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09.11.2025 à 12:16

Dix ans après Paris, la COP30 pourra-t-elle relancer l’action climatique ?

Sandrine Maljean-Dubois, Directrice de recherche CNRS, Aix-Marseille Université (AMU)
Les 195 parties (États + l’Union européenne) de l’accord de Paris devront, en 2026, relever l’ambition de leurs objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre (GES), selon le calendrier décidé lors de sa signature en 2015.
Texte intégral (2957 mots)

Dix ans après l’accord de Paris, la COP30 sur le climat s’ouvre ce 10 novembre au Brésil dans un contexte climatique et géopolitique tendu. Tandis que la planète bat de nouveaux records de chaleur, les États devront en 2026 relever l’ambition de leurs objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre, selon le calendrier décidé en 2015. La Cour internationale de justice de La Haye, qui a livré un avis inédit en juillet dernier, leur a rappelé leurs obligations juridiques en la matière.


C’est un rendez-vous très attendu. Cette année, la 30e Conférence des parties aux traités climatiques (COP) sur le climat se déroulera à Belém, au Brésil, du 10 au 21 novembre 2025. Cette édition 2025 s’inscrit dans un contexte particulier. D’une part, la planète a connu en 2024 son année la plus chaude jamais enregistrée et 2025 bat de nouveaux records. D’autre part, cette année marque les dix ans de l’accord de Paris, alors que les engagements actuels des États restent très insuffisants pour limiter le réchauffement à 1,5 °C.

Surtout, l’année 2026 correspond au début d’un nouveau cycle de cinq ans, où les États sont appelés à actualiser leurs contributions nationalement déterminées (CDN), c’est-à-dire les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre qu’ils se donnent ainsi que les mesures climatiques nationales pour les mettre en œuvre. En d’autres termes, leur feuille de route climatique. Or, selon le rapport sur l’écart entre les ambitions et les émissions (Emissions Gap Report) qui vient d’être publié en novembre 2025 par le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), ces objectifs doivent gagner en ambition de façon « spectaculaire » (le terme utilisé en anglais est quantum leap) afin de limiter le réchauffement à 2 °C, ou idéalement à 1,5 °C.

Une tâche plus ardue que jamais dans le contexte international, marqué par des tensions géopolitiques croissantes. Le retrait des États-Unis de l’accord de Paris va prochainement être effectif. L’Union européenne se divise sur la mise en œuvre du Green Deal et a eu beaucoup de difficultés pour s’accorder sur ses nouveaux objectifs. Partout montent les populismes climatosceptiques. Sans oublier les conflits mondiaux qui fragilisent la coopération multilatérale. Les questions du financement climatique et de la sortie des fossiles, enfin, exacerbent les divisions avant même le début des négociations.

Un avis rendu en juillet 2025 par la Cour internationale de justice de La Haye a d’ailleurs rappelé aux États leurs obligations juridiques vis-à-vis de l’accord de Paris.


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Des engagements climatiques nationaux à renforcer d’urgence

2025 marque donc, selon le calendrier décidé lors de la signature de l’accord de Paris, le début d’un nouveau cycle de cinq ans, où les pays doivent soumettre une version révisée (la troisième version) de leurs CDN, avec des plans d’action détaillés à l’horizon 2035. L’accord de Paris prévoit que cette révision quinquennale aille chaque fois vers davantage d’ambition, selon un principe dit de progression clairement affiché dans l’article 4 alinéa 3 de l’accord.

Comment l’accord de Paris envisage de relever les ambitions climatiques des États, tous les cinq ans. World Resources Insitute

Il y a urgence, car les engagements actuels sont très clairement insuffisants. L’objectif de limiter le réchauffement à 1,5 °C, qui était pourtant la cible définie pour l’accord de Paris, est désormais quasiment inatteignable. Au rythme actuel des émissions de gaz à effet de serre (GES), notre budget carbone, c’est-à-dire le niveau d’émissions à ne pas dépasser pour garder plus de 50 % de probabilité de limiter le réchauffement de la planète à 1,5 °C, sera épuisé d’ici trois petites années. Un réchauffement de 1,5 °C (tel que défini par l’accord de Paris, qui recommande d’utiliser des moyennes sur plusieurs années) pourrait être atteint avant la fin de la décennie.

Pourtant, à quelques semaines de la COP, seuls 64 des 195 États parties de l’accord de Paris avaient soumis leurs nouvelles CDN. De son côté, le Brésil a voulu donner l’exemple en tant que pays hôte, en relevant son objectif de réduction des émissions de 59 % à 67 % d’ici 2035, mais des acteurs majeurs, comme l’Union européenne, la Chine et l’Inde, n’ont à ce jour pas encore transmis leur contribution révisée. Dans l'ensemble, malgré certains progrès, les contributions restent insuffisantes.

Quand la justice climatique ouvre la voie

La Cour internationale de justice de La Haye elle-même confirmait dans son avis, le 23 juillet 2025, que le « contenu des CDN […] devait devenir plus ambitieux au fil du temps ».

S'agissant du changement climatique, les États n’ont pas le choix, nous dit la Cour : la coopération est aussi bien une « nécessité impérieuse » qu’une obligation juridique coutumière. Selon elle, les États doivent déterminer

« si [les] formes de coopération existantes, en ce compris des traités et leur application, continuent de servir le but qui est le leur, ou si de nouvelles actions collectives, dont l’établissement de nouvelles obligations conventionnelles, s’imposent ».

Un tel constat donne tout son sens à une initiative comme celle en faveur d’un traité de non-prolifération des combustibles fossiles, soutenue pour l’instant par 17 pays, pour l’essentiel des petits États insulaires du Pacifique.

Face aux insuffisances des engagements politiques nationaux et internationaux, les procès climatiques continuent, quant à eux, de se multiplier. Depuis 2017, leur nombre au plan mondial a augmenté de 250 %, passant de 884 affaires à 3 099. Sans être une baguette magique, ces procès deviennent un levier central pour demander des comptes aux gouvernements – voire aux entreprises et acteurs financiers, qui sont de plus en plus visés.

Dans son avis, la Cour internationale de justice a enfin accru la pression sur les pays développés. Elle a notamment confirmé que l’assistance financière aux pays en développement est une obligation qui revêt un « caractère juridiquement contraignant », en application de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques et de l’accord de Paris. Elle a aussi conclu que les pays développés devaient s’acquitter de cette obligation d’une manière et à un niveau qui permettent d’atteindre les objectifs de limitation des températures.


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Le financement de la transition, un sujet toujours explosif

Et pour cause : la question du financement climatique reste un point de blocage récurrent lors des dernières COP sur le climat. La COP15 de Copenhague, en 2009, avait fixé à 100 milliards de dollars par an l’objectif de financements climatiques dédié aux pays en développement.

Les pays développés affirment que ce objectif a été atteint en 2022. Mais une très grande partie s’est faite sous forme de prêts à des taux souvent peu avantageux. L’ONG Oxfam considère ainsi que, de ce fait, la valeur réelle du financement climatique ne se situait, en 2022, qu’entre 28 milliards et 35 milliards de dollars (de 24,2 milliards à 30,3 milliards d’euros) sur les 116 milliards de dollars (environ 100,5 milliards d’euros) annoncés.

Les pays en développement ont pourtant besoin de financements pour s’adapter aux impacts du changement climatique et pour opérer leur transition énergétique. Un fonds pour les pertes et préjudices a été créé lors de la COP28 à Dubaï (2023). Il est désormais opérationnel, mais bien trop faiblement doté au regard des besoins.

La COP29 de Bakou (2024) avait constaté « avec inquiétude » l’écart entre les flux et les besoins en matière de financement de l’action climatique, en particulier pour ce qui est de l’adaptation dans les pays en développement. Dans ce contexte, la COP29 a demandé à « tous les acteurs » de collaborer pour faire en sorte que les fonds provenant de toutes les sources publiques et privées octroyés aux pays en développement puissent atteindre au moins 1 300 milliards de dollars (un peu moins de 1 126 milliards d’euros) par an d’ici à 2035.

Plus concrètement, l’objectif des 100 milliards de dollars (86,6 milliards d’euros) a été triplé, les pays développés ayant pris l’engagement de verser 300 milliards de dollars (259,8 milliards d’euros) par an d’ici 2035, provenant de diverses sources, publiques et privées, bilatérales (par exemple, par l’intermédiaire de l’aide publique au développement) et multilatérales (comme des financements de la Banque mondiale), « y compris des sources de financement nouvelles ». C’est une avancée importante, mais ce montant reste encore très inférieur aux besoins, comme le confirme le groupe d’experts indépendants de haut niveau sur le financement climatique.

De nouveaux engagements sont donc attendus au cours de la COP30, qui doit, en parallèle, avancer sur la réforme de l’architecture financière internationale pour lever un certain nombre d’obstacles techniques et renforcer la transparence et le suivi des flux.

La sortie des énergies fossiles, l’éléphant dans la pièce

La sortie des énergies fossiles est longtemps restée l’éléphant dans la pièce des négociations climatiques. L’accord de la COP28 à Dubaï (2023) mentionnait pour la première fois

« [la nécessité d’opérer une] transition juste, ordonnée et équitable vers une sortie des combustibles fossiles dans les systèmes énergétiques (…) [et d’] éliminer progressivement et dès que possible les subventions inefficaces aux combustibles fossiles ».

La mise en œuvre de cette promesse, non réitérée lors de la COP29 (2024), reste encore floue. Le Brésil lui-même, hôte de la COP30, est tiraillé. Sous la présidence de Lula, il affiche une volonté de leadership environnemental et s’engage activement dans la lutte contre la déforestation. Le pays reste toutefois un grand producteur de pétrole, désormais membre de l’Opep+. Il doit concilier transition énergétique et développement économique.


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Le Brésil n’est pas le seul État face à un tel dilemme. D’ici à 2030, les États prévoient de produire plus du double de la quantité d’énergies fossiles qui serait compatible avec la limitation du réchauffement à 1,5 °C. En effet, de nombreux gouvernements continuent de soutenir, de financer et de développer la production d’énergies fossiles.

Les États sont ici en violation claire du droit international. Dans son avis du 23 juillet 2025, la Cour internationale de justice de La Haye précise qu’un État engage sa responsabilité internationale

« [lorsqu’il ne prend] pas les mesures appropriées pour protéger le système climatique contre les émissions de GES – notamment en produisant ou en utilisant des combustibles fossiles, ou en octroyant des permis d’exploration ou des subventions pour les combustibles fossiles ».

Dans ce contexte, beaucoup attendent de la COP30 une véritable feuille de route qui clarifie les étapes concrètes pour réduire la dépendance au pétrole, au gaz et au charbon, malgré les résistances des États producteurs.

La COP30 sera-t-elle la COP des forêts ?

La COP30 se déroule enfin dans une région symbolique : l’Amazonie, poumon vert de la planète, mais aussi zone menacée par la déforestation et par les incendies.

Le Brésil est au cœur des tensions entre conciliation de la préservation de la forêt, développement local, droits des populations autochtones et lutte contre le changement climatique. Soutenu par d’autres pays forestiers, tels que la Colombie, le Ghana, la République démocratique du Congo, l’Indonésie et la Malaisie, il porte le projet de création d’un nouveau fonds international pour la conservation des forêts.

Ce projet ne fait pour l’instant pas consensus parmi les pays développés. Il existe une forte attente d’annonces concrètes sur la lutte contre la déforestation et pour le renforcement de la protection des puits de carbone, des sujets essentiels mais qui n’ont fait l’objet jusqu’ici que d’une attention très limitée lors des COP.

Dans un contexte géopolitique tendu, la COP30 va être un test pour un multilatéralisme déjà malmené. La coopération multilatérale, indispensable sur un tel sujet, peut-elle encore produire des résultats ? La COP30 peut-elle relancer la dynamique internationale sur le climat ? Les États vont-ils être capables de dépasser leurs divergences ? Réponse à Bélem, fin novembre.


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The Conversation

Sandrine Maljean-Dubois ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

08.11.2025 à 11:16

Le Brésil est-il en mesure de respecter ses engagements climatiques ?

Pierre-Éloi Gay, Chercheur en sciences de gestion, ESSEC
La réalisation des objectifs climatiques du Brésil repose principalement sur la diminution de la déforestation, et donc sur l'engagement de l'agrobusiness, très réticent pour l'instant.**
Texte intégral (2098 mots)

La réalisation des objectifs climatiques du Brésil repose principalement sur la diminution de la déforestation. Cette réduction nécessite l’assentiment et l’engagement de l’agrobusiness, principal secteur vecteur de la déforestation. Pourtant, celui-ci paraît de plus en plus réticent à assumer cette responsabilité climatique et environnementale.


C’est un rendez-vous hautement symbolique. Le Brésil s’enorgueillit d’accueillir cette année la COP 30 à Belém, au cœur de l’Amazonie. Le gouvernement de Lula espère que cette localité illustrera la nécessité de revoir à la hausse nos ambitions climatiques et de mettre en place les actions et les mécanismes, notamment financiers, nécessaires à la réalisation des objectifs de l’accord de Paris.

Pour convaincre un maximum de pays, le Brésil peut s’appuyer sur un historique d’action climatique ambitieux. En effet, en 2009, avec déjà Lula à sa tête, lors de la COP de Copenhague, il était le premier pays non-développé à prendre des engagements internationaux de réduction de ses émissions, et à les avoir atteints en 2020. En 2015, à l’occasion de la COP 21, il annonce aussi des objectifs de réduction de ses émissions de 37 % en 2025 par rapport à 2005. En 2024, le gouvernement brésilien s’est engagé à réduire ses émissions en 2035 entre 59 % et 67 % par rapport à 2005. Lors de cette annonce, le Brésil a réaffirmé son ambition d’atteindre la neutralité carbone en 2050 et l’alignement de sa politique climatique à l’objectif d’un réchauffement de la planète 1,5 degré par rapport à la période préindustrielle.

Comme en 2009 et en 2015, la stratégie énoncée en 2024 et complétée cette année par des plans sectoriels, repose à moyen terme principalement sur la réduction de la déforestation. Le gouvernement compte arriver à une déforestation « zéro » (où les zones reforestées compensent les zones déforestées) à partir de 2030. Comme lors des précédents engagements climatiques internationaux du pays, ce pari sur la lutte contre la déforestation permet au Brésil de laisser les secteurs de l’énergie, de l’industrie et des transports maintenir (voire augmenter à moyen terme) leurs émissions. Il permet même l’exploitation de nouveaux gisements de pétrole, projet sur lequel alertent régulièrement diverses ONG. Une autre faiblesse, moins évidente mais tout aussi sérieuse, survient également lorsqu’il est question de dans la crédibilité de ces engagements climatiques : il concerne l’agrobusiness.

En effet, l’agrobusiness, qui représente un quart des émissions au niveau mondial, est responsable de 29 % des émissions brutes du Brésil (derrière les 42 % des émissions liées à la déforestation, elle-même en grande partie liée aux activités du secteur). De fait, de nombreux signaux politiques montrent que le secteur est de moins en moins aligné avec les orientations du gouvernement actuel et les alertes des scientifiques.

L’agrobusiness brésilien représente près de 50 % des exportations du pays en valeur (et près de 25 % du PIB selon certaines estimations qui incluent toutes les activités en amont en aval de la production agricole). Le pays figure parmi les principaux exportateurs de nombreux produits agricoles (soja, canne à sucre, café, jus d’orange, etc.). Le « complexe soja » (soja en grain et ses dérivés) demeure le principal produit d’exportation du pays (plus d’un tiers des exportations du secteur en valeur) et c’est principalement l’extension de cette culture qui explique l’augmentation de la surface cultivée au Brésil. Les industries de la viande représentent ensuite le deuxième poste d’exportation et les pâturages destinés à l’élevage bovin occupent plus de la moitié de la surface agricole du pays.

Cette puissance économique se traduit par une influence politique considérable. Son expression la plus emblématique est le Frente Parlamentar da Agropecuária (FPA) que l’on peut traduire comme le « front parlementaire de défense de l’agriculture et de l’élevage ». Ce groupe parlementaire s’aligne généralement sur les intérêts des plus gros agriculteurs et de l’agrobusiness. Du fait qu’il rassemble plus de la moitié des députés et sénateurs du pays, il est très puissant au sein du pouvoir législatif et possède une capacité d’influence ou de blocage du pouvoir exécutif.

L’objectif de déforestation zéro d’ici 2030 passe par l’arrêt de la déforestation illégale et la réduction drastique de la déforestation légale. La lutte contre la déforestation illégale fait l’objet d’un consensus au sein des syndicats patronaux de l’agrobusiness. Néanmoins, lors du gouvernement Bolsonaro, il a été clair que de nombreux pans du secteur agricole (notamment chez les grands propriétaires fonciers des états de l’Amazonie) soutenaient explicitement les efforts du gouvernement d’extrême droite d’alors pour mettre à bas les politiques et institutions publiques de lutte contre la déforestation.

Ces lobbys n’ont pas disparu et continuent d’œuvrer auprès d’un parlement au sein duquel les élections législatives de 2022 ont renforcé l’influence de l’extrême droite et la puissance des intérêts anti-environnementaux. Ainsi, la lutte contre la déforestation illégale ne saurait être tenue pour acquise et toute alternance politique pourra remettre en question les résultats de l’actuel gouvernement en la matière.

La question de la déforestation légale est tout aussi complexe. En effet, la législation environnementale brésilienne encadre strictement les possibilités de déforester pour les propriétaires terriens (c’est particulièrement le cas en Amazonie où 80 % des terres rurales doivent rester préservées). Néanmoins, ces protections sont moins strictes dans les autres biomes du Brésil et le respect de la loi et des procédures nécessaires pour déforester sont variables d’une localité à une autre.

Quand bien même, le Brésil ne pourra pas respecter ses engagements climatiques si toutes les zones qui peuvent être légalement déforestées le sont d’ici 2050. Or, tout changement de la législation environnementale vers une restriction des droits des propriétaires terriens est une ligne rouge pour les syndicats agricoles. C’est également une bataille dans laquelle les mouvements politiques écologistes sont peu susceptibles de s’engager puisque le dernier grand débat législatif en la matière en 2012 s’est achevé sur une défaite de leurs positions alors même que l’équilibre politique leur était plus favorable à l’époque.

Cela veut donc dire que la réduction de la déforestation légale doit passer par une redirection volontaire du système productif agricole brésilien qui aspire toujours à plus de croissance. La promesse faite par le gouvernement et les syndicats agricoles est que la surface agricole globale restera stable. Selon eux, il n’y aura pas besoin de déforester plus pour produire plus. Selon leurs projections, l’essentiel de l’augmentation de la production se fera par l’augmentation de la productivité. Les éventuelles surfaces supplémentaires nécessaires pour la production de grains comme le soja viendront de l’abandon par l’élevage bovin des pâturages les moins productifs.

Néanmoins, cette politique a déjà été conduite depuis 2010 et elle a eu des résultats mitigés. Si la déforestation a bien été réduite par rapport à 2005, elle reste à un niveau élevé et surtout elle a connu des oscillations à la hausse et à la baisse. D’autre part, le volontarisme du secteur sur la question apparaît affaibli. Cette année, quand le plan de réduction des émissions du secteur agricole a été présenté publiquement, les syndicats patronaux et agricoles ont fortement protesté contre le fait que les émissions liées à la déforestation ayant eu lieu au sein de propriétés agricoles leur aient été imputées. Pour eux, cela donne une image injuste et erronée du secteur alors que celui-ci est « déjà durable ».

Également, l’organisme qui s’assure du respect de la libre concurrence au sein des différents secteurs de l’économie brésilienne a acté en septembre dernier un rétropédalage historique en annonçant la fin en janvier 2026 d’un dispositif clé de lutte contre la déforestation en Amazonie au motif qu’il représentait un accord anti-concurrentiel nocif aux producteurs de soja. Ce dispositif, appelé moratoire du Soja, avait été signé en 2006 entre les grandes entreprises du secteur du soja et plusieurs ONGs écologistes face à la pression engendrée par une campagne de boycott du soja brésilien lancée par Greenpeace. Dans le cadre de ce moratoire en vigueur jusqu’à aujourd’hui, les plus grandes entreprises de négoce de commodities agricoles (par exemple les géants américains comme Cargill et Bunge ou des entreprises brésiliennes comme Amaggi) s’engagent à ne pas financer ou acheter de soja issu de terres nouvellement déforestées en Amazonie. Cette décision de s’attaquer à un des emblèmes de l’agriculture « responsable » et de l’engagement du secteur envers la protection de l’Amazonie met en évidence les tensions au sein du secteur et la détermination des syndicats agricoles à lever les « freins » à l’expansion de leurs exploitations.

Il est donc aujourd’hui peu probable que le secteur se mette en ordre de marche pour atteindre les objectifs de réduction de la déforestation et partant les objectifs climatiques du Brésil. Outre ces éléments politiques, la persistance de la déforestation a renforcé une spirale négative de dégradation des écosystèmes. La région amazonienne s’assèche et devient plus vulnérable aux incendies. Certains scientifiques alertent sur un point de rupture de plus en plus proche, avec une forêt qui commencerait à se dégrader d’elle-même. Également, la pression agricole sur le Cerrado, autre grand biome du pays composé d’une mosaïque de paysages ouverts et de forêts plus ou moins denses dont l’importance en termes de stockage de carbone est maintenant souligné par les scientifiques, met à mal sa fonction de château d’eau du Brésil. L’urgence à arrêter la destruction des milieux naturels n’en est donc que plus forte.

À l’avenir, les pressions des clients de l’agrobusiness pourraient changer la donne. L’Union européenne jouait ce rôle mais les tensions en son sein concernant sa politique environnementale et le fait qu’elle ait perdu son statut de premier acheteur du Brésil ont amoindri son pouvoir de pression. La Chine, comme premier acheteur et important investisseur, pourrait la remplacer. De nombreux programmes d’agriculture durable sont lancés entre les deux pays. Pour l’instant, la Chine n’a pas opté pour des exigences plus explicites quant à la déforestation. D’autre part, la pression de la société civile et le changement des équilibres politiques dans le pays pourraient accroître la pression sur le secteur afin qu’il change ses pratiques.

The Conversation

Pierre-Éloi Gay ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

07.11.2025 à 17:39

De COP en COP, une géopolitique de la procrastination climatique

Moïse Tsayem, professeur en géographie, Le Mans Université
Après trente ans de COP et trop peu d’actes, la COP30 à Belém sera-t-elle enfin celle de l’action climatique ?
Texte intégral (3738 mots)

Entre promesses ajournées et coalitions aux intérêts divergents, les COP se suivent et démultiplient les arènes de négociation sans nécessairement réussir à accélérer l’action climatique. À l’heure de la COP30, organisée au Brésil, l’enjeu est de taille : sortir de la procrastination climatique. Les organisations de la société civile jouent un rôle crucial et bousculent de plus en plus les arènes onusiennes.


La trentième conférence des parties sur le climat (COP 30), présidée par le Brésil, a lieu à Belém, en Amazonie, en novembre 2025. Depuis 1995, ce rendez-vous annuel des États qui ont ratifié la Convention-Cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) a produit seulement deux traités majeurs : le protocole de Kyoto et l’accord de Paris. Leur mise en œuvre, dont les effets positifs en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre tardent encore à pleinement se concrétiser, est révélatrice de la « procrastination » qui caractérise la gouvernance internationale de la lutte contre les changements climatiques.

Les engagements pris sont souvent recyclés d’une COP à l’autre et leur mise en œuvre est trop souvent repoussée aux calendes grecques. C’est par exemple le cas de l’engagement des pays développés, de financer à hauteur de 100 milliards de dollars par an, les pays en développement, dans le cadre du fonds vert pour le climat, créé lors de la COP 15 à Copenhague en 2009. Il a été recyclé lors des COP suivantes, sans pour autant être tenu. L’inertie s’explique par les intérêts divergents des États, regroupés au sein de coalitions hétérogènes.

Le monopole des États est toutefois bousculé par les organisations de la société civile (OSC). Que peuvent-elles pour l’action climatique ? Comment cette tension s’inscrit-elle dans le cadre de la COP30 à venir au Brésil ?


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Une démultiplication des arènes officielles depuis 30 ans

Depuis la première COP en 1995, le paysage des négociations climatiques s’est complexifié : au format initial s’est ajoutée une deuxième arène avec l’entrée en vigueur du protocole de Kyoto (CMP) en 1997, puis une troisième avec l’accord de Paris (CMA) en 2015, chacune réunissant les États ayant ratifié ces accords.

Considéré comme un traité « expérimental », un « signal », ou une « impulsion » devant conduire à des engagements futurs plus ambitieux, le protocole de Kyoto n’a pas produit les résultats escomptés. Il reposait sur des engagements chiffrés de réduction des EGES des pays développés, avec des mécanismes de flexibilité, donc les échanges de quotas d’émissions. Mais en l’absence de ratification par les États-Unis, il n’a jamais pu être pleinement mis en application.


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En 2009, lors de la COP15, des négociations sont engagées pour un accord multilatéral de plus grande envergure pour l’après Kyoto. Celles-ci échouent du fait des tensions et des rivalités entre les États (confrontation entre l’Union européenne, les États-Unis et la Chine, marginalisation des pays en développement…).

L’accord de Paris, deuxième résultat majeur des COP, ouvre en 2015 une nouvelle approche. Les États, qu’ils soient développés ou en développement, doivent élaborer puis soumettre leurs Contributions nationales déterminées (CND). Autrement dit, des engagements et une feuille de route des actions qu’ils prévoient de mettre en œuvre pour lutter contre les changements climatiques à l’horizon 2030.

Chaque année depuis 2016, les COP, les CMP et les CMA ont lieu conjointement. Les CND ont fait l’objet d’un premier bilan en 2023. Il est prévu qu’elles soient examinées et rehaussées tous les 5 ans. Certains États en sont à la troisième version, pour des engagements à mettre en œuvre d’ici 2035.

Au fil du temps, le nombre d’arènes onusiennes relatives à la lutte contre le changement climatique s’est démultiplié, pour un succès tout relatif… Conception : Moïse Tsayem Demaze, réalisation : Sébastien Angonnet, laboratoire ESO Le Mans, 2025, Fourni par l'auteur

Bien qu’ayant été ratifié par davantage d’États que le protocole de Kyoto, l’accord de Paris souffre du même écueil : il est non contraignant. Quant aux engagements pris par les États dans le cadre des CND, ils aboutiraient, en l’état, à une hausse de la température moyenne de l’ordre de 3,5 °C à l’horizon 2100, largement au-dessus de l’objectif de 1,5 °C.

Comme le protocole de Kyoto avant lui, l’accord n’a pas pris en compte la complexité de la gouvernance du monde, avec l’influence économique grandissante exercée notamment par les multinationales et par les pays émergents (donc la Chine et l’Inde), qui refaçonnent les relations commerciales internationales. La question environnementale a été progressivement reléguée à l’arrière-plan : l’imaginaire d’un grand régulateur central apte à définir et à distribuer des droits d’émissions semble de moins en moins en prise avec la réalité. Tout cela s’inscrit en réalité dans la reconfiguration des rapports géopolitiques internationaux, avec la montée en puissance du Sud global, et la crise latente du multilatéralisme.


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Dans le même temps, l’accord de Paris, tout comme le processus d’élaboration du texte des COP, tend à mettre les désaccords sous le tapis, puisque les décisions sont prises au consensus. Il en résulte des difficultés bien concrètes, notamment pour sortir des énergies fossiles.

Des coalitions d’États qui orientent les négociations

Au fil des ans, la COP s’est alourdie avec une multitude de coalitions d’États défendant des intérêts variés. Un clivage classique oppose généralement les pays développés aux pays en développement. Lors des dernières COP, l’ONU a recensé 14 coalitions d’États qui ont pris part aux négociations.

L’arène des COP : une hétérogénéité de groupes d’acteurs étatiques aux intérêts divergents. Fourni par l'auteur

Beaucoup de ces coalitions sont constituées d’États du Sud (Afrique, Amérique du Sud, Asie) : groupe africain, Alliance bolivarienne des Amériques, Groupe des pays en développement partageant les mêmes idées, etc.). Pour faire entendre leurs positionnements ou leurs spécificités, et porter leur voix au sein des COP, les pays en développement ont multiplié les coalitions, parfois hétérogènes.

Plusieurs États sont ainsi membres de plusieurs coalitions à la fois, suivant leurs enjeux et intérêts par rapport aux changements climatiques et à leurs niveaux de développement économique et social. Par exemple, la Chine, l’Inde et le Brésil sont membres de quatre coalitions, les Comores sont membres de six coalitions, et le Soudan est membre de six coalitions.

Il existe ainsi plusieurs groupes attentifs à la question des financements climatiques en lien avec des sujets bien précis. Par exemple, les Petits États insulaires en développement, très attentifs à la problématique de la hausse du niveau de la mer, ou encore les pays de forêt tropicale humide, très attentifs à la lutte contre la déforestation.

On retrouve aussi des regroupements plus traditionnels, comme celui des pays les moins avancés

ou le G77+Chine. Le groupe parapluie (États-Unis, Australie, Canada, Nouvelle Zélande…) rassemble de son côté plusieurs États peu prompts à l’ambition climatique. Quelques États qui ont voulu se démarquer et garder une position neutre sont membres du groupe pour l’intégrité environnementale (Suisse, Corée du Sud, Mexique, etc.). L’Union européenne participe aux négociations en tant que groupe à part entière, même si chaque État membre participe parallèlement aux négociations en tant que Partie à la CNUCC.

Ces coalitions peuvent refléter les intérêts économiques des États vis-à-vis des énergies fossiles : le Groupe des États arabes, par exemple, réunit plusieurs membres de l’OPEP, qui ont davantage intérêt à maintenir le statu quo sur les énergies fossiles.

Les COP mises au défi par la société civile

Si les États sont au cœur des COP, ils ne sont pas pour autant les seuls acteurs. Les organisations de la société civile (OSC) ont pris une place considérable dans les négociations, soit aux côtés des États, soit en constituant leurs propres arènes, subsidiaires aux négociations officielles.

Ces OSC, très hétérogènes, sont organisées en groupes et réseaux d’une grande diversité. Des ONG peuvent ainsi être associées à des fondations humanitaires, à des think tanks, à des syndicats, à des églises, à des chercheurs, etc. C’est par exemple le cas de l’ONG 350.org, ou encore de l’ONG Climate Action Network.

Les OSC s’expriment non seulement à titre individuel, mais aussi à travers les réseaux qui les représentent ou les fédèrent, par exemple le Climate Action Network, ou le réseau Climate Justice Now. Certaines OSC et leurs réseaux organisent des off ou des side-events plus ou moins informels pour médiatiser et rendre visibles des sujets bien spécifiques ou des angles morts des négociations (la question des océans, celle des peuples autochtones, la compensation carbone, les énergies fossiles, etc.). Par exemple, l’ONG Climate Justice Alliance médiatise le renoncement aux énergies fossiles articulé, avec une transition énergétique juste portée par les communautés et les collectifs de citoyens, tandis que l’ONG Ocean Conservancy se positionne sur la question des océans. Quant à la Organización de los Pueblos Indígenas de la Amazonía, elle œuvre pour une meilleure prise en compte des peuples indigènes.

Hétérogénéité des organisations de la société civile constituant des arènes subsidiaires aux COP. Fourni par l'auteur

Depuis 2015, on assiste à une évolution majeure, caractérisée par une multiplication des fronts de mobilisation, avec un foisonnement des actions par le bas, sur le terrain, ce qui décentre le regard par rapport à l’arène onusienne. Pour ces OSC, celle-ci n’est plus le point névralgique de la lutte contre les changements climatiques.

Une nouvelle vague d’OSC (Just Stop Oil, Friday for future, Extinction Rebellion…) entend mettre la pression sur des décideurs, sur des entreprises, généralement des acteurs « clés », en politisant et en radicalisant le débat, parfois sur la base des rapports du GIEC, soulignant ainsi l’importance de la prise en compte des travaux scientifiques.

Grace aux OSC, la justice climatique est devenue un sujet majeur qui reconfigure la lutte contre les changements climatiques. Parallèlement à ces actions (grèves pour le climat, blocages et sit in, etc.), d’autres OSC, plus anciennes et/ou plus structurées, judiciarisent la lutte contre les changements climatiques en portant plainte contre des États. C’est ce qui s’est passé par exemple en France, avec l’Affaire du Siècle, procédure judiciaire inédite engagée en 2018 contre l’État français, accusé d’inaction climatique, par quatre ONG (Notre Affaire à Tous, la Fondation pour la Nature et l’Homme, Greenpeace France et Oxfam France).


À lire aussi : Justice climatique : la Cour internationale de justice pose un jalon historique


Qu’attendre de la COP30 au Brésil ?

Cette reconfiguration devrait une fois de plus être à l’œuvre durant la COP30, d’autant plus que celle-ci revêt plusieurs symboles : ce sera la première COP en Amazonie, le 20e anniversaire de l’entrée en vigueur du protocole de Kyoto et le 10e anniversaire de l’accord de Paris. Elle a lieu dans le pays hôte de l’adoption de la CCNUCC, un des traités fondateurs du développement durable, institué en 1992 lors du sommet de Rio de Janeiro sur l’environnement et le développement.

Les lettres de cadrage diffusées par le président de cette COP, nommé par le président du Brésil, donnent le ton. Comme pour les précédentes COP, le financement de l’action climatique des États en développement sera un enjeu majeur. Ces États, dans la dynamique géopolitique du Sud global, avec les pays émergents en tête desquels le Brésil, souligneront la nécessité d’alimenter et d’augmenter les fonds dédiés à leur participation à la lutte contre les changements climatiques, dans le respect des principes de la justice climatique.

Souhaitant que cette COP 30 soit la « COP amazonienne », le Brésil envisage que l’importance accordée aux forêts tropicales soit renforcée, avec une augmentation des financements et des investissements pour réduire la déforestation et la dégradation des forêts.

Déforestation par transformation de la forêt tropicale en espace agraire en Amazonie brésilienne (Benfica, Para). M. Tsayem, 2003, Fourni par l'auteur

Le Brésil espère que cette COP soit celle du déclic – ou du tournant – pour la mise en œuvre des actions ambitieuses, innovantes et incluses. Le mutirão, c’est-à-dire l’effort collectif, dans un esprit de coopération associant toutes les parties prenantes (États, organisations internationales, collectivités locales, OSC, peuples indigènes, entreprises, citoyens, etc.), est prôné pour rehausser et réactiver l’action climatique dans une perspective globale.

The Conversation

Moïse Tsayem ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

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