28.08.2025 à 16:51
Yanina Welp, Researchear, Political Science, Graduate Institute – Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID)
Christine Lutringer, Senior Researcher and Executive Director, Albert Hirschman Centre on Democracy, Graduate Institute – Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID)
Laura Bullon-Cassis, Chercheuse post-doctorale, Graduate Institute – Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID)
Maria Mexi, Research Fellow, Albert Hirschman Democracy Centre, Graduate Institute – Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID)
Les jeunes, majoritaires dans les luttes écologiques, se désengagent peu à peu des formes traditionnelles d’action politique et se tournent de plus en plus vers des options alternatives antisystème. Face à ce constat, et sur le modèle de la convention citoyenne pour le climat en 2019, les assemblées citoyennes sur le climat souhaitent inclure les jeunes dans des initiatives institutionnelles. Cet article repose sur une étude de l’activité de ces assemblées dans quatre villes (Bologne, Paris, Barcelone et Genève) en 2020-2021.
Depuis les grèves pour le climat de 2019, la vague de mobilisations environnementales menées par des jeunes en France et à travers toute la planète a été exceptionnelle par son ampleur et sa durée. Toutefois, s’ils envahissaient hier les rues du monde entier, aujourd’hui ces jeunes militants pour le climat se désengagent toujours davantage de la politique traditionnelle. Dans le même temps, le taux de participation électorale des jeunes continue de baisser dans les démocraties occidentales, et leur méfiance à l’égard des partis politiques ne cesse de croître.
Dans ce contexte, et au sein de sociétés pluralistes, les villes sont devenues des arènes cruciales pour répondre aux demandes des citoyens. L’une des réponses institutionnelles les plus visibles à ces pressions a été la montée en puissance des assemblées citoyennes sur le climat (ACC) – des forums délibératifs où des habitants sélectionnés au hasard sont invités à cocréer des politiques ad hoc. Celles-ci sont souvent présentées comme un remède à la désillusion démocratique, en particulier chez les jeunes engagés dans la lutte contre le changement climatique. Mais fonctionnent-elles réellement comme prévu ?
Le cadre théorique de l’économiste Albert O. Hirschman (1915-2012), intitulé Exit, Voice and Loyalty, traduit en français comme Défection et prise de parole, permet d’explorer la façon dont les manifestations climatiques menées par les jeunes peuvent ouvrir des « fenêtres d’opportunité » démocratiques.
Dans cette approche fondée sur trois dimensions de l’engagement citoyen, la protestation est considérée comme une forme de « prise de parole » (« Voice »), qui pousse les institutions à réagir, symboliquement et concrètement, par le biais d’innovations démocratiques telles que les ACC. Celles-ci offrent des lieux formels de délibération, susceptibles de renforcer la « loyauté » (« Loyalty ») envers les systèmes démocratiques. Toutefois, lorsque les réponses institutionnelles sont perçues comme insuffisantes ou uniquement symboliques, les jeunes militants peuvent opter pour la « défection » (« Exit ») – un phénomène qui s’exprime par le désengagement électoral, l’apathie ou le soutien à des alternatives anti-système.
En ce sens, la perception de la réponse institutionnelle joue un rôle clé : si les jeunes considèrent que les résultats de leur mobilisation sont significatifs, leur loyauté peut s’accroître. Dans le cas contraire, la confiance dans la démocratie peut s’éroder.
Entre 2021 et 2023, nous avons étudié l’engagement des jeunes en faveur du climat dans quatre villes européennes – Barcelone, Bologne, Paris et Genève – en examinant la manière dont les jeunes militants passaient de la protestation à la participation institutionnelle. Chaque ville offrait un contexte civique spécifique : la démocratie directe de Genève, l’activisme impulsé par les mouvements sociaux à Bologne, les réformes participatives à Barcelone et la culture contestataire à Paris.
Ces quatre villes ont accueilli d’importantes mobilisations pour le climat et ont expérimenté les ACC, offrant ainsi un terrain fertile pour évaluer leur rôle dans l’engagement démocratique. Nous nous sommes concentrées sur deux mouvements transnationaux : Fridays for Future et Extinction Rebellion.
À travers 71 entretiens, trois ateliers et de nombreuses observations sur le terrain, nous avons exploré la manière dont les jeunes militants percevaient les ACC : répondaient-elles à leurs attentes ? Avaient-ils participé à leur élaboration ? Se sentaient-ils écoutés ? Nous avons également recueilli les points de vue de représentants publics et analysé les résultats concrets et formels des ACC.
Nos recherches ont révélé des frontières floues entre protestation et participation, ainsi que des sentiments mitigés quant à l’inclusivité et à l’impact des ACC.
À Barcelone, l’enthousiasme initial suscité par des mouvements tels que Fridays for Future a laissé place à la méfiance et à la démobilisation. Malgré les efforts des autorités locales, les ACC ont été jugées inefficaces, ne répondant pas aux attentes en matière d’influence réelle. Les jeunes militants ont préféré les manifestations de rue à l’engagement institutionnel, percevant les assemblées comme déconnectées et symboliques, ce qui a conduit à une démobilisation générale et à une réorientation vers des actions très locales et spécifiques pour quelques militants.
À Bologne, les militants, en particulier ceux d’Extinction Rebellion, ont réussi à influencer la conception d’une ACC, ce qui a conduit à l’élaboration conjointe de règles et à un processus participatif. Celui-ci a donné un rôle actif aux mouvements environnementaux à Bologne, et a ainsi répondu à leurs attentes dans cette phase. Toutefois, bien qu’un tiers des propositions de l’assemblée aient été pleinement adoptées, la communication limitée autour des travaux de l’assemblée et le processus de mise en œuvre, complexe et long, ont affaibli la perception de son impact. Les personnes que nous avons interrogées ont insisté sur le fait que l’administration municipale devrait être beaucoup plus active en matière d’information des citoyens et d’approfondissement de sa capacité de communication sur l’existence d’espaces de participation tels que l’assemblée.
Genève a apporté une réponse institutionnelle forte à travers un forum inclusif et intergénérationnel, le « forum citoyen », qui a généré plus de 100 propositions, dont certaines ont été mises en œuvre. Les jeunes militants ont salué cette approche, mais ont réclamé un changement systémique plus profond et une plus grande influence dans les espaces de décision. Pour reprendre la typologie hirschmanienne, le cas de Genève peut être considéré comme se situant entre « prise de parole » et « loyauté » : au lieu de faire défection ou de s’écarter des structures démocratiques, les jeunes militants pour le climat cherchent à ancrer leur message au sein de celles-ci. Ils plaident notamment pour une plus grande participation des jeunes à la prise de décision et à l’élaboration des politiques, estimant que cela est essentiel pour maximiser l’efficacité des outils tels que les ACC dans la réponse aux revendications des jeunes en matière de climat sur le terrain.
À Paris, le mouvement a abouti à l’adoption d’un projet de loi rédigé par des citoyens. La convention citoyenne, pensée à l’origine comme une réponse à la crise des gilets jaunes plutôt qu’aux mobilisations climatiques, a laissé de nombreux militants déçus, plusieurs de ses propositions ambitieuses ayant été édulcorées ou abandonnées. Beaucoup de jeunes se sont alors tournés vers la désobéissance civile, dénonçant la lenteur des réformes, l’usage des consultations pour canaliser plutôt que transformer, et un rétrécissement de l’espace civique marqué par des restrictions et poursuites accrues.
Ils soulignent aussi un décalage entre les moyens d’action de la ville de Paris, compétente sur la mobilité, l’aménagement ou l’énergie locale, et le rôle décisif du gouvernement national, ce qui renforce leur sentiment d’impuissance. La décision du mouvement Youth for Climate de passer d’une forme de mobilisation fondée sur la protestation à la désobéissance civile en 2022 reflète cette situation, tout comme la perception des jeunes militants selon laquelle la répression policière à l’égard du militantisme s’est intensifiée ces dernières années au niveau national.
La mobilisation en France restant forte, il est difficile de déterminer s’il s’agit d’une tendance à la « défection » ou si la désobéissance civile peut être comprise comme une forme de « prise de parole ». La désobéissance n’était pas considérée comme antidémocratique par les jeunes militants : au contraire, ils sont nombreux à avoir déclaré dans les entretiens qu’ils souhaitaient sensibiliser leurs concitoyens et de faire évoluer l’opinion publique sur le climat par leurs actions, afin d’influencer le résultat des élections.
Les inquiétudes généralisées quant à l’avenir influencent les priorités, les actions et les aspirations des citoyens, les jeunes étant les plus durement touchés par ces défis. En rejoignant les mouvements pour le climat, les jeunes citoyens expriment leur anxiété et leur appel urgent à l’action. Ce sentiment d’urgence influence inévitablement la manière dont ils perçoivent la réponse apportée par les institutions. Dans cette perspective, les quatre ACC analysées ici ont été accueillies de manière plutôt critique par les jeunes militants pour le climat, car elles n’ont que très partiellement répondu à leur demande d’une voix plus audible dans les espaces démocratiques formels.
La prise de conscience des possibilités offertes par les instruments de la démocratie délibérative a également façonné les attentes. Dans un contexte où des formes de démocratie semi-directe sont bien établies, le Forum citoyen de Genève a suscité des perceptions plus positives parmi les personnes interrogées que les initiatives mises en œuvre dans les trois autres villes.
Il y était considéré comme l’un des nombreux instruments de consultation. Les personnes interrogées dans nos études de cas ne perçoivent qu’un impact faible, parfois même minime ou inexistant, des ACC sur les résultats politiques effectifs dans leurs villes. Elles considèrent donc les ACC comme des mécanismes générant une influence politique limitée. Comme on le voit à Barcelone, le décalage entre les réponses institutionnelles et les attentes des militants peut conduire à la méfiance, à la démobilisation, voire au désengagement. En ce sens, la possibilité de s’exprimer peut conduire au renouveau des espaces démocratiques, mais aussi à la désaffection par rapport au système.
Nos conclusions suggèrent que si les ACC peuvent être un outil d’inclusion, leur impact sur la participation à long terme des jeunes dépend de leur capacité à s’intégrer dans les structures institutionnelles et les cultures politiques existantes. La conception des politiques devrait tenir compte non seulement des aspects procéduraux des ACC, mais aussi de leur capacité à générer la confiance, à assurer la continuité et à relier la démocratie délibérative aux processus décisionnels. Ces éléments sont essentiels pour concevoir des politiques qui intègrent efficacement la participation des jeunes et répondent à leurs attentes.
Dans cette perspective, pour tenir leurs promesses, les mini-publics tels que les ACC devraient être présentés et communiqués comme le point de départ d’un processus d’engagement plus long et plus large. Ils doivent être suivis et complétés par des actions tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des espaces démocratiques formels. Cela est essentiel pour que leurs résultats soient perçus et efficaces, non seulement par les jeunes militants, mais aussi, plus largement, par l’ensemble des citoyens.
Yanina Welp a reçu un financement de la Fondation Salvia pour les projets “Protest and Engagement, from the Global to the Local: Mapping the Forms of Youth Participation in Europe” et “Youth Climate Activism and Local Institutions: Reframing Democratic Spaces at a Time of Polarisation”.
Christine Lutringer a reçu un financement de la Fondation Salvia pour les projets “Protest and Engagement, from the Global to the Local: Mapping the Forms of Youth Participation in Europe” et “Youth Climate Activism and Local Institutions: Reframing Democratic Spaces at a Time of Polarisation”.
Laura Bullon-Cassis a reçu un financement de la Fondation Salvia pour les projets “Protest and Engagement, from the Global to the Local: Mapping the Forms of Youth Participation in Europe” et “Youth Climate Activism and Local Institutions: Reframing Democratic Spaces at a Time of Polarisation”.
Maria Mexi a reçu un financement de la Fondation Salvia pour les projets “Protest and Engagement, from the Global to the Local: Mapping the Forms of Youth Participation in Europe” et “Youth Climate Activism and Local Institutions: Reframing Democratic Spaces at a Time of Polarisation”
27.08.2025 à 17:11
Ibrahima Dabo, Docteur en science politique (relations internationales, Russie), Université Paris-Panthéon-Assas
Depuis plusieurs années, la Russie accentue sans cesse sa présence en Afrique, mêlant coopération économique, influence culturelle, stratégie informationnelle et réseaux paramilitaires, dans un contexte de concurrence accrue avec les puissances occidentales.
Les deux sommets russo-africains tenus à Sotchi en 2019 et à Saint-Pétersbourg en 2023 ont permis à la Russie de matérialiser son retour sur le continent africain dans un contexte marqué par une guerre d’influence sans précédent.
Ces rencontres ont donné à Moscou l’occasion de développer sa coopération militaire et économique avec les États africains. Les différents votes des pays africains à l’ONU au sujet de la guerre en Ukraine montrent d’ailleurs l’influence grandissante du Kremlin en Afrique.
La diplomatie d’influence russe en Afrique est portée par plusieurs acteurs, ayant des missions très précises. Les versions africaines des médias Sputnik et RT contribuent au renforcement de la diffusion sur le continent de la vision russe de la politique internationale. Parallèlement, l’Agence fédérale Rossotroudnitchestvo (« Coopération russe ») et la Fondation Russkiy Mir (« Monde russe »), deux outils relativement méconnus, jouent un rôle non négligeable dans le rayonnement culturel russe dans le monde et particulièrement en Afrique.
Depuis le début des années 2000, Moscou marque progressivement son retour sur la scène internationale. La restauration et la réaffirmation du statut de grande puissance mondiale sont des éléments centraux de la politique du régime poutinien. Cette politique vise à redonner à la Russie un rang comparable à celui qui était détenu par l’URSS durant la guerre froide. En effet, l’effondrement de l’Union soviétique et la fin de la guerre froide avaient considérablement réduit le poids russe dans le monde et notamment en Afrique, où l’URSS exerçait une influence notable jusqu’au début des années 1990.
Le terme soft power – « miagkaia sila », emprunté au politologue américain Joseph Nye – a été repris à leur compte par les autorités russes dans le but de mettre en place des structures visant à rétablir l’image de Moscou à l’international. Dans ses différents concepts de politique étrangère, l’État russe accorde une importance particulière au soft power. C’est précisément dans cette optique qu’ont été créées Russkiy Mir et Rossotroudnitchestvo. Il s’agit d’accroître l’attractivité de la Russie dans le monde, à commencer par les pays où le Kremlin a des intérêts stratégiques.
L’Agence fédérale Rossotroudnitchestvo – de son nom complet Agence fédérale pour la Communauté des États indépendants, les compatriotes vivant à l’étranger et la coopération humanitaire internationale –, créée en 2008 par le président Dmitri Medvedev (2008-2012), est aujourd’hui l’instrument principal de la politique d’influence culturelle et humanitaire du Kremlin.
L’Agence, qui dépend du ministère russe des affaires étrangères, prend la suite du Centre russe pour la coopération scientifique et culturelle internationale, connu sous le nom de « Roszaroubjtsentr » créé sous ce nom en 1994, mais dont l’histoire remonte à 1925, année de la fondation de la Société de l’union pour les relations culturelles avec les pays étrangers (VOKS). Olga Kameneva, sœur de Trotski et épouse de Kamenev, en a été la première présidente. En 1958, l’Union des sociétés soviétiques pour l’amitié et les relations culturelles avec les pays étrangers (SSOD) remplace le VOKS. Le but de ces institutions soviétiques était, comme l’indiquaient leurs dénominations, de développer la coopération culturelle entre l’URSS et les pays étrangers.
Les missions de Rossotroudnitchestvo sont les mêmes. L’Agence contribue notamment à l’augmentation constante observée depuis plusieurs années du nombre d’étudiants africains dans les universités russes (près de 5000 bourses attribuées à des étudiants africains durant l’année académique 2024-2025, soit une augmentation considérable comparée aux années précédentes, malgré l’imposition des sanctions occidentales). C’est elle qui sélectionne les candidats qui auront droit à des bourses d’études en Russie, et qui seront orientés vers les universités publiques russes, à commencer par l’Université de l’Amitié des Peuples Patrice Lumumba (Moscou).
Rossotroudnitchestvo réalise ses missions par le truchement des Maisons russes de la science et de la culture à l’étranger. À l’instar des modèles comme l’Alliance française, le British Council et surtout des Instituts Confucius, la Russie mise sur l’implantation de centres culturels. Ceux-ci étaient déjà présents dans de nombreux pays africains avant l’invasion de l’Ukraine : au Maroc, en Tunisie, en Tanzanie, en Zambie, en République du Congo et en Éthiopie.
Durant l’année 2022, après le début de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine, l’ouverture de nouvelles Maisons russes a été annoncée en Algérie, en Égypte, au Soudan, au Mali, au Burkina Faso, en Sierra Leone, en Angola et bien sûr en République centrafricaine, devenue l’une des vitrines de l’influence russe en Afrique.
L’une des principales missions des Maisons russes en Afrique consiste à promouvoir la langue et la culture russes. Ces centres culturels organisent régulièrement des évènements éducatifs et culturels mettant en valeur des moments marquants de l’histoire et de la culture russes, tels que l’anniversaire du célèbre poète Alexandre Pouchkine ou la commémoration de la fête de la Victoire du 9 mai. Des cours de langue russe y sont aussi dispensés.
Rossotroudnitchestvo soutient ces initiatives en fournissant des manuels et des ressources pédagogiques, facilitant ainsi l’enseignement du russe. En ce sens, les Maisons russes constituent des instruments essentiels de la diplomatie culturelle et éducative de la Russie en Afrique.
Tout comme l’Agence fédérale, la Fondation Russkiy Mir collabore avec les Maisons russes et contribue à la promotion de la langue et de la culture russes en Afrique, notamment en organisant des formations pour les enseignants de russe afin de renforcer l’enseignement de la langue sur le continent. Dans le cadre de cette mission, la Fondation travaille en partenariat avec Rossotroudnitchestvo et l’Institut d’État de la langue russe (Institut Pouchkine).
Au-delà du domaine éducatif et culturel, Rossotroudnitchestvo a aussi un volet humanitaire. L’un des domaines les plus importants de la coopération humanitaire concerne le domaine scientifique et technique. Par exemple, le 1er novembre 2023, Rossotroudnitchestvo a lancé sur le continent africain une faculté préparatoire pour les futurs étudiants des universités russes venant d’Éthiopie, de Tanzanie et de Zambie. En République du Congo, Rossotroudnitchestvo organise des formations continues pour le personnel médical congolais.
En outre, l’Agence fédérale soutient le projet international « SputnikPro », dédié aux journalistes et aux étudiants. Son objectif officiel est de promouvoir l’échange d’expériences avec des journalistes étrangers, le développement de la communication internationale dans les médias et les liens interculturels entre les journalistes.
La dégradation spectaculaire des relations russo-occidentales depuis le déclenchement de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine a poussé la Russie à se tourner davantage vers l’Afrique. Au-delà de ses instruments de soft power, le Kremlin compte également sur ses médias internationaux et sur les réseaux liés au groupe Wagner pour renforcer son influence sur le continent africain.
Les opérations d’influence informationnelles occupent une place centrale dans la stratégie russe de reconquête du continent. Depuis quelques années, Moscou mène des opérations d’influence informationnelles en Afrique dans le but d’affaiblir la présence occidentale. Ces différentes opérations d’influence sont portées par les organes russes d’information RT et Sputnik ainsi que par les réseaux liés au groupe Wagner. Ces opérations ont contribué à l’amenuisement de l’influence française sur le continent, particulièrement au Sahel.
Depuis la mort du patron de Wagner, Evguéni Prigojine, une nouvelle structure paramilitaire, Africa Corps, a pris le relais. Les actions des structures russes en Afrique sont souvent très imbriquées. En République centrafricaine, c’est un proche de Prigojine, Dmitri Sytyi, qui est le chef de la Maison russe. Ce dernier occupe aussi un poste clé dans la société Lobaye Invest, affiliée au groupe de Prigojine.
Les différentes entités russes présentes en Afrique déroulent l’agenda du Kremlin. La présence des médias internationaux russes RT et Sputnik est caractérisée par le dénigrement de la politique africaine des Occidentaux. Les thèmes touchant l’avenir du franc CFA, les bases françaises, la colonisation et le néocolonialisme sont abordés de façon récurrente dans le but de susciter un sentiment d’hostilité à l’égard de la France. Le discours et le narratif du Kremlin sont repris par les militants pro-russes sur les réseaux sociaux.
C’est la raison pour laquelle il n’est pas surprenant de voir lors des manifestations le drapeau russe brandi à Bangui, à Bamako à Ouagadougou et à Niamey.
Dans un monde de plus en plus marqué par la guerre d’influence et les rivalités géopolitiques, la Russie est consciente de l’importance majeure qu’ont prise les instruments de diplomatie publique et de soft power. En Afrique, elle semble, pour l’instant, progresser en de nombreux points du continent…
Ibrahima Dabo ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.