ACCÈS LIBRE UNE Politique International Environnement Technologies Culture
18.05.2025 à 18:09
Les déplacements domicile-travail entre villes, un impensé de la mobilité
Texte intégral (2412 mots)
Travailler dans une ville différente de celle de sa résidence est une pratique de plus en plus courante en France. Un atlas qui vient de paraître se penche sur la géographie de ces flux très majoritairement automobiles, et la façon dont une partie d’entre eux pourrait être remplacée par des transports collectifs.
En France, la voiture est utilisée pour 75 % des trajets domicile-travail. Ces déplacements sont aussi responsables du quart des émissions de gaz à effet de serre émis par les voitures des particuliers.
Si la plupart des gens travaillent dans leur ville de résidence, 3 millions de personnes (soit 10 % des actifs) ont leur emploi dans une autre ville. C’est 50 % de plus qu’il y a vingt ans. Les raisons en sont multiples : augmentation des prix immobiliers, transformations du marché de l’emploi, modification des modes de vie et de l’organisation du travail, etc.
Selon l’Insee, ces trajets font en moyenne 35 km (aller simple), soit le triple de la distance domicile-travail moyenne. Ils sont réalisés dans plus de 90 % des cas en voiture, et représentent désormais un tiers des émissions de gaz à effet de serre de l’ensemble des trajets domicile-travail. Ils sont pourtant peu intégrés aux réflexions sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre des mobilités du quotidien.

Visualiser ces flux interurbains…
Dans le cadre d’un partenariat avec l’opérateur de mobilités Transdev, nous avons réalisé l’Atlas des déplacements domicile-travail interurbains en France continentale. Basé sur les données du recensement de 2018, il permet de visualiser et caractériser ces flux aux échelles nationale et régionale, et de réfléchir aux conditions de leur report vers les transports collectifs.
L’Atlas s’intéresse aux villes comptant entre 50 000 et 700 000 habitants, qui sont l’origine ou la destination de 80 % de ces déplacements. La carte ci-dessous, qui en est extraite, permet de visualiser les liaisons les plus importantes, c’est-à-dire comptabilisant au moins 500 actifs (dans un sens).

Les déplacements depuis et vers l’aire d’attraction de Paris concernent environ 100 000 personnes, soit une part minoritaire des flux interurbains étudiés dans l’Atlas. Ces échanges sont par ailleurs atypiques de par le mode de transport utilisé.
La performance des liaisons ferroviaires, les distances élevées et les difficultés de circulation et de stationnement dans l’agglomération parisienne favorisent bien plus qu’ailleurs un recours aux transports collectifs. Les déplacements entre Paris et Reims sont emblématiques de cette situation : la moitié des actifs concernés vont au travail en transports collectifs, contre 10 % pour l’ensemble des interurbains.
Partout ailleurs, les déplacements domicile-travail interurbains dessinent des systèmes variés, parmi lesquels quelques figures typiques se dégagent :
des étoiles autour de grandes villes (comme Rennes, qui échange beaucoup avec Vitré, Fougères et Saint-Malo) ou de villes de moindre taille (par exemple autour de Bourges) ;
des systèmes multipolaires, par exemple autour de Nantes qui échange beaucoup avec Angers, Cholet, La Roche-sur-Yon et où les flux sont également importants entre ces villes (le différenciant en cela d’un système en étoile) ;
des corridors (comme Nancy-Metz-Thionville ou Perpignan-Avignon) ;
ou encore des échanges intenses entre deux villes de tailles proches (par exemple Pau et Tarbes, ou encore Belfort et Mulhouse).
À une échelle plus fine, comme le montre l’illustration ci-dessous, les flux les plus importants relient une commune périurbaine à une commune-centre (au sens de la commune principale d’une aire d’attraction), ou bien deux communes périurbaines.

Des transports collectifs inégalement disponibles
Selon les liaisons, le volume des échanges et la part des transports collectifs sont très variables, comme le montre la carte de la région Occitanie. Les flux sont assez épars et dominés par la voiture entre les communes périurbaines de Montpellier et la commune-centre de Nîmes. À Béziers, une certaine dispersion des flux est également observée. Dans d’autres cas, les actifs interurbains sont plutôt concentrés sur des liaisons entre deux communes-centres, par exemple entre les communes de Castres et Mazamet, ou encore celles de Carcassonne et Limoux.

Le poids des transports collectifs dans les déplacements varie beaucoup selon les cas de figure : il est en particulier plus élevé pour les liaisons avec Montpellier depuis Béziers, Agde et Nîmes ou bien, plus au sud pour Narbonne-Carcassonne et Narbonne-Perpignan.
Du lundi au vendredi + le dimanche, recevez gratuitement les analyses et décryptages de nos experts pour un autre regard sur l’actualité. Abonnez-vous dès aujourd’hui !
Ces trajets pourraient-ils se faire sans voiture ?
Certaines lignes de transports publics sont déjà relativement bien utilisées par les actifs qui travaillent hors de leur ville de résidence : c’est plus souvent le cas quand l’emploi est situé dans une ville de plus de 700 000 habitants, quand la personne habite dans une commune-centre et travaille aussi dans une commune-centre, quand les communes de résidence et de travail sont situées à moins de 10 km d’une gare, ou encore lorsque le temps de trajet par la route dépasse 45 minutes. Mais les marges de progression restent très importantes.
Diminuer l’usage de la voiture individuelle sur une partie des trajets domicile-travail entre les villes est complexe, mais pas hors de portée. Selon les cas, il semble plus pertinent de réfléchir au renforcement de l’usage de lignes de transport public existantes ou bien à la création de nouvelles lignes voire de services de covoiturage.
L’amélioration de l’offre de transports collectifs actuelle (trains ou cars) suppose également une réflexion sur les modalités d’adaptation des horaires (heures de pointe du matin et du soir), des fréquences (notamment le soir, pour tenir compte des contraintes familiales) et des tarifs (par exemple pour cibler les télétravailleurs) afin de mieux les adapter aux besoins des actifs.
Cette politique de renforcement de l’offre fait surtout sens pour les trajets caractérisés par des volumes d’actifs importants et pour lesquels les transports collectifs font déjà l’objet d’un usage significatif, par exemple entre Rouen et Yvetot. Des politiques favorisant le rabattement vers les transports collectifs doivent également être envisagées, notamment dans les communes périurbaines : pistes cyclables, local à vélo sécurisé, parking-relais avec stationnement gratuit ou à faible coût pour les usagers des transports collectifs.
La création de nouvelles offres doit quant à elle se concentrer sur les liaisons les importantes en volume d’actifs, et envisager, selon les cas, de nouvelles infrastructures ferrées ou la mise en place d’offres routières du type cars express, comme celle qui existe par exemple entre La Rochelle et Niort.
Sur des liaisons concernant un peu moins d’actifs et des distances intermédiaires (10 à 30 km, typiquement), organiser des services de covoiturage fait partie des options pertinentes.
La question n’est pas seulement technique, elle est aussi politique, car les trajets interurbains transcendent les périmètres de autorités organisatrices de mobilité (AOM). Enfin, l’enjeu d’une meilleure gestion des mobilités interurbaines n’est pas seulement environnemental. Il est aussi social compte tenu des difficultés d’accès à l’emploi et au logement pour certaines catégories de population, et des budgets mobilité élevés pour ces navetteurs eu égard aux distances parcourues.

Anne Aguiléra a reçu des financements de nombreuses organisations de recherche publiques et privées dans le cadre de ses activités scientifiques. Cet article a été réalisé dans le cadre d'un partenariat de recherche avec l'entreprise Transdev.
Cet article a été réalisé dans le cadre d'un partenariat de recherche avec l'entreprise Transdev.
Sylvestre Duroudier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.
17.05.2025 à 13:20
Vous aimez les micro-brasseries, vous allez adorer les micro-fromageries
Texte intégral (1699 mots)

Oh lait lait à Bordeaux, Les Frox à Annecy, Marengo à Bayonne… à l’instar des micro-brasseries, les laiteries urbaines font (ou refont) leur apparition dans les villes. L’image d’Épinal de la laiterie localisée en pleine campagne et liée à une ferme s’estompe. La production de fromages au lait cru a désormais sa place en zone urbaine.
Le locavorisme et les circuits courts ont la cote. En 2020, 63 % des Français étaient prêts à consommer le plus de produits locaux possible pour soutenir l’économie. La pandémie de Covid-19 a modifié le comportement des consommateurs, entraînant de nouveaux modes ou lieu de production et de nouvelles vocations.
Ce phénomène n’est pas nouveau. Au XIXe siècle déjà, des laiteries à Paris, Londres et Copenhague existaient, comme le souligne l’historien Fabien Knittel. Elles répondaient à l’essor croissant de l’urbanisation et la nécessité de fournir du lait frais aux populations. Ces derniers s’approvisionnaient auprès de fermes en périphérie des villes ou développaient des systèmes d’élevage urbain posant des problèmes sanitaires. Leur essor s’établira à partir des années 1860-1880 avec les techniques de pasteurisation et l’industrialisation du lait.
Alors pourquoi son retour au XXIe siècle ?
Boom partout en France
Les laiteries urbaines actuelles transforment le lait issu de circuits courts – fermes périurbaines ou rurales proches –, pour en faire des fromages, du beurre, de la crème. Le phénomène reprend vigueur dans les années 1970 à la suite de la dynamique des circuits courts, d’agriculture urbaine et de relocalisation de la production alimentaire. Ces initiatives répondent à une demande croissante des consommateurs pour les produits locaux, frais et traçables, tout en sensibilisant le public aux enjeux de l’élevage et de la production laitière. Et les Français sont de grands consommateurs de fromage : 27 kg par personne et par an en 2022.
En France, la Laiterie de Paris en 2013 est l’une des premières à transformer du lait local en yaourts et fromages directement en ville. En Europe la Stadtkäserei ouvre à Zurich en Suisse et en Amérique du Nord, le même phénomène se répand. Depuis 2020 l’accélération du phénomène est sensible en France, Belgique et Londres.
L’ouverture des laiteries urbaines n’est pas l’apanage d’une région ou d’une ville. Elles fleurissent sur tout le territoire, souvent dans les moyennes ou grandes villes : Annecy, Bordeaux, Pau et Bayonne, Marseille, Metz et Nancy, Limoges, Brest, Toulouse, Rennes, Avignon, Paris, Saint-Ouen. Et bien sûr la liste est loin d’être close.
Proximité relationnelle
Ces fromagers souhaitent recréer du lien entre consommateurs et producteurs, que la grande distribution a distendu. Face à la main mise sur le secteur des géants du lait, en soutien à l’agriculture en crise et aux commerces de proximité, les consommateurs découvrent ces nouveaux lieux de production, en ville. Cette proximité se fait à un triple niveau :
Le lait provient de producteurs locaux, en général de moins de 50 km.
La proximité du lieu de vente invite les consommateurs urbains à redécouvrir les productions artisanales au cœur de leur ville.
La proximité relationnelle du producteur et du consommateur qui veulent partager des valeurs identiques, des valeurs du terroir.
À lire aussi : Le lait de foin arrive dans nos magasins et ce n’est sans doute pas ce que vous pensez
Le lait de foin, provenant d’animaux nourris exclusivement d’herbe fraîche ou de foin, est par exemple un des produits emblématiques de ces laiteries urbaines. Il renforce le caractère authentique, rural et sain de la production fromagère dans l’imaginaire des consommateurs et qui se fait réalité.
Quête de sens
Ces crémiers de temps modernes recherchent du sens. Ces fromagers urbains sont souvent issus de reconversion, délaissant leur ancien métier au profit d’un engagement. Ce changement radical dans leur vie correspond à leurs valeurs tournées vers le local, l’artisanal et aussi à un engagement plus profond envers la société et ce qu’ils ont envie de vivre. « En 2021, j’ai quitté mon emploi pour me recentrer sur un métier qui a du sens ». Délaisser un travail intellectuel au profit d’un travail manuel pour trouver une satisfaction dans la réalisation concrète des produits.
« Notre boutique située rive droite offre une vue directe sur le laboratoire pour vous dévoiler les différentes étapes de transformation », lit-on sur le site de la Laiterie brestoise.
Cette quête de sens se manifeste aussi par la transparence : de la traçabilité du lait, de la fabrication pour le partage avec les clients. Les opérations de production, d’affinage donnent à voir aux clients sous diverses formes : espaces aménagés, ateliers, fromagers ouverts au public ou encore ateliers de formations professionnelles dans un souci de partage.
Éthique et zéro déchet
Le prix du lait est souvent affiché dans un souci éthique vis-à-vis du producteur comme à la Laiterie de Lyon ou à Paris. Les mots clés « bio, urbain, local et artisanal » sont souvent écrits sur les bouteilles du précieux breuvage.
« C’est simple, on double le prix du lait. On achète leur lait environ 8O centimes d’euros le litre alors que Lactalis est à 35 centimes », rappelle Pierre Coulon, le fondateur de la Laiterie de Paris.
Certaines laiteries urbaines vont encore plus loin dans leur engagement écologique. Elles proposent des consignes pour les bouteilles de lait ou de yaourts comme à Marseille ou valorisent le zéro déchet comme à Limoges.
Innovations gustatives
Si la France est le pays du fromage, la liste des produits n’a pas fini de s’enrichir… Ces laiteries-fromageries urbaines développent leurs propres créations alliant savoir-faire traditionnel et innovation. La transformation en ville permet d’expérimenter de nouveaux profils sensoriels et des méthodes d’affinage atypiques : croûtes atypiques, textures particulières ou arômes qui évoluent différemment de ceux produits en milieu rural traditionnel.
À Marseille, la laiterie urbaine revendique une identité voir un terroir lié à cette production avec saveurs méditerranéennes : zaatar, épices, coagulation à la figue et au citron. La laiterie de Paris propose un « sakura », un chèvre affiné à la fleur de cerises.
Au-delà du simple produit, ces initiatives visent souvent à éduquer le public aux enjeux de la production locale durable. Ces lieux deviennent des lieux de rencontres et d’échanges où la démarche artisanale et écologique est mise en avant. Ces laiteries urbaines reposent souvent sur une vision éthique et écologique où l’humain est aussi au centre tant côté producteur de lait que consommateur. La laiterie de La Chapelle accueille des classes pour former les jeunes enfants. De futurs amateurs de lait, de beurre et de fromage ?

Anne Parizot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.
15.05.2025 à 16:21
Pourquoi le « recyclage bashing » est une erreur
Texte intégral (1888 mots)
De plus en plus critiqué, le recyclage, en particulier celui des déchets plastiques, souffre d’une image parfois injuste. S’il ne doit pas se substituer à la sobriété pour préserver les ressources, il n’est pas réaliste d’envisager la transition écologique sans lui. Plutôt que d’opposer le recyclage au réemploi ou à la réparation, utilisons-le comme un marchepied pour faire évoluer l’industrie et les consommateurs vers des méthodes de production et des habitudes au moindre impact environnemental. De quoi renforcer par la même occasion notre souveraineté économique.
Le recyclage fait régulièrement l’objet de critiques, en particulier dans la presse grand public. Parmi les reproches adressés, citons le faible taux de recyclage des plastiques, la focalisation sur l’insuffisance des efforts individuels, ou encore, le risque de greenwashing associé. Si tout peut être recyclé, à quoi bon consommer moins ? Le risque serait d’omettre le cœur du problème, à savoir nos modèles économiques : le fait que la production et la consommation de plastique continuent d’augmenter.
Ces critiques sont audibles et comportent une part de vérité. Les technologies de recyclage demeurent imparfaites et compliquées. D’abord parce qu’il faut traiter un large panel de matériaux dotés de qualités différentes, souvent difficiles à séparer, voire utilisés en mélange. Cela est vrai pour les résines plastiques et leurs nombreux « grades » (c’est-à-dire, formulations pour répondre à des besoins de qualité différents), souvent dans le viseur. Cela vaut aussi pour les alliages métalliques, les textiles, etc.
De fait, le recyclage ne doit pas être le premier levier de la transition écologique. La priorité principale reste la réduction de nos déchets à la source, d’abord en produisant et en consommant moins en amont, puis en généralisant des pratiques comme l’écoconception des produits, le réemploi, la réparation, le reconditionnement et la remanufacture (remise à neuf industrielle).
Des solutions que les pouvoirs publics, notamment via l’Agence de la transition écologique (Ademe), encouragent par des dispositifs d’aide et d’informations aux entreprises et aux citoyens, comme Longue Vie aux objets ou l’indice de réparabilité. Mais ils requièrent une volonté politique forte et un plan de développement de longue haleine, que ce soit à l’échelle de l’Europe ou de la France.
Faut-il pour autant rejeter en bloc le principe du recyclage au motif de ses insuffisances ? Dénigrer massivement cette pratique paraît, malgré ses limites, contre-productif, voire dangereux.
Une industrie imparfaite mais indispensable
Sur les 3,7 millions de tonnes de déchets plastiques liés à la consommation qui étaient générés annuellement en 2021 (dont près de 2/3 d’emballages ménagers, industriels et commerciaux), 930 000 tonnes ont été collectées en vue du recyclage. Ce flux est complété par les déchets de fabrication de l’industrie manufacturière afin d’alimenter les usines de recyclage françaises et européennes. Les plasturgistes français réincorporaient ainsi 715 000 tonnes de matières recyclées dans leurs produits en 2020.
Comme tout procédé industriel, le recyclage est imparfait. Les rendements associés sont forcément inférieurs à 100 %, le procédé consomme de l’énergie (essentiellement électrique et décarbonée en France, pour le recyclage mécanique de plastique) et de l’eau.
Il induit également un risque de pollutions autour des sites : dans le cas des plastique, le risque de fuites microplastiques est réglementé. Il reste toutefois largement moins significatif, en termes d’ordre de grandeur, que les 4,8 à 12,7 millions de tonnes de plastique non traité qui s’accumulent dans les océans chaque année.
Enfin, ces impacts sont moins importants que si l’on utilisait, à usage équivalent, des ressources naturelles vierges. Le recyclage mécanique d’une tonne de plastique permet ainsi d’économiser 2,7 tonnes de CO₂ eq par tonne de plastique recyclé, tout en évitant les effets négatifs de la production de plastique vierge et de l’incinération ou de l’enfouissement du déchet final.
Se passer du recyclage des biens de consommation en fin de vie est impossible. Et cela, y compris quand tous les autres leviers évoqués plus haut (réemploi, reconditionnement, réparation…) seront activés à leur maximum. En bout de chaîne, il vaudra toujours mieux les recycler que les enfouir ou les incinérer. Le traitement de ces déchets se déroulera toujours dans de meilleures conditions dans une usine française ou européenne qu’ailleurs, grâce à des réglementations plus protectrices de l’environnement.
Du lundi au vendredi + le dimanche, recevez gratuitement les analyses et décryptages de nos experts pour un autre regard sur l’actualité. Abonnez-vous dès aujourd’hui !
Le recyclage permet ainsi de diminuer la production de plastique vierge à partir de pétrole pour fabriquer les mêmes objets et la pollution associée (extraction des ressources fossiles, émissions de GES…). Au-delà des plastiques, ce raisonnement est valable pour tout type de matériaux.
Même dans une économie qui sera, à terme, fondée sur la sobriété, il restera toujours des objets indispensables à produire. Certains peuvent l’être avec du plastique recyclé dès aujourd’hui. D’autres, de conception plus complexe ou à plus haute valeur ajoutée, exigent d’améliorer les technologies de recyclage actuelles. En amont, cela impose aussi d’améliorer la recyclabilité des produits fabriqués.
Favoriser la démarche d’écoconception
Par recyclabilité, on entend la capacité d’un bien à être collecté, trié et retransformé en matière de qualité dans les infrastructures opérationnelles de la chaîne du recyclage.
Il doit pour cela être écoconçu. Pour recycler davantage et mieux les déchets de demain, il faut dès aujourd’hui fabriquer les objets en privilégiant des matériaux facilement recyclables au vu des techniques actuelles et des circuits de collectes existants, en créant des pièces détachables et remplaçables, en proscrivant des matériaux non séparables ou en mélange ou le recours à des substances additives et couleurs perturbatrices de recyclage, voire contaminantes ou préoccupantes.
Ainsi, l’exigence de recyclabilité d’un produit favorise l’action sur d’autres leviers. Une démarche visant à produire un bien recyclable mène souvent les industriels à élargir leur démarche pour concevoir en un produit réparable, réemployable, reconditionnable, et plus respectueux de la santé du consommateur et de l’environnement.
Les différents leviers pour réduire notre production de déchets sont donc compatibles avec le fait d’améliorer la recyclabilité de ces déchets. De fait, opposer les approches peut s’avérer contre-productif.
Inciter à des changements de comportements
De la même façon, encourager le tri même si le procédé de recyclage est encore imparfait peut favoriser des changements de comportements individuels plus profonds à terme. Or certains messages tronqués peuvent aujourd’hui décourager le citoyen de trier. Qui n’a pas entendu que moins de 5 % des pots de yaourt étaient recyclés ?
En réalité, il devrait plutôt être dit qu’environ (et seulement) 5 % des pots de yaourt consommés sont collectés dans les poubelles dédiées aux emballages. Mais que la bonne nouvelle est que la très grande majorité de ce petit volume collecté est trié puis recyclé dans une filière dédiée.
Mal contextualisés, ces chiffres peuvent donner au consommateur le sentiment que trier est inutile, voire l’en dissuader.
Pourtant, le tri est sans doute le changement de comportement en faveur de l’environnement le plus immédiatement accessible à toutes et tous. Et ceci sans distinction de revenus, de temps disponible ou d’horaires de travail, d’âge, de localisation géographique ou de mobilité. Ce n’est pas encore le cas de la consommation bio, locale ou en vrac, par exemple. Avec la bonne information, tout citoyen a à sa disposition les outils pour trier ses déchets. Il peut en cela être une première marche vers une réflexion sur sa consommation.
Cette désincitation à trier peut aussi avoir des effets négatifs sur la chaîne du recyclage. En effet, la pérennité économique de ces filières est un équilibre entre offre et demande. Plus l’industrie aura de matière à recycler grâce au tri des citoyens, plus elle investira dans des projets innovants pour mieux recycler ces déchets. Inversement, sans tri, les gisements ne seront pas suffisants pour investir dans le recyclage, profitant ainsi à l’extraction de matières vierges et au gaspillage de ressources…
Bien sûr, des progrès organisationnels, logistiques et technologiques sont encore nécessaires. Ils permettront de déployer le tri à la source, améliorer la qualité du surtri après collecte, innover en matière de décontamination et de recyclage mécanique ou encore de fabriquer à partir de matière recyclée des produits à haute valeur ajoutée.
Les possibilités sont nombreuses : incitations au tri auprès des citoyens avec la tarification incitative, centres de tri plus performants, recyclage chimique (solution de la dernière chance pour les produits les moins recyclables et les débouchés les plus exigeants), etc. Les efforts de sensibilisation du consommateur, d’aide à la R&D et à l’investissement pour soutenir cette dynamique de progrès en cours doivent être poursuivis. Cela n’est en rien incompatible avec une politique de déploiement massif de tous les autres leviers de réduction de consommation de matières.
À l’heure où se négocie le traité mondial contre la pollution plastique, et où la France paye à l’Europe 1,5 milliard d’euros par an au titre de ses emballages plastiques non recyclés, toutes les solutions doivent être intensifiées en parallèle.

Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.
15.05.2025 à 12:22
Peut-on concilier relance minière en France et préservation de la biodiversité ?
Texte intégral (2580 mots)
Face aux tensions qui pèsent sur l’approvisionnement en métaux critiques, la France et l’Union européenne songent à relancer l’industrie minière. Mais reste à savoir si ce renouveau minier est compatible avec la protection de la nature. Un projet de recherche entend fournir au législateur les outils pour répondre à cette question.
Pour faire face à l’urgence climatique, différentes mesures de politique publique ont été prises au sein de l’Union européenne pour assurer la transition énergétique. En 2019, la Commission européenne a adopté le pacte Vert, qui ambitionne d’atteindre un objectif de zéro émission nette d’ici à 2050.
Pour y parvenir, il est crucial de décarboner l’économie, ce qui passe par le développement des énergies renouvelables et de la mobilité électrique. Dans un contexte de tensions sur l’approvisionnement en plusieurs matières premières critiques pour la décarbonation, notamment des métaux (lithium pour les batteries électriques, par exemple), l’UE a également légiféré sur cette question en 2024.
La question du renouveau minier en France est ainsi au cœur du débat avec de nombreux questionnements sur les risques géopolitiques de tensions sur les marchés, le risque de pollution lié notamment aux activités d’extraction et de raffinage des métaux et le risque de perte de biodiversité.
En effet, dans le même temps, l’Union européenne a également adopté une stratégie en faveur de la biodiversité, qui doit restaurer un certain nombre d’écosystèmes à l’horizon 2030. Ces deux objectifs – relance minière en France et préservation de la biodiversité – sont-ils conciliables, et à quelles conditions ?
Des métaux critiques pour la transition
De nombreuses matières premières sont nécessaires à la production d’énergie renouvelable (par exemple pour fabriquer des éoliennes ou des panneaux solaires), ou encore pour pouvoir utiliser de l’électricité décarbonée (batteries, véhicules électriques, etc.). Certaines de ces matières premières ont été classées par l’Union européenne comme étant critiques à cause de leur nature stratégique et des risques de tensions sur leur approvisionnement.
Prenons l’exemple des véhicules électriques. Le Parlement européen souhaite orienter l’achat vers des véhicules à émissions nulles, en interdisant la vente de voitures diesel et essence neuves à partir de 2035.

Pour suivre au plus près les questions environnementales, retrouvez chaque jeudi notre newsletter thématique « Ici la Terre ».
Ce changement de législation devrait faire augmenter la demande en matières premières critiques comme le cobalt, le lithium, le nickel et le graphite, essentiels pour la production des batteries des véhicules électriques. Le cuivre aussi est indirectement concerné : il est principalement utilisé dans les réseaux électriques, les panneaux solaires et les éoliennes.
La demande de cuivre, de cobalt et de lithium devrait ainsi exploser au cours des prochaines années, selon les analyses de l’Agence internationale de l’énergie (AIE).


L’Union européenne ne dispose que de 1,2 % des réserves mondiales de lithium, 1,6 % de celles de cuivre et de 4,4 % de celles de cobalt.
Ceci en fait une région dépendante du reste du monde pour son approvisionnement dans un contexte d’augmentation de la demande.
C’est pourquoi, l’Union européenne a mis en place une stratégie pour gagner en indépendance vis-à-vis de ces matières critiques, à travers le Critical Raw Material Act (CRM Act), signé en 2024.
À lire aussi : Batteries lithium-ion : l’Europe peut-elle s’extraire de la dépendance chinoise ?
Comment parvenir à un usage raisonné du sous-sol en France ?
Le gouvernement français aussi se préoccupe de la disponibilité de ces matériaux stratégique. Il a lancé, en 2023, le programme de recherche Sous-sol, bien commun, qui regroupe plus de 30 institutions et laboratoires partenaires.
Ce programme étudie notamment la pertinence d’extraire ces matières premières critiques en France, mais il a également pour but d’évaluer au mieux les conditions nécessaires à une utilisation durable du sous-sol. Il réunit des experts de différentes disciplines : géologie, économie, sociologie…
La possibilité d’ouvrir de nouvelles mines en France fait débat et requiert une analyse qui tient compte des effets sur l’environnement. C’est ce que propose de faire l’une des tâches de la partie consacrée à l’économie de ce programme de recherche sur laquelle nous travaillons et qui devrait aboutir d’ici 2030.
Si l’ouverture de mines implique de sacrifier une part de nature, il est nécessaire de savoir évaluer ce sacrifice, c’est-à-dire de pouvoir donner une valeur à la nature.
La nature n’existe pas isolément des activités humaines. Un nombre croissant de chercheurs reconnaissent que « l’économie est ancrée dans la nature et en dépend ». Selon la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), il existe trois catégories de bénéfices ou de valeurs de la biodiversité :
les valeurs instrumentales (par exemple, la récolte du bois d’une forêt) ;
les valeurs relationnelles (par exemple, l’attachement à une forêt sans s’y promener, chasser, ou récolter du bois) ;
et les valeurs intrinsèques (c’est-à-dire, la nature vue comme une fin en soi).
Le problème est que certaines de ces valeurs sont quantifiables – comme le coût du bois pour une forêt – alors que d’autres sont plus difficiles à définir avec certitude, comme l’attachement.
De plus, elles sont souvent calculées pour un cas précis et ne peuvent pas être généralisées.
Enfin, les méthodologies pour réaliser ce genre de calculs et pour estimer la valeur monétaire de la nature à partir des services qu’elle nous fournit ont un certain nombre de limites.
En gardant à l’esprit que la biodiversité a plusieurs dimensions et que les valeurs définies précédemment sont difficiles à calculer si l’on se base sur les seuls bénéfices que l’on en retire, nous proposons une approche basée sur des calculs coût-efficacité.
L’enjeu dépasse la seule question du renouveau minier en France. Fixer une valeur à la biodiversité est essentiel pour pouvoir implémenter les objectifs de « zéro artificialisation nette (ZAN) » fixés en 2021. Cela peut se limiter au coût d’opportunité du sol (c’est-à-dire, de ce que l’on s’empêche de faire lorsqu’on protège la nature, et qui peut être estimé par les coûts du foncier) ou aller jusqu’à prendre en compte les coûts nécessaire pour protéger les sols (en tenant compte des coût des actions de restauration et de renaturation).
Une fois calculée cette valeur de la nature, elle pourra être utilisée pour éclairer les décisions d’ouverture de nouvelles mines mais aussi toutes les autres décisions relatives à l’utilisation du sol (foncier, champs de panneaux solaires, etc.).
À lire aussi : « Zéro artificialisation nette » : combien coûte vraiment la renaturation des sols urbains ?
Le projet ANR-22-EXSS-0004 est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. L’ANR a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’ANR.

Gwenaelle Flieller a reçu des financements de l'Agence nationale de la recherche (ANR). Le projet ciblé 3 ANR-22-EXSS-0004 bénéficie d'un financement du gouvernement français
Andrea Rangel Guevara a reçu des financements de l'Agence nationale de la recherche (ANR). Le projet ciblé 3 ANR-22-EXSS-0004 bénéficie d'un financement du gouvernement français
Aude Pommeret a reçu des financements de l'Agence nationale de la recherche (ANR). Le projet ciblé 3 ANR-22-EXSS-0004 bénéficie d'un financement du gouvernement français
15.05.2025 à 11:54
Un nouvel inventaire des ressources minérales pour renforcer la souveraineté de la France
Texte intégral (3300 mots)
Dans un contexte de tensions internationales sur l’approvisionnement en ressources minérales stratégiques, la France a lancé la mise à jour de son inventaire national. Celui qui a été réalisé entre 1975 et 1995 se focalisait sur les métaux d’alliages essentiellement et donc ne couvre pas forcément et systématiquement les substances critiques du moment, telles que le lithium, le gallium ou le germanium.
En février 2025, à l’occasion de sa visite au Service géologique national (BRGM), le ministre de l’industrie et de l’énergie Marc Ferracci a officiellement lancé un nouvel inventaire des ressources minérales disponibles sur le territoire français.
Cette initiative est née dans un contexte de tensions croissantes sur les approvisionnements en métaux rares et aux enjeux croissants de souveraineté industrielle.
De fait, elle s’inscrit dans la continuité du précédent inventaire du BRGM, qui avait été lancé dans les années 1970 dans le sillage du premier choc pétrolier qui avait révélé la vulnérabilité de la France pour ce qui est de ses approvisionnements en ressources énergétiques et minières.
Quels enseignements tirer de cette première expérience ? Et en quoi ce nouvel inventaire répond-il aux enjeux contemporains ? Panorama.
Un impératif de souveraineté industrielle
À l’heure où les transitions énergétique et numérique s’accélèrent, sécuriser l’approvisionnement des ressources minérales critiques et stratégiques devient une priorité absolue pour la France et l’Union européenne.
Ces substances – telles que le lithium, le graphite, l’antimoine, le tungstène – sont indispensables à la fabrication de technologies bas-carbone. Par exemple, les batteries, équipements électroniques et autres composants cruciaux pour le déploiement des énergies renouvelables.

Pour suivre au plus près les questions environnementales, retrouvez chaque jeudi notre newsletter thématique « Ici la Terre ».
Or, pour sécuriser au mieux la chaîne de valeur de ces matériaux, encore faut-il bien connaître le potentiel géologique du sous-sol national en amont. C’est dans ce cadre que la France a engagé, début 2024, une actualisation de son inventaire des ressources minérales. Portée par le président de la République, cette démarche a été intégrée au programme France 2030 de l’Agence nationale de la recherche (ANR) au travers de la planification écologique. La mission a été confiée au BRGM, en collaboration étroite avec les ministères compétents et les collectivités territoriales.
L’objectif est clairement défini : identifier et cartographier les zones qui favorisent, au plan géologique, la présence de substances critiques et stratégiques. Ceci en mobilisant les outils d’acquisition et d’analyse les plus avancés et innovants possibles.
Des connaissances héritées des années 1970
Ce nouveau programme ne part pas d’une feuille blanche. Il s’appuie sur un précédent exercice similaire réalisé entre 1975 et 1995, dans un contexte déjà marqué par les tensions géopolitiques sur l’énergie et les matières premières du fait du 1er choc pétrolier.

À l’époque, l’État avait confié au BRGM la mission de dresser un état des lieux du potentiel minéral de la France hexagonale, de la Guyane et de la Nouvelle-Calédonie. Ce travail, focalisé sur les métaux non ferreux et d’alliage (cuivre, aluminium, plomb, zinc, étain, antimoine…), visait à repérer les zones favorables à d’éventuelles exploitations futures de ces métaux sur cette période.
En France hexagonale, près de 125 000 km2 – soit environ 20 % du territoire – ont ainsi été étudiés, principalement dans les massifs anciens (Massif central, Massif armoricain, Alpes, Pyrénées). Ce programme a donné lieu à une campagne de prospection exclusivement géochimique, avec plus de 345 000 échantillons de sédiments de ruisseau et de sols prélevés puis analysés, couvrant un total de 296 cartes géologiques au 1/50 000.

À l’issue de cet inventaire, plus d’une centaine de cibles d’intérêt avaient été identifiées dans l’Hexagone et près d’une vingtaine en Guyane. Trois ont été mises en exploitation : les Brouzils (antimoine), Lecuras et Gareillas en extension du Bourneix en Limousin (or) et Changement en Guyane (or).
Dans les décennies suivantes, quelques levés géophysiques aéroportés sont venus compléter cet ensemble de données, améliorant notre compréhension de la structure du sous-sol sur les 200 à 500 premiers mètres de profondeur.
Un inventaire réinventé pour le XXIᵉ siècle
Près d’un demi-siècle plus tard, les dynamiques géopolitiques et les besoins en métaux ont connu d’importantes évolutions. La montée en puissance des technologies vertes, la guerre en Ukraine, les tensions commerciales et la mise en œuvre du Critical Raw Material Act (CRM Act) au niveau européen imposent une révision en profondeur de notre stratégie d’exploration minérale.
Le nouvel inventaire s’inscrit dans une logique de souveraineté renforcée. Cela passe par une approche :
plus diversifiée, en élargissant la palette des substances minérales d’intérêt ;
plus approfondie, grâce à l’évolution des méthodes utilisées ;
plus innovante, notamment par l’intégration de l’intelligence artificielle ;
et enfin, plus qualitative dans l’identification des cibles finales.
Contrairement à l’approche historique, le nouvel inventaire portera sur une soixantaine d’éléments, contre seulement une vingtaine dans le précédent. Il s’agit de substances qui étaient soit absentes des analyses lors des premières campagnes de l’inventaire historiques, soit détectées avec des limites de détection bien trop élevées pour en évaluer le réel potentiel géologique et parfois économique. De nouveaux éléments, considérés aujourd’hui comme critiques et stratégiques (comme le lithium, le tantale, le césium, le gallium, le germanium, le hafnium…), seront étudiés avec grand intérêt.
L’inventaire s’ouvre également à des zones géologiques jusqu’ici peu étudiées, voire totalement inexplorées, comme certains bassins sédimentaires peu profonds situés en marge des massifs cristallins (Pyrénées et Cévennes, par exemple), qui peuvent constituer de véritables zones d’intérêt du fait même de leur rôle de réceptacle géologique.

Par ailleurs, il mobilise des méthodes à la pointe de la technologie, en particulier en géophysique et en géochimie, permettant une lecture tridimensionnelle fine du sous-sol et l’identification de cibles en profondeur. Par exemple, la géophysique aéroportée, qui repose sur des technologies d’imagerie non invasives embarquées à bord d’un avion ou suspendues sous un hélicoptère, qui permettent une acquisition rapide de données à une échelle régionale.
Dans le cadre de cette actualisation, cinq zones géographiques ont été identifiées comme prioritaires, en raison de leur fort potentiel de découverte :
l’ouest du Massif central,
la zone Morvan-Brévenne,
les Vosges,
l’Occitanie-Cévennes,
et le sillon nord de la Guyane.

Ce périmètre a été défini en prenant en compte les caractéristiques géologiques des régions ciblées, les contraintes budgétaires et les réalités opérationnelles.
Dans l’Hexagone, les zones retenues présentent soit des ressources connues, dont les contours – ou extensions possibles – restent encore mal définis, soit un potentiel de découverte avéré pour des métaux critiques et stratégiques.
Les terrains étudiés couvrent majoritairement des socles anciens, incluant à la fois des massifs magmatiques (Massif central, Vosges) et des formations sédimentaires (Pyrénées, Cévennes), afin de favoriser la diversité des cibles métalliques.
Les terrains d’affinité magmatique, comme le nord du Massif central et les Vosges, offrent des opportunités prometteuses pour le lithium. Le Morvan-Brévenne, par exemple, est reconnu pour son potentiel en fluorine, antimoine, uranium, ainsi que pour des gisements polymétalliques (notamment cuprifères) dans le Beaujolais et les monts du Lyonnais.
Les terrains sédimentaires, comme les Pyrénées orientales et la Montagne Noire, présentent un intérêt particulier pour le tungstène et le germanium. Plus au nord, les Cévennes recèlent un potentiel en gisements plomb-zinc, avec des minéralisations associées en cuivre, antimoine et étain.
En Guyane, la partie nord du territoire se compose de bassins géologiques nommés les ceintures de roches vertes. Elles renferment des roches parmi les plus anciennes de la planète, bordées par de grandes failles régionales.
Cette région est associée à une grande diversité de minéralisation, incluant l’or, le cuivre, le plomb, le zinc, le lithium, le niobium et le tantale. La nature ancienne de ces roches, conjuguée à la complexité tectonique et à la succession d’événements géologiques, confère à cette zone un potentiel exceptionnel pour la découverte de métaux critiques.
De quoi identifier les ressources minérales du sous-sol de façon plus précise et aussi peu intrusive que possible, tout en assurant une restitution de qualité à l’État. Cet inventaire, prévu sur la durée de cinq ans, vise avant tout à améliorer la connaissance du sous-sol français. Pourrait-il, à terme, inspirer de nouveaux projets liés à la valorisation des ressources ? Quoi qu’il en soit, entre l’identification d’un potentiel et une éventuelle utilisation, les délais sont longs et encadrés.
France 2030 est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. L’ANR a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’ANR.

Blandine Gourcerol a reçu des financements de l'ANR ou de Horizons Europe dans le cadre de projets de recherche.