Dans les négociations en cours avec l’Iran, l’administration américaine adopte publiquement des positions contradictoires, déclarant tantôt qu’il faudrait démanteler l’intégralité du programme nucléaire de Téhéran et refuser toute forme d’enrichissement d’uranium sur le sol iranien, tantôt qu’il serait possible d’accepter que l’Iran conserve un programme d’enrichissement sous le contrôle de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Comment comprenez-vous ces incohérences ? 

Elles sont le signe de divergences profondes au sein de l’administration américaine sur la stratégie de négociation nucléaire.

Traditionnellement, des processus clairs permettait de les surmonter et de donner l’avantage à un camp ou à l’autre, de sorte qu’au moins, lorsque les négociateurs se rendaient à la table des négociations, ils étaient en mesure d’adopter une position unique. Mais au sein de l’administration Trump, de tels arbitrages n’existent pas à proprement parler. Les fluctuations dans les positions prises s’observent en privé comme en public. 

Ensuite, il semble que Trump soit beaucoup plus intéressé par le fait d’obtenir un accord en soi que par les détails de celui-ci — dès lors que son deal peut être présenté comme meilleur que celui conclu par Obama en 2015. C’est la seule chose qu’il lui faudra pour crier victoire.

D’autres membres de son administration ont une position beaucoup plus stricte à propos du programme nucléaire iranien — voire même belliciste dans le cas de Marco Rubio.

Certains Républicains, comme Lindsey Graham, font pression depuis longtemps pour refuser toute forme d’enrichissement nucléaire en Iran et tentent aujourd’hui d’influencer le président en arguant qu’il s’agirait d’un moment de faiblesse particulière pour l’Iran en raison des revers qu’Israël a fait subir à Téhéran ces derniers mois et de l’échec de sa tentative de confrontation directe en octobre 2024.

À cela s’ajoutent les difficultés économiques que connaît l’Iran en raison de l’impact cumulé des sanctions, de la corruption et de la mauvaise gestion de l’économie du pays

Pour certains faucons à Washington, il n’y aurait donc pas lieu de céder et d’accepter que l’Iran conserve une capacité d’enrichissement, du moins pas dès le début des négociations. 

Quelle est donc aujourd’hui la véritable position américaine ?

La position la plus synthétique qui concilie les incohérences des derniers mois est probablement celle que Steve Witkoff a exprimée au mois d’avril dans les pages du Wall Street Journal 1.

Dans cet entretien, il déclare que l’absence complète d’enrichissement est l’objectif ultime que les États-Unis souhaitent atteindre dans ces négociations mais que Washington serait prêt à négocier en dessous de cette demande maximaliste pour obtenir a minima une réduction et un contrôle du programme d’enrichissement.

L’offre qui a été mise sur la table lors du cinquième cycle de négociations — puis précisée dans une lettre envoyée à l’Iran le week-end dernier par l’intermédiaire du ministre des Affaires étrangères d’Oman, et dont le contenu a fuité dans la presse 2 — est en réalité la première proposition concrète des États-Unis dans ces négociations.

Il est possible que les États-Unis fassent preuve d’une certaine souplesse dans la mesure où l’alternative à un accord négocié n’est pas attrayante pour le président Trump. Son administration semble souhaiter aborder de manière innovante la question délicate de l’enrichissement, en essayant de convaincre l’Iran de renoncer complètement à l’enrichissement non pas dès le début des négociations mais à leur terme. 

Malgré les incohérences américaines, les chances de parvenir à un accord semblent exister.

Ali Vaez

Il s’agirait donc de la logique inverse de celle qui prévalait dans l’accord nucléaire iranien (JCPOA).

En effet, dans cette nouvelle logique, lorsque les restrictions temporelles et les mesures de transparence concernant le programme nucléaire iranien prendraient fin, la capacité d’enrichissement de l’Iran disparaîtrait progressivement.

Cela pourrait se produire après la mise en place d’un consortium régional qui permettrait à l’Iran d’avoir accès à du combustible nucléaire sans nécessairement procéder à l’enrichissement sur son propre sol, ou parce que l’Occident aurait prouvé qu’il est prêt à construire et à fournir des réacteurs ainsi qu’à les approvisionner en combustible nucléaire. Ainsi, après une période pendant laquelle l’Iran aurait établi la confiance en sa capacité d’accès à la technologie et à l’approvisionnement en combustible nucléaire, il n’aurait plus besoin de son propre enrichissement, tout en conservant les droits et connaissances acquis entretemps.

Malgré les incohérences américaines, les chances de parvenir à un accord semblent donc exister.

Je les estime supérieures à 60 % à l’heure actuelle, mais il est également tout à fait possible que les parties trébuchent et ne parviennent pas à s’entendre dans un avenir proche.

Vous avez mentionné les différents groupes et positionnements à Washington. Comment fonctionne concrètement la prise de décision vis-à-vis de l’Iran autour de Trump ? Comment « l’équipe Iran » est-elle composée ?

Cette administration est particulièrement chaotique, si bien qu’on ne sait pas trop qui a de fait le dernier mot et élabore réellement ces politiques. S’il est clair que Steve Witkoff a un canal direct avec le président Trump, on ne sait pas qui des « MAGA » isolationnistes ou des faucons exercent la plus grande influence.

L’équipe de négociation nucléaire qu’il a constituée est contrastée : Michael Anton, chef du Policy Planning et dirigeant de l’équipe d’experts américains, est au départ un faucon — mais aussi quelqu’un qui vient du mouvement MAGA et ne veut pas pousser au conflit avec l’Iran.

L’équipe comprend par ailleurs des experts techniques qui participent depuis de nombreuses années aux négociations nucléaires avec l’Iran, notamment depuis l’époque du JCPOA et les négociations sur le retour au JCPOA à Vienne au début de l’administration Biden. Il y a donc une mémoire institutionnelle qui se mêle au manque de connaissances de fond de certaines personnes.

Toute négociation repose sur de la volonté politique. Or en l’occurrence elle existe des deux côtés : à Washington et à Téhéran.

Ali Vaez

Comme les processus de consultation interne sont rares, il y a peu de transparence quant à la direction que cette administration veut prendre et les consultations avec des groupes extérieurs sont tout aussi limitées. Lorsque Wendy Sherman négociait le JCPOA 3, elle réunissait un groupe d’experts techniques et externes à l’administration à Washington avant ou après chaque cycle de négociations avec les Iraniens. Aucun processus de ce type n’est actuellement en place. 

L’autre problème est que les négociateurs américains utilisent les réseaux sociaux et les médias traditionnels pour faire connaître leur position dans ce qu’ils appellent de la « diplomatie publique ». Sur une question si sensible depuis tant d’années, ce n’est évidemment pas une bonne idée. Cette pratique enferme les négociateurs dans des impasses rhétoriques, limite leur marge de manœuvre et sape, dans la perception de la partie iranienne, toute crédibilité.

Pourquoi êtes-vous alors si confiant dans la possibilité d’un accord dans ces conditions ?

Malgré toutes ces difficultés, toute négociation repose sur de la volonté politique. Or en l’occurrence elle existe des deux côtés.

En proie à de grandes difficultés économiques, l’Iran a vraiment besoin d’un accord et regarde avec appréhension et gravité la possibilité d’une frappe israélienne sur ses installations nucléaires.

L’administration Trump souhaite également parvenir à un accord puisque le président américain veut démontrer ses talents de négociateur mais aussi parce qu’il comprend que l’absence d’accord risquerait d’entraîner les États-Unis dans un autre conflit au Moyen-Orient — ce qu’il veut aussi absolument éviter.

C’est pourquoi je pense qu’il y a de fortes chances pour qu’une sorte d’accord-cadre soit conclu.

À quoi cela pourrait-il ressembler ?

Un tel accord pourrait prendre la forme d’un ensemble de principes politiques plutôt que d’un texte technique détaillé. Il pourrait d’ailleurs tout à fait reporter à plus tard le règlement de la question la plus importante — l’enrichissement.

D’une certaine manière, si l’on examine un processus diplomatique plus traditionnel, à savoir les négociations secrètes menées à Oman en 2013 avec des diplomates professionnels, dont notamment William Burns et Jake Sullivan, le processus s’est déroulé de la même manière.

Pendant ces négociations secrètes, un cadre politique avait été préparé. Il manquait de détails et s’est transformé en un accord intérimaire plus détaillé, finalisé en novembre 2013, le Joint Plan of Action, ouvrant ainsi un espace pour négocier un accord global — le Joint Comprehensive Plan of Action ou JCPOA, en juillet 2015. 

Nous sommes dans un processus similaire. Il faut commencer par définir de façon très générale le point d’aboutissement final puis aller au Conseil de sécurité et éventuellement prolonger la résolution 2231 — qui avalise le JCPOA, sans quoi il expirera en octobre.

Cela permettrait aux Américains de conserver le dossier iranien au sein du  Conseil de sécurité, puis de bénéficier de six à douze mois supplémentaires pour négocier un accord plus détaillé. Selon moi, c’est à date le scénario le plus probable.

Selon mes estimations, Trump pourrait obtenir 67 voix au Sénat pour transformer un deal avec l’Iran en traité.

Ali Vaez

Donald Trump est-il davantage à même de faire accepter un accord avec l’Iran à son parti et au Congrès américain ?

Le degré de contrôle que Donald Trump a acquis sur son parti ferait rêver Biden ou Obama…

Même si les Républicains ont traditionnellement été plutôt hostiles à l’égard de l’Iran — comme ce fut le cas avec la Russie — Trump a su faire pression sur le parti républicain pour qu’il accepte ses initiatives diplomatiques, même à contrecœur, ou du moins ne s’y opposent pas.

Aujourd’hui, il a donc de très bonnes chances de rallier la quasi-totalité du camp républicain à sa cause. Il pourrait certes y avoir quelques défections, mais je ne pense pas qu’elles seront nombreuses. Autre point important : la plupart des démocrates seraient également favorables à un accord avec l’Iran.

Certes, on trouvera toujours des opposants historiques à un accord : même sous l’administration Obama, le sénateur Chuck Schumer s’est opposé au JCPOA. Il y a donc certainement des démocrates plus bellicistes ou réfractaires à l’idée de soutenir Trump, quoi qu’il fasse, même s’ils sont d’accord avec le principe général selon lequel il vaut mieux résoudre le conflit nucléaire iranien par la voie diplomatique plutôt que par la voie militaire.

Selon mes estimations, Trump pourrait obtenir 67 voix au Sénat pour transformer un deal avec l’Iran en traité.

Quel serait son intérêt à le faire ?

Cela pourrait intéresser les Iraniens. Non pas parce que les traités sont immuables et qu’un tel texte rendrait l’accord plus durable — un président américain peut toujours se retirer d’un traité par une simple signature. Mais un traité adopté par le Congrès des États-Unis rendrait l’accord contraignant pour les cinquante États américains.

C’est un point clef : la plupart des États américains ont pris des mesures de désinvestissement et ont imposé leurs propres sanctions à l’Iran.

Dans certains cas, comme en Californie ou dans le Massachusetts, où se trouvent d’importantes entreprises technologiques, ou à New York, où les transactions bancaires sont très importantes, il est essentiel que ces États se conforment à un accord signé par le gouvernement fédéral.

Évidemment, le fait qu’un potentiel accord porte uniquement sur le nucléaire, et n’incluent pas d’autres questions, comme les questions balistiques et régionales, susciteraient certainement des résistances. Mais Trump a démontré qu’il ne se souciait guère des réactions politiques s’il pouvait obtenir ce qui l’intéressait vraiment : prouver qu’il est un maître de l’art du deal.

Pensez-vous que l’évolution très rapide de la situation au Moyen-Orient ouvre également la voie à des progrès qui n’auraient pas pu être envisagés auparavant ? On peut penser notamment à la levée des sanctions en Syrie, ou à l’idée, contenue dans la proposition américaine aux Iraniens d’un « consortium régional d’enrichissement nucléaire » entre les pays du Golfe et l’Iran…

L’idée d’un consortium régional d’enrichissement n’est pas nouvelle.

Elle a même été proposée pour la première fois à l’Iran par Henry Kissinger lors de l’achat de réacteurs nucléaires américains, Téhéran souhaitant conserver l’accès aux technologies du cycle du combustible nucléaire. 

Si cette idée est a connu une nouvelle jeunesse au gré des dernières décennies, le contexte régional y est désormais beaucoup plus favorable.

Le Golfe s’intéresse de plus en plus à la technologie nucléaire. Les Émirats arabes unis ont réussi à rattraper leur retard très rapidement. En l’espace d’une décennie seulement, ils ont pu construire des réacteurs nucléaires opérationnels avec l’aide de la Corée du Sud. Les Saoudiens sont également très désireux d’étendre leur programme nucléaire.

Un traité adopté par le Congrès des États-Unis rendrait l’accord contraignant pour les cinquante États américains. Or la plupart d’entre eux ont pris des mesures de désinvestissement et ont imposé leurs propres sanctions à l’Iran.

Ali Vaez

Dans ce contexte, il est logique que les États-Unis, plutôt que de négocier séparément avec tous ces pays, cherchent à les regrouper — d’autant plus que l’Iran dispose déjà du savoir-faire nécessaire au cycle du combustible nucléaire. Cette réalité est irréversible. Même si l’on démantèle les infrastructures nucléaires, l’Iran dispose du savoir-faire. Autrement dit : le mal est fait, depuis longtemps.

En plus des inspections de l’AIEA, la constitution d’un consortium, dans l’esprit de ses promoteurs, ajouterait une couche de garantie supplémentaire que les activités nucléaires soient bien destinées à des fins civiles.

Cela pourrait également constituer une première étape vers une coopération régionale sans précédent entre les pays du Golfe et l’Iran. 

Rappelons que l’Union européenne est née d’une coopération entre les pays européens dans le domaine du charbon. Il n’est pas absurde d’essayer de mettre en place une coopération régionale autour d’une question d’intérêt commun qui a également des implications en matière de sécurité pour les parties prenantes. À l’inverse, sans accord, les ambitions économiques ambitieuses des pays du Golfe seront compromises.

Enfin, la mise en place d’un tel consortium requiert au moins cinq à dix ans. Autrement dit : c’est une discussion parallèle mais qui ne résout pas le problème du programme nucléaire iranien à court terme.

Il faudrait donc trouver une solution pour la période de transition — un accord de type JCPOA, dans lequel le programme nucléaire iranien serait limité et rigoureusement surveillé, jusqu’à la mise en place d’un consortium auquel l’Iran pourrait transférer ses installations expérimentales.

Il existe une rare convergence en Iran sur la nécessité de mener à bien ces négociations. Mais leur réussite mettrait aussi en péril des intérêts économiques liés au contournement des sanctions — et pourrait même fragiliser le fonctionnement actuel du système politique iranien. Comment analysez-vous la situation actuelle pour Téhéran ?

Il est tout à fait juste de dire qu’il existe un consensus historique au sein des élites politiques iraniennes sur la nécessité d’obtenir un répit économique grâce à un accord avec les États-Unis.

Si l’Iran s’ouvre économiquement, cela n’ira pas sans certaines conditions.

Ali Vaez

Deux preuves sont frappantes à cet égard.

D’une part, le fait que les médias affiliés aux Gardiens de la Révolution n’attaquent pas l’équipe de négociation sur le nucléaire — alors qu’ils le faisaient quotidiennement lors des négociations sur le JCPOA et même lors des pourparlers sur la relance du JCPOA. Aujourd’hui, ces attaques ont cessé. 

D’autre part, personne en Iran n’a jamais mentionné que ces négociations se déroulent avec le président qui a fait tuer Qassem Soleimani. On aurait pu imaginer que le Guide suprême critique les États-Unis pour leurs exigences maximalistes ou leur manque de fiabilité en tant que partenaire de négociation à ce titre. Mais il n’a rien dit sur le fait que Trump est la personne qui a ordonné l’assassinat de Soleimani.

Cela étant posé, je ne pense pas qu’il faille considérer cet alignement comme une transformation profonde du système iranien.

Les dirigeants continuent d’envisager un accord transactionnel qui aiderait l’Iran à surmonter cette période difficile parce qu’ils considèrent que le statu quo n’est pas tenable et que personne n’a à gagner d’une période d’affrontements entre l’État et la société. 

Mais si l’Iran s’ouvre économiquement, cela n’ira pas sans certaines conditions.

Vous voulez dire que le régime posera des limites claires ?

L’élite politique continue de croire qu’une ouverture économique rapide pourrait entraîner une ouverture politique, ce qui ne serait pas dans l’intérêt du régime.

Qu’un deal soit trouvé ou non, l’Iran ne connaîtra probablement pas de moment d’ouverture « à la chinoise » dans un avenir proche.

En d’autres termes, pour les dirigeants iraniens, une croissance du PIB de 5 % par an est essentielle à la survie du régime — mais une croissance à 8 ou 10 % serait dangereuse.

Qu’en est-il de la société civile ?

De nombreuses voix s’élèvent en Iran pour demander une rupture par rapport à la stratégie des décennies passées, car ils voient bien qu’ils sont en train de rater le coche par rapport à la plupart de leurs voisins. Même des pays comme l’Arabie saoudite ont réussi à faire des progrès impressionnants en peu de temps sur le plan économique et investissent désormais dans des technologies de pointe telles que l’intelligence artificielle là où l’Iran est à la traîne.

Pour les dirigeants iraniens, une croissance du PIB de 5 % par an est essentielle à la survie du régime — mais une croissance à 8 ou 10 % serait dangereuse.

Ali Vaez

Nous assisterons donc probablement à des changements progressifs liés au contexte dans lequel se trouve le pays : d’un côté, une population aspire à se connecter au monde extérieur et à être à la pointe du progrès technologique ; de l’autre, une élite conservatrice gérontocratique âgée de 70 à 80 ans est complètement déconnectée des réalités actuelles.

Le changement, en Iran, pourrait être imminent et rapide. Mais cela dépendra également de l’issue des négociations diplomatiques.

Si la diplomatie échoue et que l’Iran entre en conflit avec les États-Unis et Israël, la situation pourrait s’aggraver encore davantage. En revanche, s’il y a une certaine désescalade et une ouverture économique, le changement pourrait peut-être prendre une tournure plus positive.

La population iranienne est-elle, en un sens, « en avance » sur le régime ?

Au cours des derniers mois, l’Iran a ouvert ses portes à de nombreux journalistes européens, mais aussi à des journalistes américains, pour qu’ils visitent le pays. 

Les reportages en provenance d’Iran sont assez étonnants car toutes les personnes à qui j’ai parlé, qu’il s’agisse d’experts étrangers ou de journalistes, ont été stupéfaites de constater que le régime a perdu le contrôle de la société : les Iraniennes ne respectent plus les règles de port du hijab et le régime a renoncé à les faire respecter.

De même, la population est impatiente de faire partie d’un environnement technologique en pleine évolution, tandis que le régime est toujours enlisé dans des discussions pour savoir s’il faut aligner le week-end sur le reste du monde 4.

Le pays est par ailleurs confronté à d’importantes pénuries d’énergie alors que la population tente de se tourner vers les cryptomonnaies, l’IA et toutes sortes de technologies très gourmandes en énergie.

Le régime a perdu le contrôle de la société : les Iraniennes ne respectent plus les règles de port du hijab et le régime a renoncé à les faire respecter.

Ali Vaez

Enfin, de plus en plus de personnes ont conscience en Iran d’un paradoxe : Téhéran possède environ un quart des ressources mondiales en hydrocarbures mais 0,1 % des réserves mondiales d’uranium. L’idée de suspendre toute l’économie et de ne pas pouvoir exporter ces phénoménales ressources en hydrocarbure au nom d’une autre ressource très minoritaire sans intérêt économique majeur semble de plus en plus absurde à un nombre croissant de personnes.

Le régime est en partie conscient de cette réalité.

C’est la raison pour laquelle il a permis à l’actuel dirigeant, Massoud Pezechkian, relativement pragmatique, d’être élu. Ce dernier a mené certaines politiques visant à combler le fossé entre l’État et la société. Par exemple, le Parlement a adopté une loi qui adoucit la répression du non-port du hijab, ou encore des lois sur le blanchiment d’argent et la lutte contre le financement du terrorisme, qui avaient été suspendues et étaient dans les limbes depuis dix ans dans le système parlementaire iranien.

Aujourd’hui, elles ont été ratifiées et ouvrent la voie à la sortie de l’Iran de la liste noire du Groupe d’action financière (GAFI). Lorsque les sanctions seront levées, le pays pourra se reconnecter à l’économie mondiale. Le gouvernement tente de prendre des mesures dans ce sens — sans être toutefois ni assez rapide ni assez ambitieux pour une société qui a déjà une longueur d’avance sur ses gouvernants.

Sources
  1. Witkoff Says U.S. Open to Compromise Ahead of Iran Nuclear Talks », The Wall Street Journal, 11 avril 2025.
  2. Scoop : U.S. nuclear deal offer allows Iran to enrich uranium », Axios, 2 juin 2025.
  3. Undersecretary of State for Political Affairs de 2011 à 2015, et à ce titre principale responsable des négociations entre 2013 et 2015.