15.12.2025 à 22:30
Human Rights Watch
Dans le cadre de la vague de répression contre la liberté des médias en Éthiopie, la Deutsche Welle (DW), la chaîne publique internationale allemande, a déclaré dans un communiqué publié le 12 décembre que l'Autorité éthiopienne des médias avait suspendu définitivement deux de ses journalistes.
Le 23 octobre, l'Autorité éthiopienne des médias, une agence gouvernementale qui est habilitée à sanctionner les organes de presse opérant dans ce pays, a envoyé à DW une lettre annonçant la suspension temporaire de « toutes les activités journalistiques » menées par neuf de ses correspondants basés en Éthiopie. Dans une deuxième lettre transmise à DW la semaine dernière, l'autorité des médias a levé la suspension de sept correspondants, mais a suspendu définitivement deux autres qui couvraient les régions d'Amhara et du Tigré, déchirées par la guerre, alléguant leur « non-respect continu des lois éthiopiennes et de l'éthique professionnelle ».
Dans sa déclaration en réponse à ces suspensions, DW a indiqué que l'autorité des médias n'avait pas fourni d'exemples précis de violations, mais avait plutôt allégué de manière générale que les reportages de l'agence enfreignaient les lois nationales portant sur les médias et sur les discours haineux.
La suspension de ces journalistes met en évidence l'hostilité du gouvernement éthiopien à l'égard de tout examen indépendant de ses actions, et de reportages critiques à son égard. Depuis des années, les journalistes éthiopiens décrivent leur environnement de travail comme caractérisé par un climat de peur ; les autorités les menacent, les arrêtent et les détiennent régulièrement pour avoir publié des articles dénonçant des violations des droits humains ou critiquant le gouvernement. Des dizaines d'entre eux vivent aujourd'hui en exil.
Au cours des cinq derniers mois seulement, la police a arrêté au moins six journalistes éthiopiens, dont certains ont été détenus au secret ou en détention prolongée sans inculpation. En avril, le gouvernement a modifié la loi sur les médias, renforçant le contrôle exécutif sur l'Autorité éthiopienne des médias et son pouvoir de réglementer les médias et les journalistes, en violation des obligations régionales et internationales de l'Éthiopie quant au respect du droit à la liberté d'expression.
La décision du gouvernement à l'encontre de DW aura sans aucun doute un effet dissuasif sur l'espace restant pour les médias indépendants dans le pays.
Dans le contexte actuel – les conflits armés qui se poursuivent dans les régions d'Amhara et d'Oromia, l'hostilité croissante entre le gouvernement fédéral et les autorités du Tigré ainsi qu'avec l'Érythrée voisine, ainsi que les élections prévues pour juin 2026 – le besoin d'une couverture médiatique critique et indépendante en Éthiopie n'a jamais été aussi important. Le gouvernement éthiopien devrait d’urgence faire marche arrière, lever la suspension des journalistes de DW, et cesser d’attaquer les médias.
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15.12.2025 à 19:09
Human Rights Watch
(New York, 15 décembre 2025) – La condamnation par la Haute Cour de justice de Hong Kong de Jimmy Lai, fondateur du journal Apple Daily qui a été contraint à la fermeture, est le dernier signe en date de l’évolution dramatique observée à Hong Kong, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch ; dans cette ville, le respect de la liberté de la presse a été remplacé par une hostilité ouverte envers les médias. Les autorités de Hong Kong devrait annuler cette condamnation sans fondement, et libérer immédiatement Jimmy Lai.
Le 15 décembre, la Haute Cour qui jugeait Jimmy Lai, 78 ans, l’a reconnu coupable de deux chefs d'accusation de « complot en vue de collusion avec des forces étrangères » en vertu de la loi draconienne sur la sécurité nationale, et d'un chef d'accusation de « complot en vue de publier des publications séditieuses » en vertu de l'Ordonnance sur les crimes. Il encourt une peine pouvant aller jusqu'à la prison à vie.
« La condamnation de Jimmy Lai sur la base d'accusations fallacieuses après cinq ans d'isolement cellulaire est une cruelle parodie de justice », a déclaré Elaine Pearson, directrice pour l'Asie à Human Rights Watch. « Les mauvais traitements infligés à Jimmy Lai par le gouvernement chinois visent à réduire au silence tous ceux qui osent critiquer le Parti communiste. »
La Haute Cour a jugé que Jimmy Lai était le « cerveau » des complots présumés, cités dans les trois chefs d'accusation. Selon le tribunal, Jimmy Lai aurait conspiré avec d'autres personnes pour se rendre coupable de « collusion avec des forces étrangères » en se livrant à un « lobbying international » et en exhortant des gouvernements étrangers à imposer des « sanctions ou des blocus, ou à se livrer à d'autres activités hostiles » contre le gouvernement chinois par le biais de ses écrits, de ses émissions-débats et de ses interviews dans les médias.
Le tribunal a également jugé que Lai avait conspiré avec l’ONG Stand with Hong Kong, qui a organisé des campagnes à l'étranger appelant à des sanctions contre les autorités chinoises et hongkongaises.
En ce qui concerne l'accusation de sédition, les procureurs ont affirmé que 161 articles du journal Apple Daily, dont 33 écrits par Lai, constituaient des publications séditieuses car ils auraient alimenté la méfiance et la haine du public envers les autorités. Le tribunal a donné raison à l'accusation, jugeant que Lai avait utilisé son « influence personnelle pour mener une campagne cohérente visant à saper la légitimité » des gouvernements chinois et hongkongais.
Poursuivre quelqu'un pour avoir exercé son droit à la liberté d'expression viole le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui est intégré dans le cadre juridique de Hong Kong via la constitution de facto de la ville, la Loi fondamentale, ainsi que dans la Loi sur la déclaration des droits. Toutefois, la Loi sur la sécurité nationale en vigueur à Hong Kong est incompatible avec ces garanties en matière de droits humains.
Six anciens dirigeants et rédacteurs en chef d'Apple Daily avaient déjà plaidé coupables à des accusations similaires dans la même affaire. Une audience visant à examiner les circonstances atténuantes est prévue le 12 janvier 2026, suivie du prononcé de la peine. En vertu de l'article 29 de la Loi sur la sécurité nationale, les personnes reconnues coupables de « collusion avec l'étranger » de « nature grave » encourent une peine de 10 ans à perpétuité, tandis que les autres encourent une peine de 3 à 10 ans. L'accusation de « sédition », en vertu de l'Ordonnance sur les crimes, est passible d'une peine maximale de 2 ans de prison.
Les poursuites engagées contre Jimmy Lai ont été entachées de nombreuses violations graves du droit à un procès équitable, notamment le fait d'avoir été jugé par des juges choisis par le gouvernement de Hong Kong, de s'être vu refuser un procès devant jury, d'avoir été soumis à une détention provisoire prolongée et de s'être vu refuser le droit de choisir son avocat. En 2023, la Haute Cour a confirmé la décision du gouvernement d'interdire à un avocat britannique, Timothy Owen, de représenter Lai. Les autorités ont également refusé à Lai, citoyen britannique, l'accès au consulat du Royaume-Uni, en violation de la Convention de Vienne sur les relations consulaires, à laquelle la Chine est un État partie.
Jimmy Lai purge déjà une peine de 5 ans et 9 mois de prison pour « fraude » et « participation à un rassemblement non autorisé ». Il souffre de diabète et est détenu en isolement cellulaire prolongé, une forme de torture, depuis décembre 2020. Sa famille a exprimé à plusieurs reprises ses inquiétudes concernant la détérioration de son état de santé, notamment des problèmes cardiaques et des signes de déclin physique.
Depuis que Pékin a imposé la Loi sur la sécurité nationale à Hong Kong en juin 2020, au moins 14 médias indépendants ont été fermés, dont Apple Daily en juin 2021 et Stand News en décembre 2021. Ces deux médias influents ont été contraints de fermer à la suite de descentes de police très médiatisées et de l'arrestation de leurs rédacteurs en chef pour des crimes contre la sécurité nationale.
En août 2024, deux journalistes de Stand News ont été condamnés pour « sédition » en vertu de l'ordonnance sur les crimes. Le gouvernement de Hong Kong a également harcelé à plusieurs reprises l'Association des journalistes de Hong Kong et des journalistes, exigeant le paiement d'arriérés d'impôts sans aucune justification évidente.
« Suite au simulacre de procès subi par Jimmy Lai, les gouvernements étrangers devraient faire pression sur les autorités hongkongaises pour qu'elles annulent sa condamnation et le libèrent immédiatement », a conclu Elaine Pearson. « Le gouvernement chinois et les autorités de Hong Kong devraient subir des conséquences pour leurs efforts incessants visant à museler la presse hongkongaise. »
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15.12.2025 à 18:22
Human Rights Watch
(Sydney) – Dimanche soir, une belle soirée d'été dans l’hémisphère sud s'est transformée en un cauchemar terrifiant lorsque deux hommes armés ont ouvert le feu sur des personnes qui célébraient la première nuit de la fête juive de Hanouka sur la plage de Bondi, dans la banlieue de Sydney en Australie. L’attentat a fait quinze morts, et l’un des deux tireurs a aussi été tué ; au moins 42 personnes ont été blessées. Le deuxième tireur a été arrêté et placé en détention.
« Une attaque contre les Juifs australiens est une attaque contre tous les Australiens », a déclaré hier soir le Premier ministre australien Anthony Albanese lors d'une conférence de presse. « L'Australie ne cédera jamais aux tentatives de division, ni à la violence ni à la haine. »
Un leadership politique fort est essentiel pour garantir que chaque personne puisse vivre en sécurité et pratiquer sa religion. Les mesures nécessaires pour lutter contre l'intolérance et l'extrémisme violent feront l'objet d'un débat crucial en Australie dans les jours et les semaines à venir.
L'attaque de Bondi est la fusillade de masse la plus meurtrière en Australie depuis trois décennies, après le massacre de Port Arthur en 1996, qui avait entraîné des changements importants dans la législation australienne sur les armes à feu. L’Accord national sur les armes à feu (National Firearms Agreement, NFA) est largement considéré comme l'un des principaux faits marquants du mandat de l'ancien Premier ministre John Howard. Cette législation interdit aux citoyens l’achat de fusils semi-automatiques et de fusils à pompe, et impose des conditions strictes pour l'obtention d'un permis requis pour l’achat de toute arme à feu.
Cette attaque est survenue après une recrudescence des crimes antisémites à Sydney, dont trois incidents dans l'espace de deux semaines en janvier dernier. Un incendie criminel a été perpétré dans une crèche située près d'une école juive et d'une synagogue dans la banlieue de Maroubra, et des graffitis antisémites ont ensuite été vus parmi les décombres. Également en janvier, des croix gammées ont défiguré les murs de deux synagogues ; et l'ancien domicile d'un éminent leader de la communauté juive a été incendié, et quatre voitures détruites.
Le travail de la police, dont celui des enquêteurs, mené d’une manière respectueuse des droits, est essentiel pour protéger les personnes ; c’est le cas selon le sens le plus direct et physique du mot « protéger ». Mais afin de lutter contre les motivations qui sous-tendent de tels crimes haineux, il faut aller beaucoup plus loin. Ces événements mettent en évidence la nécessité pour le gouvernement australien de renforcer les initiatives communautaires contre le racisme, ainsi que d'investir dans l'éducation et le dialogue communautaire afin de lutter contre les préjugés. Les politiciens ne doivent pas exploiter cette tragédie pour semer davantage la haine ou la division.
Les autorités au niveau communautaire, régional et national devraient consacrer d’importants investissements aux efforts visant à contrer les menaces ou les actes d'incitation, la diffusion de contenus haineux en ligne et de fausses informations préjudiciables, et à promouvoir l'inclusion et le respect de toutes les communautés en Australie.
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15.12.2025 à 15:01
Human Rights Watch
(Nairobi) – Les forces rwandaises et le groupe armé M23 qui ont pris le contrôle de la ville d’Uvira dans la province du Sud-Kivu, dans l’est de la République démocratique du Congo, le 10 décembre 2025, exposent les civils à de graves risques d’abus, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Ces forces, ainsi que l’armée congolaise et ses alliés, devraient faciliter le passage en toute sécurité des civils fuyant les combats et veiller à ce que l’aide humanitaire parvienne à toutes les personnes qui en ont besoin.
Tard dans la journée du 9 décembre, le M23 et les forces rwandaises sont entrés dans Uvira après une semaine de combats qui ont repoussé les forces militaires congolaises et burundaises et une coalition de milices connue sous le nom de Wazalendo. L’utilisation de drones d’attaque, d’artillerie de gros calibre et d’autres armes a fait au moins 74 morts parmi les civils et 83 blessés, selon les Nations Unies et les reportages des médias. L’ONU a indiqué qu’environ 200 000 personnes ont fui les combats, dont plus de 30 000 ont franchi la frontière vers le Burundi.
« Les accords de Washington visant à résoudre la situation dans l’est de la RD Congo n’ont pas permis d’améliorer la sécurité ou l’accès à l’aide humanitaire pour les civils aux environs d’Uvira dans le Sud-Kivu », a déclaré Clémentine de Montjoye, chercheuse senior sur la région des Grands Lacs à Human Rights Watch. « Les parties belligérantes continuent de commettre des atrocités et d’entraver l’aide humanitaire et devraient être amenées à rendre des comptes. »
La situation humanitaire à Uvira et dans ses environs est désastreuse. Les hôpitaux et les centres de santé sont débordés à un moment où l’aide humanitaire a fortement diminué en raison d’un manque d’accès et de financement. Des réfugiés au Burundi ont dit à Human Rights Watch qu’ils ne recevaient que peu ou pas d’assistance. Le Programme alimentaire mondial des Nations Unies a suspendu son assistance dans le Sud-Kivu. Les autorités rwandaises et les leaders du M23 devraient garantir l’accès aux produits essentiels à la survie de la population, tels que l’eau, la nourriture et les médicaments.
Des sources onusiennes et militaires ont indiqué à Human Rights Watch que plusieurs milliers de soldats rwandais, y compris des forces spéciales, ont traversé la frontière pour entrer en RD Congo au cours des dernières semaines.
Durant la première semaine de décembre, les forces rwandaises et du M23 ont pris le contrôle des villes et des villages sur la route d’Uvira, notamment Luvungi, Mutarule et Sange. Des sources ont signalé le recours à des tirs d’artillerie, des drones d’attaque, et d’autres armes explosives pendant l’offensive. Le 12 décembre, les États-Unis ont déclaré au Conseil de sécurité des Nations Unies que « le Rwanda a [récemment] déployé plusieurs missiles sol-air et d’autres armes lourdes et sophistiquées dans le Nord et le Sud-Kivu pour aider le M23. »
« Les drones ont largué des bombes sur la population et les maisons », a témoigné un homme de 60 ans originaire de Luvungi qui a fui au Burundi. « J'ai vu des gens qui tentaient de fuir les combats ou qui se cachaient dans leurs maisons se faire tuer, y compris des enfants à Mutarule. »
Plusieurs explosions dans le centre-ville de Sange ont tué au moins 36 personnes, dont des civils, d’après des vidéos vérifiées par Human Rights Watch, un défenseur des droits humains local et des reportages dans les médias. Des sources de l’ONU et locales ont indiqué à Human Rights Watch que les explosions étaient liées à des attaques de drones et aux combats internes entre l’armée congolaise et la coalition Wazalendo.
Une vidéo filmée le 7 décembre montre plus de 20 corps disséminés dans une rue proche de l’intersection principale. Certains sont en uniforme militaire, mais la plupart portent des vêtements civils, et certains semblent être des enfants. Une source de la société civile a déclaré qu’une famille de cinq personnes a été tuée dans une explosion, y compris des enfants âgés de 13 et 15 ans. Trois vidéos filmées le 9 décembre montrent des bénévoles creusant des tombes au bord de la route principale à environ 30 mètres du lieu où les corps ont été retrouvés.
Le 9 décembre, un journaliste de radio, Janvier Lwesho Nyakirigo, et son frère ont été tués dans une explosion à leur domicile à Kiliba, à 11 kilomètres au nord d’Uvira, selon deux sources locales.
Les préoccupations concernant la sécurité des civils dans le Sud-Kivu ont été accentuées par la montée des tensions et les graves violations du droit international humanitaire perpétrées par les parties au conflit. Après s’être emparés de Goma et de Bukavu, les capitales provinciales du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, au début de l’année 2025, les combattants du M23 ont commis des abus généralisés, notamment des exécutions sommaires, des campagnes de recrutement forcé et des violences sexuelles. Le M23 a également transféré illégalement des citoyens congolais et des réfugiés rwandais au Rwanda.
Plusieurs défenseurs des droits humains et journalistes à Uvira et dans les territoires nouvellement occupés ont fait part à Human Rights Watch de leur inquiétude quant aux représailles qu’ils subiront en raison de leur travail, comme ce fut le cas d’autres activistes et journalistes après la prise de Goma et de Bukavu.
Après que le M23 a pris le contrôle d’Uvira le 10 décembre, ses combattants ont commis des abus. Le 10 décembre, dans le quartier de Kasenga, des combattants du M23 ont abattu deux hommes de 25 ans portant des vêtements civils après les avoir accusés d’être des combattants Wazalendo, ont raconté des proches et des témoins. Les combattants du M23 ont également arrêté puis exécuté un homme de 57 ans après qu’il a refusé de leur remettre son téléphone, ont décrit un proche et un témoin.
Les 11 et 12 décembre, les combattants du M23 ont continué à exécuter des jeunes hommes et des combattants Wazalendo présumés, y compris des personnes apparemment non armées vêtues en civil, d’après plusieurs rapports de résidents et des médias. Quand un proche d’un homme tué est allé chercher son corps dans le quartier de Kavimvira, il a indiqué avoir vu des dizaines de corps sur place, ce qu’une source de l’ONU a confirmé.
Tout au long de l’année 2025, des soldats congolais et des combattants Wazalendo ont aussi commis des exécutions sommaires et des violences sexuelles à l’encontre de civils. À Uvira, les combattants Wazalendo ont également harcelé, menacé et enlevé des membres de la communauté banyamulenge, qui sont des Tutsis congolais du Sud-Kivu, et ont restreint leur accès aux services essentiels, les accusant de soutenir le M23.
Quatre habitants d’Uvira ont raconté que des soldats congolais et des combattants Wazalendo ont harcelé des civils et pillé des maisons alors qu’ils se retiraient de la ville. Le 10 décembre, des combattants Wazalendo ont exécuté sommairement un membre de la communauté banyamulenge, le lieutenant de l’armée congolaise Munyakuru Mushambaro, dans le quartier de Kabindula, selon des sources militaires et un voisin. « Ils se sont mis à tirer sur la porte ; il a essayé de s’échapper, mais ils lui ont tiré dessus et l’ont tué sur-le-champ », a décrit le témoin. « Ils ont entonné des chants anti-tutsis, qui disaient “maintenant un Rwandais est mort, il a eu ce qu’il méritait”. »
L’offensive contre Uvira a eu lieu quelques jours après la cérémonie de signature des accords de Washington négociés par les États-Unis le 4 décembre. Alors que l’accord et son cadre économique prévoient la mise en place de certaines mesures de maintien de la paix, telles que le retrait des troupes rwandaises de la RD Congo, les engagements généraux de l’accord doivent être appliqués, a déclaré Human Rights Watch.
Les États-Unis, l’Union européenne et l’Union africaine devraient augmenter l’assistance humanitaire et faire pression sur les gouvernements du Burundi, de la RD Congo et du Rwanda pour qu’ils accordent la priorité à la protection des civils et garantissent l’accès à l’aide humanitaire et un passage sûr aux civils qui cherchent à fuir les combats. Les États-Unis et l’UE devraient adopter de toute urgence de nouvelles sanctions ciblées contre les dirigeants rwandais responsables ou complices de violations du droit international, tout en réexaminant rapidement leur coopération avec le Rwanda – y compris dans les secteurs de la sécurité et des minéraux – pour veiller à ce qu’ils n’alimentent pas de nouveaux abus.
Les gouvernements devraient également faire pression sur les pays de la région pour faciliter l’accès à la nouvelle Commission d’enquête des Nations Unies sur l’est de la RD Congo afin de procéder à la collecte et à la documentation de preuves. Ils devraient appeler à la fin de l’impunité et prendre des mesures pour que les commandants et les dirigeants responsables de violations graves des droits humains soient traduits en justice.
Le 12 décembre, le Conseil de sécurité de l’ONU a tenu une réunion d’urgence pour discuter de la dernière escalade du conflit. La délégation américaine a accusé le Rwanda d’être « intimement impliqué » dans la planification et l’exécution du conflit et a déclaré que le Rwanda comptait au moins 5 000 à 7 000 soldats dans l’est de la RD Congo avant le début de cette dernière offensive, malgré les démentis du Rwanda.
Les garants des accords de Washington devraient aller au-delà de la condamnation et adopter des mesures fortes pour faire respecter le droit international humanitaire et les droits humains, a déclaré Human Rights Watch.
« La situation à laquelle sont confrontés les civils du Sud-Kivu est de plus en plus périlleuse et les besoins humanitaires sont considérables », a conclu Clémentine de Montjoye. « À moins que les responsables des abus ne soient amenés à répondre pleinement de leurs actes, compte tenu des événements de l’année écoulée, le pire est peut-être encore à venir. »
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Articles
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RFI
15.12.2025 à 06:00
Human Rights Watch
(Beyrouth) – Les attaques répétées menées par l'armée israélienne contre des équipements liés à la reconstruction et contre d'autres installations civiles dans le sud du Liban durant l'année 2025 ont violé les lois de la guerre et constitué des crimes de guerre apparents, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch.
Des habitants et des autorités municipales locales ont déclaré à Human Rights Watch que ces attaques ont entravé les efforts de reconstruction dans le sud du Liban, et ont empêché des dizaines de milliers de personnes déplacées de retourner dans leurs foyers. Plus de 10 000 bâtiments ont été gravement endommagés ou détruits dans cette région, entre octobre 2023 et janvier 2025.
« Malgré le cessez-le-feu, les forces israéliennes ont mené des attaques qui visaient illégalement des installations et des équipements liés à la reconstruction dans le sud du Liban », a déclaré Ramzi Kaiss, chercheur sur le Liban à Human Rights Watch. « Après avoir réduit en ruines plusieurs villes frontalières de cette région, l'armée israélienne rend désormais beaucoup plus difficile la situation de dizaines de milliers d'habitants qui souhaitent retourner dans leurs villes et y reconstruire leurs maisons détruites. »
Human Rights Watch a enquêté sur quatre attaques israéliennes menées dans le sud du Liban contre des sites contenant des équipements liés à la reconstruction de la région. Trois attaques menées dans les villes de Deir Seryan, Msayleh et Ansariyeh visaient six sites où des bulldozers, des excavatrices et des engins lourds étaient garés à l’extérieur, ainsi que des installations de maintenance. La quatrième attaque visait une usine de ciment et d'asphalte à Sinay.
Ces frappes ont été menées entre août et octobre 2025, soit plusieurs mois après l’instauration du cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah ; elles ont tué trois civils, et blessé au moins onze personnes.
Les chercheurs se sont rendus sur les sites et ont mené des entretiens avec 13 personnes, dont des propriétaires d’installations de stockage et d'entretien, des maires des villes concernées, un responsable de l'usine de ciment et d'asphalte, un entrepreneur disposant d’un contrat avec le gouvernement et deux personnes travaillant pour une organisation non gouvernementale internationale qui fournit de l'aide dans le sud du Liban. Human Rights Watch a également examiné des documents d'inventaire et des contrats montrés par trois propriétaires d’entrepôts.
Ces quatre attaques ont détruit plus de 360 engins lourds, dont des bulldozers et des excavatrices, ainsi que l’usine de ciment et d'asphalte. Les propriétaires des entrepôts d’équipements de chantier ont expliqué qu’ils vendaient ou louaient des engins à des clients dans différentes régions du Liban, y compris pour des travaux de reconstruction civile, notamment le déblaiement de décombres.
« Nous ne pouvons même pas déblayer les décombres parce que nous craignons que si nous le faisons, les machines que nous utilisons pour le déblaiement soient également frappées », a déclaré Ibrahim Karim, propriétaire d'un entrepôt d’engins à Deir Seryan. « Donc ici, nous avons déblayé les décombres manuellement. »
Peu après chacune de ces attaques, l’armée israélienne a émis une déclaration affirmant que les équipements et matériaux ciblés étaient utilisés par le Hezbollah (ou que leur utilisation était « autorisée » ou « planifiée »), afin de « reconstruire » ou « rétablir » ses « infrastructures » (ou « actifs » ou « activités ») dans la région. Aucune déclaration de l’armée israélienne n’a toutefois fourni d’informations plus détaillées.
Human Rights Watch n'a trouvé aucune preuve de la présence de cibles militaires sur ces sites, ou dans les environs. Les chercheurs ont pu vérifier que certaines machines et fournitures étaient utilisées à des fins civiles. Les chercheurs n'ont pas été en mesure de vérifier les conditions d’utilisation de toutes les machines et de tous les matériaux qui ont été attaqués, mais n'ont trouvé aucune preuve de leur utilisation à des fins militaires par le Hezbollah.
Les propriétaires et les employés ont tous déclaré ne pas savoir si leurs clients travaillaient avec la branche militaire du Hezbollah. Ils ont ajouié qu'ils ne demandaient généralement pas à leurs clients leur affiliation politique, et qu'ils vendaient et réparaient des machines lourdes à tout client qui sollicitait leurs services.
Le Hezbollah est constitué d’une part d’une branche armée nommée « Al-Muqawama al-Islamiyya » (« Résistance islamique ») et d’autre part d’un parti politique ainsi que d’autres organisations non militaires dont des établissements de santé et des organismes d'aide sociale. À l'instar d'autres partis politiques libanais, le Hezbollah compte des milliers de membres qui ne participent activement à aucun aspect de ses opérations militaires.
Cependant, même dans les cas où des équipements civils étaient vendus à des personnes liées au Hezbollah, ou entretenus pour leur compte, cela ne signifiait pas que ces engins ou entrepôts devenaient des cibles militaires légitimes.
D'après les preuves recueillies par Human Rights Watch, les contributions potentielles des machines et des sites attaqués à la capacité militaire du Hezbollah étaient trop vagues ou trop ténues pour que ces objets puissent être considérés comme des cibles militaires légitimes. Autoriser de telles attaques reviendrait à faire de toutes les machines lourdes et de toutes les usines produisant des matériaux de construction des objectifs militaires susceptibles d'être attaqués.
Les forces israéliennes ont aussi mené à plusieurs reprises dans le Territoire palestinien occupé des attaques illégales contre des machines lourdes destinées à la reconstruction et d'autres infrastructures civiles vitales, entravant ainsi les efforts de reconstruction à Gaza.
Le 3 décembre, Human Rights Watch a transmis à l'armée israélienne une lettre résumant ses conclusions au sujet de ses recherches au Liban, et comprenant plusieurs questions. L'armée israélienne a répondu en posant elle-même une question à Human Rights Watch, à laquelle l’organisation a répondu ; toutefois, l'armée israélienne n'a ensuite répondu à aucune des questions initialement posées.
Selon le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), dont l’analyse des lois coutumières de la guerre fait autorité, les parties belligérantes ne peuvent cibler que des objectifs militaires légitimes, définis comme « des biens qui, par leur nature, leur emplacement, leur destination ou leur utilisation apportent une contribution effective à l’action militaire ». Il s’agit de biens « dont la destruction totale ou partielle, la capture ou la neutralisation », au moment de ces actes, « offre […] un avantage militaire précis ».
La simple possibilité que des équipements puissent être utilisés de manière indéterminée dans le futur à des fins militaires, par exemple pour construire des fortifications, ne suffit pas pour les considérer comme une cible militaire légitime. Les personnes qui ordonnent des attaques délibérées contre des biens et des infrastructures civils sont responsables de crimes de guerre.
Les principaux alliés d'Israël, notamment les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Allemagne, devraient d’urgence faire pression sur Israël afin que ce pays cesse d’attaquer des biens civils et les efforts de reconstruction au Liban. Ces pays devraient immédiatement suspendre leurs ventes d'armes à Israël et d’autres formes de soutien militaire, et imposer des sanctions ciblées aux responsables israéliens impliqués de manière crédible dans des crimes graves.
Les autorités judiciaires libanaises devraient ouvrir des enquêtes sur les crimes internationaux graves commis dans le pays. Le gouvernement devrait entreprendre un processus d’adhésion du Liban au Statut de Rome de la Cour pénale internationale, accompagné d’une déclaration acceptant la compétence de la CPI avant la future date d'adhésion, depuis au moins le 7 octobre 2023.
« Le retour de dizaines de milliers de résidents déplacés du Liban dans leurs foyers et leurs villages dépend de la capacité des autres gouvernements à faire pression sur Israël pour que ce pays cesse d’attaquer les efforts de reconstruction », a conclu Ramzi Kaiss. « Ces autres pays devraient immédiatement suspendre les ventes d'armes à Israël et imposer des sanctions ciblées aux responsables impliqués de manière crédible dans les crimes graves qui se poursuivent. »
Informations complémentaires sur les 4 attaquesDeir Siryan : Attaque du 6 août, 15 machines détruites
Dans la nuit du 6 août 2025, les forces israéliennes ont frappé deux ateliers de maintenance de bulldozers à Deir Siryan, dans le sud du Liban. Ces frappes ont fait un mort, un ouvrier syrien travaillant sur l'un des sites, et deux blessés, selon les propriétaires des installations et le ministère libanais de la Santé.
(suite en anglais)
Ansariyeh : Attaque du 3 septembre, 46 machines détruites
Le 3 septembre, vers 22h00, l'armée israélienne a bombardé un entrepôt et un atelier de réparation d'engins de chantier dans le village d'Ansariyeh, dans le sud du Liban, détruisant 46 engins lourds, dont des bulldozers et des excavatrices, ainsi que des centaines de pièces détachées, selon le propriétaire. Douze des engins détruits appartenaient à Mohammed Kiniar, le propriétaire, tandis que les autres appartenaient à des clients qui les avaient emmenés à l'atelier pour réparation.
Un homme syrien a été tué lors de cette frappe, ont déclaré Mohammed Kiniar et le maire de la ville, Abbas Fakih, et trois personnes ont été légèrement blessées.
(suite en anglais)
Msayleh : Attaque du 11 octobre, 300 machines détruites
Dans la nuit du 11 octobre, les forces israéliennes ont bombardé plusieurs sites abritant des bulldozers, des excavatrices, des engins « Bobcat » et d'autres engins de chantier à Msayleh. Ces frappes ont tué un ressortissant syrien et blessé sept personnes.
(suite en anglais)
Sinay : Attaque du 16 octobre contre une usine de ciment et d'asphalte
Les forces israéliennes ont attaqué une importante usine de ciment et d'asphalte à Sinay le 16 octobre. L'usine, implantée dans le village depuis 1992, était manifestement l'une des principales cimenteries du Liban.
(suite en anglais)
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ArticlesOLJ
12.12.2025 à 16:15
Human Rights Watch
Le 9 décembre, CIVICUS Monitor, un réseau international d’organisations de la société civile qui évalue les libertés civiques à l'échelle mondiale, a rétrogradé l'espace civique français de « réduit » à « obstrué ».
Cette dégradation est le résultat d'années d'attaques contre l'espace civique, marquées par «l’escalade des violences policières, les pratiques de surveillance, les arrestations de manifestants, le ciblage des journalistes et les restrictions persistantes des droits fondamentaux », selon CIVICUS. Le gouvernement français recourt également de plus en plus à des mesures administratives sévères pour faire taire la contestation légitime, une tendance que confirme mon travail au sein de Human Rights Watch sur les restrictions pesant sur la société civile.
La « loi sur le séparatisme » de 2021 confère au gouvernement des pouvoirs étendus pour dissoudre des organisations non gouvernementales par décret ministériel et oblige les organisations à signer un « contrat d’engagement républicain » assorti d'exigences vagues (par exemple, « s'abstenir de toute action portant atteinte à l'ordre public ») comme condition pour bénéficier de subventions et d'autres aides de l'État. La formulation vague du « contrat » donne aux autorités une grande marge d'interprétation, ce qui favorise des décisions arbitraires pour sanctionner les organisations concernées. Ces deux instruments ont créé un climat de pression et d'autocensure au sein de la société civile.
Un autre facteur clé qui a conduit à cette dégradation sont les abus des forces de l'ordre à l'encontre de manifestants pacifiques. Depuis des années, des organisations non gouvernementales, dont Human Rights Watch, documentent l'usage excessif de la force par la police lors de manifestations, notamment l'utilisation d'armes dangereuses pour le contrôle des foules. Dans ses observations finales sur la France publiées en mai 2025, le Comité des Nations Unies contre la torture a exprimé sa profonde préoccupation face aux nombreuses allégations d'usage excessif de la force, y compris de la force létale, et de mauvais traitements infligés par les forces de l'ordre, soulignant que ces abus touchent de manière disproportionnée les minorités. Selon CIVICUS, les organisations de solidarité avec la Palestine ont également subi des restrictions.
Le gouvernement français devrait prendre en compte de toute urgence cette dégradation, ainsi que des graves préoccupations soulevées par les organismes de défense des droits humains, et rétablir le respect de l'espace civique conformément à ses obligations internationales et européennes en matière de droits fondamentaux, et en vertu de la Convention européenne des droits de l'homme. La Commission européenne, en tant que gardienne des traités de l'UE, devrait utiliser son rapport annuel sur l'état de droit pour émettre des recommandations fermes afin de remédier au recul de l'état de droit en France.
Les organisations de défense des droits humains et les autres organisations de la société civile devraient pouvoir exercer leurs droits à la liberté d'expression, d'association et de réunion pacifique sans craindre de représailles arbitraires.