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01.10.2025 à 14:35

« Le monde doit s'arrêter ! »

dev

Un message de la flottille de la liberté
Par Sylvain George

- 29 septembre / , , ,
Texte intégral (2200 mots)

Alors que la flottille de la liberté n'est plus qu'à quelques kilomètres de Gaza et que la menace d'une intervention militaire israélienne plane de plus en plus lourdement, le réalisateur Sylvain George insiste ici sur la le sens et la portée philosophique et politique de cette armada. Cet article fait écho et poursuit celui paru début sepembre et intitulé Les flottilles pour Gaza ou l'inachevé comme forme politique.

« Le monde doit s'arrêter. » Ces mots, jetés sur X le 30 novembre 2025 [1] depuis les écumes de la Méditerranée par une passagère d'une flottille qui se propose de briser un blocus, frappent d'abord par leur brusque suspension du temps : dans l'attente tendue à bord de la flottille de la liberté, ce cri fuse moins comme une métaphore littéraire désincarnée, que comme un appel lancé du pont d'un bateau, surgi du ventre même de l'action, d'une action qui se sait vulnérable, qui connait le prix du sang peut-être à payer.

Rima Hassan, en prononçant ces mots, ne se contente pas de constater l'injustice ; elle pointe un seuil de tolérance franchi, un moment de bascule où la continuité même du monde - son cours habituel, ses transactions, son indifférence - devient intolérable. Cette exigence d'arrêt n'est pas une invitation à la pause, mais un appel à la rupture, une convocation philosophique et politique des plus urgentes.

L'urgence, justement, est le premier visage de cet appel. Elle nait de la chair et du risque. Les cinq cents personnes à bord des quarante-deux bateaux, comme le furent les passager.e.s du Handala et du Madleen, ne sont pas des symboles flottants. Ce sont des corps exposés. Leur action est un pari sur la visibilité, une tentative de faire entrer dans le champ de vision mondial une réalité habituellement confinée à l'invisibilité d'un blocus. Mais cette visibilité a un coût : celui de la confrontation directe avec la puissance qui impose ce blocus. Le cri des passager.e.s est celui qui précède l'impact possible. C'est la parole de celles et ceux qui, se sachant potentiellement promis à la violence, refuse que cette violence soit rendue invisible ou normalisée. « Le monde doit s'arrêter » signifie alors : si notre corps est violenté, kidnappé, ou pire, pour avoir tenté de briser un silence, alors cette violence doit créer une rupture si profonde dans la conscience collective que le business as usual devienne impossible. C'est l'ultime recours de ceux qui n'ont que leur vie à opposer à la machine : faire de leur mort potentielle un événement si scandaleux qu'il oblige à un arrêt sur image, à une suspension du ronronnement du monde. Le recul des flottilles italiennes, révélant la realpolitik atavique des États, ne fait qu'accentuer ce sentiment d'isolement et de danger, et rend d'autant plus criante la nécessité d'un arrêt venu d'ailleurs, d'en bas, des docks, des universités, de la société civile mondiale.

Car cet arrêt est avant tout un arrêt de la conscience. Il s'agit de suspendre le flux hypnotique de l'actualité, de l'information en continu qui, paradoxalement, anesthésie. Le cours du monde, c'est cette succession d'images et de nouvelles qui s'annulent les unes les autres, où un génocide peut devenir une « crise » parmi d'autres, où l'impunité devient une donnée structurelle, un bruit de fond. « Le monde doit s'arrêter » est un appel à briser ce sortilège. Ici, la pensée de Walter Benjamin est d'une actualité brûlante. Benjamin, dans ses « Thèses sur le concept d'histoire », évoquait la nécessité d'une « interruption messianique » du temps homogène et vide du progrès. Ce temps du progrès est un mythe qui justifie les victimes passées et à venir au nom d'un avenir toujours reporté. L'arrêt benjaminien, c'est la brèche dans ce continuum, l'instant où le passé refoulé - les souffrances des vaincus, les crimes impunis - fait irruption dans le présent et en stoppe la fausse quiétude. La flottille, en se dirigeant délibérément vers les eaux où d'autres ont été interceptés, incarne physiquement cette irruption. Elle est un geste qui matérialise la fissure par laquelle la vérité de Gaza doit s'engouffrer. Non pas l'utopie d'un monde figé, mais l'espérance d'une secousse assez forte pour interrompre la trajectoire catastrophique de l'histoire.

Cet arrêt est également un acte de résistance contre la normalisation de l'innommable. L'« impunité qui ronge le monde entier » dont parle les passagers est un processus corrosif qui s'installe par l'habitude. Le génocide, le blocus, la violence d'État deviennent des données acceptées, des paramètres de la géopolitique. Le cours du monde, dans sa logique implacable, intègre et digère même l'horreur. S'y opposer, c'est être « irréaliste », « radical ». Exiger que le monde s'arrête, c'est au contraire affirmer que certaines réalités sont si monstrueuses qu'elles doivent invalider la logique qui les produit. C'est un acte de souveraineté éthique face à la raison d'État. On pense ici à la grève, cette forme d'arrêt du travail qui est un langage politique fondamental. La menace des dockers italiens de bloquer les ports n'est pas anodine ; c'est l'application concrète de cet impératif d'arrêt. En privant le système de sa force motrice - la circulation des marchandises -, ils créent une lézarde dans l'édifice, un point de friction qui force à la reconnaissance du conflit.

Et l'on apprend que la frégate italienne escortant la flottille a lancé un appel radio : elle offrirait aux passagers « l'opportunité » d'abandonner leur embarcation avant d'atteindre la zone critique. L'hypocrisie d'une telle formule éclate d'elle-même. Ce n'est pas une protection mais une entrave ; non un rempart, mais un sabotage. « C'est de la lâcheté travestie en diplomatie », dénonce le communiqué. Car si l'Italie voulait vraiment protéger des vies, elle n'exercerait pas de pressions sur des civils pour les détourner de leur mission : elle engagerait sa flotte pour sécuriser leur passage, faire respecter le droit international, livrer elle-même les approvisionnements vitaux. En refusant d'assumer cette responsabilité, elle devient le levier d'Israël, le bras discret de la puissance qui affame. Dans cette duplicité éclate la vérité nue que condense le cri : le monde doit s'arrêter. Il doit cesser de produire ces langages diplomatiques qui masquent la complicité ; cesser de recouvrir l'inaction d'une rhétorique humanitaire ; cesser d'absorber l'insoutenable dans le flux médiatique sans jamais le transformer en acte. L'attitude de la frégate italienne, loin d'affaiblir l'appel, en renforce paradoxalement l'exigence : c'est dans le miroir de cette lâcheté diplomatique que l'impératif d'arrêt éclate avec le plus d'éclat.

Car il y a, dans la mer qui les porte, une dramaturgie antique. Chaque mille nautique est une mise en accusation. Chaque refus d'abandonner le navire est une gifle infligée à la logique de l'habitude. Affirmer que « le monde doit s'arrêter » n'équivaut pas à réclamer l'immobilité du cosmos : c'est exiger une suspension morale si violente qu'elle dérègle la machine de l'indifférence. Car la complicité la plus insidieuse du monde ne réside pas dans la violence elle-même, mais dans sa métamorphose en arrière-plan, en ce « bruit » que l'on tolère comme le ronronnement d'un moteur ou la rumeur d'une ville. Arrêter le monde, c'est rompre avec cette musique infernale, ce flux continu qui engloutit les crimes. C'est refuser que le génocide devienne une donnée de plus dans le défilement des news quotidiennes. C'est refuser que la violence soit neutralisée par la répétition, empêcher qu'elle se fonde dans le courant anonyme des jours, et rappeler qu'aucune vie supprimée ne doit être engloutie dans l'oubli mécanique du temps.

Redire, encore une fois, au risque de la répétition : « Si nous sommes interceptés, kidnappés ou tués, alors il faudra que cette violence interrompe vos routines, qu'elle fissure vos vies, qu'elle vous empêche de travailler, de commercer, de débattre comme si de rien n'était. »

De la même manière, les mobilisations dans les universités tentent d'arrêter la production du savoir « normal » pour lui substituer un savoir critique, un débat forcé sur l'injustice. L'arrêt devient ainsi une méthode : il désactive les rouages de la machine pour en révéler la nature et la violence.

Enfin, il y a dans cette exigence une dimension profondément humaine, presque désespérée, qui rejoint le « rêve de Baudelaire ». Le poète, en proie au spleen, appelait de ses vœux un bouleversement cosmique, un anéantissement du monde tel qu'il est, pour échapper à l'ennui et à la laideur. Ce n'est pas un souhait de destruction, mais une soif de régénération par la “table rase”. Le cri de la flottille porte en lui quelque chose de cette intensité : le désir que la trajectoire mortifère de l'histoire se brise, qu'elle déraille de sa mécanique implacable. Que le vaisseau Terre, dans sa course folle, soit secoué d'une embardée - non pas pour sombrer, mais pour s'arracher à l'orbite du désastre. L'arrêt alors n'est pas immobilité : il est la secousse qui ouvre une brèche, le vertige qui force à changer de cap. Ce n'est pas seulement une pause, mais une transfiguration du regard, une métanoïa. Car l'essentiel n'est pas de contempler une fois de plus la catastrophe, mais de rompre l'hypnose savamment entretenue - ses effets de sidération, son sentiment d'impuissance politique organisé - et de s'arracher à cette passivité qui est toujours, déjà, la complice de l'oppression.

« Le monde doit s'arrêter. » Cette phrase, jetée comme une bouteille à la mer depuis le pont d'un bateau vulnérable, est bien plus qu'un slogan. C'est une thèse philosophique sur le seuil de l'insupportable. C'est un programme d'action qui passe par la création de points d'arrêt, de blocages, de fissures dans le continuum de l'indifférence. C'est un acte de foi dans la capacité des consciences à se réveiller, non pas graduellement, mais dans la soudaineté fulgurante d'un choc. La flottille, en se dirigeant vers le danger, est cet arrêt en mouvement. Elle inscrit l'humanité non dans la continuité, mais dans les suspensions. Elle est le point fixe autour duquel le monde est sommé de pivoter, de regarder en face l'abîme qu'il a contribué à creuser. Son pari est que de cet arrêt, de cette suspension du temps des compromis et des grandes lâchetés, puisse naître un autre possible, un monde où la justice ne serait plus une interruption, mais le cours normal des choses. L'arrêt comme éthique de la disruption sensible.

Dans la série des flottilles, après le Madleen (l'inachèvement comme forme politique) et le Handala (persistance de leurs reprises successives), ce cri en incarne le troisième moment : celui de l'arrêt.

L'inachèvement ouvrait une faille, la persistance maintenait la brèche, l'arrêt vient nommer la suspension comme exigence absolue.

Et si le choc des coques se fait entendre, que ce ne soit pas seulement le bruit de la violence des génocidaires, mais celui, assourdissant, d'un monde sanguinaire qui se brise sur le silence qu'il a trop longtemps gardé.

Pouvoir vous dire, à travers ces quelques lignes : Non, vous n'êtes pas seul.e.s.

D'autres, ailleurs, suspendent eux aussi le cours de leurs vies, composent avec vous une communauté de l'arrêt.

Sylvain George


[1] « Si avec tous les moyens matériels et humains que nous avons mobilisés avec cette flotille pour briser le blocus nous sommes attaqués et kidnappés par Israel, le monde doit s'arreter ! Ce n'est plus possible ! Nous ne pouvons pas laisser faire nous ne pouvons pas assister à ce genocide et a cette impunité qui ronge le monde tout entier ! Le monde doit s'arrêter. » Message sur X de Rima Hassan, le 30 septembre 2025.

29.09.2025 à 16:58

Conversation avec Jim et quelques autres sur la vie collective et le monde d'après

dev
Texte intégral (4439 mots)

Ce poème devait paraître en 2022 dans une revue qui vit finalement pas le jour. Son autrice nous l'a confié tout en précisant qu'il ne serait pas possible de l'écrire aujourd'hui sans évoquer Gaza, d'une manière ou d'une autre.

Pour une lecture plus fluide et qui respecte la mise en page originaleune version PDF est accessible ici.

Jim l'ami qui écrit des romans noirs à New York
des histoires de traces de pas dans la neige de vieilles Chevrolet abandonnées dans les broussailles
avec qui tu parles au téléphone des fois dit
j'ai relu la bible récemment
il dit un autre mot dans une autre langue je ne m'en souviens plus

je ne m'en souviens plus c'est ce que je dis quand je redoute manquer aux obligations de l'universel je crains
le particularisme du nom de la langue j'appréhende
son odeur corporelle trop présente et aussi ses métamorphoses récentes au regard de l'histoire
en nom de langue parlée par un seul groupe de gens ou presque
unifiés par principe somnambulique
beaucoup sont aimables certaines sont mes proches
un peu perdues de vue forcément mais
une tendresse s'accroche outre-colère prête à
rempart quand il le faut de ton corps dramatique une poignée ne somnambulent pas je les aime d'amour nous parlons
la langue nous l'aimons
orpheline que personne n'apprend sans agenda par simple goût des langues-pourquoi-pas la langue-cendrillon
qui cire les godasses des militaires repasse leurs futals
surveille les checkpoints ouvre les portes
des tribunaux au petit matin la langue sacrée-d'autrefois maintenant honnie des habitantes historiques de sa terre natale seules pourtant
à connaître vraiment la forme de maintenant
de ses mots d'avant dans laquelle se fabrique
le crime de guerre

Avant tout ça la rareté locutoire reposait
sur d'autres sacralités parler cette langue c'était entrer dans une salle
immense où l'ombre et la lumière mêmes
fabrique de sainteté accès proxime à la divinité laquelle seule possède
carte de séjour authentifiée
et néanmoins exilée de ce fait

Jim dit j'ai été frappé comment
de manière répétée la divinité

main character ou peut-être pas

s'adresse au peuple

his competition ou plutôt
son partenaire
the battered hero

dans ce dialogue entre
peuple et divinité sujet et projet en quelque sorte dans cet écrit
généalogique-doctrinal poétique-matriciel
matrimonial-bourgeonnant-pillable-à-merci
crypte-à-lecture inépuisable sauf carte d'occupation militaire
ni massacres populations civiles-comme-tout-le-monde

et lui dit Je vais pas te détruire maintenant pas encore pas tout de suite

Jim dit c'est comme des parents qui disent à l'enfant

Je vais pas te donner maintenant la treha de ta vie mais tu perds rien pour attendre.

Quand Jim dit la treha
tu ris mais tu as le cœur serré tu revois

cet enfant replié sur lui-même
protégeant sa tête sous ses bras repliés dans un coin d'une
entrée de salle de cinéma
juste avant la séance sur le bord du canal
murs velours noir petite lampe au plafond
faible lumière étouffée suppliant promettant
ça sert à rien l'autre adulte
la spectatrice-passante pourrait faire quoi
au juste ?
rien en tous cas ne s'oppose sérieusement à jamais
toute-puissance parentale et surtout pas
l'étatique-c'est-pire

Tu dis c'est drôle parce que moi
tu dis ce que j'ai remarqué ce qui m'a
frappée comme tu dis c'est que la divinité

est-ce que c'est le personnage principal
ou bien
the other guy la multitude
on traduit et ça devient un problème pour tous les temps

biographie de dieu ne cesse d'appeler
love me please love me
et fait comme si l'inverse

à de nombreuses reprises s'adresse au
protagoniste disons
il y a encore cette épreuve
elle dit
à traverser ceci cela tu dois
subir après tu pourras
te détendre c'est comme une promesse de
mort
non ?
promesse ultime égale repos ?
confort-total-endormissement ?
longévité d'après-repas sans les inconvénients
(digestion lente esprit brumeux) ?
salle de bain en tadelakt incrusté diamants
cascade à remous intelligents jardin-hologramme anglais
commande lumière par intention-oh-et-puis-non
5G sans effets secondaires banquettes-escort
dispensateur intégré fruits frais à volonté
cornes de gazelle en alternance
draps changés toutes les heures ablation indolore du surmoi
félicité éternelle-quoi

seule condition ne pas avoir le mal de mer

tu vomis t'es dehors
l'entourloupe

et aussi la salle de bain carrelée
sur la photo de Lee Miller
rue du Prince-Régent à Berlin

est-ce que promesse ultime égale repos ?
est-ce que repos égale mort ?
ou autre chose ?

Ah oui
dit Jim
c'est étonnant
c'est intéressant en tous cas
cette permanence de la présence de la possibilité d'une fin
du personnage principal in the book of books écrit par l'auteur-de-tout
moteur à fragmentation autobiographique
one and many

Personne n'en parle comme si
possibilité ou
nécessité
peut-être même nécessité oui tu vois de la fin
inscrite au commencement-même dans
promesse initiale-inaugurale

Tu dis
c'est l'anti-Reich-de-mille-ans.

C'est exactement ça
dit Jim
l'anti-construction politique valable pour tous les temps dans tous les lieux
finitude envisagée-codifiée dite-promise
assumée même si

regardée-pas-regardée

pas seulement pour l'individu pour le peuple aussi et intégrée à même
constitution mythologique-politique indissociable du
constituant projet pour en faire aussi un
destituant projet

Jim a la syntaxe française hasardeuse par contagion ça fait partie de son charme
d'intellectuel étranger probablement inspiré par le diable d'ailleurs
suppute un journaliste de Marianne

Tu dis attends attends
j'ai un truc à dire là-dessus c'est comme si on construisait
ces grandes tours tu sais au bord de la mer

Mais oui tu sais ces grands hôtels qui barrent la vue des quartiers anciens
enfin quand je dis anciens
les vieux quartiers quoi construits dos à la mer
dans cette ville méditerranéenne-profane insupportable
et sans manières
comme une fille de famille sûre de ses droits s'autorisant tout
belle malgré tout et capable
Cendrillon du monde d'avant carnassière du monde d'après
nonobstant inversion des valeurs et le temps se retourne comme une chaussette
messianique
dissimulant sous sa douceur irrésistible arrogance
vols de grues cendrées papillons
coquelicots en bordure
mer aux mille sourires mais mal élevée
et plus méchante à présent
le pied petit et les dents longues
que ses laides et cruelles sorelle

ça aussi te rappelle une bribe de quelque chose
les mauvaises manières des ancêtres-souvent dans les salons
quand d'aventure ils y parvenaient
leur incapacité à
intégrer
les codes aristocratiques-bourgeois
se les approprier se les
assimiler
à voir au-delà de leur désolant et touchant orgueil de parias-
parvenus
de quand-mêmes gardant leurs pelisses
grelottant sous la chapka

toi-même aussi combien d'efforts et d'attention
dans l'une des vies dont tu as un vague-encore souvenir
pour inaperçue-reconnue passer repasser
effusive l'angoisse au bar se-faire-un-monde
les soirées de premières hautain regard sur la foule
c'est ça transfuge de race quand tu sais pas c'est pire

ces tours-approches-toi-si-tu-l'oses
construites sur le sable de la plage années quatre-vingts
qui sait dans cette ville édifiée par des venus du Nord
et de l'Est trop couturés encore tout vifs pour supporter la vue même
de l'eau salée ces grandes tours
sans réfléchir ni songer au jour qu'il faudra les détruire

sans intégrer au plan de construction
comme ailleurs cela se fait assez-presque-toujours
le plan de destruction
car ce jour vient toujours

oui
toujours un jour vient où les plus hautes même les plus belles
tours doivent-il-faut
être détruites même
et celles-ci sont déjà pas très belles alors
confortable oui ça on peut pas dire
mais belles non vraiment
et c'est pas le pire

quand il faudra les détruire on le sait tout le monde le sait même si
on n'en parle pas
il faut qu'elles s'effondrent sans
tout détruire autour quelqu'un t'a expliqué
c'est ce qu'on fait quand on construit ce genre de tours

mais si on n'envisage pas la fin si la fin ne fait pas partie des plans alors
quoi ?
la tour s'écroule détruit tout autour d'elle il n'y a même plus le souvenir
de la tour
ni de rien ?
bien sûr je préfère les constructions de papier
mais si on construit une tour
si on construit une tour

tu ne peux plus t'arrêter de dire ça

Jim t'interrompt il dit ah oui c'est comme
un programme nucléaire qui s'appellerait S
amson
tu imagines ?
Et si quelqu'un découvrait ça si quelqu'un
Divulguait ça on l'enterrerait
vivant
comme une fiancée dont on ne veut plus pour
son fils

Long silence vous avez envie de ne pas rire
respect Vanunu

Et ça me fait penser
dit Jim
à quelqu'un qui aurait écrit que les groupes humains les ensembles les regroupements
humains quoi
sont désignés par plusieurs noms différents spécifiques
et qui veulent dire des choses
différentes c'est pas pour rien on confond pas innocemment
les noms peuple tribu république nation ethnie population

Quelqu'un qui aurait écrit ça dit Jim
même si je le détestais de tout mon cœur pour plein de raisons
pour d'autres choses qu'il a écrites
et tu sais combien je le déteste
may he rot in hell

Là vous riez quand même

Tu dis à Tréguier où j'étais voir ma pote
j'ai acheté pour te l'offrir quand on se verra
une tasse aux armoiries de la ville

Il poursuit quelqu'un qui aurait écrit ça je dirais quand même il a écrit ça
qu'aujourd'hui on n'arrive même plus à penser

Tu dis je sais pas en même temps on passe beaucoup de temps ici à nous reprocher
à nous autres qui cherchons
quelque chose
pas notre primitive sauvagerie pas notre douceur barbare
pas notre souveraineté pré-calibane
pas notre élévation mystique non
pas ça non plus
quelque chose mais quoi ?

Vous riez franchement
Une fine goutte d'eau se fige en stalagtite
tombe et raye la surface lisse
de la table années trente

de pas savoir faire la différence entre
traduction et politique
marche à pied et religion
spiritisme et poésie

signe de notre inconvenante grossièreté

Jim dit oui en même temps les mêmes s'embrouillent tout le temps
ce qui existe ou pas
comme une table qui tourne n'existe pas
années trente ou bien avant
ce qui ne l'empêche pas de parler à quelqu'un qui le veut vraiment

Tu dis mais tu sais il y en a beaucoup ici aujourd'hui
vraiment de plus en plus qui comprendraient ton propos
celui tu sais sur la fin du peuple inscrite dans son commencement
comme une bonne idée-tout-à-fait
opportune et commodément applicable
aux exogènes encombrants

Tu prends un numéro sur le site de la mairie
le matin tu sors tu accroches un numéro au vieux canapé tout
pourri
dehors sur le trottoir
ça lui donne un air amical au trottoir
ce serait bien qu'il puisse rester là tout d'un coup le canapé
il a maintenant un air de vieux chien d'avant
tu regrettes un peu d'en avoir un nouveau maintenant
tu as un peu honte devant le vieux abandonné mais tout à
l'heure quand tu t'assiéras
quand tu allongeras tes jambes sur le nouveau
flambant-présent canapé tu n'auras pas trop de mal
à effacer ce sentiment désagréable de mise au rebut d'un vieux
compagnon des bons et mauvais moments passés
Celui-ci tu essaieras de lui être fidèle de ne pas répéter les
erreurs commises avec l'autre
tu lui apprendras à ronronner
et au chat à ne pas faire ses griffes sur la belle toile qui le
recouvre
un bleu ciel follement chic
qui va très bien avec la pierre apparente du mur derrière

et d'autres qui la rejetteraient
tu poursuis
obstinément c'est le mot
persévérant pour la même raison au fond
en miroir en quelque sorte par imputation quoique
à bien y regarder parce que tous ces
les uns comme les
l'interpréteraient comme une sorte de
programme-justif
pour l'innommable en effet

Ah non pas lui cet homonyme
pourtant oui c'est le mot

obstination et innommable
le peuple et sa divinité
souffle le vieux canapé
sur le point d'être enlevé
par le service des encombrants de la voierie
du paquebot Ville de Paris
pour aller sur le Mississippi
disséminer les fils de son récit
d'esprit c'est fini les colonies
c'est fini

(texte Solica Hachuel et Rahel Varnhagen
musique Kurt Weill
arrangements James Baldwin)

est-ce qu'il y a une fin nommable ?
est-ce que le texte-patrie-portative nomme la fin nommable ?

Jim : oui ici aussi bien sûr
You wouldn't believe it
Alors que je pense que c'est quelque chose qui
valable pour toutes les
constitutions politiques pour la
pensée politique de manière générale
loin de moi
il insiste
de promouvoir une forme inédite plus ou moins
repoussante et honteusement
désirable d'exceptionnalisme
ou de prosélytisme
ou d'éclairagisme

Vous riez un peu trop fort
le téléphone est sur écoute vous le savez
depuis toujours depuis le temps où vous disiez de temps à autre
baleines bêtement narquoises avant d'être colonisées par une
armée de Jonas en route vers Tarse
pour échapper aux ordres de la divinité
d'aller chasser les Amerloques de Mossoul
Arrêtez de vous raser sur la ligne les renseignements généraux
vous disiez
j'explique pour les plus jeunes qui liront cette histoire
avant d'aller cracher des flammes
petits dragons en colère dansant dans le vent du printemps

Ça va dans le sens de destitution
concept italo-tarnacien primaire et secondaire
dit Jim

En ce moment ça tricote un peu
dans la semoule tu dis

Oui mais qui en ce moment ne tricote pas
un peu dans la semoule
il dit
étant donné
Oui oui tu dis
j'aime assez sinon
sauf un peu masculin si j'osais je dirais
viriliste-même-comment-dire
ça manque terriblement de
trouble-fête on dit n'aiment pas les jeunes filles
je crois que c'est une rumeur et puis la philatélie
moi ça m'ennuie
à part ça y a de la matière
mais un peu rocher tu frappes ça sonne dur
manque fluide
destitution sans fluide je sais pas comment ça
faut voir en même temps
détournements fluides on a connu ça on connaît même que ça
Oui justement
dit Jim

et beaucoup de nos contemporains seraient d'accord avec
qui n'entendent pas l'italien même
prémisses et conclusions ou pas d'ailleurs

autre possibilité est-ce que tu dis une qui maintient
fratile et destitue sans atteinte à
vie ni qualification de manière absolue c'est dire
à sans abjection est-ce qu'il
rejeter qualification pour côté vie
autre forme de gens à patrie-portative il y en a beaucoup
et gens à non pas cette inquiétude-là

toujours maintenu fratile qualifique tout en accrochant
à la vie ses locales-multiples tout en les
indétachables il ne faut l'oublier comme la peau qui respire
grain de poussière asthmatique

au contraire ?

avec détermination parfois inouïe

il ne faut pas au moment où

gens à patrie-portative ont presque complètement disparu

***

En lisant dans trois siècles
le procès-verbal des séances spirites qui rappellent
ces conversations
consignées en leur temps par les agents de la DGSE
les prochains habitants de la terre nos lointaines descendantes
conçues sous acide songent à cette anecdote
trouvée dans un recueil taoïste :

Un maître d'arts martiaux
parvenu à un âge très avancé
est défié au combat par le mieux entraîné de ses disciples
jeune homme plein de fougue et d'ambition qui dépasse en rapidité
fluidité souplesse anticipation invention
tous les autres élèves
Le maître place en lui beaucoup d'espoirs

Les autres disciples sont
scandalisés par l'outrecuidance
et plus encore l'inattendue et lâche cruauté du jeune champion
infliger au Maître cette défaite lui prendre cette trop facile victoire
indigne des vertus inculquées en même temps que l'art du combat
toutes et tous pressent le vieil homme renoncer à cette
confrontation il n'y a pas de honte répètent-ils
refuser un défi qui ne peut mener qu'au désastre

Impassible et souriant le maître
s'entraîne moins et médite désormais du matin au soir presque sans interruption
Au jour dit on vient de loin assister à l'humiliation

ça promet de l'émotion un inexplicable et secret
sentiment de revanche

et à la victoire
incarnation sanguinolente-comme-souvent temps nouveaux progrès avenir
ou improbable miracle-sec

Les adversaires sont appelés
sur la place les spectateurs retiennent
leur souffle l'air est électrique un enfant sanglote
sans savoir pourquoi

Le jeune mec est déjà en place le vieil homme arrive soutenu par deux
disciples tout le monde sait que c'est son dernier
combat il sourit en dodelinant ses soutiens s'éloignent
c'est la règle des larmes d'impuissance ruissellent roulements de tambour
annonce solennelle

Le crieur ne peut s'empêcher de rappeler disposition
forfaitaire qui n'entraîne ni réprimande ni sanction et serait tout à fait
admissible dans le cas présent message des autorités
de tutelle enfin c'est le silence les adversaires se font face
yeux dans les yeux

Alors très lentement pour ne pas se briser
dans sa descente
comme un grand oiseau décharné le vieil homme
se dépose à terre un membre après l'autre une articulation
après l'autre
comme un grand oiseau de soie blanche
comme un vêtement de soie vide
et douce qu'on étend sur le sol amical
et s'endort de tout son long

La foule a le souffle coupé
le jeune héros qui a lancé le défi n'en croit pas ses yeux
le crieur pousse un grand cri de joie

Le vieux maître l'a emporté
en maîtrise et détachement
fluidité douceur
implacable lenteur souriante
en lâcher-prise-voilà-ce-que-ça-veut-dire

Jo Mrelli

29.09.2025 à 15:53

Fourrures vernaculaires

dev
Texte intégral (793 mots)

De cités leurs mains et leurs fourrures
aiguilles lovées contre l'immense ciel
l'éclair avalé pour laver l'odeur de terre
l'odeur des mouches leur goût amer
soleil invisible chandelle mains héréditaires
avide la toute-brûlure faim de goudron faim de rites

Naissance nucléaire
poison des générations
tête évaporée ventre ouvert
hurlements fleurissant le champ du dicible
et les étoiles se souviennent du sang refusé

Lumière ô sale excroissance
patron de boue fétiche d'eau rance
cultivée sur des épaules des vertèbres tordues
avides arborescences rêvées
les bourgeons brûlent de chair

Mère

Pour qui ces serpents
ces yeux pourris ces cent puis ces mille morts

Tessure de sourire zébrure dans la nuit
fleurissent les sirènes les tanières
odeur de bouche goût de viscères

Mère

Ce jardin a des dents
j'entends ton amour tomber sur moi
ton odeur abandon racines dévotion
mes paupières te crachent mauvaise sève
mes paupières dorment sous la terre

Feu souterrain bonheur inhumé
qui parle les mots sans dents sans gorge
laisse m'être canicule de mensonge
ensemble plus terribles que soleil

Étoile en guise de bouche
seconde nuit sous la nuit
oubliée
ô faillite sabots de cauchemars
citadelles chandelles doigts de cire
ces feux sans offenses le rire transi
sourire où vas-tu chez nos ennemis

Des dents mon arbre généalogique nouveau
hémorragie onirique possession fragmentée
miettes d'extase aux commissures des lèvres
ouvre la chair
vierge
des anges
branches routes vernaculaires
résidence de toutes les ascensions

Membrane
ombre brûlée de nos ressentiments
voix anéchoïques coulant loin dans la discorde
non écrites les mémoires de la guerre portée
des hardes d'acier charnier sous les voûtes du crâne
(guerre) des mouches dans des cheveux propres
(guerre) des mouches dans des cheveux d'enfants

Chante enfant l'anonymat la viande
les mouches les ronces
récitent l'animal dans ta bouche
les livres les aiguilles plein
les yeux plein
la gueule

« Dans vallée où mes amants dorment
solitude après bruit épais
bougies plein intérieur
d'aveugler aux incendies »

Sacrée ! Sacrée ! Sacrée !
loin dans les tanières les coutelas
la foi sauvage lavée au feu
l'autel disparaît

« Dans vallée où mes amants rêvent
cosmogonies brisent sous terre
tout tour s'élèvent arbres-mondes
jusqu'à ce que nuit prenne feu »

Zèle ! Zèle ! Zèle !
milles phalanges défigurant le trône
la fourrure de la nuit
souffle les bougies du rite

Mère

Les temps qui m'ont sculptés
ont perdu de leur tranchant
le soleil qui fait longues les ombres
est passé par-dessus nous

Ne restent que le lait rance
des pierres tendres caresses fossiles
qui courent acharnées
sur nos yeux sans racines
sur la langue
odeur de mouches goût de terre
paupières de cendres
goût amer

Hiram Loriant

29.09.2025 à 15:26

Focus Blocus Gaza 2 : les évacuations

dev
Texte intégral (1308 mots)

Dans ce second volet de Focus Blocus, Arthémis Johnson met en perspective le discours d'Emmanuel Macron à l'ONU à l'occasion de la reconnaissance d'un État palestinien par la France et la politique d'accueil des réfugiés palestiniens qui tentent de fuir la mort depuis des mois.

Personne n'a eu le courage ou l'envie d'écouter le discours du président M. Le discours prononcé le lundi 22 septembre 2025 à la tribune de l'onu. Son discours qui justifie la reconnaissance de l'État de Palestine. Même pas le premier mot. Sauf les journalistes bien sûr. Je n'ai pas fait exception à la règle (je suis pas maso) mais une circonstance amicale a fait que je me suis penchée quand même sur un moment de ce discours. Une amie horrifiée m'a envoyé un extrait vidéo de la tribune au cours duquel le président M. se glorifie d'avoir accueilli des jeunes Gazaouis dans notre pays. Dans son discours, le président M. cite en exemple le nom et le prénom d'une jeune fille qui existe vraiment. Dans le discours, il dit qu'il l'a rencontrée. Cette jeune fille est la fille d'un dessinateur gazaoui. Toute cette famille a été évacuée vers la France, c'est vrai. Le président M. ne ment pas. Il apporte même une preuve sous la forme d'un nom propre de jeune fille pour prouver qu'il a fait preuve d'humanité. Une jeune fille qui a sans doute très médiocrement apprécié d'avoir son identité jetée en pâture à une audience télévisée mondiale.

Le président M. ne ment pas mais en fait il ment quand même. Il ment de ce type de mensonge très particulier : le mensonge par omission. Ne pas dire ce qui est ou alors seulement le dire partiellement. Rien de plus détestable en politique mais aussi dans les relations humaines que cette manière de dire/faire. Je déteste ça.

Ce moment du discours, il me reste en travers de la gorge.

Depuis le mois d'août 2025, le 1er aout, les évacuations des Gazaouis vers la France sont suspendues. Les jeunes, les moins jeunes, les enfants malades, les artistes, les enseignants, les chercheurs, les étudiants, etc., tout le monde reste bloqué dans les ruines sous les bombes, sans bouffe, sans flotte, avec, en plus la poussière des bombardements des tours d'immeubles depuis l'invasion de Gaza city, l'exode subi, forcé, les coupures d'internet etc. En cause : des propos jugés antisémites sur des réseaux sociaux écrits par une jeune évacuée. La jeune évacuée a été depuis foutue à la porte en raison de ces propos. Elle a été accueillie au Qatar. Le président M. n'est pas allé jusqu'à la renvoyer dans Gaza. Je rappelle ces faits pour mémoire. Pour mémoire, ça veut dire « pour plus tard ». Pour celles et ceux qui liront plus tard ces feuillets sur le blocus, quand seront oubliées une à une toutes ces péripéties innommables par lesquelles nous passons depuis octobre 2023 quand il est question de Gaza. « Memento-Blocus », donc.

Dans son discours, le président M. omet de mentionner l'arrêt des évacuations. Il omet aussi de mentionner toutes les tribunes qui s'égosillent depuis août pour réclamer dans ce pays que les évacuations reprennent. Des universitaires. Des journalistes. Des Gazaouis francophones, … J'ai recensé pas moins de 7 tribunes qui hurlent, soit pour accélérer les évacuations (avant août 2025), soit pour la reprise des évacuations (après août 2025). Alors même que le nombre d'évacuations organisées par la France a été microscopique. Des évacuations fondées sur des principes tout à fait discutables. J'aimerais bien qu'on me décrive en toute objectivité les critères d'évaluation d'un projet de recherche ou d'un projet d'écriture quand il est question d'évacuer une personne qui survit en territoire de mort, de famine et de persécution. Cette manière de faire, qui consiste à autoriser que seule une humanité qui sait écrire soit en mesure d'être « évacuée » de la mort, c'est intrigant. Ça pose un monde. Si je suis analphabète et/ou illettré, alors je ne peux pas écrire de projet pour être sélectionné, donc ? … etc…

On a même appris un jour grâce à une tribune qu'un « dossier » sélectionné pour l'évacuation en France est mort à Gaza avant d'être évacué. Un « dossier », c'est une » personne ». Ahmed Shamia, 42 ans. Je peux écrire ici que toutes celles et ceux qui se sont démenés, qui se démènent toujours pour organiser ces évacuations s'étranglent depuis août de rage, de désespoir, d'angoisse. Ils s'étranglent que les évacuations soient gelées. Les dossiers sont prêts. Les hébergements ont été trouvés. Les financements acceptés. Mais non, rien. Rien de rien. « Tout est bloqué ». « Toutes les évacuations sont bloquées ». Des voix éperdues demandent même de faire « profil bas » pour que le président M. ne persiste pas dans ce « gel » inique des évacuations. Traduction : faut pas attirer l'attention, faut rester discret. Parce qu'en plus, une meute médiatique fascistoïde guette . Les mêmes qui ont donné autrefois à la cagnotte pour soutenir le policier qui a tué à bout touchant Nahel sont là pour vociférer contre cet État qui fait entrer sur le territoire des réfugiés de Gaza. En off de off , on nous dit aussi que les évacuations vont peut-être reprendre, peut-être, peut-être pas, on nous dit que si on veut qu'elles reprennent, il faut qu'on continue de mobiliser l'opinion publique dans le bon sens. Oui, c'est la seule solution, sinon ça ne marchera pas, sinon le président M. ne bougera pas.

Arthémis Johnson, 23 septembre 2025.

Tribune « « Lauréats de Pause, un programme français d'accueil, des chercheurs et artistes palestiniens sont toujours bloqués à Gaza », 19 mai 2025.

Tribune « Les collaborateurs gazaouis des médias français sont en danger de mort, il faut les évacuer », 23 mai 2025.

Tribune du collectif « Ma'an pour les artistes de Gaza », « Le gel par la France des évacuations est tragique », 6 août 2025.

Tribune du collectif des « Universitaires avec Gaza », 10 août 2025

Tribune des étudiants de Gaza en francophonie, « « Nous, étudiants qui apprenons le français à Gaza, lançons un appel à la France », 3 septembre 2025.

Tribune « Laissez-nous accueillir nos confrères et consœurs palestiniens de Gaza », Appel de plus de 400 journalistes francophones, 8 septembre 2025

Tribune « 20 authors, including Viet Thanh Nguyen and Abdulrazak Gurnah, call on the French president to restart scheme to help creatives evacuate », 22 septembre 2025.

29.09.2025 à 15:22

Guerres et extractivisme : regards croisés depuis le Congo et le Soudan

dev
Texte intégral (3720 mots)

Le 23 mai 2025, Sudfa Media était invité par la Coordination Régionale Anti-Armements et Militarisme (région AURA) à venir discuter de la situation au Soudan et en République Démocratique du Congo avec Génération Lumière, une association d'écologie décoloniale et de solidarité internationale fondée par des jeunes Congolaises à Lyon. Si nous sommes très peu informés des guerres au Congo et au Soudan, cette discussion a permis de faire émerger autant les spécificités que les similitudes des deux conflits, ainsi que d'identifier la logique impériale transnationale à l'œuvre dans ces deux conflits. Quelques extraits.

Hamad (Sudfa) : Bonsoir tout le monde. Peut-être avez-vous entendu parler d'une guerre qui a commencé au Soudan il y a deux ans à peu près, qui témoigne de la fragilité de notre monde aujourd'hui. On est en train d'assister à une des catastrophes les plus graves au monde, dans un silence total. On parle de 80% des hôpitaux qui sont hors de service. On parle de 20 millions de Soudanais, soit la moitié de la population soudanaise, qui sont partis de leur foyer, soit à l'étranger, soit déplacées à l'intérieur du pays. On parle de 90% des Soudanais qui souffrent de la faim aujourd'hui dans les zones de guerre. On parle de 15 millions d'enfants qui n'ont pas pu être scolarisés depuis 2023. Donc voilà, on assiste à l'une des catastrophes les plus graves au monde : mais ce qui n'est pas normal dans tout ça, c'est le silence du monde entier.

Jordi (Génération Lumière) : Contrairement au Soudan, ce qui est assez particulier avec le cas du Congo, c'est que c'est un conflit très documenté. Ça fait plus de 30 ans qu'un groupe d'experts des Nations Unies, qui a 1 milliard de dollars de financement annuel, documente, chaque année, l'évolution du conflit... C'est dire un peu le caractère ubuesque de cette situation. Ça fait plus de 30 ans qu'ils le font, alors qu'au fond, la question congolaise est assez simple à comprendre. C'est purement une question de ressources, en fait. Ce qui se passe au Congo, c'est lié à ce qu'on appelle l'extractivisme. Les penseurs, les militants d'Amérique latine ont proposé ce concept pour expliquer que la fin des empires coloniaux n'a jamais mis fin à la logique impériale qui existait. Qu'est-ce que ça a été, fondamentalement, la logique impériale ? C'est d'avoir des pays-ressources, des pays greniers, qu'on va puiser jusqu'à ce qu'il n'y ait plus rien, pour bénéficier à un marché qui est totalement extérieur. En fait, l'extractivisme, c'est aller récupérer une ressource sur un territoire colonisé et en tirer de la valeur pour viser un marché extérieur. On va avoir des pays que l'on va enchaîner d'une certaine manière dans un marché international et à qui on va assigner des rôles, tout simplement.

Hamad (Sudfa) : Les guerres au Soudan comme au Congo témoignent de la manière dont les richesses naturelles d'un pays alimentent l'instabilité, au lieu que la population locale profite de cette richesse. Quand on parle de richesses au Soudan, on parle de l'or, on parle du pétrole, on parle des terres agricoles… C'est un pays stratégique, qui était frontalier avec 9 pays jusqu'en 2011, et qui a une ouverture vers la mer Rouge, qui est une zone très stratégique en termes militaires. Donc voilà, le conflit actuel n'est pas lié qu'aux raisons qu'on présente le plus souvent, quand on dit que c'est une guerre autour du pouvoir entre deux généraux. Cette guerre trouve ses racines dans l'époque coloniale, qui a largement participé à la division de la population soudanaise, à la stigmatisation de certaines parties de la population, et à la division raciale, ethnique et tribale du pays.
Les Anglais, qui ont colonisé le Soudan, ont adopté un système de ségrégation : ils ont divisé la population soudanaise, qui est multiculturelle, en deux catégories. La première, c'est ceux qui ont bien profité du système colonial et qui ont été considérés comme des alliés, qui ont profité de toutes les richesses du pays et des systèmes qui ont été mis en œuvre, et de l'autre côté il y a ceux qui ont été marginalisés. En accédant à l'indépendance du pays, on a constaté qu'il y avait deux sociétés qui étaient séparées l'une de l'autre. C'est pour ça que dès l'indépendance du Soudan en 1956, la guerre a éclaté dans le Sud, parce que des groupes ont pris les armes pour revendiquer la place des Soudanais du Sud au sein de l'Etat, pour dénoncer leur marginalisation et l'injustice. Et cette guerre-là, au fur et à mesure, a éclaté dans les quatre coins du pays, notamment le Darfour, la région du Nil-Bleu, des Montagnes Nouba et du Kordofan. Et ce type de guerre est toujours alimenté par d'autres raisons locales, et notamment écologiques. Dans le sens où il y a un groupe armé qui se forme quelque part au pays et qui essaie prendre le contrôle d'une terre et de ses ressources, mais toujours en lien avec un autre groupe ou un autre pays qui vient en aide de l'extérieur, cherchant à profiter de cette richesse-là.

Jordi (Génération Lumière) : Au Congo, la guerre s'est vraiment beaucoup centrée à l'est de la RDC, au moment où il y a eu ce qu'on appelle le « boom du coltan ». Le coltan, c'est l'un des minerais « clés » pour la production des matériels numériques. Sans coltan, on ne peut pas faire de cartes et de processeurs, on ne peut pas faire d'ordinateur, de téléphone, etc. Vers la fin des années 1990, c'est le boom d'Internet, le boom de toute une nouvelle génération de produits qui a besoin de cette ressource. Et le Congo possède près de 60 à 80% des réserves mondiales du coltan. Or, ce boom est arrivé au moment d'une transition politique en RDC. Pendant près de 32 ans, on avait Mobutu, celui qu'on appelait « l'ami des occidentaux », au pouvoir. A sa mort, on s'est posé la question de quel dirigeant politique allait récupérer ce marché énorme que représente le coltan et arbitrer les intérêts stratégiques du pays. Et c'est à ce moment-là que vont intervenir de nouveaux acteurs, essentiellement le Rwanda et l'Ouganda, qui sont les pays frontaliers à l'est du Congo. Dans cette région, les frontières sont poreuses, les populations ont l'habitude de circuler, et c'est assez simple de financer la possibilité pour des groupes d'entrer au Congo, et de récupérer les minerais qui y sont situés. Or le conflit permet de maintenir les prix de la ressource au plus bas, pour financer un marché qui est en train d'exploser.

Récolte à la main dans les mines de coltan à l'Est de la RDC. Source : GRIFF TAPPER-AFP

C'est à ce moment-là que va éclater ce qu'on a appelé la seconde guerre du Congo. La première, c'est la « guerre de libération », comme on l'appelle, c'est-à-dire la guerre qui va chasser Mobutu au pouvoir et qui va mettre Kabila à sa place. Puis la seconde guerre, ce qu'on appelle aussi la « première guerre mondiale africaine », c'est-à-dire une guerre entre des États frontaliers sur le territoire congolais pour des ressources congolaises, avec un bloc proche du gouvernement congolais, et un bloc proche des pays frontaliers. Ce qui va plus ou moins marcher, parce que Kabila va quand même résister. Puis à son assassinat, va se poser la question du maintien de cette partie-là de la RDC dans le giron de ces États frontaliers. Il faut donc trouver des explications qui vont paraître les plus légitimes, qui vont brouiller le conflit, c'est-à-dire mettre en avant la question ethnique pour expliquer qu'il existe des ethnies au Congo, au Rwanda et en Ouganda qui sont systématiquement discriminées, systématiquement écartées de l'appareil de l'État, qui sont même tuées, voire cannibalisées... on va pousser ce discours jusqu'à très loin, pour justifier le fait que ces États-là s'intéressent à ce qui se passe chez les voisins et peuvent ainsi intervenir pour protéger les intérêts de ces ethnies. Il faut se rappeler le contexte des années 1990, c'est une décennie qui a vu un très grand génocide, le génocide des Tutsis au Rwanda, et donc forcément sur la scène internationale, l'État rwandais qui proclame défendre l'intérêt de ceux qui ont été victimes, forcément, est légitime dans son intervention dans un pays voisin.
Et entre temps, ce qui s'est passé, c'est qu'on a eu une extrême militarisation du conflit, avec des bandes armées qui massacrent partout. Jusqu'à maintenant, on a eu plus ou moins 6 millions de morts en 30 ans sur cette région. A l'époque des années 1990, il y avait 5 ou 6 bandes armées ; aujourd'hui, on en a plus de 200. Pourquoi ? Dans cette région frontalière, il y a énormément de mines d'or, de coltan, d'étain, etc. Et une partie de ces milices, de ces chefs seigneurs de guerre, vont au Congo parce que c'est plus facile de récupérer les minerais. Ça ne demande pas d'efforts industriels, il ne faut pas forer, il ne faut pas passer par des grandes entreprises, pour pouvoir s'enrichir. Le coltan est récolté de manière artisanale, à la pelle. Donc l'essentiel de l'activité du coltan n'est pas du tout dans les mains de l'État, c'est fait de manière clandestine.

En 2020, on a découvert que le Congo n'était plus le premier producteur du coltan mondial, il venait d'être dépassé de quelques milliers de tonnes de plus. Le Rwanda est devenu, du jour au lendemain, le premier producteur de coltan mondial, en produisant près de 4 000 à 5 000 tonnes par an. Et donc la question est apparue : est-ce que ce n'est pas la contrebande des minerais congolais qui explique cette exploitation-là ? On s'est alors rendu compte que parmi les États internationaux, c'était un secret de polichinelle. Tout le monde savait, en réalité, que le Rwanda était devenu une plaque tournante de minerais récupérés au Congo. Ça va même plus loin. C'est-à-dire qu'en fait, jusqu'à aujourd'hui, il n'y a aucune entreprise du numérique qui peut certifier, vraiment preuve à l'appui, que ces minerais de coltan qu'il y a dans les produits ne proviennent pas de ces zones de guerre. C'est dramatique.

Hamad (Sudfa) : Au Soudan, les divisions créées à l'époque coloniale, ça a créé un État qui est très faible depuis l'indépendance et qui a ouvert grand la porte pour que les puissances impérialistes puissent intervenir dans les affaires soudanaises. Souvent, ça se fait à travers des alliances qui ont pour objectif de soutenir le gouvernement en place afin qu'il puisse faire profiter à d'autres des richesses naturelles du pays. Ou alors, les pays extérieurs poussent des groupes locaux à prendre les armes et créer un conflit armé en leur promettant de contrôler cette région-là un jour, pour pourvoir profiter richesses de cette région-là.

Quand on parle des puissances impérialistes qui interviennent au Soudan et qui créent l'instabilité, on parle des puissances classiques, l'Allemagne, la France et tous les pays occidentaux, qui fabriquent des composants militaires retrouvés dans les armes utilisées par les miliciens des Forces de Soutien Rapides (FSR). Mais dans le cas du Soudan, il y a d'autres puissances impérialistes qui sont beaucoup plus discrètes et silencieuses, mais qui interviennent de manière très brutale. Et notamment les pays du Golfe, qui ont tout un tas d'intérêts au Soudan, que ce soit pour des raisons géopolitiques, économiques ou sécuritaires. Les Emirats Arabes Unis, qui sont le premier soutien financier et fournisseur d'armes des FSR, cherchent à s'accaparer les terres agricoles et le bétail du Soudan car ils manquent de terres arables et veulent garantir leur autonomie alimentaire dans le contexte du réchauffement climatique. Ils profitent également, avec l'Egypte et la Russie, de la contrebande de l'or en provenance des mines d'or contrôlés par les FSR au Darfour. Il y a tous ceux qui vendent des armes à l'armée soudanaise ou aux milices (du matériel russe, chinois, turc, ukrainien), ou encore des mercenaires colombiens qui ont été recrutés par les Emirats Arabes Unis pour combattre parmi les FSR. Toutes ces puissances-là cherchent depuis toujours à imposer leur agenda, contrôler le pays, profiter de ces richesses naturelles et en même temps intervenir dans les affaires soudanaises.
La guerre qui a éclaté en avril 2023 n'est pas une guerre des Soudanais entre eux. C'est une guerre par procuration entre ces différentes puissances. Par exemple, entre l'Egypte et l'Ethiopie, qui sont en conflit autour du barrage de la Renaissance sur le Nil : au lieu de s'affronter directement, chacun soutient l'une des deux armées qui s'affrontent au Soudan.

Jordi (Génération Lumière) : Un autre ressort de la logique impériale de l'extractivisme, c'est, au niveau politique, de bloquer l'appareil de l'État. L'objectif de l'économie extractiviste, c'est que l'essentiel de la richesse dépende d'un seul secteur d'activité. On va donc avoir une forme de militarisation de l'économie. Au Congo, par exemple, les zones où les ressources sont exploitées sont des zones auxquelles même les populations locales ne peuvent pas avoir accès. C'est barricadé, c'est militarisé, ou alors en proie aux conflits armés. Et malheureusement, le danger de l'extractivisme et la logique impériale, c'est qu'elle est très rarement démocratique. Elle finit par se limiter à des logiques d'alliance et de pouvoir. Donc, ce qui se passe avec le Soudan, c'est exactement ce qui se passe au Congo. Plus on a besoin d'un État pour ses ressources uniquement, moins il y aura de démocratie. On le voit notamment avec les pays pétroliers. Et même ici en France, on le voit : plus il y a des projets qui sont liés avec une industrie d'extractivisme, moins il y a de consultations publiques. Plus il y a des manigances, moins il y a de démocratie. Et ces logiques-là sont simplement plus opaques ailleurs, parce qu'il y a une question de racialisation. On explique qu'au fond, ces populations-là, si elles meurent, si elles souffrent, ce n'est pas si grave que ça. C'est cette racialisation qui va permettre de faire beaucoup plus de choses de manière beaucoup plus libérée, et presque sauvage. C'est-à-dire du travail forcé, faire travailler des mineurs, des viols de masse, financer des groupes armés, etc.

Soldats des Forces de Soutien Rapide. Source : The Cradle.

Hamad (Sudfa) : Ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas de demande de démocratie par les populations locales. En 2018, il y a une mobilisation révolutionnaire qui a éclaté au Soudan. Cette mobilisation a apporté un grand espoir pour les Soudanais, pour mettre fin au régime qui est resté au pouvoir pendant 30 ans. Cette mobilisation a été extraordinaire en termes de revendications et d'organisation. Mais elle a fait face à beaucoup de défis : on a hérité d'un système où l'appareil d'État ne fonctionne plus, d'un système économique très fragile et d'une société divisée et en guerre dans les quatre coins du pays. Même si elle a pu mettre fin au régime d'Omar El-Béchir, la mobilisation n'a pas pu atteindre son objectif de départ, qui était : « Paix, Justice et Liberté ».

Parce que l'ancien dictateur a créé un système militaire qui avait pour objectif de servir les intérêts du régime. Ainsi, l'armée n'est pas indépendante de l'Etat : elle intervient de manière très brutale dans le système politique, dans le système économique, et l'armée contrôle l'ensemble du pays, avec tous ses aspects politiques, économiques etc. Ensuite, c'est une armée qui est composée de plusieurs unités, dont des groupes paramilitaires comme Forces de Soutien Rapide (les FSR). La milice des FSR a été créée à l'époque de la guerre au Darfour en 2003 pour faire le travail que l'armée soudanaise n'a pas envie de faire : le massacre, nettoyage ethnique et le déplacement massif de la population du Darfour. Les FSR ont pu faire ce travail-là avec le soutien de certains pays étrangers, et notamment de l'Union Européenne, à travers le processus de Khartoum. Il s'agit d'un accord qui a été signé en 2014 entre le gouvernement soudanais et l'Union Européenne pour contrôler l'immigration vers l'Europe, à la frontière entre le Soudan et le Libye. Le contrôle de la frontière a été délégué par l'armée soudanaise aux FSR, qui ont pu profiter du soutien technologique et financier de l'Union Européenne. Et c'est une des raisons pour laquelle les FSR ont pu devenir une force ou une puissance militaire bien plus forte que l'armée soudanaise, si bien qu'en 2023 ils se sont retournés contre l'armée pour prendre le pouvoir à sa place. Donc voilà, ça c'est ça c'est une des raisons actuelles de la guerre, qui est une guerre autour du pouvoir, entre deux généraux, qui se battent pour leurs intérêts personnels, mais aussi les intérêts des différents pays qui les soutiennent.

Jordi (Génération Lumière) : Les Etats européens sont aussi impliqués dans le conflit à l'Est du Congo, par le soutien militaire dispensés à l'armée rwandaise. L'État français a des accords de coopération avec l'Etat rwandais, ce qui fait qu'une partie des militaires font leur formation en France.
Aujourd'hui, par rapport à ce qui se passe au Congo, la difficulté de ce conflit, c'est que même la « transition verte » a été repensée pour nous expliquer que cette transition écologique ne doit se penser qu'à travers un progrès numérique. On nous dit que l'extrême numérisation est la seule condition pour connaître une vraie sortie des énergies fossiles. C'est une justification directe d'un élargissement du conflit à l'Est du Congo. Pourquoi je dis ça ? Parce qu'au final, vu que cette demande en minerais est importante, l'argent qui est en jeu est énorme. Donc il faut faire une forme de solution finale, c'est-à-dire trouver une manière de s'installer définitivement sur le territoire qui en possède près de 60 à 80% des réserves. Ça semble logique. Et depuis février 2024, on a des groupes armés, deux essentiellement, qui sont directement financés par l'État rwandais, qui se sont mis à prendre des territoires avec pour objectif de s'installer définitivement et de chasser l'État congolais de toute la région du Kivu.

C'est un conflit qui doit nous interpeller, car en réalité, ce n'est pas possible d'imaginer, au niveau international, un monde qui prônerait la fin des énergies fossiles et une transition écologique, sans que ce qui se passe au Congo soit résolu. C'est pour ça que la situation congolaise est particulière, parce qu'elle démontre vraiment les dégâts de l'extractivisme comme modèle économique et comme modèle géostratégique, mais aussi parce qu'elle nous engage tous. C'est au profit d'un certain marché, d'un certain confort qu'on va essayer de maintenir cette situation. Mais c'est aussi en raison du maintien de cette situation qu'ici aussi, en Europe, on aura du mal à sortir d'un monde, d'un modèle que l'on dénonce de plus en plus. (…)


Ces extraits que nous avons choisi de publier de la discussion discussion croisée sur les conflits actuels au Congo et au Soudan mettent en lumière l'interdépendance de l'économie mondiale avec celle de l'extractivisme, une activité qui repose sur l'exploitation des ressources et des populations. C'est l'héritage d'un ordre colonial et racial qui justifie l'intervention étrangères dans ces zones, ainsi que l'opacité et la violence des actions perpétrées pour maintenir cette économie. Pour nous à Sudfa, il est important de penser les enjeux locaux tout en gardant un regard international qui permet de mettre en lumière les logiques globalisées du capitalisme colonial, ainsi que les voies de solidarités entre les peuples.

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