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24.10.2025 à 18:55
(La Haye) – Israël devrait respecter son obligation de coopérer avec les Nations Unies en garantissant l’acheminement sans entrave d'aide humanitaire essentielle aux Palestiniens dans les territoires palestiniens occupés (TPO), conformément à l’avis consultatif émis par la Cour internationale de justice (CIJ) le 22 octobre, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch.
La Cour a examiné l’allégation d'Israël selon laquelle l'Office de secours et de travaux des Nations Unies (United Nations Relief and Works Agency, UNRWA) ne serait pas un « organisme impartial », mais a conclu qu’« il n’existe aucune preuve » dans ce sens, et donc qu’en vertu de droit international, Israël doit « s’abstenir d’entraver » le travail « essentiel » de cette agence.
« La Cour internationale de justice a clairement indiqué qu'Israël doit mettre fin à sa campagne visant à démanteler l'UNRWA, et cesser d'utiliser la famine des civils comme arme de guerre », a déclaré Balkees Jarrah, directrice par intérim de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Tant qu'Israël n'aura pas levé son blocus illégal de Gaza et rétabli l'accès à l'électricité, à l’eau et aux soins de santé, des Palestiniens continueront de souffrir et de mourir. Les alliés d'Israël devraient faire pression sur le gouvernement pour qu'il autorise immédiatement l’UNRWA à acheminer l’aide humanitaire, sans entrave. »
L'avis consultatif de la CIJ fait suite à une requête urgente formulée par l'Assemblée générale des Nations Unies en décembre 2024, demandant à la Cour de clarifier les obligations d'Israël en ce qui concerne les activités de l'ONU, des États tiers et d'autres organisations internationales dans les territoires occupés. Cette demande a été soumise dans le contexte de la campagne menée par Israël pour démanteler l'UNRWA, et de la situation humanitaire désastreuse à Gaza due à l'utilisation par Israël de la famine comme arme de guerre, ce qui constitue un crime de guerre, et de la privation intentionnelle d'aide et de services de base. Human Rights Watch conclu que ces politiques israéliennes constituent le crime contre l'humanité d'extermination, et des actes de génocide.
Le 30 janvier, deux projets de loi approuvés par la Knesset – le parlement israélien – sont entrés en vigueur, mettant fin aux opérations de l'UNRWA dans les territoires occupés. Les autorités israéliennes ont bloqué la distribution de l'aide par l'UNRWA à Gaza, empêché son personnel international d'entrer à Gaza et en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, et ordonné la fermeture d’écoles gérées par l'UNRWA à Jérusalem-Est.
Dans son avis, la CIJ confirme qu’Israël, en tant que puissance occupante et selon le droit international humanitaire, a l'obligation « inconditionnelle » de garantir la fourniture sans entrave de l'aide humanitaire, telle que la nourriture, les fournitures médicales et les vêtements, à la population civile de Gaza. L’avis précise que cette obligation s'applique aux « actions de secours assurées par l’Organisation des Nations Unies et ses entités, dont l’UNRWA ». La Cour a ajouté que selon son évaluation, le système de distribution d’aide géré par la Gaza Humanitarian Foundation (GHF), avec le soutien États-Unis « n’a pas amélioré la situation de manière significative ».
Les autorités israéliennes ont non seulement violé à plusieurs reprises leurs obligations en matière d'aide aux civils palestiniens, mais elles ont aussi permis aux forces israéliennes de tuer des centaines de Palestiniens qui cherchaient à obtenir de l'aide alimentaire sur les sites de la GHF ou à proximité ; ces actes ont constitué des crimes de guerre, selon Human Rights Watch.
Selon l’avis consultatif de la CIJ, le droit international exige qu’Israël « s’abstienne d’entraver l’exercice des fonctions de l’Organisation [des Nations Unies] et donne à celle-ci pleine assistance dans toute action qu’elle entreprend », notamment par l'intermédiaire de l'UNRWA. La Cour a aussi rappelé que les deux lois adoptées par la Knesset au sujet de cette agence « ont eu pour conséquence directe d’entraver les activités de l’UNRWA dans le Territoire palestinien occupé et en lien avec celui-ci ». La Cour a également jugé sans fondement les allégations d'Israël selon lesquelles l'UNRWA manque d'impartialité, et conclu qu’« Israël n’a pas prouvé … [qu’]une partie importante des employés de l’UNRWA sont membres du Hamas … ».
La Cour a en outre rappelé l’obligation d'Israël de coopérer avec les organisations humanitaires impartiales telles que le Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Malgré les nombreux rapports, y compris ceux de Human Rights Watch, faisant état d'abus subis par des détenus palestiniens, les autorités israéliennes ont refusé au CICR l'accès aux centres de détention depuis octobre 2023.
En limitant ou en bloquant l'aide destinée aux Palestiniens de Gaza, Israël continue d’enfreindre trois ordonnances contraignantes émises par la CIJ (en janvier, en mars et en mai 2024), dans le cadre de l’affaire portée par l'Afrique du Sud en vertu de la Convention des Nations Unies sur le génocide, a déclaré Human Rights Watch.
En juillet 2024, la CIJ avait émis un précédent avis consultatif concluant que l'occupation israélienne, qui dure depuis des décennies, est « illicite », et prive le peuple palestinien du droit à l'autodétermination. Dans cet avis, la Cour avait également estimé qu'Israël était responsable d'apartheid et d'autres violations graves à l'encontre des Palestiniens.
Les gouvernements d’autres pays devraient soutenir publiquement les conclusions de la CIJ, et veiller à ce que les obligations énoncées dans son avis consultatif soient respectées, a déclaré Human Rights Watch. Le Secrétaire général des Nations Unies et le Commissaire général de l'UNRWA ont exprimé leur appréciation de cet avis consultatif.
« Les souffrances de millions de Palestiniens ne seront pas allégées si le cessez-le-feu n'est pas suivi par la fin de l'obstruction par Israël des opérations de l'UNRWA », a conclu Balkees Jarrah. « Les autres pays devraient s'opposer fermement et publiquement aux efforts du gouvernement israélien visant à restreindre l'UNRWA, et ils devraient aider à financer son travail irremplaçable de cette agence. »
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24.10.2025 à 13:45
Dans un rapport accablant publié la semaine dernière, le Comité des droits de l'enfant des Nations unies a conclu que la France était responsable de violations graves et systématiques des droits des enfants migrants non accompagnés. Le comité a conclu qu'en raison de procédures d'évaluation de l'âge défaillantes et arbitraires, de nombreux enfants non accompagnés se retrouvent sans abri, privés de soins de santé et contraints de vivre dans des conditions dégradantes et indignes, au lieu d'être protégés, pris en charge et soutenus.
Les conclusions du Comité concordent à bien des égards avec celles des enquêtes menées ces dernières années par Human Rights Watch à Paris, Calais, Marseille, à la frontière franco-italienne et dans les Hautes-Alpes.
Ces enfants se retrouvent souvent à la rue, sans accès à l'éducation ni aux soins médicaux, pendant qu'ils font appel d’évaluations défectueuses de leur âge, ce qui peut durer des mois, voire des années, les plaçant dans une situation d'extrême précarité et les privant de leurs droits fondamentaux. Entre 50 et 80 % de ces appels invalident les évaluations, mais les décisions peuvent parfois être rendues après que l'enfant a atteint l'âge de la majorité, le privant définitivement des droits qui auraient dû lui être accordés.
En outre, nombre de ces enfants peuvent également être soumis à des traitements dégradants de la part des forces de l’ordre, privés de leur liberté et arbitrairement détenus. Ce problème est particulièrement répandu à la frontière franco-italienne entre Menton et Vintimille, où des enfants migrants sont sommairement expulsés vers l'Italie, en violation du droit européen et international.
Les alertes de Human Rights Watch et de nombreuses organisations non gouvernementales et institutions se sont multipliées ces dernières années, et la France a été condamnée, en janvier 2025, par la Cour européenne des droits de l'homme pour « défaut de protection » d'un enfant guinéen.
Le Comité est clair dans ses recommandations à la France : tout enfant – ou personne se déclarant comme telle – doit bénéficier de la présomption de minorité tout au long du processus d'évaluation et d'appel et se voir garantir ses droits fondamentaux, notamment au logement, à la nourriture, à l’eau et à l’éducation. Les autorités françaises devraient prendre en compte ces alertes et veiller de toute urgence à ce que ces enfants vulnérables bénéficient de la protection et des soins auxquels ils ont droit.
23.10.2025 à 18:36
(Chicago, 23 octobre 2025) – Depuis la mi-septembre 2025, des agents fédéraux des États-Unis ont fait usage d'une force excessive contre des manifestants pacifiques, des observateurs juridiques, des secouristes bénévoles et des journalistes lors de manifestations devant un centre de détention géré par le Service d’immigration et de douane (Immigration and Customs Enforcement, ICE) dans la banlieue de Chicago, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch. Les manifestations devant le centre de l’ICE à Broadview, dans l'Illinois, se sont intensifiées après le lancement de l'opération « Midway Blitz » de l'ICE le 8 septembre, et suite aux nombreuses descentes visant à appréhender des migrants dans toute la région de Chicago.
D'après les témoignages recueillis par Human Rights Watch et l’analyse de plusieurs vidéos, des agents du département de la Sécurité intérieure (Department of Homeland Security, DHS) – parfois en présence de la police locale et de l'État d’Illinois, ainsi que d'autres agents fédéraux – ont à plusieurs reprises fait usage d'une force excessive contre de petits groupes de manifestants qui ne semblaient présenter aucune menace pour les agents ou la sécurité publique, ainsi que contre des journalistes, des observateurs juridiques et des secouristes bénévoles clairement identifiables. Ces agents ont arrêté des dizaines de manifestant-e-s, ainsi qu'au moins un journaliste et un secouriste bénévole. Cette réponse violente est comparable à un précédent usage excessif de la force contre des manifestants qui s'opposaient à des descentes visant des personnes migrantes à Los Angeles, en juin dernier.
« Il ne s'agit pas d’opérations de maintien de l’ordre mais d'une campagne d'intimidation », a déclaré Belkis Wille, directrice adjointe de la division Crises, conflits et armes à Human Rights Watch. « Les agents fédéraux utilisent des irritants chimiques et tirent des projectiles sur des manifestants pacifiques, des secouristes bénévoles et des journalistes en plein jour. Le message est clair : la dissidence sera punie. »
Human Rights Watch a mené des entretiens avec 17 personnes qui étaient présentes lors des manifestations de Broadview : 7 manifestant-e-s, 4 journalistes, 3 secouristes, 2 défenseurs des droits des immigrants et un pasteur. Les chercheurs ont également analysé 17 vidéos enregistrées pendant les manifestations qui ont été publiées sur les réseaux sociaux, ou fournies directement aux chercheurs. Le 17 octobre, Human Rights Watch a transmis à la Ssecrétaire à la Sécurité intérieure, Kristi Noem, un courrier résumant les conclusions de son enquête et sollicitant ses commentaires , mais n'a pas reçu de réponse.
Les témoignages et les vidéos ont confirmé que les agents du DHS ont utilisé des gaz lacrymogènes et tiré des projectiles directement sur des groupes de manifestants, y compris depuis le toit du centre de détention de l’ICE, souvent sans avertissement et sans que les manifestants ne semblent présenter de danger pour les agents. Selon les témoignages et l’analyse de photos et vidéos vérifiées, le nombre de manifestant-e-s a varié entre une dizaine de personnes et pas plus de 250, lors des divers incidents.
Suite du communiqué en anglais.
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