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06.11.2024 à 06:44

États-Unis : « … and justice for all », vraiment ?

Anne E. Deysine, Professeur émérite juriste et américaniste, spécialiste des États-Unis, questions politiques, sociales et juridiques (Cour suprême), Université Paris Nanterre – Université Paris Lumières

Depuis les années 1980, la droite radicale multiplie les efforts pour prendre durablement le contrôle de la branche judiciaire. Avec un succès notable dans la période 2017-2021…
Texte intégral (2134 mots)

Quels que soient les résultats définitifs des élections américaines (au pluriel, car les élections au Sénat et à la Chambre sont tout aussi importantes que la présidentielle), la coloration idéologique des juridictions fédérales et de la Cour suprême – dont six des neuf juges nommés à vie actuellement en poste sont des conservateurs – en constitue un enjeu central et insuffisamment souligné.

Dans son dernier ouvrage, « Les juges contre l’Amérique. La capture de la Cour suprême par la droite radicale », qui vient de paraître aux Presses universitaires de Paris Nanterre, l’américaniste et juriste Anne Deysine décrypte les efforts déployés depuis les années 1980 par la droite radicale en vue d’accroître son emprise sur le pays. Des efforts en bonne partie couronnés de succès à présent que la Cour suprême penche très nettement à droite, notamment parce que Donald Trump a pu, durant sa présidence, y nommer trois juges – Neil Gorsuch, Brett Kavanaugh et Amy Coney Barrett – qui avaient été préselectionnés par le puissant lobby ultraconservateur Federalist Society, dirigé par Leonard Leo, un juriste peu connu du grand public avant 2016. Extraits.


La galaxie Leo

Parmi les nombreux groupes ad hoc qui constituent « la galaxie Leo », le plus important, la Federalist Society, est un groupe 501(c) (selon la nomenclature du Code des impôts) à but non lucratif qui, à ce titre, jouit d’un régime fiscal favorable. Mais ces groupes peuvent se coordonner avec d’autres groupes, les 501(c), ouvertement impliqués en politique.

Ainsi, deux des bras armés de Leo, le Judicial Crisis Network (JCN) et le Judicial Education Network (JEN), sont financés par des dons anonymes de plusieurs millions de dollars chaque année dont l’origine, toujours dissimulée, est liée aux financeurs de Leo. Ils ont dépensé 7 millions de dollars pour bloquer la candidature à la Cour suprême en 2016 de Merrick Garland, le candidat pourtant très modéré proposé par le président Obama après le décès du juge [conservateur] Scalia.

Ces mêmes groupes ont ensuite dépensé plus de 10 millions de dollars pour soutenir la candidature de Neil Gorsuch, nommé par Trump dès son entrée en fonction en janvier 2017. En 2021, JCN, devenu le Concord Fund, a dépensé plusieurs millions de dollars pour discréditer la candidate à la Cour suprême, Ketanji Brown Jackson, première juge afro-américaine, nommée par le président Biden pour succéder au juge Breyer qui avait été poussé à la démission.

[…]

Les organismes et groupes de la galaxie Leo sont nombreux et ont pour première caractéristique de porter des noms le plus souvent trompeurs ou qui suggèrent l’inverse de la réalité.

Ainsi, le projet pour des élections honnêtes (Honest Elections Project), ou le réseau pour l’intégrité électorale (Restoring Integrity and Trust in Elections) ont pour objectif affiché de restaurer l’intégrité et la confiance dans les élections alors qu’ils cherchent en réalité à instiller le doute et la méfiance sur les élections et le processus électoral. Ils ont notamment diffusé de fausses informations sur la fraude électorale dans l’élection de 2020, démenties par les études dont celle du Brennan Center. Quant au groupement Students for Fair Admission (Étudiants pour des procédures d’admission justes) créé par Edward Blum, il lutte activement contre toute prise en compte de facteurs raciaux pour l’entrée à l’université et est à l’origine de plusieurs contentieux dans lesquels il a obtenu gain de cause.

On peut également mentionner la Fondation juridique pour l’intérêt public (Public Interest Legal Foundation ou PILF) qui, contrairement à son nom ronflant, travaille à faire adopter des restrictions sur le droit de vote et à procéder à des radiations d’électeurs destinées à affecter de façon disproportionnée les membres des minorités qui ont tendance à voter pour les Démocrates. Ou encore l’Institut Claremont pour la jurisprudence constitutionnelle (Claremont Institute Center for Constitutional Jurisprudence) et le célébre groupe ALEC (American Legislative Exchange Council ou Conseil américain pour les projets législatifs) créé par les milliardaires frères Koch (qui possèdent, entre autres, la chaîne d’hypermarchés Walmart).

ALEC produit des projets de loi clés en main que les législatures des États n’ont plus qu’à adopter, aussi bien pour limiter le rôle des syndicats que pour saper le droit de vote. Il ne faut pas oublier dans cette liste le groupe Citizens United, à l’origine de l’action en justice qui a permis la dérégulation des financements électoraux en 2010.

Tous ces groupes partagent des locaux communs, les mêmes boîtes postales et les mêmes cabinets d’avocats. Leurs fonds proviennent des mêmes financeurs qui leur font passer les sommes nécessaires pour organiser leur stratégie juridictionnelle et « monter » les affaires. Ce sont eux qui mettent en musique la composante judiciaire de la stratégie tous azimuts de la droite.

Le volet juridictionnel

En matière de nominations, la Federalist Society participe de près à la sélection des futurs juges et orchestre des campagnes de publicité pour ou contre les candidats ; mais ce n’est que le premier volet de sa stratégie. Leo et d’autres comme Edward Blum (à la tête de Students For Fair Admissions qui combat tout dispositif préférentiel – Affirmative Action), David Bossie (groupe Citizens United) ainsi qu’une constellation de groupes jouent depuis vingt ans un rôle tout aussi essentiel mais moins visible et moins connu.

Ils sont très actifs en sous-main pour susciter et soutenir les contentieux adéquats afin de faire cheminer des affaires jusqu’à la Cour suprême pour tenter d’obtenir un revirement de jurisprudence, la dégradation de certains droits ou le renforcement de certains autres comme le port d’armes ou la liberté religieuse. Un moyen complémentaire consiste à noyer la juridiction suprême sous une avalanche de pétitions amicus curiae coordonnées et financées par la galaxie Leo.

La réussite de ces stratégies se lit dans les chiffres : plus de 80 décisions de la Cour Roberts [du nom du conservateur John Roberts, président de la Cour suprême – Chief Justice – depuis 2005] sont partisanes et ont, à partir de 2006, été rendues à cinq voix, celles des « Républicains » contre quatre, celles des progressistes, avant l’arrivée d’Amy Coney Barrett en 2020. Elles éliminent toute contrainte en matière de financement des élections (Citizens United v. FEC) et sur les donations anonymes (AFPF v. Bonta) tandis que d’autres affaiblissent les contre-pouvoirs, notamment ceux des syndicats (Janus v. AFSCME) ou des agences à pouvoir réglementaire (Seila Law v.CFPB et West Va. v. EPA) ; ou renforcent le port d’armes (devenu « droit individuel » dans District of Columbia v. Heller en 2008).

Avec la super majorité de droite, la Cour a pu invalider en 2023 les mécanismes d’Affirmative Action visant à la diversité à l’université (Students for Fair Admissions v. Harvard et Students for Fair Admissions v. North Carolina).

Les opérations permettant de restreindre certains droits et d’affaiblir l’État-providence ont continué durant la session 2023-2024.

Les stratégies juridictionnelles : mode d’emploi

Dans un fonctionnement normal de la justice, un plaignant saisit la justice pour obtenir gain de cause. Mais la droite a perverti le système et chaque étape est instrumentalisée.

Pour les groupes de la galaxie Leo, la première étape est l’identification d’un contentieux posant les bonnes questions de droit, quitte à les susciter. Puis il s’agit de trouver des requérants possibles qui, le plus souvent, n’auraient pas pensé à aller en justice et qui sont des instruments « écran » ou des cobayes en vue d’un objectif précis, faire évoluer le droit dans le sens souhaité par la droite radicale.

Le demandeur idéal sera, selon les cas, un État, un individu (M. Janus), un comté (Shelby), une fédération d’entreprises (NFIB pour la loi ACA et l’obligation de vaccination) ou un groupe (New York State Rifle ; Pistol Association pour l’affaire de port d’armes dans l’État de New York). Et lorsque le premier plaignant ne convient pas ou se retire, il suffit d’en trouver un autre.

Ainsi dans l’affaire Janus concernant les droits des syndicats à collecter certaines contributions auprès des non-syndiqués, le premier requérant, un gouverneur républicain, n’est pas parvenu à établir le préjudice subi (une des conditions requises) et donc son intérêt à agir (standing). Les groupes sortirent donc de leur chapeau un certain M. Janus, aide-soignant à domicile, qui devint la figure de proue et le porte parole de cette affaire devenue emblématique. Il a été récompensé par une sinécure au sein d’une fondation amie et est maintenant Senior Fellow au Liberty Justice Center qui bénéficie du soutien financier de la galaxie Koch, qui avait elle-même intenté l’action devant la Cour suprême. […]

Les attaques contre le droit de vote

La décision Shelby de 2013 invalide les dispositions anti-discriminations de la loi sur le droit de vote de 1965. Malgré la résistance des quatre juges progressistes et l’opinion dissidente rédigée par la juge Ginsburg, lue par elle devant ses collègues et le public, le droit de vote n’est plus protégé. Les conséquences ne se sont pas fait attendre : les législatures des États dirigées par les Républicains se sont engouffrées dans la brèche.

Ainsi depuis 2014, dans plusieurs États, les Républicains ont adopté ou tenté de mettre en place toutes les dispositions possibles d’entrave au vote (voter suppression) de manière ouvertement discriminatoire : exigence d’une pièce d’identité spéciale, fermeture de bureaux de vote dans les quartiers habités par les minorités, limitation du nombre de jours de vote anticipé, et ainsi de suite. Ils ont continué avec 399 textes restrictifs du droit de vote déposés en 2022 (chiffres du Brennan Center).

Depuis la défaite de Donald Trump en 2020 et son refus de reconnaître la victoire de Joe Biden, divers mécanismes visant à permettre aux trumpistes de voler l’élection (election subversion) ont aussi été adoptés pour placer des partisans là où des personnels (élus ou administratifs) indépendants ont pu et su résister aux pressions en 2020, comme Brad Raffensperger, secrétaire en charge des élections en Géorgie, qui avait refusé de « trouver » les 11 780 voix demandées par Trump lors d’un appel téléphonique qui a été enregistré.

Raffensperger a remporté l’élection primaire et a été réélu à son poste mais beaucoup d’autres, confrontés à un adversaire pro-Trump niant les résultats, ont perdu ; les nouveaux élus trumpistes à ces postes feront ce qui leur est demandé et non ce que requiert la Constitution.

The Conversation

Anne E. Deysine ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

04.11.2024 à 17:21

Radiographie des sept États pivots au cœur de l’élection américaine

Mario Del Pero, Professeur d’histoire internationale, Sciences Po

Les enjeux économiques sont au cœur de la campagne présidentielle américaine. La diversité des situations socio-économiques des États clés rend l’issue du scrutin encore plus incertaine.
Texte intégral (2611 mots)

Cette année, sans surprise, la présidentielle américaine se jouera une fois de plus sur le vote des fameux « swing states ». Kamala Harris et Donald Trump consacrent tous leurs efforts à convaincre les électeurs indécis de ces quelques États pivots. Alors que la course est particulièrement serrée, les questions économiques constituent le principal facteur pouvant faire basculer les votes d’un camp à l’autre.


Le système d’élection du président des États-Unis n’est qu’un des nombreux anachronismes d’une démocratie obsolète et en déclin.

Suivant un suffrage universel indirect, les États désignent au total 538 grands électeurs qui composent le collège électoral chargé d’élire le président. Le nombre de grands électeurs est équivalent à la somme des sénateurs et des représentants de chaque État, plus trois représentants du district de Columbia. Il s’agit souvent de sympathisants, élus locaux ou lobbyistes choisis par les partis pour leur fidélité.

Afin d’élire leurs représentants au collège électoral, quarante-huit des cinquante États adoptent le système du « winner-takes-all » (« le gagnant rafle la mise ») : le candidat qui remporte le vote populaire obtient tous les grands électeurs de l’État. Deux États, le Nebraska et le Maine, utilisent un modèle différent appliquant une part de proportionnelle : deux grands électeurs sont attribués au vainqueur de l’État, tandis que le reste – trois grands électeurs pour le Nebraska et deux pour le Maine – est distribué en fonction des résultats aux élections dans les circonscriptions électorales. Par exemple, dans un Nebraska majoritairement républicain, un grand électeur peut être attribué aux Démocrates.

Or, les dysfonctionnements de ce système sont nombreux.

D’une part, le poids d’un vote varie considérablement d’un État à l’autre. En effet, chaque État élit, en plus de ses représentants (dont le nombre est proportionnel à sa population) deux sénateurs – et cela, indépendamment de sa population. C’est ainsi que le Wyoming, qui compte 580 000 habitants, envoie au collège électoral trois grands électeurs (car il dispose de deux sénateurs et d’un représentant), soit environ 1 pour 193 000 habitants ; tandis que la Californie, État le plus peuplé du pays avec plus de 39 millions d’habitants, en envoie 54, soit 1 pour 722 000 habitants. Dès lors, le vote d’un habitant du Wyoming pèse près de quatre fois plus que celui d’un Californien.

D’autre part, il est tout à fait possible de largement remporter le vote populaire et de ne pas être élu président, comme cela s’est produit pour les candidats démocrates Al Gore en 2000 et Hillary Clinton en 2016. C’est pour cette raison que ce qui sera scruté au premier chef lors de la longue soirée électorale qui s’annonce, c’est la situation dans chacun de ces États pivots qui vont faire basculer la victoire dans un camp ou dans un autre…

Rôle décisif des fameux « swing states »

Tous les observateurs s’accordent à penser que la plupart des 50 États sont largement acquis soit à Kamala Harris, soit à Donald Trump. Ces États-là demeurent donc en marge de la campagne électorale. L’essentiel se joue dans les « swing states » – et c’est naturellement là que les deux candidats concentrent leurs efforts et ressources.


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Lors de ces élections, sept « swing states » sont au centre de l’attention générale :

  • Trois dans le Midwest : le Wisconsin, le Michigan et la Pennsylvanie.

  • Deux dans le Sud : la Géorgie et la Caroline du Nord.

  • Deux dans le Sud-Ouest : l’Arizona et le Nevada.

Les chercheurs se demandent depuis longtemps pourquoi certains États sont plus contestables que d’autres – en d’autres termes, pourquoi certains deviennent des « swing states » et d’autres non. Différents paramètres sont étudiés : les facteurs socio-économiques, le niveau d’éducation, l’histoire, la tradition, la densité et la concentration de la population.

La réponse reste toutefois insaisissable, rendant toute prévision difficile. Par exemple, il y a seulement huit ans, peu de personnes auraient imaginé que des États tels que l’Ohio et la Floride perdraient leur statut d’État clé. À l’inverse, la Géorgie, l’Arizona et la Caroline du Nord, longtemps fermement acquis aux Républicains, le sont devenus.


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Le défi pour les candidats est donc immense. Ils doivent élaborer un message à la fois local et national, en répondant aux attentes spécifiques de ces États clés sans aliéner l’ensemble de l’électorat.

Caractéristiques communes des sept « swing states » de 2024

Les sept « swing states » de 2024 partagent certaines caractéristiques générales. Ils reflètent en grande partie la polarisation politique et idéologique nationale. Leurs populations, à l’exception de celle du Nevada (en queue de classement), affichent des niveaux d’éducation (diplômes secondaires et universitaires) proches de la moyenne nationale.

Ils se caractérisent également par la densité et la concentration de leur population. S’y côtoient de grandes agglomérations métropolitaines, des banlieues proches, des zones intermédiaires entre banlieues et régions rurales (ce qu’on appelle les zones exurbaines) et, enfin, des zones rurales dans le Midwest et le Sud, ou des régions désertiques et montagneuses dans l’Arizona et le Nevada.

Les cas de ces deux derniers États sont particulièrement frappants. En Arizona, plus de 60 % de la population est concentrée dans le comté de Maricopa, l’un des quinze que compte l’État, et où se trouve Phoenix. Au Nevada, qui compte quinze comtés, près de 75 % de la population vit dans le seul comté de Clark, où se situe Las Vegas. À noter cependant que ce clivage se retrouve à des degrés divers dans les cinq autres « swing states ».

Par ailleurs, la combinaison, dans ces États, de nouvelles implantations industrielles, d’un niveau élevé d’immigration et d’une disponibilité limitée de terrains résidentiels exerce une pression considérable sur le marché immobilier, entraînant une flambée des prix et une hausse de l’endettement des ménages pour couvrir les loyers et les hypothèques. En Arizona et au Nevada, par exemple, les familles consacrent en moyenne près de 40 % de leurs revenus au remboursement de prêts hypothécaires, soit presque le double de la moyenne nationale.

La crise du logement est ainsi devenue un enjeu central de la campagne électorale : Kamala Harris promet la construction de 3 millions de nouveaux logements et de généreuses subventions pour les primo-accédants, tandis que Donald Trump, avec une de ses hyperboles typiques, garantit que le problème sera résolu par l’expulsion de millions d’immigrés « illégaux » et la libération des logements qu’ils occupent.

Les réponses inégales de ces États face aux transformations des systèmes productifs

Outre ces similarités, les « swing states » de 2024 présentent des caractéristiques socio-économiques distinctes qu’il convient de souligner.

S’ils présentent chacun des particularités, les États clés – à l’exception de l’Arizona – connaissent une reprise économique lente après le choc du Covid-19, ainsi qu’une réponse différée – en termes d’emploi et de croissance – aux vastes plans d’investissements publics et de subventions mis en place par l’administration Biden. La Pennsylvanie et le Wisconsin illustrent bien cette situation : dans ces deux États, 40 % de la population vit dans des comtés où, début 2023, le PIB n’avait pas encore retrouvé son niveau de 2019, tandis que la moyenne nationale atteignait 20 %.

Durant la période de la pandémie et son après-coup, l’Arizona est le seul État clé à avoir connu une forte croissance économique. Le PIB par habitant a augmenté de 13 % entre 2019 et 2023, soit plus du double de la moyenne nationale. Cette dynamique est liée à une croissance régionale plus large, observable également dans le Texas voisin, alimentée par les services avancés notamment dans l’informatique, la finance et la biomédecine, le boom de la logistique, et des processus de délocalisation interne qui ont poussé certaines grandes industries à transférer une partie de leur production vers des régions offrant une législation plus favorable, une main-d’œuvre bon marché (en partie grâce à l’immigration) et des syndicats faibles ou inexistants.

Le Nevada a également profité de ces dynamiques, bien que les effets positifs sur la croissance et l’emploi aient été atténués par l’impact sévère du Covid sur son secteur primaire, le tourisme.


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Quant aux trois États du Midwest, ils constituent des exemples emblématiques d’un pays frappé par les processus interdépendants de délocalisation, de désindustrialisation et de mondialisation. Si certaines régions ont réussi à renouveler leur secteur économique, à l’instar de celle de la ville de Pittsburgh, en Pennsylvanie – ancien grand centre sidérurgique devenu un hub de secteurs dynamiques comme la recherche médicale, la finance et les communications –, d’autres peinent toujours à se relever.

Dans certaines villes historiques, la population a été divisée par deux ou plus en quelques décennies – les habitants cherchant à fuir une économie locale en berne. Par exemple, la ville de Detroit, qui a vu naître l’industrie automobile, est passée de 1,5 million d’habitants dans les années 1970 à un peu plus de 600 000 aujourd’hui. En Pennsylvanie, une partie de la population fonde désormais ses espoirs sur l’industrie extractive du gaz naturel, bien que celle-ci soit controversée en raison des techniques utilisées (telles que le fracking) et de son impact environnemental.

La Caroline du Nord et la Géorgie se distinguent également par des caractéristiques spécifiques. En Géorgie, la région métropolitaine d’Atlanta continue de croître et s’impose comme un centre de services et d’affaires pleinement intégré aux processus de mondialisation, abritant des entreprises historiques telles que Delta, Coca-Cola, CNN, Home Depot et UPS, ainsi que des acteurs plus récents dans les secteurs de la finance, des communications et des batteries pour véhicules électriques.

En Caroline du Nord, l’État a beaucoup investi dans le développement du « triangle de la recherche » – un pôle regroupant trois grandes universités de recherche (Duke, UNC et NC State) et incubateur de nombreuses innovations de haute technologie – qui a transformé le profil socio-démographique de l’État en attirant des travailleurs qualifiés et éduqués, rendant l’État plus compétitif pour les démocrates. Bien qu’entre 1964 et 2020, Barack Obama a été le seul Démocrate à remporter la Caroline du Nord en 2008.

La plus grande agglomération de l’État, Charlotte, a vu sa population passer de moins de 1 million à près de 2,5 millions d’habitants en moins de vingt ans. Entre 2019 et 2023, la performance économique de la Caroline du Nord a été positive et supérieure à la moyenne nationale. Cette croissance reste toutefois inégale, avec un pourcentage élevé de comtés qui ne bénéficient pas de cette prospérité et où Donald Trump reste très populaire.


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Les matrices socio-économiques ne sont qu’un des facteurs expliquant les choix électoraux. L’avortement et les droits reproductifs, l’immigration, l’environnement, les minorités ethniques comme l’électorat arabo-américain dans le Michigan – ou la politique étrangère joueront également un rôle déterminant. Cependant, les sondages montrent que, cette année encore, les questions économiques restent le facteur principal influençant les décisions des électeurs.

The Conversation

Mario Del Pero ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

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