"La chute de la lecture n'est pas une fatalité", a affirmé le ministre de l'Education Edouard Geffray en visitant, avec son homologue de la Culture Rachida Dati, le salon du livre de jeunesse de Montreuil (Seine-Saint-Denis).
Mais "il y a urgence à agir" car le constat de "la désaffection" de la lecture est "indiscutable", a alerté le président du comité de pilotage de ces Etats généraux, Nicolas Georges, directeur du livre au ministère de la Culture.
Les 7-19 ans passent en moyenne 19 minutes à lire quotidiennement, contre plus de trois heures sur les écrans, soit dix fois plus, selon une étude pour le Centre national du livre.
20% des jeunes, dont 38% des 16-19 ans, ne lisent pas du tout dans leurs loisirs, et, aux yeux de beaucoup d'entre eux, "la lecture n'est pas sexy", a précisé Nicolas Georges.
C'est particulièrement vrai pour les adolescents garçons, dont la lecture s'effondre en collège, au niveau de la classe de 4e.
Ceux qui lisent sont traités d'"intellos", qui "ne socialisent pas", a témoigné Théo, un lycéen, lors d'une discussion avec des jeunes pendant le salon, en regrettant cette stigmatisation.
De ce fait, "il y a une féminisation très forte de la lecture", a ajouté Nicolas Georges.
Pas "une activité solitaire"
Pour réhabiliter la lecture, les membres du comité de pilotage des Etats généraux ont appelé au lancement d'un "plan sur dix ans" basé sur 15 propositions.
Parmi elles, figurent l'amélioration de la formation à la lecture des enseignants, la sensibilisation des familles sur l'importance des rituels, comme la lecture du soir, ou le soutien des initiatives, souvent locales, pour moderniser l'image du livre.
"La lecture n'est pas uniquement une activité solitaire. Elle permet aussi de sociabiliser", a souligné Eléora, une lycéenne très active dans la communauté de lecteurs BookTok sur TikTok. "J'ai lu les Trois mousquetaires grâce à elle", a-t-elle indiqué.
Rachida Dati a indiqué que les propositions des Etats généraux serviraient à la mise en place d'"une feuille de route" par les deux ministères car "une coopération plus structurée" est nécessaire sur ce dossier.
Elle a assuré qu'ils essaieraient de trouver "des moyens financiers" pour ce plan, en évoquant le principe du "pollueur payeur" appliqué aux acteurs du numérique. "Il faut une concurrence plus équitable. Il faut faire payer les écrans", a avancé Nicolas Georges.
Les propositions des Etats généraux insistent notamment sur l'importance de penser le rapport des jeunes à la lecture "comme une continuité, de la naissance à l'âge adulte".
"La lecture commence avant de savoir lire", a précisé Édouard Geffray, une préoccupation marquée par la création cette année du prix pour "le livre pour bébé" par le ministère de la Culture.
Selon le ministre de l'Education, des études ont démontré l'importance de la lecture pour réussir à l'école: "plus vous avez de livres à la maison, plus les résultats scolaires s'améliorent" et "plus un jeune a un champ lexical diversifié, mieux il réussit".
L'une des membres des Etats généraux, la neuropsychologue Sylvie Chokron a souligné que la lecture était "un problème de santé publique". Elle "active la totalité du cerveau", contrairement aux écrans, qui "altèrent notamment la concentration et l'attention", a-t-elle expliqué.
"Le combat du livre n'est pas un combat désuet", a estimé un autre membre, le romancier Timothée de Fombelle, auteur de la trilogie jeunesse à succès "Alma". "Au contraire, le livre est un outil qui peut régler bien des problèmes de notre société, comme ceux portant sur les liens sociaux ou la santé mentale".