30.10.2025 à 05:00
Human Rights Watch
(Johannesburg, 30 octobre 2025) – L'Eswatini n'a pas mené d'enquête efficace sur l’usage d'une force disproportionnée et meurtrière par les forces de sécurité lors des manifestations pro-démocratie de juin 2021, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch ; les autorités n'ont pas rendu justice ni assuré la reddition de comptes pour les incidents lors desquels des étudiants, activistes et passants ont été tués ou blessés. Au lieu de cela, le gouvernement a intensifié sa répression des opinions dissidentes en arrêtant des détracteurs du gouvernement sous de faux prétextes, en entravant la tenue de rassemblements pacifiques et en ignorant les appels de longue date en faveur de réformes démocratiques.
30 octobre 2025 “You’ll Die Waiting for Justice”Le rapport de 26 pages, intitulé « You'll Die Waiting for Justice » (« Vous mourrez en attendant la justice »), confirme que les forces de la police royale d'Eswatini (Royal Eswatini Police Service, REPS) et les forces de défense Umbutfo Eswatini (Umbutfo Eswatini Defence Force, UEDF) ont utilisé de manière abusive des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc, et ont agressé physiquement des civils lors des troubles de juin 2021. Les forces de sécurité ont également tiré sans discernement sur des manifestants et des passants avec des balles réelles, tuant des dizaines de manifestants et en blessant des centaines d'autres, y compris des enfants. Le rapport souligne l'absence de reddition de comptes depuis lors, et la situation précaire et désespérée des victimes, qui ont besoin d’une action urgente pour y remédier.
« Il est consternant que plus de quatre ans après les incidents de juin 2021, les victimes et les survivants vivent avec les conséquences de la brutalité subie sans aucun recours pour les violations de leurs droits », a déclaré Nomathamsanqa Masiko-Mpaka, chercheuse auprès de la division Afrique à Human Rights Watch. « Le gouvernement d'Eswatini devrait rapidement mener des enquêtes efficaces et approfondies sur tous les cas d'usage injustifié et disproportionné de la force contre des civils par des policiers et des militaires lors des manifestations de juin 2021. »
En avril 2025, Human Rights Watch a mené des entretiens avec 15 personnes eswatiniennes (neuf hommes et six femmes), alors âgés de 18 à 68 ans et qui avaient entre 14 et 64 ans au moment des manifestations. Trois des personnes interrogées avaient perdu des proches, tandis que huit autres étaient des victimes directes de la violence des forces de sécurité.
Human Rights Watch a également mené des entretiens avec quatre personnes ayant joué un rôle dans le paysage politique en Eswatini : un représentant syndical, un représentant d'un parti politique, un homme d'affaires et un avocat spécialisé dans les droits humains. Ces quatre personnes, ainsi qu'une des victimes interrogées par Human Rights Watch, ont fui l'Eswatini pour échapper aux persécutions liées à leur activisme politique, et vivent actuellement en exil en Afrique du Sud.
L'une des victimes a porté plainte auprès des autorités après que la police a abattu son mari en 2021, mais elle n'a reçu aucune nouvelle depuis, et ne sait pas si l'affaire est toujours en cours ou si elle progresse. Sa situation est emblématique de celle de nombreuses victimes et survivants.
Le rapport souligne également l'impact négatif du meurtre de Thulani Maseko, un avocat spécialisé dans les droits humains et défenseur de réformes démocratiques, sur la quête de justice pour les victimes et les survivants. Thulani Maseko a été abattu le 21 janvier 2023, alors qu'il se trouvait à son domicile à Luhleko. Il avait souvent accepté de travailler sur des affaires que d'autres avocats jugeaient trop risquées, notamment celle de la femme qui a porté plainte pour le meurtre de son mari ; dans plusieurs cas, il le faisait même à titre gracieux. Le meurtre de Maseko a laissé les victimes et les survivants qu'il représentait désabusés par le système pénal, et perdant l’espoir que la justice puisse être rendue.
En octobre 2021, la Commission des droits de l'homme et de l'administration publique d'Eswatini a publié un rapport indiquant que 46 personnes avaient été tuées, dont deux enfants, et que 245 personnes avaient été blessées par balle, dont 22 par plusieurs balles. Selon la Commission, toutes les victimes ont identifié les forces de sécurité d'Eswatini comme étant les auteurs des tirs, mais la Commission n’a publié aucune information sur l'identité des responsables. La Commission a recommandé une enquête indépendante et approfondie sur les troubles de juin 2021. Toutefois, aucune enquête de ce type n'a été menée depuis. Selon des organisations de la société civile en Eswatini, le rapport de la Commission a minimisé le nombre de civils tués. Certaines organisations estiment que le nombre réel de personnes tuées pourrait dépasser la centaine.
Le droit international relatif aux droits humains oblige les pays à garantir la responsabilité des forces de sécurité en cas d'usage de la force, en particulier de la force létale, en menant des enquêtes efficaces permettant d'identifier les responsables, de les poursuivre en justice et d'offrir des réparations aux victimes.
« Les autorités d'Eswatini devraient mettre en place des mécanismes de soutien officiels pour les victimes et les survivants des troubles de juin 2021, et collaborer avec ces réseaux pour élaborer un programme de réparations », a conclu Nomathamsanqa Masiko-Mpaka. « Elles devraient aussi mener des enquêtes efficaces sur l'usage de la force létale et d'autres formes de force excessive, rendre publics les résultats de ces enquêtes et engager des poursuites appropriées et d'autres sanctions à l'encontre des responsables. »
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29.10.2025 à 22:05
Human Rights Watch
(Nairobi) – Des dizaines de vidéos publiées ces derniers jours sur les réseaux sociaux montrent des combattants des Forces de soutien rapide (FSR, ou RSF en anglais) commettant des exécutions extrajudiciaires et d'autres violations graves à l'encontre de personnes fuyant El Fasher, la capitale du Darfour-Nord au Soudan, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch.
Des milliers de personnes tentent de fuir El Fasher depuis que les FSR ont pris le contrôle de cette ville, le 26 octobre. Leur victoire est l'aboutissement d'un siège de 18 mois et d'attaques incessantes qui ont provoqué une famine dans les camps de déplacés situés dans et autour de la ville. Leurs attaques illégales contre les personnes en fuite suscitent l'inquiétude quant au sort des dizaines de milliers de civils qui, la semaine dernière, se trouvaient encore dans la ville.
« Les images horribles provenant d'El Fasher portent la marque des atrocités de masse commises par les Forces de soutien rapide », a déclaré Federico Borello, directeur exécutif par intérim de Human Rights Watch. « Si le monde n'agit pas de toute urgence, les civils subiront de plein fouet des crimes encore plus odieux. Les pays soutenant les FSR, notamment les Émirats arabes unis, devraient faire pression sur ces forces pour qu’elles cessent leurs abus, tandis que les dirigeants mondiaux devraient prendre des mesures fortes contre les dirigeants des FSR. »
Le Conseil de sécurité des Nations Unies devrait agir d’urgence pour empêcher de nouvelles atrocités, a déclaré Human Rights Watch. Les responsables des États-Unis, de l'Arabie saoudite, de l'Égypte et des Émirats arabes unis, quatre pays connus sous le nom de « Quad », se sont récemment réunis à Washington ; ils devraient clairement souligner que les dirigeants des FSR seront tenus de rendre des comptes, notamment par le gel immédiat de leurs avoirs et l'interdiction de voyager.
Le 26 octobre, des informations ont commencé à circuler selon lesquelles les forces FSR avaient pris le contrôle de la garnison militaire abritant la 6e division d'infanterie des Forces armées soudanaises (FAS, ou SAF en anglais) à El Fasher et de l'aéroport de la ville. Les forces FSR contrôlent déjà toutes les autres grandes villes de la région du Darfour.
Au cours des derniers mois, les FSR ont creusé une tranchée et construit un rempart de terre et de sable encerclant El Fasher. Les combattants FSR ont largement empêché les commerçants et les groupes d'aide humanitaire d'entrer dans la ville, ce qui a contraint de nombreux civils à se nourrir de fourrage pour animaux. L'organisation humanitaire Médecins Sans Frontières (MSF) a signalé que 75 % des 165 enfants de moins de 5 ans qu'elle a examinés à El Fasher les 18 et 19 octobre souffraient de malnutrition aiguë.
Des intervenants locaux et des médias ont signalé une recrudescence des frappes de drones depuis septembre, qui ont tué et blessé des civils. Le 15 octobre, un activiste a déclaré à Human Rights Watch qu'il avait survécu à une attaque de drone ce jour-là, qui avait tué deux civils et en avait blessé deux autres.
Les civils qui tentent de fuir El Fasher ont été victimes de graves exactions en cours de route, notamment des viols, des pillages et des meurtres.
Ces exactions se sont intensifiées avec la victoire des FSR. Des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux depuis le 26 octobre, analysées et vérifiées par Human Rights Watch, montrent des combattants FSR célébrant la mort d'un grand nombre d'hommes, en uniforme ou en tenue civile, ainsi que de femmes. On y voit des combattants qui exécutent apparemment des civils ; ils raillent, maltraitent et tuent des personnes gravement blessées.
Human Rights Watch a géolocalisé huit vidéos filmées à côté du remblai qui encercle la ville, à environ 8 kilomètres au nord-ouest d'El Fasher. Une vidéo, filmée du haut du remblai, montre des dizaines de corps, certains en tenue militaire, dans la tranchée en contrebas. Dans une autre vidéo, un combattant des FSR portant un foulard blanc s'accroupit à côté d'un homme en civil, bandé à la jambe droite, allongé sur le sol. Alors que l'homme implore sa pitié, le combattant lui répond : « Je n'aurai aucune pitié pour toi... nous sommes ici pour tuer. » Puis le combattant se relève et tire cinq fois sur l'homme, avec un fusil de type AK. Dans une autre vidéo filmée près du rempart, on entend un combattant des FSR crier : « Nous ne donnerons aucune garantie aux prisonniers. »
Site des vidéos filmées à El Fasher Click to expand Image Carte de la ville d’El Fasher (région du Darfour) au Soudan, capturée par les Forces de soutien rapide (FSR) le 26 octobre 2025. La ligne noire correspond au rempart érigé par les forces FSR autour de la ville. Le point rouge correspond au site de plusieurs vidéos filmées par des combattants FSR et géolocalisées par Human Rights Watch. © 2025 Human Rights WatchLe 27 octobre, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Volker Türk, a averti que « le risque de nouvelles violations et atrocités à grande échelle motivées par des considérations ethniques à El Fasher augmente de jour en jour ». Son bureau a déclaré que des centaines de personnes en fuite auraient été arrêtées. Les FSR ont arrêté un journaliste, Muhammar Ibrahim, le 26 octobre.
Les forces FSR a déjà commis des atrocités de masse contre des civils à la suite de victoires militaires. Human Rights Watch a précédemment documenté qu’en juin 2023, les FSR et leurs alliés avaient ouvert le feu sur un convoi de plusieurs kilomètres de civils et de combattants des Forces armées soudanaises et des groupes armés alliés fuyant El Geneina, la capitale du Darfour occidental, tuant un grand nombre de personnes. En novembre 2023, les forces FSR ont tué des centaines de civils à Ardamata, une banlieue d'El Geneina, dernier refuge de l'ethnie Massalit, après avoir pris le contrôle de la garnison militaire qui s'y trouvait. Human Rights Watch a conclu que les FSR avaient commis des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre généralisés dans le cadre d'une campagne de nettoyage ethnique visant les Massalit et d'autres populations non arabes d'El Geneina. Le contexte et la nature généralisée et ethniquement ciblée des meurtres soulèvent également la possibilité que ces meurtres aient constitué des actes de génocide.
En avril 2025, alors que les acteurs internationaux se préparaient à tenir une conférence sur le Soudan à Londres, les FSR ont mené une attaque à grande échelle contre le camp de déplacés de Zamzam, à 15 kilomètres au sud d'El Fasher.
Les FSR ont ignoré les appels répétés du Conseil de sécurité lui demandant de mettre fin au siège d'El Fasher.
La prise de contrôle d'El Fasher par les FSR a eu lieu alors que des pourparlers informels entre les parties belligérantes étaient apparemment en cours à Washington, sous les auspices des quatre pays du Quad. En septembre, ces pays ont appelé les parties belligérantes à mettre en œuvre une « trêve humanitaire » d'une durée initiale de trois mois, afin de permettre l'acheminement de l'aide humanitaire dans tout le pays.
Depuis le début du conflit, des experts de l'ONU ainsi que des médias et des organisations internationaux ont rapporté que les FSR, malgré leur bilan odieux en matière de droits humains, bénéficie du soutien militaire des Émirats arabes unis. Human Rights Watch et France 24 ont documenté l'utilisation par les FSR d'armes qui appartenaient auparavant à l'armée des Émirats arabes unis. Des médias internationaux ont rapporté qu'une société basée aux Émirats arabes unis avait recruté et déployé d'anciens membres de l'armée colombienne au Darfour pour former les combattants FSR et combattre à leurs côtés. Des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux, vérifiées et géolocalisées par Human Rights Watch, montrent des combattants étrangers hispanophones engagés dans de violents combats à El Fasher.
Le Conseil de sécurité devrait immédiatement rencontrer et entendre les Soudanais directement touchés par les événements d'El Fasher et imposer des sanctions au chef des FSR, Mohamed Hamdan Dagalo (connu sous le nom de « Hemedti »), et à son frère, Abdel Raheem Hamdan Dagalo, commandant adjoint des FSR, pour violations graves du droit international humanitaire. Abdel Raheem Hamdan Dagalo se trouvait à Ardamata lors des violations massives commises contre des civils et dans les environs d'El Fasher, où il mobilisait des forces en vue de l'attaque décisive contre le camp de Zamzam.
L'Union européenne, le Royaume-Uni et d'autres pays devraient imposer de toute urgence des sanctions ciblées à l'encontre de ces deux hommes. Les Émirats arabes unis devraient immédiatement user de leur influence pour exiger que les FSR mettent fin à leurs attaques contre les civils.
« La communauté internationale devrait faire clairement comprendre aux dirigeants des FSR que leurs attaques contre les civils auront de graves conséquences », a conclu Federico Borello. « Le Conseil de sécurité des Nations Unies et les États jouant un rôle clé devraient agir immédiatement contre ces actes criminels, notamment en sanctionnant les dirigeants des FSR. »
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Articles
Le Monde Mondafrique
TV
TV5Monde (itw J.-B. Gallopin) Sur X
France24 (Laetitia Bader) Sur X
29.10.2025 à 20:17
Human Rights Watch
Lundi, le Pôle national de lutte contre la cybercriminalité au Mali a condamné l'ancien Premier ministre Moussa Mara pour avoir publié un message en ligne exprimant sa solidarité avec les prisonniers politiques du pays. Ces poursuites judiciaires marquent une intensification de la répression de la liberté d’expression par la junte militaire.
Les autorités ont arrêté Moussa Mara en août pour avoir exprimé sa « solidarité indéfectible avec les détenus d'opinion » après avoir rendu visite à des détracteurs de la junte emprisonnés, et l'ont accusé d’« atteinte au crédit de l'État » et d'« incitation au trouble à l’ordre public ». Le tribunal l'a condamné à deux ans de prison, dont un sans possibilité de libération conditionnelle. La deuxième année a été suspendue.
La condamnation de Moussa Mara, 50 ans, n'a pas grand-chose à voir avec sa publication sur les réseaux sociaux, mais elle aura des conséquences importantes. Les autorités ont utilisé cette affaire pour envoyer un message politique troublant : même un ancien chef du gouvernement n'est pas à l'abri de poursuites judiciaires s’il ose exprimer son opinion. La junte a clairement indiqué que des accusations vagues et générales telles qu’« atteinte au crédit de l'État » ou « diffusion de nouvelles fausses » peuvent être manipulées pour transformer des opinions personnelles et des critiques en infractions punissables. Et le recours au Pôle national de lutte contre la cybercriminalité n'est qu'un moyen supplémentaire pour la junte de contrôler la liberté d’expression en ligne et l'activisme numérique.
Depuis le coup d'État militaire de 2021 mené par le général Assimi Goïta, la junte malienne a démantelé les mécanismes de reddition des comptes, notamment en retirant le Mali des cadres juridiques régionaux et internationaux. Aujourd'hui, même montrer sa « solidarité indéfectible » envers des prisonniers est considéré comme une menace pour l'État.
L'affront à la justice que représente la condamnation de Moussa Mara montre que la promesse d'une transition démocratique au Mali est plus lointaine que jamais. Son cas n’est que l’évènement le plus récent témoignant du rétrécissement de l'espace civique et médiatique au Mali, et marque une étape importante dans la saisie de pleins pouvoirs par la junte.
Cette condamnation a été prononcée alors que le Mali est confronté à une recrudescence des attaques perpétrées par des groupes armés islamistes, qui ont conduit la junte à fermer temporairement toutes les écoles et universités. Mais interdire les partis politiques, arrêter les journalistes et les activistes, démanteler toute voie légale de contestation et, désormais, bafouer la liberté d'expression n’aidera pas les autorités à relever les réels défis auxquels le pays est confronté.
29.10.2025 à 11:00
Human Rights Watch
(New York, 29 octobre 2025) – Les lois de plusieurs États américains obligent les prestataires de soins de santé à informer les parents de la décision d'une jeune fille de recourir à un avortement ; ceci entraîne des retards préjudiciables ou peut même empêcher l'accès à la procédure, ont conjointement déclaré Human Rights Watch et l’organisation If/When/How dans un rapport publié aujourd'hui. Alors que l'accès à l'avortement continue de devenir plus difficile aux États-Unis, les adolescentes dans ces États sont confrontées à des obstacles supplémentaires pour bénéficier de tels soins.
29 octobre 2025 Whose Abortion Is It?Le rapport de 89 pages, intitulé « Whose Abortion Is It? The Harms of State-Mandated Parental Notification for Abortion and Judicial Bypass in the United States » (« Qui subit l'avortement ? Dommages liés à la notification parentale obligatoire et à la dérogation judiciaire aux États-Unis »), documente la manière dont les lois sur la notification parentale obligatoire dans six États américains menacent la santé et la sécurité des adolescentes, et portent atteinte à leurs droits humains. La plupart des adolescentes qui envisagent un avortement consultent leur(s) parent(s) dans le cadre d’une telle décision. Mais certaines ne le font pas, soit par manque de contact régulier avec leurs parents, soit par crainte de graves conséquences, telles que des violences physiques, la perte de leur logement, un sentiment d’aliénation au sein de leur famille ou le risque d’une poursuite forcée de la grossesse, contre leur gré. Dans ces États, l'alternative à la notification d'un-e parent-e consiste à demander à un juge une ordonnance dans le cadre d'un processus invasif, stressant et souvent traumatisant appelé « dérogation judiciaire » (« judicial bypass »).
« Des adolescentes devraient pouvoir accéder à des soins d'avortement sans être obligées d'impliquer un-e parent-e qui ne les soutient pas, ou de comparaître devant un juge », a déclaré Margaret Wurth, chercheuse senior auprès de la division Droits des enfants à Human Rights Watch et co-auteure du rapport. « Dans les États concernés, les législateurs engagés en faveur de la liberté reproductive devraient défendre la santé, la sécurité et la dignité des adolescentes en abrogeant les lois sur la notification parentale en cas d'avortement. »
Actuellement, 25 États américains où l'avortement est légal à un certain stade de la grossesse exigent qu'un-e professionnel-le de santé informe ou obtienne le consentement d'un-e parent-e ou d'un-e tuteur-rice légal-e avant de pratiquer un avortement sur une jeune fille âgée de moins de 18 ans. Alors que les décideurs politiques ont décrit les lois sur la notification parentale en cas d'avortement comme moins contraignantes que les lois sur le consentement parental, Human Rights Watch et If/When/How ont constaté que les lois sur la notification parentale accordent en fait aux parents – ou à un juge – un droit de veto sur la décision d'avortement d'une jeune fille.
Les chercheuses ont constaté que le système de « dérogation judiciaire » retarde les soins d’avortement, met en danger les jeunes filles et peut constituer un obstacle insurmontable pour obtenir ces soins, dans certains cas.
Les chercheuses ont mené des entretiens avec 62 personnes : des prestataires de soins de santé, des avocat-e-s expérimentés dans la représentation de jeunes dans des affaires de dérogation judiciaire, des employé-e-s de fonds d'avortement (organisations offrant un soutien financier aux personnes qui recherchent ces soins), des activistes et des chercheur-euse-s en santé publique. Ces entretiens ont été menés dans six États : le Colorado, le Delaware, la Géorgie, l'Iowa, le Montana et le New Hampshire. Les chercheuses ont constaté que les lois sur la notification parentale imposées par ces États ont des effets néfastes sur les adolescentes, similaires à ceux observés dans les États où s'appliquent des lois sur le consentement parental. Au début de l'année, une loi similaire est entrée en vigueur dans le Nevada, mais cet État n'est pas inclus dans le rapport. Des recours juridiques contre la loi du Nevada sont en cours.
Lorsque les parents sont en mesure de refuser aux jeunes filles leur soutien financier, de restreindre leur liberté de mouvement ou leur accès aux moyens de communication et de transport, ou encore de les menacer de conséquences qui bouleverseront leur vie, ils peuvent effectivement empêcher ces jeunes filles d'accéder à des soins d'avortement. Ceci est le cas même si la loi n'exige qu'une notification parentale et non un consentement explicite, ont constaté les chercheuses.
« Toutes les jeunes filles devraient pouvoir prendre leurs propres décisions concernant leur corps et leur avenir avec le soutien des personnes en qui elles ont confiance », a déclaré Jessica Goldberg, directrice adjointe de If/When/How, chargée des questions de l'accès de jeunes filles à l’avortement, et co-auteure du rapport. « Le fait qu'une adolescente puisse ou non avoir accès à l'avortement peut déterminer toute la trajectoire de sa vie. À l'heure où des efforts continus sont déployés pour restreindre l'accès à l'avortement dans le pays, il est impératif que les décideurs politiques des États utilisent leur pouvoir pour supprimer les obstacles inutiles auxquels sont confrontées des jeunes filles. »
Même pour les jeunes filles qui consultent un-e parent-e et ne demandent pas de dérogation judiciaire, les lois sur la notification parentale obligatoire peuvent retarder et entraver l'accès à l'avortement, poussant les jeunes filles à rechercher des soins plus tard dans leur grossesse, ce qui peut être plus coûteux ou compliqué. Des personnes interrogées ont expliqué que certaines jeunes filles avaient retardé leurs soins d'une semaine ou plus pour retrouver les coordonnées d'un parent ou d'un tuteur légal qui n'était plus présent dans leur vie. Les lois obligent des jeunes filles à impliquer des parents qui ne les soutiennent pas ou qui les humilient lorsqu'elles cherchent à procéder à un avortement, ont constaté les deux organisations.
Dans un cas présenté dans le rapport, le personnel de la clinique pensait qu'une jeune fille était tellement effrayée par la notification parentale qu'elle était restée enceinte contre son gré. « Nous lui avons donné un rendez-vous et espérions qu'elle viendrait, afin de pouvoir l'accompagner dans le processus [de notification parentale ou de dérogation judiciaire] », a expliqué une employée de cette clinique. Mais la jeune fille ne s'est jamais présentée au rendez-vous. « Nous avons perdu le contact avec elle », a ajouté l’employée de la clinique.
Ces lois confèrent également un pouvoir immense aux juges dont les préjugés et les convictions anti-avortement peuvent influencer leur décision de bloquer l'accès d'une jeune fille à l'avortement. Le système se prête à des décisions arbitraires, les juges utilisant des facteurs tels que les notes scolaires, les activités extrascolaires ou les ambitions professionnelles des jeunes filles pour évaluer leur maturité à prendre une décision en matière d'avortement.
« L'idée qu'une jeune personne n'est pas assez mûre pour décider si elle veut devenir mère, mais qu'elle est assez mûre pour élever un enfant... semble tellement hypocrite », a déclaré la directrice d'une clinique qui pratique des avortements. « Vous ne pouvez pas décider de ne pas être enceinte, mais vous pouvez élever un enfant pour le reste de votre vie sans que personne ne remette en question votre maturité ? »
Les lois sur la notification parentale et les procédures de dérogation judiciaire causent un préjudice supplémentaire aux jeunes filles qui sont déjà confrontés à des obstacles systématiques pour accéder aux soins d'avortement et à un traitement équitable dans le cadre du système juridique américain en général. Il s’agit notamment des adolescentes noires ou de couleur, autochtones ou placées en famille d'accueil, ont constaté les deux organisations.
Les législateurs des États dotés de lois sur la notification parentale devraient abroger ces lois, et défendre le droit des adolescentes à prendre des décisions fondamentales concernant leur propre corps et leur vie.
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28.10.2025 à 20:26
Human Rights Watch
La junte militaire du Mali a temporairement fermé toutes les écoles et universités après qu'un groupe armé islamiste a assiégé Bamako, la capitale, et coupé l'approvisionnement en carburant, aggravant ainsi les souffrances d’enfants et de jeunes dont l'éducation est perturbée depuis des années à cause du conflit.
Click to expand Image Une école fermée à Bamako, au Mali, le 27 octobre 2025. © 2025 PrivéLe ministre de l'Éducation nationale du Mali a annoncé le 26 octobre la suspension des cours dans tout le pays, en raison de « perturbations dans l'approvisionnement en carburant » qui a un impact sur les transports des élèves et du personnel éducatif.
Depuis début septembre, le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM ou Jama'at Nusrat al-Islam wa al-Muslimeen, JNIM), lié à Al-Qaïda, a attaqué des centaines de camions-citernes et enlevé ou agressé des chauffeurs de camions-citernes. Le siège a paralysé Bamako, entravant ses voies d'approvisionnement et perturbant les transports publics et privés ainsi que l'accès à l'électricité.
Le ministre de l'Éducation nationale a déclaré que les cours reprendraient le 10 novembre. Cependant, comme me l'ont confié certains enseignants et autres éducateurs, même de courtes interruptions peuvent affecter l'éducation des élèves dans un pays en proie à un conflit armé, à la violence et aux déplacements de population. « Une courte pause peut avoir des conséquences énormes », a déclaré un directeur d’école adjoint dans le district de Bamako. « La fermeture des écoles peut répondre aux défis immédiats, mais elle pourrait aggraver encore les dommages causés par le GSIM. »
Le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) a signalé qu'en juin 2025, plus de 2 000 écoles restaient fermées à travers le Mali en raison de l'insécurité, touchant plus de 600 000 élèves.
En 2011, le Conseil de sécurité de l’ONU avait adopté une résolution exhortant les parties au conflit armé « à ne pas priver les enfants d’accès à l'éducation ».
Les lois de la guerre n'interdisent pas les sièges, mais les parties belligérantes doivent respecter des principes tels que la distinction et la proportionnalité et prendre toutes les précautions possibles pour éviter les dommages causés à la population civile. Les sièges ne peuvent inclure des tactiques qui empêchent les civils d'accéder à des biens essentiels à leur survie.
Le GSIM devrait immédiatement cesser toutes attaques visant des civils ou des biens civils, et faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire à la population.
Les autorités maliennes devraient respecter leurs obligations en vertu du droit international relatif aux droits humains afin de garantir à tous le droit à l'éducation, même en situation d'urgence. Cela signifie qu'elles ne doivent fermer les écoles et les universités que lorsque cela est considéré strictement nécessaire et une réaction proportionnée pour atteindre un objectif légitime, que ces fermetures doivent être limitées dans le temps et que les écoles doivent rouvrir aussitôt que les conditions le permettent. Les autorités doivent au minimum veiller à ce que le droit des enfants à l'enseignement primaire obligatoire soit une priorité absolue.
Les deux parties au conflit au Mali se doivent de faire davantage pour protéger les enfants de ce pays.
28.10.2025 à 07:00
Human Rights Watch
(Nairobi) – La période postélectorale au Cameroun a été marquée par des violences, avec au moins quatre personnes tuées vraisemblablement par les forces de sécurité, des dizaines de blessés et des centaines d'autres personnes arrêtées à travers le pays depuis l'élection présidentielle du 12 octobre, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch. Les autorités devraient immédiatement contrôler leurs forces de sécurité, mener une enquête rapide et impartiale sur l'usage excessif de la force et libérer toutes les personnes détenues à tort.
Le Conseil constitutionnel a annoncé le 27 octobre que le président sortant Paul Biya, âgé de 92 ans, avait remporté l'élection avec 53,66 % des voix. Son principal adversaire, Issa Tchiroma Bakary, ancien ministre des Transports et de la Communications, s'était proclamé vainqueur le 12 octobre.
« Les tensions sont vives en raison de la réélection contestée de Paul Biya », a déclaré Ilaria Allegrozzi, chercheuse senior auprès de la division Afrique à Human Rights Watch. « Les forces de sécurité devraient protéger la population, et non attiser la violence. »
Les jours qui ont suivi le scrutin ont été marqués par la violence. Des manifestations organisées par l'opposition ont éclaté dans les grandes villes, notamment à Douala, la capitale économique, Yaoundé, la capitale, et dans les villes de Garoua et Maroua, dans le nord du pays. Les forces de sécurité ont répondu aux manifestations par des tirs de gaz lacrymogènes, l’usage de canons à eau et, dans certains cas, des tirs à balles réelles. Après l'annonce des résultats de l’élection, des manifestations ont également éclaté dans tout le pays. Issa Tchiroma Bakary a déclaré sur Facebook que des tireurs d'élite stationnés autour de son domicile à Garoua « tir[aient] à bout portant sur la population » et que deux personnes avaient été tuées.
Selon des médias locaux et internationaux ainsi que des sources locales consultées par Human Rights Watch, au moins quatre personnes ont été tuées lors de manifestations dans le quartier de New Bell à Douala le 26 octobre. Dans une déclaration publiée le même jour, Samuel Dieudonné Ivaha Diboua, gouverneur de la région du Littoral, où se trouve Douala, a déclaré que des jeunes, sous l'emprise de la drogue, avaient attaqué une brigade de gendarmerie et deux commissariats de police dans le but de les incendier et de s'emparer des armes. Il a également expliqué que « dans l’échange qui s’en est suivi, plusieurs éléments des forces de sécurité ont été blessés, et quatre personnes ont malheureusement perdu la vie » et que « [d]es enquêtes ont été ouvertes pour que toute la lumière soit faite sur ces malheureux incidents. »
Samuel Dieudonné Ivaha Diboua a également publié un décret le 26 octobre annonçant que 105 personnes avaient été arrêtées pour avoir participé à des manifestations déclenchées par un appel à la protestation lancé en ligne par Issa Tchiroma Bakary. Cependant, Augustin Nguefack, conseiller juridique de ce dernier, a déclaré à Human Rights Watch qu'il pensait que davantage de personnes avaient été arrêtées à Douala le 26 octobre et que depuis le vote, les forces de sécurité avaient détenu au moins 250 manifestants de l'opposition dans la ville.
Parmi les personnes arrêtées à Douala figurent Anicet Ekane, Florence Titcho et Djeukam Tchameni, trois dirigeants du Mouvement africain pour une nouvelle indépendance et la démocratie (MANIDEM), mouvement qui soutenait Issa Tchiroma Bakary.
Des partisans d’Issa Tchiroma Bakary et des manifestants ont également été arrêtés dans d'autres villes. Le 25 octobre, des gendarmes ont arrêté Aba'a Oyono, juriste spécialisé en droit public et conseiller d’Issa Tchiroma Bakary, à son domicile à Yaoundé. Les autorités n’ont toujours pas révélé l’endroit où il est détenu. Le refus de reconnaître la détention ou de fournir des informations sur la localisation d’un détenu peut constituer une disparition forcée, considérée comme un crime au regard du droit international. Des membres de la société civile consultés par Human Rights Watch ont rapporté que les forces de sécurité avaient arrêté au moins 52 manifestants, dont des mineurs, à Maroua le 23 octobre. Des médias ont rapporté que les forces de sécurité avaient arrêté au moins 20 manifestants à Garoua le 21 octobre.
Paul Biya, dont la présidence est la plus ancienne au monde, dirige le Cameroun depuis 1982, ayant gardé une main de fer sur le pouvoir en abolissant la limitation du nombre de mandats présidentiels en 2008 et en éliminant ou en réduisant au silence de manière systématique tout adversaire ou voix dissidente.
Le 5 août, le Conseil constitutionnel du Cameroun a soutenu la décision de la commission électorale d'exclure de l’élection présidentielle le dirigeant de l'opposition Maurice Kamto, un important adversaire politique du président. Son exclusion a été vivement critiquée par ses partisans et des membres de son parti, qui ont organisé des marches et des manifestations pacifiques dans toute la capitale. Les forces de sécurité ont utilisé des gaz lacrymogènes pour disperser la foule qui s'était rassemblée devant le Conseil constitutionnel le 4 août, composée notamment des dizaines de partisans de Maurice Kamto. Elles ont également arrêté au moins 35 de ses partisans depuis le 26 juillet, qui ont tous été libérés sous caution.
Ce n'est pas la première fois que les élections au Cameroun sont entachées de violence. L'élection de Paul Biya en 2018 avait déclenché une vague de répression politique. Après le scrutin, des manifestations menées par l'opposition avaient éclaté dans tout le pays, et le gouvernement avait réagi par une répression sévère, déployant la police, l'armée et les gendarmes, qui avaient fait usage d'une force excessive contre les manifestants.
En janvier 2019, Maurice Kamto et plus de 200 de ses partisans avaient été arrêtés et placés en détention. L’opposant avait été accusé d'insurrection, d'hostilité envers la patrie et d'association de malfaiteurs, entre autres chefs d'accusation. Il avait été libéré le 5 octobre 2019 et les charges avaient été abandonnées, mais les attaques contre l'opposition se sont poursuivies.
Depuis des années, les autorités camerounaises répriment l'opposition, les médias et la dissidence, emprisonnant les opposants politiques, les journalistes et les activistes. Au cours des mois qui ont précédé le scrutin, l'espace politique s'est rétréci et les autorités ont sévèrement restreint la liberté d'expression et d'association.
Les Principes de base des Nations Unies sur le recours à la force et l'utilisation des armes à feu par les responsables de l'application des lois stipulent que la police doit toujours utiliser le minimum de force nécessaire. Les armes à feu ne peuvent être utilisées pour disperser des rassemblements violents que lorsque d'autres moyens moins préjudiciables sont inenvisageables. Les agents des forces de l'ordre ne peuvent recourir intentionnellement à un usage des armes à feu portant atteinte à la vie humaine que lorsque cela est strictement inévitable pour protéger des vies humaines.
Divers protocoles régionaux ratifiés par le Cameroun, notamment les Lignes directrices pour le maintien de l'ordre lors des réunions en Afrique, prévoient également que les agents ne peuvent recourir à la force que lorsque cela est strictement nécessaire. Lorsqu'ils recourent à la force, les agents des forces de l'ordre doivent faire preuve de retenue et agir de manière proportionnée à la gravité de l'infraction et à l'objectif légitime à atteindre.
« Les autorités camerounaises devraient immédiatement ordonner à leurs forces de sécurité de ne pas recourir à la violence contre les manifestants », a conclu Ilaria Allegrozzi. « Elles devraient rapidement mener des enquêtes impartiales sur les allégations d'usage excessif et mortel de la force, et demander des comptes aux responsables de tout décès survenu pendant cette période délicate. »