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03.09.2025 à 12:38
Maths au quotidien : pourquoi les entreprises dépensent-elles tant en publicité ?
Texte intégral (1473 mots)

Les entreprises dépensent en publicité des montants qui paraissent délirants. Pour comprendre leur raisonnement, petit passage par la théorie des jeux.
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En 2024, les dépenses publicitaires mondiales sont estimées à plus de 1 000 milliards de dollars — soit l’équivalent d’un tiers du PIB français. En moyenne, les entreprises consacrent près de 10 % de leur chiffre d’affaires au marketing. Dans certains secteurs, comme les start-up ou les SaaS (Software as a Service), ce chiffre peut même grimper jusqu’à 20 %.
Pourquoi une telle frénésie publicitaire ? La réponse immédiate semble évidente : la publicité attire des clients. Mais cette explication est incomplète. En réalité, les entreprises investissent massivement dans la publicité… à cause de leurs concurrents.
La publicité comme jeu de stratégie
En effet, les dépenses publicitaires relèvent d’une situation d’interdépendance : les décisions d’une entreprise affectent non seulement ses propres ventes, mais aussi celles de ses concurrents. Ce type de relation est précisément ce que la théorie des jeux — un champ des mathématiques formalisé au XXe siècle notamment par John von Neumann, Oskar Morgenstern et John Nash — permet d’analyser.
La théorie des jeux étudie les situations où des agents rationnels, appelés des « joueurs » interagissent selon des règles précises, avec des choix stratégiques et des résultats qui dépendent des décisions de chacun.
À lire aussi : L’entrepreneur est-il un joueur de poker ?
Imaginons deux entreprises concurrentes, A et B. Chacune gagne 10 millions d’euros en l’absence de publicité. Chacune peut choisir d’investir ou non dans une publicité qui coûte 2 millions d’euros. Voici les conséquences possibles :
Si les deux investissent, elles ne gagnent que 8 millions chacune (10 — 2).
Si une seule investit, elle capture 5 millions d’euros à l’autre entreprise, qui, elle, n’a pas fait de publicité : elle gagne donc 13 millions (10 — 2 + 5), tandis que l’autre ne gagne que 5 millions (10 — 5).

Cet exemple constitue bien entendu une simplification schématique. Il repose notamment sur l’hypothèse que les entreprises ne peuvent pas conquérir de nouveaux clients par la publicité, ce qui est évidemment inexact. Cet exemple vise uniquement à exposer les conditions nécessaires à la mise en place du point d’intérêt du jeu.
Quelle est la meilleure stratégie pour chacune des entreprises ?
Le choix collectivement optimal serait de ne pas investir du tout : chaque entreprise gagnerait alors 10 millions. Pourtant, ce scénario ne se réalise jamais. C’est le célèbre « dilemme du prisonnier » : une tension entre l’intérêt individuel et l’intérêt collectif.
Quelle que soit la décision du concurrent, chaque entreprise a intérêt à investir dans la publicité. Si B investit, A gagne plus en investissant aussi (8 contre 5). Si B n’investit pas, A gagne encore plus en investissant (13 contre 10) : on dit que l’investissement publicitaire est une « stratégie dominante », c’est-à-dire la meilleure stratégie, quelle que soit la décision du partenaire de jeu.
Ce raisonnement est symétrique pour B. On aboutit ainsi à un équilibre dans lequel les deux entreprises investissent… pour un résultat inférieur à celui d’une coopération.
Il est important de noter que dans ce jeu, la publicité n’a, par hypothèse, pas de valeur intrinsèque. Sa valeur est relative : elle n’existe que par comparaison avec la stratégie du concurrent. Ce mécanisme explique pourquoi les montants investis en publicité peuvent sembler absurdes au premier abord, tout en étant en réalité une décision parfaitement rationnelle — et même optimale, dans un contexte concurrentiel ; même si la publicité ne permet pas d’acquérir de nouveaux clients.
Peut-on sortir de ce piège ?
Dans un cadre statique, sans intervention extérieure, la réponse est non. Même en autorisant les entreprises à se coordonner, chacune aurait trop à gagner en trichant… et l’équilibre coopératif serait donc instable. Par ailleurs, ces coordinations sont souvent illégales, les autorités de la concurrence interdisent, sauf exception, toute collusion entre concurrents.
Trois solutions sont néanmoins envisageables :
Interdire la publicité. Une solution radicale serait d’interdire toute publicité. Cela mettrait fin au dilemme… mais au prix de priver les consommateurs d’une information utile pour leurs choix. La publicité joue en effet un rôle d’information et de différenciation.
Encadrer légalement les engagements. Si les entreprises pouvaient légalement s’engager à limiter leurs dépenses publicitaires — et si un tiers (juge, autorité, etc.) pouvait faire respecter ces engagements — alors l’équilibre coopératif deviendrait atteignable. Autrement dit, les entreprises pourraient s’engager de manière crédible à ne pas investir dans la publicité. En cas de déviation, elles seraient sanctionnées par la loi. C’est l’intervention d’un tiers — ici, l’autorité publique — qui rend possible la contractualisation.
À lire aussi : Est-il temps de réglementer le ciblage publicitaire et les entreprises qui en profitent le plus ?
- Répéter le jeu. Enfin, si l’interaction entre les entreprises se répète dans le temps, il devient possible d’instaurer une forme de coopération : tricher une fois, c’est risquer de perdre la confiance (et donc les profits) à long terme. C’est le principe de la « réciprocité conditionnelle », qui peut conduire à des stratégies coopératives stables dans le temps. Ce mécanisme est celui de la réputation, qui établit un lien entre les comportements présents et les gains futurs.

Antoine Prevet a reçu des financements des mècenes de l'etilab.
03.09.2025 à 12:38
Le principe oublié d’Einstein, ou la naissance de la constante cosmologique
Texte intégral (1809 mots)

La relativité générale d’Einstein est souvent présentée comme une construction théorique guidée par des principes fondamentaux, plus que par l’observation. Le dernier de ces principes, connu sous le nom de « principe de Mach », est aujourd’hui largement tombé dans l’oubli. Pourtant, c’est lui qui a conduit Albert Einstein à introduire dans ses équations la constante cosmologique, aujourd’hui interprétée comme l’énergie sombre, à l’origine de l’accélération de l’expansion de l’Univers.
Le mouvement est-il relatif ou absolu ? Si la question a longtemps animé les débats philosophiques depuis l’Antiquité, c’est surtout à partir du XVIe siècle, avec l’édification des lois de la gravitation, qu’elle a quitté la seule arène des philosophes pour entrer dans celle des astronomes et des physiciens.
Pour Isaac Newton, aucun mouvement ne peut être conçu sans la notion d’un espace rigide et absolu, servant de référence pour définir la trajectoire des objets. À l’opposé, pour Christian Huygens, Gottfried Wilhelm Leibniz et, plus tard, Ernst Mach, ce sont les autres objets qui servent de repères. Dès lors, aucun mouvement ne devrait pouvoir être défini en l’absence totale de matière : ôtez toute référence matérielle, et il devient impossible de dire si un objet est en mouvement ou au repos.
Influencé par Mach, Einstein érigea ce point de vue en principe fondateur de sa théorie de la relativité générale. Il en mentionna l’idée pour la première fois en 1912, puis la qualifia tour à tour d’« hypothèse », de « postulat », avant de finalement l’appeler « principe de Mach » en 1918, en hommage au physicien et philosophe autrichien qui avait nourri sa réflexion.
À première vue, la relativité générale semble en accord avec ce principe, dans la mesure où l’espace n’y est plus la structure rigide et absolue de Newton, mais un objet dynamique influencé par la matière. En effet, dans la théorie d’Einstein, la gravitation n’est pas une force à proprement parler, mais la manifestation de la courbure de l’espace et du temps, induite par la matière : toute source d’énergie ou de masse déforme l’espace-temps, et c’est cette courbure qui gouverne le mouvement des corps.
Néanmoins, Einstein avait conscience que, pour satisfaire pleinement ce principe, il ne suffisait pas que la matière influence la géométrie de l’espace-temps : il fallait qu’elle la détermine entièrement. C’est ce qui le conduisit à modifier ses équations en y introduisant la constante cosmologique – que l’on interprète aujourd’hui comme l’énergie sombre, responsable de l’accélération de l’expansion de l’Univers.
À lire aussi : Pourquoi l’expansion de l’Univers accélère ? Les nouveaux résultats de la collaboration DESI apportent leur pierre à l’édifice
Pourquoi Einstein a introduit la constante cosmologique
Deux problèmes semblaient se poser à Einstein dans la version initiale de sa théorie de la relativité générale, sans cette constante.
Le premier est que ses équations admettent des solutions du vide : elles permettent, en théorie, l’existence d’un espace-temps même en l’absence complète de matière. Cela contredisait directement son « principe de Mach ». Il écrira d’ailleurs en 1918 :
« À mon avis, la théorie de la relativité générale n’est satisfaisante que si elle démontre que les qualités physiques de l’espace sont entièrement déterminées par la matière seule. Par conséquent, aucun espace-temps ne peut exister sans la matière qui le génère. » Albert Einstein, Actes de l’Académie royale des sciences de Prusse, 1918.
Le second problème concernait les conditions aux limites de l’espace-temps, c’est-à-dire, de la structure supposée de l’espace-temps à l’infini. Il semblait nécessaire de les introduire, mais elles étaient soit incompatibles avec son principe, soit conduisaient, pensait-il, à prédire un mouvement des astres lointains qui n’était pas observé. C’est peut-être d’une réinterprétation de cette difficulté qu’est née l’idée, aujourd’hui répandue, selon laquelle Einstein aurait introduit la constante cosmologique pour conformer sa théorie à une vision préconçue d’un Univers statique et donc éternel.
Un Univers fini mais sans bord
Comme il l’explique dans l’article où il introduit la constante cosmologique, celle-ci permet d’éviter le recours à des conditions aux limites problématiques, en autorisant un Univers fini mais sans bord.
Pour se représenter ce qu’est un Univers « fini mais sans bord », on peut penser à la surface d’une sphère. Elle ne possède pas de frontière — on peut y circuler sans jamais atteindre de bord – et pourtant, sa surface est finie (égale à quatre fois π fois le rayon au carré).
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C’est ainsi qu’Einstein a inventé le tout premier modèle physique de l’Univers dans son ensemble ! Il s’agit d’un Univers sphérique, en équilibre, avec une répartition uniforme de matière. Si son modèle est celui d’un Univers statique (c’est-à-dire, qui n’évolue pas avec le temps), il est clair que pour Einstein il ne s’agit que d’une première approximation qui permet de résoudre les équations.
Une impasse théorique
Mais nous le savons aujourd’hui : le modèle d’Einstein ne correspond pas à notre Univers. Qui plus est, il est théoriquement insatisfaisant, car instable : tout écart, même minime, à l’approximation homogène qu’il utilise conduit à prédire sa destruction. Or, notre Univers n’est certainement pas exactement homogène !
Ensuite, il est désormais établi – depuis que l’astronome néerlandais Willem de Sitter l’a démontré – que, même avec une constante cosmologique, la relativité générale admet des solutions dans lesquelles l’espace-temps peut, en théorie, exister sans aucune forme de matière.
De Mach à l’énergie sombre : l’ironique réhabilitation d’une constante
L’introduction de la constante cosmologique échoue donc à rendre la relativité générale compatible avec le principe de Mach — ce qui était, rappelons-le, l’intention initiale d’Einstein en introduisant la constante cosmologique dans ses équations. C’est vraisemblablement pour cette raison qu’Einstein qualifiera plus tard son introduction de « plus grande erreur de sa vie » (des propos relayés par George Gamow dans son autobiographie).
Ce principe oublié a ainsi poussé Einstein à penser l’Univers dans son ensemble, donnant naissance à la toute première solution mathématique d’un Univers en relativité générale – et donc à la cosmologie moderne. Par un enchaînement ironique de l’histoire scientifique, il l’a amené à introduire une constante pour une raison qui, en fin de compte, ne fonctionnera pas – mais dont l’adéquation aux observations sera confirmée des décennies plus tard, en 1998, par l’observation de supernovae lointaines. Cette découverte vaudra à Saul Perlmutter, Brian Schmidt et Adam Riess le prix Nobel de physique en 2011, près d’un siècle après l’élaboration de la théorie d’Einstein.
Le rôle des hypothèses en sciences
La capacité de l’esprit humain à concevoir des principes abstraits qui peuvent dévoiler la structure du réel interroge. Comment une idée a priori, née sans données empiriques, peut-elle conduire à une loi objective du monde ?
Cela s’explique néanmoins simplement : les scientifiques formulent des hypothèses, des principes et des modèles — certains échouent et tombent dans l’oubli, d’autres se révèlent féconds. C’est ce que suggère la belle image du penseur-poète Novalis :
« Les hypothèses sont des filets : seuls ceux qui les jettent attrapent quelque chose ». Novalis, The Disciples at Sais and Other Fragments, Thoughts on Philosophy, Love and Religion, page 68, 1802.
C’est en jetant le sien qu’Einstein a donné naissance à la cosmologie moderne.
Pour aller plus loin : la traduction française de l’article « Les formulations d’Einstein du principe de Mach », écrit par Carl Hoefer et traduit par l’auteur du présent article, est disponible ici.

Olivier Minazzoli ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.
03.09.2025 à 12:38
Notre penchant pour l’alcool trouverait son origine chez nos ancêtres, il y a plus de 10 millions d’années
Texte intégral (1598 mots)

L’addiction à l’alcool n’est pas qu’une question de société. C’est aussi une vieille histoire d’évolution, de fruits fermentés et de mutations génétiques.
Des fruits trop mûrs au sol, légèrement gonflés, un peu mous, odorants… et légèrement alcoolisés. Voilà ce que nos ancêtres de la lignée des hominoïdes, aujourd’hui représentée par les grands singes et l’humain, trouvaient souvent dans les forêts tropicales de l’Afrique. Et ce petit goût d’éthanol, ils l’adoraient.
Selon l’hypothèse du « Drunken Monkey » (singe ivre), formulée par Robert Dudley dès l’an 2000, la consommation d’éthanol chez les humains ne viendrait pas d’une dégénérescence culturelle moderne, mais bien d’une pression évolutive ancienne. Des millions d’années avant que l’homme n’invente l’agriculture et la fermentation, nos ancêtres frugivores auraient déjà été amateurs de fruits naturellement fermentés. Et le passage de la cime des arbres au sol avec le glanage de fruits tombés au sol aurait accéléré cette évolution.
Une mutation qui change tout
Une étude publiée en 2014 rapporte qu’il y a environ 10 millions d’années, une mutation dans l’enzyme ADH4 (alcool-déshydrogénase) a permis à nos ancêtres de métaboliser l’éthanol 40 fois plus efficacement. Cette adaptation est survenue précisément chez nos ancêtres de la lignée des hominoïdes (ancêtre commun des humains, chimpanzés et gorilles mais pas chez les orangs-outans).
Pourquoi ? Parce que ceux-ci vivaient dans les hauteurs des arbres, où les fruits ne fermentent pas autant qu’au sol. Les ancêtres des chimpanzés et gorilles, eux, descendaient volontiers glaner les fruits tombés, plus susceptibles d’avoir fermenté sous l’action naturelle des levures. Avoir accès à de nombreux fruits fermentés tout en étant capables de dégrader l’alcool devenait alors un avantage évolutif, cette mutation devenant ainsi un « gain de fonction » permettant de trouver plus facilement de la nourriture riche en calories.
De la même manière que la mutation de l’ADH permettait aux primates de s’adapter pour améliorer leur régime alimentaire, l’être humain s’est aussi adapté plus récemment avec des mutations de l’autre enzyme, l’ALDH, qui dégrade l’acétaldéhyde (produit de dégradation toxique induisant une réaction d’intolérance à l’alcool avec des rougeurs faciales (un « flush »), tachycardie, nausée) en acétate (non toxique). Cette réaction d’intolérance à l’alcool serait censée nous protéger de la consommation d’alcool, une molécule qui avec son métabolite tout aussi toxique peut causer des dégâts sévères pour notre santé.
L’éthanol comme carte au trésor olfactive
L’éthanol émis par les fruits fermentés ne se sent pas seulement de près. Il se diffuse à distance et servait probablement de signal olfactif aux primates pour localiser des ressources énergétiques riches en sucre.
L’éthanol est largement présent dans la nature, principalement par la fermentation des sucres des fruits par les levures. Une étude a rapporté les concentrations d’alcool de différents fruits pas encore tombés au sol mais dont certains étaient trop mûrs. La concentration varie selon les espèces et les environnements : des traces (0,02–0,9 %) ont été mesurées dans des fruits tempérés et subtropicaux comme le sorbier, le figuier sycomore ou le palmier dattier, tandis que dans les zones tropicales humides, particulièrement favorables à la fermentation, des teneurs beaucoup plus élevées (jusqu’à 10 % dans certains fruits de palmiers au Panama) ont été observées dans les fruits trop mûrs. Bien que la plupart des fruits présentent des niveaux faibles (<0,2 % en moyenne), leur consommation répétée peut représenter une source significative d’éthanol pour les animaux frugivores. Cette production naturelle d’alcool s’inscrit dans une relation complexe entre plantes, levures et animaux : les fruits offrent des sucres, les levures colonisent et fermentent, et les animaux attirés contribuent à disperser à la fois les graines et les spores de levures, suggérant une forme de « mutualisme écologique ».
De nombreuses anecdotes circulent sur des animaux « ivres » après avoir consommé des fruits fermentés… Éléphants et babouins en Afrique avec le marula, ou encore un élan en Suède coincé dans un arbre après avoir mangé des pommes fermentées. Toutefois, ces récits restent rarement validés scientifiquement : ni la teneur en éthanol des fruits, ni la présence d’alcool ou de ses métabolites chez les animaux n’ont été mesurées. On sait en revanche que certains mammifères, comme les singes verts introduits aux Caraïbes, n’hésitent pas à subtiliser et consommer les cocktails de fruits alcoolisés laissés sans surveillance par les touristes sur les plages de St Kitts.
Une étude rapporte que des chimpanzés de Bossou en Guinée utilisent des feuilles enroulées comme “éponges” pour boire de la sève de palme fermentée contenant jusqu’à 6 % d’éthanol.
Et ce n’est pas de la picole en cachette : ils boivent en groupe, se passent les feuilles, presque comme un apéritif communautaire. De quoi revisiter nos idées sur l’alcool et le lien social. L’activité de glanage des fruits fermentés au sol et alcoolisée devient alors une motivation sociale, déjà ! Nous n’avons rien inventé.
De nos jours, l’alcool coule à flots, mais nos enzymes n’ont pas suivi
L’évolution nous a donné un foie capable de dégrader environ 7 g d’éthanol par heure. C’est peu face aux cocktails modernes. Autrefois, le volume d’éthanol ingéré était naturellement limité par ce que contenait… un estomac de singe rempli de fruits. Aujourd’hui, on peut boire des dizaines de grammes en quelques gorgées de boissons fortement alcoolisées. Un shot (un “baby”) de whisky ou de spiritueux à 40° et de seulement 3cl seulement contient 10g d’alcool !
Il n’est donc pas étonnant que nous devions faire face au problème de la consommation excessive d’alcool et de l’addiction à l’alcool qui ont de lourdes conséquences sur la santé et nos sociétés. On parle de « mismatch » et de « gueule de bois liée à l’évolution ». Les mutations de nos gènes codant ADH et ALDH n’ont pas encore permis à notre espèce de faire face aux conséquences néfastes de l’alcoolisation excessive.
Pour conclure, notre instinct de boire est ancien, mais les risques sont nouveaux.
Notre attrait pour l’alcool n’est pas une anomalie moderne. C’est un héritage évolutif, un bug de l’époque des forêts humides, où l’éthanol signifiait calories et survie. Mais dans un monde où les alcools sont concentrés, accessibles, omniprésents… ce qui était un avantage est devenu un facteur de risque pour notre santé et un enjeu de santé publique prioritaire.
Pour en savoir plus, le livre de Mickael Naassila « J’arrête de boire sans devenir chiant » aux éditions Solar.

Professeur des Universités, Directeur de l'unité INSERM UMR 1247 le Groupe de Recherche sur l'Alcool & les Pharmacodépendances (GRAP), Chercheur sur l'addiction à l'alcool depuis 1995. membre sénior à l'Institut Universitaire de France en 2025. Auteur de plus 140 articles scientifiques et des ouvrages "Alcool: plaisir ou souffrance" Le Muscadier et "J'arrête de boire sans devenir chiant", SOLAR. Président de la Société Française d'Alcoologie et d'Addictologie (SF2A), de la Société européenne de recherche biomédicale sur l'alcoolisme (ESBRA) et vice-président de la Société internationale de recherche biomédicale sur l'alcoolisme (ISBRA).
03.09.2025 à 12:37
Des lucioles aux stades de football : comment se propage l’information sociale dans les groupes
Texte intégral (1948 mots)
Pourquoi bâillons-nous quand quelqu’un bâille ? Comment des poissons au sein d’un banc coordonnent-ils leurs mouvements pour fuir un prédateur ? Comment une ola peut-elle se propager dans un stade, spectateur après spectateur ? Ces phénomènes, aussi quotidiens qu’énigmatiques, sont les manifestations visibles d’un mécanisme profond : la propagation de l’information sociale.
Dans les sociétés animales comme dans les foules humaines, la coordination des comportements individuels ne résulte pas d’ordres venus d’en haut, mais souvent de la capacité des individus à percevoir et à réagir à ce que font leurs voisins. Ces réactions en chaîne, parfois subtiles, donnent naissance à des comportements collectifs émergents, souvent d’une efficacité redoutable.
La contagion du bâillement illustre à merveille la capacité de certains comportements à se propager d’un individu à l’autre. Bien que d’apparence anodine, ce phénomène observé chez l’humain, les chimpanzés ou les lycaons – des chiens sauvages africains organisés en groupes très sociaux – est un formidable outil de coordination. Chez les lycaons (Lycaon pictus) les bâillements répétés précèdent souvent le départ en chasse. Plus il y a de bâillements, plus le groupe est susceptible de se mettre en mouvement. Chaque individu devient ainsi un maillon d’un mécanisme décisionnel distribué : pas besoin de leader, l’action émerge de l’imitation mutuelle.

Cette logique s’étend à d’autres espèces. Les abeilles géantes d’Asie (Apis dorsata), en réponse à des attaques de frelons, déclenchent une onde visuelle et sonore spectaculaire en redressant leur abdomen en cadence. Ce comportement, appelé « scintillement », agit comme une alarme collective synchronisée qui fait fuir les prédateurs.
Chez l’homme, la ola dans les stades illustre une dynamique similaire. Un petit groupe de supporters se lève, bras tendus, incitant leurs voisins à faire de même. Le mouvement, s’il est lancé dans un état collectif d’excitabilité intermédiaire (lorsque les spectateurs sont ni trop calmes, ni trop agités), va se propager comme une onde à travers l’arène. Chaque spectateur agit comme une cellule d’un système excitable, passant d’un état inactif à actif, puis réfractaire (temporairement inactif), comme le font les cellules cardiaques ou nerveuses.
Synchronisation des comportements
Un cran au-dessus de la simple contagion, on trouve la synchronisation, où tous les individus d’un groupe s’alignent dans le temps. Les lucioles Photinus carolinus sont célèbres pour cela. Chaque mâle émet des éclairs lumineux pour attirer les femelles, mais lorsque la densité devient suffisante, ces flashes se synchronisent en bouffées collectives toutes les 12 secondes. Le mécanisme est simple : chaque luciole agit comme un oscillateur ajustant son rythme à celui des autres. Si elle perçoit un flash tôt dans son cycle, elle retarde le sien ; s’il est tard, elle l’avance.
C’est le même principe chez les applaudissements humains : au sortir d’un concert, les spectateurs finissent souvent par frapper des mains à l’unisson. Cela ne requiert ni chef d’orchestre ni consignes explicites. Les rythmes individuels s’alignent peu à peu, chaque personne agissant comme un métronome influencé par ses voisins. L’effet est d’autant plus fort que la fréquence des applaudissements diminue, facilitant la synchronisation.
Les dynamiques de propagation en mouvement
La propagation de l’information sociale devient plus complexe encore lorsque les groupes sont en déplacement. Chez les poissons ou les oiseaux, un changement de direction initié par un seul individu peut entraîner tout le groupe. Dans ce cas-là, il n’y a pas de notion de « leader ».
Par exemple, chez le méné jaune (Notemigonus crysoleucas), une espèce de poissons d’eau douce originaire d’Amérique du Nord, un seul individu qui vire de bord peut déclencher une réaction en chaîne sans menace extérieure. Cette plasticité comportementale s’observe aussi chez les criquets pèlerins qui, même dans un environnement homogène, changent spontanément de sens de déplacement.
Des études fines que nous avons réalisées au Centre de Recherches sur la Cognition Animale à Toulouse, ont permis de caractériser ces interactions. Grâce à l’analyse de trajectoires de poissons filmés en laboratoire, on sait désormais que chaque individu ajuste sa direction en fonction d’un petit nombre de voisins proches. Il s’aligne plus avec ceux qu’il voit à l’avant ou sur les côtés, mais quasiment pas avec ceux qui sont derrière lui. Cette attention sélective allège la charge cognitive, tout en assurant une propagation rapide de l’information par effet domino.
Et si l’intensité de ces interactions sociales varie, c’est toute la forme du déplacement collectif qui change : dispersion, vortex circulaire (déplacements collectifs circulaires dans le lesquels ils nagent atour d’une zone centrale vide), banc polarisé (nage dans une même direction), ou nuée désorganisée. En modulant simplement l’attraction et l’alignement entre eux, les poissons peuvent adapter leurs comportements collectifs aux circonstances. Mieux encore, ils peuvent collectivement basculer dans un état critique où la moindre perturbation comme un brusque changement de luminosité ou un stress induit par la présence d’un prédateur suffit à déclencher une transformation rapide de tout le groupe. Cet état de « vigilance maximale » constitue une forme d’intelligence distribuée, prête à réagir avant même que tous n’aient perçu le danger.
La puissance des traces
L’information ne passe pas toujours par l’observation directe. Chez les insectes sociaux comme les fourmis ou les termites, elle se propage souvent à travers l’environnement via des traces laissées par les individus. C’est ce que le biologiste Pierre-Paul Grassé a appelé la stigmergie. Lorsque qu’une fourmi découvre une source de nourriture, elle dépose une piste de phéromones sur le sol en revenant au nid. D’autres fourmis suivent cette piste, renforcent la trace, et un trafic auto-renforcé se met en place.
Ce mécanisme simple permet des décisions collectives remarquables. Par exemple, face à deux sources de sucre de qualités différentes, les fourmis de l’espèce Lasius niger privilégient la plus riche, sans avoir besoin de la comparer explicitement. Le marquage chimique varie en fonction de la qualité perçue : plus le sucre est concentré, plus la piste est renforcée.
Mais ce système peut aussi piéger la colonie. Si une piste est bien établie vers une source médiocre, l’introduction ultérieure d’une meilleure source ne suffit pas à faire changer le groupe. La mémoire chimique collective devient un verrou comportemental. La même logique s’applique dans le choix du chemin le plus court entre un nid et une source ; les fourmis « choisissent » par renforcement différentiel, amplifiant l’option dont les signaux croissent le plus vite, en l’occurrence, le chemin le plus rapide à parcourir.
L’art de l’ajustement collectif
De la danse des lucioles aux pistes des fourmis, des bancs de poissons aux foules, la propagation de l’information sociale repose toujours sur le même principe fondamental. Chaque individu, avec ses perceptions limitées et ses règles simples, ajuste son comportement à celui des autres. De ces ajustements locaux émergent des décisions collectives, des formes de coordination, et parfois même des comportements intelligents sans chef ni plan préconçu. Ces mécanismes, longtemps réservés aux sciences naturelles, intéressent désormais les urbanistes, les concepteurs de systèmes interactifs, ou les spécialistes de l’intelligence artificielle. Car comprendre comment l’information sociale circule, se filtre, s’amplifie ou s’éteint dans un groupe, c’est aussi poser les bases d’une société plus réactive, plus juste et plus coopérative.
Cet article est proposé en partenariat avec le colloque « Les propagations, un nouveau paradigme pour les sciences sociales ? » (à Cerisy (Manche), du 25 juillet au 31 juillet 2025).

Guy Théraulaz ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.
03.09.2025 à 12:33
Les Néandertaliens raffolaient déjà du pigeon, bien avant les grands chefs étoilés
Texte intégral (2852 mots)

Pour l’humanité du XXIe siècle, le pigeon peut apparaître comme le plus anodin, voire indésirable, des volatiles. Mais Homo sapiens est loin d’être la première espèce humaine à avoir croisé cet oiseau. Au cours du Pléistocène, pigeons et corvidés partagèrent les abris creusés dans les falaises avec Néandertal, qui les ajouta occasionnellement à son menu.
Nous sommes au Pléistocène supérieur (entre 129 000 et 11 700 ans avant le présent), à une époque où l’Europe est notamment peuplée par les Néandertaliens. Les terres du Vieux Continent sont arpentées par tout un cortège de grands mammifères emblématiques parmi lesquels mammouths, rhinocéros, chevaux, bisons, rennes, ours, lions ou hyènes. Si cette mégafaune popularisée à juste titre occupe une place de choix dans l’imaginaire du grand public, elle fait de l’ombre aux nombreux vertébrés de taille plus modeste qui vivent à ses côtés, tels que les lapins, les rongeurs, les amphibiens ou les oiseaux.
Depuis plusieurs centaines de millénaires déjà, pigeons et corvidés abondent dans les régions de l’Europe méditerranéenne, occupant les cavités creusées dans les vastes falaises calcaires. De récentes études démontrent que ces oiseaux ont parfois été consommés par leurs voisins néandertaliens.
L’exploitation des petits vertébrés au Paléolithique
Si la chasse aux moyens et grands mammifères par Néandertal est une idée établie depuis longtemps, l’intégration de petites proies agiles (lapins, oiseaux…) dans le régime alimentaire des hominines était alors associée au Paléolithique supérieur (approximativement 40 000 à 12 000 ans avant le présent) et à Homo sapiens, en réponse à une rapide croissance démographique et permise par le développement d’une technologie adéquate.
Par conséquent, les restes de petits vertébrés trouvés dans les niveaux d’occupation néandertaliens (Paléolithique moyen) furent les grands oubliés des études archéozoologiques. Notre regard a changé au cours des deux dernières décennies, lorsque de nouvelles études ont démontré la consommation de petits animaux – lapins, tortues, mollusques, oiseaux – par les Néandertaliens et qu’elles ont illustré toute la plasticité du régime alimentaire de ces derniers. L’exploitation des oiseaux, non systématique et dont la fréquence reste à préciser, semble couvrir une partie importante de l’aire de répartition géographique de Néandertal – de la péninsule Ibérique au Proche-Orient – et s’étendre sur une large période chronologique. Une étude parue en 2023 établit qu’elle s’étire jusqu’aux côtes méditerranéennes du sud de la France, où un remarquable gisement a livré des traces d’exploitation de plusieurs espèces par les Néandertaliens.
Le cas de la grotte de la Crouzade
La grotte de la Crouzade à Gruissan (Aude), vaste cavité creusée dans le massif calcaire de la Clape et située à environ 3 kilomètres de l’actuel rivage méditerranéen, est un site exceptionnel ayant enregistré plusieurs niveaux d’occupations néandertaliennes (Paléolithique moyen) et d’Homo sapiens (Paléolithique supérieur). Les humains préhistoriques ont fréquenté la cavité durant des périodes plus ou moins longues, en alternance avec d’autres animaux, comme les ours ou les hyènes.
Le remplissage sédimentaire de la grotte a livré des milliers d’ossements d’oiseaux, attribués principalement au pigeon biset (Columba livia), au chocard à bec jaune (Pyrrhocorax graculus) et au crave à bec rouge (P. pyrrhocorax). Il s’agit d’espèces grégaires, rupestres, dont les vastes colonies nichaient très probablement dans les cavités voisines de la grotte.

L’analyse taphonomique (étude des processus qui interviennent entre la mort d’un organisme et la fouille) des restes aviens provenant des couches du Paléolithique moyen (déposées il y a environ 40 000 ans) prouve qu’une grande partie de ces oiseaux a été consommée par des rapaces comme le grand-duc d’Europe (Bubo bubo) et par des carnivores de taille moyenne (renard ou blaireau). En effet, de nombreux spécimens arborent des perforations, bords crénelés et traces de digestion.
Cuisson des carcasses et découpe à l’aide d’outils
En outre, l’examen microscopique des ossements d’oiseaux révèle des traces d’activités humaines bien plus rares (moins de 2 % de restes affectés). On recense, tout d’abord, des traces de chauffe localisées sur les extrémités articulaires des os ou sur les bords de fracture sous la forme de zones sombres contrastant avec la patine crème du reste du fossile. Elles attestent la cuisson de carcasses partielles préalablement désarticulées. À titre d’exemple, des traces de chauffe relevées sur une extrémité articulaire de l’os coracoïde ont permis de conclure à la cuisson d’une carcasse ou d’une portion de carcasse dont les ailes étaient détachées.
On observe ensuite des stries de découpe, qui indiquent que des outils lithiques (notamment en silex) ont été employés au moins occasionnellement par les Néandertaliens lors du traitement des carcasses. Enfin, quelques altérations observées sur les humérus pourraient correspondre à la désarticulation du coude par surextension forcée du membre antérieur, mais l’origine de ces marques demeure incertaine.
À la Crouzade, les traces anthropiques se concentrent sur les trois espèces les plus abondantes : le pigeon biset, le chocard et le crave. Les oiseaux étrangers aux grottes (canards, perdrix…) ne portent pas de modifications anthropiques et semblent avoir été introduits dans la cavité par d’autres prédateurs.
Relations oiseaux-Néandertaliens
Le cas de la Crouzade confirme que l’exploitation des oiseaux au Paléolithique moyen n’est pas une exception. Toutefois, il suggère que les oiseaux jouaient un rôle secondaire dans l’alimentation des Néandertaliens, complémentant l’apport en protéines assuré par les grands mammifères. Par ailleurs, il est possible que l’implication de Néandertal dans l’accumulation osseuse soit sous-estimée, car le traitement des carcasses de petits vertébrés ne laisse pas systématiquement de traces sur les os : les activités de boucherie peuvent s’effectuer à mains nues, sans l’aide d’outils.

Cette étude montre que les Néandertaliens, à l’instar des autres prédateurs qui ont occupé sporadiquement le site, ont principalement exploité les ressources aviennes à l’échelle locale. Est-ce le fruit d’une sélection ? Dans ce cas précis, il est difficile de le démontrer : la concentration des traces anthropiques sur les pigeons et corvidés peut tout autant traduire une chasse opportuniste (voire un charognage) conditionnée en partie par l’abondance relative des proies dans le voisinage immédiat des humains préhistoriques. La littérature scientifique démontre, par ailleurs, que le spectre des oiseaux consommés peut varier d’un site à l’autre, allant du petit passereau au grand rapace, illustrant la capacité des Néandertaliens de tirer profit d’une grande diversité d’habitats et de ressources.
À la Crouzade, la localisation de certaines stries sur des éléments recouverts d’une chair relativement abondante atteste l’exploitation des oiseaux dans un but alimentaire. On a notamment pu observer des stries de décarnisation sur le fémur, mais aussi sur le sternum, témoignant de la récupération des muscles pectoraux (l’équivalent des « blancs de poulet »). Les stries situées sous l’extrémité articulaire de la scapula pourraient correspondre à la désarticulation de l’aile.
Quelques stries affectant les corvidés sont relevées sur des os peu charnus comme l’ulna ou le carpométacarpe. Leur emplacement est compatible avec les stries expérimentales produites par certains chercheurs lors du détachement des rémiges. Ces stries permettent d’émettre l’hypothèse que les corvidés n’ont pas seulement été exploités en tant que ressources alimentaires, mais également comme sources de matières premières.
La récupération des plumes à des fins culturelles est, d’ailleurs, signalée dans d’autres sites du Paléolithique moyen comme, [sur la péninsule Ibérique], les grottes de Gibraltar (Royaume-Uni). Préoccupations esthétiques, symboliques, utilitaires ? La fonction exacte de ces matériaux demeure mystérieuse. On sait que Néandertal a parfois collecté les serres de grands rapaces pour les convertir en parures. Une étude en cours suggère, d’ailleurs, que ce fut le cas dans un gisement audois voisin de celui de la Crouzade.
Loin de l’image de la brute préoccupée uniquement par une survie difficile, Néandertal s’affiche comme un redoutable prédateur, capable d’exploiter une grande diversité de biotopes, et également comme un être raffiné, habile, dont la créativité rivalise avec celle de son cousin et successeur, Homo sapiens.

Thomas Garcia-Fermet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.