de Mascara dans The Conversation. L’externalisation de la sécurité à la Russie (et, dans une moindre mesure, à la France) et surtout sa décorrélation avec la souveraineté sont considérée par Alger comme une remise en question brutale de sa proposition politique… qui pourrait la déstabiliser.

Cette question de la souveraineté se pose aussi à l’intérieur des frontières de l’Algérie : depuis 1962, le pouvoir n’hésite pas à recourir à la violence pour étouffer toute initiative politique fondée sur la démocratie qui remettrait en cause son régime autoritaire. Le rapport d’Amnesty International fait froid dans le dos. Son classement à la 107e place sur 180 en matière de corruption selon Transparency International rend compte de la réalité dictatoriale du régime. Arrestations arbitraires, recours à la torture, impossibilité d’organiser un débat : les freins au développement démocratique du pays sont légion. Pourtant, le Hirak, ce mouvement de masse en faveur de la démocratie, entre 2019 et 2021, a exprimé les attentes puissantes de la société algérienne : il fut durement réprimé. L’Algérie veut être à la fois une grande nation, un carrefour mondial et un leader régional. Pour cela, il lui faut une certaine stabilité. Celle-ci passe par une réponse à ce puissant appel démocratique. Le président Tebboune et ses camarades sont face à une lourde contradiction. De sa résolution dépendra la possibilité pour Alger d’atteindre ses ambitions.

25.04.2025 à 12:59

LA LETTRE DE REGARDS ET POLITIS DU 25 AVRIL

la Rédaction
Algérie-France, la maladie nationaliste
Texte intégral (1540 mots)

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Algérie-France, la maladie nationaliste

par Catherine Tricot

Les deux pays s’enferment dans le ressentiment et la tension. Ils ont pourtant, l’un comme l’autre, dans leur histoire, des expériences et des références qui peuvent leur permettre d’en sortir.

Les observateurs qui connaissent bien l’histoire des relations entre la France et l’Algérie le disent : la crise diplomatique que traversent les deux pays est la plus grave depuis l’indépendance. De fait, depuis la fin juillet 2024, pour la seconde fois, il n’y a plus d’ambassadeur algérien à Paris. Cet été, il fut rappelé par Alger à la suite de la reconnaissance par le gouvernement français du plan d’autonomie marocain comme « seule base de règlement » du vieux conflit du Sahara occidental – 50 ans de lutte du Front Polisario pour un référendum d’autodétermination. En retour, la France a rappelé son ambassadeur. Depuis, l’aggravation des tensions s’est faite de part et d’autre de la Méditerranée au rythme de l’arrestation ignominieuse, le 16 novembre 2024, de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal ; de l’expulsion irrégulière d’un influenceur algérien pro-gouvernement algérien le 9 janvier 2025 ; d’une attaque au couteau par un malade mental algérien sous OQTF ayant fait un mort et six blessés à Mulhouse ce 24 février 2025 ; d’une exacerbation de la question des obligations de quitter le territoire (OQTF) non acceptées par l’Algérie (chiffres pourtant comparables à ceux du Maroc et de la Tunisie) ; de la réunion d’un comité interministériel le 26 février sur le contrôle des migrations débouchant sur la menace de « dénoncer les accords de 68 » avec l’Algérie, etc. Et pour finir (provisoirement) de l’expulsion de part et d’autre de 12 diplomates et du rappel des ambassadeurs mi-avril.

Entre ces dates, les mises en scène agressives à destination des opinions publiques nationales n’ont cessé de franchir des paliers à coup de déclarations martiales (« réponses graduées », « humiliation », etc.) du ministre de l’intérieur Bruno Retailleau, de couplet ajouté dans l’hymne algérien, de reprises du vocabulaire datant de la guerre d’Algérie (Retailleau accusé de « barbouzerie » dans les communiqués officiels) … De part et d’autre de la Méditerranée, on réactive les ressorts nationalistes. 

La colonisation occupe une place de choix dans le discours nationaliste français, depuis le XIXe siècle. Le mouvement héritier du gaullisme (pauvre Charles ! On n’est jamais trahi que par les siens), l’UMP devenue Les Républicains, se fait désormais fort de valoriser les bienfaits de la colonisation (loi de février 2005 sur la « colonisation positive »). En 2023, encore sénateur, Bruno Retailleau affirme sur Sud Radio : « La colonisation, cest bien entendu des heures qui ont été noires mais cest aussi des heures qui ont été belles, avec des mains tendues ». Perpétuant le déni de la réalité historique, il ajoute : « Se promener dans ces pays [africains] en faisant perpétuellement repentance attise la haine de soi et le mépris des autres ». La fin de l’empire continue de tarauder une partie de notre pays qui se sait comment penser autrement sa grandeur. Les discours révisionnistes portés désormais par toute la droite et l’extrême-droite rendent malade la France et les Français. 

Mais la gangrène menace l’Algérie. L’ampleur de la crispation avec le Maroc sur le Sahara occidental en est un témoin. Le sentiment national qui a permis la conquête de l’indépendance fut longtemps porté par des projets de dignité et de liberté qui ne s’identifient pas totalement avec l’État. En 1926, il y a presque 100 ans, bien avant la guerre d’indépendance de 1954, se constituait lEtoile Nord-Africaine qui réclamait l’indépendance pour l’Algérie, le Maroc et la Tunisie. On rêvait alors du grand Maghreb, sur la base d’une histoire, d’une langue, d’une religion, de cultures communes. Ce rêve a été actif jusqu’aux années 80, porté par le président algérien Boumédiène tandis qu’au Caire, Nasser imaginait l’unification du monde arabe. Ces projets ne sont plus. Sans doute étaient-ils irréalistes, sans doute ne prenaient-ils pas en compte la force progressiste et propulsive de l’affirmation nationale. Mais ces limites ne légitiment pas le nationalisme d’exclusion qui domine aujourd’hui. Le nationalisme nous étouffe ; les peuples ont dans leurs mémoires des souvenirs qui peuvent leur permettre d’en sortir.  

Catherine Tricot

France-Algérie : « Nous sommes les enfants de parents divorcés »

par Kamélia Ouaïssa

Alors que la France et l’Algérie n’en finissent plus d’entretenir des relations belliqueuses, plusieurs millions de citoyens, des deux côtés de la Méditerranée, sont pris en otage par des dirigeants qui semblent plus animés par des enjeux de politique intérieure que de politique étrangère.

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Algérie – France : « Le problème, c’est la connaissance »

Benjamin Stora, historien spécialiste des relations algéro-françaises, co-auteur de la BD « Les Algériens en France » aux éditions La Découverte, est l’invité de #LaMidinale.

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25.04.2025 à 12:36

Algérie – France : « Le problème, c’est la connaissance »

la Rédaction
Benjamin Stora, historien spécialiste des relations algéro-françaises, co-auteur de la BD « Les Algériens en France » aux éditions La Découverte, est l’invité de #LaMidinale.
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Benjamin Stora, historien spécialiste des relations algéro-françaises, co-auteur de la BD « Les Algériens en France » aux éditions La Découverte, est l’invité de #LaMidinale.

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