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02.11.2025 à 12:30

Le programme, ou l’illusion du contenu
Tous nos hommes et femmes politiques n’ont d’autre volonté que de proposer aux Français un « Programme ». Mais qu’est-ce qu’un programme politique sinon l’équivalent d’un programme télé avec ses créneaux horaires parfaitement bien calibrés :
– entre 14 et 17 heures, c’est le segment dédié à la ménagère de plus de 50 ans ;
– de 17 à 19 heures, c’est le temps des enfants ;
– de 19 à 21 heures, c’est celui des infos anxiogènes pour faire fructifier le business de la peur et de la sécurité ;
– de 21 à 23 heures, c’est le temps des adultes, du sport et des films d’action ;
– la nuit même les noctambules y trouvent leur compte ;
– de 6 à 9 heures du matin, c’est le temps des gens qui se lèvent tôt, ouvriers, employés ou cadres dynamiques ;
– de 9 heures à midi, le temps de ceux qui n’ont rien à faire mais qu’il faut amuser et occuper ;
– de 12 à 14 heures, le temps des infos anxiogènes pour faire fructifier le business de la peur et de la sécurité.
Sinon, tout le temps, H24, sur les chaînes d’infos en continu, des nouvelles anxiogènes pour faire fructifier le business de la peur et de la sécurité.
À chaque horaire ses propres publicités, lesquelles sont comme autant de discours rassurants pour chaque segment de la population, surtout avant les élections quelles qu’elles soient. Autrement dit, un programme est destiné à faire plaisir à tout le monde, « quoi qu’il en coûte ». Une fois au pouvoir, étant donné que le principe de réalité est toujours à l’heure, toutes les promesses ne peuvent évidemment pas être tenues et il y a surtout des déçus, le programme agité par les mécontents comme un chiffon rouge. « Mais c’était dans le programme », pleurnichent-ils avec le désespoir de ceux qui se sentent floués… Depuis vingt ans, la même comédie se rejoue : un menu de promesses, des déçus et, depuis dix ans en particulier, c’est surtout le programme de la ménagère de plus de 50 ans, celui des Brigitte, qui obtient les meilleures audiences.
La politique réduite à un plan marketing
Ceux et celles qui confondent politique et programme sont soit naïfs, soit cyniques. Ceux-ci et ceux-là sont à foison. En effet, une politique s’adresse à tous au nom de l’intérêt général ; un programme, lui, cible des intérêts particuliers.
La preuve : pourquoi faut-il quarante ministres pour gouverner ? Parce qu’il faut contenter chaque communauté, chaque chapelle. Chacun a son portefeuille, sa petite promesse à honorer, son « élément de langage » à répéter. Faire semblant d’honorer les promesses de son programme, c’est tenter de faire plaisir à toutes les parties qui composent le gouvernement.
Résultat : plus personne ne connaît les noms des ministres, sauf une ou deux figures médiatiques. Et quand le Président ou le Premier ministre se plaint des « couacs », il oublie qu’ils sont inévitables : mettez quarante ego dans une même pièce, et tôt ou tard l’un d’eux dira une bêtise.
La parole politique s’est fragmentée : chacun prêche pour sa paroisse, voire même en latin pour certains qui veulent être sûrs que personne n’y comprend rien. La secte des communicants a remplacé l’art de gouverner. C’est la raison pour laquelle, à tout prendre, les puissants de la planète, et les impuissants chez nous, contre la science et contre le bons sens, ne se privent plus désormais de raconter n’importe quoi. Les mêmes qui souhaitent le retour de l’Inquisition en tiennent pourtant encore de leur « Programme ». Là, parmi les imbéciles, on est chez les champions comme dirait Astérix ! Quelle farce ! Et en mondiovision encore !
Le même mal ronge l’architecture
Le parallèle avec l’architecture est évident. Autrefois, un maître d’ouvrage exprimait un besoin et un budget ; l’architecte proposait une vision, un projet. Il y avait des plans, des coupes, des règles mais pas encore de programme castrateur. Beaubourg ou la Grande Arche sont nés d’un concours d’idées, pas d’un cahier des charges épais comme un dossier judiciaire.
Aujourd’hui, un PLUi (Plan Local d’Urbanisme Intercommunal) d’une ville moyenne compte plus de 8 700 pages, dont 266 rien que pour expliquer son propre fonctionnement !** Et il faut autour de l’architecte pas moins d’une vingtaine de personnes parfois pour répondre à un petit projet public. C’est vrai quoi, comment espérer qu’un architecte seul soit capable de répondre au programme d’un bâtiment sobre, frugal, vegétalisé, biosourcé, biotopique, géosourcé, réversible, flexible, labellisé, certifié (au moins cinq fois !), passif, actif, bas carbone, construit avec des matériaux issus du réemploi et en concertation et coconception sous l’égide d’un écologue et d’une sévère maîtresse d’usage, bref un ouvrage bioclimatique, renouvelable, durable et Feng shui. J’en oublie sans doute. Le tout au prix du logement social.
L’architecte aimait à s’imaginer chef d’orchestre, il gère aujourd’hui la cacophonie, avec des gens qui se plaignent de n’être pas assez nombreux pour étudier les 8 700 pages du PLUi qu’ont pondu les fonctionnaires zélés du bureau d’à-côté ! Pour information, le Petit Robert – vous savez, le dictionnaire, pas le fils du voisin – compte 1 300 pages ! Cherchez l’erreur ! Quand il faut presque autant de temps pour construire en campagne une école de quatre classes que de reconstruire Notre-Dame, le problème n’est plus technique, il est systémique.
Un système programmatique à bout de souffle
Notre administration ressemble à une armée mexicaine : plus soucieuse de se nourrir elle-même que d’obtenir des résultats. La politique comme l’architecture sont devenues des machines à programmes, où l’efficacité s’efface devant la conformité.
L’exemple du Louvre est révélateur. Au lieu de se réjouir d’un projet de bon sens, les pouvoirs en place ont préféré lancer un programme complexe baptisé « Renaissance du Louvre », lequel impose une nouvelle entrée à l’est, quand la simplicité – et l’évidence – se trouvent à l’ouest. C’est l’illustration parfaite de ce culte du programme pour le programme, où la réflexion cède le pas à la procédure. Sont mobilisés des comités, des rapports, des concertations, tout cela pour redessiner une porte… Peut-être eût-il été plus avisé de commencer par sécuriser les collections, histoire d’éviter le jour venu le « casse du siècle ». Ironie du sort : on prétend « réinventer » un musée universel sans même protéger ce qu’il contient. Voilà le programme dans toute sa splendeur : bavard, coûteux et oublieux du bon sens.
En réalité, d’évidence, à l’Assemblée nationale comme dans nos campagnes et nos entrées de ville, c’est un système programmatique entier qui s’effondre. Et l’architecture, parfaitement en phase, de plus en plus médiocre, en est le parfait symbole.
Peut-être, comme le suggère un ami architecte, le gouvernement ne devrait-il être composé que de trois ministres : un ministre de l’économie ; un ministre du territoire (de la ville, de la culture, de l’écologie, etc.) ; un ministre de la Défense et de la Santé.
Trois cerveaux qui pensent, plutôt que quarante « éléments de langage ». Les décisions seraient sans doute plus cohérentes, surtout si elles sont fondées non sur un plan de communication mais sur une politique globale qui n’aurait rien d’un programme mais tout d’une volonté incorruptible d’œuvrer au rétablissement du pays. Bref…
Au moins, aujourd’hui, dans leur malheur, les hommes et femmes de l’art, quand l’orchestre disjoncte, peuvent-ils toujours faire appel à un expert en « micro-organisation » qui, à son tour, pourra leur expliquer leur métier.
Christophe Leray (avec J.C.), le 4/11/2025
Pour l’incurie politique et architecturale, demandez le programme !
* Lire notre édito Rachida 5 sur le départ, quel Mickey 6 pour le ministère de la Culture ?
** Lire la chronique 1935 – 2025, 90 ans de dérive administrative…
02.11.2025 à 12:02

Belle exposition dans sa scénographie, dans la plénitude de ses documents, dans l'aventure reconsidérée du génie Shakespearien à l'aune de sa reconnaissance publique, Orson Welles a traversé l'histoire du cinéma hollywoodien en artiste libre et visionnaire, s'attachant à la fluidité d'un regard qui ne cesse de couler et de s'éprendre d'un monde qui chavire et qui se tend...
Vous vivrez ici les différents chapitres qui ont permis de raconter cette histoire hors gabarit, provocante, passionnée, dramatique, auto-dérisoire, sérieuse, intense, magnifique, et de rire en compagnie du cinéma d'Orson Welles ou d'en être éclairé...
Au fil des 5 sections de l’exposition, 400 œuvres aideront le public à mieux comprendre la singularité et le processus de création d’Orson Welles : photographies (de Xavier Lambours, Alexandre Trauner, Nicolas Tikhomiroff, Roger Corbeau, Irving Penn ou encore Cecil Beaton), archives, dessins, boucles audiovisuelles et installations. Outre des extraits généreux de ses films, l’exposition rassemble une quarantaine d’œuvres de la création d’Orson Welles en tant que dessinateur et sculpteur.
Catalogue de l’exposition édité par Les Éditions de la Table Ronde (Ouvrage collectif)
Une exposition produite par la Cinémathèque française
Commissaire : Frédéric Bonnaud, Directeur général de la Cinémathèque française, assisté de Hannah Froidevaux
Conseillers scientifiques : Esteve Riambau et François Thomas
-> toutes photos de Pascal Therme
Pascal Therme, le 4/11/2025
My Name is Orson Welles ->11/01/2026
Cinémathèque française 51, rue de Bercy, 75012 Paris
02.11.2025 à 11:42

A la chaleur des salons et de cette lumière chaleureuse répond ce portrait générique des français, dans leur profession, dans leur choix de vie, à la chasse comme à la cave, aux professions d'avocates, de boulanger, de vignerons, d'éleveurs, de boucher, de producteurs bio, forestiers, que l'on soie dans un hara, à l'hôpital, dans un garage en banlieue ou en ville, à la mer comme à la montagne etc...
Il sera question d'un corpus de plus de 30 000 photographies portraits mises en scènes sur fond de bâche photo et de flash électronique, un peu dans l'idée de Penn et des Hell's Angels photographiés en noir et blanc en 1967 à San Francisco, en studio.. Ici le studio est mobile, il se déplace de ville en ville, pour cette itinérance à la Demy et au jour qui vient, toujours en quête de visages, de sourires d'émotions, de vérités... en quelque sorte un contre Fake à la Orson Welles...
Peu importe, l'exposition est très impressionnante, répond d'une France Heureuse et solidaire, unie autour de ses traditions, ouverte aux autres cultures, métissée, et fière de l'être...
Beaucoup d'images à regarder, tant la boulimie et la joie rabelaisienne de Yann Arthus-Bertrand est une réponse à l 'angoisse de la période, aux politiques de la division, aux discriminations, ici se joue un hymne tout républicain dans sa ferveur, son intrinsèque retour aux gens qui font la france tous les jours, à ces corps, ces visages, ces sourires qui n'en finissent pas, ce sel de la terre, qui ici vit à l'enthousiasme héroïque du Shaman Yann Arthus Bertrand, d'autant que les textes qui accompagnent les images sont d'autant plus pertinents qu'ils nous éclairent sur bien des situations (la forêt pour exemple).
"C’est dans ce contexte que la Fondation Good Planet porte aujourd’hui France, un album de famille de Yann Arthus-Bertrand, en collaboration avec l’historien démographe Hervé Le Bras, auteur des cartels enrichis de l'exposition. En réunissant des portraits venus de tous horizons, elle nous rappelle le vivre-ensemble et notre capacité à nous unir face aux grands défis que nous traversons. A travers 150 photographies, l’exposition propose un portrait lumineux de la France telle qu’elle est : diverse, singulière, solidaire. Le temps d’une visite, elle devient un espace de mémoire, de partage et d’espoir. "
Pascal Therme, le 4/11/2025 : reportage + toutes les images
Yann Arthus-Bertrand et Hervé Le Bras - France, un album de famille
Fondation Godd Planet - Mairie de Paris, place de l’Hôtel de Ville 75001 Paris
Yann Arthus-Bertrand et Hervé Le Bras - France, un album de famille - éditions Actes Sud 800 Pages