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21.05.2025 à 16:10
De GRTgaz à NaTran : face à l’enjeu de décarbonation, quel avenir pour les infrastructures gazières françaises ?
Texte intégral (2391 mots)
Alors que GRTgaz s'est renommé NaTran début 2025, la consommation de gaz naturel devrait continuer à baisser. En cause, un contexte géopolitique tendu, auquel s'ajoute la nécessité de décarboner le secteur de l'énergie. Dans ces conditions, les politiques énergétiques doivent s'adapter… et les infrastructures gazières aussi.
Ces dernières années, la consommation de gaz naturel en France a fortement diminué, en raison de la crise énergétique provoquée par la guerre en Ukraine, la hausse des prix et une réglementation relative à la construction neuve favorisant l'électricité.
Malgré tout, le réseau gazier français reste robuste, avec des interconnexions européennes multiples et des infrastructures adaptées – des réseaux de transport et de distribution, des infrastructures de stockages souterrains et des terminaux gaziers. L'avenir du secteur repose donc sur l'adaptation de ces infrastructures à d'autres vecteurs énergétiques.
La France, tout comme l'Union européenne au travers d'initiatives comme le plan RePowerEU, encouragent cette transition énergétique pour renforcer la sécurité d'approvisionnement et réduire la dépendance au gaz fossile d'ici à 2050.
Le fait que GRTgaz, le principal gestionnaire français du transport de gaz, soit devenu en janvier 2025 NaTran (pour Nature, Transport et Transition), pose question. Cela correspond-t-il à un changement de modèle économique ? À l'adaptation des infrastructures gazières à d'autres vecteurs énergétiques ?
Plus largement, la baisse de consommation de 5,5 % du gaz naturel en France en un an a-t-elle un impact sur l'équilibre financier des opérateurs gaziers ? Quelles impulsions proposent l'Europe (par le biais du plan RePowerEU) et la France dans le cadre de la prochaine Programmation pluriannelle de l’énergie (PPE) ?
Dans cet article, nous dressons un panorama de la situation actuelle et explorons les solutions envisagées pour sauvegarder ces infrastructures dans le cadre des politiques énergétiques françaises et européennes.
Une baisse de la consommation de gaz naturel
Notons en premier lieu que les opérateurs d'infrastructures observent une baisse notable de la consommation de gaz en France, consécutive à la guerre en Ukraine.
Alors que la Russie, fournisseur historique des pays européens, représentait en 2019 près de 41 % des importations gazières de l'UE par gazoduc et par terminaux méthaniers sous forme de gaz naturel liquéfié. Cette part est tombée à 14 % en 2023 avant de remonter à 18 % en 2024. L'interruption de la livraison de gaz russe a mis en évidence la dépendance énergétique européenne.
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La crise ukrainienne a également engendré une importante hausse du prix du gaz, de +70 % et +110 % par rapport à 2021, avec un prix moyen du gaz naturel facturé aux ménages français pouvant atteindre jusqu'à 96 €/MWh. Dès l'été 2022, les consommateurs, qu'ils soient industriels ou particuliers, ont donc été incités à la sobriété.
Par conséquent, la consommation brute de gaz naturel en France est passée de 474 TWh en 2021 à 361 TWh en 2024, ce qui représente une baisse de près de 23 %.

Cette évolution s'inscrit aussi dans le cadre de la réglementation énergétique française RE2020, en vigueur depuis janvier 2022, qui favorise le choix de l'électricité par rapport au gaz naturel afin d'améliorer la performance énergétique sur les logements neufs et lors des rénovations énergétiques.
À lire aussi : Les politiques publiques de rénovation énergétique des logements sont-elles efficaces ?
Un réseau gazier français robuste
En France, la gestion du réseau de transport de gaz naturel est partagée entre deux opérateurs, NaTran et Teréga (anciennement TIGF), qui exploitent respectivement 32 600 km et 5 100 km de réseau.
Ce réseau intègre des points d'interconnexion aux frontières avec plusieurs pays européens : la Norvège par Dunkerque, la Belgique par Taisnières, l'Allemagne par Obergailbach, la Suisse par Oltingue et l'Espagne par Larrau et Biriatou.
Ces réseaux relient les points de livraison aux différents points névralgiques :
Quinze sites de stockage souterrain. Ils permettent une grande flexibilité de livraison grâce à de l'injection de gaz lorsque la consommation est faible, comme en été, et de soutirage en période de forte consommation, comme en hiver.
Quatre terminaux méthaniers. Ces usines regazéifient le gaz naturel liquéfié qui arrive par méthaniers des pays producteurs. Le gaz ainsi obtenu est injecté dans le réseau de transport. En octobre 2023, un terminal flottant a été mis en service au Havre afin de compenser la perte du gaz russe.
Alors que la France s'est fixée pour objectif de ne plus recourir au gaz naturel fossile en 2050, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) préconise l'adaptation des réseaux pour transporter du gaz décarboné, en injectant du biogaz ou de l'hydrogène bas carbone après adaptation des canalisations.
L'espoir du biogaz
La méthanisation (ou digestion anaérobie) consiste en la dégradation de substrats organiques à l'aide de microorganismes en l'absence d'oxygène, générant ainsi du biogaz composé de biométhane (50-70 %), de dioxyde de carbone (30-50 %) et d'eau. Les substrats utilisés correspondent à des biodéchets, avec, en France, une dérogation de 15 % maximum de substrats en poids/an par des cultures alimentaires ou énergétiques cultivées à titre de culture principale.
S'il est injecté sur le réseau, le biogaz est purifié afin de respecter les spécifications réglementaires. Ainsi, en 2024, 13,9 TWh de biométhane, produit sur 731 sites de méthanisation ont été injectés, ce qui correspond à 4 % de l'énergie renouvelable en France. Le biogaz participe donc à la décarbonation du système gazier, avec des objectifs d'injection qui figurent dans la dernière PPE.
À noter cependant que l'Agence internationale de l’énergie (AIE) estime que le coût de production du biométhane est compris entre 55 et 90 euros par MWh. En comparaison, après une période de prix élevés en 2022 (début de la guerre en Ukraine), le prix moyen du gaz naturel sur le marché français s'élevait à 34 euros par MWh en 2024. L'opérateur NaTran estime qu'il pourrait atteindre 45 euros par MWh en 2025.
Aujourd'hui donc, le prix du biogaz n'est pas encore concurrentiel, sauf si le prix du gaz naturel s'envole.
Injecter de l'hydrogène bas carbone
La deuxième option envisagée est d'utiliser l'hydrogène comme vecteur énergétique. Il « peut changer la donne pour l'Europe », selon Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne lors de son discours du 14 septembre 2022. « Nous devons passer du marché de niche au marché de masse pour l'hydrogène » a-t-elle affirmé, mettant ainsi en avant l'importance de cette molécule pour l'avenir énergétique de l'Europe.
Selon son processus de production, l'hydrogène est désigné par différentes couleurs : gris s'il est obtenu par reformage du gaz naturel, bleu s'il est obtenu par reformage du gaz naturel couplé à la capture de dioxyde de carbone, vert lorsque produit par électrolyse de l'eau à partir d'électricité d'origine décarbonée et enfin rose si l'électricité est d'origine nucléaire, et blanc s'il est extrait du sous-sol.
Seuls les hydrogènes qualifiés de bleu, rose et vert sont actuellement considérés comme « bas carbone ».
L’hydrogène peut alors être acheminé vers l'utilisateur selon deux procédés :
Soit l'hydrogène est injecté à hauteur de 5 à 10 % pour enrichir le gaz transporté. Aucune modification d'équipement est alors nécessaire, que ce soit pour l'opérateur (détendeurs de pression, compresseurs) ou pour l'utilisateur final (brûleur). Cependant, avant le déploiement large d'un tel procédé, certains verrous réglementaires, économiques et techniques sont à lever.
Soit l'hydrogène injecté est pur, sans mélange avec le gaz transporté. Dans ce cas, une conversion partielle des canalisations est nécessaire. Elle permettrait d'économiser de 50 à 80 % des investissements par rapport à la construction d'un nouveau gazoduc.
Selon l'Observatoire européen de l'hydrogène, le coût actuel de l'hydrogène décarboné s'élève à environ 7 euros/kg, ce qui est supérieur au coût de l'hydrogène gris (non décarboné) évalué à 3,5 euros/kg. Pour optimiser les coûts de l'hydrogène bas carbone, les producteurs étudient la possibilité d'améliorer les technologies, d'augmenter les rendements de production, d'utiliser des matériaux plus performants afin de développer cette filière.
À lire aussi : L’économie de l’hydrogène, ou quand le rêve de Jules Verne se confronte aux réalités industrielles
Un environnement favorable en France et en Europe ?
À l'échelle européenne, le plan RepowerUE a lancé comme objectif la réduction de la dépendance énergétique de l'Union européenne et de renforcer la sécurité d'approvisionnement avec, en particulier, le développement de l'hydrogène décarboné.
En France, la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) établi par les pouvoirs publics prévoit un important développement de la production de biogaz, avec comme objectif d'atteindre 50 TWh à l'horizon 2035 contre 12 TWh en 2023. La troisième PPE propose d'ailleurs de promouvoir le biogaz et l'hydrogène bas carbone.
Cependant, pour atteindre ces objectifs, des investissements financiers des pouvoirs publics et des entreprises sont indispensables. Dans un document récent, la Commission de régulation de l’énergie évalue le coût de l'adaptation des réseaux gaziers pour l'hydrogène et le biogaz entre 6 et 9,7 milliards d'euros d'investissement d'ici à 2050.

Salariée d'une filiale d'Engie (Storengy) jusqu'en 2012.
Elisabeth Cazier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.
21.05.2025 à 16:10
La face cachée des paillettes : un poison pour les océans ?
Texte intégral (1318 mots)
Une nouvelle étude montre comment les microplastiques des paillettes perturbent les mécanismes de minéralisation dans l’océan. Les coquilles et squelettes de la faune marine sont affectés, mais pas seulement. Cela pourrait également modifier le cycle du carbone de la planète.
Les paillettes sont festives. Elles sont appréciées pour les décorations, le maquillage et les projets artistiques. Elles peuvent sembler inoffensives et mignonnes, mais les paillettes cachent une facette plus sombre. En effet, ces paillettes brillantes voyagent loin des tables de fête et des cartes de vœux. On peut finir par les voir scintiller sur les plages, rejetées par la marée.
Dans une de nos études récentes, nous avons découvert que les paillettes fabriquées à partir d’un polymère plastique courant appelé polyéthylène téréphtalate (PET) ne se contentent pas de polluer les océans. Elles pourraient interférer avec la vie marine lors de la formation des coquilles et des squelettes de la faune marine, ce qui est beaucoup plus grave qu’il n’y paraît.
Pour le dire simplement, les paillettes favorisent la formation de cristaux non prévus par la nature. Ces cristaux peuvent briser les paillettes en morceaux encore plus petits, ce qui aggrave encore le problème de pollution et le rend plus problématique à long terme.
Nous avons tendance à voir les microplastiques comme de petites perles de plastique qui proviennent des produits cosmétiques utilisés pour le gommage du visage ou encore des fibres de vêtements, mais les paillettes constituent une catégorie à part parmi les microplastiques. Elles sont souvent constituées d’un film plastique stratifié recouvert d’une couche de métal. C’est ce même matériau que l’on retrouve dans les paillettes des fournitures de bricolage, des cosmétiques, des décorations de fête et des vêtements. Elles sont brillantes, colorées et durables – et surtout toutes petites. Elles sont donc difficiles à nettoyer – et faciles à ingérer par les animaux marins, car elles ont l’air appétissantes.
Notre étude publiée dans la revue Environmental Sciences Europe suggère que ce qui distingue vraiment les paillettes des autres microplastiques, c’est la façon dont elles se comportent une fois qu’elles dans l’océan. Elles ne dérivent pas passivement, mais interagissent activement avec leur environnement.
Nous avons recréé en laboratoire les conditions de l’eau de mer et y avons ajouté des paillettes, afin de voir si les paillettes affectaient la formation des minéraux comme ceux que les animaux marins utilisent pour fabriquer leurs coquilles.
Et nous avons observé quelque chose d’étonnamment rapide, mais de malgré tout très cohérent : les paillettes donnent un coup de fouet à la formation de minéraux tels que la calcite, l’aragonite et d’autres types de carbonates de calcium. On appelle ce processus « biominéralisation ».
Or, ces minéraux sont les briques de base que de nombreuses créatures marines, dont les coraux, les oursins et les mollusques, utilisent pour fabriquer leurs parties dures. Si les paillettes perturbent ce processus, la vie océanique pourrait être gravement menacée.
Une machine à produire des cristaux
Au microscope, nous avons constaté que les particules de paillettes agissaient comme de petites plates-formes pour la croissance des cristaux. Des minéraux se formaient sur toute leur surface, en particulier autour des fissures et des arêtes. Il ne s’agissait pas d’une accumulation lente : quelques minutes suffisaient pour que des cristaux apparaissent.
Cela peut compliquer les processus naturels. Les créatures marines nécessitent des conditions très précises pour donner à leurs coquilles la forme et la solidité voulues. Lorsque quelque chose d’imprévu arrive, comme des paillettes qui accélèrent la cristallisation, cela peut entraîner des perturbations. C’est comme si on faisait cuire un gâteau et que l’on faisait chauffer le four à 1 000 °C au lieu de 250 °C : on obtiendra peut-être toujours un gâteau à la fin, mais ce ne sera pas du tout celui que l’on espérait faire.
Pire encore, à mesure que les cristaux grossissent, ils appuient contre les couches de paillettes, ce qui les fait se fissurer, s’écailler et se briser. Cela signifie que les paillettes finissent par se transformer en morceaux encore plus petits, connus sous le nom de nanoplastiques, qui sont plus facilement absorbés par la vie marine et presque impossibles à éliminer de l’environnement.
Poissons, tortues, huîtres ou même plancton, les microplastiques sont consommés par la faune marine. Ils affectent la façon dont ces animaux se nourrissent, grandissent et survivent. Lorsque nous mangeons des fruits de mer, ces microplastiques se retrouvent finalement également dans notre propre alimentation.
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Mais nos recherches montrent que les paillettes ne se contentent pas d’être mangées. Elles modifient également la chimie de l’océan, d’une façon subtile mais importante. En favorisant le mauvais type de croissance minérale, les paillettes pourraient interférer avec la façon dont les animaux marins forment leurs coquilles ou leurs squelettes.
Le problème ne se limite pas à la faune marine. L’océan joue un rôle clé dans la régulation du climat de planète et la formation de minéraux fait partie de cette équation. Si la formation de carbonate de calcium dans l’océan change, cela pourrait également affecter le cycle de la planète, soit la façon dont le carbone se déplace sur la planète.
Alors, la prochaine fois que vous verrez des paillettes sur une carte d’anniversaire ou dans une palette de maquillage, rappelez-vous de ceci. Elles peuvent sembler inoffensives à première vue, mais dans l’océan, elles se comportent comme des trouble-fêtes tape-à-l’œil du délicat équilibre chimique de ces milieux. Ce qui nous semble brillant et tout petit peut agir comme un perturbateur majeur et silencieux pour le monde marin.
Surtout, une fois les paillettes dans l’océan, elles ne vont plus nulle part : elles y restent.

Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.
20.05.2025 à 17:47
BD : L’Héritage du dodo (épisode 4)
Texte intégral (698 mots)
La crise climatique n’avance pas seule : elle est indissociable de la crise de la biodiversité. Découvrez en exclusivité, chaque mercredi, les 10 épisodes de la BD concoctée par Mathieu Ughetti et Franck Courchamp. Dans ce quatrième épisode, on prend la mer !
L’Héritage du dodo, c’est une bande dessinée pour tout comprendre à la crise du climat et de la biodiversité. Chaque semaine, on explore la santé des écosystèmes, on parle du réchauffement climatique mais aussi de déforestation, de pollution, de surexploitation… On y découvre à quel point nous autres humains sommes dépendants de la biodiversité, et pourquoi il est important de la préserver. On s’émerveille devant la résilience de la nature et les bonnes nouvelles que nous offrent les baleines, les bisons, les loutres…
On décortique les raisons profondes qui empêchent les sociétés humaines d’agir en faveur de l’environnement. On décrypte les stratégies de désinformation et de manipulation mises au point par les industriels et les climatosceptiques. Le tout avec humour et légèreté, mais sans culpabilisation, ni naïveté. En n’oubliant pas de citer les motifs d’espoir et les succès de l’écologie, car il y en a !
Retrouvez ici le quatrième épisode dédié aux océans !
Ou rattrapez les épisodes précédents :
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Une BD de Franck Courchamp & Mathieu Ughetti
Qui sommes-nous ?
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Créé en 2007 pour accélérer et partager les connaissances scientifiques sur les grands enjeux sociétaux, le Fonds Axa pour la Recherche a soutenu près de 700 projets dans le monde entier, menés par des chercheurs originaires de 38 pays. Pour en savoir plus, consultez le site Axa Research Fund ou suivez-nous sur X @AXAResearchFund.

Cette BD a pu voir le jour grâce au soutien de l’Université Paris Saclay, La Diagonale Paris-Saclay et la Fondation Ginkgo.
Mathieu Ughetti ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.
20.05.2025 à 08:43
Les paradoxes de l’ozone, à la fois protecteur, polluant et gaz à effet de serre
Texte intégral (1112 mots)

Dans la stratosphère, l’ozone protège la vie sur terre en absorbant des rayons UV nocifs. Mais, en dessous, dans la troposphère, il est à la fois polluant et gaz à effet de serre. Les clés d’un paradoxe, expliquent Sarah Safieddine, Camille Viatte et Cathy Clerbaux (Sorbonne Université).
Saviez-vous qu’il existe un « bon ozone » et un « mauvais ozone » ? Selon l’altitude où on la rencontre, la molécule est soit d’une absolue nécessité pour la vie sur terre, soit un gaz à effet de serre doublé d’un polluant néfaste pour la santé.
Naturellement présent dans notre atmosphère, l’ozone, du latin « ozein » (qui signifie « sentir », ce gaz ayant une senteur caractéristique qui permet de le détecter), a été identifié en 1840. L’ozone joue un rôle radicalement différent selon qu’on le rencontre dans la stratosphère (15 à 35 km d'altitude et où l’on retrouve 90 % de l’ozone atmosphérique total) ou dans la troposphère (moins de 10 km).
Protecteur ou polluant
Dans la stratosphère, il joue un rôle de bouclier protecteur en absorbant la plupart des UV nocifs pour l’ADN du vivant. Dans les années 1980, les scientifiques ont pris conscience que les activités humaines avaient perturbé cette couche d’ozone, au point qu’un trou s’y développe chaque printemps, ce qui a entraîné la naissance du protocole de Montréal en 1987. Ratifié par 197 Etats, il a permis de limiter l’usage des substances problématiques, principalement des chlorofluorocarbures et des halons, utilisés notamment pour la réfrigération et la climatisation.

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Dans la troposphère en revanche, l’ozone devient un polluant aux effets néfastes tant pour la végétation que pour la santé humaine. Cet irritant des voies respiratoires supérieures a également un effet phytotoxique sur les plantes, entraînant des pertes de rendement agricole. C’est un polluant dit « secondaire », produit sous l’effet d’un ensoleillement important et de températures favorables, avec des pics au printemps et en été, du fait de l’ensoleillement et de la durée du jour accrus. Il existe de nombreux précurseurs de l’ozone, comme les oxydes d’azotes (NOx) émis par le trafic automobile et l’industrie, ainsi que les composés organiques volatils (COV) générés par les activités humaines et par la végétation.
Une question globale
La stratégie de lutte contre l’ozone troposphérique est de réduire les émissions de gaz précurseurs. La principale difficulté : la chimie de l’ozone est non linéaire. Selon le dosage en NOX et COV, de l’ozone pourra être formé ou être détruit. Il en découle que si les réductions ne sont pas équilibrées, on pourra aboutir à encore plus d’ozone. Paradoxalement, c’est dans les campagnes, à quelques dizaines de kilomètres des villes, que les conditions sont réunies pour que les concentrations d’ozone soient plus élevées.
Comme l’ozone stratosphérique, l’ozone troposphérique est aussi une question globale : plus de 50 % de la mortalité qui en découle en Europe est associée à de l’ozone transporté depuis les dehors du continent. Il y a urgence : en 2021, l’exposition à court terme a causé 22 000 décès prématurés dans le vieux continent, et l’augmentation des températures devrait encore davantage favoriser la production d’ozone. Ce texte est la version courte de l'article écrit par Sarah Safieddine, Camille Viatte et Cathy Clerbaux (Sorbonne Université)

Cet article a été édité par le service Environnement de The Conversation à partir de la version longue écrite par Sarah Safieddine, Camille Viatte et Cathy Clerbaux (Sorbonne Université).
19.05.2025 à 12:04
Paradoxe de l’indice de durabilité : les écolos remplacent plus fréquemment leurs produits
Texte intégral (1316 mots)

Le 8 avril dernier, l’indice de réparabilité laissait place à l’indice de durabilité. Pourtant, les consommateurs sensibles à l’environnement – écoconsuméristes – ont tendance à remplacer leur produit plus fréquemment que la moyenne. Alors, comment expliquer cette contradiction ?
Annoncé par le gouvernement en 2024, l’indice de durabilité entre en vigueur en France en 2025 pour deux catégories de produits. C’est déjà le cas pour les téléviseurs depuis le 8 janvier, et le 8 avril, les lave-linge. En affichant une note sur dix, cet indice informe les consommateurs sur le caractère plus ou moins durable des produits concernés.
Stimulées par des innovations constantes, des lancements fréquents de nouvelles versions ou des designs plus attractifs, la majorité des ventes de biens durables sont désormais des ventes de remplacement. Parmi ces biens de consommation destinés à offrir des services utiles à un consommateur, par une utilisation répétée, sur une période prolongée, une bonne partie remplace des produits qui marchent encore. La période d’utilisation d’un bien durable est devenue un enjeu majeur de la consommation durable. Plus elle est courte, plus le problème des ressources nécessaires pour leur production et celui de la gestion des déchets sont importants.
Les raisons qui poussent les consommateurs à remplacer des objets qui remplissent encore leur fonction première (c’est-à-dire la plus importante) ne sont pas encore claires. Afin d’y répondre, nous avons dans une recherche récente menée auprès de 948 consommateurs, étudié le concept d’obsolescence perçue des objets, ou le fait de remplacer un produit qui marche encore. Alors pourquoi ce paradoxe ?
Écoconsuméristes
En ce qui regarde l’obsolescence perçue des produits, nous avons identifié cinq dimensions :
la dimension technologique : « Il n’est pas aussi efficace que les derniers modèles » ;
la dimension esthétique : « Je trouve ce design un peu vieillot » ;
la dimension environnementale : « Ses performances environnementales ne sont pas bonnes » ;
la dimension sociale : « J’ai un peu honte d’utiliser cet objet en présence d’autres personnes » ;
la dimension commerciale ; « Ce type d’objet est impossible à revendre ».
Nous avons identifié trois profils de consommateurs, que nous avons baptisés les « éco-consuméristes », les « indifférents » et les « éco-modérés ».
Suite à l’identification de ces trois profils, nous avons étudié leurs caractéristiques. Les « éco-consuméristes » sont ceux qui se déclarent les plus sensibles à l’environnement, avec un score de 5,07 sur une échelle de 7 points, contre 3,87 pour les indifférents. Ils sont également ceux qui ont l’intention de renouveler leur produit (score de 4,99 contre 3,01), raccourcissant ainsi leur période d’utilisation. Ce groupe représente 30 % de notre échantillon de 948 consommateurs.
À lire aussi : Réparabilité, durabilité… Comment changer nos imaginaires pour rendre la sobriété désirable ?
Ces « éco-consuméristes » sont les plus innovateurs. Ils sont plus enclins à acheter les innovations, avec un score de 4,92 contre 3,32 pour le groupe des indifférents, les plus matérialistes (5,09 contre 3,96), et les plus sensibles aux jugements des autres (score de 4,46 contre 3,54). On y trouve également légèrement plus de femmes (58 %, contre 53 % pour les indifférents).
Produits récents les plus performants environnementalement
Ces consommateurs « écolos » sont en effet pris dans un paradoxe : les produits les plus récents sont aussi ceux qui ont les performances environnementales les meilleures, en termes de consommation énergétique, ou de consommation d’eau par exemple. Un consommateur interrogé nous a ainsi déclaré :
« Mon grille-pain. Je pense qu’il est obsolète. Il est un peu vieux et, à mon avis, consomme beaucoup d’énergie, ceux qui sortent maintenant doivent être plus écologiques. »
Ceci explique que ces consommateurs sont aussi ceux qui ont l’intention de remplacer leur produit actuel dans le futur le plus proche (score de 4,42 sur 7 contre 2,21 pour les indifférents).
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Chaque lundi, des informations utiles pour votre carrière et tout ce qui concerne la vie de l’entreprise (stratégie, RH, marketing, finance…).
Un client avec une forte sensibilité à l’environnement peut ainsi préférer renouveler un lave-linge qui fonctionne encore, pour faire le choix d’acheter un lave-linge qui permet de laver à basse température ou d’adapter sa consommation d’eau. Les fabricants de ces biens durables ont donc intérêt à mettre en avant les performances environnementales des innovations. L’enjeu : convaincre ce segment de clients d’acheter précocement un nouveau produit, malgré leur conscience écologique.
Seconde vie des biens
Ce renouvellement anticipé peut avoir des conséquences écologiques néfastes, si cela n’est pas couplé à des solutions pour la seconde vie des biens : organisation d’un marché de seconde main, reconditionnement, don, ou encore de gestion ou valorisation des déchets (recyclage). Au vu de la sensibilité environnementale du segment des « éco-consuméristes », ceux-ci sont plus enclins à avoir recours à ces solutions permettant de réduire l’impact écologique du renouvellement anticipé des produits… même si celles-ci nécessitent des efforts supplémentaires de leur part.
Les pouvoirs publics, eux, dans une perspective de développement durable, devraient donc à la fois promouvoir la mise en place de ces solutions de seconde vie, mais également alerter sur les coûts associés à la gestion de la fin de vie de ces produits durables, souvent coûteux à recycler, ou à détruire. Ainsi, les clients, et notamment les plus sensibles à l’environnement, pourraient mieux prendre en compte ces coûts dans leurs décisions de renouvellement. Il faut également noter que nos résultats suggèrent que la mise en avant de l’amélioration des performances énergétiques des biens durables, encouragée par les pouvoirs publics, pourrait paradoxalement accentuer ce phénomène de renouvellement anticipé des biens durables.
Il serait donc intéressant, pour évaluer l’impact complet de ces comportements paradoxaux, de comprendre quels sont les comportements de ces consommateurs « écoconsuméristes en termes de seconde vie des produits ou de gestion des déchets. Ont-ils recours à la revente d’occasion, au don, au recyclage ?

Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.