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28.07.2025 à 12:13

Économie russe : le complexe militaro-industriel de Moscou dépend de la Corée du Nord pour plus de la moitié de ses explosifs importés

Marin Saillofest

En opposition à l’image de puissance qu’elle veut projeter, la Russie de Poutine a considérablement augmenté ses dépendances vis-à-vis de la Chine et de la Corée du Nord depuis 2022.

L’industrie russe qui alimente la guerre du Kremlin contre l’Ukraine dépend aujourd’hui de Pyongyang pour 52 % de ses explosifs importés, tandis que le complexe militaro-industriel dans son ensemble est désormais dépendant d’une poignée de fournisseurs chinois.

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Texte intégral (898 mots)

La concentration de la quasi-totalité du matériel militaire lourd russe dans quelques dizaines de bases de stockage à travers le pays permet d’évaluer avec un bon niveau de précision l’évolution du niveau de ces réserves. Selon un rapport de la Kyiv School of Economics (KSE) publié aujourd’hui, lundi 28 juillet, les expéditions depuis 30 gares ferroviaires situées à proximité de ces bases se sont effondrées de 35 % entre 2022 et 2024 4.

  • L’étude de la KSE révèle que les expéditions de matériels lourds depuis ces noeuds logistiques pourraient atteindre 119 000 tonnes en 2025, contre 242 000 en 2022, lors de la première année de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine.
  • Ces chiffres semblent confirmer que l’armée russe souffre d’un épuisement de ses réserves d’équipements — chars d’assaut, véhicules blindés, artillerie, lance-roquettes multiples… — datant de l’époque soviétique.
  • Face à une diminution des niveaux de chars disponibles, l’armée russe a progressivement augmenté ses prélèvements de T-72 ces derniers mois, un blindé entré en service dans l’armée soviétique au milieu des années 1980. Ces réserves seraient aujourd’hui presque épuisées 5.
  • Fin juin, les services de renseignement de Kiev estimaient que la Russie « procédait à la remise en service massive de véhicules de combat obsolètes », notamment en déployant sur le front des chars T-62, sortis d’usine au début des années 1960.

En plus d’une baisse des réserves d’équipements, la Russie a également considérablement accru sa dépendance vis-à-vis de ses deux principaux alliés asiatiques, Pékin et Pyongyang, depuis 2022. Cette hausse rend le complexe militaro-industriel russe dépendant d’une poignée de fournisseurs chinois. L’an dernier, plus de la moitié (52 %) des explosifs importés transportés dans des arsenaux russes provenaient de la Corée du Nord.

  • La diminution du nombre de véhicules blindés au sein de l’armée russe ne conduit pas nécessairement à une baisse de ses capacités offensives en Ukraine. 
  • Ces derniers mois, les forces russes ont montré plusieurs stratégies d’adaptation, reposant notamment sur une hausse du nombre d’assauts menés à pied, ou bien à bord de motos, quads et voitures civiles. 
  • On assiste également à l’émergence de solutions low-tech consistant à modifier des véhicules de transport ou des blindés avec des pics et des structures en métal qui sont censées les protéger des drones kamikazes.

Malgré des investissements massifs dans ses capacités industrielles — Moscou prévoierait de consacrer 1 100 milliards de dollars pour son réarmement d’ici 2036 afin de se préparer à une nouvelle guerre à grande échelle —, la Russie peine toujours à mettre en place de nouvelles lignes de production en raison de la difficulté de se procurer les composants requis. Depuis 2022, les sanctions ont mis fin à l’importation depuis l’Allemagne ou la Suède de machines-outils, tandis que les recrutements dans l’armée conduisent à une raréfaction de la main-d’œuvre disponible 6.

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28.07.2025 à 09:30

« À Rio, je me sens belle », Grand Tour brésilien avec Anne-Claire Coudray

Matheo Malik

Guerres commerciales, crises géopolitiques et le spectre d'une vassalisation humiliante… Vous prendriez bien un peu de douceur dans cet été 2025 ?

Pour expérimenter sa vie « en négatif », la journaliste Anne-Claire Coudray a fait du Brésil son ailleurs.

Nous la suivons dans un Grand Tour au pays d'Aleijadinho et des nuages qui enveloppent le Corcovado.

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Texte intégral (5467 mots)

Comme chaque année, nous vous invitons dans notre série estivale iconique à explorer le rapport d’affinité entre des personnalités et des espaces géographiques où elles ne sont pas nés ou qu’elles n’ont pas vraiment habités — et qui ont pourtant joué un rôle crucial dans leur trajectoire intellectuelle ou artistique.

Après Nikos Aliagas, Françoise Nyssen, Gérard Araud et Édouard Louis la semaine dernière, la journaliste Anne-Claire Coudray nous fait découvrir son Brésil secret.

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Vous avez choisi de parler du Brésil. Je crois me souvenir que ce pays était au cœur de vos études à un moment donné. Pourriez-vous revenir sur les liens qui vous unissent à ce géant latino-américain ?

Le Brésil est le pays avec lequel j’entretiens le lien le plus intime depuis le plus longtemps. 

Tout a commencé avec mes études en effet, tout à fait par hasard. Mon directeur de maîtrise en histoire m’avait proposé de travailler sur la présence française au Brésil pendant la Première Guerre mondiale. À l’époque, en l’absence d’ambassadeur, le ministre plénipotentiaire était Paul Claudel. 

Je me suis donc retrouvée à Nantes, dans les archives du ministère des Affaires étrangères, à devoir ranger des cartons qui n’avaient pas du tout été triés et qui contenaient des notes prises par Claudel, ainsi que des articles de journaux et des comptes-rendus d’événements se déroulant à Rio à cette époque… Et à Petrópolis, qui était alors la ville impériale, située dans les hauteurs où ceux qui avaient trop chaud à Rio allaient se réfugier.

Que trouvez-vous dans ces archives ?

La moitié des articles était en français — ce qui m’arrangeait car je ne parlais pas portugais.

J’ai alors découvert une influence française au Brésil qui a totalement disparu au profit des Américains. J’ai également découvert à cette occasion que la France avait inspiré leur constitution et leur devise, notamment sous l’influence d’Auguste Comte. Toutes les élites parlaient français.

J’avais un dictionnaire français-portugais pour éviter les contresens et j’ai terminé cette maîtrise sans difficulté. C’est à ce moment-là que mon histoire d’amour avec le Brésil a commencé.

Les plus belles plages du monde, je les ai vues sur l’archipel de Fernando de Noronha.

Anne-Claire Coudray

Quand vous y allez pour la première fois, comment se passe cette rencontre avec le pays pour de vrai ?

J’ai découvert un pays-continent qui correspondait totalement à ma définition de l’ailleurs. 

Le Brésil, c’est mon ailleurs. 

C’est presque l’antithèse de mon monde d’aujourd’hui et de mon quotidien. Cette dimension, ce pays-continent, m’a permis de découvrir des paysages. J’ai toujours aimé me sentir toute petite, perdue dans des paysages immenses. 

Ce n’est pas du tout un motif d’angoisse pour moi de me sentir toute minuscule. Au contraire, c’est à ce moment-là que j’ai vraiment l’impression de vivre quelque chose d’extraordinaire et d’appartenir au monde — de me sentir vraiment vivante.

Qu’est-ce qui vous plaît ou vous attire le plus là-bas ? 

Je me suis déjà rendue une dizaine de fois au Brésil ; où j’ai découvert les plus beaux paysages de ma vie.

J’ai visité le nord du pays, où se trouvent des déserts et des îles aux eaux turquoise d’une couleur que l’on ne voit nulle part ailleurs. Les plus belles plages du monde se trouvent sur l’archipel de Fernando de Noronha. On le connaît tristement parce que c’était la base arrière des recherches pour le vol Rio-Paris, mais il s’agit d’une réserve naturelle qui est vraiment un paradis sur terre. Vous y trouvez toutes sortes d’animaux : des dauphins, des tortues, etc.

Au Brésil, vous vous sentez comme invité par la nature. On y trouve des cascades de fleurs, une végétation luxuriante. C’est ce que j’aime.

Êtes-vous aussi allée plus au sud ? 

J’ai visité le Pantanal, au sud de l’Amazonie, qui est la plus grande zone humide du monde. On y trouve des fourmiliers, des cochons sauvages, des vaches, des loutres, des oiseaux incroyables, des jaguars et des haras magnifiques. 

C’est d’abord ce qui m’a plu dans ce pays.

Et puis, j’ai découvert la population brésilienne, une société désarmante qui allie tous les contraires. 

C’est-à-dire ? 

En tant que touriste, on a l’impression qu’il y a une sorte de joie et de capacité à vivre dans l’instant présent, à se réjouir, à faire la fête et à profiter de cette richesse naturelle. 

À Rio, les plages se trouvent au cœur de la ville ; tout le monde y va. La forêt tropicale rend la ville simplement incroyable — c’est une ville dans la forêt et sur la plage. J’y ai découvert une société qui me fait beaucoup de bien, car elle me permet de m’éloigner de toute l’actualité.

Au Brésil, vous vous sentez comme invité par la nature.

Anne-Claire Coudray

S’agit-il seulement d’un éloignement spatial ?

Quand vous êtes au Brésil, vous n’avez pas du tout la même perception du monde. Le fait de changer d’hémisphère et de continent me repose beaucoup en tant que journaliste. 

J’essaie de retrouver régulièrement cet éloignement avec mon monde du quotidien. Cela me permet de me régénérer.

À Rio, les plages se trouvent au cœur de la ville ; tout le monde y va. La forêt tropicale rend la ville incroyable — c’est une ville dans la forêt et sur la plage. © Anne-Claire Coudray
Au Brésil, vous vous sentez comme invité par la nature. On y trouve des cascades de fleurs, une végétation luxuriante. C’est ce que j’aime. © Anne-Claire Coudray

Avez-vous l’impression d’avoir presque une autre vie sur les terres brésiliennes ?

Je trouve au Brésil une sorte de liberté, de légèreté, une possibilité de vivre dans l’instant présent. 

Je ne sais pas si j’y expérimente ma vie en négatif, mais c’est aussi un pays où personne ne me connaît et où tout le monde porte des tongs. 

L’un des articles les plus vendus là-bas doit être la paire d’Havaianas, portée par toutes les couches de la société. 

Est-ce là un exemple des paradoxes qui peuvent cohabiter au Brésil ? 

Il y a énormément de discriminations et d’inégalités sociales, mais nombreux sont aussi les moments dans la vie brésilienne où tout le monde est considéré comme égal. Sur les plages d’Ipanema ou de Copacabana, on est tous égaux. C’est la démocratie à la plage — grâce aux tongs et à l’accès à la mer. 

Si vous regardez les favelas, ces bidonvilles où la vie est extrêmement dure et violente, vous constaterez que le fait de s’être installés de façon anarchique leur a permis d’avoir les plus belles vues de Rio sur la mer. C’est un autre paradoxe. Évidemment, cela n’équilibre ni efface rien, mais il s’agit d’une contradiction supplémentaire où le sublime peut côtoyer les conditions les plus sombres. 

Est-ce pour les vacances ou pour le travail que vous vous rendez pour la première fois au Brésil ? 

La première fois, c’était pour les vacances. Après le travail de recherche pour mon mémoire, j’avais très envie de découvrir ce pays. 

Je ne sais pas si cela existe encore mais, à l’époque, il y avait un système qui permettait d’acheter un combiné de billets d’avion : le pays est tellement vaste qu’il faut prendre plusieurs avions pour tenter de le sillonner. 

J’étais ainsi allée à Salvador de Bahia, où j’avais été très frappée par l’omniprésence du passé esclavagiste. C’est une ville de tradition noire. Le Brésil a été le plus grand territoire esclavagiste d’Amérique. 

Le Brésil est un pays de mélanges. On y trouve notamment ce mélange de religion et d’animisme. Je pense que cela correspond sans doute à ma définition de l’équilibre : la religion catholique peut coexister avec l’animisme et le candomblé sans entrer en contradiction.

Sur les plages d’Ipanema ou de Copacabana, on est tous égaux.

Anne-Claire Coudray

Il y a beaucoup moins de barrières morales. La religion est très importante, mais elle n’est pas teintée de culpabilité comme c’est le cas chez nous — ou du moins, ce n’est pas comme cela qu’elle se manifeste. 

Êtes-vous allée du côté de la triple frontière entre le Brésil, l’Argentine et le Paraguay ?

Je me suis rendue pas très loin, à la frontière entre le Brésil et l’Argentine, aux chutes d’Iguazú. 

Face à ces chutes, on se retrouve nez à nez avec la puissance de l’eau, face au fracas du monde.

Dans ce coin-là, sur la moindre petite île, on a l’impression de découvrir le monde pour la première fois. Il y a cette impression de virginité, de nature brute qui vous dépasse ; il est rare de nos jours de trouver des pays qui vous procurent cette sensation de découverte totale. 

Il me semble que vos voyages au Brésil ont aussi eu à voir avec votre activité de journaliste. 

Absolument, j’y suis retournée ensuite pour un reportage et j’ai eu la chance de rencontrer notamment Ivo Pitanguy, le pape de la chirurgie esthétique. 

J’étais arrivée avec beaucoup de préjugés. Au Brésil, le rapport au corps est très particulier. Là-bas, un chirurgien esthétique, c’est le cadeau des 18 ans. C’est votre première opération et vous pouvez en encaisser quelques-unes dans votre vie quand vous êtes une Brésilienne lambda. 

Au Brésil, il y a un vrai culte du corps. Quelle que soit votre morphologie, vous exploitez, cultivez et prenez soin de votre corps — et vous l’imposez aux autres.

Anne-Claire Coudray

Mais j’ai découvert un homme, Ivo Pitanguy, qui avait une approche humanitaire de la chirurgie esthétique. Il avait en effet une clinique où il soignait les personnes aisées et où il s’exécutait quand les Brésiliens fortunés lui demandaient un lifting à 30 ans. Dans le même temps, il formait des médecins à l’hôpital public et proposait des consultations gratuites tous les mercredis. 

Beaucoup de gens des favelas venaient le consulter, car les problèmes de taille de poitrine sont fréquents : les femmes qui ont des poitrines trop importantes souffrent de maux de dos terribles. Il pratiquait des réductions mammaires et travaillait également sur l’obésité. C’était de la chirurgie esthétique médicale — et il ne faisait pas payer la consultation.

Sentez-vous ce rapport particulier au corps dans la vie quotidienne brésilienne ? 

Dans nos sociétés, on cache son corps. On ne le montre que dans des circonstances très particulières. Au Brésil, il y a un vrai culte du corps. Quelle que soit votre morphologie, vous exploitez, cultivez et prenez soin de votre corps — et vous l’imposez aux autres.

C’est très agréable de se fondre finalement dans une société où il existe de vrais canons de beauté, mais où il y en a suffisamment pour que chacune se sente belle.

Quand je vais à Rio, je me sens belle — malgré les défauts que je me trouve. C’est une société qui vous met très à l’aise avec toutes ces questions et qui vous rend plus légère dans la façon de trouver votre place.

Êtes-vous retournée au Brésil pour couvrir la Coupe du monde de football en 2014 ? 

En réalité, nous y sommes allés un peu avant le début de la compétition. Nous avons fait le tour du Brésil, ce qui m’a permis de continuer à découvrir le pays. Nous avions fait la même chose avec la Russie avant sa Coupe du monde : nous avions lancé une série de modules consacrés à chaque ville où se trouvait un stade. Évidemment, il y avait Rio, São Paulo et Manaus. 

Nous sommes également allés au milieu de l’Amazonie, où ils étaient en train de construire le barrage de Belo Monte, qui assure aujourd’hui 10 % de l’électricité brésilienne. C’était gigantesque : vous vous retrouvez au milieu de nulle part, avec cette terre rouge et cette forêt fascinante. Vous entendez beaucoup de bruit, mais vous ne voyez jamais rien. Vous avez constamment la sensation que l’Amazonie peut vous engloutir à tout moment. 

Nous nous sommes donc retrouvés dans cet endroit avec des milliers d’ouvriers qui travaillaient sur le barrage : un véritable monstre en train de détruire le fleuve et les tribus qui y vivaient.

Dans une journée idéale au Brésil, je lis de temps à autre la phrase très célèbre au Brésil inscrite aux murs : « Gentileza gera gentileza » (« la gentillesse engendre la gentillesse ») du prédicateur du XXe siècle José Datrino — plus connu comme le « prophète Gentileza ». Puis je tombe sur une cascade de fleurs aux couleurs éclatantes et aux formes d’une complexité inouïe. © Anne-Claire Coudray
Je suis allée notamment à Ouro Preto, dans le Minas Gerais, une ville inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO, qui compte des églises baroques toutes plus belles les unes que les autres, financées par les chercheurs d’or au XVIIIe siècle. La douleur y est exprimée d’une façon qu’on n’oserait même pas imaginer chez nous. © Anne-Claire Coudray

Avez-vous pu rencontrer des membres des peuples autochtones qui vivent dans l’Amazonie ? 

Oui, nous sommes allés dans un village situé à proximité du barrage de Belo Monte. C’était terrible : pour les besoins du chantier, ils avaient dévié le fleuve. Ils nous expliquaient qu’ils allaient mettre en place des bateaux ascenseurs pour permettre aux tribus dépendantes du fleuve de continuer à vivre…

L’Amazonie peut vous engloutir à tout moment.

Anne-Claire Coudray

Il s’agissait des Kayapos, dont l’une des appellations signifie précisément « peuple de l’eau ».

Ils vivaient le long du fleuve et leurs terres allaient être inondées. C’était absurde, on savait évidemment que l’ascenseur à bateaux n’allait pas fonctionner longtemps. 

C’était donc la mort assurée de ces tribus, déjà très touchées par l’alcoolisme et par l’arrivée de la civilisation. 

Comment ont-ils réagi à votre arrivée ? 

Je me souviens avoir été très marquée par le fait qu’il n’y avait que des femmes à mon arrivée. Les hommes étaient partis manifester en ville et la femme que j’avais interviewée était si petite à côté de moi que je me sentais totalement monstrueuse.

Ils avaient mal vécu ce virage de la civilisation : les jeunes étaient tombés dans l’alcoolisme et avaient perdu leurs traditions. Le barrage n’était malheureusement qu’un des nombreux problèmes de ces sociétés. Le bras de fer entre ces tribus et notre civilisation contemporaine était douloureux à voir, car il était, d’une certaine façon, perdu d’avance. C’est émouvant de voir des mondes disparaître sous ses yeux.

C’était vraiment une expérience de bout du monde.

Êtes-vous retournée ensuite au Brésil pour voir des matchs de la Coupe du monde ?

J’y suis retournée pour les vacances — après avoir réalisé une série de reportages pour la télévision. 

Mon mari travaille dans le milieu du football et nous avons eu la chance d’avoir un billet pour le match France-Allemagne, que nous avons lamentablement perdu… 

Vous avez donc assisté à un match au Maracanã ?

C’était incroyable ! 

Cependant, le Maracanã d’aujourd’hui n’est plus le Maracanã d’autrefois. Avant, le stade pouvait accueillir plus de 200 000 personnes. Aujourd’hui, pour des raisons de sécurité — et notamment à l’occasion de la Coupe du monde — ils ont été obligés de mettre le stade aux normes — ce qui a un peu ôté sa magie. Mais l’expérience et l’ambiance étaient impressionnantes. 

Comment était l’ambiance en dehors des stades, dans la rue, dans un pays où le football est une autre religion ? 

C’était une expérience incroyable. Le plus formidable était effectivement d’assister à une Coupe du monde au Brésil, dans la rue. 

Tous les soirs, et a fortiori quand le Brésil jouait, des réunions de quartier s’organisaient dans la rue. Quelqu’un sortait une télé et on donnait tous l’équivalent de 10 euros pour s’inviter à une fête improvisée. On payait notre part, puis quelqu’un s’occupait de la cuisson de la viande sur un barbecue et tout le monde regardait les matchs sur une petite télé.

Le Maracanã d’aujourd’hui n’est pas le Maracanã d’autrefois.

Anne-Claire Coudray

Cette année-là, le Brésil avait perdu 7-1 contre l’Allemagne… 

C’était terrible, un véritable drame national. Je me suis dit qu’ils ne se remettraient jamais d’une telle humiliation. 

Et puis, finalement, le lendemain matin, on passe à autre chose. 

Avez-vous pu emmener votre fille au Brésil avec vous comme vous le souhaitiez ? 

Bien sûr, elle y est allée. Je pense que cela lui permet justement de découvrir un ailleurs, des sociétés métissées, une rencontre avec la nature où le luxe n’a pas sa place.

Quand vous allez à la plage, vous êtes à côté de gens qui viennent des favelas et de millionnaires. La plage est une expérience sociale au Brésil : si vous y passez toute la journée, c’est un laboratoire sociologique absolument extraordinaire. 

On porte tous les mêmes vêtements, car si vous voulez être tranquille et passer inaperçu, il suffit d’enlever tous vos bijoux, de mettre une jupe en jean, un t-shirt, un sac en tissu. 

Et des tongs ?

Et les tongs, toujours !

J’aime beaucoup l’idée que la beauté appartient à tout le monde. La beauté de la plage appartient à tous.

J’ai conscience que, depuis l’Europe, ce sont des vacances de privilégiés. Mais j’espère que ma fille s’en rend compte et qu’elle est sensible à l’authenticité qu’offre ce pays. 

Un autre sujet fédérateur au Brésil, qu’on n’a pas encore évoqué, c’est le carnaval — y avez-vous déjà assisté ?

Oui, le carnaval aussi est un grand moment démocratique — bien que plutôt réservé aux adultes, ma fille est encore jeune pour cela…

Vous avez d’un côté les blocos, des carnavals de rue et de l’autre, le sambadrome, un stade d’environ un kilomètre de long pouvant accueillir 80 000 personnes où défilent toutes les écoles de samba les plus réputées de la ville.

Ces écoles ont également une dimension sociale dans les quartiers. Le niveau professionnel est extrêmement élevé : je n’ai jamais vu de chars aussi beaux, aussi sophistiqués. C’est vraiment du grand spectacle. D’ailleurs, c’est une manne absolument gigantesque pour la ville de Rio.

La plage est une expérience sociale au Brésil.

Anne-Claire Coudray

Avez-vous déjà défilé ?

C’est mon rêve !

J’aimerais bien défiler un jour car ces écoles gardent quelques places et quelques costumes. Je pense que la sensation doit être incroyable. En revanche, l’école se désolidarise un peu de vous car son objectif est de gagner le carnaval. 

C’est vraiment un événement : les résultats du carnaval sont diffusés à la radio et tout le monde est attentif, dans les taxis, les cafés, etc. Les reines de carnaval font la une des magazines, c’est presque comme une télénovela : elles ont des histoires d’amour, des rivales. Un feuilleton naît ainsi, que la ville suit pendant quelques semaines. 

Il y a d’abord le carnaval officiel, puis les blocos dans chaque quartier. C’est une véritable épreuve physique. Il faut être en très bonne forme. Je pense qu’une fois qu’on l’a fait jusqu’au bout, on se fond dans le groupe jusqu’à atteindre un niveau d’abnégation, d’abandon que je n’ai jamais vécu. Mais je sais que les gens qui aiment le carnaval le vivent. C’est une grande communion. 

Vous êtes une grande amatrice de musique : quel rapport à la musique avez-vous pu trouver au Brésil ?

C’est un ciment social assez étonnant. Vous pouvez même assister à des choses incroyables : sous les ponts des autoroutes, sont organisés ce qu’on appelle les baile funk, des soirées dansantes qui commencent généralement très tard.

Il s’agit de moments de transe où l’on peut devenir quelqu’un d’autre et se perdre. Mais tout cela est très socialement organisé, avec des rendez-vous. Et c’est toujours très collectif. 

Un jour, je me suis rendue dans le centre de musique d’un quartier où des musiciens — tous assis autour d’une table au milieu de la salle — viennent jouer. On se retrouve sur un rythme très régulier qui finit par nous transporter. Cela me rappelle aussi les fest-noz en Bretagne où l’on se retrouve dans des mouvements très répétitifs jusqu’à ne plus être qu’un maillon d’une immense chaîne qui fonctionne au-delà de nous. Le public joue un rôle tout aussi important que les musiciens.

Les reines de carnaval sont des femmes qui font la une des magazines : elles ont des histoires d’amour, des rivales.

Anne-Claire Coudray

En vous écoutant, je me demandais : le travail de terrain en tant que reporter vous manque-t-il ?

Cela me manque de me sentir vraiment dans la vie. Je n’ai pas l’impression d’en être déconnectée car j’essaie d’y retourner régulièrement. J’aime les situations extrêmes. C’est là que j’ai l’impression de me confronter au réel.

Les vibrations que j’ai éprouvées ou rencontrées sur le terrain m’intéressent. J’ai toujours considéré l’information comme quelque chose de multivectoriel. Il y a l’information brute, le concept, et puis il y a tout ce qui passe par la chair, par le monde, avec l’intensité et la nuance qui vous sont données par tous ces vecteurs. Savoir si une situation est grave, dramatique ou légère, c’est percevoir l’électricité dans l’air.

Et c’est ce que vous trouvez au Brésil ?

Le Brésil est une sorte de vague qui ne vous lâche jamais : on est sans cesse dans le bruit, le mouvement et la couleur. On y est en apnée face à la beauté extraordinaire qui nous est offerte. 

Je pense que cela me rappelle ce que j’ai aimé dans le métier de journaliste : me confronter à une intensité que je ne retrouve peut-être pas dans mon quotidien, même si j’ai la chance de pouvoir prendre un avion dans l’autre sens pour vivre dans une société beaucoup plus apaisée quelques jours plus tard. C’est facile, évidemment : j’ai conscience que mon propos est extrêmement confortable. Mais c’est précisément pour cette raison que le Brésil est l’extrême inverse de ce que je vis au quotidien.

Racontez-nous votre journée idéale au Brésil.

Je vais à la plage, j’observe — l’horizon, les gens. 

Puis je me promène beaucoup, je vais dans un quartier lambda de Rio, je lis de temps à autre la phrase très célèbre au Brésil inscrite aux murs : « Gentileza gera gentileza » (« la gentillesse engendre la gentillesse ») du prédicateur du XXe siècle José Datrino — plus connu comme le « prophète Gentileza ». Puis je tombe sur une cascade de fleurs aux couleurs éclatantes et aux formes d’une complexité inouïe.

La société brésilienne est très sensible à la beauté. 

Ce n’est pas un hasard si le Brésil est un exemple en matière de design. Les plus grands designers brésiliens sont d’une créativité et d’une modernité incroyables. C’est un pays qui, en raison de sa taille, a sans doute poussé à tous les excès — mais aussi à toutes les audaces.

Les meubles et le design brésiliens sont d’une pureté qui me touche.

Anne-Claire Coudray

À quoi pensez-vous ?

Prenons l’exemple de Brasilia, cette capitale construite en partant de rien et en un temps éclair. Au début de la construction, il n’y avait pas une seule route qui y menait. On parachutait les bulldozers par avion. C’était une folie quand on y pense. Puis, en cinq ans, cette capitale a poussé au milieu de nulle part.

En matière d’architecture, ce sont des exemples reconnus dans le monde entier. La cathédrale de Brasilia est d’une beauté folle. Quand vous entrez à l’intérieur, un jeu de lumières et de vitraux vous saisit.

Qu’est-ce qui vous attire le plus au Brésil dans le domaine des arts et de l’architecture ?

Je dois avouer que les meubles et le design brésiliens sont d’une pureté qui me touche. Mais si l’on devait retenir un exemple d’art abouti au Brésil, ce seraient les églises baroques.

Je suis allée notamment à Ouro Preto, dans le Minas Gerais, une ville inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO, qui compte des églises baroques toutes plus belles les unes que les autres, financées par les chercheurs d’or au XVIIIe siècle.

On y trouve une profusion de peintures et de statues. C’est sublime. 

La douleur y est exprimée d’une façon qu’on n’oserait même pas imaginer chez nous. C’est une société décomplexée à tous les niveaux, dans la vie quotidienne comme dans les arts.

Aleijadihno était un petit homme pétri de handicaps, devenu l’artiste le plus reconnu de l’histoire brésilienne et l’un des plus grands noms du baroque américain. © Anne-Claire Coudray
Ouro Preto est un endroit où l’on aurait envie de vivre pour toujours. © Anne-Claire Coudray

Vous avez parlé d’Ouro Preto, la ville d’Aleijadinho… 

Absolument, c’est la ville de ce sculpteur mondialement connu, Antonio Francisco Lisboa de son vrai nom, qui était métis et avait un pied difforme. On ignore ce qu’il avait exactement, car les documents manquent, mais cette maladie dégénérative l’avait complètement défiguré. 

C’était un petit homme pétri de handicaps, devenu l’artiste le plus reconnu de l’histoire brésilienne et l’un des plus grands noms du baroque américain.

Ouro Preto est un endroit où l’on aurait envie de vivre pour toujours. 

Associez-vous une lecture au Brésil ?

J’aime beaucoup le livre La Couturière de Frances de Pontes qui s’inspire de l’histoire de Lampiao et de son épouse Maria Bonita, deux brigands qui sont aussi des héros populaires au Brésil. Lui avait un œil en moins. Ils vivaient dans le nord-est du Brésil dans les années 1920-1930 et faisaient partie du cangaço, une forme de banditisme endémique dans cette région. 

Lampiao a fini la tête coupée. Il existe d’ailleurs une photo assez terrible de sa tête et de celles de ses acolytes, très souvent exposée parce qu’il fallait montrer que le pouvoir avait gagné. 

Y a-t-il une ville brésilienne en particulier qui vous plaît plus qu’une autre ?

Je dirais Rio de Janeiro, une ville magique — grâce à ses structures géologiques et physiques.

La plage d’abord, avec son incroyable laboratoire social. Les gens ne viennent pas seulement pour profiter du soleil et se baigner, ils y passent la journée. La plage est leur maison secondaire. Ils débarquent avec tout ce qu’il faut pour y rester des heures et des heures à discuter, à manger, à écouter de la musique. Certains installent même leur barbecue.

C’est aussi une ville où l’on a planté une forêt tropicale : la forêt de Tijuca n’existait pas il y a un siècle et demi. 

Et le Corcovado ? 

Difficile d’échapper effectivement au Corcovado. Qu’on soit croyant ou non, c’est un véritable repère. 

Grâce à lui, vous savez toujours où vous vous trouvez. 

Mais il y a une sorte de mystère…

De mystère ?

Vous n’êtes jamais sûr de le voir. Il est souvent dans les nuages. Et puis, soudain, les nuages se dissipent. L’on voit alors apparaître lentement cette énorme silhouette qui vous protège — et vous surveille.

27.07.2025 à 20:13

L’Union européenne cède à Trump : analyse à chaud du traité inégal qui impose 15 % de droits de douane à l’économie européenne

Gilles Gressani

Ursula von der Leyen et Donald Trump ont annoncé aujourd'hui, dimanche 27 juillet, depuis l'Écosse où le président américain s’est rendu pour jouer au golf, qu'ils avaient trouvé un accord commercial.

La dureté des conditions et le ton de l'annonce, qui a vu la présidente de la Commission répéter des éléments de langage faux chers à Donald Trump, ont étonné plusieurs observateurs.

La première puissance commerciale mondiale cède aux demandes de la Maison-Blanche et verra, à partir du 1er août, des droits de douane de 15 % s'appliquer à l'ensemble des biens européens, y compris aux voitures — alors que la stratégie climatique européenne pourrait être tout simplement balayée par la promesse de l’achat de 750 milliards de dollars de GNL américain.

L’article L’Union européenne cède à Trump : analyse à chaud du traité inégal qui impose 15 % de droits de douane à l’économie européenne est apparu en premier sur Le Grand Continent.

Texte intégral (782 mots)

L’Union et les États-Unis ont annoncé aujourd’hui, dimanche 27 juillet, avoir trouvé un accord commercial. À partir du 1er août, Washington appliquera des droits de douane de 15 % sur l’ensemble des biens européens, y compris les voitures.

Si plusieurs détails restent pour le moment peu clairs, le président américain a annoncé que, dans le cadre de l’accord, les États-Unis appliqueraient un taux de 15 % sur les biens européens. 

En assumant la logique parfaitement asymétrique de cet accord, l’Union aurait accepté de réduire à 0 % ses droits de douane.

  • L’accord prévoit également de nouveaux taux pour les droits de douane sectoriels : les voitures exportées vers le marché américain, sujet particulièrement sensible pour l’Allemagne, seront ainsi soumises à un taux de 15 % — contre 25 % qui sont appliqués depuis le 3 avril. Aucune annonce n’a été faite concernant l’acier et l’aluminium, actuellement soumis à un taux de 50 %. La présidente de la Commission a déclaré que les produits pharmaceutiques seront également couverts par l’accord et soumis à un taux de 15 %, ce que le président américain a toutefois nié dans un second temps.
  • Selon Donald Trump, l’Union aurait accepté d’acheter 750 milliards de dollars d’énergie américaine, d’investir 600 milliards de dollars aux États-Unis, en plus des investissements déjà existants, et d’acheter d’importantes quantités d’équipements militaires.
  • L’achat de quantités importantes de GNL américain, qui viendrait remplacer les importations russes, impliquerait une dépendance accrue au gaz. Selon la plupart des études, cela aurait un impact direct sur les objectifs climatiques de l’Union et impliquerait une sortie de la trajectoire prévue.
  • Ce résultat est une victoire pour les pays favorables à un accord — notamment l’Allemagne et l’Italie — prêts à accepter des droits de douane élevés plutôt que d’entrer dans un rapport de force. La France est le seul pays à s’être exprimé à plusieurs reprises en faveur de l’application de mesures de représailles pour forcer l’administration Trump à accepter un accord plus équilibré — mais plusieurs personnalités de premier plan, dont Bernard Arnault, le PDG de LVMH, avaient récemment pris position en faveur de concessions.
  • Bien que ce pourcentage soit plus élevé que l’accord entre les États-Unis et le Royaume-Uni (10 %), des sources proches du dossier ont indiqué au Grand Continent que la majorité des pays de l’Union était prête à y consentir.

En avril, Donald Trump avait annoncé la mise en place de droits de douane « réciproques » de 20 % sur les biens en provenance de l’Union européenne. Ces droits ont été réduits à 10 % le 9 avril, et cette pause devait prendre fin le 1er août. Il avait également menacé d’imposer des tarifs de 50 %, puis de 30 %, dans le cadre d’une négociation erratique.

  • Avant le retour au pouvoir de Donald Trump, le 20 janvier, l’Union et les États-Unis appliquaient des droits de douane relativement similaires : le taux moyen pondéré des droits de douane NPF appliqué par Washington sur les importations de produits agricoles était de 2,5 % et de 1,5 % sur les importations de produits non agricoles, tandis que les taux correspondants étaient de 4,2 % et 0,9 % pour l’Europe.
  • Donald Trump dénonce surtout les 237 milliards de dollars d’excédent commercial de l’Union avec les États-Unis en 2024 (estimé à 198,2 milliards d’euros par l’Union européenne), arguant que cela prouverait qu’elle « tire profit des États-Unis ». 
  • Derrière ce chiffre apparemment impressionnant se cache toutefois une réalité tout autre : les pratiques d’optimisation fiscale des multinationales et des géants technologiques américains.
  • Lors des remarques précédant l’annonce de l’accord, von der Leyen a endossé le discours américain sur le déséquilibre commercial et a déclaré : « L’Europe a un excédent, les États-Unis ont un déficit, nous devons rééquilibrer », revenant ainsi sur la position européenne qui a toujours mis en avant le fait que les deux économies se complètent et que la relation reste équilibrée, en prenant en compte les services, où l’Union enregistre un important déficit avec les États-Unis.

27.07.2025 à 14:12

Thaïlande — Cambodge : cinq points sur la géopolitique d’une frontière explosive 

Gilles Gressani

Depuis jeudi 24 juillet, la Thaïlande et le Cambodge s'affrontent sur leur frontière.

Comment comprendre cette escalade ?

Quels sont les principaux facteurs de tension ?

Quelle est la position des gouvernements de Bangkok et de Phnom Penh ?

Michel Foucher, l'un des principaux spécialistes de la géographie des frontières, signe une analyse en cinq points du grand contexte de cette crise géopolitique et de ses possibles solutions.

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Texte intégral (4923 mots)

1 — Des tensions à l’escalade 

L’explosion des tensions entre la Thaïlande et le Cambodge ce jeudi 24 juillet couvait depuis le début de l’année autour de quelques zones frontalières dont le tracé est mal délimité — secteurs de Prasat Ta Muen Thom, puis du Triangle d’Émeraude — et dans un contexte de surenchère politique 1.

En février, des soldats et des civils cambodgiens ont escaladé les ruines d’un temple contesté datant de l’empire khmer, Prasat Ta Muen Thom, et ont entonné un chant patriotique. Ils ont été confrontés à des soldats thaïlandais, qui s’opposaient à cette revendication implicite de souveraineté cambodgienne. Plusieurs vidéos de l’affrontement ont circulé sur les réseaux sociaux, attisant les sentiments nationalistes dans les deux pays

Après l’incendie le 1er mai d’un pavillon commémorant la zone des trois frontières, l’attention s’est ensuite tournée vers le Triangle d’émeraude, où se rejoignent le Cambodge, le Laos et la Thaïlande. Les autorités thaïlandaises ont cherché à étouffer les rumeurs selon lesquelles les troupes cambodgiennes auraient déclenché l’incendie, déclarant publiquement que l’origine du feu était innocente. 

Mi-mai, l’armée thaïlandaise a signalé que les troupes cambodgiennes creusaient des tranchées dans la zone contestée, mais qu’elles avaient accepté de se retirer à la suite de discussions entre les commandants locaux. Le 28 mai, un affrontement a coûté la vie à un lieutenant cambodgien dans la même zone, connue en Thaïlande sous le nom de Chong Bok et au Cambodge sous le nom de Mom Bei.

Le 23 juin, en réponse à une série de restrictions mutuelles, les autorités thaïlandaises ont ordonné la fermeture complète des points de passage frontaliers, sans préciser de date de réouverture. 

Le 23 juillet, soit la veille du début des hostilités, le gouvernement thaïlandais a accusé le Cambodge d’avoir posé de nouvelles mines terrestres à la frontière, causant des incidents graves (dont la perte d’une jambe) à au moins deux militaires thaïlandais le 16 juillet.

2 — Quel est le point de vue du Cambodge ?

Convoquée à la suite de l’escarmouche mortelle du 28 mai, une réunion de la Commission mixte des frontières Cambodge-Thaïlande s’est tenue le 14 juin à Phnom Penh afin de discuter des questions frontalières. Cette réunion à huis clos a été coprésidée par Lam Chea, ministre cambodgien chargé des affaires frontalières, et par Prasas Prasasvinitchai, ancien ambassadeur de Thaïlande au Cambodge et conseiller pour les affaires frontalières auprès du ministère thaïlandais des Affaires étrangères 2.

Le Premier ministre cambodgien Hun Manet a déclaré dans un message publié vendredi 13 juin qu’il s’agissait de la première réunion de cette commission après une interruption de 12 ans. Il a indiqué qu’à cette occasion, son pays aurait invité la Thaïlande à saisir la Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye à propos de quatre zones frontalières contestées, à savoir Mom Bei, le temple Ta Moan Thom, le temple Ta Moan Tauch et le temple Ta Krabei.

« Je voudrais réitérer à mes compatriotes que, même si la Thaïlande refuse ou reste silencieuse, le Cambodge agira de manière unilatérale », a déclaré Hun Manet, précisant que le ministère cambodgien des Affaires étrangères enverrait une lettre officielle à la CIJ le 15 juin concernant le différend ayant trait à ces quatre régions 3.

Mardi 2 juillet, une délégation d’experts internationaux est arrivée au Cambodge afin de discuter du dépôt de plaintes devant la CIJ. Le professeur Jean-Marc Sorel a été le conseiller juridique du Cambodge dans le cadre de la procédure devant la CIJ concernant la zone entourant le temple de Preah Vihear. Il a rencontré le premier ministre cambodgien dès son arrivée pour discuter de la poursuite du processus devant mener à un règlement du différend frontalier devant la CIJ 4.

Mardi 2 juillet, une délégation d’experts internationaux est arrivée au Cambodge pour discuter du dépôt des affaires devant la CIJ. Le professeur Jean-Marc Sorel a été le conseiller juridique du Cambodge dans le cadre de la procédure devant la CIJ concernant la zone entourant le temple de Preah Vihear. Il a rencontré Hun Manet dès son arrivée pour « discuter de la poursuite du processus visant à porter le différend frontalier » devant la CIJ. « Le professeur Jean-Marc Sorel était un membre important de l’équipe de conseillers juridiques et d’avocats qui a aidé le Cambodge à gagner le procès concernant l’interprétation de la décision de la CIJ de 1962 relative au temple de Preah Vihear en 2011-2013 », a déclaré le premier ministre cambodgien.

Hun Manet a ajouté que le gouvernement cambodgien restait déterminé à porter l’affaire devant la CIJ : « Le Cambodge est déterminé à porter devant la CIJ les différends frontaliers concernant les temples de Ta Moan Thom, Tamoan Toch et Ta Krabei ainsi que la région de Mom Bei afin de trouver une solution pacifique et fondée sur le droit international ».

En 1962, la Cour internationale de justice a jugé que le temple de Preah Vihear se trouvait sur le territoire relevant de la souveraineté du Cambodge et que la Thaïlande devait retirer toutes ses forces stationnées sur place. La Cour a également affirmé que cet arrêt conférait au Cambodge la souveraineté non seulement sur le temple, mais aussi sur le promontoire sur lequel il est construit. Elle a également indiqué que la Thaïlande devait se retirer de l’ensemble de la zone environnante, et pas seulement de la structure du temple. Lors des audiences de 2013, Jean-Marc Sorel a fait valoir que l’arrêt de la CIJ de 1962 reconnaissait implicitement la souveraineté du Cambodge sur le temple et ses environs, sur la base de cartes historiques et de l’acceptation préalable de la Thaïlande 5.

Le secrétaire général de l’Académie royale du Cambodge, Yang Peou, se dit confiant quant à l’expertise et aux capacités de Sorel pour aider le Cambodge à saisir la CIJ de ces nouvelles affaires. « La Thaïlande a le droit de déclarer si elle accepte la décision de la Cour, mais le Cambodge a tout de même poursuivi la procédure judiciaire, car il estime qu’il est impossible de régler le différend de manière bilatérale, compte tenu des nombreuses violations du protocole d’accord de 2000 survenues au cours des deux dernières décennies. » 6

Un véhicule militaire cambodgien transporte un lance-roquettes dans la province d’Oddar Meanchey, au Cambodge, le vendredi 25 juillet 2025.
Des soldats thaïlandais examinent une zone frontalière de la province d’Ubon Ratchathani afin de détecter d’éventuelles mines antipersonnel.

3 — Quel est le point de vue de la Thaïlande ?

La Thaïlande sait qu’elle n’a en effet aucune possibilité de gagner cherche donc à éviter de se présenter devant la Cour, tout en continuant de faire perdurer sa prétention aussi longtemps qu’elle le pourra. Le Cambodge a naturellement le réflexe inverse.

« La décision de la Thaïlande de ne pas accepter la compétence obligatoire de la Cour internationale de justice (CIJ) reflète la position mûrement réfléchie de ce pays, selon laquelle tout moyen de résolution des différends entre États doit être exercé en tenant dûment compte du contexte spécifique de chaque affaire, de la nature de la situation et des intérêts souverains en jeu », a déclaré le ministère thaïlandais des Affaires étrangères dans un communiqué publié le lendemain de la saisine de la CIJ par le Cambodge 7.

Selon lui, le recours à un tiers n’est pas toujours propice au maintien de relations amicales entre les États, en particulier dans des domaines sensibles comportant des dimensions historiques, territoriales ou politiques complexes. Si des progrès ont été réalisés dans la délimitation des frontières avec le Laos et le Vietnam (respectivement 86 % et 84 % du processus achevés), les négociations bilatérales avec la Thaïlande sont au point mort. Le Cambodge accuse la Thaïlande d’utiliser une carte dessinée unilatéralement qu’il rejette fermement, la qualifiant de source des différends actuels et passés.Rappelons que le statut de la CIJ fait partie intégrante de la Charte des Nations unies. Par conséquent, tous les États membres de l’ONU reconnaissent, par défaut, la juridiction de la CIJ, sauf s’ils ont émis une réserve ou exclu expressément sa compétence. Dans l’affaire du du Temple de Preah Vihear, la Thaïlande a attrait à sa juridiction n’ayant fait ni réserve ni dénonciation expresse avant que le Cambodge introduise cette affaire à la Cour. Après sa « défaite » prononcée par l’arrêt de la Cour en 1962, le roi thaïlandais en personne a prononcé une déclaration affirmant que son pays n’était absolument pas d’accord avec cette décision, mais qu’en tant qu’État civilisé, il allait l’appliquer. C’était la première expression d’une longue série de déclarations thaïlandaises s’inscrivant dans la théorie du persistent objector 8. Immédiatement après la déclaration royale, le gouvernement thaïlandais a dénoncé sa déclaration d’acceptation obligatoire de la juridiction de la CIJ.

4 — Les trois sources d’une rivalité géopolitique frontalière

4.1 — L’histoire d’une région disputée

L’histoire du Cambodge et de la Thaïlande est intimement liée, marquée par un sentiment de mépris et d’admiration réciproques. Elle est marquée par des différends profonds et amers dont les Khmers et les Thaïlandais se souviennent et ne peuvent oublier de génération en génération. Les bas-reliefs d’Angkor Wat témoignent ainsi de la lutte entre les Siamois et les Khmers.

Historiquement, la Thaïlande et le Cambodge se sont disputé une petite partie de leur frontière terrestre de 817 km, en particulier la zone autour du temple de Preah Vihear, que les Thaïlandais appellent Phra Viharn. Les origines de ce différend remontent au XXe siècle, à l’époque de la domination coloniale française, lorsque la Thaïlande (alors le Siam) a signé un traité délimitant les frontières septentrionales entre les deux pays. Entre 1941 et 1953, période durant laquelle le Cambodge était sous domination française, la région a changé de mains à de nombreuses reprises.

Rappelons que sans la mission archéologique française (l’École française d’Extrême-Orient) qui a découvert les ruines d’Angkor, puis sans le protectorat français qui a au sens propre protégé le Cambodge, ce pays aurait été conquis par la Thaïlande et le Vietnam. Durant l’occupation japonaise, la Thaïlande avait d’ailleurs annexé les provinces de Battambang et de Siem Reap, où se trouvent les ruines d’Angkor. Ces provinces ont été restituées sous la pression française en 1945.

4.2 — Le droit international comme source paradoxale de tension

Après l’indépendance, les troupes thaïlandaises ont occupé la région en 1954. En réponse, le Cambodge a porté le différend devant la Cour internationale de justice (CIJ) qui, en 1962, a statué en faveur du Cambodge. C’est le deuxième facteur de tensions. Ce dernier a permis de cristalliser au plus haut point ce sentiment charnel et répulsif entre les deux peuples. Car comme il s’agit d’un des grands classiques de la jurisprudence internationale, affaire du Temple de Preah Vihéar, (mais aussi récente avec la décision de 2013) de la CIJ, il lui donne un écho planétaire, ce qui enrage encore davantage les populations des deux côtés de la frontière qui ne veulent pas perdre la face devant le monde entier qui, pensent-elles, les regarde.

La Thaïlande n’a pas accepté l’arrêt de la CIJ, contestant l’interprétation de la carte de 1907 présentée comme preuve. La Thaïlande a notamment soutenu qu’elle n’avait jamais reconnu officiellement la carte de 1907, même si elle avait été utilisée pendant une longue période, et a affirmé que l’arrêt de la CIJ ne s’appliquait qu’aux terrains immédiats des temples, et non à la région frontalière au sens large. En 2013, à la demande du gouvernement cambodgien, la CIJ a réitéré son arrêt de 1962, soulignant la souveraineté du Cambodge sur l’ensemble du complexe des temples et exhortant la Thaïlande à retirer ses troupes de la région.

La question de la frontière refait surface régulièrement, provoquant des ruptures diplomatiques entre les deux pays. Le différend a resurgi lorsque le Cambodge a tenté d’inscrire le temple de Preah Vihear sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, d’abord en 2008, puis en 2011, année au cours de laquelle des affrontements entre les troupes des deux pays ont causé la mort d’une quarantaine de personnes.

4.3 — L’usage interne des frontières

Un troisième facteur est le jeu de la politique nationale. Puisque la question des frontières rassemble profondément les populations, les dirigeants politiques utilisent ce moment d’unité à des fins politiques internes, comme lors des élections, ou pour dépasser des crises politiques, comme celle que connaît actuellement la Thaïlande, où le gouvernement est faible et menacé à la suite de la suspension de la Première ministre. L’ancien premier ministre Hun Sen — ayant dirigé depuis 1985 — est coutumier des interférences dans la politique intérieure thaïlandaise 9.

Même si l’on ne parle plus aujourd’hui du Temple de Preah Vihear, mais de quatre autres lieux, la question juridique principale est la suivante : les traités de 1904 et 1907, signés par la France et la Thaïlande, sont-ils valables ? Ces traités ont non seulement permis de délimiter la frontière terrestre entre les deux pays (le Cambodge a récupéré toute la province de Siem Reap, qui signifie d’ailleurs « le Siam vaincu », et celle de Battambang), mais aussi le tracé maritime entre ces pays.

Très soucieuse de ne pas voir se consolider une prescription acquisitive des territoires qu’elle réclame (les provinces de Siem Reap et de Battambang), la Thaïlande exprime régulièrement et méthodiquement sa puissance publique sur ces territoires contestés, conformément à la théorie du persistent objector, et ce depuis 1962, date à laquelle la Cour internationale de justice avait déclaré que le Cambodge était en droit d’invoquer les traités de 1904 et de 1907. 

D’une part, même si ces traités avaient été signés par la France, celle-ci agissait au nom du Cambodge, qui n’avait jamais cessé d’exister, car il n’était pas une colonie, mais un protectorat. D’autre part, même si ces traités avaient été conclus sous la contrainte de la force navale française, ils restaient valables, car à cette époque, la violence n’était pas contraire au droit.

Des manifestants brandissent des pancartes devant l’ambassade du Cambodge à Bangkok, à la suite de la blessure par des mines terrestres de deux soldats lors d’une patrouille frontalière dans la région de Chong Bok.
Hun Sen, au centre, salue des personnes qui ont fui la zone frontalière de la province de Preah Vihear, près de la frontière entre le Cambodge et la Thaïlande, au Cambodge, le jeudi 26 juin 2025.

5 — Quelles voies de sortie ?

Les problèmes liés aux frontières doivent être considérés comme des questions techniques (tracés, cartographie de référence, accords antérieurs, bonnes pratiques et précédents de règlement) et traités comme tels, avec l’appui d’experts 10. Il est donc essentiel de les dépolitiser, car les opinions publiques sont binaires et rétives à la complexité sur ces sujets.

Ce nouveau recours à la CIJ marque un changement par rapport à la position traditionnelle du Cambodge, qui privilégie une politique de négociation pacifique fondée sur le principe de l’uti possidetis juris, afin d’éviter le recours à la CIJ, le cas de Preah Vihar constituant une exception. Il avait convenu que l’arrêt de la CIJ en 2013 constituait un cas d’espèce et que son application avait été reportée d’un commun accord, en raison de la situation politique en Thaïlande. Sur le fond, il faudra bien que les deux pays négocient même après un éventuel arrêt de la CIJ qui serait défavorable pour la Thaïlande.

Bangkok peut mettre en avant la nécessité d’une relation apaisée et rappeler que, en tant que membres de l’ASEAN, les deux pays sont liés par un traité d’amitié et de coopération les engageant à régler pacifiquement leur conflit. La Malaisie, qui assurera la présidence de l’ASEAN en 2025, pourrait être impliquée, même si le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures est une règle.

Les mécanismes existants pour les négociations bilatérales devraient permettre de trouver un compromis plus fiable. En vertu d’un protocole d’accord de 2000, la Commission mixte des frontières est chargée de procéder conjointement au relevé et à la délimitation de la frontière terrestre. Cette commission, qui est censée se réunir au moins une fois par an, mais qui ne l’a pas fait depuis 2012, s’est réunie à Phnom Penh les 14 et 15 juin. Toutefois, le Cambodge a insisté pour ne pas discuter des quatre zones litigieuses figurant dans sa requête devant la Cour internationale de justice (CIJ). L’organe a toutefois prévu une réunion extraordinaire en septembre 11.

Au-delà de l’utilisation optimale de cette commission, les deux parties doivent saisir toutes les occasions d’apaiser les tensions et d’éviter les malentendus. Le Comité général des frontières, créé en 1995 pour permettre des échanges ministériels sur la sécurité des frontières, et le Comité régional des frontières, chargé de faciliter les discussions entre les commandants militaires locaux, devraient se réunir aussi souvent que nécessaire. La réunion du Comité régional des frontières, initialement prévue les 27 et 28 juin, a été annulée.

Un premier geste de bonne volonté de la part de Bangkok serait d’arrêter la construction d’une copie d’Angkor Wat dans la province de Buri Ram, frontalière du Cambodge.

Un autre geste serait de rouvrir les quinze postes frontaliers, lieux d’un intense commerce licite (5 milliards de dollars en 2024, avec un excédent de 3 milliards pour la Thaïlande) ; on compte environ un demi-million de travailleurs cambodgiens en Thaïlande (plus des saisonniers), qui souhaitent rester sur place malgré les appels d’Hun Sen à rentrer.Pour l’instant, il est impératif que les deux parties s’abstiennent de toute action ou déploiement susceptible d’entraîner une escalade et des affrontements militaires imprévus. Les risques de nouveaux combats, qui seraient préjudiciables aux deux parties, sont évidents et devraient inciter les décideurs à rétablir le statu quo ante à la frontière. Les zones contestées sont petites et sans importance, si ce n’est qu’elles constituent des symboles sacrés de la patrie dans l’imaginaire nationaliste des deux pays 12.

Sources
  1. ici.
  2. Cambodia, Thailand start talks over border issues after recent skirmish, Xinhua, 14 juin 2025.
  3. Cambodia to file complaint with UN court over border disputes with Thailand : PM, Xinhua, 14 juin 2025.
  4. Cfr. Manet meets with international legal expert, The Nation Thailand, 1er juillet 2025.
  5. Jean-Marc Sorel returns to advise Cambodia in new legal battle at The Hague, Khmer Times, 3 juillet 2025.
  6. Thailand’s position in response to Cambodia’s submission on 15 June 2025 of a letter to the International Court of Justice (ICJ) related to the Emerald Triangle (Mom Bei), Ta Moan Thom, Ta Moan Tauch and Ta Krabei temples, Ministère des Affaires étrangères du Royaume de Thaïlande, 16 juin 2025.
  7. persistent objector permet à un État souverain de se soustraire à une règle de droit coutumier en formation, à condition qu’il s’y oppose de manière claire, constante et dès l’origine.
  8. Border Dispute with Cambodia Sparks Political Disarray in Thailand, Crisis Group, 1er juillet 2025). Une autre source est le journaliste spécialiste en géopolitique régionale, Kavi Chongkittavorn, qui fait autorité dans ses analyses publiées dans le Bangkok Post. Enfin, l’Institut français de recherche sur l’Asie du Sud-Est contemporaine (IRASEC), situé à Bangkok, dispose d’une réelle expertise régionale. Du côté cambodgien, il ne fait aucun doute que l’appui de Jean-Marc Sorel, juriste français confirmé, est jugé décisif pour porter à nouveau le contentieux devant la CIJ. Il s’entretient en langue française avec le premier ministre Hun Manet. L’actuel ambassadeur de France à Bangkok, Jean-Claude Poimboeuf, a servi comme ambassadeur au Cambodge (2014-2017). Il connaît donc les deux approches. Notons que les relations bilatérales franco-cambodgiennes sont de très bonne qualité (plusieurs visites officielles en France, projet confirmé de venue du Président français au Cambodge fin 2026 pour le XXème sommet de l’Organisation Internationale de la Francophonie). De son côté, la Thaïlande entend se rapprocher des instances francophones, notamment via l’Association parlementaire de la francophonie.
  9. Border Dispute with Cambodia Sparks Political Disarray in Thailand, Crisis Group, 1er juillet.
  10. id.
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