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Humans Right Watch enquête sur les violations des droits humains commises à travers le monde

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14.11.2025 à 16:30

Tunisie : Les condamnations injustes dans l’affaire du « complot » devraient être annulées

Human Rights Watch

Click to expand Image Dix personnes jugées et condamnées à l’issue du procès de « l’affaire du complot » le 19 avril 2025 à Tunis, en Tunisie. De nombreuses autres personnes ont aussi été condamnées par le Tribunal de première instance. EN HAUT (de gauche à droite) : Noureddine Bhiri, Khayam Turki, Abdelhamid Jelassi, Ghazi Chaouachi et Lazhar Akremi. EN BAS (de gauche à droite) : Ridha Belhaj, Issam Chebbi, Chaima Issa, Jaouhar Ben Mbarek et Said Ferjani.  © Privé

(Beyrouth) – Un tribunal tunisien doit entendre en appel, le 17 novembre 2025, 37 personnes injustement condamnées en avril à de lourdes peines de prison dans le cadre d’une affaire de « complot » aux motifs politiques, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Parmi elles, quatre personnes sont en grève de la faim, dont une qui, d’après ses avocats, a subi des violences physiques en prison le 11 novembre.

Les accusés ont été inculpés en vertu de nombreux articles du Code pénal tunisien et de la loi antiterroriste de 2015, de comploter en vue de déstabiliser le pays. Ayant examiné les documents judiciaires de l’affaire, Human Rights Watch a constaté que ces accusations étaient injustifiées et qu’elles n’étaient pas fondées sur des éléments de preuve crédibles. Le tribunal devrait immédiatement casser les condamnations abusives et libérer tous les détenus, a déclaré Human Rights Watch.

« Toute cette affaire n’est qu’une mascarade, des accusations infondées au processus judiciaire dépourvu des garanties d’un procès équitable », a déclaré Bassam Khawaja, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Les autorités devraient mettre fin à ce simulacre de justice, qui s’inscrit dans une répression plus globale de toute forme de critique ou de dissidence. »

Le 19 avril, le Tribunal de première instance de Tunis avait condamné les 37 personnes, dont des opposants du président Saied, des activistes, des avocats et des chercheurs, à des peines de prison comprises entre 4 et 66 ans pour « complot contre la sûreté de l’État » et actes de nature terroriste. Elles avaient été reconnues coupables après seulement trois audiences, sans bénéficier des protections d'une procédure régulière. Trois autres accusés n’ont toujours pas été jugés en raison de procédures en cours devant la Cour de cassation.

Le 24 octobre, des avocats de la défense ont appris que la première audience se tiendrait à distance, par vidéoconférence, le 27 octobre. Les accusés actuellement en détention n’en ont été informés que le jour même de l’audience, tandis que les autres accusés n’ont pas reçu de convocation, a confié une avocate à Human Rights Watch. Le 27 octobre, l’audience a été reportée au 17 novembre.

Jaouhar Ben Mbarek, un activiste politique condamné en avril à 18 ans de prison, a commencé une grève de la faim le 29 octobre pour protester contre sa détention arbitraire. Il n’a pas reçu de soins médicaux appropriés en détention, a déclaré sa sœur et avocate Dalila Msaddek. La Ligue tunisienne des droits de l’homme et plusieurs avocats ont fait part de leur inquiétude au sujet de son état de santé, ce que les autorités carcérales ont nié. Dans une vidéo publiée sur Facebook, Msaddek a déclaré que le 11 novembre, son frère avait été emmené dans une zone sans caméras de surveillance de la prison de Belli pour y être passé à tabac par six autres détenus et cinq gardiens. Il a des ecchymoses sur le corps et une côte cassée, a-t-elle déclaré.

L’homme politique Issam Chebbi et l’avocat Ridha Belhaj, qui se sont vu infliger la même peine que Ben Mbarek, ont également commencé une grève de la faim, respectivement les 7 et 8 novembre. L’activiste politique Abdelhamid Jelassi, qui a été condamné à treize ans de prison, a lui aussi débuté une grève de la faim le 10 novembre.

Le procès d’avril s’était tenu sans les principaux accusés, ce qui les a privés d’une réelle opportunité de présenter leur défense. Le Tribunal de première instance de Tunis et le procureur avaient avancé qu’il existait un « danger réel » et jugé certains accusés par vidéoconférence. La plupart des accusés ont refusé d’être jugés par écran interposé. 

Les autorités judiciaires prévoient de mener la procédure d’appel à nouveau par vidéoconférence, d’après le comité de défense. La pratique des audiences à distance est intrinsèquement abusive puisqu’elle viole le droit des détenus à être physiquement présents devant un juge qui pourra évaluer la légalité de leur détention ainsi que leur santé. Le droit international relatif aux droits humains, comme le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, proclame que toute personne a le droit d’être présente à son procès.

Douze accusés sont actuellement en détention. Certains demeurent en liberté en Tunisie tandis que d’autres, qui sont à l’étranger, ont été jugés par contumace. Nombre de ceux qui ont été condamnés avaient été arrêtés au départ en février 2023 et placés de façon abusive en détention provisoire pendant plus de deux ans, bien au-delà de la durée maximale de 14 mois autorisée par la loi tunisienne. La majorité d’entre eux n’ont été présentés qu’une seule fois devant un juge d’instruction pendant cette période. 

Le gouvernement a lancé des représailles contre les avocats de la défense de cette affaire, ce qui porte encore plus atteinte aux droits des accusés à une procédure régulière, a déclaré Human Rights Watch. Le 21 avril, Ahmed Souad, un avocat défendant certains des accusés, a été arrêté et inculpé de terrorisme et de « diffusion de fausses informations », en vertu des lois sur le contreterrorisme et la cybercriminalité, pour avoir mis en doute l’indépendance de la justice à la suite du procès. Son procès s’est tenu en son absence, n’a duré que quelques minutes et le juge a délibéré sans entendre les plaidoiries des avocats Le 13 octobre, il a été condamné à cinq ans de prison et à trois ans de surveillance administrative.

Dalila Msaddek doit quant à elle comparaître devant un tribunal de Tunis le 25 novembre pour avoir pris la défense de ses clients au cours d’une interview radiophonique en 2023. Elle est accusée de « diffusion de fausses informations » et de traitement indu de données personnelles, en vertu des lois sur la cybercriminalité et la protection des données personnelles.

En mai 2023, Ayachi Hammami, qui était auparavant un des avocats de la défense de l’affaire, est venu s’ajouter aux accusés et a été condamné en avril à huit ans de prison.

Depuis que le président Saied a pris le contrôle des institutions de l’État tunisien, le 25 juillet 2021, les autorités ont fortement accru leur répression de la dissidence. 

Depuis début 2023, elles ont accentué les arrestations et détentions arbitraires de personnes issues de tout l’éventail politique qui sont perçues comme critiques envers le gouvernement. Les atteintes répétées des autorités à l’encontre du pouvoir judiciaire, en particulier le démantèlement du Conseil supérieur de la magistrature par Kais Saied, ont gravement diminué son indépendance et mis en péril le droit des Tunisiens à un procès équitable.

La Tunisie est un État partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, qui garantissent le droit à la liberté d’expression et de réunion, à un procès équitable et à ne pas subir d’arrestation ou de détention arbitraires.

« Les partenaires internationaux de la Tunisie devraient faire entendre leur voix face à ce déni de justice flagrant et ces atteintes à l’état de droit », a conclu Bassam Khawaja. « Ils devraient exhorter les autorités tunisiennes à cesser leur répression, annuler ces condamnations et garantir des procès équitables. »

14.11.2025 à 02:00

Thaïlande : Des réfugiés vietnamiens menacés par Hanoï

Human Rights Watch

Click to expand Image Des policiers vietnamiens venus en Thaïlande interrogeaient un homme vietnamien ayant cherché refuge dans ce pays, le 14 mars 2024.  © 2024 Privé La coopération accrue entre les autorités thaïlandaises et vietnamiennes expose les réfugiés et demandeurs d'asile vietnamiens en Thaïlande à un risque accru de retour forcé vers leur pays. Le Vietnam et la Thaïlande coopèrent plus étroitement et échangent des informations sur les exilés vietnamiens, en particulier depuis le début de l'année 2024, lorsque les deux pays ont entamé des négociations en vue d'un traité d'extradition.La police thaïlandaise devrait cesser d'arrêter des réfugiés et demandeurs d'asile vietnamiens. Les autorités thaïlandaises devraient cesser de coopérer avec la police vietnamienne qui cherche à renvoyer ces personnes vers leur pays.Les gouvernements étrangers devraient accélérer la réinstallation de réfugiés vietnamiens, et exhorter la Thaïlande à empêcher le Vietnam d'interférer dans les affaires concernant des réfugiés.

(Bangkok) – Le renforcement de la coopération entre les autorités thaïlandaises et vietnamiennes expose les réfugiés et les demandeurs d'asile vietnamiens en Thaïlande à un risque accru de retour forcé au Vietnam, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch. En facilitant les abus transfrontaliers commis par le Vietnam, une forme de répression transnationale, les autorités thaïlandaises violent les protections prévues par le droit international des réfugiés. 

La police thaïlandaise a mené plusieurs opérations à grande échelle en 2025, arrêtant des dizaines de ressortissants vietnamiens, dont beaucoup sont reconnus par les Nations Unies comme réfugiés et demandeurs d'asile. Bon nombre des personnes arrêtées ont déclaré avoir rencontré des fonctionnaires vietnamiens dans des prisons ou des centres de détention pour immigrants, ainsi que lors de réunions d'enregistrement avec les autorités thaïlandaises chargées de l'immigration. 

« Les exilés vietnamiens sont confrontés à une insécurité croissante en Thaïlande », a déclaré John Sifton, directeur du plaidoyer auprès de la division Asie à Human Rights Watch. « Les autorités thaïlandaises devraient immédiatement cesser de détenir des réfugiés vietnamiens, et de coopérer avec la police vietnamienne qui cherche à obtenir leur renvoi vers ce pays. »

Human Rights Watch a mené des entretiens avec 34 réfugiés et demandeurs d'asile vietnamiens à Bangkok entre juillet et octobre 2025, dont sept personnes ayant précédemment milité pour les droits humains au Vietnam, trois proches de prisonniers politiques, ainsi que plus de 20 membres des communautés Montagnard et Hmong qui ont été victimes de persécution au Vietnam en raison de leurs croyances religieuses ou de leur participation à des manifestations. Presque tous ont été reconnus comme réfugiés par l'agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) ou sont enregistrés auprès des Nations Unies en tant que demandeurs d'asile, et attendent un entretien pour déterminer leur statut. 

La plupart des Vietnamiens exilés interrogés ont déclaré que la crainte d'être arrêtés, enlevés ou extradés vers leur pays s'était accrue au cours des deux dernières années, en raison des nombreuses visites d’autorités vietnamiennes dans des centres de rétention de migrants en Thaïlande. Ils ont également cité l'enlèvement, en avril 2023, du journaliste dissident Duong Van Thai, 42 ans, réfugié enregistré auprès du HCR qui avait fui le Vietnam en 2019 et attendait d'être réinstallé dans un pays tiers. Des hommes non identifiés l'ont ramené de force au Vietnam et, fin octobre 2024, après un procès à huis clos d'une journée, un tribunal vietnamien l'a condamné à 12 ans de prison pour avoir publié des informations « visant à s'opposer à la République socialiste du Vietnam ». L'inquiétude des exilés s'est encore accrue après que les autorités thaïlandaises, aidées par des agents de sécurité vietnamiens, ont arrêté le dissident Y Quynh Bdap en juin 2024. Le gouvernement vietnamien a qualifié l’organisation de défense des droits humains qu’il a cofondée, Montagnards Stand for Justice, de groupe « terroriste ».

En 2025, notamment au cours des mois de février, mars, avril, juillet et octobre, la police thaïlandaise a mené plusieurs opérations visant les exilés vietnamiens. Bon nombre des personnes arrêtées sont des Montagnards ou des Hmong originaires des hauts plateaux du centre du Vietnam, dont la plupart sont reconnus par le HCR comme réfugiés ou demandeurs d'asile et dont la demande est en cours de traitement. Plusieurs Montagnards et Hmong détenus entre février et avril ont fait des déclarations concordantes après leur libération, affirmant que des policiers vietnamiens les ayant rencontrés dans des centres thaïlandais les avait pressés d'accepter de retourner au Vietnam, et les avait ensuite harcelés lors de réunions avec des autorités thaïlandaises de l'immigration.

De nombreux réfugiés ont déclaré que la police vietnamienne avait rendu visite à leurs proches au Vietnam au cours de l'année dernière, leur disant qu'elle avait localisé leurs proches en Thaïlande et qu'elle s'apprêtait à les faire revenir.

Plusieurs organisations de défense des droits humains en Thaïlande ont interrogé des détenus et des exilés libérés qui corroborent ces conclusions, et ont envoyé des rapports privés aux responsables de l'ONU contenant des allégations d'abus.

La police thaïlandaise détient régulièrement des individus reconnus comme réfugiés par le HCR, notamment originaires du Vietnam, du Cambodge et du Myanmar, et les maintient en détention jusqu'à ce qu'ils versent une caution ; la plupart des réfugiés et des défenseurs des droits des migrants considèrent de telles sommes comme un pot-de-vin. En juillet dernier, Human Rights Watch a publié un rapport indiquant que la police thaïlandaise arrêtait régulièrement des demandeurs d'asile et des migrants originaires du Myanmar, et leur demandait des pots-de-vin. Un autre rapport de Human Rights Watch a documenté le fait que les autorités thaïlandaises aidaient des gouvernements étrangers à cibler des réfugiés.

Le gouvernement thaïlandais est tenu de respecter le principe de non-refoulement, inscrit dans le droit international, qui interdit aux pays de renvoyer une personne vers un lieu où elle courrait un risque réel de persécution, de torture ou d'autres mauvais traitements graves, d'une menace pour sa vie ou d'autres violations graves des droits humains comparables. Le refoulement est interdit par la Convention des Nations Unies contre la torture, à laquelle la Thaïlande est un État partie, ainsi que par le droit international coutumier. L'interdiction du refoulement est inscrite dans la loi thaïlandaise de 2023 sur la prévention et la répression de la torture et des disparitions forcées.

Le Vietnam et la Thaïlande semblent avoir convenu de coopérer plus étroitement et d'échanger des informations sur les réfugiés vietnamiens, en particulier ceux qui sont en détention, depuis le début de l'année 2024, lorsque les deux pays ont entamé des négociations en vue d'un traité d'extradition. En mai 2025, le Premier ministre vietnamien Pham Minh Chinh et le Premier ministre thaïlandais de l'époque, Paetongtarn Shinawatra, ont signé un accord global dans lequel ils « ont convenu de renforcer la coopération législative et judiciaire et se sont engagés à mettre en œuvre efficacement les accords signés entre les deux pays sur la prévention et la lutte contre la criminalité, le transfert des personnes condamnées et la coopération dans l'exécution des peines pénales ».

En juillet, plusieurs experts des droits humains des Nations Unies ont envoyé des lettres aux gouvernements du Vietnam et de la Thaïlande pour demander des informations sur bon nombre de ces cas. Les experts des Nations Unies ont déclaré qu'« il y a lieu de craindre que le gouvernement vietnamien échange des informations avec le gouvernement thaïlandais afin d'identifier les membres vietnamiens de la communauté Montagnard, en vue de leur rapatriement forcé au Vietnam, y compris ceux qui sont reconnus comme réfugiés par le HCR et dont la réinstallation dans des pays tiers est envisagée ».

Les experts se sont également déclarés alarmés par les incidents signalés de « représailles et d'intimidation » à l'encontre de défenseurs des droits humains en exil en Thaïlande et par les « restrictions excessives » imposées aux organisations de la diaspora, qu'ils ont jugées « destinées à décourager davantage la coopération avec les Nations Unies » et à empêcher les personnes de fournir des informations à l'ONU.

Les pays qui ont déjà réinstallé des réfugiés vietnamiens, tels que l'Australie, le Canada, l'Allemagne et d'autres États européens, devraient envisager d'augmenter leur réinstallation des personnes gravement menacées, a déclaré Human Rights Watch. Les États-Unis ont pratiquement suspendu leurs programmes de réinstallation des réfugiés, y compris pour les réfugiés en Thaïlande.

« La Thaïlande coopère actuellement avec le Vietnam, et se rend complice de sa répression transnationale menée à l'encontre de personnes exilées en Thaïlande », a conclu John Sifton. « Les gouvernements étrangers devraient accélérer la réinstallation de réfugiés qui sont en danger en Thaïlande, et exhorter le gouvernement à empêcher l'ingérence du Vietnam dans les affaires relatives aux réfugiés. »

Suite détaillée en anglais.

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13.11.2025 à 00:00

Turquie : Des Ouïghours en quête de sécurité sont soumis à des « codes de restriction »

Human Rights Watch

Click to expand Image Un membre de la communauté ouïghoure résidant en Turquie tenait deux drapeaux du Turkestan oriental (nom utilisé par les Ouighours pour la région du Xinjiang en Chine) devant la mosquée Beyazit à Istanbul, le 25 mars 2021, lors d’une manifestation tenue à l’occasion de la visite en Turquie du ministre chinois des Affaires étrangères. © 2021 Bulent Kilic/AFP via Getty Images Les autorités turques restreignent de plus en plus la possibilité pour des Ouïghours qui cherchent à se protéger du gouvernement chinois de résider légalement en Turquie.Jusqu’à récemment, les Ouïghours qui fuyaient la répression dans leur pays se sentaient en sécurité en Turquie mais, alors que les relations de ce pays avec la Chine se réchauffent et que le gouvernement Erdoğan applique une politique restrictive envers les réfugiés et les migrants, beaucoup d’entre eux sont en proie à l’inquiétude.Le gouvernement turc devrait cesser d’expulser les Ouïghours vers des pays tiers et les reconnaître comme réfugiés. Les autres gouvernements devraient cesser de transférer des Ouïghours vers la Turquie, et envisager d’accueillir eux-mêmes des réfugiés ouïghours ayant dû quitter ce pays.

(Istanbul, le 13 novembre 2025) – Les autorités turques restreignent de plus en plus la possibilité pour des Ouïghours qui cherchent à se protéger du gouvernement chinois de résider légalement en Turquie, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport rendu public aujourd’hui.

12 novembre 2025 Protected No More

Ce rapport de 51 pages, intitulé « Protected No More: Uyghurs in Türkiye » (« Sans protection désormais : les Ouïghours en Turquie »), révèle que l’accès au statut de protection internationale qui était accordé en Turquie aux Ouïghours, ainsi que le traitement préférentiel dont ils bénéficiaient dans le cadre du système turc d’immigration, sont en passe d’être annulés du fait que désormais, les autorités inscrivent arbitrairement dans leurs dossiers de police et d’immigration des « codes de restriction », les définissant comme constituant une « menace pour la sécurité publique ». Le gouvernement place des Ouïghours en détention dans des conditions inhumaines et dégradantes et les force à signer des formulaires de retour volontaire, les exposant au risque d’être expulsés vers des pays tiers qui disposent d’accords d’extradition avec la Chine.

« Jusqu’à récemment, les Ouïghours ayant fui la répression dans leur pays se sentaient en sécurité en Turquie mais, alors que les relations de ce pays avec la Chine se réchauffent et que le gouvernement Erdoğan applique une politique restrictive envers les réfugiés et les migrants, beaucoup d’entre eux sont en proie à l’inquiétude », a déclaré Elaine Pearson, directrice de la division Asie à Human Rights Watch. « Certains Ouïghours affirment qu’ils n’osent plus quitter leur domicile de peur d’être arrêtés et envoyés dans des centres de déportation, tandis que d’autres entament un exode périlleux vers d’autres pays, en quête de sécurité. »

Human Rights Watch a mené des entretiens avec 13 Ouïghours, 6 avocats et un responsable gouvernemental turc ayant une bonne connaissance de cette question, et a étudié les politiques et des documents du gouvernement turc, tels que des décisions d’expulsion, les dossiers de certaines affaires et des circulaires d’ordres. Human Rights Watch a également examiné les dossiers publiquement disponibles de 33 Ouïghours qui ont été détenus dans des centres de déportation avant leur expulsion entre décembre 2018 et octobre 2025.

« Désormais, du fait que je n’ai pas de document légal, j’ai peur de sortir de chez moi, même pour aller faire des courses, car je ne veux pas me retrouver de nouveau au centre de déportation », a déclaré un Ouïghour dont le permis de résidence a été arbitrairement annulé par les autorités turques.

Dans le cadre de cette politique restrictive de l’immigration, les Ouïghours, comme d’autres réfugiés et migrants en Turquie, se voient souvent affecter un « code de restriction » (en général le code « G87 ») qui peut mener à toute une série de conséquences négatives et souvent désastreuses. Parmi celles-ci figurent le rejet des demandes de statut de protection internationale ou d'un autre statut ouvrant droit à un permis de résidence, ainsi que le déni de citoyenneté. De fait, les Ouïghours en Turquie sont devenus des « migrants irréguliers » et certains finissent par faire l’objet d’un ordre d’expulsion. Lorsqu’ils ont affaire avec des agents de police ou d’immigration pour quelque raison que ce soit, ils peuvent être envoyés dans un centre de déportation en vue de leur expulsion.

Les Ouïghours et les avocats que Human Rights Watch interrogés ont affirmé que les Ouïghours étaient soumis à de mauvais traitements dans les centres de détention et souvent à des pressions pour qu’ils signent des formulaires de retour volontaire, permettant leur rapatriement ou leur renvoi vers un pays tiers. Au moins trois des Ouïghours interrogés avaient signé ce formulaire et l’un d’eux a été expulsé vers les Émirats arabes unis (EAU), bien que ce pays dispose d’un traité d’extradition avec la Chine.

Human Rights Watch a transmis deux courriers au président de l’Organisme turc chargé de la gestion des migrations, datés respectivement du 23 septembre et du 27 octobre 2025, sollicitant ses commentaires au sujet des constatations figurant dans le rapport, ainsi que des informations sur le statut des Ouïghours en Turquie ; toutefois, Human Rights Watch n’a reçu aucune réponse.

L'apposition de codes de restriction est liée à la Loi turque n° 6458 sur les étrangers et la protection internationale. La manière dont ces codes de restriction sont apposés et leur justification ne sont pas claires et, dans la pratique, leur utilisation semble beaucoup plus généralisée que ce que la loi prévoyait. Ils sont souvent imposés sans justification raisonnable, sans preuves concrètes ou sans lien clair avec de possibles infractions.

Selon la loi turque, les particuliers peuvent faire appel d’une décision d’expulsion. Human Rights Watch a examiné cinq décisions judiciaires de 2024 et de 2025 relatives à des appels de décisions d’expulsion interjetés par des Ouïghours. Dans chaque cas, le tribunal a approuvé l'ordre d’expulsion sans préciser ce que les intéressés avaient fait qui puisse constituer la prétendue menace pour l’ordre et la sécurité publique. Détail inquiétant, dans chacun de ces cas, le tribunal a affirmé que l’interdiction du refoulement n’était pas applicable, arguant que le demandeur ouïghour n’avait pas établi qu’il serait exposé au risque de subir de mauvais traitements et des tortures s’il était renvoyé en Chine. Un avocat qui a souvent plaidé dans de telles procédures d’appel a indiqué que les juges émettent souvent « une décision négative [c’est-à-dire rejettent un appel] quand ils voient des codes de restriction, afin de ne prendre aucun risque. »

Le gouvernement turc est tenu de respecter le principe du non-refoulement contenu dans le droit international, qui interdit aux États de renvoyer toute personne dans un lieu où elle courrait un risque réel de persécution, de torture ou d’autres mauvais traitements graves, de menaces pour sa vie, ou d’autres graves violations comparables de ses droits humains.

Une simple plainte déposée par un voisin ou le fait d’être impliqué dans une affaire criminelle — même si on est ensuite acquitté — peut entraîner la décision d’imposer un code de restriction. Les autorités turques se basent également, pour imposer ces codes, sur des renseignements fournis par d’autres gouvernements. Dans certains cas, le gouvernement chinois a lui-même fait circuler des listes de personnes qu’il considère comme des « terroristes », terme qu’il associe à l'activisme pacifique ou avec l’expression publique de l’identité ouïghoure au Xinjiang.

Depuis 2017, le gouvernement chinois soumet les Ouïghours à des graves violations des droits humains que Human Rights Watch et des experts juridiques indépendants considèrent comme constituant des crimes contre l’humanité. S’ils sont renvoyés en Chine, et particulièrement en provenance d’un pays comme la Turquie que le gouvernement chinois considère comme « sensible », les Ouïghours risquent de subir des mises en détention, des interrogatoires, des tortures et d’autres traitements cruels, inhumains et dégradants.

« Le gouvernement turc devrait respecter le principe de non-refoulement, cesser immédiatement toutes les expulsions d’Ouïghours vers des pays tiers et les reconnaître plutôt a priori comme des réfugiés », a conclu Elaine Pearson. « Les autres gouvernements devraient cesser de transférer des Ouïghours vers la Turquie, puisque ce pays ne peut plus être considéré comme sûr pour eux, et devraient envisager d’accueillir eux-mêmes des réfugiés ouïghours ayant dû quitter la Turquie. »

Citations sélectionnées :

« J’ai été traité comme si j’étais coupable. J’ai passé un an en détention.... J’ai essayé plusieurs fois de faire renouveler mon permis de résidence mais sans succès. Le bureau d’immigration m'a dit que j’avais 10 jours pour quitter le pays, après m’avoir informé que ma dernière demande de renouvellement de mon permis de résidence avait été rejetée. C’est alors que j’ai décidé de quitter le pays. J’avais mon passeport chinois, donc j’ai fait une réservation sur un vol vers un pays tiers qui me servirait d’étape pour aller en Europe afin d’être en sécurité. Les autorités turques m’ont arrêté à l’aéroport et m’ont imposé une interdiction d’entrée de deux ans. »
– Un Ouïghour qui a été arrêté arbitrairement par les autorités turques à cause d’un code de restriction et qui a ultérieurement quitté la Turquie. Juin 2025.

« Les conditions étaient très mauvaises. Dans un cas, le lieu de détention n’a pas fourni de nourriture adéquate pendant neuf jours de suite. Dans un centre de déportation, j’ai dormi pendant une semaine à même le sol en ciment et je partageais une unique couverture avec deux autres personnes. Il y avait 20 personnes dans une petite cellule où il n’y avait aucun sens de l’hygiène. J’ai vu des gens qui étaient infestés de poux. »
– Un Ouïghour qui a passé plusieurs mois dans divers centres de déportation. Mai 2025.

« Dans certains cas, quelqu’un qui a une conversation téléphonique avec une personne considérée comme suspecte peut se voir imposer un code. Par exemple, il y avait un Ouïghour qui était détenu pour des soupçons de ‘terrorisme’, mais qui a été remis en liberté sans conditions pour manque de preuves. Toutefois, pendant l’enquête, tous ceux qui avaient eu une conversation téléphonique avec cette personne ont reçu un code G87. »
– Un avocat qui s’occupe des dossiers de Ouïghours. Juillet 2025.

« Il y a de nombreux cas dans lesquels le gouvernement a annulé les permis de résidence à long terme de Ouïghours et leur a donné [à la place] un permis de résidence humanitaire. La décision est arbitraire. Et les permis de résidence humanitaires de certains de mes clients sont aussi parfois annulés ou non renouvelés. Dans de telles situations, les gens peuvent être détenus dans ces centres pour des durées allant jusqu’à un an. Ensuite, ils seront relâchés sans statut légal. Puis, au bout de quelques jours, un autre poste de contrôle policier peut les conduire de nouveau dans un centre de détention. C’est un … terrible cercle vicieux pour ceux qui ne possèdent pas les documents appropriés. De plus en plus, la Turquie est devenue un lieu invivable pour les Ouïghours. »
– Un avocat qui s’occupe des dossiers de Ouïghours. Juin 2025.

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Articles

Le Monde  Libération

12.11.2025 à 11:00

Cameroun : Des meurtres et des arrestations de masse ont suivi l’élection contestée

Human Rights Watch

Click to expand Image Un manifestant brandit un drapeau du Cameroun devant des policiers qui se rassemblent à Garoua, le 26 octobre 2025. © 2025 AFP via Getty Images

(Nairobi) – Les autorités du Cameroun ont répondu aux manifestations généralisées menées par l'opposition à la suite de l’élection du 12 octobre par une force létale et par des arrestations massives de manifestants et d'autres citoyens, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch.

Le Conseil constitutionnel a annoncé le 27 octobre que le président en exercice Paul Biya, âgé de 92 ans, avait remporté l’élection avec 53,66 % des voix. Son principal adversaire, Issa Tchiroma Bakary, ancien ministre des Transports et des Communications, s'était proclamé vainqueur le 12 octobre, invoquant une fraude électorale. Paul Biya, qui est président depuis 1982, a prêté serment pour un huitième mandat le 6 novembre.

« La répression violente des manifestants et des citoyens ordinaires à travers le Cameroun met en évidence une tendance croissante à la répression qui jette une ombre sur l’élection », a déclaré Ilaria Allegrozzi, chercheuse senior auprès de la division Afrique à Human Rights Watch. « Les autorités devraient immédiatement mettre fin aux abus commis par les forces de sécurité, enquêter sur les incidents et poursuivre les responsables, et tous les dirigeants politiques devraient appeler leurs partisans à rejeter la violence. »

Human Rights Watch a mené des entretiens avec 20 personnes, dont des proches de personnes tuées ou blessées lors des manifestations, ainsi que des avocats et des membres de l'opposition politique.

Click to expand Image Capture d'écran d'une vidéo montrant l'armée déployée pour contenir les manifestants dans la ville de Douala, région du Littoral, au Cameroun, le 27 octobre 2025. © 2025 Privé

Les manifestations ont éclaté le 26 octobre et se sont poursuivies pendant plusieurs jours dans plusieurs villes. Elles ont été suivies d’une opération « ville morte » entre le 4 et le 7 novembre, après qu’Issa Tchiroma Bakary a appelé les citoyens à rester chez eux en guise de protestation contre les résultats de l’élection.

Depuis le 26 octobre, la police et les gendarmes ont réagi en utilisant des gaz lacrymogènes et des balles réelles pour disperser les foules. Les médias internationaux, citant des sources des Nations Unies, ont déclaré que les forces de sécurité avaient tué 48 personnes lors des manifestations à travers le Cameroun. Des sources de l'opposition qui se sont entretenues avec Human Rights Watch ont plutôt estimé le nombre de morts à 55. Le 6 novembre, René-Emmanuel Sadi, ministre de la Communication du Cameroun, a déclaré que plusieurs dizaines de personnes étaient mortes lors des manifestations et que « des enquêtes sont en cours » pour déterminer le nombre exact de victimes.

Certaines manifestations ont été violentes, la foule s'en prenant à la police et aux gendarmes en leur lançant des pierres et d'autres objets. Dans certaines régions, des manifestants ont érigé des barrages routiers et incendié et saccagé des bâtiments publics, des magasins et d'autres propriétés privées. Les forces de sécurité ont répondu avec une force meurtrière.

Le 9 novembre, Issa Tchiroma Bakary a lancé un ultimatum de 48 heures aux autorités camerounaises, exigeant la libération immédiate de toutes les personnes détenues depuis l’élection et déclarant que sans cela, « le peuple se retrouvera en situation de légitime défense ».

Click to expand Image Capture d'écran d'une vidéo montrant des manifestants dans la ville de Douala, région du Littoral, au Cameroun, le 28 octobre 2025. © 2025 Privé

Un homme a déclaré que les gendarmes avaient abattu son frère de 35 ans, un commerçant, qui manifestait dans le quartier de New Bell à Douala le 28 octobre. Il a déclaré s'être rendu à l'hôpital Laquintinie, où « les médecins m'ont dit qu'il avait été touché aux parties génitales ... il est mort le lendemain ».

Un autre homme a déclaré que la police avait tué son frère cadet, un étudiant en médecine de 34 ans, par balle lors des manifestations à Douala le 27 octobre. Après avoir vu des images du corps de son frère circuler sur les réseaux sociaux, il l’a cherché dans divers hôpitaux de la ville, y compris un hôpital militaire, en vain.

Le 27 octobre, un plombier de 44 ans à Douala a été touché à l'estomac alors que la police dispersait les manifestants avec des balles réelles dans le quartier d'Ari. « Il est mort en route pour l'hôpital », a déclaré son frère.

Un homme a déclaré avoir secouru son neveu de 15 ans, qui avait été blessé par balle devant son domicile dans le quartier de Famleg à Bafoussam, où les forces de sécurité avaient tiré des gaz lacrymogènes et des balles réelles sur des manifestants le 28 octobre. « La police et les gendarmes tiraient au hasard », a-t-il déclaré. « Une balle lui a transpercé le dos et est ressortie par l'estomac. »

Les autorités ont également procédé à des arrestations. Le 6 novembre, le ministre de la Communication a déclaré que « plusieurs centaines de personnes [avaient été] arrêtées ». Selon un groupe de 149 avocats formé pour fournir une assistance bénévole aux personnes détenues pendant et après les manifestations, les forces de sécurité ont arrêté jusqu'à 2 000 personnes, dont plusieurs mineurs. Les autorités ont fourni des détails sur 105 personnes arrêtées le 26 octobre à Douala.

Click to expand Image Des manifestants pacifiques à Garoua, dans la région du Nord du Cameroun, le 31 octobre 2025. © 2025 Privé

Human Rights Watch a examiné cinq listes compilées par des avocats soutenant l’opposition qui contiennent les noms de 312 personnes arrêtées depuis le 26 octobre, dont 154 n'ont pas encore été présentées à un juge. Parmi les personnes arrêtées à Yaoundé, au moins six sont détenues au Secrétariat d'État à la Défense (SED), un centre de détention au sujet duquel Human Rights Watch avait précédemment documenté l'utilisation systématique de la torture.

Des avocats ont déclaré à Human Rights Watch que les accusations portées contre les personnes détenues comprennent des charges d’« hostilité envers la patrie », de « révolution », de « rébellion » et d’« insurrection ». Ils ont ajouté que ces infractions avaient été appliquées de manière indiscriminée et n'avaient aucun rapport avec les actes de protestation réels. Certaines de ces infractions sont passibles de la peine de mort.

Les avocats ont également signalé avoir un accès très limité à leurs clients, dont certains auraient subi des mauvais traitements lors de leur arrestation.

Kengne Fabien, l’un des avocats, a déclaré que l'un de ses clients, un ingénieur civil de 63 ans, avait été battu lors de son arrestation le 27 octobre à Douala. « Les gendarmes l'ont battu, ont déchiré ses vêtements et l'ont détenu sans explication », a-t-il déclaré. « Mon client n'a participé à aucune manifestation mais a été interrogé au sujet d'un message vocal qu'il avait envoyé dans un groupe WhatsApp familial exhortant ses proches à voter pour Tchiroma. » Selon Kengne Fabien, cet homme est en détention administrative depuis le 30 octobre, sans avoir été inculpé.

Le président Paul Biya, dont la présidence est la plus ancienne au monde, dirige le Cameroun depuis 1982. Il a supprimé la limitation du nombre de mandats présidentiels en 2008 et réprime systématiquement l'opposition et la dissidence. Au cours des mois qui ont précédé l’élection, les autorités ont encore restreint l'espace civique, imposant des restrictions sévères à la liberté d'expression, de réunion et d'association.

La Constitution camerounaise protège les droits à la vie, à l'intégrité physique, à un traitement humain et à la liberté de réunion et d'expression. Le Cameroun est également un État partie à plusieurs traités internationaux relatifs aux droits humains, tels que la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui prévoient des protections et des garanties similaires.

Le droit international, notamment dans le cadre de l’obligation de respecter les droits à la vie et à l'intégrité physique, interdit l'usage excessif de la force par les forces de l'ordre et réglemente les cas dans lesquels elles peuvent recourir à une force meurtrière. Les Principes de base des Nations Unies sur le recours à la force et l'utilisation des armes à feu stipulent que les forces de l'ordre ne peuvent recourir à la force que proportionnellement à la gravité de l'infraction, et que l'usage intentionnel d’une force meurtrière n'est autorisé que lorsqu'il est strictement inévitable pour protéger la vie.

« Les autorités camerounaises devraient libérer immédiatement toutes les personnes détenues en raison de leur participation à des manifestations pacifiques, ou pour avoir exprimé pacifiquement leur opposition au gouvernement », a conclu Ilaria Allegrozzi. « Toute personne ayant commis des actes de violence devrait être poursuivie de manière appropriée, dans le plein respect de ses droits à une procédure régulière, y compris ses droits à la liberté sous caution et à un procès rapide et équitable accompagné d’une défense efficace. »

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Articles

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Africaradio  Africanews (+ vidéo)

12.11.2025 à 06:00

États-Unis/Salvador : Des Vénézuéliens expulsés vers le Salvador y ont été torturés

Human Rights Watch

Un migrant vénézuélien, expulsé par les États-Unis vers le Salvador en raison de ses liens présumés avec un gang criminel, était photographié de dos dans une cellule du Centre de confinement du terrorisme (Centro de Confinamiento del Terrorismo, CECOT) à Tecoluca, au Salvador, le 16 mars 2025. © 2025 Gouvernement salvadorien via Getty Images Des citoyens vénézuéliens que le gouvernement américain a expulsés vers le Salvador en mars et avril ont été torturés et soumis à d'autres abus, dont des violences sexuelles.Les cas de torture et de mauvais traitements infligés à des Vénézuéliens au Salvador ne sont pas des incidents isolés commis par des gardes ou des policiers antiémeute malveillants, mais plutôt des violations systématiques.L'administration Trump s’est rendue complice de torture, de disparitions forcées et d'autres violations graves, et devrait cesser d'envoyer des personnes au Salvador ou vers tout autre pays où elles risquent d'être torturées.

(Washington) – Des citoyens vénézuéliens que le gouvernement des États-Unis a expulsés vers le Salvador en mars et avril 2025 y ont été torturés et soumis à d'autres abus, dont des violences sexuelles, ont conjointement déclaré Human Rights Watch et l’ONG Cristosal dans un rapport publié aujourd'hui. 

12 novembre 2025 “You Have Arrived in Hell”

Le rapport de 81 pages, intitulé « “You Have Arrived in Hell”: Torture and Other Abuses Against Venezuelans in El Salvador’s Mega Prison » (« “Vous êtes arrivés en enfer” : Tortures et autres abus contre des Vénézuéliens dans la méga-prison du Salvador »), décrit en détail les traitements subis par ces détenus au Salvador. En mars et avril 2025, le gouvernement américain a expulsé 252 Vénézuéliens, dont des dizaines de demandeurs d'asile, vers le Salvador ; ils y ont été détenus au Centre de confinement du terrorisme (Centro de Confinamiento del Terrorismo, CECOT), une « méga-prison », malgré des informations crédibles faisant état de graves violations des droits humains dans les prisons de ce pays. Ces Vénézuéliens ont été victimes de refoulement (c'est-à-dire le renvoi d’une personne vers un pays où elle risque d'être torturée ou persécutée) et de divers abus : détention arbitraire, disparition forcée, torture, conditions de détention inhumaines et, dans certains cas, violences sexuelles.

« L'administration Trump a transféré des millions de dollars au Salvador pour que ce pays détienne arbitrairement des Vénézuéliens, qui ont ensuite été maltraités presque quotidiennement par les forces de sécurité salvadoriennes », a déclaré Juanita Goebertus, directrice de la division Amériques à Human Rights Watch. « L'administration Trump s’est rendue complice de torture, de disparitions forcées et d'autres graves abus ; elle devrait cesser d'envoyer des personnes au Salvador ou vers tout autre pays où elles risquent d'être torturées. »

Entre mars et septembre 2025, les chercheurs de Human Rights Watch ont mené des entretiens avec 40 Vénézuéliens qui ont été détenus au CECOT, ainsi qu’avec 150 autres personnes : leurs proches, leurs avocats et d’autres personnes qui les connaissent. Les chercheurs ont examiné des photographies de blessures, des bases de données sur les casiers judiciaires, des documents relatifs au statut d'immigration de ces personnes aux États-Unis, ainsi que des données publiées par l’agence américaine chargée de faire appliquer les politiques d'immigration et de douane (Immigration and Customs Enforcement, ICE) sur ces expulsions. 

Les chercheurs ont également corroboré les allégations des détenus grâce à des analyses médico-légales fournies par le Groupe indépendant d'experts médico-légaux (Independent Forensic Expert Group, IFEG) et à des recherches open source menées par le laboratoire d'enquête du Centre des droits humains de l'université de Californie à Berkeley (UC Berkeley Human Rights Center’s Investigation Lab).

Human Rights Watch et Cristosal ont transmis des courriers aux gouvernements des États-Unis et du Salvador pour solliciter davantage d’informations au sujet de ces détentions, mais n'ont reçu aucune réponse.

Le gouvernement américain a récemment transféré au moins 4,7 millions de dollars au Salvador, en partie pour couvrir les frais de détention de ces hommes. Certains Vénézuéliens envoyés au Salvador avaient demandé l'asile aux États-Unis, après avoir fui la persécution dans leur propre pays.

Human Rights Watch et Cristosal ont constaté qu'environ la moitié des Vénézuéliens détenus au CECOT n'avaient pas de casier judiciaire et que seulement 3 % d'entre eux avaient été condamnés aux États-Unis pour des infractions violentes ou potentiellement violentes. 

Antécédents judiciaires des 252 Vénézuéliens expulsés vers le Salvador (15 mars, 30 mars et 12 avril 2025) Click to expand Image Données sur les casiers judiciaires des 252 Vénézuéliens expulsés par l’administration Trump : (a) 123 Vénézuéliens (soit 49 % ou près de la moitié) n’avaient fait l’objet d’aucune condamnation pénale aux Etats-Unis avant leur expulsion. (b) 70 Vénézuéliens (28 %) faisaient l’objet d’accusations en cours d’examen. (c) 26 Vénézuéliens (10 %) ont été expulsés bien qu’aucune information sur leur casier judiciaire n’ait figuré dans le dossier d’expulsion de l’agence ICE. (d) 33 Vénézuéliens (13 %) ont été condamnés pour divers crimes ou délits, dont des crimes violents dans 3 % des cas. © 2025 Human Rights Watch

Des vérifications supplémentaires ont montré qu’un grand nombre de ces hommes n'avaient pas été condamnés pour des crimes au Venezuela, ni dans d'autres pays d'Amérique latine où ils avaient vécu. 

Des proches et des avocats ont déclaré qu'au moins 62 Vénézuéliens avaient été expulsés alors que leurs demandes d'asile aux États-Unis étaient toujours en cours ; ayant reçu une réponse favorable suite à l’examen initial de leurs allégations de « crainte crédible » de persécution dans leur pays d’origine (« credible fear screening »), leurs demandes devaient être examinées par des juges de l'immigration. Trois Vénézuéliens ont déclaré être arrivés aux États-Unis après avoir été contrôlés dans le cadre du programme « Safe Mobility Offices » mis en place par l’administration Biden.

Les gouvernements américain et salvadorien ont refusé à plusieurs reprises de divulguer des informations sur le sort ou la localisation des Vénézuéliens (avant la confirmation de leur détention au CECOT), ce qui équivaut à des disparitions forcées au regard du droit international. L’ONG Cristosal a aidé les proches à déposer 76 requêtes en habeas corpus devant la Chambre constitutionnelle de la Cour suprême du Salvador, qui n'a pas statué sur leurs cas. 

Les personnes détenues au CECOT ont été fréquemment victimes de violences physiques, verbales et psychologiques graves de la part des gardiens de prison et des policiers antiémeute salvadoriens. Au regard du droit international relatif aux droits humains, ces violences constituent des traitements cruels, inhumains ou dégradants et, dans de nombreux cas, des actes de torture. Les gardiens de prison et les policiers antiémeute frappaient régulièrement les Vénézuéliens, notamment lors des fouilles quotidiennes des cellules, pour des infractions mineures au règlement – comme parler fort ou prendre une douche au mauvais moment – ou pour avoir demandé une assistance médicale.

Plan d’une section de la prison CECOT, au Salvador Click to expand Image Plan du « Module 8 » du centre de détention CECOT au Salvador, établi selon les informations fournies par des ex-détenus vénézuéliens. Chaque module est composé de deux rangées de cellules, séparées par un couloir central. © 2025 Human Rights Watch

« Les gardiens venaient fouiller les cellules tous les jours », a déclaré un homme vénézuélien. « Ils nous faisaient tous sortir de nos cellules, nous faisaient nous agenouiller, nous menottaient les mains dans le dos et nous mettaient les bras sur la tête, puis ils nous frappaient à coups de matraque, de pied et de poing... Puis ils nous laissaient agenouillés pendant 30 ou 40 minutes. »

Plusieurs anciens détenus ont déclaré que les agents les avaient battus après qu'ils eurent parlé avec des membres du Comité international de la Croix-Rouge lors de leur visite au CECOT en mai. L'un d'eux a déclaré que les gardes « n'arrêtaient pas de me frapper, dans le ventre, et quand j'essayais de respirer, je commençais à m'étouffer avec le sang ». 

Trois personnes détenues au CECOT ont déclaré avoir été victimes de violences sexuelles. Un homme a déclaré que quatre gardes l'avaient agressé sexuellement et l'avaient forcé à pratiquer une fellation sur l'un d'entre eux. « Ils ont joué avec leurs matraques sur mon corps », a-t-il déclaré. 

Human Rights Watch et Cristosal ont conclu que les cas de torture et de mauvais traitements infligés aux Vénézuéliens au CECOT n'étaient pas des incidents isolés commis par certains gardes ou policiers antiémeute malveillants, mais plutôt des violations systématiques. Selon Human Rights Watch et Cristosal, ces abus semblent avoir fait partie d'une pratique visant à soumettre, humilier et discipliner les détenus. La brutalité et la répétition des abus semblent également indiquer que les gardes et les policiers antiémeute agissaient en pensant que leurs supérieurs toléraient voire soutenaient leurs actes abusifs.

Les Vénézuéliens ont été détenus dans des conditions inhumaines, avec une nourriture rare et insuffisante, une hygiène et des conditions sanitaires médiocres, un accès limité aux soins de santé et aux médicaments, et aucun accès aux loisirs ou à l'éducation.

À la mi-juillet, le gouvernement salvadorien a renvoyé les 252 personnes au Venezuela ; en échange, le Venezuela a libéré 10 citoyens ou résidents américains qui avaient été détenus, arbitrairement dans plusieurs cas, permettant leur retour aux États-Unis. Sous la présidence de Nicolás Maduro, le Venezuela est en proie à une crise humanitaire et des droits humains, marquée par des violations systématiques et qui a contraint près de 8 millions de personnes à fuir ce pays. 

« Le gouvernement américain n'a pas été impliqué dans des actes de torture systématique de cette ampleur depuis l’époque d’Abou Ghraib et du réseau de prisons clandestines pendant la guerre antiterroriste », a déclaré Noah Bullock, directeur exécutif de Cristosal. « Faire disparaître des personnes aux mains d'un gouvernement qui les torture va à l'encontre des principes mêmes qui ont historiquement fait des États-Unis un État de droit. »

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Articles

Libération  France Info

RTBF.be  LaPresse.ca

12.11.2025 à 06:00

Le procès d’un ex-chef de guerre congolais marque une étape importante pour la justice

Human Rights Watch

Click to expand Image Roger Lumbala Tshitenga, ancien chef rebelle et ancien ministre congolais, à Kampala, en Ouganda, le 6 février 2013.  © 2013 Isaac Kasamani/AFP via Getty Images

Le procès de Roger Lumbala Tshitenga, ancien chef rebelle et ancien ministre en République démocratique du Congo, s'ouvre mercredi devant la Cour d’assises de Paris. Il est accusé de crimes contre l'humanité qui auraient été commis dans les provinces du Nord-Kivu et de l'Ituri entre 2002 et 2003, notamment des exécutions sommaires, des actes de torture et autres traitements inhumains, des viols, des pillages et réduction en esclavage, y compris esclavage sexuel.

Les autorités françaises ont arrêté Roger Lumbala à Paris en décembre 2020, et l'ont inculpé en novembre 2023 en vertu du principe de compétence universelle. Selon ce principe juridique, les États peuvent enquêter sur des crimes graves et poursuivre les individus responsables de ces crimes, quel que soit le lieu où ceux-ci ont été commis, ou la nationalité des suspects ou de leurs victimes.

Il s'agit du premier procès au nom du principe de la compétence universelle pour des atrocités commises en RD Congo par un ressortissant congolais, une étape importante pour la justice, qui reflète la persévérance des victimes et des survivants.

La RD Congo reste aujourd'hui en proie à un conflit qui dure depuis plus de 30 ans. Les combats menés entre août 1998 et juillet 2003 ont opposé le gouvernement congolais au groupe armé Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD) et à plusieurs forces armées d’autres pays, notamment du Rwanda, de l'Ouganda et du Burundi. Roger Lumbala a fondé et dirigé le Rassemblement congolais pour la démocratie-National (RCD-National), un groupe armé soutenu par l'Ouganda pour lutter contre le gouvernement congolais, qui avait ses propres alliés dans une guerre qui a fait plus d'un million de morts.

Roger Lumbala, âgé de 67 ans, est accusé de complicité de crimes contre l'humanité lors de l'opération« Effacer le tableau », une opération militaire menée par le RCD-National entre octobre 2002 et janvier 2003 pour s'emparer de Beni, un territoire riche en minéraux situé dans la province du Nord Kivu.

Le procès de Roger Lumbala est un triste rappel de l'impunité persistante dont bénéficient les auteurs d'atrocités en RD Congo. Depuis plus de trois décennies, l'absence quasi totale de reddition de comptes contribue à des cycles d'abus sans fin. Les autres gouvernements devraient soutenir et renforcer les efforts aux niveau national et international visant à obtenir justice pour les crimes commis en RD Congo, et ils devraient continuer à engager des poursuites en vertu du principe de compétence universelle, afin de faciliter l'accès des victimes à la justice.

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