25.11.2025 à 14:52
Human Rights Watch
En février 2026, cela fera 80 ans que les Nations Unies ont choisi leur tout premier Secrétaire général, un homme. Depuis lors, les huit autres personnes ayant occupé ce poste étaient tous des hommes. Il est grand temps qu'une femme occupe ces fonctions.
António Guterres, l'actuel Secrétaire général, terminera son mandat en décembre 2026. Les tractations pour désigner son successeur sont déjà bien engagées. Une campagne est également en cours, menée par 1 for 8 Billion, pour que le·la prochain·e Secrétaire général·e soit une femme. Plusieurs femmes se sont portées candidates.
Nous sommes au cours d’une crise mondiale des droits humains, en particulier pour les femmes. L'ONU a estimé en 2022 qu'au rythme actuel, il faudrait 300 ans pour parvenir à l'égalité des genres. Mais même cela semble désormais trop optimiste. En 2025, l'ONU signalait qu'un quart des pays connaissaient un recul des droits des femmes.
L'autoritarisme est en hausse et la misogynie est un outil couramment utilisé par les dirigeants autoritaires. Les conflits atteignent également des niveaux jamais vus depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Au cours des dix dernières années, le nombre de femmes et de filles vivant dans des zones de conflit a augmenté de 50 %, avec des conséquences dévastatrices, notamment l'exacerbation des inégalités entre les genres.
La pleine participation des femmes à toutes les prises de décision est un principe fondamental de l'ONU. Adoptée en 2000, la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations Unies sur les femmes, la paix et la sécurité a établi que les femmes devaient participer pleinement, en toute sécurité, sur un pied d'égalité et de manière significative à toutes les discussions concernant l'avenir de leur pays, notamment lors des pourparlers de paix. En 2024, le Comité des Nations Unies pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a publié des orientations sur la manière dont les pays peuvent parvenir à la parité entre les genres dans la prise de décision et sur les raisons pour lesquelles ils y sont tenus.
La participation des femmes est cruciale, car elles représentent la moitié de la population. Elle est également particulièrement nécessaire en cette période de conflits croissants ; des recherches montrent que lorsque les femmes sont pleinement impliquées, les processus de paix aboutissent plus souvent à des accords, et que ces accords ont plus de chances d'être mis en œuvre.
L'ONU a la responsabilité de garantir la participation des femmes et l'égalité des genres. Les objectifs de développement durable de l'ONU exhortent les pays à « mettre fin à toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et des filles partout dans le monde » d'ici 2030.
Ces efforts devraient inclure le processus de sélection du/de la Secrétaire général·e des Nations Unies. Tous les États membres devraient présenter et soutenir des candidates avec une solide expérience dans le domaine des droits humains. Une fois constitué un groupe de candidat·e·s diversifié, les États membres devraient sélectionner le·la candidat·e le plus qualifié·e. En ces temps périlleux, nous ne pouvons-nous permettre d'avoir un club exclusivement masculin à la tête des Nations Unies.
25.11.2025 à 07:00
Human Rights Watch
(Abuja, 25 novembre 2025) – Les autorités nigérianes devraient agir d’urgence pour assurer la libération des élèves et des enseignants récemment enlevés dans le nord-ouest du pays et prendre des mesures concrètes pour protéger les écoles et les communautés contre de nouvelles attaques, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch. Les groupes responsables des enlèvements devraient immédiatement libérer les élèves et les enseignants détenus.
Le 18 novembre, 25 écolières ont été enlevées par des hommes armés non identifiés à l'école secondaire publique pour filles de Maga, dans l'État de Kebbi. Trois jours plus tard, le 21 novembre, au moins 303 élèves (filles et garçons) et 12 enseignants ont été enlevés à l'école primaire et secondaire catholique St. Mary's de Papiri, dans l'État du Niger.
« Ces enlèvements massifs dans des écoles mettent une fois de plus en évidence le ciblage délibéré des élèves, des enseignants et des écoles alors que la situation sécuritaire continue de se détériorer au Nigeria », a déclaré Anietie Ewang, chercheuse sur le Nigeria à Human Rights Watch. « L'aggravation de la crise met en lumière l'incapacité du gouvernement à protéger les communautés vulnérables. »
Aucun groupe n'a revendiqué la responsabilité de ces attaques. Ces dernières années, le Nigeria a été en proie à des attaques violentes et à des enlèvements perpétrés par des gangs criminels communément appelés « bandits ». Ces groupes ont procédé à des enlèvements contre rançon, notamment d’élèves des régions du nord-ouest et du centre du Nigeria. Le 18 novembre, le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM, ou Jama'at Nusrat al-Islam wa al-Muslimeen, NIM), lié à Al-Qaïda et actif dans tout le Sahel, a revendiqué la responsabilité d'une attaque contre une patrouille militaire menée dans l'État de Kwara le 29 octobre ; il s’agissait apparemment de sa première incursion sur le territoire nigérian.
Human Rights Watch a mené des entretiens avec les parents de deux des filles enlevées dans l'État de Kebbi. Isa Nazifi, le père de Khadija Nazifi, une élève de 13 ans qui figurait parmi les personnes enlevées, a déclaré : « J'ai immédiatement pris une moto et je me suis précipité à l'école, où j'ai trouvé ma deuxième fille, également élève dans cette école. Elle m'a dit que Khadija avait été enlevée. Nous sommes extrêmement inquiets. Ma femme est en larmes. Je resterai ici à l'école jusqu'à ce que ma fille revienne. Si je rentre à la maison sans elle, que vais-je dire à ma famille ? »
Malam Sani Zimri, dont la fille, Salima Sani Zimri, est une lycéenne qui a également été enlevée, a déclaré avoir entendu des rumeurs provenant d'autres parents concernant une possible attaque de bandits au cours de la semaine ayant précédé l'incident : « Nous avions repris confiance après avoir vu des militaires surveiller la zone, mais nous avons réalisé qu'il n'y avait aucun agent de sécurité sur place pendant les trois heures qu'a duré l'incident. »
En 2014, l'enlèvement d'écolières à Chibok, dans l'État de Borno par le groupe islamiste armé Boko Haram avait provoqué l'indignation mondiale. Depuis lors, une série d'enlèvements dans des écoles du nord du Nigeria a laissé des familles traumatisées et des communautés entières vivant dans la crainte que si leurs enfants allaient à l'école, ils ne rentrent jamais à la maison. En 2016, Human Rights Watch a rapporté que Boko Haram avait également enlevé plus de 300 enfants de l'école primaire Zanna Mobarti à Damasak, dans l'État de Borno, en 2015.
En décembre 2020, plus de 300 garçons ont été kidnappés dans un internat à Kankara, dans l'État de Katsina. Début 2021, des élèves ont de nouveau été enlevés lors d'incidents majeurs à Kagara, dans l'État du Niger, et à Jangebe, dans l'État de Zamfara, suivis par l'enlèvement de plus de 100 élèves du lycée baptiste Bethel dans l'État de Kaduna. La vague d'enlèvements s'est poursuivie en 2024 avec l'enlèvement d'élèves dans des écoles à Kuriga, dans l'État de Kaduna, et à Gidan Bakuso, dans l'État de Sokoto.
Les autorités nigérianes n'ont pas tiré les leçons des attaques précédentes pour mettre en place des systèmes d'alerte précoce et d'autres mesures susceptibles de prévenir ces atrocités, a déclaré Human Rights Watch.
En réponse aux récents enlèvements, le gouvernement a promis de secourir les élèves kidnappées et de traduire les responsables en justice. Le président Bola Tinubu a ordonné aux agences de sécurité d'agir rapidement pour ramener les filles, tout en exhortant les communautés locales à partager leurs renseignements.
Les autorités ont également fermé 47 écoles secondaires fédérales connues sous le nom de Federal Unity Colleges, et certains États, dont Katsina, Taraba et Niger, ont également fermé des écoles ou restreint les activités scolaires, en particulier dans les internats. Si ces mesures visent à protéger les élèves, elles ont perturbé l'éducation de milliers d'enfants, les privant d'accès à l'éducation et du soutien social et psychologique que leur apportent les écoles. Sans mesures concrètes visant à offrir d'autres possibilités d'apprentissage afin d'assurer la continuité de leur éducation, les élèves risquent de prendre du retard scolaire et de subir des revers à long terme dans leur développement.
Le Nigeria est l’un des pays signataires de la Déclaration sur la sécurité dans les écoles, qui engage le gouvernement à prendre des mesures concrètes pour protéger l'éducation en période de conflit et d'insécurité. Pourtant, les enlèvements se poursuivent à grande échelle, à un rythme sans relâche. Le 19 novembre, le Sénat nigérian a ordonné une enquête approfondie sur la mise en œuvre du Fonds pour la sécurité des écoles du gouvernement, demandant pourquoi les fonds destinés à la protection des écoles n'avaient pas permis d'empêcher les attaques récurrentes. Le gouvernement devrait agir d’urgence pour faire avancer une proposition visant à introduire une législation afin de mettre en œuvre la Déclaration sur la sécurité dans les écoles, a déclaré Human Rights Watch.
« Les enfants nigérians ont le droit d'aller à l'école sans craindre pour leur vie », a conclu Aniete Ewang. « Les autorités nigérianes devraient donner la priorité à la libération en toute sécurité des enfants et des enseignants kidnappés, et traduire en justice les responsables. »
……………..
24.11.2025 à 22:54
Human Rights Watch
(Washington) – L'intensification des pressions politiques exercées sur les autorités électorales au Honduras y menace le droit des citoyens de voter lors d'élections libres et équitables, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui.
Des élections générales seront tenues au Honduras le 30 novembre, afin d’élire le ou la président-e, les 128 membres du Congrès national et les 20 députés honduriens du Parlement centraméricain. Ces dernières semaines, le bureau du Procureur général a ouvert des enquêtes pénales visant les hautes autorités électorales. Parallèlement, l'impasse au sein du Conseil national électoral (Consejo Nacional Electoral, CNE) a retardé à plusieurs reprises l'attribution des contrats pour l'organisation des élections. Les allégations de fraude formulées par la présidente Xiomara Castro, ainsi que par des membres des partis d'opposition, sapent également la crédibilité du processus électoral.
« Les allégations de fraude potentielle, les mesures agressives prises par les procureurs et l'armée, et l'impasse politique au sein de l'autorité électorale menacent le droit des Honduriens à participer à des élections libres et équitables », a déclaré Juanita Goebertus, directrice de la division Amériques à Human Rights Watch. « Les missions internationales d'observation électorale devraient suivre de près le processus et faire pression sur les autorités honduriennes pour garantir que les conditions électorales soient libres et équitables. »
Depuis 2019, l'autorité électorale est divisée entre le Tribunal de justice électorale (Tribunal de Justicia Electoral, TJE), la plus haute autorité en matière de justice électorale, et le CNE, qui administre le processus électoral. Ces deux institutions sont composées de trois membres principaux, élus à la majorité des deux tiers au Congrès. La nomination des membres du conseil et du tribunal résulte d'un accord politique entre les trois principaux partis du pays – Partido Nacional, Partido Liberal et Partido Libre – permettant à chacun d’entre eux d’obtenir un siège dans chaque organe. Ces derniers mois, les tensions entre les membres du conseil ont toutefois paralysé le CNE.
Le 29 octobre, le procureur général Johel Zelaya a annoncé l'ouverture d'une enquête sur Cossette López, membre du conseil issue du parti Nacional, l'accusant d'avoir comploté pour manipuler les résultats électoraux. Zelaya a cité un enregistrement audio, que Cossette López affirme avoir été manipulé. La présidente Xiomara Castro a qualifié les enregistrements contestés de « complot criminel visant à provoquer un coup d'État électoral ».
Le 10 novembre, les procureurs ont ouvert une enquête contre deux juges du tribunal, les accusant d'avoir agi illégalement en approuvant une résolution alors que seuls deux des trois juges étaient présents.
Le 9 novembre, le Conseil a testé son système national de transmission des résultats préliminaires des élections le soir même du scrutin. Le conseiller Marlon Ochoa, du parti Libre, a déclaré que le test avait échoué et qu'il existait « une conspiration contre le processus électoral au sein même de l'organe électoral ».
Le chef d'état-major interarmées a demandé au Conseil de fournir à l'armée une copie du relevé des votes présidentiels le jour du scrutin. Ana Paola Hall, présidente du Conseil, a déclaré avoir rejeté cette demande. L'armée a le devoir constitutionnel de soutenir le transport du matériel électoral le jour du scrutin, mais n'a aucune autorité pour accéder aux résultats, les compter, les transmettre ou les examiner.
Le 20 novembre, les forces armées ont déposé une plainte auprès du bureau du procureur général afin d'engager une action pénale pour diffamation contre Cossette López.
Dans ce contexte de méfiance croissante et d'allégations de fraude, le rôle des missions d'observation électorale indépendantes nationales et internationales sera essentiel pour préserver la crédibilité du processus, a déclaré Human Rights Watch.
La mission d'observation de l'Organisation des États américains a exprimé son inquiétude face aux « actions et déclarations fréquentes – pratiquement quotidiennes – qui génèrent de l'incertitude et déstabilisent le processus électoral » et a fait part de ses préoccupations concernant « l'intervention judiciaire excessive » dans les élections. L'Union européenne a également déployé une mission d'observation électorale au Honduras. Le 18 novembre, l'UE a exprimé son inquiétude face aux développements susceptibles de compromettre les institutions électorales du Honduras à l'approche des élections, déclarant que les autorités et les partis politiques devaient veiller à ce que les organes électoraux puissent fonctionner de manière indépendante et transparente.
………………..
24.11.2025 à 22:40
Human Rights Watch
Mise à jour 25/11/25 : Le 24 novembre, Mustapha Djemali et Abderrazek Krimi ont été condamnés chacun à deux ans de prison ; ils ont ensuite été libérés, ayant déjà effectué l’essentiel de cette peine durant leur détention à ce jour, la période restante étant assortie d’un sursis. Les trois autres accusés, jugés lors du même procès, ont été acquittés.
(Beyrouth) – Cinq employés du Conseil tunisien pour les réfugiés seront jugés à partir du 24 novembre, dans un contexte de répression généralisée des organisations de la société civile en Tunisie, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Les autorités tunisiennes devraient abandonner les accusations infondées retenues contre ces employés, remettre en liberté deux d’entre eux qui sont en détention et cesser de criminaliser le travail légitime des organisations indépendantes.
Les autorités tunisiennes ont dissous le Conseil, gelé ses comptes en banque et poursuivent en justice six de ses employés pour leur travail d’assistance aux demandeurs d’asile et aux réfugiés effectué en partenariat avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). Parmi ces six personnes figurent le fondateur et directeur du Conseil, Mustapha Djemali, et son chef de projet, Abderrazek Krimi. Ils sont passibles d’une peine pouvant aller jusqu’à 23 ans de prison s’ils sont déclarés coupables de l’accusation infondée d’avoir facilité les entrées et les séjours clandestins d’étrangers en Tunisie. L’un de ces six employés n’est pas encore en jugement, en l’attente de l’issue de démarches effectuées devant la Cour de Cassation.
« Le Conseil tunisien pour les réfugiés a effectué un travail essentiel de protection de réfugiés et de demandeurs d’asile, opérant légalement avec des organisations internationales accréditées en Tunisie », a déclaré Bassam Khawaja, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Faire d’une organisation humanitaire la cible d’actions en justice abusives revient à criminaliser un travail d’assistance crucial et prive les demandeurs d'asile d’un soutien dont ils ont désespérément besoin. »
Le procès, devant le Tribunal de première instance de Tunis, est le premier à être intenté à une organisation de la société civile depuis les arrestations de plusieurs employés d’organisations non gouvernementales effectuées entre mai et décembre 2024. Il survient dans le contexte d’une répression sans précédent de l’espace civique en Tunisie.
Le Conseil tunisien pour les réfugiés (CTR), créé en 2016, avait pour tâche d’effectuer l’examen initial des demandes d’asile pour le HCR. Il fournissait également des hébergements d’urgence et de l'assistance médicale aux réfugiés et aux demandeurs d’asile.
Le 2 mai 2024, le CTR a publié un appel d’offres adressé à des hôtels tunisiens pour ces services, provoquant une vive polémique sur les réseaux sociaux et parmi les parlementaires, dans un contexte de répression anti-migrants. Le lendemain, la police a perquisitionné le siège du CTR à Tunis, fermé l’organisation et arrêté Djemali. Le 4 mai, elle a arrêté Krimi. Tous deux sont depuis lors en détention préventive dans l’attente du procès.
Le 7 mai 2024, un porte-parole du tribunal a indiqué que le bureau du procureur de la République avait inculpé les dirigeants d’une organisation (non nommée) pour avoir « constitué une association criminelle dans le but d’aider des personnes à entrer en Tunisie » illégalement. Cette accusation est liée à un « appel d’offres à des établissements hôteliers tunisiens en vue de l'hébergement de migrants africains », lequel a été publié « sans coordination avec les autorités administratives et chargées de la sécurité. »
Le même jour, un juge d’instruction a ordonné que Djemali et Krimi soient détenus pendant la durée de l'enquête concernant les accusations, en vertu des articles 38, 39 et 41 de la Loi n°. 40 de 1975, d'avoir « renseigné, conçu, facilité ou aidé … l’entrée ou la sortie clandestine d’une personne du territoire tunisien », « hébergé les personnes entrant dans le territoire tunisien ou le quittant clandestinement » et « participé à une entente ou formé une organisation » dans le but de commettre ces infractions. Entre mai et juin 2024, les autorités ont également gelé les comptes en banque du CTR, de Djemali et de Krimi.
Le 30 avril 2025, le juge d’instruction a officiellement inculpé les six employés aux termes de la loi de 1975. Le 3 juin, la Chambre d’accusation a alourdi les inculpations en y incluant les dispositions de l’article 42 de la loi, qui, à lui seul, rend passible d’une peine pouvant aller jusqu’à 10 ans de prison.
Human Rights Watch a examiné l’ordonnance du juge et a conclu que les chefs d’accusation étaient uniquement basés sur le travail légitime du Conseil, lequel opérait légalement en Tunisie et était financé presque exclusivement par le HCR.
Bien que les bénéficiaires du travail du CTR étaient des demandeurs d’asile et des réfugiés recensés par le HCR en Tunisie, le juge d’instruction a considéré que les activités de l'organisation consistaient en l’apport d’une aide à des migrants dépourvus de statut légal « pour assurer leur installation dans le pays ». L’ordonnance fait référence à des activités telles que la fourniture d’un hébergement et d’une allocation en espèces à des réfugiés et demandeurs d’asile, qui sont des prestations ordinaires du HCR dans de nombreux pays, souvent effectuées par l’intermédiaire de partenaires.
Djemali, âgé de 81 ans et doté d’une double nationalité suisse et tunisienne, n’a été entendu qu’une seule fois par le juge d’instruction lors de sa détention préventive. Selon sa famille, il est atteint de la maladie de Horton, une inflammation des artères, et depuis septembre 2024 les autorités de la prison ne lui ont pas fourni les médicaments dont il a besoin malgré plusieurs demandes. La famille a précisé que le juge avait rejeté six demandes de remise en liberté provisoire, depuis le début de sa détenion.
Ces poursuites en justice abusives et la fermeture du CTR s’inscrivent dans le cadre d’une répression généralisée de la société civile en Tunisie, a déclaré Human Rights Watch. Entre mai et décembre 2024, les forces de sécurité ont également arrêté au moins six autres employés d'organisations non gouvernementales en rapport avec leur travail consistant à combattre les discriminations ou aider des réfugiés, des demandeurs d’asile et des migrants. Parmi eux figurent Saadia Mosbah, une militante bien connue des droits humains et présidente de l’association anti-raciste Mnemty (Mon rêve) ; Abdellah Saïd, président de l’association Les Enfants de la Lune ; Saloua Ghrissa, présidente de l’Association pour la promotion du droit à la différence ; ainsi que trois employés anciens et actuels de l’organisation Terre d’Asile Tunisie. Toutes ces personnes ont été maintenues depuis lors en détention préventive.
Les autorités ont virtuellement mis fin à l’aide et à la protection des réfugiés et des demandeurs d'asile en Tunisie. En plus d’avoir pris pour cible et fermé des organisations humanitaires, en juin 2024 les autorités ont ordonné au HCR de suspendre ses opérations de traitement des demandes d'asile sous prétexte que la Tunisie cherche à se doter d’un système national régissant le droit d’asile. Le pays ne dispose toujours pas d’un cadre juridique national concernant le droit d’asile. Il en résulte que les demandeurs d’asile en Tunisie se retrouvent dans une impasse juridique, sans accès à une protection internationale, ce qui les expose au risque d’une arrestation et d’une expulsion arbitraires.
Les autorités tunisiennes ont également pris pour cible plusieurs autres organisations de la société civile en ouvrant des enquêtes financières ou pénales à leur encontre, en renforçant leur supervision administrative et financière et en leur infligeant des restrictions bancaires arbitraires et des suspensions temporaires. Depuis juillet, au moins 15 associations enregistrées en Tunisie ont été frappées d’un ordre de suspension par un tribunal, certaines sans notification appropriée.
La Tunisie est un État partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, qui garantissent les droits à la liberté d'association, à ne pas être l’objet d’une arrestation ou d’une détention arbitraire, et à un procès équitable.
La Charte africaine protège également le droit de chercher et d’obtenir un asile contre les persécutions et la Constitution tunisienne de 2022 garantit le droit à l’asile politique. La Tunisie est aussi un État partie aux conventions sur les réfugiés de l’ONU de 1951 et de l’Organisation de l’unité africaine de 1969, qui protègent les droits des réfugiés et des demandeurs d’asile. Cela inclut une interdiction de punir des personnes pour une entrée ou un séjour clandestin pourvu que ces personnes se soient rapidement présentées aux autorités, ainsi que l’interdiction absolue du refoulement — c’est-à-dire le renvoi vers un lieu où elles risquent de subir des persécutions.
« Au lieu de criminaliser le travail des organisations humanitaires et d’emprisonner les défenseurs des droits humains sous des prétextes fallacieux, les autorités tunisiennes devraient travailler main dans la main avec la société civile pour le bénéfice de tous dans le pays », a affirmé Bassam Khawaja. « La répression généralisée de la société civile cause du tort non seulement aux employés des organisations visées mais aussi aux nombreuses personnes qui bénéficient de leur travail. »
……………….
Articles
OLJ/AFP Kapitalis Africaradio Afrik.com
Le Monde France24 Mediapart/AFP
Info Migrants
24.11.2025 à 06:00
Human Rights Watch
(New York) – Philippe Bolopion, un ancien journaliste ayant ensuite occupé de hautes fonctions à Human Rights Watch pendant 13 ans, lors desquels il a mené d’importantes activités de plaidoyer au sujet d’atrocités commises dans des zones de conflit, a été nommé Directeur exécutif de Human Rights Watch, a annoncé l’organisation aujourd’hui. Philippe Bolopion avait précédemment gravi les échelons à Human Rights Watch pendant plus d’une décennie, y occupant plusieurs postes à haute responsabilité.
« La nomination de Philippe est un excellent choix. Il possède la vision stratégique, la force du leadership, la capacité de bien représenter Human Rights Watch en toutes circonstances, ainsi que les valeurs et la personnalité qui lui permettront de développer l'organisation », a déclaré Kenneth Roth, ex-Directeur exécutif de Human Rights Watch.
Philippe Bolopion a commencé sa carrière comme reporter au Kosovo. Il y a couvert les violences ethniques brutales commises dans cette province, les opérations de la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies et la chute du président serbe Slobodan Milosevic, alors accusé de crimes de guerre. De 2000 à 2010, il a été le correspondant principal au siège de l’ONU à New York pour plusieurs médias français, notamment Radio France Internationale (RFI), le quotidien de référence français Le Monde et la chaîne d’information France 24.
« Human Rights Watch a un rôle essentiel à jouer pour amener les auteurs de crimes à rendre des comptes et pour promouvoir la paix et la justice, et je suis convaincu que Philippe sera un défenseur déterminé des victimes de violations des droits humains qui saura se faire entendre dans le monde entier », a déclaré le Dr Denis Mukwege, lauréat du prix Nobel de la paix et membre des Elders. « Philippe était un journaliste bien connu à RFI au sujet des questions africaines, et il a ensuite efficacement mené des actions de plaidoyer lors de nombreuses crises qui ont touché le continent africain. »
En tant que journaliste, Philippe Bolopion a couvert les principales crises de l’époque, y compris celle qui a mené à la guerre en Irak ; il a été envoyé spécial au Darfour, dans la bande de Gaza, au Liban, en Haïti, au Sri Lanka et en République démocratique du Congo. Il est l’auteur de l’ouvrage « Guantanamo : Le bagne du bout du monde », un récit saisissant de sa visite du centre de détention militaire américain, auquel peu d’autres journalistes ont eu accès, et où il a rapidement conclu que le traitement de plusieurs prisonniers constituait une forme de torture.
« Le travail de Philippe en tant que journaliste a été caractérisé par ses reportages méticuleux et percutants. Il est profondément déterminé à dénoncer les injustices et à s’assurer que les détenteurs de pouvoir soient tenus de rendre des comptes », a déclaré Natalie Nougayrède, ancienne directrice du journal Le Monde. « Philippe est un défenseur intrépide des principes fondamentaux, vif et agile. À la tête de Human Rights Watch, il apportera tout son talent et son énergie à la lutte pour les droits humains, une tâche qui est aujourd’hui plus urgente que jamais. »
En 2010, après avoir couvert pendant une décennie les efforts de l’ONU pour mettre fin aux atrocités de masse et à divers conflits, Philippe Bolopion a rejoint Human Rights Watch afin de mieux concrétiser sur la scène mondiale son engagement en faveur des droits humains. Il a d’abord travaillé en tant que Directeur du plaidoyer auprès de l’ONU, puis a été nommé Directeur adjoint chargé du plaidoyer mondial en 2016. Dans le cadre de ces responsabilités, il a ardemment défendu les droits des personnes piégées dans des crises majeures, au Myanmar, au Burundi, au Soudan du Sud, en République centrafricaine, au Cameroun et au Mali, contribuant souvent aux activités de plaidoyer et de recherche sur le terrain.
Philippe Bolopion a notamment plaidé pour le déploiement d’une mission internationale de maintien de la paix en République centrafricaine, dénoncé les ventes d’armes à l’Arabie saoudite par des pays occidentaux malgré le risque qu’elles soient utilisées lors de crimes de guerre au Yémen, et contribué à la création avec des partenaires locaux et internationaux d’une coalition dénonçant l’oppression systématique des Palestiniens par le gouvernement israélien. Il a aussi codirigé la campagne qui a permis d’empêcher l’obtention par la Russie d’un siège au Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Tout au long de cette période, Philippe Bolopion a été une voix puissante dans les médias pour la défense des victimes de violations des droits humains à travers le monde.
Plus récemment, Philippe Bolopion avait rejoint la société française de gestion d’actifs TOBAM, pour participer au lancement d’une stratégie d’investissement mettant en lumière les coûts élevés que les régimes autoritaires représentent pour les investisseurs.
« J’ai pu observer l’approche percutante de Philippe en matière de leadership à l’égard de plusieurs questions importantes des droits humains en Afrique, notamment en République centrafricaine où ses activités de plaidoyer ont contribué aux enquêtes du Procureur de la Cour pénale internationale pour traduire en justice des chefs de milices ; c’est précisément ce dont Human Rights Watch a besoin en ce moment », a déclaré Mausi Segun, directrice de la division Afrique à Human Rights Watch. « Je suis enthousiasmée par la perspective de ce que l’organisation peut accomplir, en ce moment où la jouissance des droits humains n’est guère qu’un mirage pour de nombreuses personnes à travers le monde. »
Philippe Bolopion accède à la direction de Human Rights Watch à un moment marqué par d’importants défis. La démocratie est en recul dans une large partie du monde depuis deux décennies, les normes relatives aux droits humains et durement acquises risquent d’être érodées, et des atrocités massives sont commises au Soudan, à Gaza, en Ukraine et ailleurs. Parmi les tâches prioritaires de Philippe Bolopion figureront la mobilisation de nouvelles ressources et le renforcement du rôle unique et de l’impact de Human Rights Watch, qui s’appuie sur divers outils : des enquêtes innovantes et rigoureuses, des rapports et communiqués qui affirment des faits permettant de démentir la propagande, ainsi que des campagnes de plaidoyer pragmatiques, visant à augmenter le coût des abus commis par des acteurs puissants.
« Le mouvement des droits humains fait face à une forte tempête : la Chine et la Russie poursuivent de manière effrontée leur stratégie d’affaiblir les droits à l’échelle mondiale, pendant que l’administration Trump s’attaque aux piliers de la démocratie américaine, avec des effets dévastateurs pour l’écosystème mondial des droits humains », a affirmé Philippe Bolopion. « Human Rights Watch est dans une position unique pour faire face à ce défi en dépit du vacarme, en affirmant les faits, en dénonçant les crimes, en alertant le public et en faisant pression sur les détenteurs de pouvoir afin que les auteurs d’abus soient tenus responsables. »
.....................
Articles
RTS.ch (itw de Ph. Bolopion) audio
20.11.2025 à 22:42
Human Rights Watch
Le sommet des Nations Unies sur le climat de cette année (COP30) se tient actuellement à Belém, aux portes de l’Amazonie brésilienne. Le président Luiz Inácio Lula da Silva a inauguré le sommet en annonçant un fonds d’investissement mondial destiné à rémunérer les pays possédant des forêts tropicales pour le fait de conserver les arbres sur pied. Les peuples autochtones ont fait sentir leur présence à la COP30 depuis le début, exigeant la reconnaissance de leurs contributions en tant que défenseurs de l’environnement.
Ces événements ont placé les milieux forestiers au cœur de la COP30, et suscité l’espoir qu’elle ferait progresser les efforts de protection des forêts critiques pour le climat et des communautés dont elles permettent la subsistance.
À l’échelle nationale, un élan a été observé. Cette semaine, le Brésil a terminé le processus de reconnaissance juridique officielle de quatre territoires autochtones.
Dans l’un d’eux, situé dans l’État de Mato Grosso, des fermiers illégaux menacent de gagner du terrain sur la forêt et de la convertir en pâturages. Cette nouvelle a redonné espoir aux Manokis, le groupe autochtone dont c’est le territoire. « Nous prendrons place dans notre territoire la tête haute, sans peur, comme nos ancêtres nous l’ont appris », a déclaré Giovani Tapura, un chef du peuple autochtone manoki, à Human Rights Watch.
Le Brésil a également annoncé qu’il avait avancé dans le processus de reconnaissance officielle des frontières de 23 autres territoires. Il a été clairement démontré, surtout dans la région amazonienne, que les territoires de peuples autochtones et d’ascendance africaine qui sont délimités connaissent moins de déforestation que des zones comparables.
Mais jusqu’ici, les négociations actuelles au sein de la conférence sur le climat n’ont pas abordé la question des engagements à mettre fin à la déforestation et à respecter les droits des peuples de la forêt.
La dernière version de travail du document final de la COP30 ne contient pas de feuille de route pour les forêts, alors que les pays avaient précédemment convenu de faire cesser et d’inverser les pertes forestières d’ici 2030.
Le document final de la COP30 devrait comprendre un engagement de la part des gouvernements à entamer immédiatement des travaux sur une feuille de route assortie d’échéances, visant à endiguer la perte de surface forestière et à lutter contre la dégradation des forêts.
Toute feuille de route destinée à la préservation des forêts devrait par ailleurs exprimer un engagement explicite à faire progresser le respect des droits fonciers des peuples autochtones et des communautés locales. En pratique, cela se traduirait par la reconnaissance légale des droits fonciers coutumiers, la lutte contre l’invasion illégale des territoires traditionnels, le renforcement de la gouvernance des terres gérées en commun et l’investissement dans des moyens de subsistance durables pour les communautés traditionnelles. Cette feuille de route devrait appeler explicitement à financer une conservation pilotée par les communautés.
La COP30 devrait marquer un tournant pour la protection des forêts critiques pour le climat. Les gouvernements devraient mettre au point une feuille de route afin de mettre fin à la déforestation, et faire progresser le respect des droits.
...............