27.02.2025 à 15:52
IA : moins les gens savent comment ça fonctionne, plus ils l’apprécient
Les personnes les moins familiarisées avec les concepts derrière les systèmes d’IA considèrent souvent cette technologie comme « magique »… et fascinante. L’intelligence artificielle se répand, mais nombre de gens se demandent : qui est le plus susceptible d’adopter l’IA dans sa vie quotidienne ? Nombreux sont ceux qui pensent que ce sont les férus de technologies — qui comprennent le fonctionnement de l’intelligence artificielle — qui sont les plus désireux de l’adopter. Étonnamment, notre nouvelle étude, publiée dans le Journal of Marketing, révèle le contraire. Les personnes avec moins de connaissances sur l’IA sont en fait plus ouvertes à l’utilisation de cette technologie. Nous appelons cette différence d’appétence à adopter cette nouvelle technologie « faible niveau de littératie — forte réceptivité ». Ce lien se retrouve dans différents groupes, contextes et pays. Par exemple, les données de la société Ipsos, couvrant 27 pays, révèlent que les habitants des pays où le niveau moyen de connaissances en matière d’IA est plus faible sont plus réceptifs à l’adoption de l’IA, que ceux des pays où le niveau de connaissances est plus élevé. De même, notre enquête auprès d’étudiants américains de premier cycle révèle que ceux qui ont une compréhension moindre de l’IA sont plus susceptibles d’indiquer qu’ils l’utiliseraient pour des tâches telles que des devoirs universitaires. Nous pensons que ce lien contrintuitif entre niveau de littératie et appétence vient de la façon dont l’IA accomplit désormais des tâches que l’on pensait autrefois réservées aux humains : lorsque l’IA crée une œuvre d’art, écrit une réponse sincère ou joue d’un instrument de musique, cela peut sembler presque magique, comme si elle pénétrait en territoire humain. Chaque samedi, un éclairage original et décalé (articles, quiz, vidéos…) pour mieux comprendre le monde qui nous entoure. Abonnez-vous dès aujourd’hui ! Bien sûr, l’IA ne possède pas réellement ces qualités humaines. Un chatbot peut générer une réponse empathique, mais il ne ressent pas d’empathie. Les personnes ayant des connaissances plus techniques sur l’IA le comprennent. Ils savent comment fonctionnent les algorithmes (ensembles de règles mathématiques utilisées par les ordinateurs pour effectuer des tâches particulières), les données d’apprentissage (utilisées pour améliorer le fonctionnement d’un système d’IA) et les modèles de calcul. Pour eux, la technologie est moins mystérieuse. Pour ceux en revanche qui comprennent moins bien le fonctionnement des systèmes d’IA, elle peut apparaître comme quelque chose de magique et d’impressionnant. Nous pensons que c’est ce sentiment de magie qui rend ces utilisateurs plus ouverts à l’utilisation des outils d’IA. De plus, nos études montrent que le lien entre faible niveau de connaissances et forte appétence est plus fort pour l’utilisation d’outils d’IA dans des domaines que les gens associent à des traits humains, comme le soutien émotionnel ou le conseil. Au contraire, lorsqu’il s’agit de tâches qui n’évoquent pas ces qualités humaines – par exemple, analyser les résultats de tests – le schéma s’inverse : les personnes ayant un niveau de connaissances plus élevé en matière d’IA sont plus réceptives à ces utilisations car elles se concentrent sur l’efficacité de l’IA plutôt que sur ses qualités « magiques ». Il est intéressant de noter que, bien que les personnes ayant un faible niveau de littératie en IA soient plus susceptibles de considérer l’IA comme moins performante, moins éthique et même un peu effrayante, ce lien entre un faible niveau de littératie numérique et une plus grande réceptivité persiste. Leur appétence pour l’IA semble découler de leur émerveillement face à ces capacités, alors qu’ils en perçoivent bien les inconvénients. Cette découverte offre de nouvelles perspectives sur les raisons pour lesquelles les gens réagissent si différemment aux technologies émergentes. En effet, certaines études suggèrent que certains consommateurs sont favorables aux nouvelles technologies, un phénomène appelé « appréciation des algorithmes », tandis que d’autres font état d’un scepticisme, ou « aversion pour les algorithmes ». Nos recherches indiquent que la perception de la « magie » de l’IA est un facteur clé qui façonne ces réactions. Ces conclusions posent un défi aux décideurs politiques et aux éducateurs. Les efforts visant à améliorer la compréhension de l’IA pourraient – involontairement — freiner l’enthousiasme des gens à utiliser l’IA en la rendant moins magique. Cela crée un équilibre délicat entre aider les gens à comprendre l’IA et les garder ouverts à son adoption. Pour tirer parti du potentiel de l’IA, les entreprises, les éducateurs et les décideurs politiques doivent trouver cet équilibre. En comprenant comment la perception de l’IA comme une technologie « magique » façonne l’appétence du grand public pour l’IA, nous pouvons contribuer à développer et déployer des nouveaux produits et services qui tiennent compte de la façon dont les gens perçoivent l’IA — et les aider à comprendre les avantages et les risques de l’IA. Et idéalement, cela se fera sans entraîner une perte de l’émerveillement qui incite de nombreuses personnes à adopter cette nouvelle technologie. Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche. Texte intégral 1186 mots
Notre rapport à l’IA n’est pas une question de capacité, de peur ou d’éthique
26.02.2025 à 16:05
Parasport : comment donner aux assistants sportifs et aux guides le statut de sportif de haut niveau
La modification de la réglementation relative à la mise sur liste de haut niveau pourrait permettre aux assistants sportifs d’obtenir une meilleure reconnaissance juridique de leur rôle. Les jeux paralympiques ont permis de découvrir des binômes médaillés sportifs en situation de handicap associés à des valides. Timothée Adolphe coureur non voyant guidé par Jeffrey Lamy et Elie de Carvalho, cycliste, piloté par Mickaël Guichard ont remporté une médaille d’argent. Ces sportifs en situation de handicap ont impérativement besoin de sportifs valides, à leurs côtés, pour réaliser leurs performances. Or, ces assistants sportifs, s’ils sont reconnus par le monde sportif, sont méconnus par le droit. Le volet juridique du programme de recherche PARAPERF a permis de mettre en lumière cette carence juridique à propos des guides, pilotes, assistants et loaders (assistants de tir sportif qui chargent l’arme) et de proposer des solutions. Les recherches sociologiques menées de façon simultanée ont souligné quant à elles la nécessité d’avoir du temps pour performer. Ce résultat a ouvert des pistes de solutions en droit. En effet, il existe déjà dans le droit positif (règles juridiques en vigueur actuellement) un dispositif facilitant l’équilibre entre le temps d’entraînement et la vie professionnelle : il s’agit du suivi socioprofessionnel accordé aux sportifs de haut niveau. Ainsi, les travaux ont rapidement fait apparaître l’importance de conférer à ces assistants sportifs le statut de sportifs de haut niveau. Cette reconnaissance existait de façon empirique pour certaines disciplines mais pas pour toutes. L’athlétisme handisport a été précurseur sur ce sujet. Nos résultats ont permis d’assurer la mise en place de critères systématiques pour deux types d’assistants sportifs : les assistants de compétition et les assistants d’entraînement. L’assistant de compétition est celui qui réalise les compétitions de référence avec le parasportif. Il participe par exemple aux championnats du monde ou aux jeux paralympiques. L’assistant d’entraînement n’est pas celui qui constitue le binôme en compétition, mais il doit être présent pour permettre d’assurer un volume suffisant d’entraînement au sportif en situation de handicap et à son guide tout au long de l’année. En athlétisme, par exemple, l’assistant de compétition doit avoir le temps de s’entraîner seul pour avoir une réserve suffisante de vitesse pour pouvoir guider correctement le parasportif en compétition. Idéalement, à l’avenir, il conviendrait de modifier la réglementation encadrant les droits des sportifs pour permettre l’application homogène du dispositif. Revenons sur le cheminement qui a permis l’élaboration de tels critères. La méthodologie adoptée pour cette recherche a été très originale pour un travail en droit. En effet il y a un véritable inversement de la démarche de recherche. Habituellement le juriste part des textes et étudie leur mise en œuvre. Le choix fut différent pour ce projet. Je suis partie des besoins des acteurs pour déterminer le cadre juridique pertinent. Concrètement, j’ai utilisé la technique des entretiens exploratoires fréquemment utilisés en psychologie et sociologie. L’utilisation de ces méthodes m’a permis de révéler la thématique centrale de mes futurs travaux : la conception d’un cadre juridique permettant la reconnaissance du travail des guides, pilotes, assistants et loaders. Cette problématique s’est révélée prioritaire pour les fédérations, pour les sportifs. Une fois la problématique mise en lumière, il a fallu mettre en œuvre une méthodologie adéquate. Pour analyser des phénomènes aussi récents du point de vue sociétal et juridique, il nous a paru intéressant de faire appel à la méthode substantielle. Cette méthode juridique particulière permet d’analyser la rétroaction des faits concrets sur le droit pour éventuellement pouvoir modifier le cadre juridique. Face à un objet aussi novateur que la compensation humaine, l’analyse substantielle apparaît incontournable. L’utilisation de cette dernière justifie notamment que l’on s’intéresse aux faits et à la réalité sportive. Les réponses aux entretiens montraient que le droit actuel ne répondait pas aux besoins très spécifiques des parasportifs et de leurs aidants sportifs. Le système actuel ne permet pas par exemple de pouvoir dès l’origine rentrer sur la liste de haut niveau deux guides pour un seul parasportif. Or, sur le terrain un athlète peut avoir besoin de deux guides car il s’agit de deux distances différentes ne pouvaient pas bénéficier de deux places pour ces assistants sur liste de haut niveau. De fait, il est apparu nécessaire de créer une catégorie spécifique de sportifs de haut niveau pour les guides avec une distinction entre les guides de compétition et les guides d’entraînement laquelle cependant ouvrira les mêmes droits que les parasportifs et que les sportifs de haut niveau. La différenciation entre les guides de compétitions et les guides d’entraînement permet de tenir compte de la réalité des rôles de chacun et d’adapter les aides financières liées à la reconnaissance du statut de haut niveau entre ces deux catégories. Concrètement, cela se traduit par une modulation de l’aide liée aux conventions d’aménagement d’emploi comme dans les différentes catégories de sportifs de haut niveau concernant les parasportifs. Une fois ces principes de base fixés, il a été nécessaire de déterminer selon nous des critères pour la décision de mise sur liste de haut niveau, ceci étant une étape fondamentale car elle évite l’insécurité juridique décrite auparavant avec un système empirique. En effet même si l’article L 221-2 du Code du sport pose le principe selon lequel c’est le ministère des sports qui valide la liste, c’est le directeur technique des fédérations qui dresse les critères objectifs et mesurables qui permettent de déterminer si le sportif est éligible ou non sur la liste SHN. Ces critères sont fixés par les plans de performances sportives, qui sont variables en fonction des fédérations et des disciplines concernées. Certaines fédérations disposant de plus d’expérience que d’autres sur ce sujet. S’agissant des guides de compétition, deux critères sont fixés. Premièrement, c’est la performance du sportif qui fait entrer son guide dans la catégorie de compétition. Ainsi, si un athlète fait une performance lui permettant d’entrer 2 fois sur liste avec 2 guides différents, ces 2 guides l’accompagnent, comme c’est le cas pour Timothée Adolphe par exemple qui n’a pas les mêmes guides sur 100 m et 400 m. C’est ainsi la performance qui fait entrer le guide de l’épreuve sur liste plutôt que le sportif. Deuxièmement, seuls les guides médaillables selon les règlements de la fédération internationale concernée peuvent demander leur inscription sur liste de haut niveau. Ainsi, Tanguy de la Forest qui pourtant est accompagnée d’un loader dans sa pratique en compétition a été médaillée sans ce dernier car la fédération internationale de tir sportif estime que les loaders ne sont pas médaillables. De même, Claude Lliop, l’assistant d’Aurélie Aubert, n’a pas été médaillée car seuls les assistants de la catégorie BC3 sont médaillés en même temps que leurs sportifs. C’est à chaque fois le règlement sportif de la fédération internationale du sport concerné qui détermine si les assistants sont médaillés ou non.Ceci permet d’éviter toute subjectivité dans l’analyse du rôle du guide et cela assure une cohérence avec la vision internationale de la discipline. S’agissant des guides d’entraînement, les 2 critères précédents sont repris et il a été ajouté un critère spécifique de volume d’entraînement. Celui-ci se divisant lui-même en 2 : temps d’entraînement individuel et temps d’entraînement avec le parasportif. Cette exigence d’entraînement étant propre à chaque discipline et à son organisation interne. Par exemple en cyclisme, le principe qui a été posé était celui de 1,5 jour par semaine avec les sportifs déficients visuels en plus des entraînements personnels. Les entraînements personnels individuels du guide atteignant quant à eux 3-4 séances hebdomadaires. La formulation des critères prédéterminés est une véritable opportunité qui assure une sécurité juridique quant à la reconnaissance de guides de haut niveau. Cette sécurité est d’autant plus nécessaire que les parasports sont gérés par diverses fédérations nationales et internationales. Cette diversité crée par nature une hétérogénéité. Cette possibilité de reconnaissance de qualité de sportifs de haut niveau pour les guides pilotes assistants facilite leurs recrutements car ceci facilite la gestion de l’équilibre vie sportive et vie professionnelle. Enfin, une telle inscription sur liste de haut niveau est aussi un facteur de limitation des risques de blessures par le biais du suivi médical réglementaire qui devient obligatoire dès lors qu’on est inscrit sur liste ministérielle. À l’heure actuelle, certaines fédérations, comme la Fédération Française Handisport, ont intégré les résultats de ces recherches dans leur plan de performances sportives fédérales, ce serait une véritable avancée pour le parasport que de voir intégrer ces critères dans une réglementation étatique. NGO Mai-Anh est membre de la FFH
Paraperf, ANR-19-STHP-0005. Texte intégral 1793 mots
Reconnaître les assistants de compétition et d’entraînement
Une méthode de recherche originale
Des critères qui varient selon les fédérations
25.02.2025 à 17:37
Pourquoi est-on plus chatouilleux à certains endroits qu’à d’autres ?
Vous l’avez déjà remarqué : certaines parties de votre corps réagissent davantage aux chatouilles que d’autres. En effet, les pieds, les aisselles ou le ventre sont souvent très chatouilleux, alors que le dos ou les bras le sont beaucoup moins. Pour percer ce mystère, plongeons au cœur de la peau, là où tout commence. Notre peau est tapissée de récepteurs sensoriels qui captent différentes sensations comme la pression, la température ou la douleur. Parmi eux, les corpuscules de Meissner, des capteurs minuscules (plus petits qu’un grain de sable fin) mais ultra-sensibles sensibles aux touchers légers ainsi qu’aux vibrations de basse fréquence. Ils permettent notamment à une personne aveugle lisant du braille de percevoir avec précision les reliefs des points imprimés sur le papier. De plus, ces récepteurs jouent un rôle essentiel dans la perception des chatouilles, en captant les stimulations tactiles légères et imprévisibles. En effet, lorsqu’ils sont stimulés par une chatouille, un signal électrique est immédiatement envoyé au cerveau, provoquant une réaction de surprise et souvent un rire involontaire. Les corpuscules de Meissner, situés juste en dessous de l’épiderme (couche la plus superficielle de la peau) ne sont pas distribués de manière homogène dans tout le corps. En effet, ils sont particulièrement nombreux dans les zones sensibles comme les doigts, les lèvres, la plante des pieds et les aisselles. En revanche, le dos ou les cuisses en contiennent moins, ce qui explique pourquoi ces zones sont moins réceptives aux chatouilles. Les chatouilles activent des parties spécifiques du cerveau, notamment le cortex somatosensoriel, qui traite les sensations de toucher et de douleur, et l’hypothalamus, impliqué dans les réactions émotionnelles et les réflexes de défense. Cette activation combinée explique pourquoi les chatouilles déclenchent souvent un mélange de rire et de mouvements brusques, comme un sursaut. Notre réaction face aux chatouilles dépend en grande partie du contexte dans lequel elles se produisent. La surprise est un facteur clé : lorsque nous savons que les chatouilles arrivent, nous rions beaucoup moins. Cela explique pourquoi nous ne pouvons pas nous chatouiller nous-mêmes. Le responsable, c’est le cervelet, une partie de notre cerveau située à l’arrière du crâne. Ce dernier est capable de faire la différence entre les sensations que nous nous auto-infligeons et les sensations inattendues. C’est l’atténuation sensorielle. Ainsi, en envoyant le signal, notre cerveau sait ce qui va se passer, et n’éprouve pas le besoin de réagir, préférant se concentrer sur les stimulations extérieures pour assurer notre survie. Chaque semaine, nos spécialistes répondent à vos questions. N’hésitez pas à nous écrire pour poser la vôtre et nous trouverons la meilleure personne pour vous répondre. Et bien sûr, les questions bêtes, ça n’existe pas ! Certains scientifiques pensent que les chatouilles ont joué un rôle dans l’évolution en tant que mécanisme de protection. En effet, les zones les plus sensibles aux chatouilles, comme les pieds, les côtes, le cou ou encore les aisselles, sont aussi des parties du corps vulnérables, qui n’ont pas de défense et qui sont pourtant vitales. La réaction instinctive de rire et de se débattre pourrait donc être un réflexe défensif destiné à éloigner un danger potentiel. Si certaines parties du corps sont plus chatouilleuses que d’autres, c’est surtout une question de récepteurs sensoriels et de leur répartition. Mais au-delà de l’aspect biologique, les chatouilles ont aussi une dimension neurologique et évolutive. Elles ne sont pas seulement une réaction physique, mais aussi un moyen de protection. Coralie Thieulin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche. Texte intégral 882 mots
De la peau jusqu’au cerveau
Une explication évolutive ?