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31.03.2025 à 16:25

Le retour en force de l’Arabie saoudite sur la scène diplomatique mondiale

Myriam Benraad, Responsable du Département International Relations and Diplomacy, Schiller International University - Enseignante en relations internationales, Sciences Po

Comment le prince héritier saoudien Mohammed Ben Salmane est-il parvenu à repositionner Riyad au cœur de la diplomatie mondiale ?
Texte intégral (1902 mots)

Gaza, Ukraine, Syrie, Soudan… L’Arabie saoudite manœuvre entre Washington, Moscou et Téhéran et s’invite à toutes les négociations internationales. Après des années d’isolement, que cache cette stratégie diplomatique ? Comment le prince héritier Mohammed Ben Salmane est-il parvenu à s’imposer comme un médiateur incontournable, au Moyen-Orient et au-delà ?


Alors que beaucoup pensaient que son image et sa réputation avaient été irrémédiablement ternies par l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi, à Istanbul, en octobre 2018 – dans lequel il ne reconnut jamais de responsabilité directe –, et plus largement par un long passif de violations des droits humains, d’affaires de corruption et de scandales financiers dans son entourage, ainsi que pour son intervention brutale dans la guerre au Yémen, le prince saoudien Mohammed Ben Salmane (MBS), 39 ans, fils de l’actuel roi Salmane et officiellement héritier du royaume depuis 2017, a opéré son grand retour sur la scène régionale et internationale.

Ces dernières années, soucieux de placer le royaume, dont il héritera un jour, mais dont il est d’ores et déjà l’homme fort, au rang de protagoniste clé au Moyen-Orient en tant que médiateur tout trouvé pour le règlement des crises régionales, MBS n’a cessé de densifier ses canaux de communication avec diverses parties en conflit, du Soudan à l’Ukraine, de la Syrie à Gaza. Le tout en appuyant au premier chef la diplomatie américaine et en se gardant de toute critique ouverte à l’égard de la Russie. De « paria », MBS serait-il devenu un interlocuteur incontournable ?

« L’Arabie saoudite : MBS, côté pile, côté face », Le Dessous des cartes, Arte (2024).

Riyad, acteur diplomatique omniprésent

De sa qualité d’hôte des discussions entre Washington et Moscou sur le futur de l’Ukraine jusqu’à son rôle dans la négociation d’un « jour d’après » à Gaza qui permettrait également, en faisant d’une pierre deux coups, de détendre la relation entre les États-Unis et l’Iran, l’Arabie saoudite semble sur tous les fronts.


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Après un isolement diplomatique entrecoupé de frêles phases de réchauffement, comme lors du premier mandat de Donald Trump (2017-2021), MBS a aujourd’hui pour objectif de peser de tout son poids dans le concert des « grands » de ce monde, s’affichant au service d’une recomposition positive et constructive du Moyen-Orient. Dans un entretien avec la chaîne télévisée américaine Fox News en septembre 2023, il déclarait ainsi :

« Nous avons de nombreuses relations sécuritaires et militaires qui renforcent la position de l’Arabie saoudite. »

Mais cette approche est-elle si nouvelle ? Si l’on ne saurait nier le tournant « global » pris par la diplomatie saoudienne sur une période récente, Riyad a toujours eu pour priorité d’éviter coûte que coûte un embrasement généralisé.

Cette anxiété s’était manifestée au cours des guerres du Golfe, de 1990 et 2003, et a retrouvé une actualité brûlante avec l’implosion du Proche-Orient à la suite des tueries du 7-Octobre en Israël.

Soudain, les espoirs d’une normalisation des rapports d’Israël avec ses voisins, un temps portés par les accords d’Abraham, se sont effrités, tandis que décuplaient les tensions entre Tel-Aviv et Washington au sujet de la situation humanitaire prévalant dans la bande de Gaza.

En outre, la dernière année et demie a été marquée par des échanges de tirs de missiles entre Israël et l’Iran et, depuis le retour de Trump à la Maison Blanche, par des menaces américaines à l’encontre du régime de Téhéran. Et, bien que ce dernier soit traditionnellement un adversaire régional majeur de l’Arabie saoudite, celle-ci redoute le chaos qui pourrait y survenir si la République islamique venait à chuter – tout comme elle redoutait les effets de la guerre d’Irak au tournant du nouveau millénaire.

Dans l’absolu, le royaume, qui reste le premier exportateur mondial d’hydrocarbures, le pays le plus riche du Moyen-Orient et le lieu de naissance de l’islam, a toujours occupé une place géopolitique motrice. Parallèlement à son hard power énergétique s’est développé un soft power qui renforce son aura traditionnelle dans le monde arabe et musulman. Après les attentats du 11-Septembre, l’Arabie saoudite avait de surcroît renforcé sa présence médiatique, avant de se lancer dans l’industrie du sport et du divertissement. Elle devrait ainsi accueillir la Coupe du monde de football de 2034, entre autres initiatives lui permettant de rehausser son capital symbolique et d’asseoir ses intérêts stratégiques.

« L’infréquentable Arabie saoudite est-elle incontournable ? », 28 minutes, Arte (février 2025).

Une consolidation du pouvoir en interne

Derrière cet activisme en politique étrangère qui le réhabilite partiellement auprès du monde extérieur, existe chez MBS un agenda de politique intérieure évident.

Le dirigeant est affairé au renforcement de sa légitimité et de sa puissance par l’imposition d’un projet hypernationaliste dont chaque Saoudien, à domicile comme à l’étranger, représente, en quelque sorte, un « sous-produit ». MBS entend non seulement préserver son régime de toute déstabilisation, mais poursuit par ailleurs une entreprise de restructuration de l’économie en anticipant un déclin des revenus pétroliers au cours des prochaines décennies qui n’équivaut cependant pas à un renoncement à la rente.

Rappelons qu’à son arrivée aux commandes, l’Arabie saoudite s’était engagée dans un colossal plan de développement, baptisé « Vision 2030 », au fondement de cet hypernationalisme destiné à transformer le royaume en un hub commercial de premier plan et à en faire une destination lucrative pour tous les investisseurs internationaux. Dix ans après son lancement, ce projet faramineux, dont il est encore difficile d’apprécier pleinement les réalisations et les bénéfices, ne se résume plus à la seule marque d’un prince jeune et fougueux goûtant pour la première fois au pouvoir, mais constitue un véritable enjeu existentiel.

De fait, MBS voit au-delà d’une simple logique de renégociation des prérogatives entre clans ; il souhaite consolider son autorité pour s’ériger en chef le plus puissant de l’histoire du royaume. C’est bien sur ce point que ses deux stratégies, intérieure et extérieure, convergent : sans une diplomatie proactive, axée autour de la stabilisation du Moyen-Orient, MBS sait qu’il ne pourra accomplir ses desseins internes.

On est loin de la posture agressive qu’il avait adoptée par le passé ; à présent, MBS privilégie une dynamique de désescalade des tensions, avec l’Iran notamment – un début de détente entre ces deux poids lourds régionaux avait pris place en 2023 à travers le rétablissement de relations cassées sept ans plus tôt.

La stratégie de MBS sera-t-elle payante ?

Cette revanche silencieuse aboutira-t-elle aux résultats escomptés ? Est-ce vraiment le commencement d’une « nouvelle ère de la diplomatie saoudienne » rompant avec sa posture de confrontation d’il y a une décennie ?

S’il est manifeste que l’Arabie saoudite tend à redevenir un centre de gravité de la diplomatie arabe et moyen-orientale en accueillant de nombreuses conférences et maints sommets au sein de ses frontières, et en facilitant un dialogue autrement impossible entre des acteurs aliénés, elle fait aussi face à plusieurs limites et défis. Une interrogation porte en particulier sur sa capacité effective à arbitrer des crises à répétition.

Dans le cas du Soudan, l’Arabie saoudite n’est pas un médiateur mais un acteur à part entière du conflit du fait de son appui militaire et financier au camp du général conservateur Abdel Fattah al-Burhan, opposé à Mohammed Hamdan Dogolo. Concernant la Syrie, la visite en février 2025 d’Ahmed al-Charaa, le nouvel homme fort de Damas, n’aura ni permis l’arrêt des violences sur le terrain ni abouti à des initiatives pérennes pour la reconstruction de ce pays ravagé par la guerre. Quant à Gaza, le rejet de la proposition de Donald Trump d’une prise de contrôle de l’enclave méditerranéenne ne s’est pas traduit non plus par une énonciation claire des modalités de l’aide que Riyad pourrait apporter aux Palestiniens.

Il faudra donc s’armer de patience pour juger du caractère performatif – ou non – des promesses faites par MBS quant à l’avenir d’un Moyen-Orient actuellement en pleine tourmente.

The Conversation

Myriam Benraad ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

30.03.2025 à 16:34

Le parapluie et la panique : les fausses évidences sur la renucléarisation et la remilitarisation de l’Europe

Benoît Pelopidas, Professeur des universités de classe exceptionnelle / fondateur du programme d'étude des savoirs nucléaires, Sciences Po

La communication stratégique produit les illusions d’évidence et de nécessité du réarmement de l’Europe et de l’extension du « parapluie nucléaire » français.
Texte intégral (2653 mots)

La cause paraît entendue : l’extension aux alliés de la France de la dissuasion nucléaire française et le réarmement conventionnel massif du continent sont largement présentés, aussi bien par les dirigeants du pays que par la plupart des médias, comme des solutions quasi impératives face à la menace russe et au désengagement des États-Unis de la défense du continent. Pourtant, l’évidence de cette nécessité s’écroule dès que l’on étudie la campagne de communication stratégique qui la produit. C’est la première étape nécessaire à une réflexion sérieuse sur une stratégie de défense française et européenne.


Ces dernières semaines, les médias ont largement présenté la mise en place d’une dissuasion nucléaire européenne couplée au réarmement conventionnel de l’UE (Ursula von der Leyen a annoncé à cet égard un objectif de dépenses de 800 milliards d’euros sur quatre ans) comme des réponses évidemment désirables voire nécessaires à la menace russe et au désengagement américain. Il s’agit là d’une opération de communication stratégique qui se manifeste d’au moins trois façons, détaillées ici afin de vous permettre de les reconnaître. Nous laissons donc de côté l’évaluation de la menace russe, qui mérite une analyse à part entière, pour nous concentrer sur les réponses proposées et la production des illusions d’évidence et de nécessité. Dès que nous cesserons d’être séduits par ces fausses évidences, une réflexion stratégique sérieuse sur la défense de la France et de l’Europe pourra commencer.


À lire aussi : Face au danger nucléaire, les effets d’un discours expert désinvolte


Renverser le sens des mots pour créer des illusions de protection et de défense

On entend à longueur d’articles parler de « parapluie nucléaire », de « protection », voire de « bouclier nucléaire ». Grande nouvelle vieille d’au moins soixante-cinq ans : rien de tel n’existe.


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Le parapluie est capable de nous garder au sec quand la pluie tombe. Si la pluie nucléaire devait tomber, il n’y aurait pas de parapluie, de quelque nationalité que ce soit. Au moins depuis le couplage de missiles balistiques impossibles à intercepter à des explosifs thermonucléaires dans les années 1950 et au début des années 1960, on reste à la merci de l’accident technologique et de la détermination de l’ennemi qui voudrait prendre le risque de subir une riposte. Or l’arsenal de la Russie est dimensionné à partir de notions telles que la limitation des dommages (c’est-à-dire la destruction du plus grand nombre possible d’armes ennemies avant qu’elles puissent être lancées contre Moscou) ; si la dissuasion devait échouer, le fait de disposer d’armes nucléaires sur notre sol nous transformerait en cible prioritaire.

De même, offrir notre parapluie à autrui ne nous engage pas à commettre un acte violent pour lui ou elle. Au contraire, offrir un « parapluie nucléaire », c’est s’engager à utiliser la force nucléaire, avec les conséquences que l’on sait, si un allié était attaqué. Outre le problème que pour l’allié non plus il n’y a pas de parapluie et que la crédibilité d’une telle promesse est très discutable, il s’agit ici de s’engager à commettre un acte d’une grande violence et d’être prêt à en subir les conséquences ou de perdre sa crédibilité.

Enfin, le parapluie nous rend strictement indépendant des variations de la météo. Il nous met à l’abri quoi qu’il se passe. Mais dans le monde des missiles balistiques, nous restons intégralement dépendants de la volonté de l’ennemi le plus hostile qui serait prêt à courir le risque de la riposte et de la possibilité qui demeure de lancement accidentel dans tout pays qui cible la France.

La métaphore du parapluie décrit les effets souhaités de la politique proposée, pas ses effets. Ceux qui l’utilisent soit ignorent une réalité connue depuis 65 ans, soit renversent la réalité en répétant les éléments de langage du discours officiel et en présentant des intentions comme des effets avérés.

Couplés à la qualification de l’arsenal nucléaire français par le terme « dissuasion » et à l’affirmation de la possibilité d’une « autonomie stratégique » dans un monde nucléarisé, ces trois renversements créent des illusions de protection et de défense en situation de vulnérabilité. En réalité, nous restons à la merci à la fois de l’accident et de l’ennemi le plus hostile.

Ne pas évaluer les effets pervers de la réponse politique proposée

Le deuxième signe que les voix porteuses de ce discours font de la communication stratégique, c’est qu’elles ne se soucient pas des possibles effets pervers de la politique proposée. La seule limite mentionnée communément est le problème de la crédibilité, qui exigerait de produire davantage d’armes nucléaires françaises et de relancer la création de matières fissiles.

Or, tout politiste sait qu’aucune politique n’aboutit à tous ses effets désirés et seulement à ses effets désirés. Faire croire cela, c’est précisément faire de la communication. Quels sont donc les effets pervers plausibles de cette politique ?

D’abord, historiquement, puisque ces propositions ont eu pour effet de relégitimer l’arsenal nucléaire français et de justifier des investissements dans le domaine, cela pourrait contribuer à alimenter la course aux armements en créant de nouvelles cibles utilisables par nos adversaires pour justifier l’augmentation de leurs arsenaux.

Ensuite, proclamer qu’un arsenal nucléaire est nécessaire à la sécurité du continent réaffirme la désirabilité des armes nucléaires et rend plus difficile de mener une politique de non-prolifération nucléaire crédible et efficace, à laquelle la France est attachée.

Par ailleurs, relancer la machine industrielle pour fabriquer des armes va augmenter l’empreinte carbone de la France et de l’Union européenne, dont les actions sont jugées insuffisantes pour tenir leurs engagements en matière de lutte contre le réchauffement climatique.

De plus, la montée des eaux et le changement climatique qui s’accélère vont exiger d’augmenter les dépenses pour protéger chaque arme nucléaire, et donc a fortiori chaque arme nucléaire supplémentaire si l’arsenal devait s’étendre. Ces armes seront donc des coûts d’opportunité dans un contexte de ressources rares et de besoins croissants.

En outre, il faudrait identifier précisément les acteurs bénéficiaires de ces politiques. N’oublions pas, en effet, que l’investissement dans l’armement a eu un effet d’entraînement sur le civil bien moindre qu’annoncé ; que des soupçons de corruption ont été avancés dans le secteur ; que Thalès, Dassault et MBDA, bénéficiaires directs du plan annoncé, sont encore sous le coup d’une plainte de 2022 pour complicité de crimes contre l’humanité et crimes de guerre dans le cadre de la guerre au Yémen, et de soupçons plus récents relatifs à l’usage des armes qu’ils ont vendu à Israël, qui les a employées contre des civils palestiniens.

Enfin, la renucléarisation et remilitarisation du continent européen, avancées au nom de la lutte contre la menace russe, si elles devaient avoir lieu, ne porteraient leurs fruits que dans quelques années et, de ce fait, pourraient être directement contre-productives. En effet, en Slovaquie, en Hongrie, en Roumanie et peut-être en France, des partis pro-russes sont des tenants probables du pouvoir lors des prochaines échéances électorales… et dès lors les bénéficiaires des armes construites pour défaire leur projet politique.

Produire les illusions d’absence d’alternative et du sacrifice vertueux de nos engagements environnementaux

Troisième indice révélateur de l’opération de communication en cours : le discours ambiant n’explore pas d’alternatives, comme si la seule était l’abandon de l’Ukraine. Alors que le réarmement produit et coïncide avec un abandon de nos engagements environnementaux, cela apparaît comme un sacrifice vertueux au nom de la défense de l’Ukraine. Or, il n’y a pas de dilemme entre le respect de nos engagements de sobriété énergétique et le soutien à Kiev ou la sécurité du continent européen face à la menace russe. On s’en aperçoit dès que l’on cesse de réduire l’aide possible à l’Ukraine et la sécurité à la fourniture ou à la possession d’armes.

Il est évident que les achats européens d’hydrocarbures russes permettent au Kremlin de financer la guerre et son armée, de sorte que la réduction de ces achats est, en soi, une aide à l’Ukraine. La marge d’amélioration en termes de réduction de la facture d’hydrocarbures russes et d’aide à l’Ukraine sans sacrifier nos engagements en matière de lutte contre le changement climatique est considérable. Elle apparaît dès que l’on observe que, comme le montre une étude menée par le Centre for Research on Energy and Clean Air (CREA) en mars 2025, depuis février 2022 les 27 États membres de l’UE ont acheté pour plus de 205 milliards d’euros d’hydrocarbures russes, soit plus de quatre fois les 49,2 milliards d’euros d’aide militaire apportée à l’Ukraine.

L’UE affirme qu’elle s’est émancipée des hydrocarbures russes, mais une marge substantielle demeure. Près de 40 % des hydrocarbures achetés par les pays de l’UE27 à l’Inde, la Chine et la Turquie au cours des trois premiers trimestres 2024 sont d’origine russe. Rien que sur les quatre premiers mois de l’année 2024, la France a acheté pour 600 millions d’euros de gaz naturel liquéfié en provenance de Russie.

Il est faux de dire que la défense de l’Ukraine exige de sacrifier nos engagements climatiques. Bien au contraire, des progrès dans le sens de la réduction de la dépendance aux énergies fossiles bénéficieraient à l’Ukraine en réduisant notre contribution financière indirecte à l’effort de guerre russe.

Trois conclusions : identifier les communicants comme tels, tenir nos engagements pour le climat et conduire une analyse stratégique sérieuse

En conclusion, la saturation médiatique relative au « parapluie nucléaire européen » couplée à la remilitarisation de la France et du continent à toutes les caractéristiques d’une opération de communication stratégique qui relève de l’intoxication. Le diagnostic de cette opération d’intoxication présente trois opportunités.

D’abord, il permet de distinguer les lobbyistes/communicants des analystes. Seuls les premiers peuvent commettre toutes les erreurs identifiées dans cet article : naturalisation des éléments de langage du discours officiel pro-armement (nucléaire) comme catégories d’analyse (« parapluie nucléaire », « la dissuasion », la possibilité de la « protection »), acceptation d’affirmations d’effets désirés des politiques comme preuves de leurs effets avérés, et absence de considération de politiques alternatives ou d’effets pervers plausibles de la politique proposée.

Ces critères permettent ainsi de faire le tri entre communication stratégique et défense recevable de la politique proposée, qui exigerait de ne commettre aucune de ces fautes. S’ajoute à cela l’identification des conflits d’intérêts de ceux qui s’expriment, nombre des voix qui défendent la « dissuasion nucléaire européenne » étant issues d’institutions ayant un conflit d’intérêts direct et un rôle explicite dans la promotion de l’arsenal nucléaire national. Le conflit d’intérêts n’est pas nécessaire à la caractérisation de communicant/lobbyiste, mais il constitue un indicateur suggérant un biais.

Ensuite, des alternatives, compatibles avec la tenue de nos engagements environnementaux, existent et doivent être explorées.

Enfin, les exigences climatiques, stratégiques et démocratiques appellent toutes à une réflexion stratégique impartiale, qui refuse les financements porteurs de conflits d’intérêts, récuse les fautes identifiées ci-dessus et reconnaisse la multiplicité des menaces existentielles auxquelles nous sommes confrontés.

The Conversation

Benoît Pelopidas a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche, du Conseil Européen de la Recherche, de la Commission européenne et d'un PIA. Ces financements sont fondés sur l'évaluation par les pairs. Il a fondé le premier programme de recherche sur le phénomène nucléaire qui refuse tout financement porteur de conflit d'intérêt (https://www.sciencespo.fr/nk/fr/content/financement.html) et a objectivé le problème dans le secteur dans plusieurs publications scientifiques (dont https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/00471178221140000).

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